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90-T-706
Ronald Allan Moar (requérant) c.
Le Commissaire à la protection de la vie privée du Canada et le Service canadien du service du renseignement de sécurité (intimés)
RÉPERTORIE' NMOAR C. CANADA (COMMISSAIRE A LA PROTECTION DE IA VIE PRIVÉE) (Ire INST.)
Section de première instance, juge Reed—Ottawa, le 14 mai 1991.
Protection des renseignements personnels Autorisation de sécurité accordée à un employé de compagnie aérienne après un long délai Demande de communication des renseigne- ments personnels contenus dans les dossiers du SCRS Dépôt de plainte sous le régime de la Loi sur la protection des rensei- gnements personnels Conclusion par le Commissaire à la protection de la vie privée que le refus de communication du SCRS était justifié Recours en révision du refus Requête introduite par le Commissaire à la protection de la vie privée en radiation de son nom à titre d'intimé par ce motif que l'art. 41 de la Loi prévoit le recours contre la décision de refus, et non pas contre la recommandation du Commissaire La déci- sion du Commissaire à la protection de la vie privée fait partie intégrante du processus L'art. 41 embrasse la décision du Commissaire qui approuve le refus au même titre que le refus lui-même.
Interprétation des lois Il échet d'examiner si la version française de l'art. 41 de la Loi sur la protection des renseigne- ments personnels définit plus fidèlement la portée du recours judiciaire prévu Il n'y a pas de différence de fond entre les deux versions.
Pratique Parties Requête introduite par le Commis- saire à la protection de la vie privée en radiation de son nom à titre d'intimé dans le recours en révision du refus de communi cation de renseignements personnels Selon la règle géné- rale, le demandeur peut citer comme défendeurs ceux qu'il considère comme étant à l'origine du préjudice subi En l'es- pèce, le recours est dirigé en grande partie contre la manière dont le Commissaire a effectué son enquête Requête rejetée.
Requête, introduite par l'intimé Commissaire à la protection de la vie privée, en radiation de son nom à titre de partie à l' action.
Le requérant dans l'action principale, engagé en mars 1988 par Air Canada, a commencé à travailler le 3 avril 1988 à l'aé- roport international de Vancouver. Son engagement était subordonné à la condition qu'il obtînt l'autorisation de sécurité nécessaire après contrôle par le Service canadien du renseigne- ment de sécurité. Il n'obtint cette autorisation de sécurité que le 21 novembre 1988. Il est à présumer que le requérant a demandé à connaître les renseignements le concernant dans les
dossiers du SCRS, et que cette demande a été rejetée. 11 s'est plaint ensuite au Commissaire à la protection de la vie privée qui, par lettre en date du 30 mars 1990, l'a informé que d'après les résultats de l'enquête en la matière, le refus de communica tion était justifié. Par suite, le requérant a exercé le recours prévu à l'article 41 de la Loi sur la protection des renseigne- ments personnels.
Le Commissaire à la protection de la vie privée soutient que la version française de l'article 41, qui prévoit «un recours en révision de la décision de refus», est plus précise et plus con- forme aux objectifs de la Loi que la version anglaise qui pré- voit «a review of the malter» et qu'il n'est pas partie à l'action, le refus étant le fait du SCRS.
Jugement: la requête devrait être rejetée.
L'article 41 doit être interprété dans le contexte global de la Loi. L'article 12 reconnaît à l'individu le droit de se faire com- muniquer les renseignements le concernant et versés dans les dossiers de l'administration fédérale, et l'article 16 prévoit que l'institution qui refuse la communication doit informer l'inté- ressé qu'il peut s'en plaindre auprès du Commissaire à la pro tection de la vie privée. Le paragraphe 35(5) fait à ce dernier obligation, en cas de refus qui se poursuit, d'informer le plai- gnant de son droit de recours en révision devant la Cour. Le recours en justice n'est déclenché qu'après que le Commissaire à la protection de la vie privée a rendu sa décision. Le refus de communication est un refus qui se poursuit dans le temps et qui est confirmé par la décision du Commissaire. Le recours prévu à l'article 41 embrasse aussi la décision du Commissaire.
