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Ex. C.R. EXCHEQUER COURT OF CANADA 289 ENTRE : 1962 juin 4 Dame THÉRÈSE DESLAURIERS- REQUÉRANTE; décembre 3 DRAGO ET SA MAJESTÉ LA REINE INTIMÉE. CouronnePétition de droitChute à un aérogareBlessures corporelles Responsabilité de la CouronneLoi sur la responsabilité de la Cou-ronne, S. du C. 1952-53, 1-2 Elizabeth II, ch. 30, arts. 3(1)(a) et (b), 4(2), 4(4) et (5)—Responsabilité indirecteResponsabilité directe Préposé de la CouronneManquement au devoir afférent à la propriété, l'occupation, la possession ou le contrôle de biensAvis de réclamationOmission de donner avis de réclamation. Après sa descente d'un avion d'Air-Canada, à l'aérogare de l'Ancienne-Lorette, à Québec, fin d'après-midi de décembre 1957, la pétitionnaire buta contre une marche située à quelques pieds à l'extérieur de la porte donnant accès à l'aérogare, trébucha et, en tombant, se blessa le genou droit. Attribuant l'accident au fait que la marche n'était pas alors éclairée par suite d'une panne d'électricité à l'aérogare et, à raison de ce manquement, avoir droit à une indemnité de la part de la Couronne, la pétitionnaire poursuivit en recouvrement de ses dom-mages. La Cour, sur les faits mis en preuve, conclua que l'accident était arrivé au cours d'une panne complète d'électricité et n'est à aucune négligence ou imprudence de la part de la pétitionnaire dans ses gestes qui ont précédé ou accompagné sa marche vers la porte d'accès de l'aérogare jusqu'au moment de l'accident; laissant seulement à déterminer dans les circonstances de la cause la responsabilité de la Couronne en vertu de la Loi sur la responsabilité de la Couronne, S. du C. 1952-53, 1-2 Elizabeth II, ch. 30, art. 3(1)(a) et (b) qui se lit comme suit: «3. (1) La Couronne est responsable in tort des dommages dont elle serait responsable, si elle était un particulier en état de majorité et capacité, a) à l'égard d'un acte préjudiciable commis par un préposé de la Couronne, ou b) à l'égard d'un manquement au devoir afférent à la propriété, l'occupation, la possession ou le contrôle de biens». Jugé: Pour réussir contre la Couronne sous l'article 3(1)(a) de la Loi sur la responsabilité de la Couronne, la pétitionnaire doit se conformer aux exigences de l'article 4(2) de la même loi qui confirme que la responsabilité de la Couronne dans un tel cas est une responsabilité déléguée, (vicarious), indirecte en vertu du principe respondeat superior et non pas une responsabilité directe. Cf. Magda v. The Queen [1953] Ex. C.R. 22 à la p. 31; Canadian National Railways Co. v. Lepage [1927] S.C.R. 575 à la p. 578. 2. La pétitionnaire doit donc établir clairement qu'un ou des préposés de la Couronne ont été négligents dans l'exécution de leurs devoirs et fonctions; que les blessures subies par la pétitionnaire sont le résultat de cette négligence, et que la négligence du ou des préposés est telle 64208-2la
290 EXCHEQUER COURT OF CANADA [1963] 1962 qu'il ou ils pourraient en être tenus personnellement responsables si il ou ils avaient été poursuivis. Le fardeau de la preuve quant à ces DAME THÉRÉSE faits appartient à la pétitionnaire et aucune présomption ne peut DESLAII- déplacer cette obligation statutaire, le texte qui impose la responsa-RIERS-DRA00 bilité venant d'une loi statutaire fédérale spéciale et non pas du Code V. SA MAJESTÉ civil du Québec. Ici, d'après la preuve, l'obligation relative à la sécurité LA REINE de la pétitionnaire à l'endroit elle est tombée était celle de la compagnie qui transporte les passagers. Comme aucun des employés ou proposés de la Couronne n'avait le devoir d'assurer la sécurité de la pétitionnaire de l'avion d' elle descendait jusqu'à l'aérogare, la Couronne ne peut être recherchée en responsabilité sous l'article 3(1)(a) de la loi susdite. 3. L'article 3(1) (b) de la Loi sur la responsabilité de la Couronne prévoit, par contre, une responsabilité directe «à l'égard d'un manquement au devoir afférent à la propriété, l'occupation, la possession ou le contrôle des biens». Une réclamation non recevable contre la Couronne sous l'article 3(1)(a) pourrait l'être sous l'article 3(1)(b) par suite d'une responsabilité directe du maître représenté par son préposé. Cf. The King v. AnthonyThe King v. Thompson [1946] S.C.R. 569 à la p. 572. 4. Cette dernière responsabilité, cependant, ne peut être retenue contre la Couronne que si la formalité prévue à l'article 4(4) de la loi susdite a été suivie, sauf si, dans l'opinion du tribunal comme dans les cir-constances de la présente cause, le défaut, de se conformer à la formalité requise n'est pas un obstacle légal aux procédures. 5. La faute d'omission peut engendrer une responsabilité à condition que la' négligence d'agir corresponde à un devoir d'agir, à savoir, dans Ies circonstances de la présente cause, si la Couronne par ses employés a pris le soin et les précautions qu'eut pris un propriétaire prudent et diligent. Cf, Œuvre des terrains de jeu de Québec vs. Cameron (1940) 69 B.R. 112; Massé vs. Gilbert [1942] B.R. 181. Ici, d'après la preuve, la Couronne ayant la garde, le contrôle, la possession, l'occupation de l'aérogare, édifice destiné au public, avait le devoir une fois le courant coupé de prendre les mesures d'urgence qui s'imposaient pour em-pêcher tout accident. PÉTITION DE DROIT par laquelle la pétitionnaire cherche à recouvrer de la Couronne des dommages pour blessures subies à la suite d'une chute survenue à un aérogare. La cause fut instruite devant l'Honorable Juge Noël à Québec. Roch Lefrançois pour la pétitionnaire. Raymond Roger pour l'intimée. Les faits et les questions de- droit sont exposés dans les motivés de la décision que rend maintenant (3 décembre 1962) monsieur le juge Noël: Par cette pétition de droit la requérante cherche à, re-couvrer de la Couronne des dommages pour blessures
