A-1072-90
A-1098-90
Maritime Telegraph and Telephone Company,
Limited (appelante) (demanderesse)
c.
Sa Majesté la Reine (intimée) (défenderesse)
RÉPERTORIA' MARITIME TELEGRAPH AND TELEPHONE CO. C.
CANADA (CA.)
Cour d'appel, juges Heald, MacGuigan et Linden,
J.C.A.—Toronto, 13 février; Ottawa, 19 février 1992.
Impôt sur le revenu — Calcul du revenu — Antérieurement,
la compagnie de téléphone incluait dans son revenu la valeur
des services fournis mais non facturés aux fins de l'impôt et à
d'autres fins — En 1984, elle a adopté la méthode du montant
facturé aux fins de l'impôt seulement — Les services fournis
mais non facturés constituent-ils un revenu en vertu de l'art.
9? — La fourniture de services doit-elle être comptabilisée
seulement au moment de la facturation en vertu de l'art.
12(1)b)? — L'art. 12(1)b) vise à préciser les éléments à
inclure dans le revenu tel que défini à l'art. 9 et non à créer
une exclusion à l'égard de la fourniture de services — Les
sommes à recevoir sont incluses dans le calcul du revenu pour
une année — Les services téléphoniques sont des sommes à
recevoir déterminables lorsqu'ils sont fournis.
Il s'agit d'un appel du jugement de la Section de première
instance qui a rejeté l'action de la demanderesse.
L'appelante fournit des services téléphoniques et autres ser
vices de télécommunications à sa clientèle de la Nouvelle-
Écosse. Jusqu'en 1984, elle a calculé son revenu selon la
méthode du montant gagné en incluant dans son revenu de
l'année la valeur des services fournis, que ceux-ci soient fac-
turés ou non. La compagnie employait la même méthode
comptable aux fins de l'impôt et aux fins de la présentation de
ses états financiers à l'organisme provincial de réglementation.
En 1984, l'appelante a changé de méthode comptable aux fins
de l'impôt sur le revenu seulement, et elle a adopté la méthode
du montant facturé, comptabilisant son revenu tiré de la fourni-
ture des services dans l'année de la facturation; la méthode uti
lisée dans les états financiers de la compagnie est demeurée
celle du montant gagné à d'autres fins.
En vertu d'une modification apportée à l'alinéa 12(1)6) de la
Loi de l'impôt sur le revenu en 1983, une somme est réputée à
recevoir pour des services rendus à compter de celui des jours
suivants à survenir le premier: le jour où a été remis le compte
ou le jour où il aurait dû être remis. L'appelante soutient qu'en
raison de cette modification, les sommes à recevoir au titre de
la fourniture de services ne doivent être incluses dans le revenu
qu'à compter de la date de facturation.
Arrêt: l'appel devrait être rejeté.
Le juge de première instance a conclu que la méthode du
montant gagné donne une image plus «fidèle» du revenu d'une
compagnie qui offre un service continu donnant lieu à un
revenu qui s'accroît quotidiennement. Aucune erreur manifeste
ou dominante n'a été commise pour en arriver à cette conclu
sion de fait.
Il faut situer l'alinéa 12(1)b) dans le cadre de la Loi. Selon
l'article 9, disposition essentielle qui en précise le sens, le
revenu d'une entreprise pour une année est le bénéfice pour
cette année. L'objet de l'article 12 consiste à préciser ce qui
doit être inclus dans le calcul du revenu et non à exclure un
revenu qui est manifestement inclus à l'article 9. Les sommes à
recevoir sont incluses dans le calcul du revenu en vertu de l'ar-
ticle 9. L'alinéa 12(1)b) vise à faire en sorte que le revenu tiré
d'une entreprise soit généralement calculé selon la méthode de
la comptabilité d'exercice et non pas selon celle de la compta-
bilité de caisse. La modification de 1983 vise principalement à
empêcher une prolongation indue des délais de facturation
dans la remise des comptes pour services rendus plutôt qu'à
établir une exclusion à l'égard du revenu. Les revenus gagnés
par l'appelante à la fin de chaque année d'imposition étaient
des sommes à recevoir et, par conséquent, elles constituaient
un revenu dans cette année. Puisque les registres de la compa-
gnie indiquent la date exacte à laquelle les services ont été
fournis, ce revenu est plus facilement déterminable que les
sommes à recevoir pour l'électricité fournie, en litige dans l'ar-
rêt West Kootenay Power and Light Co. c. Canada.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, chap. 63,
art. 9, 12(1)b) (mod. par S.C. 1980-81-82-83, chap.
