T-1160-92
Merck & Co. Inc., Merck Frosst Canada Inc. et
Yamanouchi Pharmaceutical Co. Ltd.
(demanderesses)
c.
Interpharm Inc., Allen Barry Shechtman,
Bernard Sherman, Northam Medication Service
Inc., Inter -American Office Service Inc., Medicine
Club of America Inc., Leonard Clayman, Bluma
Clayman, 643402 Ontario Limited et Medichem
Inc. (défenderesses)
RÉPERTORIÉ? MERCK & CO. C. INTERPHARM INC (Ire INST.)
Section de première instance, protonotaire adjoint
Giles—Toronto, 14 et 18 septembre 1992.
Avocats et procureurs — Engagement tacite de discrétion —
Requête visant à faire déclarer Gowling, Strathy & Henderson
inhabile à continuer à représenter les demanderesses — À
l'occasion de l'exécution d'une ordonnance de type Anton Pil
lar pour le compte d'une autre demanderesse dans une autre
affaire de contrefaçon, Gowling aurait été en mesure d'appren-
dre sur les activités des défenderesses des renseignements qui
pourraient être utiles aux demanderesses dans la présente
espèce — Les renseignements ainsi appris seraient régis par
un engagement tacite de discrétion — Faut-il déclarer inhabile
l'avocat qui pourrait communiquer à mauvais escient des ren-
seignements régis par un tel engagement? — Requête rejetée
— Les jugements concernant le secret professionnel des avo-
cats ne s'appliquent pas, car Gowling est lié aux défenderes-
ses, non pas par des rapports d'avocat à client, mais par une
obligation tacite — L'intérêt public que représente l'engage-
ment tacite, quand on le met sur la balance à l'opposé de celui
que représentent le droit d'une partie de choisir son propre
avocat et la bonne administration de la justice, n'est pas assez
lourd pour qu'on exige des tribunaux qu'ils déclarent inhabile
tout avocat qui pourrait communiquer à mauvais escient des
renseignements régis par un tel engagement — L'avocat qui
viole l'engagement s'expose à être poursuivi pour outrage au
tribunal — L'engagement tacite limite l'usage qu'un avocat
peut faire des renseignements appris, mais il ne peut pas l'em-
pêcher de les retenir dans son esprit — Il est dans l'intérêt
supérieur de la bonne administration de la justice de retenir
les services d'avocats qui ont déjà plaidé des causes sem-
blables, à condition toutefois que les renseignements qui leur
ont été révélés et leur existence ne soient pas divulgués à l'ex-
térieur de leur cabinet.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Règles de la Cour fédérale, C.R.C., ch. 663.
JURISPRUDENCE
DISTINCTION FAITE AVEC:
Succession MacDonald c. Martin, [1990] 3. R.C.S. 1235;
(1990), 77 D.L.R. (4th) 249; [1991] 1. W.W.R. 705; 70
Man. R. (2d) 241; 121 N.R. 1.
DÉCISIONS EXAMINÉES:
Eli Lilly and Co. c. Interpharm Inc. (1992), 42 C.P.R.
(3d) 4 (C.F. Pe inst.); Crest Homes Plc. v. Marks, [1987]
A.C. 829 (H.L.); Spiliada Maritime Corpn. v. Cansulex
Ltd., [1987] A.C. 460 (H.L.); Home Office v. Harman,
[1983] 1 A.C. 280 (H.L.).
DÉCISION CITÉE:
Bibby Bulk Carriers Ltd. v. Cansulex Ltd., [1989] Q.B.
155.
REQUÊTE des défenderesses visant à faire décla-
rer Gowling, Strathy & Henderson inhabile à conti-
nuer à représenter les demanderesses. Requête reje-
tée.
AVOCATS:
Gordon F. Henderson, c. r. pour les demanderes-
ses.
Harry B. Radomski pour les défenderesses.
PROCUREURS:
Gowling, Strathy & Henderson, Ottawa, pour les
demanderesses.
Goodman & Goodman, Toronto, pour les défen-
deresses.
