[1970] R.C.E. OLYMPIA FLOOR & WALL TILE v. M.R.N. 275 [TRADUCTION] Olympia Floor & Wall Tile (Quebec) Ltd (Appelante) v. Le Ministre du Revenu National (Intimé) Le Président Jackett, Montréal, les 9 et 11 février 1970. Impôt sur le revenu—Oeuvres de bienfaisance—Contributions d des organisations de charité—Bénéfice d'entreprise (Calcul du)—Contributions charitables faites en vue d'obtenir des ventes—Caractère de dépenses d'entreprise—Caractère `raisonnables —Limitation d 10 p. 100 du revenu Articles 12(2) et 27(I) (a) de la Loi de l'impôt sur le revenu. En 1962 et 1963, la compagnie appelante a versé des contributions à des organisations de charité dirigées par des hommes d'affaires qui, en contrepartie, incitaient leur entreprise à acheter beaucoup de marchandises chez l'appelante. Il était nécessaire pour l'appelante d'effectuer ces contributions à ces oeuvres de bienfaisance, afin d'obtenir ces ventes. Les contributions de l'appelante ont dépassé $8,000 en 1962 et $10,000 en 1963, et lui ont permis d'obtenir des ventes de plus de $250,000 par an. Juge: Les contributions versées par l'appelante pour obtenir des ventes sont des dépenses engagées afin de gagner un revenu, et à ce titre déductibles dans le calcul du bénéfice d'entreprise de l'appelante. Bien que faites sous forme de dons, ces contributions n'étaient pas des «dons» au sens de l'article 27(1)(a) de la Loi de l'impôt sur le revenu, selon lequel elles devraient être limitées à 10 p. 100 du revenu de l'appelante. Renvoi: Riedle Brewery Ltd v. M.N.R. [1939] S.C.R. 253; Montreal Trust Co. (Crosbie Est.) v. M.N.R. [1967] 1 R.C. de l'É. 297. L'espèce est distinguée de: O'Reilly & Bélanger Ltd v. M.N.R. [1928] R.C. de l'É. 297. Les débours étaient araisonnables», au sens de l'article 12(2). Le fait qu'un homme d'affaires décide de bonne foi d'engager des débours pour des motifs commerciaux permet de présumer qu'il était raisonnable de le faire. La part des contributions versée, non pour obtenir des ventes, mais pour ne pas prêter à critique en refusant de contribuer à de bonnes oeuvres, ne constituait cependant pas une dépense engagée pour gagner un revenu. Renvoi: Hutchinson & Co. (Publishers) v. Turner, 31 T.C. 495. APPEL en matière d'impôt sur le revenu. M. Klein pour l'appelante. A. Garon et G. Rip pour l'intimé. LE PRÉSIDENT JACKETT—Il s'agit d'un appel d'une décision de la Commission d'appel de l'impôt, rejetant l'appel interjeté par l'appelante de ses cotisations, établies en vertu de la Partie I de la Loi de l'impôt sur le revenu, pour les années d'imposition 1962 et 1963. Cet appel conteste la déduc-tion, dans le calcul du «revenu» de l'appelante pour chacune de ces années aux fins de la Partie I, de certains paiements qui seraient par ailleurs susceptibles d'être déduits (jusqu'à concurrence du plafond de 10 p. cent) à titre de «dons» à des «organisations de charité», en vertu de l'article 27 (1) a) de ladite loi.
