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[1970] R.C.É. FLIPPER DRAGGERS v. .00EAN ROCKSWIFT. 61 [TRADUCTION] Smith Kline & French Inter-American Corp. (Demanderesse) v. Micro Chemicals Ltd et al. (Défenderesses). Présent: Le Juge WalshOttawa, les 8 et 23 janvier 1970. BrevetsJugementsContrefaçon de brevetRedressementsDommages-intérêts ou restitution de bénéficesPrononcé du jugementOmission par inadvertance de la reconnaissance du droit aux bénéficesPouvoir de modification. La demanderesse a obtenu gain de cause dans une action pour contrefaçon de brevet ([1969] 2 R.C. de l'É. 344). Dans le prononcé de la Cour, conforme aux motifs du jugement, on a ordonné un renvoi afin de faire déterminer les dommages subis par la demanderesse. Par inadvertance, la Cour a oublié d'accorder à la demanderesse la possibilité d'exiger plutôt une restitution de bénéfices, selon sa préférence. La demanderesse a présenté une requête en modification du prononcé et des minutes du jugement, déterminées conformément au prononcé. Jugé: La Cour avait le pouvoir, en vertu de la règle 172(5) de la Cour de l'Échiquier (telle que rédigée à cette époque), d'autoriser cette modification. Renvoi: Paper Machinery Ltd. et al. v. J. O. Ross Engineering Corp. et al., [1934] S.C.R. 196. MOTION R. G. McClenahan, pour la demanderesse, requérante. L'hon. J. T. Thorson, c.r., pour la défenderesse, contrâ. LE JUGE WALSH: II s'agit d'une motion présentée par voie d'appel de la détermination du jugement rendu en l'espèce par le régistraire-associé, M. Gabriel Belleau, le vendredi 19 décembre 1969, et par voie de requête adressée à la Cour en vue d'obtenir une ordonnance modifiant le prononcé du jugement dans cette affaire, ainsi que le jugement déterminé conformé-ment à celui-ci, par l'addition d'une clause habilitant la demanderesse à recevoir des défenderesses une somme égale, soit au montant des dommages
[1970] R.C.E. SMITH KLINE v. MICRO CHEMICALS 63 qu'elle a subis du fait de la contrefaçon opérée par les défenderesses, soit au montant des bénéfices réalisés par les défenderesses en contrefaisant son brevet, et autorisant en outre un renvoi. Pour parvenir à une conclusion, il est nécessaire de se reporter non seulement aux minutes du jugement, telles qu'elles ont été déterminées, ainsi qu'au prononcé, mais également aux motifs du jugement en date du 31 juillet 1969, afin d'établir si le jugement déterminé conformément au prononcé peut être modifié en vertu des Règles de cette Cour. Le prononcé en date du 31 juillet 1969, c'est-à-dire du même jour que les motifs, consistait simplement en «un bref endossement porté sur le dossier certifié, sous l'intitulé de Fiat du juge, et déclarait: [TRADUCTION] Il est jugé, en faveur de la demanderesse, que les Lettres patentes canadiennes 612204 sont valides entre les parties, et que les trois défenderesses les ont contrefaites. L'affaire est renvoyée devant le registraire pour enquête et rapport sur le montant des dommages. Les dépens à taxer sont à la charge des défenderesses. Si ce prononcé était exact, et si on n'y a pas oublié ou accidentellement omis une question qui aurait faire l'objet d'une décision, ce qui lui rendrait applicable l'ancienne règle 172(5), on doit dès lors reconnaître que les minutes du jugement déterminées par M. Belleau, le 19 décembre 1969, en conformité de l'ancienne règle 172, sont exactes et qu'elles correspondent fidèlement aux termes dudit prononcé. Bien que la règle 172 ait été modifiée le 5 septembre 1969, il semble que ce soit l'ancienne règle que l'on doive appliquer en l'espèce, puisque le jugement a été rendu le 31 juillet 1969. De toute manière, le droit de la Cour de reviser les termes du jugement est essentiellement le même sous les deux règles, l'ancienne comme la nouvelle. Je ne pense pas que l'on puisse dire que la teneur du prononcé découlait d'une erreur matérielle ou d'une erreur qui s'y serait glissée par suite d'inadvertance ou d'omission, au sens de l'ancienne règle 172(6); de sorte que pour opérer aujourd'hui une modification, il faut pouvoir invoquer le motif quune question qui aurait faire l'objet d'une décision a été oubliée ou accidentellement omise du jugement tel qu'il a été