[1970] R.C.E. MACDONALD & SONS v. M.R.N. 261 [TRADUCTION] Leadbetter (Requérante) v. La Reine (Intimée) Le Juge suppléant Sheppard—Vancouver, les 12, 13 janvier; le 9 février 1970. Couronne—Ministère des Postes—Négligence—Attraction exercée sur les enfants— Boîte aux lettres placée près d'une voie publique—Blessures causées d un petit enfant jouant sur la boîte—Responsabilité de la Couronne—Loi sur la responsa-bilité de la Couronne, S. du C. 1952-53, ch. 30, art. 4(2). Dans le cadre de ses fonctions, un employé des postes a placé une lourde boîte aux lettres le long d'une voie publique, près d'un parc de roulottes, en Colombie-Britannique. Une enfant de trois ans qui vivait dans ce parc de roulottes a subi des blessures corporelles lorsque la boîte aux lettres, sur laquelle elle jouait, est tombée sur elle. lugé: La Couronne était responsable des blessures subies par l'enfant. En plaçant la boîte aux lettres là où il l'a installée, et où elle constituait une attraction pour de jeunes enfants, l'employé des postes s'est montré négligent. Renvoi: Cooke v. Midland G.W. Ry. of Ireland, [1909] A.C. 229. PÉTITION de droit. R. Robinson, pour la requérante. N. D. Mullins, c.r., pour l'intimée. LE JUGE SHEPPARD—La pétition comporte une réclamation en dommage et intérêts pour blessures subies par la mineure requérante, Laura Lee Leadbetter, sur laquelle est tombée une boîte aux lettres collective. On allègue la négligence entraînant une responsabilité, aux termes de la Loi sur la responsabilité de la Couronne, S. du C. 1952-53, ch. 30, art. 4(2).
[1970] R.C.E. LEADBETTER v. LA REINE 263 En mai 1967, Wallis, employé du ministère des Postes, décida avec l'aide d'un certain Elder, de l'emplacement de deux boîtes aux lettres collectives. En conséquence, une des boîtes aux lettres fut installée en bordure du chemin Ord, au croisement d'une route latérale en provenance du nord, à environ 5 milles de Kamloops (C.-B.). En novembre 1967, Wallis installa une seconde boîte aux lettres et la laissa près de l'autre jusqu'en mars 1968, lorsqu'il la plaça à côté de la première. C'est cette seconde boite aux lettres qui causa les blessures dont il est porté plainte. Ces boîtes aux lettres collectives comportent chacune dix casiers; la première boîte aux lettres a un casier utilisé pour l'expédition du courrier; chacun de leurs autres casiers était attribué à un client pour la distribution du courrier, au lieu d'une boîte aux lettres individuelle sur une route rurale. Chaque casier est fermé par un cadenas fourni par le client. Chaque boîte pèse 200 livres dans son emballage de carton, et a donc un poids net d'environ 189 à 190 livres; elle mesure 58 pouces I de hauteur, 18 pouces de profondeur et 23 pouces de largeur; elle tient sur quatre pieds dont deux, de chaque côté, sont fixés à une armature de métal qui dépasse de 6 pouces à l'arrière et à l'avant. En 1968, habitaient au 1440 chemin Ord, dans un parc de roulottes, le requérant Laurie William Leadbetter, sa femme et ses trois enfants, notamment Vicki, alors agée d'environ 8 ans, d'un poids d'environ 40 à 45 livres, et Laura, la mineure requérante, alors agée d'environ 3 ans. Leur roulotte se trouvait à environ 150 pieds au nord des boîtes aux lettres, dans un parc de roulottes situé à environ 100 pieds au nord de la limite des propriétés sur le chemin Ord; néanmoins, l'adresse du parc de roulottes était 1440 chemin Ord. Le 23 novembre 1968, vers midi, la requérante Laura, et une jeune amie de Vield, d'un poids d'environ 35 à 40 livres, jouaient près de la boîte aux lettres; Vicki posa son pied sur la charnière inférieure puis son amie posa son pied sur celui