140, art. 4), 34 (mod. par S.C. 1973-74, chap. 14, art. 8;
1980-81-82-83, chap. 140, art. 16).
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS EXAMINÉES:
West Kootenay Power and Light Co. c. Canada, [1992] 1
C.F. 732; (1991), 92 DTC 6023 (C.A.); Stein et autres c.
Le navire «Kathy K» et autres, [1976] 2 R.C.S. 802;
(1975), 62 D.L.R. (3d) 1; 6 N.R. 359; Silverman, Harry v.
Minister of National Revenue, [1961] R.C.É. 19; [1960]
C.T.C. 262; (1960), 60 DTC 1212.
DÉCISIONS CITÉES:
British Columbia Telephone Co. c. Canada, A-390-91,
juge suppléant Walsh, jugement en date du 17-1-92,
C.A.F., encore inédit; Ken Steeves Sales Ltd. v. Minister
of National Revenue, [1955] R.C.É. 108; [1955] C.T.C.
47; (1955), 55 DTC 1044.
AVOCATS:
P. J. Boyle et Suzanne C. Michaelson pour l'ap-
pelante (demanderesse).
S. Patricia Lee et C. Coderre pour l'intimée
(défenderesse).
PROCUREURS:
Fraser & Beatty, Toronto, pour l'appelante
(demanderesse).
Le sous-procureur général du Canada pour l'in-
timée (défenderesse).
Ce qui suit est la version française des motifs du
jugement rendus par
LE JUGE MACGUIGAN, J.C.A.: Il s'agit, en l'espèce,
de déterminer le moment de l'assujettissement à l'im-
pôt, question semblable à celle récemment tranchée
par cette Cour dans l'arrêt West Kootenay Power and
Light Co. c. Canada, [1992] 1 C.F. 732, mais en l'es-
pèce, nous sommes saisis de questions que, par éco-
nomie judiciaire, l'on a pas jugé nécessaire de tran-
cher dans l'affaire West Kootenay.
À ce chapitre, les parties sont d'accord alors
qu'elles ne s'entendent pas sur les questions supplé-
mentaires. Selon l'appelante, la Cour n'a qu'à appli-
quer la modification de 1983 apportée à l'alinéa
12(1)b) de la Loi de l'impôt sur le revenu [S.C. 1970-
71-72, chap. 63 (mod. par S.C. 1980-81-82-83, chap.
140, art. 4)] («la Loi»). Pour sa part, l'intimée pré-
tend que la Cour doit étudier la portée de l'article 9 et
du paragraphe 12(2) de la Loi. Il s'agit de déterminer
si les sommes de la fin de l'exercice, incluses dans le
calcul du revenu du contribuable pour l'année 1985,
devraient plutôt, comme le prétend l'intimée, être
incluses dans son revenu pour l'année d'imposition
1984 (et, de la même façon, les sommes de la fin de
l'exercice 1985 à l'égard de 1986).
Les dispositions pertinentes de la Loi à l'époque
concernée, la modification de 1983 étant reproduite
en italiques, sont les suivantes [art. 9(1),
12(1)b)(i),(ii) (mod. par S.C. 1980-81-82-83, chap.
140, art. 4), (2), 34(1) (mod., idem, art. 16), a) (mod.
par S.C. 1973-74, chap. 14, art. 8), b),c)(i),(ii),(iii),
9. (1) Sous réserve des dispositions de la présente Partie, le
revenu tiré par un contribuable d'une entreprise ou d'un bien
pour une année d'imposition est le bénéfice qu'il en tire pour
cette année.
