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A-883-90
FWS Joint Sports Claimants (requérante) c .
Commission du droit d'auteur, la Border Broadcasters' Collective, l'Agence des droits de retransmission des radiodiffuseurs canadiens Inc., la Société collective de retransmission du Canada, l'Association du droit de retransmission canadien, l'Association des compositeurs, auteurs et éditeurs du Canada, Limitée, la Société de perception du droit d'auteur' du Canada, la Major League Baseball Collective of Canada, Inc., la Société de droits d'exécution du Canada Limitée, l'Association canadienne de télévision par câble, la Cl Cablesystems Inc., les Communications par satellite canadien Inc. et le sous-procureur général du Canada (intimés)
RÉPERTORIÉ' FWS JOINT SPORTS CLAIMANTS C. CANADA (COMMISSION DU DROIT D'AUTEUR) (CA.)
Cour d'appel, juges Mahoney, MacGuigan et Linden, J.C.A.—Montréal, 13, 14, 15, 16 et 17 mai; Ottawa, 3 juin 1991.
Droit d'auteur Droits à verser pour la retransmission de signaux éloignés pour la télédiffusion de matchs de football L'entente conclue avec le réseau de télévision ABC équivaut- elle à une cession de droits en faveur de la NFL? La Com mission a-t-elle commis une erreur en acceptant le témoignage oral pour ce qui concerne l'entente? La Commission doit se prononcer sur l'existence légale du droit afin de procéder à son évaluation Il n'existe pas de droit d'auteur sur un match de football en raison du résultat incertain Il n'y a pas de droit d'auteur en vue de la retransmission des programmes La Commission n'a pas commis d'erreur en présentant une échelle des droits à payer en fonction du nombre des abonnés.
Il s'agissait d'une demande de révision d'une décision par laquelle la Commission du droit d'auteur du Canada a fixé les droits à verser, pour la première fois, pour la retransmission des signaux éloignés de radio et de télévision, à la suite des modifications apportées à la Loi sur le droit d'auteur en con- formité avec la Loi de mise en œuvre de l'Accord de libre—échange Canada—États-Unis. La Commission a jugé que les arrangements contractuels intervenus entre la National Football League et le réseau de télévision ABC n'ont pas aliéné les droits du réseau dans la télédiffusion des matchs de la ligue. Elle a utilisé une méthode fondée sur des services comparables pour arriver à la valeur totale et a alloué le mon- tant global fondé sur l'indice d'écoute. Elle a conclu qu'il exis- tait un droit d'auteur sur la réalisation de la télédiffusion d'un match de sport, mais pas sur le déroulement de celui-ci. Elle a
également statué qu'il n'existait pas de droit d'auteur sur le calendrier quotidien des programmes de télédiffusion. Elle a utilisé le rapport entre le coût de la musique et le coût des émissions pour déterminer le taux des droits pour la musique. Elle a établi un taux fixe de 100 $ par année pour les systèmes ayant moins de 1 000 abonnés et une série de taux avantageux pour les systèmes de 1 000 à 6 000 abonnés.
Arrêt: la demande devrait être rejetée.
Pour ce qui est de savoir si le contrat intervenu entre la NFL et le réseau ABC équivaut à une cession de droits, c'est une question de droit. La Commission peut trancher des questions de ce genre et doit forcément le faire puisqu'on ne peut évaluer un droit que s'il existe. Comme le libellé n'était pas clair, la Commission a eu raison de se fonder sur le témoignage oral selon lequel la clause relative à la cession visait seulement à permettre à la Ligue, pour inciter les partisans de la ville à acheter des billets, de poursuivre les bars de la ville qui présen- taient des matchs locaux et selon lequel aussi le réseau ne se départit jamais des droits d'auteur ou de retransmission. La Commission n'a pas commis d'erreur en préférant accepter une autre preuve que celle présentée par la requérante en ce qui concerne la valeur des droits de retransmission ou en accordant des paiements d'une manière qui ne s'accorde pas avec les cal- culs proposés par la requérante. La commodité sur le plan administratif est un facteur logique que la Commission peut prendre en considération.
