T-1036-87
Thomas Fuller Construction Co., (1958) Limited
(demanderesse)
c.
Sa Majesté la Reine du chef du Canada
(défenderesse)
T-1416-87
Thomas Fuller Construction Co., (1958) Limited
(demanderesse/intimée)
c.
Sa Majesté la Reine du chef du Canada
(défenderesse/requérante)
RÉPERTORIÉ.' THOMAS FULLER CONSTRUCTION Co., (1958)
LTD. C. CANADA (Ire INST.)
Section de première instance, juge Dubé—Ottawa, 17
et 18 juin 1991.
Contrats — Un entrepreneur a poursuivi la Couronne pour
cause de retard — L'entrepreneur avait conclu avec les sous-
traitants des ententes en cas de litige qui l'autorisaient à agir
en justice pour leur compte — Les sous-traitants devaient four-
nir des témoignages et payer leur part des frais et dépens de
l'action — Les ententes prévoyaient le partage en cas d'un
jugement où l'entrepreneur obtiendrait gain de cause — La
Couronne a présenté une requête visant le rejet de la partie de
la demande concernant les sous-traitants — Les ententes sont-
elles invalides parce qu'il s'agirait de cessions d'un simple
droit d'agir en justice ou de cessions en vue du soutien d'une
partie et de pactes de quota titis — Les sous-traitants n'avaient
pas de cause d'action contre la propriétaire — Les réclama-
tions du sous-traitant contre l'entrepreneur seraient fondées
sur la négligence — Les ententes ne conféraient pas de pouvoir
à la Cour fédérale en ce qui concerne les réclamations des
sous-traitants — Les ententes équivalent à soutenir une partie
ou à promouvoir l'action d'une autre personne et à partager
les dommages-intérêts en résultant — La cession d'une cause
d'action est valable lorsque le cessionnaire avait un intérêt
commercial préalable dans l'issue du litige — Le contrat passé
avec la Couronne interdisait toute cession sans le consente-
ment du ministre.
11 s'agissait d'une requête par laquelle la défenderesse tentait
d'obtenir des ordonnances afin que les ententes en cas de litige
intervenues entre la demanderesse, qui était l'entrepreneur
principal, et ses sous-traitants soient déclarées nulles et que les
réclamations présentées par la demanderesse au nom des sous-
traitants soient rejetées.
Les actions principales se rapportent à des contrats conclus
entre la demanderesse et la défenderesse pour les travaux au
Musée national de l'aviation et à l'Aéroport international d'Ot-
tawa. La demanderesse et les sous-traitants ont passé des
«ententes en cas de litige» visant à autoriser la demanderesse à
agir en justice pour le compte des sous-traitants. Par ces
ententes, la demanderesse reconnaît la validité des prétentions
des sous-traitants, et ceux-ci conviennent de fournir les élé-
ments de preuve et les témoignages nécessaires, et également
de payer leur part des frais et dépens de l'action. Dans le con-
trat principal en vertu duquel la demanderesse a exécuté les
travaux, il était prévu que ledit contrat ne pouvait pas être cédé
sans le consentement écrit du ministre, que tout sous-contrat
devait adopter les modalités d'application générale du contrat
principal et qu'aucun sous-contrat n'imposait quelque respon-
sabilité à la Couronne.
Jugement: la requête devrait être accueillie.
En l'absence d'un lien entre la défenderesse et les sous-trai-
tants, la demanderesse ne peut pas faire siennes les demandes
des sous-traitants. Le sous-traitant n'a pas le droit de réclamer
un paiement du propriétaire; son recours se limite à présenter
une réclamation contre l'entrepreneur principal. En l'espèce,
les réclamations que les sous-traitants peuvent avoir contre
l'entrepreneur découleraient de la négligence, mais la cause de
l'action intentée par l'entrepreneur est le retard dû à la proprié-
taire.
