A-990-91
Sa Majesté la Reine (appelante) (intimée par appel
incident)
c.
Albert Kieboom (intimé) (appelant par appel
incident)
REFERRoR/E' CANADA C. KIEBOOM (C.A.)
Cour d'appel, juges Heald, Décary et Linden, J.C.A.
—Calgary, 15 juin; Ottawa, 3 juillet 1992.
Impôt sur le revenu — Donations — Le contribuable (qui
était l'âme dirigeante de la compagnie) a diminué sa partici
pation dans la compagnie en créant des actions auxquelles sa
femme et ses enfants ont souscrit moyennant une contrepartie
symbolique — Les actions acquises par les enfants constituent
un avantage conféré par un contribuable au sens de l'art.
245(2)c) de la Loi (disposition à titre gratuit) — L'art. 245(2)
de la Loi oblige la Cour à ne pas tenir compte de la forme ou
de l'effet juridiques des opérations et à examiner la substance
des opérations par suite desquelles un avantage a été conféré
par une personne à une autre — Le fait que c'est la compagnie
qui a émis des actions aux enfants n'est pas pertinent — Les
transferts effectués aux enfants sont assujettis à l'application
de l'art. 69(1) de la Loi — Les règles d'attribution entre con-
joints s'appliquent au revenu tiré du bien qui a été donné à
l'épouse, y compris au revenu provenant de la disposition
réputée de la partie de sa participation dans la compagnie que
l'épouse a transférée aux enfants — Les dispositions de roule-
ment de l'art. 73(5) de la Loi ne s'appliquent pas au transfert
aux enfants étant donné que les actions n'ont pas été transfé-
rées directement aux enfants.
Impôt sur le revenu — Calcul du revenu — Gains en capital
— Le contribuable a diminué sa participation dans la compa-
gnie en créant des actions auxquelles sa femme et ses enfants
ont souscrit moyennant une contrepartie symbolique — Dispo
sition à titre gratuit présumée aux termes de l'art. 245(2)c) de
la Loi — Les biens transférés sont assujettis aux dispositions
relatives aux gains en capital — Le contribuable est réputé
avoir reçu le produit de la disposition s'il dispose d'une chose
à un prix inférieur à sa juste valeur marchande selon l'art.
69(I )bXii) de la Loi — Les règles d'attribution entre conjoints
s'appliquent au revenu tiré du bien qui a été donné à l'épouse,
y compris au revenu provenant de la disposition réputée de la
partie de sa participation dans la compagnie que l'épouse a
transférée aux enfants.
Impôt sur le revenu — Corporations — Le contribuable (qui
était l'âme dirigeante de la compagnie) a diminué sa partici
pation dans la compagnie en créant des actions auxquelles sa
femme et ses enfants ont souscrit moyennant une contrepartie
symbolique — L'art. 245(2) de la Loi oblige la Cour à ne pas
tenir compte de la forme ou de l'effet juridique des opérations
et à examiner la substance des opérations par suite desquelles
un avantage a été conféré par une personne à une autre — Le
fait que c'est la compagnie qui a émis des actions aux enfants
n'est pas pertinent.
Le contribuable exploitait une entreprise de vente de tapis
par l'intermédiaire d'une compagnie dont il était l'âme diri-
geante. Le contribuable a graduellement réduit sa participation
dans la compagnie en créant des actions auxquelles sa femme,
et par la suite ses enfants, ont souscrit moyennant une contre-
partie symbolique. En 1980, au moyen d'une création d'ac-
tions, le contribuable a ramené sa participation de 90 % à 50 %
en faveur de sa femme, dont la participation est passée de 10 %
à 50 %, moyennant une contrepartie symbolique. En 1981, par
une seconde opération semblable, le contribuable et sa femme
ont tous les deux diminué leur participation de 50 % à 21,4 %
en faveur de leurs trois enfants, qui ont reçu chacun une parti
cipation de 19 %, encore une fois moyennant une contrepartie
symbolique. En 1982, la compagnie a déclaré et distribué un
dividende d'environ 4 000 $ par action.
Le ministre a fixé de nouveau l'impôt dû par le contribuable
pour l'année d'imposition 1981, déclarant qu'aux termes de
l'alinéa 245(2)c) et du paragraphe 69(1) de la Loi de l'impôt
sur le revenu, l'émission d'actions aux enfants par la compa-
gnie constituait une disposition à titre gratuit d'une participa
tion par le contribuable et sa femme. Le contribuable et sa
femme ont été tous les deux réputés avoir reçu le produit de la
disposition à la juste valeur marchande. Le ministre a égale-
ment appliqué la règle d'attribution entre conjoints du para-
graphe 74(1) (qui dispose que le gain provenant du bien trans-
féré au conjoint est réputé être le gain en capital de l'auteur du
transfert) à l'émission d'actions faite à la femme du contribua-
ble. Ainsi, le contribuable s'est vu attribuer 80 % du gain en
capital réputé avoir été reçu par sa femme en raison de la dis
position qu'elle était réputée avoir faite aux enfants. Le minis-
tre a également appliqué la règle d'attribution entre conjoints
au revenu de dividendes reçu par la femme du contribuable en
1982.