La Commission a eu raison de statuer que, même s'il existait un droit d'auteur sur les livres de jeux et les plans de matchs écrits des entraîneurs, ainsi que sur les insignes des équipes et le dessin des uniformes, ils ne sont pas utilisés par les systèmes de télévision par câble et il n'existe pas de droit d'auteur sur le match lui-même. Un simple spectacle autonome ne peut pas être protégé par le droit d'auteur. Les matériaux changeants qui manquent de certitude ou d'unité ne le peuvent pas non plus. Malgré le degré de planification auquel est soumis un match de football, il ne fait pas l'objet d'une chorégraphie de la même façon qu'un ballet. Chaque équipe essaie de mêler les plans de l'autre et crée l'incertitude qui donnera son intérêt au match. Personne n'a jamais parié sur l'issue d'une représentation du Lac des cygnes.
Il ne peut pas y avoir de droit d'auteur sur une compilation de programmes de télévision sur lesquels d'autres sont titu- laires d'un droit d'auteur. Même si l'horaire écrit d'une jour- née de diffusion est une œuvre littéraire, l'ordre selon lequel les programmes sont diffusés n'ajoute pas un nouveau droit pour le diffuseur. La Commission s'est vu conférer par la Loi un vaste pouvoir discrétionnaire de fixer le montant des droits à payer et de déterminer de quelle façon serait supporté le poids de ces paiements. Vu que la Loi n'interdit pas expressé- ment la création de catégories de systèmes de taille intermé- diaire, la Cour ne décèle aucune erreur susceptible de révision dans la décision de la Commission de fixer une échelle de droits fondés en général sur le nombre d'abonnés.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi de mise en oeuvre de l'Accord de libre—échange Cana- da—Etats-Unis, L.C. 1988, chap. 65.
Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), chap. F-7, art. 28.
Loi sur le droit d'auteur, L.R.C. (1985), chap. C-42, art. 2 (mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), chap. 10, art. 1; L.C. 1988, chap. 65, art. 61), 70.63 (édicté par L.C. 1988, chap. 65, art. 65), 70.64 (mod., idem).
Règlement sur la définition de petit système de retrans- mission, DORS/89-255, art. 3(1).
JURISPRUDENCE
DECISIONS CITÉES:
Pioneer Shipping Ltd v BTP Tioxide Ltd, [1981] 2 All ER 1030 (H.L.); Alampi v. Swartz, [1964] 1 O.R. 488; (1964), 43 D.L.R. (2d) 11 (C.A.); Posen c. Le ministre de la Con- sommation et des Corporations du Canada, [1980] 2 C.F. 259; (1979), 46 C.P.R. 2d 63; 36 N.R. 572 (C.A.); Re Rohm & Haas Canada Ltd. et le Tribunal antidumping (1978), 91 D.L.R. (3d) 212; 22 N.R. 175 (C.A.F.); Cana- dian Admiral Corpn. Ltd. v. Rediffusion Inc., [1954] R.C.É. 382; (1954), 20 C.P.R. 75; 14 Fox Pat. C. 114; Tate v. Fulbrook, [1908] 1 K.B. 821 (C.A.); Green v Broadcasting Corp of New Zealand, [1989] 2 All ER 1056 (P.C.); Kantel, Frederick W. v. Frank E. Grant et al., [1933] R.C.É. 84; Wilson v. Broadcasting Corpora tion of New Zealand, [1990] 2 NZLR 565 (H.C.); Balti- more Orioles, Inc. v. Major League Baseball, 805 F. 2d 663 (7th Circ. 1986); Macmillan & Co. v. Cooper (1923), 93 L.J.P.C. 113; Football League Ltd. v. Littlewood's Pools Ltd., [1959] Ch. 637; Ladbroke (Football), Ltd v. William Hill (Football) Ltd., [1964] 1 All E.R. 465 (H.L.); Express Newspapers Plc. v. Liverpool Daily Post & Echo Plc., [1985] 1 W.L.R. 1089 (Ch. D.).
DOCTRINE
Fox, Harold G. The Canadian Law of Copyright and Industrial Designs, 2nd ed., Toronto: Carswell Co. Ltd., 1967.
Nimmer, Melville and Nimmer, David. Nimmer on Copy right, vol. 1, New York: Matthew Bender & Co. Inc., 1990.
AVOCATS:
Daniel R. Bereskin et G. A. Piasetski pour la requérante.
Mario Bouchard pour l'intimée la Commission du droit d'auteur.
Gilles Marc Daigle pour l'intimée la Border Broadcasters' Collective.