En cas de différence entre les versions française et anglaise d'un texte de loi, celle qui est plus conforme à l'ensemble de la législation et à ses objets l'emporte. Il n'y a cependant pas en l'espèce différence de fond. Quand bien même ce serait le cas, le libellé plus général du texte anglais cerne de plus près l'ob- jectif visé par la Loi prise dans son ensemble. Le législateur n'entendait pas exclure le Commissaire à la protection de la vie privée du champ d'application de l'article 41.
Le demandeur a le droit de citer comme défendeur toute par- tie qui, à son avis, a été à l'origine du préjudice visé par l'ac- tion. En l'espèce, le recours est dirigé en grande partie contre la manière dont le Commissaire à la protection de la vie privée a effectué son enquête. Dans ce contexte, il est parfaitement indiqué, voire nécessaire, de citer ce dernier dans l'action.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi sur la protection des renseignements personnels, L.R.C. (1985), chap. P-21, art. 12(1), 13, 19(1), 21, 22(1)b),(2), 23a), 26, 35, 41, 42.
Loi sur les langues officielles, L.R.C. (1985), chap. O-3, art. 9.
Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règle 324.
JURISPRUDENCE
DÉCISION APPLIQUÉE:
Ternette c. Solliciteur général du Canada, [1984] 2 C.F. 486; (1984), 10 D.L.R. (4th) 587; [1984] 5 W.W.R. 612;
32 Alta. L.R. (2d) 310; 9 Admin. L.R. 24 (lie inst.).
DÉCISION CITÉE:
R. c. Compagnie Immobilière BCN Ltée, [1979] 1 R.C.S. 865; [1979] C.T.C. 71; (1979), 79 DTC 5068; 25 N.R. 361.
DOCTRINE
Beaupré, Remi Michael. Interprétation de la législation
bilingue, Montréal: Wilson et Lafleur Ltée, 1986. Meagher, Arthur I. et Meagher, Ronald A. Parties to an
Action, Toronto: Butterworths, 1988.
AVOCATS:
Peter F. Pauwels pour le requérant.
John E. M. Lawrence, c. r., pour l'intimé Com- missaire à la protection de la vie privée du Canada.
Mary A. Humphries pour l'intimé Service cana- dien du renseignement de sécurité.
PROCUREURS:
Lauk & Associates, Vancouver, pour le requé- rant.
Blake, Cassels & Graydon, Vancouver, pour l'intimé Commissaire à la protection de la vie privée du Canada.
Le sous-procureur général du Canada pour l'in- timé Service canadien du renseignement de sécurité.
Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par
LE JUGE REED: Requête a été introduite par le Com- missaire à la protection de la vie privée en radiation de son nom à titre d'intimé dans cette action, le requérant au principal exerce un recours en révision du refus de lui communiquer des renseignements per- sonnels sous le régime du paragraphe 12(1) de la Loi sur la protection des renseignements personnels, L.R.C. (1985), chap. P-21:
12. (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi, tout citoyen canadien et tout résident permanent, au sens de la Loi sur l'immigration, a le droit de se faire communiquer sur demande:
a) les renseignements personnels le concernant et versés dans un fichier de renseignements personnels;
b) les autres renseignements personnels le concernant et relevant d'une institution fédérale, dans la mesure il peut fournir sur leur localisation des indications suffisamment précises pour que l'institution fédérale puisse les retrouver sans problèmes sérieux.
Les faits de la cause et le contexte procédural
Engagé en mars 1988 par Air Canada, le requérant a commencé à travailler le 3 avril 1988 à l'aéroport international de Vancouver. Cet engagement était subordonné à la condition que le requérant obtînt l'autorisation de sécurité nécessaire, dont une partie au moins relevait du Service canadien du renseigne- ment de sécurité («SCRS»).
Le requérant trouvait que l'enquête de sécurité pre- nait beaucoup trop de temps (il obtint l'autorisation de sécurité le 21 novembre 1988). Le dossier ne per- met pas de savoir exactement à quel moment il a demandé à connaître les renseignements personnels le concernant dans les dossiers du SCRS. Son affidavit en date du 16 juillet 1990 indique qu'[TRADucTIoN]«il a déposé le 12 septembre 1989 une plainte en application du paragraphe 12(1) de la Loi sur la protection des renseignements personnels». Le paragraphe 12(1) prévoit le droit de se faire com- muniquer les renseignements, mais ne régit pas les plaintes auprès du Commissaire à la protection de la vie privée. Attendu que la demande dont la Cour est saisie est fondée sur la Règle 324 [Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663] relative aux requêtes par écrit et que l'ordre chronologique des faits n'est pas crucial pour notre propos, je n'ai pas cherché à clari- fier cette question. Je présume qu'il y a eu un refus de la part du SCRS d'accéder à une demande faite en application du paragraphe 12(1) et de l'article 13, ce qui a motivé la plainte faite le 12 septembre 1989 auprès du Commissaire à la protection de la vie pri- vée.