La Cour de l'impôt a décidé que l'alinéa 245(2)c) s'appli-
quait à l'avantage conféré, mais qu'il ne devait pas y avoir
d'attribution aux termes du paragraphe 74(1). Saisie de l'appel
interjeté de cette décision, la Section de première instance de
notre Cour s'est essentiellement dite du même avis. Le minis-
tre interjette appel de la décision de la Section de première ins
tance quant à l'attribution prévue au paragraphe 74(1) et le
contribuable forme un appel incident sur la question de savoir
si un avantage a été conféré au sens de l'alinéa 245(2)c).
Arrêt: l'appel devrait être accueilli et l'appel incident devrait
être rejeté.
Les actions acquises par les enfants constituaient un avan-
tage conféré par le contribuable au sens de l'alinéa 245(2)c).
Même s'il est vrai que c'est la compagnie qui a effectivement
émis les actions, on ne saurait prétendre que l'avantage a été
conféré par la compagnie. L'article 245, qui dispose qu'un
paiement est réputé être une disposition à titre gratuit, exige
que l'on examine la substance de l'opération et qu'on ne tienne
pas compte de la forme si le résultat est qu'un avantage est
conféré par une personne à une autre. En l'espèce, le contri-
buable a pris des dispositions pour que sa compagnie émette
des actions à ses enfants de manière à diminuer la valeur de ses
actions et de celles de sa femme et à créer en faveur de ses
enfants une participation d'une valeur correspondante. Le para-
graphe 69(1) et l'alinéa 245(2)c) prévoient donc tous les deux
que les transferts de participation sont réputés être des dons, et
que ces transferts sont réputés avoir été faits à la juste valeur
marchande.
Le paragraphe 74(1) (les règles d'attribution entre conjoints)
s'applique au revenu tiré du bien qui a été donné à l'épouse, y
compris au revenu reçu de la disposition réputée en consé-
quence de l'opération par laquelle l'avantage d'une partie de
leur participation dans la compagnie a été conféré aux enfants.
L'expression «transfert de biens» est employée dans cette dis
position dans un sens plutôt large. Selon la jurisprudence, le
mot «transférable» s'entend en outre de «tout moyen par lequel
un bien peut être transmis d'une personne à une autre», et le
mot bien est «le terme le plus général que l'on puisse
employer, étant donné qu'il sert à désigner et à décrire tous les
droits possibles qu'une personne peut avoir». La participation
de 40 % du capital-actions que le contribuable a donné à sa
femme constituait de toute évidence un bien. Le fait qu'il a
réalisé ce transfert de bien en faisant émettre des actions par sa
compagnie ne fait pas de différence. Le paragraphe 74(1) s'ap-
plique aux transferts qui sont faits «directement ou indirecte-
ment» ou «par tout autre moyen que ce soit». De plus, les
actions que la femme du contribuable a acquises sont égale-
ment imposables à titre de «biens substitués» aux termes du
paragraphe 248(5), étant donné qu'on peut dire qu'elle a subs-
titué les actions qu'elle a achetées au bien qu'elle a reçu de son
mari. Et le gain en capital qu'elle est présumée, selon l'article
69, avoir réalisé à la suite de cette disposition doit également
être attribué au contribuable aux ternies du paragraphe 74(2).
Les dispositions de roulement du paragraphe 73(5) ne s'ap-
pliquent pas au transfert aux enfants parce que le fait qu'il y a
eu en l'espèce transfert d'un bien qui a été par la suite converti
en actions ne suffit pas, compte tenu du libellé exprès de la
disposition: «action du capital-actions d'une corporation
exploitant une petite entreprise».
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, ch. 63, art.
69(1)b)(ii), 73(5) (mod. par S.C. 1979, ch. 5, art. 24),
74 (mod. par S.C. 1974-75-76, ch. 26, art. 39),
245(2)c), 248(l),(5) (édicté par S.C. 1980-81-82-83,
ch. 48, art. 108(12)).
Règles de la Cour fédérale, C.R.C., ch. 663, Règles 324,
337(2)b).
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Minister of National Revenue v. Dufresne, Didace, [1967]
2 R.C.E 128; [1967] C.T.C. 153; (1967), 67 DTC 5105;
Applebaum v. Minister of National Revenue (1971), 71
DTC 371 (C.A.I.); La succession Levine c. Le ministre du
Revenu national, [1973] C.F. 285; [1973] CTC 219;
(1973), 73 DTC 5182 (lee inst.); Nowegijick c. La Reine,
[1983] 1 R.C.S. 29; (1983), 144 D.L.R. (3d) 193; [1983] 2
C.N.L.R. 89; [1983] CTC 20; 83 DTC 5041; 46 N.R. 41;
R. c. Fries (1989), 89 CLLC 14,029; [1989] 1 C.T.C.' 471;
(1989), 89 DTC 5240; 99 N.R. 208 (C.A.F.); Vaillancourt
c. Sous-ministre M.R.N., [1991] 3 C.F. 663; [1991] 2
C.T.C. 42; (1991), 91 DTC 5352 (fr.); 5408 (angl.)
