T-1761-86
Harvey C. Smith Drugs Ltd. (demanderesse)
c.
Sa Majesté la Reine (défenderesse)
RÉPERTORIA' HARVEY C. SMITH DRUGS Lw. e. MR.N. Ore
INST.)
Section de première instance, juge Reed—Toronto,
16 avril; Ottawa, 27 avril 1992.
Impôt sur le revenu — Calcul du revenu — Déductions — Le
pharmacien qui prépare des médicaments sous forme de cap
sules ou de tablettes délivrées sur ordonnance doit enlever cel-
les qui sont brisées, compter les pillules avant de les mettre
dans le contenant approprié qu'il étiquette — Cette activité ne
constitue pas une «transformation» au sens de l'art. 125.1 de
la Loi de l'impôt sur le revenu — Le contexte de la Loi révèle
que les concepts de «fabrication» et de «transformation» sont
reliés — Le concept de «fabrication» permet de restreindre
l'étendue du sens lexicographique du terme «transformation»
aux . fins de l'art. 125.1 — Il implique que la forme ou l'appa-
rence du produit transformé doit subir un changement matériel
— Le pharmacien ne change pas la forme ou l'apparence des
tablettes et des capsules — Le fait que l'activité «facilite la
mise en marché du produit» n'est pas un critère indépendant
— L'emballage seul, indépendamment de l'activité de produc
tion qui entraîne un changement de forme ou d'apparence du
produit, n'est pas une transformation.
Interprétation des lois — L'art. 125.1 de la Loi de l'impôt
sur le revenu — La «transformation» prévue à l'art. 125.1
englobe-t-elle la préparation de médicaments délivrés sur
ordonnance sous forme de capsules ou de tablettes? — Les lois
fiscales doivent être interprétées conformément à leur objet et
à leur esprit qu'on peut puiser dans les autres articles de la
Loi, dans son contexte général et dans les lois en semblables
matières — Les explications fournies par les fonctionnaires
ministériels lors des travaux des comités du Sénat et de la
Chambre des communes peuvent éclairer des dispositions
ambiguës, mais elles doivent être considérées avec prudence
— Les déclarations des ministres à la Chambre des communes
sont même moins .fiables — Si après avoir lu les dispositions
pertinentes en fonction de l'objet et de l'esprit de la Loi, on
éprouve encore des doutes quant à l'interprétation visée, il faut
pencher en faveur du contribuable — La règle noscitur a sociis
ne doit pas être appliquée à la légère — Le contexte de la Loi
révèle que les concepts de «fabrication» et de «transforma-
tion» sont reliés — La «fabrication» implique que la forme ou
l'apparence du produit doit subir un changement matériel
Le pharmacien ne change pas la forme ou l'apparence des
tablettes ou des capsules.
Il s'agit d'un appel interjeté par la voie d'un nouveau procès
contre une décision de la Cour de l'impôt selon laquelle la pré-
paration de tablettes et de capsules délivrées sur ordonnance ne
constitue pas une «transformation» aux fins de la déduction
relative à la fabrication et à la transformation prévue à l'article
125.1 de la Loi de l'impôt sur le revenu. L'entreprise de vente
au détail de produits pharmaceutiques du contribuable consiste
notamment à préparer des médicaments délivrés sur ordon-
nance, activité pour laquelle il a droit à la déduction relative à
la transformation prévue à l'article 125.1, à l'exception de la
préparation de tablettes ou de capsules. Le pharmacien qui pré-
pare les médicaments sous forme de capsules ou de tablettes
doit lire la prescription, vérifier son authenticité, déterminer ce
dont il a besoin pour l'exécuter, sélectionner les tablettes ou
capsules appropriées, achetées en vrac, verser les tablettes dans
un plateau, enlever, à l'aide d'une spatule, celles qui sont bri-
sées, compter les tablettes avant de les mettre dans le contenant
approprié, et étiqueter celui-ci conformément à la législation.
Selon le discours du budget prononcé par le ministre, l'ar-
ticle 125.1 a été ajouté à la Loi en 1973 pour encourager la
transformation au Canada en accordant une déduction aux
compagnies canadiennes qui sont en concurrence directe avec
les entreprises étrangères. En 1962 et 1963 était en vigueur le
paragraphe 40A(3), disposition connexe, en vertu duquel l'em-
paquetage était réputé ne pas être une fabrication ou une trans
formation.
La contribuable a prétendu que le principe d'interprétation
noscitur a sociis ne devrait pas être appliqué. On a soutenu que
les termes «fabrication ou transformation» étaient utilisés
séparément et devraient recevoir chacun un sens distinct.
Jugement: l'action devrait être rejetée.
L'arrêt Stubart Investments Ltd. c. La Reine, [1984] 1 R.C.S.
536 a balayé les règles d'interprétation artificiellement restric-
tives appliquées aux lois fiscales. Celles-ci doivent être inter-
prétées conformément à leur objet et à leur esprit qu'on peut
puiser dans les autres articles de la Loi, dans son contexte
général et dans les lois en semblables matières. Bien que les
explications fournies, particulièrement par les fonctionnaires
ministériels, lors des travaux des comités du Sénat ou de la
Chambre des communes, puissent éclairer des dispositions
législatives ambiguës, elles doivent être considérées avec pru
dence puisque ces travaux revêtent des allures de plaidoyers.
Les déclarations des ministres à la Chambre des communes
peuvent être encore moins fiables, comme en l'espèce où l'ar-
ticle 125.1 a été rédigé de façon plus générale que nécessaire
pour réaliser l'objectif énoncé. On ne peut utiliser un renvoi à
l'objectif d'une loi énoncé dans un discours du budget pour
greffer aux dispositions de la Loi des modalités qui n'y sont
pas. On ne peut accorder beaucoup de poids aux déclarations
du ministre des Finances pour interpréter l'article 125.1.