Quoi qu'il en soit, le Commissaire, par lettre en date du 30 mars 1990, a informé le requérant que son enquête l'a conduit à conclure que le refus du SCRS de communiquer les renseignements à ce dernier était justifié par application des articles 19(1), 21, 22(1)b), (2), 23a) et 26 de la Loi sur la protection des rensei- gnements personnels. Ces dispositions autorisent le refus dans les cas suivants: les renseignements per-
sonnels concernant l'individu ont été obtenus à titre confidentiel d'un autre ordre de gouvernement ou de l'un de ses organismes; la divulgation risquerait vrai- semblablement de porter préjudice à la conduite des affaires internationales, à la défense du Canada, ou à ses efforts de détection ou de prévention d'activités subversives; la divulgation risquerait vraisemblable- ment de nuire aux activités destinées à faire respecter les lois ou au déroulement d'enquêtes licites; les ren- seignements ont été obtenus d'une source confiden- tielle au cours d'une enquête licite; les renseigne- ments ont été préparés à l'intention d'un organisme d'enquête en vue de décider s'il y a lieu de donner l' autorisation de sécurité; les renseignements portent aussi sur un autre individu que celui qui fait la demande.
Ayant reçu la lettre du Commissaire à la protection de la vie privée, le requérant a intenté cette procédure en application de l'article 41 de la Loi sur la protec tion des renseignements personnels. La requête ini- tiale ne citait que le Commissaire à la protection de la vie privée comme intimé, avec les conclusions sui- vantes:
[TRADUCTION] 1. L'appelant tient de la Loi sur la protection des renseignements personnels le droit de consulter son propre dossier, lequel droit lui a été dénié par l'intimé sans motifs satisfaisants.
2. L'intimé a pris une décision contraire à la loi en appliquant la disposition du paragraphe 19(1) de la Loi sur la protection des renseignements personnels sans avoir constaté que les ren- seignements en cause ont été obtenus à titre confidentiel d'une administration municipale.
3. L'intimé a pris une décision contraire à la loi en appliquant la disposition du paragraphe 19(1) de la Loi sur la protection des renseignements personnels sans avoir constaté que les ren- seignements en cause, obtenus d'une administration munici- pale, n'ont pas été communiqués parce que, ayant été pleine- ment et objectivement informée de la nature de la demande du requérant, cette administration n'a pas consenti à leur commu nication.
4. Étant donné que les documents visés par la demande ont un effet sur l'engagement du requérant, il y a lieu de conclure que les motifs invoqués par le Commissaire à la protection de la vie privée en application de l'alinéa 22(1)b) de la Loi sur la protection des renseignements personnels sont déraisonnables, inapplicables et étrangers à la demande présentée par le requé- rant en application du paragraphe 12(1) de la Loi sur la protec tion des renseignements personnels.
5. L'intimé a commis une erreur de droit soit en appliquant la mauvaise norme soit en n'appliquant aucune norme pour ce
qui est de sa conclusion relative à ce qui «risquerait vraisem- blablement de porter préjudice» au sens de l'article 21 et de l'alinéa 22(1)b).
6. L'intimé a commis une erreur de droit soit en appliquant la mauvaise norme soit en n'appliquant aucune norme pour ce qui est de sa conclusion sur ce qui «risquerait vraisemblable- ment de divulguer» au sens de l'alinéa 23a).
7.- Étant donné que les documents visés à la demande concer- nent le requérant lui-même et personne d'autre, il y a lieu de conclure que les motifs invoqués par le Commissaire à la pro tection de la vie privée en application de l'article 26 sont dérai- sonnables, inapplicables et étrangers à la demande présentée par le requérant en application du paragraphe 12(1) de la Loi sur la protection des renseignements personnels.
8. L'intimé a commis une erreur de droit soit en appliquant la mauvaise norme soit en n'appliquant aucune norme pour ce qui est de sa conclusion relative à ce qui constitue des «rensei- gnements personnels concernant un autre individu que celui qui fait la demande» dans le cas prévu à l'article 26.