[1970] R.C.E. OLYMPIA FLOOR & WALL TILE v. M.R.N. 277 Au cours des deux années en question, l'appelante a conclu, dans le cadre de ses affaires, des ventes de plus d'un million de dollars. Selon le directeur des ventes de l'appelante, 25 à 30 p. 100 de ces ventes sont attribuables à des donations. En effet, celles-ci, bien que déductibles à titre de «dons» à des «organisations de charité» au sens de l'article 27(1)a) de la Loi de l'impôt sur le revenus, étaient versées à des organisations de charité dont les dirigeants, dans leur activité professionnelle ordinaire, étaient susceptibles de faire passer des commandes de marchandises vendues par l'appelante; et effectivement, dans le cours ordinaire des choses au sein de cette partie de la population de Montréal, ces personnes ont fait faire, à la suite des dons effectués par l'appelante à leurs organisations de bienfaisance, d'importants achats de marchandises vendues par l'appelante, achats qui n'auraient pas eu lieu si l'appelante n'avait pas fait ces donations. Cet argument n'a pas été sérieusement contesté au cours du contre-interro-gatoire du directeur des ventes de l'appelante, et a été renforcé par d'autres témoignages, y compris le témoignage d'une personne qui a juré avoir obtenu de divers hommes d'affaires, notamment d'un plombier, d'un électri-cien, ainsi que de l'appelante, des contributions pour une école dont elle gérait les intérêts, en promettant qu'elle userait de sa situation commerciale pour leur faire conclure des affaires, et qu'après avoir obtenu ainsi des contributions pour cette «organisation de charité», elle a rempli dans une large mesure son engagement. J'admets ces témoignages, et j'en conclus que les contributions ainsi versées à des organisations de charité consti-tuaient des dépenses engagées par l'appelante, au cours des années en cause, essentiellement, sinon entièrement, aux fins d'accroître ses ventes et seule-ment subsidiairement, le cas échéant, pour des motifs de charité ou de bienfaisance. Le total des contributions versées en 1962 à des «organisations de charité» par l'appelante dépassait $8,000, et le total de celles versées en 1963 dépassait $10,000. De ces contributions, cependant, c'est seulement celles de plus de $100 qui ont été versées en vue d'accroître les ventes de l'appelante de la façon que j'ai décrite. Le reste visait à soustraire l'appe-lante aux critiques dont elle aurait fait l'objet si, après avoir contribué à un certain nombre de bonnes oeuvres, elle avait refusé de le faire à d'autres; 2 27. (1) Aux fins du calcul du revenu imposable d'un contribuable pour une année d'imposition, il peut être déduit du revenu pour l'année ceux des montants suivants qui sont applicables: a) l'ensemble des dons que, dans l'année (et, dans l'année immédiatement précédente, jusqu'à concurrence du montant desdits dons, qui n'était pas déductible aux termes de la présente loi dans le calcul du revenu imposable du contribuable pour cette année immédiatement antérieure) le contribuable a faits à des organisations de charité canadiennes exemptées de l'impôt visé dans la présente Partie en raison de l'alinéa e) du paragraphe (1) de l'article 62, à des corporations ou fiducies résidant au Canada et exemptées de l'impôt selon la présente Partie en raison de l'alinéa f) ou g) du paragraphe (1) de l'article 62, à des organisations de logement résidant au Canada et exemptées de l'impôt prévu par la présente Partie en raison de l'alinéa ga) du para-graphe (1) de l'article 62, à Sa Majesté, du chef des provinces, et à des municipalités canadiennes, sans dépasser 10 pour cent du revenu du contribuable pour l'année, si le paiement des montants donnés est prouvé en produisant les reçus au Ministre;
[1970] R.C.É. OLYMPIA FLOOR & WALL TILE v. M.R.N. 279 je ne comprends pas comment l'avocat de l'appelante peut sérieusement prétendre qu'on devrait considérer ces contributions comme des dépenses d'entreprise2. Je pense que les sommes en question (une fois écartées celles qui ne dépassent pas $100) sont régies, si l'on met de côté le fait qu'il s'agit de dons à des organisations de charité, par les principes établis dans l'arrêt Riedle Brewery Limited v. Minister of National Revenue 3, où l'on a consi-déré comme déductibles des sommes dépensées par des brasseries confor-mément à une pratique voulant qu'elles «paient la tournée» à leurs éventuels clients, parce que la Cour avait constaté qu'en recourant régulièrement à cette pratique, elles maintenaient ou accroissaient le rythme de leurs ventes, «tandis que si elles renonçaient à cette pratique, leurs ventes décroîtraient sensiblement». Voir le jugement rendu, en son nom propre et en celui du juge Crockett, par le juge Kerwin (tel était alors son titre), avec l'accord du juge en chef Duff à la page 263: Or, d'après les preuves au dossier, il me semble que la compagnie appelante a déboursé la somme en question en vue de gagner un revenu, et non à titre d'investissement. En ce qui concerne les termes «entièrement» et «exclusivement», on n'a pas prétendu que l'appelante entendait faire donation de ses fonds, en totalité ou en partie, ni qu'il y ait eu fraude ou mauvaise foi, ni qu'une partie des dépenses ait été simulée. Le savant président de la Cour de l'Échiquier a jugé que cette dépense n'était pas nécessaire, mais je ne saurais me rallier à cette opinion. Comme je l'ai déjà signalé, la pratique suivie par l'appelante l'était également par les autres brasseries du Manitoba, et considérée par la totalité d'entre elles non seulement comme recommandable, mais même indispensable pour accroître, ou du moins maintenir, le volume de leurs ventes. Si on la con-sidère telle du point de vue commercial je crois que cette pratique doit être con-sidérée au même titre pour les fins de la loi. Il est certain que si, à partir de faits qui sont à mon avis moins favorables au contribuable, on a autorisé les déductions dans l'affaire Riedle Brewery, malgré l'article 6(1)a) de la Loi de l'impôt de guerre sur le revenu, qui interdisait la déduction de dépenses («qui ne sont pas totalement, exclusive-ment et nécessairement faites ... en vue de la production du revenu»), les déductions en l'espèce ne sont pas interdites par l'article 12(1)a), qui autorise la déduction des déboursés ou dépenses «sauf dans la mesure où elle l'a été ... en vue de gagner ou de produire un revenu ...». 