rendu», au sens de la règle 172(5). La teneur, malheureusement brève et incomplète, dudit prononcé découle de l'utilisation quelque peu abusive du terme «dommages» fait au cours de l'audience et de la plaidoirie, pendant le procès. J'ai noté qu'à l'ouverture de l'audience, les parties avaient convenu que les «dommages» seraient déterminés après l'instruction, dans le cas la demanderesse obtiendrait gain de cause; on a fait mention de la règle 154A(2). Prenant pour acquise mon acceptation de l'arrangement intervenu ainsi entre les parties à l'ouverture de l'audience, la demanderesse n'a nullement essayé de produire la moindre preuve soit quant aux dommages, soit quant à une restitution de bénéfices. A la fin de l'instruction, le savant avocat des défenderesses a soutenu que, même dans le cas la Cour aurait estimé qu'il y avait eu contrefaçon, aucun renvoi n'aurait été nécessaire, puisque la Cour pouvait «déterminer les dommages en les basant sur le montant de la redevance» finalement déterminée par le Commissaire le 3 février 1967, après qu'ait eu lieu la contrefaçon alléguée. Dans les motifs de mon juge-ment, j'ai rejeté cette thèse comme base d'évaluation des dommages et
[1970] R.C.É. SMITH KLINE v. MICRO CHEMICALS 65 soutenu au contraire la prétention de l'avocat de la demanderesse, qui exigeait un renvoi au registraire. Au bas de la page 32 des motifs du juge-ment, me référant à la plaidoirie de l'avocat de la demanderesse, je déclare: D souligna que son client avait la -possibilité de réclamer une restitution de bénéfices, et que, pour décider s'il allait exercer cette option, il lui serait nécessaire d'interroger de façon plus poussée certains agents de la corporation défenderesse. D fit valoir qu'il pourrait y avoir lieu de recouvrer des dommages de Paul Marley Laboratories (Canada) Ltd., sur la base de ses prix de vente, plutôt que de la défenderesse Micro Chemicals Ltd., sachant qu'il y avait eu violation par les trois corporations défenderesses, à trois niveaux différents, et que son client n'était pas obligé de se contenter d'un minimum de dommages-intérêts. Il est clair que le terme «dommages» est utilisé ici au sens, donné par le dictionnaire: cvaleur, estimée en espèces, d'une chose dont on est privé par perte ou réten-tion; somme réclamée ou accordée en compensation d'une perte ou de blessures subies, [Traduction d'après le Shorter Oxford Dictionary] et qu'on n'a pas suffisamment tenu compte de la distinction à faire, en matière de contrefaçon de brevet, entre les «dommages», au sens de perte subie par le demandeur, et la «restitution de bénéfices», au sens de bénéfices réalisés par le défendeur à la suite de la contrefaçon et que le demandeur peut dans certains cas réclamer à la place des «dommages» qu'il a subis. Cette distinction est clairement établie par le juge Noël dans la cause Cheerio Toys & Games Limited v. Samuel Dubinerl, il invoque la cause anglaise Draper v. Triste and Tristebestos Brake Lining Ltd.2, dans laquelle il était dit, à la page 439: Bien sûr, si l'on opte pour la restitution de bénéfices, qui est le mode de redressement en equity, il n'est absolument plus nécessaire de tenir compte des dommages subis par le demandeur. L'objet de cette restitution est de remettre au demandeur les bénéfices que les défendeurs ont effectivement réalisés, et auxquels ils perdent tout droit en equity dès qu'il est établi que ces profits ont été malhonnêtement acquis. L'exposé de demande sollicitait de la Cour, au paragraphe 12(c) l'autorisation de faire tous les relevés et toutes les recherches nécessaires afin d'établir le montant des dommages ou des profits auxquels a droit la demanderesse, et il est évident que l'avocat de la demanderesse n'a pas renoncé à cette requête au cours de sa plaidoirie, bien qu'il n'ait peut-être pas suffisamment insisté sur le sujet, ainsi que je l'ai signalé en parlant de ce plaidoyer dans les motifs du jugement. Le fait qu'après avoir fait mention de la demande de restitution de bénéfices, on ait utilisé le terme «dommages» à propos du renvoi au registraire, ne doit pas être considéré, contrairement à ce que soutenait l'avocat de la défenderesse à l'audition de cette motion, comme un rejet par la Cour de la possibilité pour la demanderesse d'exiger une restitution de bénéfices, car la Cour avait l'intention de renvoyer l'affaire au registraire afin d'évaluer le montant de l'indemnité à accorder, soit à titre de dommages soit à titre de restitution de bénéfices. Il faut cependant souligner que la demanderesse devra faire son choix avant que le registraire ne commence l'évaluation du montant. 1 [1966] R.C. Éch. 811. Y 56 R.P.C. 429. 92621-5