12. (1) Sont à inclure dans le calcul du revenu tiré par un
contribuable d'une entreprise ou d'un bien, au cours d'une
année d'imposition, les sommes appropriées suivantes:
b) toute somme à recevoir par le contribuable au titre de la
vente de biens ou de la fourniture de services au cours de
l'année, dans le cadre de l'exploitation d'une entreprise,
bien que la somme ou une partie de la somme puisse n'être
due que dans une année postérieure, sauf dans le cas où la
méthode adoptée par le contribuable pour le calcul du
revenu tiré de son entreprise et acceptée aux fins de la pré-
sente Partie, ne l'oblige pas à inclure dans le calcul de son
revenu pour une année d'imposition toute somme à recevoir
qui n'a pas été effectivement reçue dans l'année et, aux fins
du présent alinéa, une somme est réputée â recevoir pour
services rendus dans le cadre de l'exploitation de l'entre-
prise à compter de celui des jours suivants à survenir le pre
mier:
(i) le jour où a été remis le compte à l'égard des services
qui ont été rendus, et
(ii) le jour où aurait été remis le compte pour ces services
si la remise de ce compte n'avait pas subi un retard indu;
(2) Les dispositions des alinéas (1)a) et b) ont été édictées
pour plus de précision et ne doivent pas s'interpréter comme
signifiant que toute somme qui n'y est pas visée ne doit pas
être incluse dans le calcul du revenu tiré d'une entreprise pour
une année d'imposition, qu'elle soit reçue ou à recevoir dans
l'année ou non.
34. (1) Dans le calcul du revenu d'un contribuable pour une
année d'imposition tiré d'une entreprise qui consiste en l'exer-
cice de la profession de comptable, de dentiste, d'avocat, de
médecin, de vétérinaire ou de chiropraticien, les règles sui-
vantes s'appliquent:
a) l'alinéa 12(1)b) ne s'applique pas;
b) toute somme qu'il doit recevoir dans l'année, relative-
ment à des biens vendus ou à des services rendus dans le
cadre de l'exploitation de l'entreprise, doit être incluse;
c) aux fins de l'alinéa b), une somme est réputée à recevoir
pour services rendus dans l'exploitation de l'entreprise le
premier des jours suivants:
(i) le jour où a été remis le compte pour services rendus,
(ii) le jour où aurait été remis le compte pour ces services
si la remise de ce compte n'avait pas subi un retard indu,
ou
(iii) le jour où le contribuable a été payé pour les services
en question; et
d) si le contribuable en fait le choix dans sa déclaration de
revenu pour l'année, en vertu de la présente Partie, aucune
somme ne sera incluse relativement au travail en cours à la
fin de l'année d'imposition, sauf dispositions contraires du
présent article.
I
L'appelante fournit des services téléphoniques et
autres services de télécommunications à sa clientèle à
l'échelle de la Nouvelle-Écosse. Elle facture ses
clients mensuellement, à différentes périodes du
mois. En fait, les clients sont classés selon neuf
groupes distincts facturés approximativement à trois
jours d'intervalle, chaque facture portant sur les ser
vices rendus jusqu'à la date de la facturation.
Jusqu'en 1984, soit la première des deux années
d'imposition en litige, l'appelante a effectué sa comp-
tabilité, aux fins de l'impôt, selon la méthode «du
montant gagné», établissant le montant estimatif des
revenus gagnés en fin d'exercice (son exercice finan
cier coïncidant avec l'année civile), bien qu'une par-
tie de ce montant n'ait pas encore été facturée à cer-
tains clients. L'appelante employait cette méthode
aux fins de la présentation de ses états financiers aux
actionnaires et à la Nova Scotia Board of Commissio
ners of Public Utilities dont elle relevait.
Toutefois, à compter de l'année d'imposition 1984,
l'appelante a changé de méthode comptable aux fins
de l'impôt sur le revenu, adoptant la méthode «du
montant facturé» pour la préparation de ses déclara-
tions de revenus tout en conservant la méthode «du
montant gagné» pour la préparation de ses états
financiers. Cette modification, a conclu le juge Reed
en première instance [[1991] 1 C.T.C. 28], a été
effectuée sur les conseils des comptables de l'appe-
lante qui se sont appuyés sur ce qu'ils croyaient être
le sens de la modification apportée en 1983 l'alinéa
12(1)b).