(C.A.); Gathercole v. Smith (1880-81), 17 Ch. D. 1
(C.A.); Fasken, David v. Minister of National Revenue,
[1948] R.C.É. 580; [1948] C.T.C. 265; La Reine e. Zands-
tra, [1974] 2 C.F. 254; [1974] CTC 503; (1974), 74 DTC
6416 Ore inst.); La Reine c. McBurney (L), [1985] 2 CTC
214; (1985), 85 DTC 5433; 20 E.T.R. 283; 62 N.R. 104
(C.A.F.); Commr of Taxation (Cth) v. McPhail (1968), 41
A.L.J.R. 346 (H.C.); Jones v. Skinner (1836), 5 LJ. (N.S.)
Ch. 87 (Rolls Ct.); Re Lunness (1919), 46 O.L.R. 320; 51
D.L.R. 114 (Div. app.); Matheson, JA c La Reine, [1974]
CTC 186; (1974), 74 DTC 6176 (C.F. 1° inst.); Bronfman
Trust c. La Reine, [1987] 1 R.C.S. 32; (1987), 36 D.L.R.
(4th) 197; [1987] 1 C.T.C. 117; 87 DTC 5059; 25 E.T.R.
13; 71 N.R. 134.
DISTINCTION FAITE AVEC:
McClurg c. Canada, [1990] 3 R.C.S. 1020; (1990), 76
D.L.R. (4th) 217; [1991] 2 W.W.R. 244; [1991] 1 C.T.C.
169; 91 DTC 5001; 119 N.R. 101.
DOCTRINE
Revenu Canada—Impôt. Bulletin d'interprétation
n°' IT-209; IT-258; IT-453.
APPEL d'une décision rendue par la Section de
première instance ([1992] 1 C.F. 276; [1991] 2
C.T.C. 106; (1991), 91 DTC 5478) à la suite d'un
appel interjeté d'une décision de la Cour canadienne
de l'impôt sur la question de savoir si les dispositions
relatives à l'attribution d'un avantage contenues à
l'alinéa 245(2)c) et au paragraphe 69(1) de la Loi de
l'impôt sur le revenu, et les règles d'attribution entre
conjoints du paragraphe 74(1) s'appliquent aux opé-
rations par lesquelles un contribuable a diminué sa
participation dans sa compagnie en faveur de son
épouse, et par la suite en faveur de ses enfants, en
faisant créer par sa compagnie des actions qu'ils ont
acquis moyennant une contrepartie symbolique.
Appel accueilli et appel incident rejeté.
AVOCATS:
Helen C. Turner et Douglas B. Titosky pour l'ap-
pelante et intimée par appel incident.
H. George McKenzie pour l'intimé et appelant
par appel incident.
PROCUREURS:
Le sous procureur général du Canada pour l'ap-
pelante et intimée par appel incident.
Felesky, Flynn, Calgary, pour l'intimé et appe-
lant par appel incident.
Ce qui suit est la version française des motifs du
jugement rendus par
LE JUGE LINDEN, J.C.A.: La Cour statue sur l'appel
interjeté par le ministre et l'appel incident interjeté
par le contribuable d'une décision rendue par la Sec
tion de première instance de notre Cour [[1922] 1
C.F. 276] au sujet de certaines opérations qui ont eu
lieu au cours des années d'imposition 1981 et 1982 et
pour lesquelles de nouvelles cotisations ont été éta-
blies. Les principales questions juridiques en litige
sont celles de savoir si un avantage a été conféré par
le contribuable au sens de l'alinéa 245(2)c) de la Loi
de l'impôt sur le revenu [S.C. 1970-71-72, ch. 63] et
s'il devrait y avoir attribution entre conjoints d'un
certain dividende et d'autres revenus aux termes du
paragraphe 74(1) [mod. par S.C. 1974-75-76, ch. 26,
art. 39]. Une question accessoire nous amène à exa
miner le paragraphe 73(5) [mod. par S.C. 1979, ch. 5,
art. 24].
Les faits ne sont pas contestés. Albert Kieboom (le
contribuable) exploitait une entreprise de vente de
tapis à Red Deer, en Alberta par l'intermédiaire de sa
compagnie, Carpet Colour Centre (Red Deer) Ltd.,
qui a été constituée en personne morale le 3 mai
1976. À l'époque où la compagnie a été constituée,
M. Kieboom a acquis neuf actions ordinaires et sa
femme, Adriana Kieboom, a acquis une action ordi-
naire. M. Kieboom avait donc une participation de
90 % dans la compagnie, tandis que sa femme avait
une participation de 10 %. M. et Mme Kieboom
étaient les seules administrateurs et actionnaires.
À la fin de 1979, d'autres actions sans droit de vote
de catégorie «A» ont été créées et, le 12 février 1980,
Adriana, la femme de M. Kieboom, a acheté huit des
actions en question. Les actions ordinaires de catégo-
rie «A» avaient une valeur égale aux actions ordi-
naires initiales. M me Kieboom a acheté ses huit
actions au prix d'un dollar chacune, une somme qui
était très inférieure à leur valeur marchande. Cette
opération a eu pour effet de diviser la participation
dans la compagnie également entre le contribuable,
qui détenait toujours ses neuf actions originales, et sa
femme, qui détenait neuf actions (une action ordi-
naire et huit actions ordinaires de catégorie «A»).