Ex. C.R. EXCHEQUER COURT OF CANADA 291 subies à la suite d'une chute survenue à l'aérogare de 1962 l'Ancienne-Lorette, à Québec, le 24 décembre 1957, vers DAME les six heures trente de l'après-midi dans les circonstances n$sR Un suivantes. RIERS-DRAGO V. En effet, après être descendue d'un avion d'Air-Canada, SA M Ajssré LA REINE elle buta contre une marche, trébucha et tomba sur ses genoux, se blessant le genou droit; cette marche se trouve Noël J. à quelques pieds à l'extérieur de la porte qui donne accès à l'aérogare, dans une allée habituellement réservée aux passagers. Bien que, suivant monsieur Henri Gourdeau, régisseur régional de l'Aviation Civile, un employé du ministère des Transports, la compagnie d'aviation qui transporte les pas-sagers doit s'occuper de ces derniers de l'avion au taxi, c'est le ministère des Transports fédéral qui a le contrôle de l'aéroport à l'intérieur et à l'extérieur ainsi que des pistes d'atterrissage. La requérante a attribué son trébuchement et sa chute au fait que la marche elle buta n'était pas éclairée par suite d'une panne d'électricité et, à raison de ce manque-ment, elle prétend avoir droit à une indemnité de la part de l'intimée pour ses dommages du fait que les préposés de l'intimée n'ont pas éclairé cette marche ou du moins ne l'ont pas indiquée. Elle poursuit donc l'intimée en paiement d'une indemnité de $10,327.76 avec intérêts et dépens. Aux paragraphes 16, 17, 18 et 19 de la «Pétition de droit» la requérante allègue: 16. Cet accident est uniquement à la négligence des préposés du Ministère des Transports au service de Sa Majesté, qui ont omis de prendre les mesures de sécurité qui s'imposaient pour signaler un obstacle qui constituait un réel danger; 17. La requérante observait au moment de l'accident toutes les règles de la prudence, et cet accident qu'elle n'a pu éviter est uniquement au manque de précautions et à la négligence des préposés de sa Majesté; 18. Les préposés de sa Majesté sont complètement responsables de l'accident dont la requérante fut victime, et lui sont redevables des dom-mages qu'il lui a causés; 19. Sa Majesté est également responsable des dommages causés par ses préposés pendant l'exercice de leurs fonctions; Bien que les préposés de l'aérogare admettent qu'il y eut, le jour de l'accident et à la même heure, des pannes inter-mittentes d'électricité, ils déclarent qu'au moment de la descente de l'avion qui transportait la requérante, la piste 64208-2-11a
292 EXCHEQUER COURT OF CANADA [1963] 1962 d'atterrissage était éclairée; d'autre part, il semble bien DAME que la voie d'accès à l'aérogare que suivait la requérante, T D H E ÉR S È L SE A II- et plus particulièrement la marche elle buta, était plus RIER V. s-DRAco ou moins éclairée, si l'on s'en tient aux déclarations des SA MAJESTÉ préposés de l'aérogare, et pas du tout si l'on s'en remet à LA REINE celles de la requérante. Noël J. Celle-ci déclare en effet qu'il faisait très noir quand elle est descendue de l'avion; elle déclare en effet à la page 82 des notes sténographiques: Q. Vous jurez qu'il n'y avait pas de lumières? R. Il n'y avait pas de lumière près de la marche, non. et à la page 83: Q. Si je comprends bien, madame Drago, vous dites que vous étiez en pleine noirceur, sauf les chandelles qu'il y avait à l'intérieur? R. Oui, en dehors, c'était en pleine noirceur sur le trottoir c'était noir. Monsieur Louis-Philippe Leroux, un employé de l'intimée à l'aérogare, admet que le soir en question il y eut une panne d'électricité et qu'après une restauration partielle du pouvoir, suffisante, déclare-t-il, mais non pas complète, elle leur permit de faire leurs opérations habituelles sur le tablier en face de l'aérogare. Il déclare à la page 46 des notes sténographiques: Nous avions assez de lumière, ce n'était pas à cent pour cent, mais on en avait suffisamment pour faire l'ouvrage à l'avion environ cent trente-cinq pieds (135') de l'aérogare. On ne s'occupe pas des passagers, nous avions assez de lumière ... . Et à la page 48, en réponse à une question de la Cour il déclare : Q. Quand vous dites «la restauration du pouvoir temporaire est-ce que ça éclairait autant, au point de vue luminosité, que le pouvoir permanent? R. Le pouvoir temporaire que nous avions n'était pas à cent pour cent. Q. Qu'est-ce que c'était? Quinze pour cent? R. Ca, je ne sais pas, je ne peux pas dire que c'était à soixante (60), quarante (40) ou cinquante (50) pour cent, je ne sais pas du tout, mais on en avait suffisamment pour faire notre ouvrage aux avions. Un peu plus tard il déclare que les lumières éclairaient le devant de l'aérogare et que plus l'on s'en éloignait, plus l'éclairage était faible; d'autre part, plus on s'en approchait, plus l'éclairage augmentait.