de Vicki pour pouvoir ainsi grimper sur la boîte aux lettres. Leurs efforts firent alors basculer la boite aux lettres vers l'avant; elles l'esquivèrent, mais la boîte aux lettres tomba sur Laura, lui fracturant le fémur droit et le côté gauche du crâne au-dessus et en arrière de l'oreille gauche, pénétrant la membrane protectrice du cerveau. Alors qu'il se rendait chez lui pour déjeuner, Kreiger, un employé travaillant non loin de là, vit la jeune Laura qui gisait sous la boîte aux lettres renversée; pensant que c'était là un objet trop lourd pour un enfant, il arrêta son automobile, souleva la boîte aux lettres pendant que les deux autres petites filles aidaient l'enfant à s'en dégager. Kreiger envoya alors Vicki chez elle pour prévenir sa mère, et transporta Laura à la roulotte, à environ 150 pieds. Les parents emmenèrent alors Laura à l'hôpital, où elle resta 61 jours. Pendant ce temps, sa jambe se remit, et on l'opéra d'une fracture du crâne; la blessure guérit et elle recouvra complètement la santé; aucune incapacité n'est à craindre à la suite de ses blessures; seule subsiste une cicatrice au-dessus et en arrière de l'oreille gauche, qui est d'environ 3 pouces, en forme de fer à cheval; cette cicatrice est cachée par les cheveux et n'est visible que lorsque l'on rejette les cheveux en arrière. En vertu de la Loi sur la responsabilité de la Couronne, S. du C. 1952-53 ch. 30, la Couronne est responsable in tort des actes préjudiciables de ses préposés, dans
[1970] R.C.E. LEADBETTER v. LA REINE 265 la même mesure qu'un particulier (article 3(1)a)). Mais la Couronne n'est responsable que si le préposé est responsable (article 4(2) ). L'article 4, paragraphe 2, précise: Il ne peut être ouvert de procédures contre la Couronne, en vertu de l'alinéa a) du paragraphe (1) de l'article 3, relativement à quelque acte ou omission d'un préposé de la Couronne, à moins que l'acte ou omission, indépendamment des dispositions de la présente loi, n'eût entraîné une cause d'action in tort contre le préposé en question ou son représentant personnel. A l'encontre de l'argumentation de l'avocat, la requérante Laura Lee ne se trouvait pas à proximité de la boîte aux lettres en tant qu'invitée, comme dans l'affaire Indermaur v. Dames' et dans l'affaire Heaven v. Pender2, puisqu'elle n'était pas invitée pour les affaires dont traitait l'occupant. Elle ne bénéficiait pas non plus d'une autorisation implicite, comme dans l'affaire Gautret v. Egerton 3. L'article 4 de l'Highway Act (R.S.B.C. 1960, ch. 172) stipule: Toutes les routes, à l'exception des routes privées, sont considérées comme voies publiques et communes. L'article 5 précise: Sauf dispositions contraires, Sa Majesté, ses Héritiers et Successeurs, possèdent le sol et le franc-alleu de toutes les voies publiques. L'article 6(1) stipule qu'une route de circulation pour laquelle on a dépensé des fonds publics est censée et déclarée être une voie publique. Ceci confère sans aucun doute la propriété du chemin Ord, où se trouvent les boîtes aux lettres, à la Couronne du chef de la province. Cependant, même si l'on affirmait que Laura Lee se trouvait illicitement sur le fonds de la Couronne du chef de la Province, elle ne serait pas pour autant contrevenante à l'égard de Wallis, puisque seul le propriétaire et occupant des lieux peut invoquer en défense l'intrusion de la requérante (Coburn v. Saskatoon (City) )4; or, c'est ici l'obligation de Wallis qui nous concerne au premier chef. De surcroît, il est impossible de présumer qu'en Colombie-Britannique, le droit d'une personne de se trouver sur une route est limité comme dans l'affaire Harrison v. Duke of