Au cours d'une autre assemblée, tenue le ler mars
1981, la compagnie a, conformément à la décision de
ses administrateurs, le contribuable et sa femme,
émis huit autres actions de catégorie «A» à chacun de
leurs trois enfants pour un dollar chacune. Ce prix
était lui aussi inférieur à la valeur marchande. La
juste valeur marchande des actions se chiffrait à
l'époque à 6 800 $ chacune.
Par suite de ces deux opérations, la participation du
contribuable dans sa compagnie a été ramenée
d'abord de 90 % à 50 %, puis de 50 % à 21,4 %. La
seconde opération a fait passer la participation de sa
femme de 50 % à 21,4 %. Cette opération a égale-
ment eu pour effet d'accorder aux trois enfants une
participation de 19 % dans la compagnie. Les opéra-
tions sont illustrées par les tableaux suivants:
1. Au moment de la constitution de la compagnie
Albert Kieboom 9 actions ordinaires
Adriana Kieboom 1 action ordinaire
2. À la suite de l'assemblée du 12 février 1980
Albert Kieboom 9 actions ordinaires
Adriana Kieboom 1 action ordinaire
8 actions ordinaires de
catégorie «A»
3. À la suite de l'assemblée du 12 mars 1981
Albert Kieboom 9 actions ordinaires
Adriana Kieboom 1 action ordinaire
8 actions ordinaires de
catégorie «A»
Yost Kieboom 8 actions ordinaires de
catégorie «A»
Alma Kieboom 8 actions ordinaires de
catégorie «A»
Sheila Kieboom 8 actions ordinaires de
catégorie «A»
On peut aussi considérer les opérations en fonction
de l'effet qu'elles ont eu sur la participation dans la
compagnie:
1. Au moment de la constitution de la compagnie
Albert Kieboom participation de 90 %
Adriana Kieboom participation de 10 %
2. À la suite de l'assemblée du 12 février 1980
Albert Kieboom participation de 50 %
Adriana Kieboom participation de 50 %
3. À la suite de l'assemblée du 12 mars 1981
Albert Kieboom participation de 21,4 %
Adriana Kieboom participation de 21,4 %
Yost Kieboom participation de 19 %
Alma Kieboom participation de 19 %
Sheila Kieboom participation de 19 %
En 1982, la compagnie a déclaré et distribué
4 000 $ de dividendes par action ordinaire et 3 750 $
de dividendes par action ordinaire de catégorie «A».
Le ministre a fixé de nouveau l'impôt dû par le
contribuable pour les années d'imposition 1981 et
1982. Le contribuable a fait l'objet d'une nouvelle
cotisation pour 1981 sous deux aspects. En premier
lieu, le ministre a déclaré que l'émission d'actions
ordinaires aux enfants par la compagnie constituait
une disposition au sens de l'alinéa 245(2)c) et du
paragraphe 69(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu.
Le contribuable et sa femme ont été tous les deux
réputés avoir reçu le produit de la disposition à la
juste valeur marchande.
En second lieu, le ministre a également fixé de
nouveau l'impôt dû par le contribuable pour 1981 au
motif que les règles d'attribution prévues par le para-
graphe 74(1) s'appliquaient à l'émission d'actions
faite à Mme Kieboom. Aux termes de l'article 74
[mod. par S.C. 1974-75-76, ch. 26, art. 39], le revenu
provenant de biens transférés entre conjoints est attri-
bué à l'auteur du transfert. Pour l'application de cet
article, les gains en capital sont assimilés à un revenu.
Ainsi, conformément à l'article 74, le contribuable
s'est vu attribuer 80 % du gain en capital réputé avoir
été reçu par Mme Kieboom en raison de la disposition
qu'elle était réputée avoir faite aux enfants et dont
nous avons déjà parlé.
L'opinion du ministre suivant laquelle il y avait eu
un transfert entre conjoints au sens de l'article 74 a
donné lieu pour 1982 à une nouvelle cotisation dans
laquelle le ministre a déclaré que M. Kieboom était
tenu d'inclure dans son revenu tout revenu que son
épouse avait reçu des actions ordinaires de catégorie
«A». Ainsi que nous l'avons relaté dans les faits déjà
exposés, des dividendes ont été distribués en 1982
relativement aux actions de catégorie «A». Ainsi
donc, dans la nouvelle cotisation, le ministre a ajouté
au revenu du contribuable la somme de 40 500 $,
étant donné que c'était la somme d'argent que Mme
Kieboom avait reçue à titre de dividendes relative-
ment à ses actions ordinaires de catégorie «A» en
1982.
La question dont nous sommes saisis est celle de
savoir si les nouvelles cotisations en question sont
bien fondées. La Cour de l'impôt a décidé que l'ali-
néa 245(2)c) s'appliquait à l'avantage conféré, mais
qu'il ne devait pas y avoir d'attribution aux termes du
paragraphe 74(1). Saisie de l'appel interjeté de cette
décision, la Section de première instance de notre
Cour s'est essentiellement dite du même avis. Le
ministre interjette appel de la décision de la Section
de première instance quant à l'attribution prévue au
paragraphe 74(1) et le contribuable forme un appel
incident sur la question de savoir si un avantage a été
conféré au sens de l'alinéa 245(2)c). J'examinerai les
principales questions en litige, en commençant par la
question de l'octroi d'un avantage au sens de l'alinéa
245(2)c), pour ensuite traiter de la question de l'attri-
bution prévue au paragraphe 74(1) et, finalement, du
paragraphe 73(5).