Ex. C.R. EXCHEQUER COURT OF CANADA 293 A tout événement, étant donné l'incertitude de ce témoin 1962 sur l'intensité de l'éclairage à l'endroit de l'accident et en DAME face d'une déclaration catégorique de la requérante à l'effet THERÈS DESLAUE que près de cette marche il faisait noir, déclaration d'ail- RIERS-DRAGO leurs confirmée par son époux, et rendue plus que plausible SA MAJESTÉ par une déclaration de monsieur Gérard Gauvin, électricien LA REINE à l'emploi du ministère des Transports, à l'effet qu'après Noël J. l'entrée des deux avions le soir de l'accident on avait de-mandé au ministère des Transports de fermer le pouvoir complètement pour faire la réparation et que ce pouvoir a été fermé pendant vingt à trente minutes, il faut bien accepter la version de la requérante ainsi que l'explication donnée par M. Gauvin. Ce dernier, en effet, à la page 63 des notes sténographiques, déclare en réponse à une question du procureur de l'intimée: Q. Est-ce qu'à un moment donné, après votre arrivée sur les lieux de l'aéroport, dans la soirée, il y a eu un défaut complet d'électricité? R. Oui, la compagnie Québec Power a été obligée de demander au département du Transport s'il pouvait fermer le pouvoir com-plètement pour faire la réparation. Q. A quelle heure ça? R. Probablement après l'entrée des deux avions; on a demandé au département des Transports s'ils avaient des avions en circuit et ils ont dit: non, pas pour le moment, si vous avez une réparation à faire, hâtez vous pour les autres envolées. Q. Ca duré combien de temps ça? R. Ca peut avoir duré la totalité peut-être vingt (20) à trente (30) minutes. La requérante ajoute qu'au moment de l'accident, il faisait également noir à l'intérieur de la salle d'attente de l'aérogare et qu'il y avait des chandelles d'allumées sur les tables. L'on doit donc conclure que l'accident est survenu pendant cette période de vingt à trente minutes le pouvoir électrique fut fermé complètement. On n'avait posté personne près de cette marche pour l'éclairer ou, du moins, pour en indiquer le danger. Disons ici que cette marche fut supprimée peu de temps après pour permettre, disent les employés de l'intimée, aux chaises roulantes de circuler plus facilement. La requérante déclare que dans l'espace de dix minutes son genou droit enfla et elle n'était plus capable de le bouger. On l'aida à monter dans une auto et elle se rendit ainsi chez son père qui demeure à Québec. A la maison, on essaya. de l'installer sur une chaise longue et on lui
294 EXCHEQUER COURT OF CANADA [1963] 1962 appliqua des compresses mais son genou continua quand DAME même de lui faire mal, d'élancer et de grossir. Un médecin THÉRÈs DESLAIIE fut appelé qui lui ordonna le lit et l'hôpital pour le lende- RIERS-DRAGO V. main. Elle se rendit à l'hôpital St-François d'Assise, y SA MAJESTÉ demeura quinze jours et fut sous les soins d'un Dr Moris- LA REINE sette qui ordonna une ponction et qui plaça ensuite son Noël J. genou dans le plâtre qu'elle garda pendant quinze jours. Après l'enlèvement du plâtre, elle se rendit à l'hôpital elle reçut une dizaine de traitements électriques. Elle ne put retourner à New-York avec son mari au mois de janvier à cause des traitements qu'elle devait subir et demeura chez son père, à Québec, jusqu'au début de février 1958. A son retour à New-York elle déclare ne pas avoir été capable de reprendre son travail à la maison, ne pouvoir s'agenouiller pour laver son plancher ni rester debout long-temps et, ajoute-t-elle, lorsqu'elle se couchait le soir, le seul moyen de reposer sa jambe c'était de se coucher sur l'estomac pour que la partie plus haute, située au-dessus du genou, puisse reposer directement sur le matelas. Elle a , par conséquent, pour faire son travail se faire aider à la maison par ses belles-sceurs, des voisines et des bonnes pendant une période de six mois. Elle ajoute que depuis elle a eu deux attaques d'arthrite au genou droit, l'une il y a deux ans et l'autre il y a six mois, qui l'ont empêchée de marcher pendant deux jours. Le Dr Jean-Louis Larochelle, chirurgien-orthopédiste, après avoir examiné la requérante neuf mois après l'accident, soit le 21 octobre 1958, déclare que l'examen radiologique était négatif. A ce moment il y avait cepen-dant, déclare-t-il, un peu d'épaississement de la synovide, c'est-à-dire, l'enveloppe extérieure du genou et un peu de sensibilité sur la face latérale interne du genou vis-à-vis l'interligne articulaire. Ce médecin, en raison d'un examen tant objectif que subjectif, lui accorde une incapacité par-tielle permanente de 3 pour cent. Le rapport du Dr Gaston Morissette, qui a traité la requérante au début, a été tout simplement déposé au dossier comme Exhibit 2 sans que ce médecin ne vienne témoigner. Il diagnostiqua une hémathrose post-traumati-que du genou droit. Son rapport indique qu'en raison des séquelles subjectives notées et d'après les constatations cli-niques et radiologiques qu'il a faites, il fixe, en tenant