Les ententes tentent de céder un simple droit de poursuivre,
lequel est incessible à moins d'être associé à un droit de pro-
priété. C'est au tribunal de la province que doivent s'adresser
les sous-traitants. Ils ne peuvent pas, au moyen d'un contrat
conclu avec la demanderesse, conférer un pouvoir à la Cour
fédérale. On ne peut pas conférer de pouvoir à un tribunal au
moyen d'une entente intervenue entre des parties privées. Étant
donné que la responsabilité de l'entrepreneur vis-à-vis des
sous-traitants pour négligence est indépendante de la cause
d'action que l'entrepreneur peut avoir contre le propriétaire, le
fait que les sous-traitants puissent obtenir gain de cause contre
l'entrepreneur n'entraîne pas la responsabilité du propriétaire
vis-à-vis de l'entrepreneur.
Il y a soutien d'une partie lorsqu'une personne soutient,
appuie ou promeut l'action d'une autre personne. Le pacte de
quota litis consiste à intenter une action pour le compte d'une
autre personne afin de participer aux dommages-intérêts. La
cession d'un simple droit d'agir en justice est de la nature d'un
pacte de quota litis à moins que la cession ne transporte un
droit de propriété auquel le droit d'action est accessoire. Les
ententes en cas de litige sont donc viciées par les deux notions
du soutien d'une partie et du pacte de quota litis.
LOIS ET RÈGLEMENTS
An Act respecting Champerty, R.S.O. 1897, chap. 327.
JURISPRUDENCE
DÉCISION APPLIQUÉE:
Fredrickson y. Insurance Corporation of British Colum-
bia (1986), 28 D.L.R. (4th) 414; [1986] 4 W.W.R. 504; 3
B.C.L.R. (2d) 145; 17 C.C.L.I. 194; [1986] I.L.R. 1-2100
(C.A.); confirmée par [1988] 1 R.C.S. 1089; (1988), 49
D.L.R. (4th) 160; 86 N.R. 48.
DECISION EXAMINÉE:
Trendtex Trading Corpn. v. Credit Suisse, [1982] A.C.
679 (H.L.).
DECISIONS CITÉES:
Standing v. The London Gas Co. (1861), 21 U.C.Q.B. 209
(C.A.); Craig v. Matheson (1899), 32 N.S.R. 452 (C.A.);
Tucker v. Puget Sound Bridge Dredging Co. (1910), 15
B.C.R. 393; 14 W.L.R. 468 (C.A.); Derco Industries Ltd.
v. A.R. Grimwood Ltd. (1986), 20 C.L.R. 174 (C.S.C: B.);
A.N. Bail Co. c. Gingras et autres, [1982] 2 R.C.S. 475;
(1982), 54 N.R. 280; Prosser v. Edmonds (1835), 1 Y. &
C. Ex. 481; 160 E.R. 196 (Ex. Div.); Board v. Board,
[1919] A.C. 956 (P.C.); Biro (George) Real Estate Ltd. v.
Sheldon, [1965] 1 O.R. 49; (1965), 46 D.L.R. (2d) 610
(H.C.); Ellis-Don Ltd. v. Norton; Dickie Const. Ltd. v.
Bank of N.S. (1982), 5 C.L.R. 281 (H.C. Ont.); 453416
Ont. Inc. c.o.b. Cranes and Services v. White (1984), 42
C.P.C. 209 (H.C. Ont.); Sherman v. Drabinsky (1990), 74
O.R. (2d) 596 (H.C.).
DOCTRINE
Goldsmith, Immanuel et Heintzman, Thomas G., Gold
smith on Canadian Building Contracts, 4th ed.,
Toronto: Carswell, 1988.
Waddams, S.M., The Law of Contracts, 2nd ed., Toronto:
Canada Law Book Ltd., 1984.
Black's Law Dictionary, 4th ed, St. Paul, Minn: West
Publishing Co., 1968. «champerty».
AVOCATS:
P. Donald Rasmussen et Ernest S. J. Schmidt
pour la demanderesse.
Fred Tayar et R. P. Hynes pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Rasmussen, Starr & Ruddy, Ottawa, pour la
demanderesse.
Fred Tayar & Associates, Toronto, pour la
défenderesse.
