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A-191-91 A-607-91
Association canadienne des métiers et techniciens (A.C.M.T.) (requérante)
c.
Le Conseil du Trésor et le Conseil des métiers et du travail du chantier maritime du gouvernement fédéral (est) (intimés)
RÉPERTORIÉ.' ASSOC. CANADIENNE DES MÉTIERS ET TECHNICIENS C. CANADA (CONSEIL DU TRÉSOR) (CA.)
Cour d'appel, juges Marceau, Stone et Linden, J.C.A. —Halifax, 18 et 19 février 1992.
Fonction publique Relations du travail La CRTFP a rejeté la demande d'accréditation au motif que la requérante n'était pas une «organisation syndicale» au sens de l'art. 2 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique La jurisprudence exige que l'«organisation syndicale» soit une entité viable pour les besoins de la négociation collective La Commission a conclu qu'il n'y avait pas entité viable en raison d'un vice dans les statuts, citant des lacunes précises Elle a commis une erreur de droit à l'égard de la signification de l'expression «organisation syndicale» et excédé sa compétence en tentant d'imposer des statuts plus démocratiques Une organisation syndicale ne peut être privée de son droit de prime abord d'être certifiée sauf par une disposition de la Loi interdisant expressément l'accréditation ou conférant à la Commission quelque pouvoir discrétionnaire de la refuser La Loi n'a pas conféré à la Commission le pouvoir général explicite de contrôler en détail la qualité de la structure consti- tutionnelle des organisations syndicales La détermination du caractère viable de l'organisation se limite à décider si elle a des statuts écrits, dûment adoptés par .ses membres, lui per- mettant de fonctionner comme une entité viable et de lier juri- diquement l'organisation et ses membres Les détails relatifs aux statuts relèvent des syndicats et de leurs membres.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), eh. F-7, art. 28. Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35, art. 2, 35, 36, 40.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
New Brunswick Teachers' Federation—La Fédération des Enseignants du Nouveau-Brunswick v. Province of New Brunswick and Canadian Union of Public Employees, et al (1970), 3 N.B.R. 189; 17 D.L.R. (3d) 72 (C.A.); Re CSAO National (Inc.) and Oakville Trafalgar
Memorial Hospital Association, [1972] 2 O.R. 498;
(1972), 26 D.L.R. (3d) 163; 72 CLLC 495 (C.A.).
DECISION CITÉE:
Capital Coach Lines Ltd. (Travelways) and Canadian Brotherhood of Railway, Transport and General Workers and Travelways Maple Leaf Garage Employees' Associa tion, [1980] 2 Can LRBR 407.
DOCTRINE
Robert, Henry Martyn Roberts' Rules of Order, Missis-
sauga, (Ont.): Fenn Publishing Co. Ltd., 1987.
DEMANDE d'annulation d'une décision de la CRTFP rejetant la demande d'accréditation de l'A.C.M.T. au motif qu'elle n'était pas une «organi- sation syndicale» au sens de la LRTFP.
AVOCATS:
Susan D. Coen pour la requérante.
James L. Shields pour l'intimé Conseil des métiers et du travail du chantier maritime du gouvernement fédéral (est).
Harvey A. Newman pour l'intimé le Conseil du Trésor.
John E. McCormick pour l'intervenante la Com mission des relations de travail dans la Fonction publique.
PROCUREURS:
MacDonald, Hannem & Coen, Halifax (Nou- velle-Écosse) pour la requérante.
Soloway, Wright, (Ottawa), pour l'intimé Con- seil des métiers et du travail du chantier mari time du gouvernement fédéral (est).
Le sous-procureur général du Canada pour l'in- timé le Conseil du Trésor.
La Commission des relations de travail dans la Fonction publique pour l'intervenante la Com mission des relations de travail dans la Fonction publique.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement de la Cour prononcés à l'audience par
LE JUGE LINDEN, J.C.A.: La question soulevée dans cet appel vise le rôle de la Commission des relations de travail dans la fonction publique dans le contrôle de la qualité des statuts des organisations syndicales. La Commission a rejeté la demande d'accréditation de la requérante A.C.M.T. le 20 février 1991, au
motif qu'elle n'était pas une «organisation syndicale» définie à l'article 2 de la Loi sur les relations de tra vail dans la fonction publique, L.R.C. (1985), ch. P-35 et ses modifications, qui est libellé en partie comme suit:
2....