D. W. Kent pour l'intimée l'Agence des droits de retransmission des radiodiffuseurs canadiens Inc.
H. G. Intven pour l'intimée la Société collective de retransmission du Canada.
Jacques R. Alleyn et Peter E. Robinson pour l'intimée l'Association du droit de retransmis- sion canadien
Y. A. George Hynna pour les intimées l'Associa- tion des compositeurs, auteurs et éditeurs du Canada, Limitée et la Société de droits d'exécu- tion du Canada Limitée.
G. A. Hainey et M. S. Koch pour l'intimée la Société de perception du droit d'auteur du Canada.
Richard Storrey pour l'intimée la Major League Baseball Collective of Canada, Inc.
Michael K. Eisen et Stephen G. Rawson pour l'intimée l'Association canadienne de télévision par câble.
J. A. O'Neill pour les intimées les Communica tions par satellite canadien Inc. et la Cl Cable- systems Inc.
PROCUREURS:
Rogers, Bereskin & Parr, Toronto, pour la requérante.
La Commission du droit d'auteur pour l'intimée la Commission du droit d'auteur.
Cowling, Strathy & Henderson, Ottawa, pour l'intimée la Border Broadcasters' Collective. McMillan Binch, Toronto, pour l'intimée l'Agence des droits de retransmission des radio- diffuseurs canadiens Inc.
McCarthy Tétrault, Toronto, pour l'intimée la Société collective de retransmission du Canada. La Société Radio-Canada, Ottawa, pour l'inti- mée l'Association du droit de retransmission canadien.
Cowling, Strathy & Henderson, Ottawa, pour les intimées l'Association des compositeurs, auteurs et éditeurs du Canada, Limitée et la Société de droits d'exécution du Canada Limitée.
Smith, Lyons, Torrance, Stevenson & Mayer, Toronto, pour l'intimée la Société de perception du droit d'auteur du Canada.
Goodman & Goodman, Toronto, pour l'intimée la Major League Baseball Collective of Canada, Inc.
Morris/Rose/Ledgett, Toronto, pour l'intimée l'Association canadienne de télévision par câble. Johnston & Buchan, Ottawa, pour les intimées les Communications par satellite canadien Inc. et la Cl Cablesystems Inc.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE LINDEN, J.C.A.: Le 2 octobre 1990, la Commission du droit d'auteur du Canada a rendu sa décision sur les droits à verser pour la retransmission des signaux éloignés de radio et de télévision. C'était la première fois qu'elle devait tenir compte des modi fications apportées à la Loi sur le droit d'auteur, L.R.C. (1985), chap. C-42, qui ont été adoptées en conformité avec la Loi de mise en oeuvre de l'Accord de libre—échange Canada—États-Unis (L.C. 1988, chap. 65). Avant l'adoption de cette Loi, il n'y avait aucun droit à payer par ceux qui retransmettaient des signaux éloignés, lacune que la nouvelle Loi est venue combler. La Commission s'est vu, entre autres, confier par la Loi (l'article 70.63 [édicté par S.C. 1988, chap. 65, art. 65]) la mission d'établir «la for- mule tarifaire qui permet de déterminer les droits à payer par chaque catégorie de retransmetteurs» et de «détermine[r] la quote-part de chaque société de per ception dans ces droits». En se servant de la valeur de la chaîne Arts and Entertainment en tant que substi- tut, la Commission a fixé le montant total à payer à environ 51 millions de dollars pour chacune des années 1990 et 1991. Ce montant a alors été réparti de la façon suivante entre les différentes sociétés col lectives:
SPDAC 57,087 (pour cent)
SCR 12,806
ADRC 11,752
ADRRC 5,814
BBC 2,938
FWS 2,711
MLB 3,588
CAPAC 1,980
SDE 1,320
TOTAL 99,996
La décision a été contestée dans trois demandes distinctes fondées sur l'article 28 [Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), chap. F-7], qui ont été ins- truites en même temps. Diverses parties se sont oppo sées à des aspects différents de la décision de la Com mission. L'Association canadienne de télévision par câble (ACTC) a, dans la première demande (no de dossier A-832-90), contesté l'ensemble de la déci- sion, la FWS Joint Sports Claimants a mis en discus sion certains éléments de la décision (no de dossier A-883-90), d'autres parties, à titre de parties inti- mées, se sont opposées à plusieurs points, et une autre demande (no de dossier A-834-90) a été retirée. La demande de l'ACTC a été rejetée dans une déci- sion unanime de notre Cour, rédigée par le juge Mac- Guigan. La demande de la FWS est traitée séparé- ment dans les présents motifs de jugement. Il reste huit autres questions à examiner ici.