Ex. C.R. EXCHEQUER COURT OF CANADA 295 compte de l'évolution future, le taux d'incapacité partielle 1962 permanente de la requérante à 3.5 pour cent. DAME TaùesE Les dépenses de médecin au montant de $154, d'hospita- DEstAII-lisation au montant de $74.16, et les déboursés au montant RIERsRAoo de $99.57 pour remèdes, déplacements, téléphones et autres, SA MAJESTÉ LA REINE donnant un total de $327.73, alléguées respectivement aux paragraphes 8, 9 et 10 de la pétition de droit furent admis Noël J. par le procureur de l'intimée à l'enquête. Elle réclame au paragraphe 11 de sa pétition la somme de $500 pour incapacité totale temporaire pendant un mois et «immobilisation dans ses activités pendant deux autres mois La requérante, au paragraphe 13, réclame une indemnité de $7,500 basée, dit-elle, sur une incapacité permanente de 20 pour cent. Or, ses médecins lui donnent, comme nous l'avons vu, 3 et 3.5 pour cent. Si on retient le 3 pour cent que fixe le Dr Larochelle et qu'on l'applique proportion-nellement aux $7,500, somme qui représente d'après elle 20 pour cent d'incapacité permanente, l'on obtient un montant de $1,125 qui me semble sensiblement plus que raisonnable dans les circonstances. La requérante, au paragraphe 14 de sa pétition de droit, réclame un montant de $2,000 pour douleurs physiques et morales. Si j'étais d'avis que la pétitionnaire a droit à ce qu'elle demande dans sa pétition, je lui accorderais une somme de $327.73 pour ses dépenses et déboursés, et une somme de $1,725 à titre de compensation tant pour son incapacité totale temporaire pendant trois mois que pour son in--capacité partielle permanente et ses douleurs et souffrances. D'autre part, l'intimée allègue qu'elle n'est nullement responsable des dommages que la requérante aurait subis, que la panne partielle d'électricité survenue quelques minutes avant la chute de la requérante était due à des circonstances fortuites sur lesquelles elle n'avait aucun contrôle; que l'accident est uniquement à la faute et la négligence de la requérante, notamment parce qu'elle aurait accéléré le pas et se serait précipitée dans sa marche au moment elle allait entrer dans l'aérogare alors que le chemin qui conduisait à l'aérogare, de même que les abords de cet édifice étaient partiellement plongés dans l'obscurité et, par conséquent, elle n'aurait pas pris les
296 EXCHEQUER COURT OF CANADA [1963] 1962 précautions additionnelles qui s'imposaient dans ces cir- DAME constances, et, enfin, qu'elle aurait , au moment d'entrer DESL nuE dans l'édifice de l'aérogare, redoubler de prudence «vu la RIERS-DRAGO possibilité qu'elle ait eue à gravir des marches ou à franchir V. SA MAJESTÉ le seuil de la porte qui donne dans la salle d'attente de LA REINE l'aéroport Noël J. Disons immédiatement que la preuve ne permet aucune- ment d'attacher la moindre négligence ou imprudence aux gestes de la requérante qui ont précédé ou même accom-pagné sa marche vers la porte d'accès de l'aérogare jusqu'au moment elle buta dans la noirceur contre la marche et tomba sur ses deux genoux. Il semble donc que les seules questions que l'on doive résoudre ici sont d'abord la responsabilité de l'intimée en vertu de la Loi sur la responsabilité de la Couronne en matière d'actes préjudiciables et de sauvetage civil, 1-2 Elisabeth II, c. 30, articles 3(l)a) et b) qui, depuis le 15 novembre 1954, s'applique aux réclamations contre la Couronne; les articles pertinents de cette Loi se lisent comme suit: 3. (1) La Couronne est responsable in tort des dommages dont elle serait responsable, si elle était un particulier en état de majorité et capacité, a) à l'égard d'un acte préjudiciable commis par un préposé de la Couronne, ou b) à l'égard d'un manquement au devoir afférent à la propriété, l'occupation, la possession ou le contrôle de biens. et «acte préjudiciable» est défini dans ce statut relativement à toute matière surgissant dans la province de Québec comme signifiant délit ou quasi-délit. La responsabilité de la Couronne en vertu de la Loi précitée en est une dite statutaire et la requérante pour réussir contre l'intimée, sous le paragraphe a) de l'article 3(1), doit se conformer aux exigences de l'article 4(2) de la même Loi qui se lit comme suit: (2) Il ne peut être ouvert de procédures contre la Couronne, en vertu de l'alinéa a) du paragraphe (1) de l'article 3, relativement à quelque acte ou omission d'un préposé de la Couronne, à moins que l'acte ou omission, indépendamment des dispositions de la présente loi, n'eût entraîné une cause d'action in tort contre le préposé en question ou son représentant personnel. Il appert donc que lorsqu'une réclamation est faite contre la Couronne pour dommages résultant de la négligence de