«organisation syndicale» Organisation regroupant des fonc- tionnaires en vue, notamment, de la réglementa- tion des relations entre l'employeur et son per sonnel pour l'application de la présente loi ...
Par cette demande fondée sur l'article 28 [Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7], le syndicat s'oppose à cette décision au motif qu'elle était erro- née en droit, qu'elle était exorbitante de la compé- tence de la Commission et qu'elle se fondait sur des conclusions de faits erronées, tirées de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont disposait la Commission.
L'unité de négociation des employés du Conseil du Trésor est représentée depuis 1976 par l'intimé, le Conseil des métiers et du travail du chantier maritime du gouvernement fédéral (est), qui est intervenu dans la demande soumise à la Commission et qui s'est également opposé à cette demande fondée sur l'ar- ticle 28. Le Conseil du Trésor ne s'est pas opposé à la demande de l'A.C.M.T. soumise à la Commission et, bien qu'il ait été représenté dans le cadre de cette demande fondée sur l'article 28, il n'a pas pris posi tion.
La Commission a conclu que bien que les membres de I'A.C.M.T. soient des employés et que des mesures appropriées aient été prises dans la cons titution du syndicat, l'A.C.M.T. semblait «très auto- cratique» et elle a négligé d'accorder à ses membres certains droits fondamentaux. Selon la Commission, il manquait aux statuts de l'A.C.M.T. des éléments nécessaires pour que celle-ci puisse être considérée comme une organisation syndicale. La Commission a vu notamment les lacunes suivantes dans les statuts de l'A.C.M.T.: les statuts ne prévoient pas la convo cation de réunions des membres; ils ne prévoient pas un comité des statuts régulièrement constitué; ils ne donnent pas suffisamment de lignes directrices au comité de négociation; ils ne contiennent aucune dis position relative à la ratification des conventions col lectives; ils ne traitent pas du droit de représentation
en matière de grief; et d'autres points moins impor- tants. La Commission a conclu que l'«effet combiné» de ces lacunes «portait un coup fatal» à la demande et qu'il ne saurait y être remédié plus tard par une modi fication.
Nous sommes d'avis que la Commission a commis une erreur de droit et qu'elle a excédé sa compétence en tirant cette conclusion.
Il convient de souligner que la Commission ne possède aucun pouvoir général explicite lui permet- tant de contrôler en détail la qualité de la structure constitutionnelle des syndicats prévue dans leurs sta- tuts. Certes, le paragraphe 36(1) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique permet à la Commission d'étudier les statuts d'un syndicat pour s'assurer qu'il jouit de l'appui de la majorité de ses employés et que ses représentants sont dûment autorisés à demander l'accréditation (voir les ali- néas 35c) et d)). L'article 40 interdit l'accréditation des syndicats viciés par la participation de l'em- ployeur (paragraphe 1), les dons aux partis politiques (paragraphe 2) ou les «distinctions injustes à l'égard d'un fonctionnaire en raison du sexe, de la race, de l'origine nationale, de la couleur ou de la religion» (paragraphe 3). Mais hormis cela, la Loi n'accorde à la Commission aucun pouvoir particulier de s'assurer de la démocratie au sein des syndicats ou de voir à ce que ceux-ci possèdent un genre particulier de struc ture.
Un pouvoir limité de contrôle des statuts des syn- dicats a aussi évolué à la suite de décisions des com missions des relations de travail, qui ont été adoptées par les tribunaux. Il repose sur l'obligation faite à celui qui recherche l'accréditation d'être, entre autres choses, une «organisation syndicale» (article 35). Puisque la définition d'organisation syndicale dans la loi (voir plus haut) est plutôt maigre, la jurisprudence en matière de droit du travail s'est efforcée de l'étof- fer quelque peu.
La Commission a correctement établi les critères généraux d'une «organisation syndicale», à savoir
(1) elle doit être une organisation d'employés,
(2) elle doit être formée pour des fins intéressant les relations du travail et (3) elle doit être une entité via ble pour les besoins de la négociation collective. La Commission a conclu que les deux premiers critères
avaient été respectés, mais pas le troisième, qui porte sur le caractère viable de l'organisation. Elle s'est ensuite autorisée, abusivement, à préciser les élé- ments du troisième critère, excédant par sa compé- tence et commettant de sérieuses erreurs de droit à l'égard de la signification de l'expression «organisa- tion syndicale».