1. Un avantage a-t-il été conféré par le contribuable?
La première question à résoudre est celle de savoir
si les actions acquises par les enfants constituaient un
avantage conféré par le contribuable au sens de l'ali-
néa 245(2)c), dont voici le libellé:
245....
(2) Lorsqu'une ou plusieurs ventes, échanges, déclarations
de fiducie ou autres opérations de quelque nature que ce soit
ont pour résultat qu'une personne confère un avantage à un
contribuable, cette personne est réputée avoir fait au contribua-
ble un paiement égal au montant de l'avantage conféré, nonob-
stant la forme ou les effets juridiques des opérations ou le fait
qu'une ou plusieurs autres personnes y aient été également par
ties; et, qu'il y ait eu ou non une intention d'éviter ou d'éluder
des impôts prévus par la présente loi, le paiement doit, selon
les circonstances, être
c) réputé être une disposition à titre gratuit.
Il est constant que l'acquisition des actions à un
prix inférieur à leur valeur marchande constitue un
avantage conféré aux enfants, mais l'on prétend que
c'est la compagnie, et non le contribuable, qui l'a
conféré. Cela est inexact. Même s'il est vrai que c'est
la compagnie qui a effectivement émis les actions, on
ne saurait prétendre que l'avantage a été conféré par
la compagnie. À la suite de l'émission de ces actions
supplémentaires, la valeur des actions détenues par le
contribuable a diminué. Le montant de cette diminu
tion de valeur a, en fait, été transmis aux nouveaux
actionnaires au prix d'achat symbolique des actions.
Le fait que, pour ce faire, le contribuable ait donné
ordre à la compagnie qu'il contrôlait d'émettre de
nouvelles actions aux bénéficiaires au lieu d'émettre
de nouvelles actions à lui-même et de les remettre
ensuite aux membres de sa famille ne change en rien
la situation. Le résultat est le même. Un avantage a
été conféré aux enfants par le contribuable. Bien que
la Cour respecte entièrement les formes employées
par les compagnies pour diverses opérations, le légis-
lateur ordonne à l'occasion d'ignorer ces formes. En
l'espèce, le libellé explicite de la Loi exige qu'on ne
tienne pas compte des formes employées pour l'ap-
plication de cet article. Cet article dispose que
«nonobstant la forme ou les effets juridiques des opé-
rations ou le fait qu'une ou plusieurs autres personnes
y aient été également parties», si le résultat est qu'un
avantage est conféré par une personne à une autre, le
paiement est réputé être «une disposition à titre gra-
tuit».
En l'espèce, le contribuable a pris des dispositions
pour que sa compagnie émette des actions à ses
enfants de manière à diminuer la valeur de ses
actions et de celles de sa femme et à créer en faveur
de ses enfants une participation d'une valeur corres-
pondante. Il espérait sans doute que cet octroi indirect
effectué par le biais de sa compagnie réduirait son
fardeau fiscal. Le libellé exprès de la Loi oblige tou-
tefois la Cour à ne pas tenir compte de la «forme ou
[des] effets juridiques» de l'octroi. Il n'est pas néces-
saire d'invoquer les principes de common law qui
permettent de faire abstraction de la personnalité
morale. La Loi prévoit clairement qu'il faut faire abs
traction de la personnalité morale dans le cas qui
nous occupe. C'est ce qu'a reconnu le juge de pre-
mière instance lorsqu'il a déclaré [à la page 290]:
Cette disposition précise qu'elle s'applique «nonobstant la
forme ou les effets juridiques des opérations». Cela laisse
entendre qu'indépendamment de la forme de l'opération, le
ministre en examinera la nature véritable.
Cette opinion s'accorde avec celle qu'a exprimée
la Cour de l'Échiquier dans le jugement Minister of
National Revenue v. Dufresne, Didace, [ 1967] 2
R.C.É. 128. Bien que l'affaire soumise à la Cour, de
l'Échiquier portât sur une question d'impôt sur les
dons sous le régime de l'ancien paragraphe 137(2)
[S.R.C. 1952, ch. 148], le libellé de cet article est
presque identique à celui de l'alinéa 245(2)c). Le pré-
sident Jackett, qui examinait une situation de fait
semblable, a exprimé dans les termes suivants les
règles de droit applicables [aux pages 138 et 139]:
[rttnnucnox] L'ordre chronologique dans lequel les événe-
ments se sont produits dénote clairement qu'il s'agissait d'une
série d'opérations de la compagnie planifiées à l'avance par
l'actionnaire principal et père, après avoir obtenu les conseils
professionnels appropriés, dans le but d'augmenter la partici
pation des enfants dans le capital-actions de la compagnie...
Qui plus est, l'avantage, si c'en était un, s'est traduit par une
augmentation de la participation des enfants presque entière-
ment aux dépens de celle de l'intimé.