[1970] R.C.E. SMITH KLINE v. MICRO CHEMICALS 67 Je crois que les dispositions de l'ancienne règle 172(5) sont suffisamment larges pour me permettre de conclure qu'il s'agit d'une question qui aurait faire l'objet d'une décision et qui a été oubliée ou accidentellement omise du jugement tel qu'il a été rendu, et que la teneur des motifs du jugement, considérés dans leur ensemble, indique que telle était la véritable intention de la Cour, bien que le prononcé, ainsi rédigé, ne le montre pas de manière précise. La jurisprudence citée par le savant avocat des défenderesses, d'après laquelle la Cour est désormais functus et ne peut modifier le jugement qu'elle a rendu (Chambly Manufacturing Company v. Willet3 et Falwell v. Andrew4), ne change rien à cette conclusion. D'autre part, la Cour Suprême, dans l'affaire Paper Machinery Ltd. et al v. J. O. Ross Engineering Corporation et a15, a déclaré: La véritable question est donc de savoir si la Cour a le pouvoir de modifier un jugement qui a été rédigé et inscrit. En cette matière, la règle du droit anglais stipule, à notre aviset nous ne concevons pas pourquoi ce ne serait pas également la règle suivie par cette Courqu'on ne peut modifier un jugement rédigé et inscrit qu'en deux circonstances: 1. lorsqu'il y a eu une erreur de rédaction ou 2. lorsqu'il y a eu une erreur dans l'expression de l'intention manifeste de la Cour. Je crois que le prononcé aurait être énoncé en la forme suggérée par le président Jackett dans l'affaire Union Carbide Canada Ltd. v. Trans canadian Feeds Ltd. et al Les minutes du jugement déterminées par le registraire-associé le 19 décembre 1969 devraient donc être modifiées de manière à comporter le jugement suivant: 1. Il est déclaré et décidé que les Lettres patentes canadiennes 612204 mentionnées dans l'exposé de demande sont valides entre les parties; 2. Il est déclaré et décidé que ledit brevet a été contrefait par chacune de trois défenderesses; 3. Il est déclaré et décidé que la demanderesse a droit de recevoir des défenderesses une somme égale (a) soit au montant des dommages subis par elle et résultant de la contrefaçon dudit brevet par les défenderesses, (b) soit au montant des profits réalisés par les défenderesses en contrefaisant ledit brevet. 4. Afin de déterminer la somme que la demanderesse a droit de recevoir des défenderesses (si les parties ne peuvent se mettre d'accord à ce sujet), sont renvoyées au registraire (ou à un sous-régistraire nommé par le registraire ou, à un fonctionnaire de la Cour désigné par les parties ou nommé à cet effet par le tribunal), pour enquête et rapport, les questions suivantes, à savoir: (a) la nature des actes en contrefaçon dudit brevet accomplis par les défenderesses et allégues dans l'exposé de la demande; $ (1904) 34 S.C.R. 502. (1917) 36 D.L.R. 408. °[1934] S.C.R. 186, à la page 188. ° 32 Fox Pat. C., à la page 36. 92621-5}
[1970] R.C.É. SMITH KLINE v. MICRO CHEMICALS 69 (b) au choix du demandeur (qui doit être exprimé par un écrit déposé à la Cour et signifié aux défenderesses, avant que la demanderesse ne puisse entreprendre toute procédure relative au renvoi), déterminer le montant des dommages subis par la demanderesse ou celui des profits réalisés par les défen-deresses; et 5. Il est ordonné et décidé que la demanderesse recouvre des défenderesses les dépens à taxer, à l'exception des frais du renvoi, sur lesquels il sera statué en même temps que sur la motion pour jugement sur rapport de l'arbitre, en vertu de la règle 186 des Règles et ordon-nances générales de cette Cour. Il est donc fait droit à la présente motion, mais sans dépens. L'article 20 de la Loi sur les juges (S.R.C. 1952, ch. 159), amendé par
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