Les commentaires émis par la Cour suprême du Canada
selon lesquels, en cas d'incertitude, il faut donner le bénéfice
du doute au contribuable, ne rejettent pas le principe énoncé
dans l'arrêt Stubart. Ils indiquent seulement que, si après avoir
lu les dispositions législatives en fonction de l'objet et de l'es-
prit de la Loi, on éprouve encore des doutes quant à l'interpré-
tation visée, il faut pencher en faveur du contribuable.
Selon la jurisprudence, pour qualifier une activité de «trans-
formation» au sens de l'article 125.1, le produit transformé
doit au moins subir un changement de forme ou d'apparence,
même un changement chimique ou électrique non visible à
l'ceil nu. Bien que la règle noscitur a sociis ne doive pas être
appliquée à la légère, en l'espèce, compte tenu du contexte
général de la Loi, il est évident que les concepts de «fabrica-
tion» et de «transformation» sont reliés. Le pharmacien n'a pas
changé la forme ou l'apparence des tablettes et des capsules.
La jurisprudence n'établit pas que l'activité qui facilite la
mise en marché du produit est un critère indépendant. Un tel
critère serait très général puisque l'activité qui facilite la mise
en marché d'un produit peut englober un grand nombre d'élé-
ments ne relevant pas du concept de «transformation».
L'absence d'une disposition selon laquelle l'empaquetage
seul est réputé ne pas être une transformation ne permet pas de
conclure que l'empaquetage doit être considéré comme un pro-
cédé en vertu de l'article 125.1. La présomption établie à l'an-
cien article 40A visait seulement à faire en sorte que ce qui ne
relevait pas directement du concept de «transformation» aux
fins de cet article n'y soit pas inclus. Bien qu'un grand nombre
de procédés de production puissent nécessiter, en dernier lieu,
l'emballage du produit transformé, qu'on peut à juste titre con-
sidérer comme une étape de la transformation du produit, l'em-
ballage seul, indépendamment de l'activité intégrée qui
entraîne un changement de forme ou d'apparence du produit,
ne peut être qualifié de transformation aux fins de l'article
125.1.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Child Resistant Packages Regulation, R.R.O. 1980,
Reg. 445.
Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, ch. 148 (mod.
par S.C. 1970-71-72, ch. 63, art. 1), art. 40A (édicté par
S.C. 1962-63, ch. 8, art. 10), 125.1 (édicté par S.C.
1973-74, ch. 29, art. 1).
Loi sur les sciences de la santé, L.R.O. 1980, ch. 196.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Stubart Investments Ltd. c. La Reine, [1984] 1 R.C.S. 536;
[1984] CTC 294; (1984), 84 DTC 6305; 53 N.R. 241;
Kimel, M. v. Minister of National Revenue (1982), 82
DTC 1086 (C.A.I.).
DISTINCTION FAITE AVEC:
Federal Farms Ltd. v. Minister of National Revenue,
[1966] R.C.É. 410; [1966] C.T.C. 62; (1966), 66 DTC
5068; conf. par [1967] R.C.S. vi; (1967), 67 DTC 5311;
Admiral Steel Products Ltd. v. Minister of National Reve
nue (1966), 66 DTC 174 (C.A.I.); Thompson, WG., &
Sons Ltd. v. Minister of National Revenue (1966), 66 DTC
291 (C.A.I.); Woods Harbour Lobster Co. Ltd. v. Minister
of National Revenue (1989), 89 DTC 303 (C.C.I.).
DÉCISIONS EXAMINÉES:
Canada c. Fries, [1990] 2 R.C.S. 1322; [1990] 2 C.T.C.
439; (1990), 90 DTC 6662; 114 N.R. 150; Johns -Manville
Canada Inc. c. La Reine, [1985] 2 R.C.S. 46; (1985), 21
D.L.R. (4th) 210; [1985] 2 CTC 111; 85 DTC 5373; 60
N.R. 244; Tenneco Canada Inc. c. Canada, [1991] 1
C.T.C. 323; (1991), 91 DTC 5207 (C.A.F.); Attorney
General for British Columbia v. The King (1922), 63
R.C.S. 622; 68 D.L.R. 106; [1922] 3 W.W.R. 2669; Bri-
tish Columbia Telephone Company Limited c. La Reine
(1992), 92 DTC 6129 (C.A.F.).
DOCTRINE
Canada. Débats de la Chambre des communes, vol. Ill,
4e sess., 28e Lég., 21 Eliz. 11, 8 mai 1972.
Maxwell on the Interpretation of Statutes, 12th ed. by P.
St. J. Langan, London: Sweet & Maxwell Ltd., 1969.
APPEL contre une décision de la Cour canadienne
de l'impôt, [1986] 1 C.T.C. 2339; (1986), 86 DTC
1243, selon laquelle la préparation de médicaments
délivrés sur ordonnance sous forme de capsules ou de
tablettes ne constitue pas une «transformation» aux
fins de la déduction prévue à l'article 125.1 de la Loi
de l'impôt sur le revenu. Action rejetée.
AVOCATS:
Richard B. Thomas et D. Lisa Goldstein pour la
demanderesse.
M. Judith Sheppard pour la défenderesse.
PROCUREURS:
McMillan Binch, Toronto, pour la demande-
resse.
Le sous-procureur général du Canada pour la
défenderesse.
Ce qui suit est la version francaise des motifs du
jugement rendus par
LE JUGE REED: La corporation demanderesse inter-
jette appel (par la voie d'un nouveau procès) contre
une décision de la Cour de l'impôt rendue le 12 mars
1986 et publiée dans [1986] 1 C.T.C. 2339, qui a
conclu que la préparation de tablettes et de capsules
sur ordonnance ne constitue pas de la «transforma-
tion» aux fins de la déduction relative à la fabrication
et à la transformation prévue à l'article 125.1 [édicté
par S.C. 1973-74, ch. 29, art. 1] de la Loi de l'impôt
sur le revenu, S.R.C. 1952, ch. 148, telle que modi-
fiée [par S.C. 1970-71-72, ch. 63, art. 1].
