A-460-86
Louis Vaillancourt (appelant) (demandeur)
c.
Sa Majesté la Reine représentée par le sous-
ministre du Revenu national (intimée) (défende-
resse)
et
La Société canadienne d'hypothèques et de loge-
ment (mise en cause)
RÉPERTORIÉ: VAILLANCOURT c. SOUS-MINISTRE M.R.N.
(CA.)
Cour d'appel, juges Hugessen, Desjardins et
Décary, J.C.A.—Québec, 1" mai; Ottawa, 15 mai
1991.
Impôt sur le revenu — Calcul du revenu — Allocation du
coût en capital — Un copropriétaire par déclaration d'un seul
logement dans un immeuble qui a fait l'objet d'une attestation
d'«immeuble résidentiel à logements multiples» (IRLM) s'est
vu refuser une déduction en vertu de la catégorie 31 de
l'annexe II du Règlement de l'impôt sur le revenu — Il n'est
pas nécessaire d'avoir un droit de propriété sur l'immeuble
tout entier, ni sur plus d'un logement pour avoir droit à une
déduction — Il faut qu'il y ait un droit de propriété dans un
immeuble qui comprend des logements multiples et non pas un
droit de propriété dans les logements multiples eux-mêmes —
La catégorie 31 n'est pas limitée à certains types de droit de
propriété L'immeuble avait une vocation résidentielle —
Une fois que la vocation résidentielle a fait l'objet d'une
attestation de la part de la SCHL, il incombe au ministre de
démontrer que l'attestation a été émise à tort.
Code civil — Le contribuable a acheté une fraction d'un
immeuble faisant l'objet d'une déclaration de copropriété
enregistrée en vertu des art. 441b et suiv. du Code civil — La
demande de déduction pour amortissement en vertu du Règle-
ment de l'impôt sur le revenu a été rejetée — La question se
pose de savoir s'il faut un droit de propriété sur l'immeuble
tout entier pour qu'il y ait lieu à déduction — Le ministre a
commis une erreur de fait et de droit en prétendant que le
contribuable était propriétaire exclusif d'une fraction de
l'IRLM et non propriétaire d'une quote-part indivise de l'im-
meuble — La copropriété par déclaration en droit civil québé-
cois comporte le droit exclusif sur la partie exclusive et «un
droit de propriété indivis» sur les parties communes; ni l'un ni
l'autre de ces droits ne peut exister seul — Selon l'acte de
vente, le contribuable était propriétaire d'une partie indivise de
l'immeuble.
Interprétation des lois — Déduction pour amortissement
d'un IRLM en vertu de la catégorie 31 de l'annexe II du
Règlement de l'impôt sur le revenu — Faut-il qu'il y ait un
droit de propriété sur plus d'un logement pour qu'il y ait lieu à
déduction?; l'immeuble avait-il vocation résidentielle? —
Approche «termes dans leur contexte global» dans l'interpré-
talion des lois fiscales — Il est fait mention du discours sur le
budget, des bulletins d'interprétation L'expression »IRLM»
n'est définie ni dans la Loi ni dans le Règlement — Examen de
la définition de »biens» figurant à l'art. 248 de la Loi de
l'impôt sur le revenu.
Appel est interjeté du jugement de première instance qui a
rejeté un appel formé contre une nouvelle cotisation d'impôt sur
le revenu établie pour l'année 1980. L'appelant a acheté une
fraction d'un immeuble faisant l'objet d'une déclaration de
copropriété enregistrée conformément aux articles 441b et sui-
vants du Code civil du Bas-Canada. Cette fraction comprenait
une partie exclusive de l'immeuble et une quote-part des droits
indivis dans les parties communes. Cet immeuble, situé au pied
d'une pente de ski, contenait quarante-quatre unités. La Société
canadienne d'hypothèques et de logement (SCHL) a émis une
attestation de mise en chantier d'un «immeuble résidentiel à
logements multiples» (IRLM). En vertu de l'article 1100 du
Règlement de l'impôt sur le revenu, un contribuable peut
déduire 5 pour 100 de la fraction non amortie du coût en
capital des biens de la catégorie 31 (catégorie d'IRLM). La
demande de déduction pour amortissement présentée par l'ap-
pelant en vertu de la catégorie 31 a été rejetée au motif que la
fraction qu'il possédait ne constituait pas un IRLM. L'intimée
prétend que la catégorie 31 exige un droit de propriété dans
chacun, ou à tout le moins dans plus d'un des «logements
multiples» de l'immeuble pour qu'il y ait lieu à déduction.