Le juge Reed a également conclu que la méthode
du montant gagné donne une image plus fidèle du
revenu du contribuable pour une année que la
méthode du montant facturé, et elle a statué que le
contribuable devait par conséquent déclarer son
revenu en utilisant cette première méthode. Le prin-
cipe de «l'image plus fidèle» a été adopté par cette
Cour dans l'arrêt West Kootenay.
Sur la question factuelle, le juge de première ins
tance a dit (à la page 30):
11 ressort clairement de la preuve que les deux méthodes
comptables susmentionnées sont conformes aux principes
comptables généralement reconnus. Par ailleurs, même si cer-
tains éléments de preuve montrent que certaines entreprises de
services publics emploient la méthode du montant facturé,
aucun ne permet de conclure qu'une seule grande société cana-
dienne de téléphone emploie la méthode du montant facturé
aux fins de ses états financiers généraux. En outre, il est juste
de conclure que la méthode du montant gagné donne une
image plus «fidèle» du revenu de l'entreprise pour l'année en
question si on la compare à la méthode du montant facturé.
L'entreprise de la demanderesse consiste à fournir un service
continu qui, par sa nature même, donne lieu à un revenu qui
s'accroît quotidiennement.
Compte tenu du critère établi dans l'arrêt Kathy K,
cette conclusion de fait ne peut être renversée que si
une erreur manifeste et dominante a été commise:
Stein et autres c. Le navire «Kathy K» et autres,
[1976] 2 R.C.S. 802. L'appelante a effectivement
réussi à démontrer l'existence d'éléments de preuve
allant dans un sens comme dans l'autre, mais elle n'a
pu faire la preuve d'une erreur de l'importance
requise.
En conséquence, l'appel ne sera accueilli que si
l'appelante réussit à établir, comme elle le prétend,
que, compte tenu de la modification de 1983 l'ali-
néa 12(1)b), la décision doit être renversée.
II
Quel que soit le sens de la modification de 1983, il
ressort clairement de son libellé qu'elle ne s'applique
qu'à la fourniture de services. L'appelante, a-t-on
reconnu, fournit à sa clientèle des services de télé-
communications, alors à première vue, la modifica
tion de 1983 s'applique à son cas. Dans l'affaire West
Kootenay, on n'a pas eu à se prononcer sur la ques
tion puisque le contribuable y fournissait de l'électri-
cité qui, a-t-on conclu, est à juste titre classifiée
comme marchandise et non comme service.
En tentant de déterminer le fondement de la modi
fication de 1983, l'appelante a attiré notre attention
sur l'article 34 de la Loi qui, pendant quelques
années antérieures, offrait un régime particulier aux
contribuables professionnels en leur permettant d'em-
ployer la méthode du montant facturé aux fins de leur
déclaration de revenus.
Soulignons que le contribuable peut opter soit pour
la date réelle de facturation en vertu du sous-alinéa
34(1)c)(i), soit pour la date de facturation présumée
dans les cas où il y a eu un retard indu dans la remise
du compte (sous-alinéa (ii)). Les deux solutions
offertes (à l'exception du sous-alinéa (iii)) ont été
reproduites à l'alinéa 12(1)b) par la modification de
1983.
L'appelante soutient que cette modification visait à
étendre l'avantage offert par l'article 34 à certains
professionnels offrant des services à tous ceux qui
fournissent des services. On a prétendu que l'effet de
la modification était de soustraire ces derniers aux
règles normales visant le moment de l'assujettisse-
ment à l'impôt en leur permettant de comptabiliser
leurs sommes à recevoir à partir de la date de factura-
tion seulement.