Trois questions ont été soulevées par la FWS Joint Sports Claimants, qui est la société de perception agissant pour le compte de la Ligue nationale de hoc key (LNH), de la Ligue canadienne de football (LCF), de la National Football League (NFL) et de la National Basketball Association (NBA).
La première question concernait l'interprétation d'un contrat conclu entre la NFL et le réseau de télé- vision ABC, par lequel on a jugé que les droits de retransmission appartenaient à ABC et à sa société de perception, l'Association du droit de retransmission canadien (ADRC).
La disposition contractuelle en question, qui n'est pas un modèle de précision, est libellée ainsi:
[TRADUCTION] 9. Droit d'auteur. Le Réseau fera enregistrer simultanément sur magnétoscope chaque émission de télévi- sion en direct et remettra les bandes magnétiques à la Ligue sur demande (mais il ne sera pas nécessaire de conserver les bandes plus de 30 jours après l'émission de télévision origi- nale). Le Réseau cède à la Ligue par le présent document les éléments du droit d'auteur sur la télédiffusion de chaque match qui sont nécessaires pour permettre à la Ligue d'intenter des poursuites afin d'empêcher toute violation possible du droit d'auteur ou de réclamer des dommages-intérêts. Le Réseau apportera sa collaboration à toute poursuite de ce genre et la Ligue lui remboursera toutes les dépenses importantes y affé- rentes. Le Réseau peut poursuivre pour son propre compte et à ses propres dépens afin d'empêcher toute violation possible du droit d'auteur ou de réclamer des dommages-intérêts (et il peut conserver les dommages-intérêts obtenus) si la Ligue est invi-
tée à le faire mais s'y refuse. Dans ces cas, la Ligue apportera sa collaboration, et le Réseau lui remboursera toutes les dépen- ses importantes. Le Réseau convient également de diffuser des avis relatifs aux droits de propriété de la Ligue et des clubs membres sur la télédiffusion de chaque match, comme par le passé. Par cette cession du droit d'auteur, la Ligue n'acquiert pas le droit d'exploiter les enregistrements sur magnétoscope dans les médias sans l'accord préalable du Réseau.
Ce libellé, soutient-on, équivaut à une cession du droit d'auteur sur l'émission de télévision à la NFL, mais cette interprétation est contestée. On ne conteste pas qu'il s'agisse d'une question de droit (Pioneer Shipping Ltd y BTP Tioxide Ltd, [1981] 2 All ER 1030 (H.L.), à la page 1035). Bien qu'il semble effec- tivement y avoir cession de certains éléments du droit d'auteur à la Ligue selon les termes du contrat, il existe d'autres éléments qui ne sont pas cédés. La collaboration de l'autre partie est requise dans cer- taines circonstances. Rien n'est mentionné expressé- ment en ce qui concerne les droits de retransmission, mais les droits vidéo ne pourraient pas être exploités sans le consentement du réseau. En résumé, il ne res- sort pas clairement du libellé utilisé qu'il y a eu ces sion des droits de retransmission. Dans ces cas-là, on peut prendre le témoignage oral en considération (Alampi v. Swartz, [1964] 1 O.R. 488 (C.A.)). Après examen du témoignage oral de M. Stanford et de M. Vanderstar, la Commission a conclu, et je suis d'accord avec elle, que la clause relative à la cession figurant dans le contrat visait simplement à permettre à la Ligue, pour s'assurer une assistance plus nom- breuse aux matchs locaux, de poursuivre les bars de la ville qui présentaient les matchs à l'intention de leurs clients. Le texte en avait été rédigé par ABC, et la Ligue estimait qu'elle ne pouvait pas ergoter avec quelqu'un qui versait tous ces millions pour les droits de diffusion. Il ressort de la preuve que l'on n'avait nullement l'intention de céder l'ensemble du droit d'auteur ni les droits de retransmission à la Ligue. En effet, si la Ligue avait fait une telle demande durant les négociations, le réseau ABC aurait répondu qu'il ne se départit jamais de ces droits, comme M. Stanford l'a mentionné dans son témoignage. Je suis donc d'avis que la Commission n'a pas commis d'erreur dans son interprétation du contrat. Dans les négociations à venir, maintenant que la situation a changé en ce qui concerne les droits de retransmis- sion, cette question sera sans doute traitée avec plus de précision que dans le contrat en question.