125.1 (1) Une corporation peut déduire de l'impôt payable
par ailleurs pour une année d'imposition, en vertu de la pré-
sente Partie, un montant égal au total obtenu en additionnant
a) 9 % du moins élevé des montants qui représentent
(i) la fraction si fraction il y a, des bénéfices de fabrica
tion et de transformation au Canada réalisés par la corpo
ration pour l'année qui est en sus du moins élevé des
montants déterminés en vertu des alinéas 125(1)a) à d), à
l'égard de la corporation, pour l'année, ou
b) 5 % du moins élevé des montants suivants:
(i) les bénéfices de fabrication et de transformation au
Canada réalisés par la corporation pour l'année, ou
(ii) le moins élevé des montants déterminés en vertu des
alinéas 125(1)a) à d) à l'égard de la corporation, pour
l' année,
sauf que, aux fins de l'application du présent article à une
année d'imposition postérieure à l'année d'imposition 1973, le
pourcentage de «9 %» qui figure à l'alinéa a) doit être rem-
placé par le pourcentage de «8 %» pour l'année d'imposition
1974, de «7 %» pour l'année d'imposition 1975 et de «6 %»
pour les années d'imposition 1976 et suivantes.
Les faits
La demanderesse exploite à Brantford une pharma-
cie dont elle est propriétaire. L'entreprise consiste
notamment à préparer des médicaments délivrés sur
ordonnance. Ceux-ci sont des liquides, des onguents
ou des crèmes, des médicaments reconstitués (c'est-
à-dire faits à partir de poudres mélangées avec de
l'eau distillée ou un autre dissolvant), des ordon-
nances composées, des tablettes ou des capsules. La
demanderesse a droit à la déduction relative à la
transformation prévue à l'article 125.1 pour la prépa-
ration de tous ces médicaments à l'exception des
tablettes et des capsules (sauf lorsque le médicament
est simplement étiqueté de nouveau dans le contenant
du fabricant). Je sais, notamment, que le pharmacien
a droit à la déduction s'il prend une petite quantité
d'un médicament liquide acheté en vrac, l'inspecte, le
verse dans une bouteille de dimension appropriée et
colorée si nécessaire, puis l'étiquette. La déduction
relative à la transformation est accordée pour les
onguents et les crèmes lorsque ceux-ci sont tirés
d'une grosse quantité, peut-être aplanis à l'aide d'un
mortier et d'un pilon, et placés dans un contenant
plus petit de dimension appropriée. Je sais également
que le fait de mettre des tablettes et des capsules
achetés en vrac et ne faisant pas l'objet d'une ordon-
nance dans des contenants colorés, de les sceller
avant de les disposer sur les tablettes de la pharmacie
à l'intention des clients, est également considéré
comme une transformation. Toutefois, la défende-
resse ne considère pas la préparation de tablettes ou
de capsules délivrées sur ordonnance comme une
transformation.
La demanderesse prépare la plus grande partie de
ses médicaments sous forme de tablettes ou de cap
sules. Si cette activité n'est pas incluse aux fins de
l'article 125.1, la demanderesse n'atteint pas le pour-
centage de 10 % des recettes brutes requis par le
sous-alinéa 125.1(3)b)(x) de la Loi de l'impôt sur le
revenu (le critère du 10 %).
Le pharmacien qui prépare des tablettes ou des
capsules doit lire la prescription, vérifier son authen-
ticité, déterminer ce dont il a besoin pour l'exécuter,
sélectionner les tablettes ou capsules appropriées,
achetées en vrac (en contenants de 100, 500, 1 000,
2 500 ou 5 000), verser les tablettes dans un plateau,
enlever, à l'aide d'une spatule, celles qui sont décolo-
rées, brisées, écaillées ou fendues, et compter les
tablettes avant de les mettre dans le contenant appro-
prié. Deux différents plateaux sont utilisés, un pour
les produits contenant de la pénicilline et l'autre pour
ceux qui n'en contiennent pas. Le pharmacien opte
pour une marque déposée ou un nom générique à
moins que le médecin prescrive autre chose. Si
nécessaire, le pharmacien réfrigère le médicament
pour réprimer sa détérioration. Il doit, en vertu de la
loi 1 , mettre les capsules dans un contenant dont la
capsule de sûreté est à l'épreuve des enfants. (Les
patients atteints d'arthrite peuvent demander un cou-
vercle à pression). Le contenant, une fiole, est clair
ou ambré. Les fioles ambrées protègent certains
médicaments contre l'effet de la lumière qui en dété-
riore la force. La dimension et la couleur de la fiole
dépendent de la prescription. Le pharmacien ne scelle
pas la fiole. Enfin, il doit, en vertu de la législation
provinciale, inscrire sur le contenant le numéro de la
prescription, le nom du patient, la posologie, le nom
du médecin, la quantité du médicament et la date de
sa préparation.
Child Resistant Packages Regulation, R.R.O. 1980, Reg.
445, adopté en application de la Loi sur les sciences de la
santé, L.R.O. 1980, ch. 196.
Historique législatif
L'article 125.1 prévoit une déduction de l'impôt
par ailleurs payable par une corporation. Le montant
est déterminé en fonction des «bénéfices de fabrica
tion et de transformation ... d'une corporation pour
une année». L'alinéa 125.1(3)a) définit cette notion:
125.1(3)...
a) «bénéfices de fabrication et de transformation au
Canada» d'une corporation pour une année d'imposition
signifie le pourcentage de tous les montants dont chacun est
le revenu que la corporation a tiré pour l'année d'une entre-
prise exploitée activement au Canada, déterminé en vertu
des règles prescrites à cette fin par voie de règlement établi
sur la recommandation du ministre des Finances, qui doit
s'appliquer à la fabrication ou à la transformation au Canada
d'articles destinés à la vente ou à la location; ... [C'est moi
qui souligne.]