Il n'y a aucun doute dans mon esprit que, si l'opération a eu
pour effet de conférer un avantage aux enfants, c'est par l'in-
timé qu'il leur a été conféré.
Je souscris à cet exposé du droit et j'estime que
l'abolition de l'impôt sur les dons ne change rien au
raisonnement de la Cour sur cette question. Voir éga-
lement Applebaum v. Minister of National Revenue
(1971), 71 DTC 371 (C.A.I.); La succession Levine c.
Le ministre du Revenu national, [ 1973] C.F. 285 (1 re
inst.).
C'est à bon droit que le juge de première instance a
statué que l'alinéa 245(2)c) est une disposition de
caractérisation, et non une disposition d'application.
L'argument qu'il s'agit d'une disposition d'applica-
tion qui n'a pas pour effet de frapper d'un impôt n'est
pas convaincant. Les tribunaux sont obligés de trou-
ver un sens aux mots qu'a employés le législateur
lorsque cela est raisonnablement possible, et d'éviter
de vider de leur sens les mots qu'il a employés. L'ali-
néa 245(2)c) a pour effet de qualifier l'avantage de
disposition réputée, laquelle est réputée avoir lieu à la
juste valeur marchande aux termes du sous-alinéa
69(1)b)(ii). Cet alinéa prévoit que le contribuable qui
dispose d'un bien par une donation entre vifs moyen-
nant une contrepartie inférieure à la juste valeur mar-
chande est «réputé avoir reçu par suite de la disposi
tion une contrepartie égale à cette juste valeur
marchande».
Cette interprétation de l'alinéa 245(2)c) reflète
l'objectif du ministre des Finances, tel qu'il a été
exprimé dans le livre blanc qui a précédé l'adoption
de ces réformes fiscales et qui a été déposé devant la
Chambre des communes le 7 novembre 1969 [Débats
de la Chambre des Communes, 2e sess., 28e Lég., vol.
I, à la page 659]. Ce document précise bien que les
dons, qui étaient jusqu'alors imposés comme tels,
seraient désormais imposés comme si le donateur
avait vendu le bien à sa juste valeur marchande et
avait ensuite fait don du produit. De plus, cette inter-
prétation s'accorde avec le Bulletin d'interprétation
no IT-453 qui, même s'il ne lie pas notre Cour, a, sui-
vant la décision du juge Dickson [alors juge puîné],
«une certaine valeur et, en cas de doute sur le sens de
la législation, ... [peut] être un "facteur important".
(Nowegijick c. La Reine, [ 1983] 1 R.C.S. 29 la page
37; R. c. Fries (1989), 89 CLLC 14,029 (C.A.F.), à la
page 12,237, le juge Urie, J.C.A.; et Vaillancourt c.
Sous-ministre M.R.N., [1991] 3 C.F. 663 (C.A.).
Ainsi que le juge de première instance l'a
expliqué [à la page 294]:
... un contribuable ne peut se départir d'un droit de propriété
moyennant une contrepartie inférieure à sa juste valeur mar-
chande sans être assujetti à l'impôt. Ce principe vise à assujet-
tir les opérations conçues pour transférer le droit de propriété
sans entraîner de conséquences fiscales.
Je souscris à cette conclusion. À la différence de l'af-
faire McClurg c. Canada, [1990] 3 R.C.S. 1020, la loi
n'emploie pas en l'espèce des mots du vocabulaire
des compagnies, mais seulement des termes du voca-
bulaire général. Dans le cas qui nous occupe, l'émis-
sion d'actions aux enfants leur a de toute évidence
conféré un avantage au sens du paragraphe 245(2), en
ce sens qu'il s'agissait d'«opérations ... [qui] confè-
rent] un avantage». Les transferts ainsi effectués en
faveur des enfants sont donc assujettis à l'application
du paragraphe 69(1).
2. Y a-t-il eu un transfert de biens, ce qui donnerait
lieu à l'application des dispositions d'attribution?
La seconde question à trancher est celle de savoir
si les règles d'attribution entre conjoints s'appliquent
au revenu tiré du bien qui a été donné à l'épouse, y
compris au revenu reçu de la disposition réputée en
conséquence de l'opération par laquelle l'avantage
d'une partie de la participation de M. et de Mme Kie-
boom a été conféré aux enfants. Le paragraphe 74(1)
est la disposition applicable. Elle dispose:
74. (1) Lorsqu'une personne a transféré des biens, directe-
ment ou indirectement, le ler août 1917 ou après, par un acte
de fiducie ou par tout autre moyen que ce soit à son conjoint,
ou à une personne qui est depuis devenue son conjoint, tout
revenu ou toute perte, le cas échéant, pour une année d'imposi-
tion, provenant des biens ou de biens y substitués, est réputée,
durant la vie de l'auteur du transfert, tandis qu'il réside au
Canada et que le bénéficiaire du transfert est son conjoint, être
un revenu ou une perte, le cas échéant, de l'auteur du transfert
et non de celui à qui le transfert a été fait.
A mon avis, l'expression «transfert de biens» est
employée dans cette disposition dans un sens plutôt
large. Les deux substantifs de cette expression sont
généraux et n'ont pas de sens technique. Quant au
mot «transfert», le lord juge James a déclaré à la page
7 de l'arrêt Gathercole v. Smith (1880-81), 17 Ch. D.