Quant à savoir si la Commission peut trancher des questions portant sur des droits contractuels, il est évident que la Commission doit forcément le faire, du moins au préalable, dans l'exercice de sa compé- tence. On ne peut évaluer un droit à moins qu'il n'existe. Il se peut que la conclusion de la Commis sion relativement aux garanties juridiques ne lie pas tout le monde pour toujours, mais elle ne peut remplir sa mission sans rendre une décision juridique au sujet de ces droits. Ce peut être différent, toutefois, lorsque tout ce qu'on demande à la Commission est de déter- miner les droits des parties (voir Posen c. Le ministre de la Consommation et des Corporations du Canada, [1980] 2 C.F. 259 (C.A.)).
La deuxième question soulevée par la FWS est que la Commission n'a pas tenu compte de la preuve pré- sentée relativement à la juste valeur marchande et s'est fondée exclusivement sur l'indice d'écoute pour évaluer sa demande. Elle se plaignait également de ce que la Commission avait exigé qu'elle présente des éléments de preuve pour l'aider à établir un régime universel de répartition, quand elle cherchait seule- ment à présenter une preuve au sujet de la valeur de sa propre réclamation. La Commission aurait entravé son propre pouvoir discrétionnaire en agissant ainsi.
Je ne suis pas convaincu que la Commission ait commis une erreur en traitant ainsi la preuve fournie par la FWS. La Commission a tenu compte de la preuve, mais seulement il ne l'a pas admise. La Com mission n'a pas obligé les parties à présenter la preuve d'un régime universel, et entravé par son pouvoir discrétionnaire, elle a tout simplement pré- féré la preuve de celles qui ont présenté un régime universel. La preuve présentée par la FWS était cer- tainement plausible, mais la Commission, après l'avoir examinée, a préféré accepter la preuve présen- tée par les autres parties pour décider comment répar- tir les droits. La Commission, en se fondant sur une autre preuve, a choisi la méthode des services compa- rables, en se servant des coûts du réseau Arts and Entertainment comme point de départ pour la somme globale et a eu recours à une méthode d'indice d'écoute fondée sur une année-test pour la réparti- tion. Cela n'allait pas à l'encontre du pouvoir que lui confère la Loi et ne violait non plus aucune règle de droit ou de justice naturelle, même si la FWS estime peut-être que ses émissions sportives sont sous-éva-
Tuées au moyen de cette méthode. La commodité sur le plan administratif est un facteur logique que la Commission prend en considération pour choisir une méthode d'évaluation et de répartition. Ce ne fut pas le seul facteur à être évalué. La Commission n'a pas commis d'erreur en agissant ainsi. A mon avis, la FWS n'a pas satisfait aux exigences énoncées dans Re Rohm & Haas Canada Ltd. et le Tribunal anti- dumping (1978), 91 D.L.R. (3d) 212 (C.A.F.), à la page 214.
La troisième question avancée par la FWS était de savoir s'il existe un droit d'auteur sur le déroulement d'une activité sportive. La Commission a jugé qu'il n'existait aucun droit d'auteur de ce genre, bien qu'il y en ait un sur la réalisation de la télédiffusion d'un match. Elle a également statué qu'il existait un droit d'auteur sur les livres de jeux et les plans de matchs écrits des entraîneurs, ainsi que sur les insignes des équipes et le dessin des uniformes, mais que ceux-ci n'étaient pas utilisés par les systèmes de télédiffu- sion. Quant au déroulement du match lui-même, même s'il se joue le plus possible en conformité avec ces plans, la Commission a conclu qu'il ne pouvait pas être protégé par le droit d'auteur, car ce n'était pas une «oeuvre chorégraphique puisque, contraire- ment à la danse, un événement sportif est essentielle- ment une série d'événements fortuits. Le déroulement du match est imprévisible, ce qui est tout à fait con- traire à la notion même de chorégraphie».