L'article 125.1 a été ajouté à la Loi en 1973. Au
moment d'introduire les modifications pertinentes, le
ministre des Finances a déclaré ceci dans son dis-
cours du budget 2 :
Comme point de départ dans l'élaboration d'une nouvelle
politique industrielle pour notre pays, je présente des mesures
fondamentales en vue de ranimer les industries de fabrication
et de transformation. Ces mesures vont aider ce secteur à amé-
liorer sa position concurrentielle dans le monde et, du même
coup, sauvegarder les emplois actuels et assurer de nouveaux
emplois rémunérateurs aux Canadiens dans les centres urbains
où ils désirent travailler, ou à proximité de ceux-ci. En outre,
ces propositions vont relancer la croissance de l'économie en
suscitant une expansion des placements de capitaux avant
longtemps.
Premièrement, je propose que le coût de toutes les machines
et de tout l'outillage qu'un contribuable achètera, à compter de
demain, pour la fabrication ou la transformation de biens des-
tinés à être vendus ou loués au Canada soit amorti en deux ans.
On établira une nouvelle catégorie de déductions pour amortis-
sement et le contribuable aura le droit de déduire, à ce titre
jusqu'à 50 p. 100 du coût du bien au cours de l'année d'acqui-
sition, et de déduire au cours de toute année ultérieure le solde
non encore réclamé.
Deuxièmement, à partir du ler janvier 1973, le taux le plus
élevé d'impôt sur les sociétés applicable aux bénéfices réalisés
au Canada dans la fabrication et la transformation sera abaissé
à 40 p. 100. Parallèlement, le taux réel de l'impôt sur les
sociétés applicable aux bénéfices réalisés au Canada dans la
fabrication ou la transformation et admissibles à la déduction
accordée aux petites entreprises sera abaissé de 25 à 20 p. 100.
Pour que ces réductions de taux prennent effet, il faudra édicter
2 Débats de la Chambre des communes, aux p. 2001 et 2002
(8 mai 1972).
des règles permettant à une société de faire la distinction entre
ses revenus provenant de la fabrication ou de la transformation
et ses autres genres de revenus, par exemple le revenu de pla
cements, le revenu du commerce de gros et de détail, le revenu
de l'exploitation des ressources naturelles. Des règles spéciales
seront incorporées au bill et aux règlements.
Le traitement fiscal accordé aux sociétés de fabrication et de
transformation se comparera, désormais très favorablement
avec celui qui s'applique dans d'autres pays, notamment aux
États-Unis et dans les pays du Marché commun élargi. Par
conséquent, il est à prévoir que ces mesures aboutiront à des
stimulants substantiels en vue de la création, au Canada, de
nouvelles entreprises de fabrication, et de l'expansion de celles
qui existent déjà, en accroissant les revenus que produiront, en
fin de compte, les capitaux investis.
L'accroissement des liquidités auxquelles auront accès ces
industries augmentera leur capacité de concurrencer de mul
tiples façons les fabricants étrangers. Ces ressources accrues
pourraient servir à financer de nouveaux travaux de recherche
et de développement ainsi qu'une expansion de la capacité de
production, à créer de nouveaux produits et à financer la mise
au point de nouvelles méthodes de réduction des prix de
revient.
Au cours des années d'imposition. 1962 et 1963,
soit avant la modification de 1973, il existait une dis
position connexe. L'article 40A [édicté par S.C. 1962-
63, ch. 8, art. 10] de la Loi de l'impôt sur le revenu
était alors ainsi libellé:
40A. (1) Une corporation de fabrication et de transformation
peut déduire de l'impôt autrement payable pour une année
d'imposition un montant déterminé d'après les règles sui-
vantes:
(2) Dans le présent article,
a) «corporation de fabrication et de transformation» désigne
une corporation dont les ventes nettes pour l'année d'impo-
sition à l'égard de laquelle l'expression est appliquée, pro-
venant de la vente de marchandises transformées ou fabri-
quées au Canada par la corporation, dont le montant a
atteint au moins 50 p. 100 de son revenu brut pour l'année,
mais qui ne comprend pas une corporation dont l'entreprise
principale pour l'année a été
(i) l'exploitation d'un puits de gaz ou de pétrole,
(ii) l'exploitation des bois et forêts,
(3) Pour les objets de l'alinéa a) du paragraphe (2)
a) des marchandises transformées ou fabriquées sont réputées
ne pas comprendre des marchandises qui n'ont subi que
l'empaquetage; ... [C'est moi qui souligne.]
On a cité plusieurs causes où il était question de
l'interprétation de l'avertissement donné au para-
graphe 40A(3) selon lequel l'empaquetage était réputé
ne pas être une fabrication ou une transformation.
Dans l'arrêt Federal Farms Ltd. v. Minister of Natio
nal Revenue, [1966] R.C.É. 410 conf. par [1967]
R.C.S. vi, on a conclu que le nettoyage, le brossage,
la pulvérisation, le séchage, le calibrage, l'élimina-
tion, le classement et l'emballage de carottes et de
pommes de terre constituaient un procédé de transfor
mation ou une série de procédés de transformation
visant à apprêter le produit en vue de sa vente au
détail. On a conclu que le sens ordinaire du terme
«transformation» englobait cette activité. (Les
légumes étaient transportés sur un convoyeur, étaient
lavés à la machine, etc.) Cette décision renvoyait à
différentes définitions de dictionnaire du terme
«transformation» (à la page 416):
[TRADUCTION] Dans le Webster's Third New International
Dictionary, publié en 1964, ce mot est défini comme suit:
«soumettre à l'action d'un procédé, système ou technique de
préparation particuliers, à une manipulation ou à un autre trai-
tement conçu dans un but particulier: faire subir un processus
spécial comme (1) préparer pour la mise en marché, la fabrica
tion ou une autre utilisation commerciale en soumettant à l'ac-
tion d'un procédé quelconque (... des bestiaux en les abattant)
(... du lait par la pasteurisation) (... des céréales par la mou-
ture) (... du coton par le filage).
