A-1268-84
Lubrication Engineers, Inc. (appelante) (intimée)
c.
Conseil canadien des ingénieurs (intimé) (appelant)
RÉPERTORIÉ' CONSEIL CANADIEN DES INGÉNIEURS C.
LUBRICATION ENGINEERS, INC. (CA.)
Cour d'appel, juges Hugessen, Desjardins et Décary,
J.C.A.—Ottawa, 11 et 12 février 1992.
Marques de commerce — Enregistrement — La marque de
commerce «Lubrication Engineers» devant être employée en
liaison avec des graisses, des huiles et des lubrifiants n'est pas
à première vue enregistrable en vertu de l'art. 12 comme elle
décrit une occupation ou une profession reconnue,— L'enre-
gistrement antérieur de la marque de commerce aux États-Unis
ne la rend pas enregistrable en vertu de l'art. 14 — L'appe-
lante a l'obligation de démontrer que la marque de commerce
n'est «pas dépourvue de caractère distinctif» au Canada —
Cette obligation exige quelque preuve que la marque s'est fait
connaître de façon à être distinctive des marchandises de l'ap-
pelante — Lorsque la marque n'a aucun caractère distinctif
inhérent, la simple preuve de l'emploi de la marque en liaison
avec les marchandises et dans leur publicité ne suffit pas à éta-
blir qu'elle a acquis un caractère distinctif — Le juge de pre-
mière instance a cru à tort que l'art. 9(1)d) de la Loi sur les
marques de commerce transpose dans le droit fédéral les diver-
ses prohibitions à l'égard de l'usage de certaines appellations
professionnelles contenues dans les lois provinciales réglemen-
tant les professions concernées.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Lai sur les marques de commerce, S.R.C. 1970, chap.
T-10, art. 9(1)d), 12(1)b), 14.
JURISPRUDENCE
DÉCISION APPLIQUÉE:
Association of Professional Engineers of the Province of
Ontario v. Registrar of Trade Marks, [1959] R.C.É. 354;
(1959), 31 C.P.R. 79.
DÉCISIONS EXAMINÉES:
Park Avenue Furniture Corp. c. Wickes/Simmons Bedding
Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.); Union Carbide
Corp. c. W.R. Grace & Co. (1987), 14 C.I.P.R. 59; 14
C.P.R. (3d) 337; 78 N.R. 124 (C.A.F.).
DOCTRINE
Canada. Classification canadienne descriptive des profes
sions. Ottawa: ministère de l'Emploi et de l'Immigra-
tion, 1971-1977.
AVOCATS:
Nicholas H. Fyfe, c.r. pour l'appelante (intimée).
Elizabeth G. Elliott et John S. Macera pour l'in-
timé (appelant).
PROCUREURS:
Smart & Biggar, Ottawa, pour l'appelante (inti-
mée).
Macera & Jarzyna, Ottawa, pour l'intimé (appe-
lant).
Ce qui suit est la version française des motifs du
jugement de la Cour prononcés ù l'audience par
LE JUGE HUGESSEN, J.C.A.: Nous sommes tous
d'avis qu'une grande partie de ce qu'a dit le juge de
première instance dans ses longs motifs de jugement
[[1985] 1 C.F. 530] ne peut être confirmé. Plus parti-
culièrement, nous ne sommes pas d'accord avec son
opinion sur la portée de l'alinéa 9(1)d) de la Loi sur
les marques de commerce [S.R.C. 1970, chap. T-10];
ce texte n'a tout simplement pas pour effet, comme
semble le croire le juge, de transposer dans le droit
fédéral les diverses prohibitions à l'égard de l'usage
de certaines appellations professionnelles contenues
dans les lois provinciales réglementant les profes
sions concernées. Ceci étant dit, nous estimons toute-
fois que la conclusion à laquelle en est arrivé le juge
doit être confirmée pour d'autres motifs.
Tout d'abord, nous sommes d'avis que la marque
de commerce «Lubrication Engineers» de l'appelante
devant être employée en liaison avec des graisses, des
huiles et des lubrifiants, n'était pas enregistrable en
vertu de l'article 12 de la Loi. L'expression «Lubrica-
tion Engineers» décrit une occupation ou une profes
sion reconnue'. Son emploi en guise de marque de
commerce en liaison avec des marchandises elles-
mêmes intimement liées à la pratique de l'occupation
ou de la profession concernée ne distingue ces mar-
chandises en aucune façon. Selon le libellé de l'alinéa
Voir la Classification canadienne descriptive des profes
sions; voir aussi American Society of Lubrication Engineers,
Constitution.
12(1)b), la marque de commerce donne «une descrip
tion claire ou donne une description fausse et trom-
peuse ... de la nature ou de la qualité des marchan-
dises ... ou des personnes qui ... sont employées [à
leur production]»*. De la même façon que les
marques telles que clefs de serrage «des Monteurs de
tuyauterie», thermomètres «des Médecins», ou théo-
dolites «des Géomètres», la marque de commerce
graisse «des "Lubrication Engineers"» est à prime
abord non enregistrable 2 . C'est là le fondement de la
décision de la Cour de l'Échiquier dans l'affaire
«Finishing Engineers» 3 . C'est à tort que le registraire
en l'espèce a fait une distinction avec cette affaire
principalement en raison de son opinion erronée sur
la date pertinente à partir de laquelle il pouvait exa
miner la preuve relative au sens des mots «Lubrica-
tion Engineers» 4 . En tout état de cause, la preuve
supplémentaire relative à la question, produite lors de
l'appel devant la Section de première instance, enlève
maintenant tout doute sur la question.
Deuxièmement, l'enregistrement antérieur par
l'appelante de sa marque de commerce aux États-
Unis, son pays d'origine, ne sert pas à rendre cette
marque de commerce enregistrable en vertu de l'ar-
ticle 14 de la Loi. Selon cette disposition, l'appelante
a l'obligation de démontrer que la marque de com
merce n'est «pas dépourvue de caractère distinctif»
au Canada. Quelle que soit cette obligations, elle
exige à tout le moins quelque preuve que la marque
s'est fait connaître de façon à être distinctive des
marchandises de l'appelante. Dans une affaire
comme celle-ci, où la marque elle-même n'a aucun
caractère distinctif inhérent, la simple preuve de
l'emploi de la marque en liaison avec les marchandi-
ses et dans leur publicité (emploi dont on n'affirme
même pas qu'il a été exclusif), sans rien de plus, ne
* Note de la traductrice: la divergence entre les versions
anglaise et française de cette disposition sera corrigée au
moment du dépôt d'une loi corrective l'automne prochain.
2 Comme ce qui compte est l'impression initiale, il importe
peu que l'apostrophe indiquant le possessif de l'anglais soit
omise, comme c'est le cas en l'espèce.
3 Voir Association of Professional Engineers of the Province
of Ontario v. Registrar of Trade Marks, [1959] R.C.É. 354.
4 Voir Park Avenue Furniture Corp. c. Wickes/Simmons Bed
ding Ltd. (1991), 37 C.P.R. (3d) 413 (C.A.F.), à la p. 424.
5 Voir Union Carbide Corp. c. W.R. Grace & Co. (1987), 14
C.I.P.R. 59 (C.A.F.), à la p. 73.
suffit pas à établir qu'elle a acquis un caractère dis-
tinctif.
Comme ce sont là les seuls motifs que l'appelante
a invoqués à l'appui de sa marque de commerce, il
s'ensuit que l'appel doit être rejeté avec dépens.
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