Je suis d'accord avec la Commission. Même si les équipes sportives peuvent essayer de suivre les jeux qui ont été planifiés par leurs entraîneurs, comme les acteurs suivent un scénario, les autres équipes ont pour tâche de les empêcher d'arriver à leurs fins et souvent y réussissent. En outre, l'équipe adverse tente de suivre son propre plan de jeux, qu'à son tour, l'autre équipe essaie de contrecarrer. À la fin, ce qui survient sur le terrain n'est pas habituellement ce qui avait été planifié, mais quelque chose qui est tout à fait imprévisible. C'est l'une des raisons pour les- quelles les matchs sportifs sont si attirants pour les spectateurs. Personne ne peut prévoir ce qui arrivera. Ce n'est pas comme un ballet, où, sauf imprévu, on exécute exactement ce qui est planifié. Personne ne gage sur l'issue d'une représentation du Lac des cygnes. Le ballet peut donc être protégé par le droit d'auteur, mais les événements sportifs par équipe ne
peuvent pas l'être malgré le degré élevé de planifica- tion dont ils font maintenant l'objet. (Voir Fox, The Canadian Law of Copyright and Industrial Designs, 2e éd., 1967, à la page 139; Nimmer on Copyright, 1990, à la page 2-138; Canadian Admiral Corpn. Ltd. v. Rediffusion Inc., [1954] R.C.É. 382, à la page 400.) Un [TRADUCTION] «simple spectacle autonome» ne peut pas être protégé par le droit d'auteur. (Voir Tate v. Fulbrook, [1908] 1 K.B. 821 (C.A.), à la page 832.) Pour que le droit d'auteur existe, il ne faut pas être en présence de [TRADUCTION] «matériaux chan- geants» qui «manquent de certitude» ou «d'unité». (Voir Green y Broadcasting Corp of New Zealand, [1989] 2 ALL ER 1056 (P.C.), à la page 1058, lord Bridge), même si certaines variations peuvent être permises (voir Kantel, Frederick W. v. Frank E. Grant et al., [ 1933] R.C.É. 84, à la page 95; voir éga- lement Wilson v. Broadcasting Corporation of New Zealand, [1990] 2 NZLR 565 (H.C.)). Le déroule- ment d'un match de football ou de hockey est si imprévisible, malgré le degré élevé de planification, qu'on ne peut pas le considérer comme pouvant être protégé par le droit d'auteur. Les arrêts américains ne sont d'aucune utilité en l'espèce, étant donné les dif- férences qui existent au niveau des dispositions légis- latives et de la jurisprudence. (Voir, par exemple, Baltimore Orioles, Inc. v. Major League Baseball, 805 F. 2d 663 (7th Circ. 1986).)
Quant à la quatrième question, il s'agit de savoir s'il peut y avoir un droit d'auteur sur la compilation d'émissions de télévision sur lesquelles d'autres pos- sèdent le droit d'auteur. Cette combinaison ou cet horaire d'émissions, qu'on désigne parfois par l'ex- pression «journée de radiodiffusion», exige beaucoup d'aptitudes et d'efforts sur le plan de l'organisation. Ainsi, l'Agence des droits de retransmission des radiodiffuseurs canadiens Inc. (ADRRC) allègue que la [TRADUCTION] «télécommunication faite par les radiodiffuseurs équivaut à une compilation publiée telle qu'une anthologie». On conçoit non seulement des horaires quotidiens, mais également des horaires hebdomadaires, saisonniers et annuels. La majorité des commissaires ont reconnu les connaissances et la créativité qu'il faut pour faire ces compilations, ce qui pourrait avoir pour effet que l'horaire écrit lui- même pourrait être protégé par le droit d'auteur, con- formément à l'article 2 de la Loi sur le droit d'auteur
[mod. par L.R.C. (1985) (4e supp.), chap. 10, art 1; L.C. 1988, chap. 65, art. 61], qui est libellé ainsi:
2....
«oeuvre littéraire» sont assimilés à une oeuvre littéraire, les tableaux, les compilations, les traductions et les programmes d'ordinateur.
La Commission s'est toutefois prononcée contre le fait d'accorder la protection du droit d'auteur à ces émissions car elles sont diffusées en entier en confor- mité avec le programme qui a été préparé. La Com mission a dit la page 56]:
L'horaire des émissions d'un radiodiffuseur est une oeuvre lit- téraire, mais on ne peut assimiler la retransmission des émis- sions qui y sont inscrites à la retransmission de l'horaire.