Ce qui suit est la version française de l'ordon-
nance et des motifs de l'ordonnance rendus par
LE PROTONOTAIRE ADJOINT GILES: La requête dont je
suis saisi vise à obtenir une ordonnance déclarant le
cabinet d'avocats Gowling, Strathy & Henderson (ci-
après désigné «Gowling») inhabile à continuer à
représenter les demanderesses. Elle se fonde princi-
palement sur le fait que Gowling avait représenté les
demanderesses («Eli Lilly») dans l'affaire Eli Lilly
and Co. c. Interpharm Inc. (1992), 42 C.P.R. (3d) 4
(C.F. ire inst). Dans l'affaire citée, Eli Lilly poursui-
vait plusieurs sociétés, dont certaines des défenderes-
ses dans la présente espèce, pour contrefaçon relati-
vement à certains brevets pharmaceutiques qui ne
sont pas en cause dans la présente espèce, contrefa-
çon qui serait semblable à celle qui aurait été com-
mise relativement à un brevet en litige dans la pré-
sente espèce. Au cours de cette poursuite, une
ordonnance de type Anton Pillar a été obtenue et, à
l'occasion de son exécution, les avocats d'Eli Lilly
auraient été en mesure d'apprendre sur les activités
des défenderesses des renseignements qui pourraient
être utiles aux demanderesses dans la présente
espèce. Les renseignements ainsi appris seraient régis
par un engagement tacite de confidentialité. Les
défenderesses qui m'ont présenté leur requête sou-
tiennent qu'en permettant aux avocats liés par un tel
engagement tacite de représenter une autre partie en
faveur de laquelle ils pourraient communiquer (pour
employer un terme neutre) les renseignements appris
risque de ternir la réputation de la justice. Pour cette
raison, leur avocat a tenté de me persuader d'ordon-
ner que Gowling soit déclaré inhabile à continuer à
représenter les demanderesses. J'ai rejeté la requête
en donnant oralement mes motifs à l'audience, mais
j'ai indiqué que si l'avocat des défenderesses le
demandait, je donnerais brièvement mes motifs par
écrit, ce que je fais maintenant à sa demande.
L'avocat m'a prié de faire l'analogie avec des
affaires dans lesquelles des avocats ont été déclarés
inhabiles parce qu'ils se trouvaient dans une situation
où ils risquaient de violer leur secret professionnel.
Dans ces affaires, l'avocat d'un client a par la suite,
soit représenté lui-même, soit travaillé pour le cabinet
qui représentait une partie ayant des intérêts opposés
à ceux dudit client. En l'espèce, rien n'indique qu'un
membre du cabinet d'avocats des demanderesses a
jamais eu des rapports d'avocat à client avec l'une ou
l'autre des défenderesses. Alors que personne n'a
allégué que le membre du cabinet d'avocats qui
représente les demanderesses aurait utilisé les rensei-
gnements régis par un engagement tacite ou même
que d'autres membres du cabinet d'avocats qui
avaient représenté Eli Lilly lui auraient transmis de
tels renseignements, rien n'indique non plus qu'on
avait tracé une ligne à la craie, édifié un cône de
silence ou pris d'autres mesures pour veiller à ce que
les membres du cabinet d'avocats qui avaient repré-
senté Lilly ne communiquent pas avec ceux qui
représentent les demanderesses. Si j'avais conclu que
les principes établis par les jugements cités concer-
nant le secret professionnel des avocats s'appli-
quaient à l'espèce et, par voie de conséquence, qu'il
incombait aux avocats des demanderesses de prouver
qu'il ne pouvait y avoir incompatibilité, je serais
obligé, aux termes de l'arrêt Succession MacDonald
c. Martin, [1990] 3 R.C.S. 1235, de déclarer les avo-
cats inhabiles parce qu'absolument rien ne prouve
qu'une violation de l'engagement n'aurait pu se pro-
duire.
Le secret professionnel des avocats est l'un des
principes fondamentaux qui permettent à notre justice
de bien fonctionner et d'inspirer confiance au public.
Par souci pour l'intérêt public que représente l'invio-
labilité de ce secret, les tribunaux ont imposé de
grands inconvénients et ont écarté catégoriquement
des droits individuels tels que celui d'une personne
de choisir son propre avocat. En l'espèce, rien n'in-
dique qu'un avocat qui a naguère représenté une
défenderesse travaille aujourd'hui pour le cabinet
d'avocats représentant les demanderesses. Rien n'in-
dique que des rapports d'avocat à client s'étaient éta-
blis entre les défenderesses et quiconque travaillant
pour Gowling. L'intérêt public que représente le
secret professionnel des avocats n'est pas en jeu.
J'estime que l'engagement tacite serait tout à fait
irréaliste s'il permettait de déclarer inhabile à repré-
senter d'autres clients tout avocat qui y est tenu. L'in-
térêt public que représente l'engagement tacite,
quand on le met sur la balance à l'opposé de celui
que représentent le droit d'une partie de choisir son
propre avocat et la bonne administration de la justice,
n'est pas assez lourd pour contraindre les tribunaux à
déclarer inhabile tout avocat qui pourrait communi-
quer à mauvais escient des renseignements régis par
un tel engagement. Si un avocat viole l'engagement,
il convient de le poursuivre pour outrage au tribunal
et non de le déclarer inhabile.