9. Le requérant a été privé de son droit à la justice naturelle ou à l'équité par:
a. la décision de l'intimé de ne pas communiquer suffisam- ment de renseignements qui permettraient au requérant de lui présenter, oralement ou par écrit, des arguments en faveur de la divulgation,
b. le fait que l'intimé ne s'est pas conformé aux impératifs de la Loi sur la protection des renseignements personnels en répondant en temps voulu et dans les délais prévus à la Loi,
c. le fait que l'intimé n'a pas pleinement divulgué les motifs du refus, si ce n'était qu'il était «convaincu que ces excep tions ont été invoquées à bon droit, conformément à la loi».
L'avocat du requérant a été informé par la suite qu'il y avait lieu d'impliquer également le SCRS à titre d'intimé. L'intitulé de la cause a donc été modi- fié en conséquence.
Requête en radiation du Commissaire à la protection de la vie privée
C'est en cet état de la cause que le Commissaire à la protection de la vie privée introduit une requête en radiation de son nom comme intimé dans l'action principale. Son principal argument est, d'après ce que j'ai pu en juger, fondé sur le texte de l'article 41 de la Loi sur la protection des renseignements personnels:
41. L'individu qui s'est vu refuser communication de rensei- gnements personnels demandés en vertu du paragraphe 12(1) et qui a déposé ou fait déposer une plainte à ce sujet devant le Commissaire à la protection de la vie privée peut, dans un délai de quarante-cinq jours suivant le compte rendu du Commis- saire prévu au paragraphe 35(2), exercer un recours en révision de la décision de refus devant la Cour. La Cour peut, avant ou
après l'expiration du délai, le proroger ou en autoriser la proro- gation. [Passages non soulignés dans l'original.]
Le Commissaire soutient que la version française de l'article 41 est plus précise et plus conforme aux objectifs de la Loi sur la protection des renseigne- ments personnels, et qu'elle indique clairement que c'est la décision de refuser la communication des documents qui est susceptible de révision en applica tion de l'article 41 et non pas les recommandations du Commissaire à la protection de la vie privée. Ce refus était le fait du SCRS.
Les règles de droit sont constantes en la matière. En cas de différence entre les versions française et anglaise d'un texte de loi, celle qui est plus conforme à l'ensemble de la législation et à ses objets l'em- porte: Loi sur les langues officielles, L.R.C. (1985), chap. O-3, article 9; R. c. Compagnie Immobilière BCN Ltée, [1979] 1 R.C.S. 865, aux pages 871 et 872; Beaupré R. M., Interprétation de la législation bilingue, Montréal: Wilson et Lafleur Ltée, 1986, à la page 189:
Il convient, pour notre propos, de rappeler certains passages du mémoire de l'intimé à ce sujet:
[TRADUCTION] 22. La version anglaise de l'article 41 de la Loi sur la protection des renseignements personnels prévoit ce droit «to apply to the Court for a review of the mattes (mot non souligné dans l'original) pour quiconque s'est vu refuser communication de renseignements personnels et s'en est plaint auprès du Commissaire à la protection de la vie privée.
23. La version française de l'article 41 de la Loi sur la protec tion des renseignements personnels prévoit le droit d'«exercer un recours en révision de la décision de refus devant la Cour» (mots non soulignés dans l'original) pour quiconque s'est vu refuser communication de renseignements personnels et s'en est plaint auprès du Commissaire à la protection de la vie pri- vée.
24. L'intimé fait respectueusement observer que la version française de l'article 41 de la Loi sur la protection des rensei- gnements personnels est plus précise que la version anglaise. L'intimé fait respectueusement observer en outre que la ver sion française de l'article 41 est plus conforme à l'objet et à l'esprit de la Loi sur la protection des renseignements person- nels, qui investit le responsable de toute institution fédérale de la responsabilité, sous réserve de toutes les dispositions de cette loi, d'autoriser ou de refuser la communication des ren- seignements personnels demandés par des individus, et le Commissaire à la protection de la vie privée du mandat, entre autres, de recevoir les plaintes de la part d'individus auxquels une institution fédérale a refusé de communiquer les rensei-
gnements personnels demandés, d'instruire l'affaire et de faire des recommandations en la matière à l'institution concernée.