9 En ce qui concerne les sommes inférieures à $100, je crois qu'il y a lieu d'appliquer le raisonnement du juge Vaisey dans l'affaire Hutchinson & Co. (Publishers) Ltd. v. Turner, 31 T.C. 495. Il déclarait à la page 503: On peut résumer de la façon suivante la réclamation subsidiaire présentée dans cette partie de l'argumentation: On prétend que le paiement de £31,469 à la corporation constituait une dépense nécessaire de l'entreprise de Hutchinson, parce que s'il n'avait pas été effectué, la réputation de la maison Hutchinson aurait été, ou aurait pu être atteinte au point de menacer sérieusement sa situation financière. Cet argument me paraît plausible; mais j'en suis venu à la conclusion qu'il prête à objection de la même façon que l'autre. Prenez le cas d'un commerçant prospère, dans une petite ville de province, dont un parent vit dans la pauvreté tout près de lui, et à qui il a promis de remettre une pension annuelle. S'il manque à sa promesse, il est tout à fait probable qu'il perdra à la fois sa clientèle et sa réputation. Mais doit-on pour autant considérer ce paiement comme une véritable dépense de l'entreprise, à déduire de ses bénéfices? Je ne le pense pas. $ [1939] S.C.R. 253.
[1970] R.C.Ê. OLYMPIA FLOOR & WALL TILE v. M.R.N. 281 La décision de cette Cour dans l'affaire O'Reilly & Bélanger, Limited v. Minister of National Revenue' est différente de l'espèce, dans la mesure où l'on n'a pas établi, comme on l'a fait en l'espèce, en ce qui concerne les sommes dépassant $100, que l'on espérait un résultat commercial immé-diat à la suite des paiements. Je reconnais cependant que certains passages des motifs du jugement dans cette affaire seraient applicables au problème posé ici, mais ne correspondent pas, me semble-t-il, au raisonnement de la majorité des membres de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Riedle Brewery; j'en ai donc conclu que je ne dois pas les appliquer en l'espèce. En ce qui concerne l'article 12(1)b)5 , j'ai quelque difficulté à saisir l'argument selon lequel il aurait ici pour effet d'interdir la déduction des sommes en cause. De ce point de vue, on ne peut faire de distinction entre ces sommes et des dépenses de publicité. Voir l'affaire Algoma Central Railway v. Minister of National Revenue6. En ce qui concerne l'objection fondée sur l'article 12(2)7, je ne vois pas comment on peut prétendre que le fait de dépenser une part importante d'une somme totale de $8,000 pour une année et de $10,000 pour l'autre, pour susciter ou assurer des ventes de plus de $250,000, ne constituait pas, en l'absence de faits supplémentaires, une dépense «raisonnable». Le fait qu'un homme d'affaires prenne de bonne foi la décision de dépenser une somme quelconque pour des raisons commerciales, me fait présumer qu'il était. «raisonnable» de faire de tels débours, à moins que des faits n'apportent la preuve du contraire. Par ailleurs, en l'espèce, on nous a apporté la preuve non contredite que les contributions étaient nécessaires pour assurer quelque 25 à 30 pour cent des ventes de l'appelante. Dans ce cas, il s'agissait d'une dépense «nécessaire» selon les critères appliqués par la majorité des membres de la Cour suprême du Canada dans le passage de l'affaire Riedle Brewery que je viens de citer. Si une dépense était «nécessaire», je ne pense pas que l'on puisse dire qu'elle n'était pas «raisonnable». Comme nous l'avons déjà indiqué, ces conclusions ont été tirées après avoir mis de côté, pour le moment, le fait que les sommes en question étaient des dons à des organisations de charité. Je dois maintenant examiner si ce fait, en lui-même, ou en raison de l'article 27(1)a), a pour effet d'empêcher la déduction des sommes en cause dans le calcul du «revenu», aux fins de la Partie 1 de la Loi de l'impôt sur le revenu. Nous nous arrêterons sur ce point, pour rappeler le sens fondamental de la Partie I de la Loi de l'impôt sur le revenu. Cette partie assujettit à l'impôt sur le revenu sur un montant arbitraire, appelé «revenu imposable», qui, par définition, est le «revenu», dont on fait certaines déductions expressément accordées, parmi lesquelles celle de l'article 27(1) a) pour les «dons à des organisations de charité»; le «revenu» étant, dans le cas d'une 4 [1928] R.C. de l'$. 61. 6 12. (1) Dans le calcul du revenu, il n'est opéré aucune déduction à l'égard ... b) d'une somme déboursée, d'une perte ou d'un remplacement de capital, d'un paiement à compte de capital ou d'une allocation à l'égard de dépréciation, désuétude ou d'épuisement, sauf ce qui est expressément permis par la présente Partie, 6 [1967] 2 R.C. de l'É. 88 et [1968] R.C.S. 447. 7 Dans le calcul du revenu, il n'est opéré aucune déduction à l'égard d'une somme déboursée ou-dépensée, autrement déductible, sauf dans la mesure où cette somme était raison- nable dans les circonstances.