Subsidiairement, il est allégué qu'un immeuble résidentiel est
un endroit où l'on demeure habituellement et que l'immeuble
en question n'est pas un «immeuble résidentiel», puisque les
logements multiples n'ont pas été utilisés par les occupants «sur
une base plus ou moins permanente», mais pour de courtes
périodes. Il s'agit de déterminer 1) si la copropriété par déclara-
tion d'une fraction d'un immeuble fait du copropriétaire le
propriétaire d'un IRLM et 2) si l'immeuble avait vocation
résidentielle.
Arrêt: l'appel devrait être accueilli.
La nouvelle approche dans l'interprétation des lois fiscales
consiste à examiner les termes dans leur contexte global en vue
de découvrir l'objet et l'esprit des dispositions fiscales. Les
tribunaux vont également se référer aux débats parlementaires,
lorsque ces derniers s'élèvent au-dessus de la simple partisane-
rie, et, en matière fiscale, se référer au discours sur le budget
prononcé par le ministre des Finances. En dernier lieu, bien que
les bulletins d'interprétation ne lient ni le ministre, ni le contri-
buable, ni les tribunaux, ils sont utiles dans l'interprétation de
la Loi, et les tribunaux sont de plus en plus enclins à voir une
ambiguïté dans la loi et à les utiliser lorsque l'interprétation
donnée dans un bulletin contredit carrément celle que le minis-
tère propose dans un cas donné. Lorsque le contribuable
s'adonne à une activité commerciale et que la légalité de cette
activité est confirmée dans un bulletin d'interprétation, ce n'est
que justice que de rechercher accessoirement dans ce bulletin le
sens de la législation en cause.
En l'absence d'une définition d'IRLM ou bien dans la Loi ou
bien dans le Règlement, et dans le contexte d'une déduction
pour amortissement, il n'est aucune raison d'exiger d'un contri-
buable qui réclame une déduction à l'égard d'un bien amortis-
sable qu'il ait acquis la totalité de ce bien. Le mot «biens» est
défini comme étant des «biens de toute nature ... et comprend
un droit de quelque nature qu'il soit». Cette définition est d'une
portée assez générale pour comprendre une partie ou une
fraction du bien. Un droit de copropriété par déclaration est
«un droit de quelque nature qu'il soit» dans l'immeuble, au
même titre qu'un droit de copropriété indivise. Par ailleurs, le
droit de propriété qu'exige la catégorie 31 l'égard d'un IRLM
est un droit de propriété dans un immeuble qui comprend des
logements multiples, et non un droit de propriété dans les
logements multiples en tant que tels. La formulation de la
catégorie 31 ne permet pas de restreindre son application à
certaines formes seulement de droit de propriété, ni d'exiger
que le droit de propriété s'étende à chacun ou à plusieurs des
logements.
De plus, l'intimée a commis une erreur de fait et de droit en
prétendant que le contribuable était propriétaire exclusif d'une
fraction d'un immeuble à logements multiples et non proprié-
taire d'une quote-part indivise de l'immeuble. C'est une erreur
de fait parce qu'il découle de l'acte de vente que l'appelant a
acquis une fraction de l'immeuble qui comprend une partie
exclusive de celui-ci et une quote-part des droits indivis des
parties communes. L'appelant était propriétaire d'une partie
indivise de l'immeuble. C'est une erreur de droit parce que le
concept même de la copropriété par déclaration en droit civil
québécois comporte deux éléments qui sont indissociables et qui
n'ont de sens que s'ils coexistent le droit de propriété sur la
partie exclusive et «un droit de propriété indivis» sur les parties
communes.
L'interprétation ci-dessus est étayée tant par le discours sur
le budget que par le bulletin d'interprétation IT-367R2, alors
que l'interprétation de l'intimée mène à un résultat absurde
qu'il aurait suffi que l'appelant se portât acquéreur de deux
fractions au lieu d'une seule pour se prévaloir de la déduction.
L'immeuble avait vocation résidentielle. Une fois que l'attes-
tation de la SCHL a été émise, en l'absence d'allégation de
mauvaise foi ou de trompe-l'oeil, la Cour ne saurait imposer au
contribuable l'obligation d'établir que la destination n'était pas
ce qu'elle devait être sur papier. Il appartient au Ministère de
démontrer que l'attestation a été émise à tort ou que la
destination de l'immeuble a été modifiée. Il ne s'est pas acquitté
de ce fardeau. Le bulletin d'interprétation dit que sera «résiden-
tiel» l'immeuble qui vise «à fournir, de façon plus ou moins
permanente, le lieu de résidence ou d'habitation de ses occu
pants». L'expression «de façon plus ou moins permanente»
n'écarte pas la possibilité, comme en l'espèce, de location à plus
ou moins long terme. L'opposition entre «usage résidentiel» et
«usage commercial), fait voir que le Ministère cherchait à éviter
que les logements servent éventuellement à des fins commercia-
les qui soient inconciliables avec une occupation résidentielle.