En d'autres mots, une «journée de radiodiffusion» ne constitue pas une oeuvre littéraire en tant que radio- diffusion, même si l'horaire écrit la concernant peut être une oeuvre de ce genre.
La Cour admet la différence qui existe entre le fait qu'il n'y a pas de droit d'auteur sur une radiodiffu- sion en soi et le fait qu'il n'y a pas de droit d'auteur sur une radiodiffusion suivant un horaire de certaines émissions qui sont alors «enregistrées». Dans l'un ou l'autre cas, il n'y a rien sur lequel on puisse obtenir les droits exclusifs en plus des spectacles mêmes qui sont radiodiffusés, sur lesquels leurs propriétaires ont déjà obtenu les droits exclusifs. Ce n'est pas une nou- velle oeuvre. Il n'y a aucun montage ni donnée créa- trice qui soit ajouté aux spectacles eux-mêmes. La compilation écrite peut être une collection d'oeuvres littéraires ou dramatiques, mais cela ne fait pas de la journée de radiodiffusion une oeuvre littéraire ou dra- matique. La journée de radiodiffusion n'est pas non plus une production cinématographique. La compila tion ne diffère pas des livres de jeux des entraîneurs dans les matchs sportifs. La Commission n'a pas commis d'erreur en refusant que la journée de radio- diffusion soit protégée par le droit d'auteur. (Voir Macmillan & Co. v. Cooper (1923), 93 L.J.P.C. 113; Football League Ltd. v. Littlewood's Pools Ltd., [1959] Ch. 637; Ladbroke (Football), Ltd. v. William Hill (Football) Ltd, [1964] 1 All E.R. 465 (H.L.); Express Newspapers Plc. v. Liverpool Daily Post & Echo Plc., [1985] 1 W.L.R. 1089 (Ch.D.).)
La cinquième question a été soulevée par la Société de droits d'exécution du Canada Limitée
(SDE) et l'Association des compositeurs, auteurs et éditeurs du Canada, Limitée (CAPAC) qui prétendent que la Commission n'a pas évalué l'élément musical des émissions ou n'en a pas tenu compte dans son examen de la totalité des droits payables. Elles sou- tiennent qu'il ressort de la preuve que le critère de comparaison dont s'est servie la Commission—le réseau Arts and Entertainment—n'était pas adéquat, car le prix de gros de ce réseau ne comprenait aucun montant pour les droits sur la musique.
Notre Cour n'est pas convaincue par cette alléga- tion. La décision de la Commission révèle que celle- ci a effectivement évalué l'élément musical des émis- sions. Toutefois, au lieu d'accepter les droits de 2,1% suggérés par les sociétés collectives de musique (droits fondés sur les recettes brutes provenant de l'industrie de la télévision commerciale au Canada), la Commission a préféré l'allégation de la SCR selon laquelle le «rapport entre les droits pour la musique et les droits pour la retransmission devrait être identique au rapport entre le coût de la musique pour l'industrie de la télévision et le coût des émissions». Bien que ce choix ait entraîné des droits moins élevés que ceux que réclamaient la SDE et la CAPAC, on ne peut pas dire qu'il s'agisse d'une erreur susceptible d'être révisée.
La sixième question, qui a également été présentée par la SDE et la CAPAC, concernait le fait que, dans la répartition des droits, la méthode utilisée en vue de déterminer le montant des droits n'était pas perti- nente pour établir la valeur de l'élément musical des émissions retransmises par l'industrie de la câblodis- tribution. Il a été allégué que cette formule n'était pas juste pour les sociétés collectives de musique parce qu'il n'y a pas de lien logique entre le coût de la musique et le coût des émissions pour les radiodiffu- seurs originaires.
Encore une fois, notre Cour n'est pas convaincue par l'allégation des sociétés collectives de musique. La Commission a mentionné expressément le motif pour lequel elle a préféré la formule suivante de répartition des droits entre les sociétés collectives la page 69]:
Selon la Commission, ce rapport convient mieux puisque le montant total des droits que les retransmetteurs auront à payer représente pour eux le coût de l'ensemble des émissions des signaux éloignés.