Le Webster's Second New International Dictionary, publié
en 1959, donne la définition suivante du mot «process»: «sou-
mettre (surtout une matière première) à l'action d'un procédé
de fabrication, de mise au point, de préparation pour la mise en
marché, etc.; donner une forme différente pour faciliter la mise
en marché, par exemple l'abattage des bestiaux, la mouture du
grain, le filage du coton, la pasteurisation du lait, le triage et le
remballage des fruits et des légumes».
Les autres ouvrages généraux consultés définissent «pro-
cess» (transformer) comme «traiter, préparer ou manipuler au
moyen d'une méthode spéciale».
Le juge Cattanach a résumé sa décision dans l'arrêt
Federal Farms Ltd. en disant (à la page 416):
[TRADUCTION] Même si le produit vendu est toujours un
légume, il est différent d'un légume fraîchement cueilli; il a été
nettoyé et sa capacité de conservation a été améliorée [grâce à
la vaporisation]; il est en somme devenu plus appétissant et
plus commode aux yeux du consommateur.
Je ne crois pas que les opérations de l'appelant ne consti
tuent que de l'empaquetage...
Dans l'arrêt Admiral Steel Products Ltd. v. Minis
ter of National Revenue (1966), 66 DTC 174 (C.A.I.),
on a conclu que le fait de fendre des rouleaux de fils
d'acier, de les laminer, de les cisailler et de les tailler
afin de les adapter aux besoins des clients de la con-
tribuable constituait une transformation. La contri-
buable modifiait la forme des rouleaux d'acier afin
de faciliter leur utilisation et leur mise en marché. La
Commission d'appel de l'impôt a remarqué qu'il fal-
lait changer la forme des rouleaux d'acier reçus de la
fonderie pour les rendre utilisables par le client
ultime. À cette fin, il fallait utiliser un équipement
considérable.
Dans l'arrêt Thompson, W.G., & Sons Ltd. v.
Minister of National Revenue (1966), 66 DTC 291
(C.A.I.), la contribuable achetait des haricots blancs
directement des cultivateurs. Les haricots subissaient
alors onze opérations nécessitant l'utilisation d'un
équipement compliqué. Ils devaient notamment être
nettoyés, triés, séchés et traités chimiquement afin
d'éviter les infections bactériennes avant d'être
emballés. La Commission d'appel de l'impôt a con-
clu que ces opérations constituaient plus «qu'un
empaquetage» (à la page 296):
[TRADUCTION] Pour interpréter l'alinéa 40A(2)a) cité ci-dessus,
il ne semble y avoir qu'un seul indicateur législatif, soit l'ali-
néa 40A(3)a) qui énonce que les «marchandises transformées
ou fabriquées sont réputées ne pas comprendre des marchandi-
ses qui n'ont subi que l'empaquetage». Selon cet indicateur, il
est clair que tant que l'article 40A était en vigueur (l'article
était applicable à toute année d'imposition se terminant après
le 31 mars 1962 et il a été abrogé en 1963, supprimant ainsi la
déduction à l'égard des années d'imposition 1964 et suivantes),
le Parlement n'avait pas l'intention de fournir un encourage
ment à la production à la corporation de transformation qui
n'effectuait que l'empaquetage.
Il convient de noter qu'à l'alinéa 40A(3)a), le Parlement ne
nie pas l'existence du procédé d'empaquetage. En fait, cet ali-
néa, cité ci-dessus, me donne à entendre que le Parlement con-
vient que l'empaquetage peut être considéré comme un pro-
cédé. Si le terme «fabriquées» de l'alinéa 40A(3)a) s'applique
effectivement aux marchandises en question, il est alors évi-
demment inutile de décider si le terme «transformées» s'y
applique aussi; mais si le terme «fabriquées» ne s'applique pas
à ces marchandises, le terme «transformées», en tenant pour
acquis qu'il est possible d'interpréter l'alinéa 40A(3)a) [sic],
doit s'y appliquer. Pour ce motif, il semble être raisonnable de
considérer l'emballage comme un procédé aux fins de l'article
40A de la Loi. En conséquence, il ne reste qu'à décider si l'ac-
tivité de transformation des haricots blancs par l'appelante, qui
nécessite les étapes 1 à 11 mentionnées précédemment, est plus
qu'une opération courante ou superficielle d'empaquetage.
Lorsqu'on sait que, parmi les onze étapes mentionnées ci-des-
sus, seule la dixième consistait à empaqueter, il semble en
découler que l'appelant a droit à l'encouragement à la produc
tion prévu à l'article 40A à l'égard de son année d'imposition
1962. En outre, lorsqu'on sait que les étapes no 1, 2, 3, 4, 5, 6,
7, 8, 9 et 11 nécessitent un équipement moderne, mécanique,
chimique, électrique et électronique, que cet équipement devait
être manipulé et entretenu par un personnel compétent, que
certains techniciens devaient être autorisés pour manipuler...
La contribuable a donc eu droit au crédit d'impôt
pour transformation.