Un avocat qui a une nombreuse clientèle doit
nécessairement apprendre beaucoup de renseigne-
ments régis par des engagements tacites. À une
époque où les avocats doivent, en début de carrière,
faire des études spécialisées et travailler de longues
heures, il est possible qu'une proportion notable de
leurs connaissances générales soit acquise dans
l'exercice de leur profession, connaissances qu'ils
auraient peu d'occasions d'acquérir dans d'autres cir-
constances. Il est également possible qu'une majeure
partie de ces connaissances générales soit régie par
des engagements tacites. Si l'on accepte la thèse des
défenderesses, il y aura peu d'avocats ayant quelque
expérience qui pourront continuer à prendre part à
des procès. Il ne faut pas oublier que l'engagement de
l'avocat est un engagement envers les tribunaux et ne
se limite pas à la communication de renseignements
dans les procès où une ou plusieurs parties sont d' an-
ciens clients.
L'avocat des défenderesses n'a pas pu me citer un
seul jugement où la question de savoir s'il fallait
déclarer inhabile un avocat qui pourrait ou pouvait
communiquer à mauvais escient des renseignements
régis par l'engagement a été examinée. Il existe
cependant plusieurs jugements dans lesquels il serait
étonnant que, en supposant qu'un tel principe général
existe, la question n'ait pas été examinée. Dans l'ar-
rêt Crest Homes Plc. v. Marks, [1987] A.C. 829
(H.L.) (où le tribunal a fait remarquer que l'engage-
ment tacite s'appliquait à des renseignements obtenus
en conséquence d'une ordonnance de type Anton Pil
lar), la demanderesse soutenait que les défenderesses
lui avaient pris des plans. Le tribunal a ordonné aux
défenderesses de restituer les plans; un certain nom-
bre d'entre eux ont été remis. La demanderesse a
intenté alors un autre procès. Au nombre des défen-
deresses dans ce deuxième procès se trouvaient les
défenderesses dans le premier procès. La demande-
resse a obtenu une ordonnance de type Anton Pillar
dans le deuxième procès et a pu reprendre possession
d'un grand nombre de plans qui, selon elle, auraient
dû être restitués lors de l'exécution de l'ordonnance
obtenue dans le premier procès. L'arrêt que j'ai cité
concerne une requête visant à libérer l'avocat de son
engagement tacite afin que les renseignements obte-
nus en conséquence de la deuxième ordonnance puis-
sent servir dans une poursuite pour outrage au tribu
nal relativement à la première ordonnance. Il est
manifeste que les restrictions imposées par l'engage-
ment tacite ne s'étendent pas à la rétention des rensei-
gnements dans le cerveau ou les classeurs des avocats
et que ces renseignements peuvent être communiqués
afin qu'ils puissent servir, notamment, à déterminer
s'il convient d'intenter une poursuite pour outrage au
tribunal et de présenter une requête visant à libérer
l'avocat de son engagement tacite pour que les ren-
seignements puissent être utilisés dans une poursuite
pour outrage au tribunal.
Un autre arrêt où je trouve étonnant que la question
de savoir s'il fallait déclarer les avocats inhabiles en
raison de l'existence d'un engagement tacite de dis-
crétion n'ait pas été examinée, en supposant qu'un tel
principe existe, est l'arrêt «Spiliada» (Spiliada Mari
time Corpn. v. Cansulex Ltd., [1987] A.C. 460
(H.L.)). Le Spiliada est l'un de plusieurs navires qui
auraient été endommagés parce qu'on les aurait
chargés de soufre humide à Vancouver (Colombie-
Britannique). Les navires appartenaient à des proprié-
taires différents, battaient des pavillons différents, se
dirigeaient vers des ports étrangers différents et
employaient apparemment des types différents de
connaissements. Par contre, leurs propriétaires étaient
représentés par le même cabinet d'avocats anglais.
Avant le commencement du procès Spiliada, une
demanderesse avait intenté un procès au sujet des
dommages qui auraient été causés au navire Cam-
bridgeshire par la même défenderesse dans le procès
Spiliada en raison du chargement de soufre humide.