1 (C.A.) que le substantif «transfert» est [TRADUC-
TION] «l'un des termes les plus généraux que l'on
puisse employer». Le lord juge Lush a déclaré [à la
page 9] que le mot «transférable» comprend [TRADUC-
TION] «tout moyen par lequel un bien peut être trans-
mis d'une personne à une autre».
Le président Thorson, se fondant sur les défini-
tions précitées dans le jugement Fasken, David v.
Minister of National Revenue, [1948] R.C.É. 580, a
déclaré, à la page 592:
[TRADUCTION] Le mot «transfert» n'est pas un terme tech
nique. Pour qu'il y ait transfert d'un bien d'un mari à sa
femme, il n'est pas nécessaire qu'il soit fait selon une forme
particulière, ni qu'il soit fait directement. Il suffit que le contri-
buable se départisse du bien et le remette à son épouse, c'est-à-
dire qu'il lui transmette le bien. Le moyen employé pour
atteindre ce résultat, qu'il soit direct ou indirect, peut à juste
titre être appelé un transfert.
Par conséquent, un don est un transfert, ainsi que l'a
bien précisé le juge Heald (maintenant juge à la Cour
d'appel fédérale) dans la décision La Reine c. Zands-
tra, [1974] 2 C.F. 254 (lre inst.), à la page 261. (Voir
également La Reine c. McBurney (L), [1985] 2 CTC
214 (C.A.F.), à la page 218 et Commr of Taxation
(Cth) v. McPhail (1968), 41 A.L.J.R. 346 (H.C.).)
Quant au mot «bien», il a aussi reçu une interpréta-
tion large. Le paragraphe 248(1) de la Loi de l'impôt
sur le revenu en donne la définition suivante: «biens
de toute nature, meubles ou immeubles, corporels ou
incorporels et comprend, sans restreindre la portée
générale de ce qui précède, a) un droit de quelque
nature qu'il soit, une action ou part» lord Langdale a
déjà déclaré que le mot «bien» est [TRADUCTION] «le
terme le plus général que l'on puisse employer, étant
donné qu'il sert à désigner et à décrire tous les droits
possibles qu'une personne peut avoir». (Voir Jones v.
Skinner (1836), 5 L.J. (N.S.) Ch. 87 (Rolls Ct.), à la
page 90; voir également Re Lunness (1919), 46
O.L.R. 320 (Div. app.), à la page 322; Fasken, pré-
cité, à la page 591; et Vaillancourt c. Sous-ministre
M.R.N., [1991] 3 C.F. 663 (C.A.).)
Ainsi donc, en l'espèce, le contribuable a transféré
un bien à sa femme en lui donnant une partie de sa
participation dans sa compagnie. La participation de
40 % du capital-actions de sa compagnie qu'il a
donné à sa femme constituait de toute évidence un
bien. Sa participation dans sa compagnie a été réduite
de 40 % et celle de sa femme a été augmentée de
40 %. Le fait qu'il a réalisé ce transfert de bien en
faisant émettre des actions par sa compagnie ne fait
pas de différence. Le paragraphe 74(1) s'applique aux
transferts qui sont faits «directement ou indirecte-
ment» ou «par tout autre moyen que ce soit». Le
transfert, qui en l'espèce était indirect, étant donné
que le contribuable a pris des dispositions pour que sa
compagnie émette des actions à sa femme, constitue
néanmoins un transfert du mari à la femme. Il n'est
pas nécessaire qu'il y ait un transfert d'actions pour
déclencher l'application de cette disposition de la
Loi, comme le juge de la Cour de l'impôt l'a conclu à
tort. Par ce transfert de bien à sa femme, le contribua-
ble s'est départi de certains droits de recevoir des
dividendes, si des dividendes étaient déclarés. Ainsi,
lorsque les dividendes ont été distribués à sa femme
en 1982, il s'agissait d'un revenu qui provenait du
bien transféré et qui était à juste titre attribuable au
contribuable.
En outre, le bien transféré à Mme Kieboom en 1980
représentait une partie de la participation du contri-
buable. À la suite du transfert, la participation de
40 % du contribuable a été transférée à Mme Kie-
boom. De plus, les actions que Mme Kieboom a
acquises sont également imposables à titre de «biens
substitués» aux termes du paragraphe 248(5) [édicté
par S.C. 1980-81-82-83, ch. 48, art. 108(12)], étant
donné qu'on peut dire qu'elle a substitué les actions
qu'elle a achetées au bien qu'elle a reçu de son mari.
(Voir également les bulletins d'interprétation
nos IT-258 et IT-209.) Mme Kieboom a disposé d'une
partie de cette participation en en transférant une par-
tie aux enfants. Suivant le même raisonnement que
celui que nous avons déjà exposé, le gain en capital
qu'elle est présumée, selon l'article 69, avoir réalisé à
la suite de cette disposition doit également être attri-
bué au contribuable aux termes du paragraphe 74(2).
3. Le paragraphe 73(5) s'applique-t-il au transfert
aux enfants?
On a soutenu que s'il y avait eu un transfert de
bien à la femme aux fins de l'attribution, il y a égale-
ment eu un transfert aux enfants, ce qui donne lieu à
l'application des dispositions de roulement du para-
graphe 73(5) qui dispose:
73....