La Commission avait le pouvoir de préférer cette méthode à celle que proposaient les sociétés collec tives de musique. Dans la répartition des droits, la Commission devait comparer entre eux un certain nombre de droits concurrents et elle a choisi cette méthode comme étant celle qui abordait le plus équi- tablement les différents problèmes. Je ne suis pas per- suadé de l'existence de quelque fondement qui per- mette à notre Cour de modifier la répartition établie par la Commission.
En ce qui concerne la septième question, il s'agit de savoir si la Commission a commis une erreur en fixant un taux de 100 $ par année pour chacun des petits systèmes, c'est-à-dire ceux qui n'ont pas plus de 1 000 abonnés (Loi sur le droit d'auteur, para- graphe 70.64(2) [édicté par L.C. 1988, chap. 65, art. 65]; Règlement sur la définition de petit système de retransmission, DORS/89-255, paragraphe 3(1)). On a soutenu que le paragraphe 70.64(1) [édicté par L.C. 1988, chap. 65, art. 65] exigeait un taux «préféren- tiel» dans le cas des petits systèmes, mais que ce chif- fre n'en constituait pas un—il s'agissait plutôt d'un simple taux «nominal» qui ne reflétait pas la valeur des droits de propriété ni les facteurs qui influaient sur la fixation du taux non préférentiel, et que par conséquent il devrait être annulé parce qu'il n'est pas raisonnable.
La Commission s'est vu conférer par cette Loi un vaste pouvoir discrétionnaire de fixer le montant des droits à payer et de déterminer de quelle façon serait supporté le poids de ces paiements. La Commission a exposé trois motifs pour établir que la somme de 100 $ constituait un montant approprié pour ces petits systèmes. Le recours à un taux fixe allégeait le far- deau administratif et les exigences de rapport pour les petits systèmes. Il rendait le poids des droits moins lourd à supporter pour tous les petits systèmes de plus de 41 abonnés que pour les grands systèmes. Le taux de 100 $ reconnaissait l'obligation faite au petit système de payer pour l'utilisation des signaux éloignés. Notre Cour ne peut relever aucune erreur susceptible de révision dans ces motifs, même si elle peut comprendre les raisons pour lesquelles la SDE et la CAPAC s'opposeraient à cette méthode assez peu scientifique de fixation des taux. La Commission n'a pas outrepassé son pouvoir discrétionnaire en fixant un montant de 100 $ pour les petits systèmes.
La huitième question à examiner, qui a été soule- vée également par la SDE et la CAPAC, est celle de savoir si la Commission a commis une erreur en fixant une série de taux avantageux différents pour les systèmes de 1 000 à 6 000 abonnés. Il est allégué que la Commission n'avait aucun pouvoir légal précis d'agir ainsi, comme dans le cas des petits systèmes. On soutient également qu'un système de taux préfé- rentiels a été établi pour certains des «grands» sys- tèmes, tandis que la Loi prévoyait un tel avantage seulement pour les «petits» systèmes comme ceux qui sont définis dans le règlement.
Pour aboutir à sa décision, la Commission a men- tionné les «préoccupations spéciales des petits sys- tèmes» au-delà «de la ligne de démarcation entre les petits et les grands systèmes» et y a répondu en créant une série de taux croissants pour les systèmes de 1 000 6 000 abonnés, même si ces systèmes uti- lisaient des signaux éloignés dans une plus grande mesure que les grands systèmes. Dans l'utilisation de son vaste pouvoir discrétionnaire, la Commission s'est guidée sur le principe selon lequel les taux qu'elle établissait étaient justes et équitables. Plu- sieurs des parties ont proposé de tenir compte du nombre d'abonnés dans la fixation des taux de sorte qu'elles ne peuvent manifestement pas estimer que cela constitue une méthode de répartition injuste ou inéquitable. Par conséquent, la Commission a pré- senté une échelle de droits fondés en général sur le nombre d'abonnés à chacun des systèmes. Vu que la Loi n'interdit pas expressément la création de catégo- ries de systèmes de taille intermédiaire, la Cour ne décèle aucune erreur susceptible de révision dans cette décision-là.
La présente demande fondée sur l'article 28 est donc rejetée.
LE JUGE MAHONEY, J.C.A.: Je suis d'accord avec les présents motifs.
LE JUGE MACGUIGAN, J.C.A.: Je suis d'accord avec les présents motifs.
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