Ex. C.R. EXCHEQUER COURT OF CANADA 297 ses préposés dans l'exécution de leurs fonctions, le réclamant 1962 doit établir d'une façon concluante que le préposé lui-même DAME pourrait être tenu responsable des dommages subis et D$sr R.AEsE réclamés s'il était poursuivi. RSERB-DRAGo v. Dans la présente action, sous l'article 3(1)a), la requé- s RA EINEE rante doit donc établir clairement qu'un ou des préposés de l'intimée ont été négligents dans l'exécution de leurs devoirs Noel J. et fonctions; que les blessures subies par la requérante sont le résultat de cette négligence, et que la négligence du ou des préposés est telle qu'il ou ils pourraient en être tenus personnellement responsables si il ou ils avaient été poursuivis. Le fardeau de la preuve quant à ces faits appartient à la requérante et aucune présomption ne peut déplacer cette obligation statutaire. En effet, le texte qui impose la responsabilité vient d'une loi statutaire fédérale spéciale, celle que nous avons citée précédemment, et non pas du Code civil du Québec. De plus, cet article 4(2) de la Loi confirme que la responsabilité de la Couronne dans un tel cas est une responsabilité déléguée, (vicarious), indirecte en vertu du principe respondeat superior et non pas une responsabilité directe. En effet, pour être déclaré responsable, comme nous l'avons dit plus haut, il doit être démontré qu'un ou plusieurs des préposés de la Couronne auraient pu être tenus responsables si la réclamation avait été dirigée contre eux. Dans une décision du président de cette Cour traitant de l'article 19(c) de la Loi de la Cour de l'Échiquier, qui établissait à ce moment les conditions de la responsabilité de la Couronne et dont les principes contenus dans cette décision ont été par la suite réaffirmés dans les nouveaux articles 3(1)a) et 4(2) il fut déclaré dans Magda v. The Queen : To engage the responsibility of the Crown to a suppliant under section 19(c) it must be shown that an officer or servant of the Crown, while acting within the scope of his duties or employment, was guilty of such negligence as to make himself personally liable to the suppliant, for the Crown's liability under section 19(c), if the term liability is a precise one to apply to the Crown, is only a vicarious one. Consequently, the suppliant must allege facts from which negligence on the part of an officer or servant of the Crown may be found, that is to say, facts showing that the officer or servant of the Crown owed a legal duty, whether imposed by statute or arising otherwise, to the suppliant to take care to avoid injury to him, 1 [19531 Ex. C.R. 22, 31.
298 EXCHEQUER COURT OF CANADA [1963] 1962 that there was a breach of such duty while the officer or servant was acting within the scope of his duties or employment and that injury to the sup- DAME THÉRisE pliant resulted therefrom: vide L o h c e g ll ~ an d Coal Co. v. McMullan ; Hay DESLAII- or Bourhill v. Young; The King v. Anthony. BIERS-DRAGO V. SA MAJESTÉ En effet, le principe qu'un acte de négligence ne peut LA REINE être considéré comme une faute engendrant une respon- Noël J. sabilité que s'il correspond à un devoir légal d'agir a été reconnu par nos tribunaux en plusieurs circonstances, entre autres dans Canadian National Railways Co. y. Lepagel Rinfret J.: It is a familiar principle that neglect may, in law, be considered a fault only if it corresponds with a duty to act. Quels étaient donc les devoirs des préposés de la Couronne, soit les employés du ministère des Transports, à l'égard de la requérante dans les circonstances de cette cause? Monsieur Louis-Philippe Leroux, un employé de l'intimée, travaille à l'aérogare de l'Ancienne-Lorette et s'occupe de voir à placer le débarcadère pour y faire des-cendre les passagers des avions ainsi que le générateur mobile qui remplace le générateur de l'avion et qui éclaire à la fois la cabine de l'avion et les marches du débarcadère. Lorsque ce débarcadère est bien placé, il ouvre la porte et les passagers qui en sortent se dirigent ensuite vers l'aérogare en passant par un chemin qui conduit à la marche la requérante est tombée. Il déclare qu'il était en devoir le soir de la chute de la requérante mais qu'il r_'a pas vu l'accident. Il semble, d'après le témoignage de ce monsieur, qu'une fois qu'il a vu à assurer la descente des passagers de l'avion par le moyen du débarcadère, il ne s'est pas préoccupé de voir à ce que les passagers puissent se rendre en toute sécurité à l'aérogare car son rôle quant aux passagers se termine lorsqu'il a placé le débarcadère et permis aux pas-sagers de l'utiliser. Ensuite comme il le dit à la page 50 des notes sténographiques: R. Je devais faire mes fonctions habituelles à l'avion, regarder comment les hommes déchargent les bagages des compartiments, et ensuite, je suis, comme je fais d'habitude, parti avec la sacoche de la compagnie, et de à nos bureaux. 1 [ 1927] S.C.R. 575, 578.