25. L'intimé conclut donc respectueusement que le mot «mat- ter» figurant dans la version anglaise de l'article 41 de la Loi sur la protection des renseignements personnels doit être consi- déré comme signifiant «décision de refus», et que l'article 41 prévoit ainsi pour l'individu qui s'est vu refuser communica tion de renseignements personnels le droit de se pourvoir en contrôle judiciaire de ce refus. Comme le Commissaire à la protection de la vie privée n'est pas habilité par la Loi sur la protection des renseignements personnels à prendre cette déci- sion, il ne peut être cité dans le cadre d'un recours exercé en application de l'article 41.
Analyse
Je ne partage pas l'interprétation donnée par l'in- timé de l'article 41. Il est important, comme il le fait valoir, de placer cet article dans le contexte global de la Loi. L'article 12, à certaines exceptions près, reconnaît à l'individu le droit de se faire communi- quer les renseignements personnels le concernant et versés dans les dossiers de l'administration fédérale. L'article 13 prévoit que quiconque veut se faire com- muniquer ces renseignements doit en faire la demande par écrit à l'institution fédérale dont ils relè- vent. Si le responsable de cette institution refuse la communication, il doit notifier à l'intéressé ce refus et le fait que ce dernier peut s'en plaindre auprès du Commissaire à la protection de la vie privée (article 16). Aucune disposition ne prévoit expressément le droit pour l'individu de formuler cette plainte, par exemple en précisant que «quiconque s'est vu refuser ... peut porter plainte auprès de ... ». Ce droit se dégage implicitement de l'obligation de notification prévue à l'article 16 et de l'article 29. Celui-ci fait au Commissaire à la protection de la vie privée l'obliga- tion de recevoir et d'instruire les plaintes émanant d'individus qui se sont vu refuser communication des renseignements personnels les concernant.
Une fois l'enquête effectuée, le Commissaire à la protection de la vie privée en rend compte au plai- gnant (article 35). Si le rapport conclut au bien-fondé de la plainte, l'institution fédérale concernée en est informée en premier lieu (article 35) et se voit accor- der un délai pour communiquer les renseignements au plaignant avant que celui-ci ne soit mis au courant du rapport. Si le Commissaire conclut au bien-fondé de la plainte et que le responsable de l'institution fédérale concernée persiste à refuser la communica-
tion ou si le Commissaire conclut que le refus initial était justifié, le plaignant peut se pourvoir devant la Cour fédérale conformément au paragraphe 35(5) que voici:
35....
(5) Dans les cas l'enquête portait sur un refus de commu nication et que, à l'issue de l'enquête, communication n'est pas donnée au plaignant, le Commissaire à la protection de la vie privée informe celui-ci de l'existence de son droit de recours en révision devant la Cour.
Le paragraphe 35(5) prévoit la notification au plai- gnant en cas de refus de communication et, comme noté plus haut, l'article 41 prévoit le droit de recours en révision devant la Cour fédérale pour le plaignant frustré.
Si le Commissaire à la protection de la vie privée a recommandé la communication et que l'institution fédérale concernée refuse de se conformer à cette recommandation, le Commissaire peut, dans certains cas, saisir la Cour fédérale d'un recours en révision du refus de communication (article 42). Il n'y a aucune disposition expresse sur le rôle du Commis- saire à la protection de la vie privée devant la Cour fédérale dans le cas c'est lui-même qui a recom- mandé le refus de communication et le demandeur se pourvoit en contrôle judiciaire.
Je ne pense pas que le contexte législatif exposé ci- dessus permette de conclure qu'en cas de recours en révision, exercé par le requérant en application de l'article 41, à la suite de la décision du Commissaire à la protection de la vie privée d'approuver le refus de communication, ce recours ne concerne pas le Commissaire. Je tire de ce contexte la conclusion opposée à celle qu'a tirée l'intimé. Cela tient en par- tie à ce que le recours en justice n'est déclenché qu'après que le Commissaire à la protection de la vie privée a rendu sa décision, laquelle fait partie inté- grante du processus dans son ensemble. Je ne suis pas convaincue que la différence de formulation entre les versions française et anglaise soit une différence de fond, ou une différence qui justifie la conclusion que l'intimé en l'espèce cherche à faire valoir. Le refus de communication est un refus qui se poursuit dans le temps. À l'issue de l'enquête du Commissaire, ce refus devient, en partie tout au moins, déterminé par le fait que celui-ci n'a pas recommandé la communi-
cation. Le refus est confirmé par la décision du Com- missaire. Le recours en révision contre le refus, que prévoit l'article 41, embrasse aussi la décision du Commissaire qui confirme ou approuve ce refus, au même titre que le refus lui-même.