[1970] R.C.É. OLYMPIA FLOOR & WALL TILE v. M.R.N. 283 entreprise comme en l'espèce, le «bénéfice» de l'entreprise (article 4). En inversant cette proposition, vous commencez par calculer le «bénéfice» de l'entreprise, ce qui consiste à soustraire du revenu de l'entreprise, les «dépenses engagées afin de réaliser des bénéfices» 8 . En déterminant le «bénéfice» de l'entreprise, vous obtenez son «revenu» et vous en déduisez ses «dons» à des organisations de charité, dans la mesure autorisée par l'article 27(1)a), pour obtenir son «revenu imposable», soit le montant sur lequel sera calculé son impôt. Après avoir conclu provisoirement que les débours en l'espèce étaient déductibles dans le calcul du revenu de l'entreprise, parce qu'ils avaient été engagés afin de réaliser des bénéfices, je dois maintenant voir si l'on peut maintenir cette conclusion en tenant compte du fait qu'ils ont été faits à titre de contributions à des organisations de charité. Habituellement, on considère la charité comme une question d'ordre personnel. On donne, à même ce dont on dispose personnellement, pour soulager la pauvreté des autres ou pour l'enseignement ou pour d'autres «bonnes oeuvres». D'après son premier sens, on ne déduirait donc pas un don de charité dans le calcul de son bénéfice ou de son revenu, parce qu'il s'agit par définition d'un don pris sur le bénéfice ou le revenu après qu'il a été gagné. Il est certain, à mon sens, qu'à l'origine, un don de charité constituait une dépense «personnelle», dont la déduction aurait été interdite par l'article 12(1)h)9 . C'est pourquoi, à mon avis, la disposition spéciale permettant de déduire les dons de charité était à l'origine restreinte aux dons faits par des particuliers (qui d'autre aurait pu avoir le désir de faire de tels dons?), et c'est aussi pourquoi le plafond était exprimé en pourcentage de «revenu» (ce fait laissant supposer que le montant du «revenu» avait été établi avant que l'individu en ait soustrait ses «dons») . On peut présumer, qu'à une certaine époque, le droit de l'impôt sur le revenu a évolué, lorsque les campagnes de souscription perfectionnées des organisations de charité ont obligé les corporations à faire des contributions de charité (non parce qu'en tant que personnes morales, elles aient éprouvé le désir de se montrer charitables, mais parce qu'on avait créé un climat où ne pas faire de contributions aurait altéré l'«image» de la corporation et porté préjudice à ses opérations commerciales); le Parlement a, pour cette raison, décidé que les corporations seraient traitées, en matière d'impôt sur leurs contributions, de la même façon que les particuliers. Si c'est bien là l'origine des dispositions actuelles de l'article 27(1) a) en ce qui concerne les dons à des organisations de charité, il s'ensuit que cet article autorise la déduction d'une somme qui a été donnée par la corporation sur son revenu après qu'il a été gagné, et non la déduction d'une somme qui a été engagée pour gagner ce revenu; tel est précisément le sens que prend cet article. On pourrait en fait dire que, même si le Parlement ne peut pas ne pas avoir été conscient, lors de l'adoption de l'article 27(1)a), de l'existence s Voir l'affaire Tata Hydro-Electric Agencies, Limited, Bombay v. I.T.C. [1937] A.C. 685, à la page 696. e 12. (1) Dans le calcul du revenu, il n'est opéré aucune déduction à l'égard * * * h) de frais personnels ou frais de subsistance du contribuable, sauf les frais de déplace- ment (y compris le montant intégral dépensé pour les repas ou le logement) faits par le contribuable alors qu'il était absent de chez lui dans l'exercice de ses affaires,