Formulée plus précisément, la position de l'appe-
lante est la suivante. Aux termes de la règle générale
de l'alinéa 12(1)b), le contribuable doit inclure toute
somme à recevoir au titre de la vente de biens ou de
la fourniture de services au cours de l'année, bien que
cette somme puisse n'être due que dans une année
postérieure. Dans l'affaire West Kootenay, on a jugé
qu'une estimation raisonnable du montant gagné à la
fin de l'exercice est suffisamment déterminable pour
être une somme à recevoir, mais cette affaire traitait
de la vente de marchandises, alors que la modifica
tion de 1983 établit une exception expresse à l'égard
de la fourniture de services. Cette nouvelle disposi
tion déterminative, a-t-on prétendu, doit donc être
décisive lorsqu'il s'agit de déterminer si une somme
due en contrepartie de services de télécommunica-
tions est une somme à recevoir pour les fins de la
règle générale; en d'autres termes, les sommes se rap-
portant à toute fourniture de services devraient, d'une
manière décisive, être présumées ne pas être des
sommes à recevoir pour les fins de l'alinéa 12(1)b).
Le paragraphe 12(2) ne peut être interprété de façon à
déjouer l'intention manifeste de l'alinéa 12(1)b),
compte tenu, particulièrement, que celui-ci a été
adopté bien avant la modification de 1983.
À mon avis, comme l'intimée le prétend, on ne
peut accepter une telle interprétation sans d'abord
situer l'alinéa 12(1)b), avec la modification apportée,
dans le cadre de la Loi.
Selon l'article 9, qui en précise le sens, le revenu
pour une année est le bénéfice pour cette année. On a
reconnu que l'objet de l'article 12 de la Loi ne con-
siste qu'à préciser ce qui doit être inclus dans le cal-
cul du revenu, mais les parties diffèrent sur la ques
tion de savoir si, en précisant les éléments à inclure,
au paragraphe 12(1), on en a exclu d'autres.
À mon avis, le libellé et la structure de la disposi
tion appuient la position de l'intimée. Cela est parti-
culièrement vrai du paragraphe 12(2) qui établit que
le paragraphe 12(1) n'a été édicté que pour apporter
plus de précision, manifestement en prévoyant avec
plus d'exactitude ce qui doit être inclus dans le
revenu, et qui interdit clairement toute interprétation
qui aurait pour effet de soustraire du revenu ce qui
devrait normalement en faire partie. Cette interpréta-
tion est également confirmée par le paragraphe 12(1)
lui-même dont voici le début: «Sont à inclure dans le
calcul du revenu tiré par un contribuable ... au cours
d'une année d'imposition ... » [Soulignements
ajoutés.]
Je suis d'avis que le paragraphe 12(1) a pour effet
d'élargir la portée de l'inclusion du paragraphe 9(1).
De toute évidence, à la ligne de démarcation de l'in-
clusion, il peut logiquement exister certaines exclu-
sions, mais l'effet commun de l'article 9 et du para-
graphe 12(1) est d'inclure et non d'exclure, et le
paragraphe 12(2) fait en sorte, à tout le moins, que
rien de ce qui est manifestement inclus à l'article 9 ne
soit désormais exclu.
Cette interprétation est, à mon avis, appuyée par la
seule preuve extrinsèque offerte'. La note technique
accompagnant la modification de 1983 est ainsi libel-
lée:
1982 NT—Selon l'alinéa 12(1)b), toute somme à recevoir aux
titres de biens vendus ou de services rendus dans l'année dans
le cadre d'une entreprise doit être incluse dans le revenu de
l'année visée. Cette disposition est modifiée par l'adjonction
d'une clause selon laquelle une somme est réputée être deve-
nue à recevoir, aux titres de services fournis, le jour où le
compte aurait été remis s'il n'y avait pas eu de retard indu dans
la remise du compte pour ces services. Cette règle, qui ne s'ap-
1 En l'espèce, contrairement à la récente décision de cette
Cour dans l'affaire British Columbia Telephone Co. c. Canada,
rendue le 17 janvier 1992 (A-390-91, juge suppléant Walsh,
encore inédit), la preuve extrinsèque appuie la preuve intrin-
sèque, mais de toute façon, on devrait donner plus de poids à la
seconde.
pliquait auparavant qu'aux services rendus dans le cadre d'une
entreprise qui était une profession libérale en vertu de l'article
34 de la Loi, a été étendue à tous les services.