(5) Aux fins de la présente Partie et sauf lorsque les règles
exposées au paragraphe 74(2) exigent qu'un gain en capital
imposable, tiré de la disposition d'un bien par le contribuable,
soit inclus dans le revenu d'une personne autre que le contri-
buable, lorsque, à une date quelconque, un bien a été transféré
par un contribuable à son enfant qui résidait au Canada immé-
diatement avant le transfert, et que le bien était, immédiate-
ment avant le transfert, une action du capital-actions d'une cor
poration exploitant une petite entreprise, les règles suivantes
s'appliquent ...
Le libellé exprès de cette disposition ne permet pas
de tirer une telle conclusion. Pour bénéficier du para-
graphe 73(5), il faut que le bien transféré soit «immé-
diatement avant le transfert, une action du capital-
actions d'une corporation exploitant une petite entre-
prise». Le fait qu'il y a eu en l'espèce transfert d'un
bien qui a été par la suite converti en actions ne suffit
pas, compte tenu du libellé exprès de la disposition.
Cela peut sembler illogique pour certains, mais
c'était de toute évidence l'intention du législateur. Le
contribuable aurait facilement pu choisir de transférer
des actions à ses enfants et d'obtenir l'avantage fiscal
prévu au paragraphe 73(5), mais il a plutôt choisi
d'essayer d'obtenir d'autres avantages fiscaux pour
lui-même en employant des méthodes différentes
pour transférer ses biens. La Cour doit examiner ce
que le contribuable a fait, et non ce qu'il aurait pu
faire. (Voir les propos du juge Mahoney, dans l'arrêt
Matheson, JA c La Reine, [ 1974] CTC 186 (C.F. 1 re
inst.), à la page 189; confirmés par le juge en chef
Dickson dans l'arrêt Bronfman Trust c. La Reine,
[1987] 1 R.C.S. 32, à la page 55). Pour un exemple
encore plus restrictif d'une disposition de roulement
en ce qui concerne les agriculteurs, voir le paragraphe
73(3) qui prévoit que les enfants doivent avoir utilisé
la ferme dans le cadre d'une entreprise agricole.
En conclusion, l'objectif du contribuable en l'es-
pèce était de fractionner son revenu avec sa femme et
ses enfants pour réduire son fardeau fiscal. La Loi de
l'impôt sur le revenu est maintenant conçue pour
empêcher des pratiques qui étaient souvent permises
dans le passé. Les bulletins d'interprétation expli-
quaient la politique du Ministère en conformité avec
l'interprétation que ce dernier donne des dispositions.
Sur l'avis de ses conseillers, le contribuable a essayé
de se soustraire à l'application des articles en ques
tion par une série ingénieuse d'opérations. Il a le
droit d'essayer de le faire. Il n'a pas réussi parce que
les mots employés dans la Loi ne le lui permettent
pas.
Les paragraphes 74(1) et 73(1) s'appliquent au
transfert de bien effectué par M. Kieboom à Mme
Kieboom. Ainsi, le revenu qu'elle a tiré des actions, y
compris les dividendes qu'elle a reçus en 1982, est
attribué à M. Kieboom. Le paragraphe 69(1) et l'ali-
néa 245(2)c) prévoient tous les deux que les trans-
ferts de participation que M. et Mme Kieboom ont
tous les deux effectués en faveur de leurs enfants sont
réputés être des dons, et que ces transferts sont
réputés avoir été faits à la juste valeur marchande. M.
Kieboom est donc réputé avoir reçu un produit de
disposition égal à la juste valeur marchande des
actions. Par application du paragraphe 74(1), la dis
position réputée avoir été faite à la juste valeur mar-
chande entre Mme Kieboom et ses enfants doit aussi
être attribuée à M. Kieboom.
L'appel sera accueilli, et l'appel incident sera
rejeté. Les nouvelles cotisations des années 1981 et
1982 seront rétablies en fonction de la valeur conve-
nue révisée des actionsl. Conformément à la Règle
1 A l'audition de l'appel, la Cour a appelé l'attention des
avocats sur la deuxième phrase du dispositif de la Section de
première instance (Dossier d'appel, à la p. 146). Les avocats
ont convenu que la deuxième phrase était erronée étant donné
qu'elle ne s'accordait pas avec les motifs du jugement du juge
de première instance. Ils ont également convenu que la
(Suite à la page suivante)
337(2)b) [Règles de la Cour fédérale, C.R.C., ch.
663] l'avocat de l'appelant peut préparer un projet de
jugement pour donner effet à la décision de la Cour et
demander, en vertu de la Règle 324, qu'un jugement
soit prononcé. Les parties peuvent également aborder
en même temps la question des dépens en présentant
une requête sans comparution personnelle en vertu de
la Règle 324.
Le juge Heald, J.C.A.: Je suis du même avis.
Le juge Décary, J.C.A.: Je suis du même avis.
(Suite de la page précédente)
deuxième phrase aurait de se lire en gros comme suit: «L'appel
du demandeur est rejeté en ce qui concerne le gain en capital
de l'épouse du demandeur qui a été attribué au demandeur.»
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