[1970] R.C.É. OLYMPIA FLOOR & WALL TILE v. M.R.N. 285 d'un certain cynisme dans l'activité charitable des particuliers aussi bien que des corporations, les législateurs ne pouvaient prévoir à cette époque le genre de commercialisation qui a donné naissance au présent appel. Bien qu'on n'ait pas jusqu'ici prévu le cas, je ne vois cependant aucune incompatibilité de nature entre une «dépense ... en vue de ... produire un revenu» et un don à une organisation de charité. Si les faits, dans une situation particulière, démontrent que ce don a été fait de bonne foi, en tant que dépense en vue de faire naître un revenu, je pense qu'il échappe en principe à l'interdiction de l'article 12(1)a). Il reste à savoir, en considérant l'article 27(1) a) dans le contexte de la loi, s'il faut attribuer au Parlement l'intention d'interdire dans tous les cas la déduction de dons faits à des organisations de charité, sauf de la façon et dans la mesure autorisée par cet alinéa. En d'autres termes, doit-on conclure que l'article 27(1)a) interdit toute déduction des contributions à une oeuvre de bienfaisance, dans le calcul du revenu? C'est un lieu commun de la science juridique de rappeler que le sens d'une disposition d'une loi doit être dégagé en tenant compte de l'ensemble de cette loi. Il est certainement peu probable que le Parlement ait voulu déduire certains dons faits à des organisations de charité dans le calcul du revenu imposable. Avant de conclure ainsi, je devrais, me semble-t-il, considérer que le Parlement interdisait implicitement de déduire les dons à des organisations de charité à titre de dépenses engagées en vue de gagner un revenu, quelles que soient les circonstances; et cette conclusion ne me paraît pas moins inévitable du fait que l'appelant déclare ici ne pas réclamer à la fois ces deux déductions pour les mêmes contributions. Cependant, je ne pense pas que l'interprétation juste de la loi m'entraîne à l'une ou l'autre de ces deux positions extrêmes. A mon avis, lorsque un contribuable engage une dépense en vue de produire un revenu—c'est-à-dire afin de réaliser des bénéfices—même si cette dépense se présente sous la forme d'un «don» à une organisation de charité, il ne s'agit pas d'un «don» au sens que donne à ce terme l'article 27(1)a), qui, d'après le rôle qu'il joue dans la méthode de calcul du revenu imposable, avait certainement pour but de conférer un avantage aux personnes qui ont fait des contributions en les retirant de leur revenu, et non de permettre de déduire des débours engagés en vue de gagner un revenu. En concluant que les «dons» à des organisations de charité faits afin de réaliser des bénéfices ne sont pas des «dons» au sens de l'article 27(1)a), je me conforme au raisonnement que j'avais adapté dans l'affaire Montreal Trust Co.. (Crosbie Estate) v. M.N.R. 10, où j'ai jugé qu'une prime accordée à un employé qui se trouvait être un proche parent de l'actionnaire principal de la compagnie de l'employé n'était pas un «don» au sens que la Loi de l'impôt sur les biens transmis par décès donne à ce terme. L'extrait suivant des motifs que j'ai donnés dans cette affaire indique, me semble-t-il, la façon dont j'ai abordé le problème soulevé ici: Il s'agit de savoir si une gratification par une compagnie contrôlée par le défunt à Andrew C. Crosbie, en qualité d'employé de la compagnie, «pour des 1° [1967] R.C. de 1'É. 297.