N'oublions pas, comme l'a dit le juge Hughes [aux pages 197 et 198] lorsqu'il était question d'une loi provinciale semblable dans l'arrêt New Brunswick Teachers' Federation—La Fédération des Ensei- gnants du Nouveau Brunswick v. Province of New Brunswick and Canadian Union of Public Employees, et al (1970), 3 N.B.R. 189 (C.A.), qu'une organisation syndicale qui répond aux conditions énoncées dans la loi a [TRADUCTION] «de prime abord le droit d'être accréditée» conformément à la loi et elle ne saurait en être privée [TRADUCTION] «sauf par une disposition de la Loi interdisant expressément l'accréditation ou conférant à la Commission quelque pouvoir discrétionnaire de la refuser». Puisque la Loi a pour objet de promouvoir la négociation collective par l'intermédiaire d'agents négociateurs choisis démocratiquement, [TRADUCTION] «il faut démontrer des motifs sérieux pour priver une organisation syn- dicale de son droit prima facie à l'accréditation».
La Cour d'appel du Nouveau-Brunswick a conclu que la Commission avait eu tort de refuser l'accrédi- tation à l'organisation syndicale parce que certains de ses membres n'étaient pas admissibles à être élus à titre de dirigeants. Le juge Hughes a expliqué qu'il ne convenait pas de refuser l'accréditation à un syndicat en raison d'une restriction apportée aux droits de ses membres. La Cour a invoqué à l'appui de son raison- nement le principe selon lequel la mention de l'un implique l'exclusion de l'autre, attirant l'attention sur une disposition semblable à celle en l'espèce, qui interdisait l'accréditation des organisations qui font de la discrimination à l'égard de divers sujets, sans comprendre toutefois [TRADUCTION] «le droit d'un membre d'occuper un poste» la page 202). En ter- minant, le juge Hughes nous a rappelé que les élec- tions au sein des syndicats sont [TRADUCTION] «pour les membres, des questions internes et que les législa- tures et les tribunaux ont traditionnellement gardé leurs distances à cet égard» la page 203].
La Cour d'appel de l'Ontario a adopté ces prin- cipes dans l'arrêt Re CSAO National (Inc.) and Oak- ville Trafalgar Memorial Hospital Association, [1972] 2 O.R. 498, qui traitait du refus de l'accrédita- tion d'un syndicat par la Commission des relations de travail de l'Ontario au motif que les membres provi- soires du syndicat ne pouvaient pas être élus à un poste. En annulant cette décision, le juge d'appel Jessup s'est montré d'accord la page 501] qu'on ne saurait tenir compte d'un tel facteur [TRADUCTION] «lorsqu'il s'agit de déterminer si un syndicat est une organisation» en vertu de la loi de l'Ontario. Lui aussi s'est appuyé sur le fait que puisque certaines pratiques telles que la discrimination peuvent empê- cher l'accréditation d'un syndicat, d'autres pratiques non démocratiques ne sont pas censées être un motif de refus de l'accréditation. Le juge Arnup s'est mon- tré d'accord, en disant que la Commission, par son refus, s'était arrogé [TRADUCTION] «une compétence accrue que ne justifiait pas la Loi» la page 505).
Par conséquent, pour décider si une organisation constitue un syndicat viable, la Commission ne peut étudier dans ses moindres détails chacune des dispo sitions des statuts et se prononcer sur leur caractère démocratique. Il appartient aux syndicats et à leurs membres de régler ces détails, et non à la Commis sion, sauf si la loi lui en accorde expressément le droit. La Commission doit se contenter de décider si l'organisation a des statuts écrits, dûment adoptés par ses membres, lui permettant de fonctionner comme une entité viable et de lier juridiquement l'organisa- tion et ses membres. (Voir l'arrêt Capital Coach Lines Ltd. (Travelways) and Canadian Brotherhood of Railway, Transport and General Workers and Tra- velways Maple Leaf Garage Employees' Association, [1980] 2 Can LRBR 407, à la page 410).
