92-T-99
Alexandre Spass Pavlov (requérant)
c.
Le ministre de l'Emploi et de l'Immigration
(intimé)
RÉPERTORIE: PA VLOV C. CANADA (MINISTRE DE L'EMPLOI ET
DE L'IMMIGRATION) (Ire INST.)
Section de première instance, juge Reed—Ottawa, 26
février 1992.
Immigration — Expulsion — Demande visant à surseoir à
l'exécution d'une mesure d'expulsion — Le membre de la
Commission qui a rejeté la demande de statut de réfugié pré-
sentée par un Bulgare a écrit des projets de décisions (néga-
tives) pour les requérants originaires de la Bulgarie — La note
d'accompagnement du document concluait: «Nous attendons
votre prochain ordre», faisant allusion au télégramme envoyé
par le Compte-maréchal Alexander de Tunis au Roi George VI
où il lui écrivait: «J'ai chassé les ennemis de Votre Majesté
hors de l'Afrique du Nord» — La requête est accueillie pour le
motif qu'une question sérieuse doit être tranchée (le membre
de la Commission avait-il un parti pris?), que le requérant a
démontré la vraisemblance d'un préjudice suffisant s'il est
expulsé aux E.-U. puisque, n'y ayant aucun statut, il est vrai-
semblable qu'il devra retourner en Bulgarie, et pour le motif
que la balance des inconvénients penche en sa faveur.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Lai sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), chap. F-7, art.
18.
Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), chap. I-2, art. 82.1
(édicté par L.R.C. (1985) (4e suppl.), chap. 28, art. 19).
JURISPRUDENCE
DÉCISION APPLIQUÉE:
Toth c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration)
(1988), 6 Imm. L.R. (2d) 123; 86 N.R. 302 (C.A.F.).
AVOCATS:
Helen P. Luzius pour le requérant.
Leigh A. Taylor pour l'intimé.
PROCUREURS:
Helen P. Luzius pour le requérant.
Le sous-procureur général du Canada pour l'in-
timé.
Ce qui suit est la version française des motifs de
l'ordonnance rendus par
LE JUGE REED: Il s'agit d'une demande visant à sur-
seoir à l'exécution d'une mesure d'expulsion prévue
pour le 27 février 1992. On demande un sursis dans
le contexte d'une demande déposée conformément à
l'article 82.1 de la Loi sur l'immigration [L.R.C.
(1985), chap. 1-2 (édicté par L.R.C. (1985)
(4e suppl.), chap. 28, art. 19] en vue d'obtenir l'auto-
risation d'introduire une instance aux termes de l'ar-
ticle 18 de la Loi sur la Cour fédérale [L.R.C. (1985),
chap. F-7] visant l'annulation de la décision par
laquelle on a conclu que les raisons d'ordre humani-
taire ne justifiaient pas l'octroi du droit d'établisse-
ment au requérant dans le pays. L'avocate du requé-
rant soutient que le texte de cette décision démontre
le défaut de l'agent d'immigration qui l'a rendue de
tenir compte des éléments de preuve présentés relati-
vement à des membres de la famille du requérant qui
vivent au Canada et qui sont.à sa charge.
Le requérant demande également la réouverture
d'une demande d'autorisation d'en appeler sur
laquelle la Cour d'appel fédérale s'est prononcée le
18 octobre 1991.
L'avocate du requérant entend présenter une
requête en vertu de la Règle 1733 [Règles de la Cour
fédérale, C.R.C., chap. 663] afin que la demande soit
réouverte pour le motif que des faits nouveaux ont été
découverts. Nous devons déterminer si cette Règle
s'applique en l'espèce et si une telle requête devrait
être présentée devant la Cour d'appel ou devant la
Section de première instance.
De toute façon, les motifs sur lesquels le requérant
s'appuie pour obtenir la réouverture de la demande
d'autorisation sont suffisamment importants pour jus-
tifier le sursis de la mesure d'expulsion. La demande
du statut de réfugié au sens de la Convention présen-
tée par le requérant a été rejetée par la section du sta-
tut de réfugié de la Commission de l'immigration et
du statut de réfugié le 23 mai 1991. Deux membres
de la Commission, soit Birku Menkir et T. F. Beale,
ont rendu cette décision.
Le requérant est originaire de la Bulgarie. Le 25
avril 1991, on a préparé, à l'intention des membres de
la Commission, un projet type et d'autres proposi
tions de textes à être utilisés pour prononcer des
motifs oraux et écrits rejetant des demandes de statut
de réfugié présentées par des Bulgares. Ce texte, pré-
paré par deux personnes, dont Birku Menkir, a été
envoyé au vice-président adjoint de la section du sta-
tut. La note d'accompagnement du document préci-
sait ceci:
[TRAoucT,oNI Vous nous avez assigné la tâche d'écrire des pro-
jets de décisions (négatives) pour les demandes présentées par
les Bulgares. Nous avons terminé, et le contentieux a étudié le
tout. Nous avons joint une copie.
Nous attendons votre prochain ordre'.
Le renvoi, ajouté afin d'expliquer la dernière phrase,
dit ceci:
Le Compte-maréchal Alexander de Tunis KG, à Sa Majesté
le Roi George VI, Tunis, Bureau de poste de l'armée britan-
nique, télégramme, à la page 1. «J'ai chassé les ennemis de
VotreMajesté hors de l'Afrique du Nord. J'attends votre pro-
chain ordre.»
L'avocate du requérant soutient que Birku Menkir
avait clairement des préjugés contre les demandeurs
de statut bulgares lorsqu'a été rendue la décision sur
la demande de statut de réfugié du requérant. Elle
soutient également qu'il existe des motifs justifiant la
réouverture de la demande d'autorisation rejetée par
la Cour d'appel fédérale. Dans le contexte de la pré-
sente instance, il suffit de faire remarquer que le
requérant a démontré que d'importantes questions
doivent être tranchées. Cet élément justifie le sursis
de la mesure d'expulsion pesant contre lui.
L' arrêt Toth c. Canada (Ministre de l'Emploi et de
l'Immigration) (1988), 6 Imm. L.R. (2d) 123
(C.A.F.), a énoncé les motifs justifiant le sursis des
mesures d'expulsion. Il faut démontrer qu'une ques
tion sérieuse doit être tranchée, que la partie subirait
un préjudice irréparable si on n'accordait pas un sur-
sis, et que, dans ce cas, le préjudice subi par le requé-
rant serait plus grave que celui de l'intimé si, au con-
traire, on accordait un sursis.
En l'espèce, le requérant a amplement démontré
l'existence du premier motif. Selon l'intimé, le requé-
rant ne subira aucun préjudice grave puisqu'il est
expulsé aux États-Unis et non en Bulgarie, et que
même s'il devait retourner dans ce pays, il ne subirait
aucun préjudice puisqu'il ne serait pas soumis au trai-
tement qui, prétend-il, s'ensuivrait. Comme le requé-
rant n'a pas de statut aux États-Unis ou ailleurs, il
prétend que son expulsion dans ce pays n'est qu'une
étape intermédiaire en direction de la Bulgarie. Selon
lui, la prétention de l'intimé selon laquelle il ne
subira aucun préjudice en Bulgarie dépend du refus
de sa demande de statut de réfugié qui, prétend-il, a
été tranchée par un décideur ayant un parti pris.
J'estime que le requérant a démontré la vraisem-
blance d'un préjudice suffisant et que la balance des
inconvénients penche en sa faveur. J'ordonne par
conséquent le sursis de l'exécution de la mesure
d'expulsion.
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