Après le procès Cambridgeshire, d'autres procès con-
cernant l'Artemis, le Semiramis et peut-être plusieurs
autres navires ont été intentés. Avant que le procès
Spiliada parvienne jusqu'à la Chambre des lords, il
semble, d'après le compte rendu de cette affaire, que
le même cabinet aurait commis 15 avocats avec 75
dossiers pour s'occuper d'affaires semblables. On ne
sait pas le nombre exact des navires en cause ni celui
des procès. L'arrêt de la Chambre des lords dans l'af-
faire Spiliada a été publié en 1987. En 1989, un litige
concernant le «Cleanthes» était en instance d'arbi-
trage. Il s'agissait encore là de soufre humide chargé
à Vancouver. Une requête était déposée en vue d'ob-
tenir que soit libérée de l'engagement tacite pris dans
l'affaire Cambridgeshire une étude scientifique sur
l'effet du soufre humide sur l'acier doux («l'étude sur
l'acier doux») (voir Bibby Bulk Carriers Ltd. v. Can-
sulex Ltd., [1989] Q.B. 155). Il est manifeste que
l'engagement tacite au sujet de l'étude sur l'acier
doux existait déjà avant le procès Spiliada et qu'il
restait en vigueur après sa conclusion à la Chambre
des lords. La requête visant la communication de
l'étude sur l'acier doux n'a pas été accueillie, mais il
est manifeste que les avocats devaient connaître
l'existence de cette étude puisqu'ils représentaient les
propriétaires du Cambridgeshire. L'affaire Spiliada
concernait une ordonnance autorisant la signification
à l'extérieur du ressort de la Cour. Il n'y aucune men
tion dans le compte rendu de l'affaire que la question
de l'existence d'un engagement tacite ait été même
examinée. Cependant, vu que l'étude sur l'acier doux
semble nécessairement très pertinente à l'égard de
tout procès portant sur des dommages qu'aurait cau-
sés le soufre humide à la coque des navires, je doute
fort, en supposant qu'il existe un principe voulant
que les avocats tenus par un engagement tacite soient
déclarés inhabiles, que le lord juge Goff eût indiqué
qu'il était dans l'intérêt supérieur de la justice de per-
mettre que le même cabinet d'avocats qui avait agi
dans les procès antérieurs puisse agir dans le procès
Spiliada. L'un des principaux motifs qu'a donnés le
lord juge Goff pour statuer que dans l'affaire Spiliada
le forum conveniens serait l'Angleterre était le fait
que le même cabinet d'avocats pouvait être retenu si
le procès se déroulait devant un tribunal anglais. J'es-
time qu'il vaut la peine de citer un extrait de son dis-
cours dans lequel il mentionnait les avantages de
pouvoir utiliser des avocats qui avaient déjà plaidé
des causes semblables [aux pages 485 et 486].
['TRADUCTION] Je crois que quiconque ayant plaidé dans un pro-
cès extrêmement complexe comme celui-ci, avec de nombreux
experts dans les deux camps et de difficiles questions scienti-
fiques à examiner, sait parfaitement l'aspect de la courbe d'ap-
prentissage ainsi que la quantité de renseignements et de con-
naissances qui sont et doivent être assimilées, non seulement
par les avocats, mais vraiment par tous les membres de
l'équipe, y compris les experts, lorsqu'ils apprennent l'interac-
tion du droit, des faits et des connaissances scientifiques,
compte tenu des arguments avancés par les deux camps, et que
leur esprit relève les questions cruciales auxquelles il faut con-
sacrer une attention particulière, reconnaît pourquoi ce sont des
questions cruciales et découvre la façon de les évaluer. En l'es-
pèce, le juge a une expérience considérable des procès de ce
genre et est parfaitement conscient des problèmes en cause. A
mon avis, il pouvait légitimement estimer (comme il l'a fait)
que non seulement la chose était avantageuse pour les proprié-
taires des navires, mais aussi que c'était un avantage qui n'en-
traînait pas un désavantage correspondant pour Cansulex. Il
pouvait aussi légitimement estimer (de manière plus perti-
nente) qu'en l'espèce il serait plus efficace, plus expéditif et
plus économique pour la justice—à mon avis, il aurait pu ajou-
ter que cela aiderait le tribunal à trouver une juste solution au
litige et favoriserait un éventuel règlement du différend—
d'avoir dans les deux camps des équipes expérimentées d'avo-
cats et d'experts qui avaient déjà préparé et défendu une bonne
partie du procès Cambridgeshire pour le camp Cansulex (et
d'autres clients) et pour le camp des propriétaires. Il ne s'agit
pas simplement, comme4'a indiqué le lord juge Oliver, d'un
avantage financier pour les propriétaires de navires; c'est une
chose dont le tribunal, dans un procès comme celui-ci, peut et
doit tenir compte dans l'intérêt objectif de la justice.