Ex. C.R. EXCHEQUER COURT OF CANADA 299 Monsieur Lionel Maheux, un autre employé du mi- 1962 nistère des Transports à l'aérogare, déclare que ses fonctions DAME consistent à faire l'enregistrement des avions, la cueillette DESI.AUE de l'argent et des taux d'atterrissage et comme il le dit BIERS-DRAQO «advenant toute condition atmosphérique, de changement SA MAJESTÉ de la condition des pistes, répondre au téléphone; adve- LA REINE nant une panne électrique, appeler l'électricien, et voir à Noël J. préparer les torches ...». Ce témoin déclare qu'après cinq heures de l'après-midi, c'est le ministère des Transports, par ses préposés, qui a le contrôle et la charge de voir à l'opération de l'aérogare. Le soir de l'accident, ce monsieur s'est occupé de faire préparer les torches à l'huile de charbon au cas le pouvoir manquerait complètement et qu'un avion des-cendrait; il s'est enquis pour voir si c'était le Quebec Power ou le ministère des Transports qui était responsable de la panne d'électricité. Au moment de l'accident il était dans la cave de l'aérogare en train de vérifier s'il s'agissait bien de l'équipement de l'aérogare qui faisait défaut et en re-montant de cette cave on lui apprit qu'une dame s'était blessée en tombant dans la porte d'entrée. Ce monsieur a son bureau à côté de la porte d'entrée la requérante est tombée. Il déclare que «en ce qui concerne les passagers des 'airlines', on ne s'en occupe pas du tout, on ne s'en est jamais occupé, on ne s'occupe pas de ça «Il n'est pas attitré pour les passagers» déclare-t-il, et que personne d'autre n'est attitré «aux passagers par le ministère des Transports Monsieur Henri Gourdeau, régisseur régional de l'Aviation civile, confirme les témoignages de ces deux messieurs et déclare qu'en effet la Couronne n'a pas de fonctionnaires qui s'occupent de l'entrée et de la sortie des passagers de l'aérogare parce que, dit-il, c'est la compagnie qui trans-porte les passagers qui s'occupe de ces derniers de l'avion au taxi. La preuve révèle donc que les préposés de la Couronne n'avaient aucunement comme fonction ou devoir de prendre soin de la requérante de l'avion à l'aérogare ni n'avaient-ils l'obligation légale d'avertir la requérante du danger que comportait ladite marche ou de voir à ce qu'elle soit éclairée. L'exécution du mandat qui leur avait été confié n'avait aucune relation avec la sécurité de la requérante à
300 EXCHEQUER COURT OF CANADA [1963] 1962 l'endroit elle est tombée et il n'est pas possible de leur DAME imputer une faute par suite d'une omission alors que ni la TESRksE DESL AII- Loi ni les termes de leur em p l oi ne les obligeaient à agir. RIERS-DRA00 Je n'ai aucun doute sur le résultat de toute action intentée V. SA MAJESTÉ contre Leroux ou Maheux leur réclamant personnellement LA REINE des dommages à cause de cette omission. L'obligation rela-Noël J. tive à la sécurité de la requérante à l'endroit elle est tombée était, en effet, celle de la compagnie qui transporte les passagers. Or, comme nous l'avons vu, un acte de négligence ne peut être considéré comme une faute en-gendrant une responsabilité que s'il correspond à un devoir d'agir, et comme aucun des employés ou préposés de la Couronne n'avait le devoir d'assurer la sécurité de la re-quérante de l'avion d' elle descendait jusqu'à l'aérogare, l'intimée ne peut être recherchée en responsabilité sous l'article 3(1) a) de la Loi de la responsabilité de la Couronne. Ceci ne dispose pas, cependant, de la réclamation de l'intimée. En effet, sa responsabilité en vertu du statut pourrait exister en vertu de l'article 3(1)b) de la Loi de la responsabilité de la Couronne en matières d'actes pré-judiciables et de sauvetage civil, que nous avons vu plus haut, mais que je reproduis cependant ci-après: 3. (1) La couronne est responsable in tort des dommages dont elle serait responsable, si elle était un particulier en état de majorité et capacité, a) ... b) à l'égard d'un manquement au devoir afférent à la propriété, l'occupation, la possession ou le contrôle des biens. Nous avons vu que la responsabilité de la Couronne en vertu de l'article 3(1)a) du statut en est une indirecte, déléguée, (vicarious), basée sur le principe de respondeat superior. Cette responsabilité, d'ailleurs, existe aussi dans la province de Québec en vertu de l'article 1054 du Code civil. Les décisions sous le paragraphe b) de l'article 3(1) sont peu nombreuses et n'informent guère sur la portée de cet article touchant à la responsabilité. Il semble bien, cepen-dant, que si le paragraphe a) de l'article 3(1) prévoit, com-me nous l'avons vu, une responsabilité indirecte, le paragraphe b) prévoit une responsabilité directe «à l'égard d'un manquement (et en anglais on emploie le terme