Non seulement rien dans la note ne laisse entendre un
changement aussi capital dans la Loi, qui aurait pour
effet de soustraire tous les services à l'application de
la méthode du montant gagné, mais elle met entière-
ment l'accent sur le sous-alinéa 12(1)b)(ii) qui traite
de la date de facturation présumée lorsqu'il y a un
retard indu. Cela me donne à entendre que la modifi
cation visait principalement à empêcher une prolon
gation indue des délais de facturation dans la remise
des comptes pour services rendus plutôt qu'à établir
une exclusion à l'égard du revenu.
Depuis la décision rendue dans l'affaire Ken
Steeves Sales Ltd. v. Minister of National Revenue,
[1955] R.C.É. 108, il est évident que les sommes à
recevoir doivent être incluses dans le calcul du
revenu en vertu de l'article 9. Dans l'arrêt Silverman,
Harry v. Minister of National Revenue, [ 1961] R.C.É.
19, la page 23, le juge Thurlow, tel était alors son
titre, a dit:
[TRADUCTION] Puisqu'il est établi que le revenu tiré d'une entre-
prise est le bénéfice que le contribuable en tire pour cette
année, la méthode adoptée doit refléter fidèlement le résultat
des activités de l'année, et lorsque deux méthodes différentes,
acceptables pour les fins de l'entreprise, entraînent des résul-
tats différents, la méthode appropriée aux fins de l'impôt est
celle qui traduit le plus fidèlement le bénéfice tiré dans l'année
grâce aux activités de l'entreprise.
À cet égard, la conclusion de fait du juge de pre-
mière instance selon laquelle la méthode du montant
gagné donne une image plus fidèle du revenu du con-
tribuable revêt par conséquent une importance capi-
tale, et elle mène directement à la conclusion suivante
(à la page 32):
Les revenus gagnés mais non facturés du contribuable à la
fin de l'exercice sont assimilés à son revenu en vertu du para-
graphe 9(1) de la Loi, et il n'est pas nécessaire d'invoquer
l'alinéa 12(1)b) à cet égard. Ce revenu était comptabilisé par le
contribuable en application du paragraphe 9(1) avant 1984 et il
devrait également l'être après cette date ... La modification
de 198[3] n'avait pas pour objet de permettre aux contri-
buables de changer leur méthode de comptabilisation des béné-
fices, ni de les y obliger, afin de passer de la méthode du mon-
tant gagné à la méthode du montant facturé et de réaliser ainsi
un report de l'impôt considérable. Il semble évident que la
modification avait un but tout à fait opposé; elle était censée
obliger les contribuables qui emploient la méthode du montant
facturé aux fins de leur déclaration, à comptabiliser le revenu
non facturé, lorsque la facturation fait l'objet d'un retard indu.
Je souscris entièrement à sa conclusion. L'alinéa
12(1)b) a pour objet de faire en sorte que le revenu
tiré d'une entreprise soit calculé, avec certaines
exceptions précises, selon la méthode de la comptabi-
lité d'exercice, et non pas selon celle de la comptabi-
lité de caisse. Il s'applique dans les cas où le bénéfice
n'a pas, par ailleurs, à être calculé selon la méthode
de la comptabilité d'exercice. En l'espèce, il ne s'ap-
plique pas en raison de la conclusion de fait du juge
de première instance selon laquelle la méthode du
montant gagné était la méthode de comptabilité
appropriée pour le contribuable en l'espèce. Les reve-
nus gagnés par l'appelante à la fin de chaque année
d'imposition étaient des sommes à recevoir en droit
et elles constituaient par conséquent un revenu à la
fin de l'exercice. Comme j'ai souligné dans l'arrêt
West Kootenay, précité, à la page 744, 1 r note en bas
de la page, les faits de la présente affaire ne sont pas
aussi favorables au contribuable que ceux de l'affaire
West Kootenay, puisque les registres de l'appelante
indiquent la date exacte à laquelle les services ont été
fournis, rendant ainsi les sommes plus facilement
déterminables à la fin de l'exercice. Les sommes à
recevoir étant déjà reconnues comme un bénéfice en
vertu du paragraphe 9(1), cette position doit être
maintenue en vertu du paragraphe 12(2).
L'appel doit par conséquent être rejeté avec
dépens.
LE JUGE HEALD, J.C.A.: Je souscris à ces motifs.
LE JUGE LINDEN, J.C.A.: Je souscris à ces motifs.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.