Le sous -procureur général du Canada pour la
défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs de
l'ordonnance rendus par
LE JUGE DUBS: Les deux présentes requêtes visant à
trancher une question de droit ont été instruites en
même temps conformément aux directives du juge en
chef adjoint en date du 17 mai 1991. La demande-
resse a intenté les deux présentes actions contre la
Couronne relativement à deux contrats différents
dans lesquels ladite demanderesse était l'entrepreneur
principal. La première action (T-1036-87) concerne
la construction du Musée national de l'aviation et la
seconde (T-1416-87), l'Aéroport international
d'Ottawa.
Dans les deux actions, la demanderesse a inclus
dans ses réclamations contre la défenderesse toutes
les réclamations éventuelles que les sous-traitants
auraient pu avoir contre celle-ci. Les soi-disant
«ententes en cas de litige» intervenues entre l'entre-
preneur principal et les nombreux sous-traitants auto-
risent la demanderesse à agir en justice pour le
compte des sous-traitants. Par ces ententes, la deman-
deresse reconnaît la validité des prétentions des sous-
traitants respectifs sur les sommes mentionnées dans
les ententes respectives. La demanderesse convient
également d'intenter une action contre la Couronne
pour un montant supérieur à leurs réclamations mais
qui les comprendra. Les sous-traitants conviennent de
fournir les éléments de preuve, l'aide et les témoi-
gnages qui seront nécessaires, et également de payer
leur part des frais et dépens de l'action. Les ententes
prévoient également le partage des gains advenant
que le jugement leur soit favorable, si l'on ne peut
établir à partir du jugement quels montants ont été
accordés relativement à la réclamation d'un sous-
traitant en particulier. En outre, les ententes prévoient
un arrangement au cas où une offre de règlement
serait acceptable selon certains réclamants et rejetée
par d'autres.
La requête présentée dans le cadre de l'action por-
tant le numéro du greffe T-1036-87 (qui concerne le
Musée national de l'aviation) vise à obtenir une
ordonnance selon laquelle les ententes en cas de litige
seraient déclarées nulles, ou radiées, parce qu'elles
contreviennent aux règles du soutien d'une partie ou
du pacte de quota litis. La requête relative à l'action
numéro T-1416-87 (qui se rapporte à l'Aéroport
international d'Ottawa) vise à obtenir une ordon-
nance rejetant la partie de la réclamation présentée
par la demanderesse contre la défenderesse en ce qui
a trait aux sous-traitants.
Il a été convenu au commencement de l'audience
que la requête viserait à trancher une question de
droit, à savoir si les soi-disant ententes en cas de
litige intervenues entre la demanderesse et les sous-
traitants sont invalides parce qu'elles constituent des
cessions d'un simple droit de poursuivre ou vont à
l'encontre des règles du soutien d'une partie ou du
pacte de quota, titis.
Comme la Tate du procès a été fixée au début de
septembre, les deux parties ont demandé que je rende
rapidement la présente décision. S'il y a lieu, des
modifications seront apportées aux plaidoiries en
conformité avec ma décision.
A mon avis, la demanderesse ne peut pas faire
siennes les demandes de ses sous-traitants en l'ab-
sence d'un lien ou d'une obligation entre les sous-
traitants et la défenderesse. Les ententes en cas de
litige ne sont pas valides parce qu'elles constituent
des cessions d'un simple droit de poursuivre et vont
également à l'encontre des règles du pacte de quota
litis et du soutien d'une partie. Et ce, pour les raisons
suivantes.
Dans les deux contrats intervenus entre la deman-
deresse et la défenderesse, la clause GC3 intitulée
[TRADUCTION] «Cession de contrat» sous le régime de
la Partie C [TRADUCTION] «Conditions générales»
interdit expressément toute cession par l'entrepreneur
sans le consentement du ministre. La clause est libel-
lée ainsi:
[TRADUCTION] 3.1 Le contrat ne peut pas être cédé par l'entre-
preneur, en tout ou en partie, sans le consentement écrit du
ministre.
La clause suivante GC4 intitulée [TRADUCTION]
«Sous-traitance par l'entrepreneur» prévoit ce qui
suit aux paragraphes 4.7 et 4.8:
[TRADUCTION] 4.7 Tout sous-contrat conclu par l'entrepreneur
doit adopter toutes les modalités d'application générale du pré-
sent contrat.