En l'espèce, il ne fait aucun doute qu'il existait des statuts écrits consistant en 12 pages et 37 articles cou- vrant la plupart des questions dont traitent habituelle- ment les statuts des syndicats, y compris un engage ment général en faveur de la démocratie rédigé comme suit: [TRADUCTION] «Chaque membre participe pleinement au libre gouvernement du syndicat. Chaque membre jouit d'une entière liberté de parole et du droit de participer aux décisions démocratiques du syndicat» (IV g)). De plus, il ne saurait y avoir aucune incertitude quant à la capacité de l'organisa-
tion de lier juridiquement tant ses membres qu'elle- même. Un conseil exécutif élu est prévu, qui doit se réunir [TRADUCTION] «au moins une fois par mois» et qui constituera le [TRADUCTION] «corps dirigeant du syndicat», habilité à [TRADUCTION] «prendre les mesures et à rendre les décisions nécessaires à la pleine exécution des décisions et des directives prises au cours des réunions du syndicat et à la mise en vigueur des dispositions des statuts». Étant donné ces dispositions et la preuve soumise, la Commission était tenue de conclure que l'organisation syndicale, étant donnée son droit prima facie de demander l'ac- créditation, était une entité viable.
Il ne relevait pas de la compétence de la Commis sion d'exprimer des critiques à l'endroit de la qualité de la démocratie dont faisaient preuve les statuts. Ceux-ci comportaient assurément des lacunes qu'il serait souhaitable de combler. Il vaudrait sûrement mieux éliminer certains points. Mais ce n'est pas l'af- faire de la Commission d'imposer au syndicat des statuts plus démocratiques; cela incombe au syndicat et à ses membres. En tentant d'imposer ces disposi tions préférables, la Commission a commis une erreur de droit et elle a excédé sa compétence.
De plus, la Commission a commis de graves erreurs dans son interprétation des statuts. Bien qu'il soit exact qu'aucune disposition expresse n'exigeait la convocation de réunions mensuelles ou extraordi- naires des membres, le document envisageait sûre- ment des réunions ordinaires mensuelles, car il était stipulé que le secrétaire-trésorier devait faire rapport par écrit chaque mois au cours d'une réunion ordi- naire du syndicat. (XV). Même si les avis des réu- nions n'étaient pas expressément prévus, il était entendu qu'ils devaient être donnés, vu la stipulation que le secrétaire [TRADUCTION] «affichera des avis de toutes les réunions» (XIII). (On prévoyait aussi la publication d'un bulletin d'informations, qui contien- drait sans doute les avis des réunions.) Bien qu'il n'ait existé aucune ligne directrice particulière relati- vement à la ratification des conventions collectives par les membres, il y avait toutefois des modalités visant la constitution d'un comité de négociation et l'obligation lui était faite de recueillir les propositions des membres et d'obtenir leur [TRADUCTION] «mandat définitif» (XXIV). Tout comité exécutif ou comité de négociation qui ne soumettrait pas une convention
collective envisagée à la réunion ordinaire mensuelle (ou qui n'en convoquerait pas une à cette fin), parti- culièrement si elle dépassait son mandat, qu'une clause ait ou non exigé cette démarche, se trouverait certainement révoqué aux prochaines élections du syndicat et peut-être même privé de son accréditation syndicale. Alors que la Commission croyait qu'il n'existait pas de comité des statuts, ni aucune ligne directrice à cet égard, ce comité était prévu, ainsi que l'élection de ses membres, et quelques directives générales lui étaient données (XXXIV). Pour obvier à certaines lacunes dans la procédure, on prévoyait aussi que les Roberts' Rules of Order devaient s'ap- pliquer, sauf mention contraire (XXXVII(aa)). Garantie supplémentaire du caractère démocratique des statuts du syndicat, une procédure de référendum pouvait être déclenchée par les membres ordinaires désireux de mettre au vote les décisions, les poli- tiques et les modifications des statuts ayant trait aux questions qui concernent les affaires du syndicat. La clause de révocation était une autre disposition démo- cratique des statuts (XXII). Ceux-ci contiennent indiscutablement des lacunes et des faiblesses qui empêcheraient de les qualifier de statuts [TRADUC- TION] «idéaux» ou «parfaits»; ils ne sont clairement pas des statuts impeccables dignes d'éloge ou de ser- vir d'exemple. Mais ce ne sont pas non plus des sta- tuts qui justifieraient la Commission de conclure que l'organisation syndicale en cause n'est pas viable, de façon à lui refuser l'accréditation.
Cette demande fondée sur l'article 28 sera accueil- lie. La décision de la Commission sera annulée et l'affaire lui sera renvoyée pour qu'elle poursuive le processus d'accréditation en tenant pour acquis que ce syndicat est une organisation syndicale légalement constituée.
Quant à la seconde demande (N° de greffe A-607-91), étant donné la décision à l'égard de la première demande, elle est désormais sans intérêt pratique et, par conséquent, la demande fondée sur l'article 28 sera rejetée.
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