Rutland 5, dans laquelle on a jugé que le droit du public est limité au droit de passage. Selon l'article 4 de l'Highway Act, Sa Majesté est censée posséder le sol, mais sous réserve du droit commun, accordé au public par les lois, d'y passer. Cependant, étant donné que le lien juridique entre l'intrus et le propriétaire ne fournit à Wallis aucun élément de défense, il n'y a pas lieu de statuer sur ce point; quant à la responsabilité de la Couronne du chef du Canada en vertu de la loi, elle dépend de la responsabi-lité de Wallis (Loi sur la responsabilité de la Couronne, art. 4(2) ); M. S. Procyon v. National Harbours Board°, Bélanger v. His Majesty the King 7. Pour la livraison et l'installation de la boîte aux lettres, Wallis agissait dans l'exercice de ses fonctions et dans le cadre des affaires de la Couronne. En outre, le ministère des Postes avait livré les boîtes aux lettres à Wallis pour 1 (1866) L.R. 1 C.P. 274. 9 (1883) 11 Q.B.D. 503. 8 (1867) L.R. 2 C.P. 371. a [1935] 1 W.W.R. 392. 6 [1893] 1 Q.B. 142 (C.A.). 9 [1968] 2 R.C.É. 330. 7 (1916) 54 S.C.R. 265.
[1970] R.C.É. LEADBETTER v. LA REINE 267 qu'il les installe à l'emplacement de son choix, et depuis lors, le courrier a été remis à Wallis pour distribution dans ces boîtes aux lettres collectives. Il s'en-suit que c'est Wallis qui a placé la boîte aux lettres, à cet endroit sur le chemin Ord, conformément aux fonctions que lui avait attribuées la Couronne du chef du Canada. Pour déterminer la responsabilité en l'espèce, il s'agit de savoir si Wallis avait une obligation envers la requérante, et donc si la boîte aux lettres collective constituait une attraction ou un danger caché pour des enfants. La boîte aux lettres n'était pas dangereuse en elle-même, comme les fils électriques et les transformateurs de l'affaire Lengyel v. Manitoba Power Commission8. On éprouve quelque difficulté à concilier la jurisprudence en matière de responsabilité d'enfants (Lengyel v. Manitoba Power Commission (voir ci-dessus), jugement rendu par le juge des appels Tritschler, à la page 507) ; cependant, le critère permettant de déterminer ce qui constitue une attraction se trouve dans l'affaire Cooke v. Midland Great Western Railway of Ireland9, où lord Atkinson déclare, à la page 237: La jurisprudence fixée par l'affaire Lynch v. Nurdlin (1 Q.B. 29) établit, me semble-t-il, en premier lieu, que nul n'est censé ignorer que les jeunes enfants, et les garçons en particulier, sont d'un caractère très curieux et souvent malicieux, et sont prêts à toucher tout ce qui peut être à leur portée; en second lieu, qu'il est vraisemblable que les rues, les routes et les lieux publics soient fréquentés par des enfants très jeunes et des enfants de ce caractère; et enfin, que si des véhicules et des machines sont laissés sans garde ni surveillance par leur propriétaire ou par les agents de ce dernier, en un lieu que des enfants et des garçons de ce type sont en droit de fréquenter, et qu'il est vraisemblable qu'ils fréquentent, dans un état ou une situation susceptible de pousser ou d'amener ces enfants à les toucher et de comporter un danger pour ceux qui les toucheraient, les propriétaires de ces machines ou véhicules sont alors tenus de verser des dommages-intérêts pour les blessures subies par ces jeunes enfants en raison de la négligence de ces proprié-taires, qui ont abandonné leurs machines ou véhicules en de tels lieux et dans de telles conditions, même si l'accident qui a entraîné les blessures a été causé par l'intervention d'un tiers, ou si la personne blessée se trouvait, dans les circonstances de l'espèce, illicitement sur ce véhicule ou cette machine, au