Je ne pense pas qu'on puisse attacher grande importance au fait que le Commissaire à la protection de la vie privée ne fait que recommander la commu nication, mais ne l'ordonne pas (c'est-à-dire qu'il se prononce sur le bien-fondé de la plainte de l'inté- ressé). La règle générale est que le demandeur (ou requérant) a le droit de citer comme défendeur (ou intimé) toute partie qui, à son avis, a été à l'origine du préjudice visé par l'action (ou la requête), Meag- her et Meagher, Parties to an Action (Toronto: But- terworths, 1988), à la page 13. En l'espèce, le recours est en grande partie dirigé contre la manière dont le Commissaire à la protection de la vie privée a effec- tué son enquête. Dans ce contexte, j'estime qu'il est parfaitement indiqué, voire nécessaire, de citer ce dernier dans l'action.
De même, je ne pense pas qu'on puisse attacher une signification particulière à l'absence dans la Loi d'une disposition expresse sur le rôle du Commis- saire à la protection de la vie privée dans les recours exercés en application de l'article 41. Comme noté plus haut, il n'est pas nécessaire, pour ce qui est du droit de l'individu de porter plainte, de prévoir en détail toutes les éventualités pour qu'elles tombent dans le champ d'application de la Loi. Par exemple, si l'action était soumise à l'application des règles de procédure de droit civil du Québec, je pense qu'on pourrait facilement régler le problème par la mise en cause du Commissaire et personne ne songerait à contester pareille solution.
Finalement, même si je me trompe dans mon inter- prétation du sens de «recours en révision de la déci- sion de refus» et que l'expression correspondante de la version anglaise, «a review of the rnatter», soit bien différente de la version française et ait un sens plus large, je pense que le texte anglais cerne de plus près l'objectif visé par la Loi prise dans son ensemble. Je ne pense pas que le législateur ait voulu exclure le Commissaire à la protection de la vie privée du champ d'application de l'article 41. Il y a lieu de rap- peler à ce sujet cette observation incidente du juge
Strayer dans Ternette c. Solliciteur général du Canada, [1984] 2 C.F. 486 (i f e inst.), aux pages 491 et 492, au sujet du rôle du Commissaire à la protec tion de la vie privée dans les affaires touchant l'ar- ticle 41:
A l'audience, le requérant, qui n'était pas représenté par un avocat, a ajouté à sa demande générale certaines plaintes préci- ses contre le Commissaire à la protection de la vie privée. Il a allégué que la lettre du Commissaire indiquait que celui-ci n'avait pas effectué d'enquête; qu'il avait omis de faire savoir au requérant si de tels renseignements le concernant étaient classés dans ce dossier inconsultable et qu'il avait omis de demander à la Cour d'examiner le dossier du requérant (s'il y en avait un dans ce fichier) comme il était autorisé à le faire en vertu de l'article 43 de la Loi. Dans la mesure ces dernières plaintes devraient être considérées comme la demande d'un redressement précis contre le Commissaire à la protection de la vie privée, tel le mandamus, je ne crois pas qu'elles puissent être entendues sans que le Commissaire à la protection de la vie privée soit partie aux procédures.
Toutefois, je crois que, compte tenu de la Loi et de l'avis de requête, la présente demande devrait être traitée comme fondée sur l'article 41 de la Loi selon lequel «L'individu qui s'est vu refuser communication de renseignements personnels demandés en vertu du paragraphe 12(1) et qui a déposé ou fait déposer une plainte à ce sujet devant le Commissaire à la pro tection de la vie privée peut ... exercer un recours en révision de la décision de refus devant la Cour.» Il me semble que le caractère général des mots «révision de la décision» est suffi- sant pour me permettre, à l'intérieur des limites qui sont autre- ment imposées par la Loi, d'examiner la conduite du gouver- neur en conseil, du solliciteur général, de la GRC et du Commissaire à la protection de la vie privée en ce qui a trait au refus de communiquer au requérant les renseignements qu'il cherche à obtenir. [Passages non soulignés dans l'original.]
Je partage cette vue.
Décision
Par ces motifs, la requête de l'intimé sera rejetée.
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