Ex. C.R. EXCHEQUER COURT OF CANADA 301 `breach of duty') au devoir afférent à la propriété, l'occupa-1962 tion, la possession ou le contrôle des biens DAME THÉRÉ SE Cette distinction entre la responsabilité directe et in- DESL AU- directe, prévue par les sous-sections a) et b) de l'article RIERSvDRAGo 3(1), a été bien définie par la Cour Suprême dans The SA MAJESTÉ LA REINE King v. AnthonyThe King v. T hompsonl, Rand J.: Noël J. This raises the distinction between duties and between duty and liabil- ity. There may be a direct duty on the master toward the third person, with the servant the instrument for its performance. The failure on the part of the servant constitutes a breach of the master's duty for which he must answer as for his own wrong; but it may also raise a liability on the servant toward the third person by reason of which the master becomes responsible in a new aspect. The latter would result from the rule of respondeat superior; the former does not. Il me semble bien, par conséquent, qu'une réclamation qui ne pourrait être reçue contre la Couronne sous le para-graphe 3(1)a) pourrait l'être sous le paragraphe 3(1)b) par suite d'une responsabilité directe du maître représenté par son préposé. Cette responsabilité, cependant, ne peut être retenue contre la Couronne si on se réfère à l'article 4(4) du statut précité: . .. que si dans un délai de sept jours après que la réclamation a pris naissance, un avis écrit de la réclamation et du préjudice dont on se plaint a) a été signifié à un fonctionnaire compétent du département ou de l'organisme administrant les biens ou à l'employé du département ou de l'organisme ayant le contrôle ou la charge des biens, et b) copie de l'avis a été envoyée par courrier recommandé au sous-procureur général du Canada. Or, il n'y a rien dans le dossier qui me permet de croire que cette procédure a été suivie. L'article (5) de la même Loi, cependant, vient au secours de la requérante et déclare que: (5) ... l'omission de donner l'avis, ou l'insuffisance de celui-ci, n'est pas un obstacle légal aux procédures si le tribunal ou le juge devant qui elles sont intentées estime que la Couronne, dans sa défense, n'a subi aucun préjudice en raison de l'absence ou de l'insuffisance de l'avis et que le fait d'empêcher les procédures constituerait une injustice, bien qu'une excuse raisonnable de l'absence ou de l'insuffisance de l'avis ne soit pas établie. Il semble bien que dans la présente cause l'intimée n'ait subi aucun préjudice par suite de ce manquement. En effet, 1 [19467 S.C.R. 569 à la page 572.
302 EXCHEQUER COURT OF CANADA [1963] 1962 la preuve révèle que quelques instants après l'accident le DAME gérant de l'aérogare, ou du moins un des préposés en charge, THÉRÉSE DESLAII- en ait été immédiatement averti de sorte que, si une en-RIERS-DRAGO quête était nécessaire, elle aurait pu se faire immédiate-SA MAJESTÉ ment. Je suis aussi d'avis que dans le présent cas le fait LA REINE d'empêcher les procédures dans les circonstances con-NoëlJ. stituerait une injustice à l'égard de la requérante. J'en viens donc à la conclusion que le défaut de se conformer à cette formalité importante de la Loi ne doit pas empêcher la requérante d'obtenir une compensation de l'intimée si par ailleurs elle y a droit. Pour permettre à l'intimée de se prévaloir de l'article 3(1)b) du statut, il aurait fallu qu'elle allègue, au moins d'une façon générale, les faits qui pourraient y donner ouverture, soit le ou les manquements au devoir afférent à la propriété, l'occupation, la possession ou le contrôle de biens. Or, nous avons bien vu que la requérante a ramassé aux paragraphes 16, 17, 18 et 19 de la pétition les griefs qu'elle reproche à l'intimée et sur lesquels elle base sa réclamation et bien que dans ces paragraphes l'on s'appli-que à décrire la négligence par omission des préposés de l'intimée, ce n'est qu'à l'allégué 19 que l'on mentionne que ses dommages auraient été causés pendant l'exercice de leurs fonctions. Il semblerait, par conséquent, que les para-graphes 16, 17 et 18 de la pétition comporteraient une base de réclamation différente de 19 ou du moins la rédaction de ces allégués semblerait l'indiquer. A tout événement, s'il y a un doute sur la suffisance de ces allégués quant à l'article 3(1)b) du statut, cette omission pourrait être comblée par le juge ou le tribunal en vertu des règles 115 et 117 de cette Cour si d'autre part la preuve contient les éléments nécessaires à l'application de l'article. Or, il appert de la preuve que les faits qui pourraient donner ouverture à l'application de l'article 3(1)b) ont été, non seulement soulevés, mais prouvés et établis à l'enquête. En effet, si l'on se réfère au témoignage de mènsieur Lionel Maheux, un des préposés de l'intimée à l'aérogare, l'on voit qu'il déclare à la page 69 des notes sténographiques que: R. Après cinq heures, les bureaux sont fermés, on prend la charge de l'aéroport, autrement dit. Q. Vous avez la charge, votre département des Transports a la charge de l'aéroport à, ce moment-là?