moment où s'est produit l'accident. J'ai omis les mots `lieux ou passages publics» de cette dernière phrase, car j'estime que le principe de cette jurisprudence s'applique à tout lieu où des garçons ou enfants sont en droit d'aller, et où l'on peut raisonnablement compter sur leur présence fréquente. Le fondement du droit de se trouver à cet endroit en particulier où le garçon ou l'enfant touche au véhicule ou à la machine, ou la façon dont ce droit a été acquis, ne sont pas à mon avis des considérations pertinentes en l'espèce. Il s'ensuit que Wallis doit être tenu de savoir 1) que les enfants ont un caractère curieux et malicieux qui les dispose à toucher tout ce qui est à leur portée, et 2) qu'il n'est pas improbable que des rues publiques comme le chemin Ord soient fréquentées par de très jeunes enfants. Les affaires suivantes donnent des exemples de ce qui a été considéré comme une attraction. Dans l'affaire Ricketts v. Markdale10, on a jugé qu'un tas de bois dans la rue, qui avait causé des blessures à un enfant de sept ans qui y jouait, pouvait engager la responsabilité, et dans l'affaire Sangster v. 8 (1957-58) 23 W.W.R. 497. ° [1909] A.C. 229. 1 ° (1900) 31 O.R. 610.
[1970] R.C.É. LEADBETTER v. LA REINE 269 T. Eaton Co.11 , on a jugé qu'une glace amovible, fixée peu solidement parce que simplement appuyée sur le mur d'une boutique, engageait la responsabi-lité de l'occupant. Dans l'affaire Burtch v. C.P.R 12, un enfant de dix ans, qui jouait dans la rue en descendant une côte et en franchissant le passage à niveau de la défenderesse, a été blessé par un wagon en marche, et on a jugé que la défenderesse était responsable en raison de l'absence d'avertisse-ment. Dans l'affaire Brignull v. Grimsby13, un enfant de cinq ans et demi accompagné d'un frère légèrement plus âgé que lui se fit écraser un doigt, alors qu'il jouait dans la rue, par une niveleuse à l'arrêt avec un frein défectueux, laissée sans surveillance dans la rue. Dans ces circonstances, Wallis doit être tenu responsable d'avoir placé une attraction sur la voie publique en cause. En l'espèce, la présomption que Wallis savait que des enfants fréquentaient souvent ces lieux est renforcée par le fait qu'il distribuait du courrier dans cette zone depuis un certain temps, et savait donc que le parc de roulottes commençait à 150 pieds au nord de la route où se trouvaient les boîtes aux lettres et qu'une école était située à un demi-mille du parc de roulottes. Après avoir reconnu l'existence de cette obligation, il s'agit de savoir ensuite si Wallis a commis en fait une négligence, en n'usant pas de la diligence d'un homme raisonnable et prudent dans ces circonstances. Or, il apparaît, d'après la façon dont la boîte en cause est tombée qu'elle n'avait pas été bien calée. La boîte aux lettres a basculé en avant sur Laura et, Kreiger, s'étant arrêté après l'accident, apprit que les deux enfants, Vicki et son amie, n'avaient pu soulever la boîte aux lettres et dégager Laura, à cause du poids de la boîte. En essayant de soulever la boîte aux lettres pour dégager Laura, Vicki et son amie n'avaient à soulever qu'une partie du poids, c'est-à-dire la partie supérieure de la boîte; le fond était resté au sol et le poids des enfants n'augmentait pas le poids de la boîte. Si la boîte avait été correctement calée, ces deux enfants n'auraient pas pu la renverser. La boîte comportait de chaque coté, sous les pieds, une armature qui dépassait d'environ 6 pouces à l'arrière et 6 pouces à l'avant de la boîte. Si le sol avait été nivelé sous les armatures la boîte n'aurait pu basculer vers l'avant, à moins que le centre de gravité de la boîte