4.8 Ni la conclusion d'un sous-contrat ni le consentement de
l'ingénieur à la conclusion d'un sous-contrat par l'entrepreneur
ne seront interprétés comme déchargeant l'entrepreneur de
quelque obligation en vertu du contrat ou imposant quelque
responsabilité à Sa Majesté.
De plus, même sans ces dispositions interdisant
expressément la cession ou l'imposition de quelque
responsabilité supplémentaire à Sa Majesté au moyen
de la sous-traitance, la propriétaire n'encourrait
encore aucune responsabilité en droit à l'égard des
demandes des sous-traitants. Dans l'ouvrage Golds
mith on Canadian Building Contracts (4e éd.) 1 , il est
mentionné:
[TRADUCTION] ... le sous-traitant n'a pas le droit de réclamer
un paiement ou une indemnité du propriétaire, et ses droits se
limitent à présenter une réclamation contre l'entrepreneur prin
cipal.
Il est évident que, en l'absence de tout lien entre
les sous-traitants et Sa Majesté, ils n'ont aucun droit
d'action contre elle, tout particulièrement dans les
affaires où les réclamations que les sous-traitants
peuvent avoir contre l'entrepreneur principal
devraient découler de la négligence de l'entrepreneur
principal, mais la cause d'action, selon les allégations
de l'entrepreneur, est le retard dû à la propriétaire.
N'ayant aucune cause d'action contre la propriétaire,
les sous-traitants ne peuvent pas améliorer leur situa
tion en faisant valoir leurs réclamations par la voie de
l'entrepreneur principal en tant que mandataire. Il
s'agit manifestement d'un cas où l'entrepreneur tente
d'amener la Cour à se prononcer sur une affaire à
l'égard de laquelle elle n'a pas la compétence voulue.
Cela dit, il ne serait pas strictement nécessaire de
traiter des arguments fondés sur le soutien d'une par-
tie et le pacte de quota litis, mais, après avoir entendu
l'exposé au long desdits arguments sur le sujet, j'es-
time utile d'en parler.
Les ententes en cas de litige intervenues entre l'en-
trepreneur et les sous-traitants visent manifestement à
céder un simple droit de poursuivre en vertu du con-
trat en vue d'obtenir des dommages-intérêts et consti
tuent à ce titre une cession qui n'est pas admise par la
loi et qui est donc nulle. De par leur nature même,
certains droits sont incessibles, notamment les sim-
ples droits de poursuivre, à moins que le droit de
poursuivre ne soit associé à un droit de propriété 2 .
1 Goldsmith et Heintzman, Goldsmith on Canadian Building
Contracts, 4e éd., 1988, la p. 7-6; voir également Standing v.
The London Gas Co. (1861), 21 U.C.Q.B. 209 (C.A.); Craig v.
Matheson (1899), 32 N.S.R. 452 (C.A.); Tucker v. Puget Sound
Bridge & Dredging Co. (1910), 15 B.C.R. 393 (C.A.); Derco
Industries Ltd. v. A.R. Grimwood Ltd. (1986), 20 C.L.R. 174
(C.S.C.-B.); et A.N. Bail Co. c. Gingras et autre, [1982] 2
R.C.S. 475.
2 Voir Prosser v. Edmonds (1835), 1 Y. & C. Ex. 481; 160
E.R. 196 (Ex. Div.). Voir aussi Waddams, S.M., The Law of
Contracts (2e éd.), aux p. 197 et 198.
Le contrat intervenu entre la propriétaire et l'entre-
preneur principal en vertu de la clause GC 4.7 exige
effectivement que tout sous-contrat conclu par l'en-
trepreneur adopte toutes les modalités du contrat
principal, mais cette clause ne crée pas de lien ou de
droits contractuels qui permettent aux sous-traitants
d'exercer un droit de propriété vis-à-vis de la proprié-
taire 3 . En temps normal, on s'attendrait à ce que les
sous-traitants poursuivent l'entrepreneur principal
devant les tribunaux provinciaux et non pas la pro-
priétaire devant la Cour fédérale. Les ententes en cas
de litige ne peuvent pas avoir pour effet de conférer à
la Cour fédérale, par le biais d'un contrat, un pouvoir
qui autrement n'existerait pas. Il est bien admis en
droit que l'on ne peut pas conférer de pouvoir à un
tribunal au moyen d'ententes 4 .