Ex. C.R. EXCHEQUER COURT OF CANADA 303 R. C'est-à-dire, on représente les autorités, après cinq heures. 1962 Q. Quelles autorités? DAME R. Notre gérant, le gérant de l'aéroport. THÉRÈSE Q. Le gérant, c'est un employé du département des Transports? RIERS-DRAGO R. Oui monsieur. v. M JESTÉ Q. Alors, c'est le département des Transports qui a le contrôle et la SA L A REINE charge de voir à l'opération de l'aéroport? R. Oui monsieur. Noël J. Enfin, monsieur Henri Gourdeau, régisseur régional de l'Aviation civile, employé du département des Transports, admet lui aussi que c'est l'intimée, soit le département des Transports, qui a le contrôle de l'aérogare. L'on peut donc au moins dire que la question de possession, de contrôle, d'occupation de l'aérogare de l'Ancienne-Lorette, l'accident est survenu, bien qu'elle ne soit pas clairement plaidée est, cependant, en litige dans cette cause. L'intimée ayant ce contrôle de l'aérogare, lequel com-prend également ses voies d'accès, et plus particulièrement celle conduisant à la marche la requérante trébucha et tomba, aurait-elle commis un acte préjudiciable envers la requérante par l'entremise de ses employés, qui engagerait sa responsabilité directe? Aurait-elle, en effet, manqué à son devoir comme occupante de l'immeuble de l'aérogare en charge de ses services, en ne donnant aucun avertisse-ment aux passagers descendant de l'avion, et plus parti-culièrement à la requérante, du danger que pouvait com-porter la marche cette dernière est tombée ou en ne l'illuminant pas pour permettre aux passagers de l'utiliser sans danger. Remarquons que l'intimée ne serait responsable que si elle n'a pas pris les soins raisonnables pour prévenir l'accident. Dans une cause de l'OEuvre des terrains de jeux de Québec v. Camerons, le juge Rivard disait: Le plus sûr critère de la faute, dans des conditions données, c'est le défaut de cette prudence et de cette attention moyenne qui marquent la conduite d'un bon père de famille; en d'autres termes, c'est l'absence des soins ordinaires qu'un homme diligent devrait fournir dans les mêmes conditions. Et dans Massé v. Gilberte, le juge Létourneau déclare: De sorte que tout ce que la Cour doit se demander c'est si l'intimé Gilbert, en cette occasion, et eu égard à la situation des lieux, a bien pris 1(1940) 69 B.R. 112. 2[1942] B.R. 181.
304 EXCHEQUER COURT OF CANADA [1963] 1962 le soin et les précautions qu'eût pris un propriétaire prudent et diligent; si DAME oui, l'on peut dire qu'un propriétaire prudent et diligent n'eût rien fait de THÉRÈSE plus, rien fait de mieux pour éviter ce qui est arrivé, l'intimé doit être DESLAII- exonéré en appel comme il l'a été en première instance. RIERS-DRAGO V. SA MAJESTÉ Examinons maintenant la conduite de l'intimée et voyons LA REINE si celle-ci par ses employés a pris le soin et les précautions Noël J. qu'eût pris un propriétaire prudent et diligent. Disons tout d'abord que l'aérogare et l'allée se trouve la marche en question est pour l'utilité du public voyageur et les autorités de l'aérogare ont, par conséquent, certains devoirs envers les usagers. Dans les circonstances exceptionnelles de la présente cause, telles qu'elles existaient au moment de l'accident, par suite de la fermeture du courant pendant vingt à trente minutes après l'arrivée de l'avion d' la requérante est descendue et l'obscurité qui régnait à l'endroit se trouve la marche, l'intimée, il me semble, devait prendre im-médiatement les mesures nécessaires pour ou bien avertir les passagers qui circulaient dans l'allée du danger que pouvait comporter cette marche ou bien l'éclairer par des moyens de fortune de façon à prévenir tout accident. Que fait le préposé Lionel Maheux, en charge de l'aérogare en l'absence du gérant? Il s'assure que l'avion puisse descendre en sécurité en préparant au besoin des lumières d'urgence, s'intéresse à l'électricité de l'aérogare, mais bien que placé tout à côté de la porte par passent les passagers, et sachant qu'il y avait une panne intermit-tente d'électricité, ne prend aucun moyen pour assurer le passage sans encombre des piétons ou passagers à un en-droit comme la marche qui, comme nous l'avons vu, non éclairée, constitue un danger. Sa faute est aggravée, il me semble, par le fait qu'immédiatement après la descente des deux avions, le courant a été enlevé complètement de l'aérogare, tel que le révèle le témoin Gauvin. Il serait en effet étonnant qu'on ait enlevé le courant sans l'assentiment de cet employé. Dans l'occurrence, et vu la situation d'urgence provoquée d'abord par la panne d'électricité et ensuite son enlèvement, cet employé n'a-t-il pas commis une faute d'omission qui engage la responsabilité directe de l'intimée. En effet, il aurait pu, il aurait , il me semble, placer un employé près de la marche avec une torche électrique qui aurait pu indiquer cette marche aux pas-sagers et prévenir l'accident qui est arrivé.
Ex. C.R. EXCHEQUER ) COURT OF- CANADA 305 Il est certain que la faute d'omission peut engendrer une 1962 responsabilité à condition, comme nous l'avons dit plus DAME haut que la nég g lhi g ence d'agir corresponde à un devoir THÉRÈSE p D E sinu= d'agir. L'intimée ayant la garde, le contrôle, la possession, .RmRs-DRAF l'occupation de l'aérogare, édifice destiné au public, avait Sa MAJESTÉ le devoir une fois le courant coupé de prendre les mesures LA REINE d'urgence qui s'imposaient pour empêcher tout accident. Noël i. Il sera donc permis à la requérante de faire tout amende- ment à sa pétition de droit de façon à lui permettre d'asseoir sa réclamation sur un manquement de l'intimée à un devoir afférent à la propriété, l'occupation, la posses- sion ou le contrôle de l'aérogare, si besoin en est. Par conséquent, la Cour maintient la pétition de droit de la requérante et déclare que dame Thérèse Deslauriers- Drago a droit de recouvrer de la Couronne la somme de $2,052.73, le tout avec dépens. Jugement en conséquence. 64208-2-2a
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