n'ait été porté à une certaine hauteur et à l'avant, de sorte que tout le poids de la boîte repose sur les extrémités avant des armatures; dans le cas contraire, le poids de la boîte et le prolongement des armatures auraient empêché la boîte de basculer en avant. Les deux petites filles (Vicki et son amie) n'avaient pas la force de la soulever ainsi. Debout, elles ne pouvaient pas soulever la partie supérieure de la boîte pour dégager Laura et, il leur aurait été encore moins possible de soulever la boîte avant l'accident. Les deux petites filles avaient alors essayé de grimper sur la boîte en plaçant une main ou les deux mains sur le dessus et en posant chacune un pied sur la charnière inférieure; c'est pourquoi, au moment de l'accident, chacune n'avait qu'un pied à terre. Dans cette position, elles pouvaient soulever moins de poids que lorsqu'elles ont essayé de soulever la boîte et de dégager Laura. Rappelons que leur n (1895) 25 O.R. 78; 21 O.A.R. 624; 24 S.C.R. 708. 'a (1907) 13 O.L.R. 632. 18 (1925) 56 O.L.R. 525.
[1970] R.C.$. LEADBETTER v. LA REINE 271 poids (pour Vicki 40 à 45 livres, pour l'autre petite fille 35 à 40 livres), dans la mesure où il reposait sur la charnière, devait être soulevé en même temps que le poids de la boîte, ce qu'elles ne pouvaient faire. L'accident se produisit lorsque la boîte bascula en avant, au-delà de l'extrémité des armatures, et dans le sens de la pente. Ces circonstances indiquent que l'extrémité des armatures ne pouvait pas reposer sur le sol. Lorsque Wallis installa la boîte à cet endroit, il découvrit, après avoir creusé à l'emplacement d'une armature, que l'un des coins de la boîte penchait; c'est pourquoi, il plaça une pierre sous ce coin pour la caler. Wallis n'enfonça pas la pierre dans le sol mais la posa simplement sur le sol. Des photos prises après l'accident montrent que la pierre avait creusé un trou au fur et à mesure que la pierre s'enfonçait dans le sol, le coin s'enfonçait et la boîte penchait en avant. L'accident indique que la boîte n'était pas bien calée, mais au contraire était placée sur une pente, de sorte que les armatures ne pouvaient l'empêcher de basculer en avant, comme elles auraient dû le faire. La nature de cet accident indique également qu'il a été causé par le fait que la boîte avait été installée avec négligence, sans avoir été convenable-ment calée. On peut donc conclure à la négligence, à partir du principe res ipsa loquitur: voir Lawrie v. Woodward Stores (Oakridge) Ltd.14 , à la page 560. Ce principe n'est pas un point de droit mais une conclusion de fait, tirée logiquement des faits établis (Shawinigan Carbide Company v. Doucet16, jugement rendu par le juge Duff, à la page 304). L'intimée a plaidé que Wallis n'était pas censé prévoir que les enfants, Vicki, son amie et la requérante Laura Lee, toucheraient la boîte puisqu'il n'avait pas eu aupravant l'expérience d'un tel accident. Malheureusement, il faut imputer à Wallis la connaissance de l'attraction, comme l'indique l'affaire Cooke v. Midland Railway (voir ci-dessus), puisqu'il savait que les boîtes aux lettres étaient placées sur une voie publique; il doit être censé savoir que des enfants pourraient vraisemblablement y toucher, et qu'il était vraisemblable que de très jeunes enfants fréquentent le chemin Ord, puisque c'est une rue publique. Puisque Laura avait alors 3 ans, on ne peut pas parler de négligence dans son cas. On ne peut pas prouver que Vicki, alors âgée de 8 ans, ou son amie, étaient en âge de juger du danger. En conséquence, les principes suivants, énoncés par le juge des appels Tritschler dans son juge-ment dans l'affaire Lengyel v. Manitoba