A la suite de la modification de 1973 qui a ajouté
le présent article 125.1 la Loi, le paragraphe 6 du
Bulletin d'interprétation publié par le ministère du
Revenu national (IT-145 daté du 5 février 1974) rela-
tivement à la déduction pour fabrication et transfor
mation était ainsi libellé:
6. Le Ministère considère les activités se rapportant à l'embal-
lage comme des activités de transformation, à condition
qu'elles se fassent parallèlement à d'autres activités de fabrica
tion ou de transformation. De même, les activités consistant à
fractionner des marchandises en vrac et à les réemballer
ensuite sont en général considérées comme des activités de
transformation.
En 1981, le Bulletin d'interprétation pertinent
(IT-145R daté du 19 juin 1981) a été quelque peu
modifié. Le paragraphe 41 énonce ceci:
41. Le mélange de divers liquides ou composés fait pour rem-
plir une ordonnance de médicaments est considéré comme une
activité de fabrication et de transformation. Cependant, l'exé-
cution d'ordonnances consistant à mettre une étiquette sur des
produits déjà dans leurs contenants ou à mettre des pilules, des
capsules ou des liquides achetés en vrac dans de petits conte-
nants et à étiqueter ces contenants n'est pas considérée comme
une activité de fabrication et de transformation. Lorsqu'une
corporation a considéré les activités mentionnées dans la
phrase précédente comme des activités admissibles dans le cal-
cul de sa déduction pour frais de fabrication et de transforma
tion au cours des années précédentes, le Ministère acceptera
cette méthode pour les années d'imposition se terminant avant
le ler janvier 1979 [mais pas après].
Interprétation législative
Une grande partie de la plaidoirie des avocats a
porté sur les principes pertinents d'interprétation
législative. Il est convenu que le juge Estey, dans
l'arrêt Stubart Investments Ltd. c. La Reine, [1984] 1
R.C.S. 536, a balayé les règles d'interprétation artifi-
ciellement restrictives qui semblent avoir été appli-
quées, antérieurement, aux lois fiscales. On n'admet
plus l'analyse stricte du libellé d'une loi fiscale.
D'une part, il ne convient plus de ne pas appliquer au
contribuable un article en vertu duquel il est imposé
si ce dernier ne répond pas en tout point aux disposi
tions de l'article. D'autre part, pour bénéficier d'un
article accordant une déduction ou une exemption, le
contribuable n'a plus à démontrer qu'il est visé préci-
sément et exactement, sans aucun doute, par le texte
littéral de l'article.
Les lois fiscales, au même titre que d'autres lois,
doivent être interprétées conformément à leur objet et
à leur esprit. Mais comment déceler cet esprit? De
toute évidence, on peut puiser dans les autres articles
de la Loi, dans son contexte général et dans les lois
en semblables matières. Bien qu'il ait existé un prin-
cipe général selon lequel on ne pouvait consulter les
débats législatifs et autres instruments semblables
pour interpréter une loi, ce principe n'est plus
appliqué rigoureusement. Les explications fournies,
particulièrement par les fonctionnaires ministériels,
lors des travaux des comités du Sénat ou de la Cham-
bre des communes, peuvent éclairer des dispositions
législatives ambiguës. Ces commentaires doivent tou-
tefois être utilisés avec prudence puisque tous savent
que ces travaux revêtent des allures de plaidoyers;
ceux qui appuient la législation proposée souhaitent
la présenter sous son meilleur jour.
Bien qu'on n'ait pas intérêt à les négliger entière-
ment, les déclarations des ministres à la Chambre des
communes sont souvent moins fiables. A mon avis,
en l'espèce, le crédit accordé au discours du budget
du ministre des Finances est un bon exemple.
Comme l'avocat de la demanderesse le soutient, la
déclaration du ministre peut être des plus vraies lors-
qu'il explique que la déduction prévue à l'article
125.1 vise à encourager la transformation au Canada
(à accorder une déduction aux compagnies cana-
diennes qui font face à la concurrence étrangère). La
disposition telle que rédigée peut très bien réaliser cet
objectif. Mais le texte de la déduction est plus général
que nécessaire pour ne réaliser que cet objectif.
Ainsi, la préparation des liquides et onguents délivrés
sur ordonnance, que la défenderesse reconnaît être
une transformation, ne répond pas à l'objectif de la
législation énoncé par le ministre. On ne peut utiliser
un renvoi à l'objectif d'une loi énoncé par le ministre
dans le discours du budget pour greffer aux disposi-
Lions de la Loi des modalités qui n'y sont tout simple-
ment pas. En l'espèce, je ne peux accorder beaucoup
de poids aux déclarations du ministre des Finances
pour interpréter l'article 125.1.
À mon avis, les commentaires émis dans les arrêts
Canada c. Fries, [1990] 2 R.C.S. 1322; et Johns -
Manville Canada Inc. c. La Reine, [1985] 2 R.C.S. 46
selon lesquels, en cas d'incertitude, il faut donner le
bénéfice du doute au contribuable, ne rejettent pas le
principe énoncé dans l'arrêt Stubart. Ces affaires
indiquent seulement que, si après avoir lu les disposi
tions législatives pertinentes en fonction de l'objet et
de l'esprit de la Loi, on éprouve des doutes quant à
l'interprétation visée, il faut pencher en faveur du
contribuable, que la disposition en question prévoit
une imposition, une exemption ou une déduction.
Jurisprudence récente
On a cité certaines décisions portant sur l'article
125.1 de la Loi de l'impôt sur le revenu. Aux fins de
l'espèce, l'arrêt Tenneco Canada Inc. c. Canada,
[1991] 1 C.T.C. 323 (C.A.F.) est le plus important.
Dans cette affaire, la Cour devait décider si l'assem-
blage et le remontage de silencieux sur des automo
biles constituaient une activité de «fabrication» ou de
«transformation». En tranchant négativement, la
Cour d'appel fédérale s'est appuyée sur l'arrêt Fede
ral Farms, précité. Elle a dit (à la page 326):
La transformation suppose que les matières premières ou natu-
relles deviennent vendables. Ces matières premières ou natu-
relles, non encore transformées, sont invendables, ou ven-
dables à prix plus bas. Ainsi, le gravier traité par lavage,
séchage et broyage devient plus vendable (Nova Scotia Sand
and Gravel Ltd. c. La Reine, [1980] C.T.C. 378; 80 D.T.C.