[1970] R.C.E. OLYMPIA FLOOR & WALL TILE v. M.R.N. - 287 raisons commerciales légitimes», doit être soumis à l'impôt sur les successions en tant que bien transmis par décès parce qu'il se trouvait que Andrew C. Crosbie était lié par le sang à la personne décédée. On n'a pas prétendu que la transaction n'était qu'un simple subterfuge pour accorder une gratification à Andrew C. Crosbie en qualité de parent du défunt, ni qu'une partie du montant de la gratification n'ait eu d'autre but que de satisfaire aux raisons commerciales légitimes pour lesquelles il était de l'intérêt commercial de la compagnie de l'accorder à cet employé. Cet aspect de l'affaire est souligné par le fait, par ailleurs insignifiant, qu'on avait prévu un arrangement du même type pour un collègue de l'employé, dans des conditions semblables et à la même époque. Il nous faut éclaircir un autre point en plus de la question à trancher dans cet appel. II me semble que l'opération en cause tombe dans une catégorie assez courante de transactions commerciales, celle des paiements faits dans le cours normal de l'entreprise, sans obligation juridique. On exploite une entreprise pour faire des bénéfices. Aucun débours n'est véritablement commercial s'il ne tend pas directement ou indirectement à cette fin. En général, les paiements commer-ciaux sont faits conformément à des contrats, en vertu desquels l'homme d'af-faires reçoit une contre-partie pour ce paiement—par ex. des contrats de service, des contrats d'achat, des contrats de construction, etc. Cependant, selon les cir-constances, une pratique commerciale judicieuse rendra nécessaires des débours supérieurs au montant juridiquement payable en contrepartie de ce que l'homme d'affaires a reçu ou doit recevoir. Un paiement spécial à un bon entrepreneur à raison de difficultés imprévues, afin qu'il soit disposé à effectuer un autre travail à l'avenir, est une exemple de ces situations. Des primes versées à des employés en sus des stipulations des contrats d'engagement, pour conserver leur bonne volonté et maintenir leur moral, en est un autre. On peut en citer un autre encore, c'est celui du type même d'avantages conférés à des cadres supérieurs, dont il est question dans cet appel. La clause spéciale de l'article 85A de la Loi de l'impôt sur le revenu, relative à leur traitement pour fins d'impôt, démontre qu'il s'agit là d'un type très courant d'avantages consentis aux cadres supérieurs. Deux aspects des faits méritent une attention spéciale, étant donné qu'on demande de considérer, aux fins de l'impôt sur les successions, cette gratification comme partie des biens du défunt, soit: a) l'avantage a été conféré à Andrew C. Crosbie en qualité d'employé de la compagnie et non en qualité de parent par le sang de la personne décédée, et b) bien que la gratification ait été entièrement gratuite, en ce sens qu'elle n'a pas été accordée en vertu d'une obligation juridique de paiement en contre-partie d'une chose déjà reçue ou en vertu d'un contrat don-nant droit à recevoir quelque chose, il s'agissait néanmoins d'une tarn-saction commerciale normale, qui ne comportait aucune des caracté-ristiques de ce qu'on appelle normalement une donation entre vifs. L'avocat de l'intimé prétend qu'aucun de ces deux aspects de l'affaire n'a d'importance. Il estimerait plutôt, je crois, que la loi comporte nécessairement des dispositions arbitraires, qui ont pour but d'assujettir à l'impôt des transactions qui pourraient autrement servir à frauder l'impôt sur les successions, et que ces dispositions doivent être appliquées littéralement à des transactions qui n'ont pas ce but—probablement en raison de la difficulté d'établir que certaines transactions ont un caractère de fraude à l'impôt. Je retiens l'argument selon lequel des dispositions telles que les articles 3(1) c) et g) et 3(6)b), doivent, par leur nature même, s'appliquer selon leurs termes, sans tenir compte de la possibilité que leur application à certaines circons-tances aille plus loin que ce qu'exige, de l'avis de la Cour, l'objet de la loi. Je pense cependant que pour déterminer l'effet d'une telle disposition, comme pour déterminer l'effet de toute disposition d'une loi, on doit la pondérer en tenant compte de son rôle dans l'ensemble de la loi. Si on applique cette méthode en l'espèce, il me semble que les débours faits par l'appelante en vue de maintenir ou d'accroître ses ventes, même 92622-8
[1970] R.C.É. OLYMPIA FLOOR & WALL TILE v. M.R.N 289 s'ils se sont présentés sous la forme de contributions à des organisations de charité, n'étaient pas des «dons» au sens que donne à ce terme l'article 27(1)a) de la Loi de l'impôt sur le revenu. Il sera fait droit à l'appel avec dépens, et les cotisations dont il est fait appel seront déférées à l'intimé pour plus ample étude et nouvelle cotisation, considérant que toutes les contributions en cause supérieures à $100 sont déductibles dans le calcul du revenu de l'appelante pour l'année corres-pondante, et que le reste de ces contributions sont des «dons» au sens de l'article 27(1) a) de la Loi de l'impôt sur le revenu.
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