Power Commission (voir ci-dessus), aux pages 504-505, sont applicables: La défenderesse prétend que, d'après la jurisprudence, le demandeur doit prouver que les objets en cans étaient placés dam un endroit fréquenté par des enfants; que l'endroit en question n'était pas fréquenté par des enfants et qu'elle n'avait aucune raison de s'attendre à ce que des enfants se trouvent à cet endroit. Il est absolument impossible de tenir ce raisonnement en l'espèce, alors que l'endroit en question se trouve sur une voie publique, en bordure d'une ville et à quelques centaines de verges d'habitations agricoles. Que les témoins n'aient pas vu d'enfants dans ce secteur ne prouve pas que les enfants ne le fréquentaient pas. Il était inévitable que des enfants utilisent cette voie. On pouvait prévoir que des enfants seraient attirés par cette machine étrange. 14 (1966) 56 W.W.R. 557. '8 (1909) 42 S.C.R. 281. 92622-7
[1970] R.C.É. LEADBETTER v. LA REINE 273 L'espèce Shilson v. Nor. Ont. Light & Power Co., [1920] 1 W.W.R. 422; 59 S.C.R. 443, sur laquelle la défenderesse appuie cette partie de son raisonnement, est tout à fait différente, et ne renforce en rien son argument. Dans Law of Torts de Winfield, on peut lire, à la page 587 de la 5e édition: 'Le caractère malicieux des jeunes enfants donne autant de problèmes à leurs aînés devant les tribunaux que par ailleurs, et on a modifié dans leur cas le droit applicable aux objets dangereux, dans le sens suivant: Un occupant doit apporter une diligence raisonnable à préserver de toute blessure les enfants dont il connaît ou devrait connaître ou prévoir la présence et qui sont trop jeunes pour mesurer le danger de certains objets attirants (souvent appelés «dangers cachés' ou «attractions») placés là sous sa surveillance ou à sa connaissance, du fait de ce danger, soit par un avertissement qu'ils puissent comprendre, soit par quelque autre moyen.' Si l'occupant a l'obligation de veiller à la sécurité d'enfants dont il connaît ou devrait connaître ou prévoir la présence, celui qui n'est pas un occupant et qui place un objet fascinant et funeste sur la voie publique ne saurait être tenu à moins. Et à la page 506: Le fait qu'il ait eu conscience de commettre un acte prohibé n'empêchera pas toujours un enfant de repousser victorieusement la demande. Gough v. National Coal Board, [1953] 1 Q.B. 191 et [1953] 3 W.L.R. 900, en est un exemple. J'adopterais volontiers le raisonnement de Lord Birkett, à la page 909: 'Le garçon n'était pas, à mon avis, assez âgé pour mesurer le danger véritable de ce qu'il faisait ...' Il s'ensuit que c'est la négligence de Wallis qui a causé l'accident. Par ailleurs, on a prétendu que l'accident avait été causé par les actions incidentes de Vicki et de son amie. On ne peut cependant retenir cet argument. Wallis aurait dû prévoir les actes des enfants; dans les circonstances dé l'espèce, ceux qui ont fait naître le danger ne peuvent dégager -leur responsabilité en se prévalant des actes incidents d'un tiers. (Geall & Adams v. Dominion Creosoting Co 16. En outre, on n'a pas prouvé que Vicki et son amie, les enfants en cause en l'espèce, étaient en âge de juger du danger. (Lengyel v. Manitoba Power Commission, voir ci-dessus, à la page 506). En conséquence, les requérantes recevront: la requérante mineure, la somme de $2,200.00, et le requérant adulte, la somme de $234.87. Les requérants auront droit aux frais de la poursuite. La somme attribuée à la mineure requérante pourra être versée au requérant adulte Laurie William Leadbetter. 16 (1916-17) 55 S.C.R. 587 à la page 589. 92622-71
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.