6298 (C.A.F.)), comme les légumes apprêtés par lavage, bros-
sage, pulvérisation et empaquetage (Federal Farms v. M.N.R.).
Ces deux activités sont de la transformation. En outre, la trans
formation implique l'uniformisation; chaque produit traité est
soumis au même procédé ou à un procédé très semblable
(Vibroplant v. Holland, [1982] 1 ALL E.R. 792 (C.A.)).
Les activités de l'appelante ne rentraient pas dans ces défini-
tions. Il n'y avait pas de changement véritable de forme, d'ap-
parence ou de caractéristiques des tuyaux et des autres pièces
utilisés dans les systèmes d'échappement. Ils étaient l'objet de
modifications de peu d'importance, au besoin, pour qu'ils
s'emboîtent bien et que le système fonctionne. Si les modifica-
tions et ajustements n'étaient pas effectués, les clients ne rece-
vraient pas de système réparé, en état de marche.
La Cour a ajouté ceci [à la page 327]:
Cette affaire est différente de l'affaire Admiral Steel Pro
ducts Ltd. v. M.N.R. (1966), 40 Tax A.B.C. 322; 66 D.T.C.
174, dans laquelle des produits d'acier subissaient d'impor-
tantes modifications de forme, ce qui les rendait plus utiles et
plus vendables. Elle diffère aussi des affaires Federal Farms et
Nova Scotia Sand and Gravel, où les produits étaient trans
formés de sorte qu'ils fussent vendables. Ce que l'on faisait en
l'espèce ressemble davantage à ce que l'on a fait dans Harvey
C. Smith Drugs Ltd. v. M.N.R., [1986] 1 C.T.C. 2339; 86
D.T.C. 1243 (enrobage de comprimés) et dans Latter
Investments Ltd v. M.N.R., [1982] C.T.C. 2076; 82 D.T.C.
1086 (coupe du tissu). À supposer qu'une personne achète des
vêtements de confection dans une boutique et qu'il faille y
faire des retouches. Faire une retouche à une tenue de confec
tion ne serait pas considéré, à mon sens, comme assimilable à
la fabrication ou à la transformation. Mais commander une
tenue faite sur mesure supposerait que le tailleur fabrique les
vêtements.
L'avocat de la demanderesse admet que le renvoi à
la décision de la Cour de l'impôt en l'espèce 3 repré-
sente un obstacle qu'il doit surmonter. Il soutient que
la Cour d'appel fédérale a renvoyé à la décision de la
Cour de l'impôt sans avoir examiné la preuve en l'es-
pèce et particulièrement sans savoir que le pharma-
cien ne se contente pas de compter les tablettes et les
capsules. Il note également que l'allusion aux
retouches par un tailleur paraît entrer en conflit avec
le paragraphe 48 de IT-145R.
Examen et conclusions
Je conclus des affaires qui m'ont été citées que
pour qualifier une activité de transformation au sens
de l'article 125.1, le produit transformé doit au moins
subir un changement de forme ou d'apparence. Dans
tous les cas, il y a eu changement matériel du produit
transformé. Ce changement pouvant être chimique ou
électrique, il peut donc ne pas être immédiatement
visible à l'oeil, mais le produit a subi un changement
matériel. Dans l'arrêt Federal Farms, les carottes et
les pommes de terre étaient lavées et pulvérisées avec
un produit ralentissant la croissance afin d'en préve-
nir la détérioration. Dans l'arrêt Admiral Steel Pro
ducts, l'acier était limé, cisaillé et fendu; il prenait
une forme et une dimension différentes afin d'être
3 L'arrêt Woods Harbour Lobster Co. Ltd. v. Minister of
National Revenue (1989), 89 DTC 303 (C.C.I.), à la p. 306
contient un renvoi semblable.
utilisable par le client ultime. Dans l'arrêt Thompson,
les haricots étaient lavés et traités avec des produits
chimiques afin d'éliminer les risques d'infections
bactériennes. Dans l'arrêt Woods Harbour Lobster
Co. Ltd. v. Minister of National Revenue, précité, une
fois les homards nettoyés, leurs pinces étaient atta-
chées.
De plus, je fais mienne l'analyse exposée dans l'ar-
rêt Kimel, M. v. Minister of National Revenue (1982),
82 DTC 1086 (C.A.I.), où la transformation a été
définie dans le contexte de sa relation avec la «fabri-
cation»; on a conclu que le fait d'acheter de gros rou-
leaux de tissus auprès d'un fabricant, de les dérouler,
de les mesurer en morceaux moins longs, de les lisser
avant de les couper et de les enrouler de nouveau sur
des fuseaux (morceaux de carton) n'était pas une
transformation aux fins de l'article 125.1 (à la page
1088):
Le mot «process» (transformer) a donc un sens très étendu
... Cependant, à mon avis, il ne décrit pas bien l'ensemble des
opérations exécutées dans les magasins des appelantes. Ceci
devient encore plus évident compte tenu du fait qu'il est
employé, dans la Loi, avec le mot «fabrication».