Cependant, même si les sous-traitants devaient
obtenir gain de cause devant les tribunaux provin-
ciaux contre l'entrepreneur principal, il ne s'ensuit
pas nécessairement que l'entrepreneur principal
aurait naturellement gain de cause contre la proprié-
taire dans une autre action, parce que la négligence
ou toute autre faute qui a fait obtenir gain de cause
aux sous-traitants dans leur action peut être la négli-
gence ou toute autre faute de l'entrepreneur principal,
et non celle de la propriétaire.
Le «soutien d'une partie» a été défini comme [TRA-
DUCTION] «le fait de soutenir, d'appuyer ou de pro-
mouvoir l'action d'une autre personne». Le «pacte de
quota litis» est un marché en vue de partager le pro-
duit de l'action entre l'auteur de la demande d'une
somme déterminée et une partie qui appuie ou fait
valoir l'actions. En Ontario, le pacte de quota litis a
été défini au moyen d'une loi: An Act respecting
Champerty 6 . La Loi est brève et concise. Elle ne con-
tient que les deux articles suivants:
[TRADUCTION] 1. Les parties à un pacte de quota luis sont
celles qui poursuivent, ou font poursuivre, une instance à leur
propre initiative ou à celle d'autres personnes et la poursuivent
à leurs propres frais afin d'acquérir une partie du bien-fonds en
contestation ou une partie des gains.
2. Toutes les ententes visant ce but sont interdites et nulles.
3 Voir Goldsmith on Canadian Building Contracts, 4e éd.,
aux p. 7-1 à 7-7.
4 Voir Board v. Board, [1919] A.C. 956 (P.C.).
5 Blacks' Law Dictionary, 4e éd., à la p. 292.
6 R.S.O. 1897, chap. 327.
Il n'y a aucune allégation de mauvaise foi contre
l'entrepreneur ou les sous-traitants, mais les deux
déclarations, selon leur libellé actuel, contiennent des
éléments (qui n'ont été découverts qu'à l'interroga-
toire préalable) qui entrent dans les définitions des
doctrines du soutien d'une partie et du pacte de quota
litis. Les ententes en cas de litige intervenues entre
l'entrepreneur et les nombreux sous-traitants équiva-
lent à soutenir, appuyer ou promouvoir l'action d'une
autre personne et également à partager les gains
résultant du litige, en ce sens que les sous-traitants
ont des chances de recouvrer leurs réclamations et
l'entrepreneur principal d'être exonéré de toute res-
ponsabilité à l'égard de ces réclamations. Les
ententes prévoient que l'entrepreneur principal aura
droit à une part de ces réclamations. L'entrepreneur
principal évite les poursuites judiciaires de la part de
ses sous-traitants. L'entrepreneur principal reconnaît
la validité des réclamations des sous-traitants, sans
aucune responsabilité subséquente pour lui, mais
l'entière responsabilité à l'égard de ces réclamations
est reportée sur la propriétaire, sans que celle-ci ait
quelque chose à dire dans de telles admissions de res-
ponsabilité.
La jurisprudence de l'Ontario sur cette question
vient de la jurisprudence anglaise et se fonde sur la
prémisse selon laquelle la cession, par contrat, du
simple droit de poursuivre en vue de dommages-inté-
rêts peut être considérée comme une opération de la
nature du pacte de quota litis. Les tribunaux ont jugé
qu'une telle entente n'était pas valide 7 .