Avant de quitter l'affaire de la flotte chargée de
soufre, je devrais peut-être mentionner que l'avocat
qui demandait à être libéré de l'engagement tacite
pris dans l'affaire Bibby représentait les propriétaires
du Cleanthes. Ce sont là des circonstances qui
auraient dû donner vraisemblablement lieu à une
requête visant à le déclarer inhabile si une telle décla-
ration était normale.
À mon avis, les jugements concernant le secret
professionnel des avocats ne s'appliquent pas aux cas
où l'avocat est lié, non pas par le secret profession-
nel, mais par des obligations tacites. D'autre part,
j'estime que l'engagement tacite limite l'usage qu'un
avocat peut faire des renseignements appris, mais il
ne peut pas l'empêcher de les retenir dans son esprit.
Je crois que l'arrêt Home Office v. Harman, [1983]
1 A.C. 280 (H.L.) a donné à l'engagement sa plus
grande portée.
Dans cette affaire, le tribunal a statué que l'avocate
avait violé son engagement lorsqu'elle avait commu-
niqué à un journaliste des renseignements qui, espé-
rait-elle vraisemblablement, pourraient aider un
groupe d'activistes qui avaient aussi retenu ses ser
vices. En critiquant l'avocate, la Chambre des lords
n'a pas dit que c'était irrégulier de sa part de repré-
senter à la fois ses deux clients. Ce qui était irrégu-
lier, c'était l'usage qu'elle avait fait des renseigne-
ments. À mon avis, il est dans l'intérêt supérieur de la
bonne administration de la justice de retenir les ser
vices d'avocats qui ont déjà plaidé des causes sem-
blables, à condition toutefois que les renseignements
qui leur ont été révélés, et peut-être leur existence
même, ne soient pas divulgués à l'extérieur de leur
cabinet. Par conséquent, je rejetterais la requête pour
des principes généraux.
Selon l'arrêt Succession MacDonald c. Martin, si
je comprends bien les motifs de l'opinion majoritaire,
lorsqu'il s'agit de décider si le secret professionnel
des avocats s'applique, il faut juger chaque cas en
examinant les faits de l'espèce. Alors que j'ai conclu
que les principes du secret professionnel des avocats
ne s'appliquent pas à la présente espèce, voici les
observations que je ferais si j'avais à examiner sub-
jectivement cette affaire. Cette requête est présentée
par la défenderesse qui craint que l'avocat utilise des
renseignements qu'elle a fournis sous la contrainte.
Les renseignements en cause doivent appartenir à
l'une ou l'autre de deux catégories fondamentales: ou
ils sont pertinents à l'égard des questions en litige en
l'espèce ou ils ne le sont pas. S'ils ne sont pas perti-
nents, leur examen au sein du cabinet d'avocats ne
causera aucun tort à la défenderesse. Si le cabinet
d'avocats essaie de les utiliser dans ses conclusions
ou dans sa preuve, comme cela arrive malheureuse-
ment parfois devant cette Cour, les Règles [Règles de
la Cour fédérale, C.R.C., ch. 663] offrent à la défen-
deresse des moyens de recours pour radier ces con
clusions ou pour demander au juge de ne pas tenir
compte de cette preuve ou de ne pas la recevoir, sans
compter qu' elle peut vraisemblablement demander
que l'avocat soit condamné pour outrage au tribunal.
Si les renseignements sont pertinents, la défenderesse
sera tenue de les déclarer, soit dans son affidavit rela-
tif aux documents, soit pendant l'interrogatoire préa-
lable. Le tort qui risque d'être causé si les renseigne-
ments sont pertinents, c'est que les avocats pourraient
les divulguer pendant le bref intervalle de temps entre
l'introduction de l'instance et l'interrogatoire préala-
ble. Pour contrebalancer ce tort, résultant de ce que
j'appellerais un déphasement possible, je dois pren-
dre en considération des facteurs tels que le droit des
demanderesses de choisir leur propre avocat et l'inté-
rêt d'une justice efficace, rapide et économique.
Compte tenu de ces paramètres, la décision subjec
tive penche manifestement en faveur du maintien des
avocats. Par conséquent, j'estime que les considéra-
tions tant objectives que subjectives exigent que la
requête soit rejetée.
ORDONNANCE:
La requête est rejetée.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.