L'avocat de la demanderesse prétend que le prin-
cipe d'interprétation énoncé dans la locution latine
noscitur a sociis ne devrait pas être appliqué en l'es-
pèce. (C'est-à-dire que le sens de la «transformation»
ne devrait pas être affecté par sa relation avec la
«fabrication».) Il soutient également que les com-
mentaires du juge MacGuigan, J.C.A., dans l'arrêt
British Columbia Telephone Company Limited c. La
Reine (1992), 92 DTC 6129 (C.A.F.), à la page 6133,
devraient être suivis. Le juge MacGuigan, J.C.A., a
cité Maxwell on the Interpretation of Statutes, 12e éd.
par P. St. J. Langan, à la p. 289 et l'arrêt Attorney
General for British Columbia v. The King (1922), 63
R.C.S. 622, à la page 638, pour avancer que la règle
noscitur a sociis ne devrait pas être appliquée à la
légère. L'avocat de la demanderesse soutient qu'en
l'espèce, lorsque les termes «fabrication ou transfor
mation» sont utilisés, ils le sont séparément, et il faut
veiller à donner à chacun son sens distinct.
Bien que j'admette cet avertissement, en l'espèce,
compte tenu du contexte général de la Loi, il est évi-
dent que les concepts de «fabrication» et de «trans-
formation» sont reliés. Le concept de «transforma-
tion», comme on l'a remarqué dans l'arrêt Kimel, est
très étendu. La définition lexicographique habituelle
de ce terme comporte un très grand nombre d' acti-
vités. Aux fins de l'article 125.1, il est nécessaire de
restreindre cette large portée afin que le terme soit
significatif. La portée et le sens du terme relié, soit
«fabrication», est un facteur utile dans le contexte
d'une telle interprétation. À mon avis, il est ainsi
nécessaire que la forme ou l'apparence du produit
transformé subisse un changement matériel et qu'il
ne soit pas seulement emballé.
En l'espèce, le pharmacien ne change pas la forme
ou l'apparence des tablettes et des capsules. Celles-ci
conservent la forme dans laquelle elles ont été reçues
du fabricant. Bien que le pharmacien puisse éliminer
les unités brisées ou décolorées, je ne peux qualifier
cette activité de transformation. Je conviens avec le
juge Brûlé de la Cour de l'impôt que l'activité de pré-
paration du pharmacien ne peut être qualifiée de
transformation puisque les tablettes et les capsules
qui sont vendues ne subissent aucun changement de
forme, d'apparence ou d'autres caractéristiques.
Je ne m'appuie guère sur le fait que la vente des
médicaments, selon les termes de l'avocate de l'inti-
mée, est effectuée dès que le médecin écrit une pres
cription. Je peux difficilement concevoir que l'acti-
vité de transformation perd sa nature comme telle si
elle est effectuée après qu'une ordonnance soit déli-
vrée plutôt qu'avant. Cette prétention semble décou-
ler de la présomption selon laquelle la transformation
aux fins de l'article 125.1 est assimilable à toute acti-
vité qui «facilite la mise en marché du produit». À
mon avis, la jurisprudence n'établit pas cette règle à
titre de critère indépendant. Un tel critère serait effec-
tivement très général. À mon avis, l'activité qui faci-
lite la mise en marché du produit peut englober un
grand nombre d'éléments ne relevant pas du concept
de transformation. Je ne doute pas que l'apport du
pharmacien facilite la mise en marché des médica-
ments délivrés sur ordonnance. En fait, ceux-ci ne
peuvent être vendus au consommateur ultime sans
d'abord être préparés.
Si le fait de faciliter la mise en marché du produit
est un critère indépendant, la préparation par le phar-
macien de médicaments délivrés sur ordonnance est
admissible. Par contre, si au contraire les deux cri-
tères (changement de forme ou d' apparence et facili
tation de la mise en marché) sont distincts et alterna-
tifs, je dois alors conclure que l'activité de la
demanderesse relève de l'article 125.1. Les médica-
ments ne peuvent être vendus sans l'apport du phar-
macien. Il importe peu que cette obligation soit pres-
crite par la loi plutôt que de n'être qu'une exigence
personnelle du consommateur.
Nous devons par conséquent examiner la préten-
tion de l'avocat de la demanderesse selon laquelle, en
dépit de l'absence de changement de forme ou d'ap-
parence des tablettes et capsules, l'emballage en lui-
même est assimilable à une transformation. Il s'ap-
puie sur le texte de l'ancien article 40A de la Loi
selon lequel l'emballage n'était pas réputé être une
transformation. La Cour de l'impôt en l'espèce a éga-
lement implicitement accepté cette prétention (à la
page 2349):
Naturellement, il n'en va pas de même pour la vente de
pilules ne faisant pas l'objet d'une ordonnance. Si, par
exemple, le pharmacien achetait pareilles pilules en vrac et les
emballait dans des contenants agréables à regarder sous leur
propre marque, en une quantité qui n'est peut-être pas habituel-
lement disponible, la chose faciliterait alors, me semble-t-il, la
commercialisation des pilules. Je crois que telle était l'inten-
tion manifestée dans le paragraphe 6 du bulletin initial d'inter-
prétation IT-145.
J'éprouve énormément de difficulté à qualifier
l'emballage seul d'activité de transformation prévue
à l'article 125.1. Même si, en vertu de l'ancien article
40A, semblable à l'article 125.1, la transformation
était réputée ne pas comprendre «que l'empaque-
tage», je ne conclus pas que l'absence d'un tel aver-
tissement à l'article 125.1 puisse permettre de con-
clure que l'emballage doit être considéré comme un
procédé. On peut interpréter la présomption établie à
l'article 40A comme visant seulement à faire en sorte
que ce qui ne relevait pas directement du concept de
transformation aux fins de l'article 40A n'y soit pas
inclus. On peut penser qu'un grand nombre de pro-
cédés de production nécessitent, en dernier lieu,
l'emballage du produit transformé. On peut à juste
titre considérer cela comme une étape de la transfor
mation du produit. Mais je ne suis pas convaincue
que l'emballage seul, indépendamment de l'activité
intégrée qui entraîne un changement de forme ou
d'apparence du produit lui-même, peut être qualifié
de transformation aux fins de l'article 125.1.
Pour ces motifs, l'action de la demanderesse sera
rejetée.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.