Le principal arrêt anglais sur le sujet est l'arrêt
Trendtex Trading Corpn. v. Credit Suisses. Cette
décision de la Chambre des lords traite de l'acquisi-
tion du droit de poursuivre une banque, avec la possi-
bilité d'en tirer un profit important. Dans cette
affaire-là, les lords ont confirmé le principe selon
lequel la cession d'un simple droit de poursuivre en
vue de dommages-intérêts est invalide, néanmoins ils
ont reconnu que, lorsque le cessionnaire a, par la ces
sion, acquis un droit de propriété et que la cause d'ac-
7 Voir Biro (George) Real Estate Ltd. v. Sheldon, [1965] 1
O.R. 49 (H.C.); Ellis -Don Ltd. v. Norton; Dickie Const. Ltd. v.
Bank of N.S. (1982), 5 C.L.R. 281 (H.C. Ont.); 453416 Ont.
Inc. c.o.b. Crans and Services v. White (1984), 42 C.P.C. 209
(H.C. Ont.); et Sherman v. Drabinsky (1990), 74 O.R. (2d) 596
(H.C.).
8 [1982] A.C. 679 (H.L.).
tion est accessoire à ce droit, la cession constituerait
le soutien légal d'une partie.
À la suite de cette décision anglaise, la Cour
suprême du Canada a confirmé en 1988 la décision
rendue par la Cour d'appel de la Colombie-Britan-
nique dans l'affaire Fredrickson v. Insurance Corpo
ration of British Columbia 9 . Dans cette affaire-là,
madame le juge d'appel McLachlin (tel était alors
son titre) était d'accord avec le juge de première ins
tance pour dire que la cession d'une cause d'action
peut être valide si le cessionnaire a un véritable inté-
rêt commercial préalable dans l'issue du litige. Elle a
également énoncé les six genres de contrats qui sont
considérés comme incessibles (à la page 426). Ce
sont:
[TRADUCTION] 1. Les contrats qui, selon leurs termes mêmes,
excluent expressément la cession;
2. Les simples droits d'action (cessions évoquant à l'esprit
l'idée du soutien d'une partie et d'un pacte de quota titis);
3. Les contrats qui, par leur cession même, font peser des
charges non prévues sur le débiteur;
4. Les contrats privés;
5. Les cessions nulles en vertu de l'ordre public (le traite-
ment des fonctionnaires et les ententes relatives au versement
d'une pension alimentaire); et
6. Les cessions interdites par des dispositions législatives.
Le contrat conclu entre la demanderesse et la
défenderesse est visé clairement au premier para-
graphe. Ainsi qu'il a déjà été mentionné, la clause
GC 3 des Conditions générales prévoit que le contrat
ne peut pas être cédé par l'entrepreneur sans le con-
sentement du ministre. Il ne ressort nullement de la
preuve ou des allégations que le ministre aurait donné
son consentement dans les deux affaires. La
deuxième catégorie comprend précisément le genre
de cessions qui sont présentement contestées. Les
cessions faites aux sous-traitants relèveraient égale-
ment de la troisième catégorie car elles imposent à Sa
Majesté la charge non prévue des réclamations des
sous-traitants qui devraient être adressées à l'entre-
preneur principal.
La demanderesse prétend qu'elle a un véritable
intérêt commercial à accepter les cessions faites par
les sous-traitants et à les exécuter à son propre avan-
t' (1986), 28 D.L.R. (4th) 414 (C.A.C: B.); conf. par [1988]
1 R.C.S. 1089.
tage et à celui des sous-traitants, contre la partie
défenderesse. Dans ce sens, il est admis que l'intérêt
financier de la demanderesse pourrait être mieux
servi par une seule et unique action intentée en Cour
fédérale contre Sa Majesté. Il serait à son avantage de
régler tous les problèmes d'un seul coup, mais, pour
les raisons mentionnées précédemment, on ne peut
pas légalement le faire.
Par conséquent, j'estime que les ententes en cas de
litige ne sont pas valides aux fins des deux présentes
actions. Vu l'urgence de la situation exprimée par les
deux parties, la demanderesse disposera d'un délai de
vingt jours pour modifier sa déclaration en confor-
mité avec les présents motifs et la partie défenderesse
disposera de vingt jours supplémentaires pour modi
fier sa défense, s'il y a lieu. J'espère que la présente
décision sera dans l'intérêt de la justice et réduira la
durée du procès. Dans les circonstances, les dépens
suivront l'issue de la cause.
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