La déclaration de copropriété interdit la location de chambre
dans toute partie utilisée à des fins commerciales ou profession-
nelles. Il s'agit là de la consécration formelle de la vocation
résidentielle de l'immeuble. En dernier lieu, le contribuable n'a
jamais payé de taxes municipales d'affaires relativement à sa
fraction, laquelle était imposée à titre de «logement».
LOIS ET RÈGLEMENTS
Code civil du Bas-Canada, art. 441b, 441c, 441d, 441e,
441h, 441k, 4411, 441m, 441n, 442h.
Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, chap. 63,
art. 20(1)a), 248(1).
Règlement de l'impôt sur le revenu, C.R.C., chap. 945,
art. 1100(1)a)(xxii) (mod. par DORS/78-377, art. 3;
83-340, art. 1), annexe II, catégorie 31 (mod. par
DORS/78-146, art. 3; 81-244, art. 3).
JURISPRUDENCE
DECISIONS APPLIQUÉES:
Stubart Investments Ltd. c. La Reine, [1984] 1 R.C.S.
536; [1986] CTC 294; (1984), 84 DTC 6305; 53 N.R.
241; Lor-Wes Contracting Ltd. c. La Reine, [1986] 1
C.F. 346; [1985] CTC 79; (1985), 85 DTC 5310; 60
N.R. 321 (C.A.); Jones v Skinner (1835), 5 L.J. Ch. 87.
DÉCISION INFIRMÉE:
Vaillancourt (L.) c. La Reine, [1987] 1 C.T.C. 1 (angl.);
[1986] 2 C.T.C. 188 (fr.); (1986), 86 DTC 6531 (angl.);
86 DTC 6449 (fr.); 7 F.T.R. 172 (C.F. 1" inst.).
DÉCISIONS CITÉES:
Edmonton Liquid Gas Ltd c La Reine, [1984] CTC 536;
(1984), 84 DTC 6526; 56 N.R. 321 (C.A.F.); Canada
(Procureur général) c. Young, [1989] 3 C.F. 647; (1989),
27 C.C.E.L. 161; 89 CLLC 14,046; 100 N.R. 333 (C.A.);
Harel c. Sous-ministre du revenu du Québec, [1978] 1
R.C.S. 851; (1977), 80 D.L.R. (3d) 556; [1977] CTC
441; 77 DTC 5438; 18 N.R. 91; Nowegijick c. La Reine,
[1983] 1 R.C.S. 29; (1983), 144 D.L.R. (3d) 193; [1983]
2 C.N.L.R. 89; [1983] CTC 20; 83 DTC 5041; 46 N.R.
41; Bryden c. Commission de l'emploi et de l'immigra-
tion du Canada, [1982] 1 R.C.S. 443; (1982), 133
D.L.R. (3d) 1; 82 CLLC 14,175; 41 N.R. 180; Mattabi
Mines Ltd. c. Ontario (Ministre du revenu), [1988] 2
R.C.S. 175; (1988), 53 D.L.R. (4th) 656; [1988] 2
C.T.C. 294; 87 N.R. 300; 29 O.A.C. 268; Fasken, David
v. Minister of National Revenue, [1948] Ex.C.R. 580;
[1948] C.T.C. 265; (1948), 49 DTC 491; R. c. Marsh &
McLennan, Limited, [1984] 1 C.F. 609; [1983] CTC 231;
(1983), 83 DTC 5180; 48 N.R. 103 (C.A.); Golden c. La
Reine, [1983] 2 C.F. 599; [1983] CTC 112; (1983), 83
DTC 5138; 47 N.R. 117 (C.A.); Beament et autres c.
Ministre du revenu national, [1970] R.C.S. 680; (1970),
11 D.L.R. (3d) 237; [1970] C.T.C. 193; 70 DTC 6130;
Lovell, J.P. c. La Reine (1989), 90 DTC 6116 (C.F. 1te
inst.).
DOCTRINE
Canada. Débats de la Chambre des communes, Vol. II,
1" session, 30"'" législature, 23 Eliz. II, 1974.
Côté, Pierre-André. Interprétation des lois, 2e éd., Mont-
réal (Québec): Editions Yvon Blais Inc., 1990.
AVOCATS:
Daniel Bourgeois pour l'appelant (deman-
deur).
Paul E. Plourde pour l'intimée (défende-
resse).
PROCUREURS:
Grondin, Poudrier, Bernier, Québec, pour
l'appelant (demandeur).
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimée (défenderesse).
Voici les motifs du jugement rendus en français
par
LE JUGE DÉCARY, J.C.A.: La Cour est saisie
d'un appel d'un jugement rendu par l'honorable
juge Pinard [[1986] 2 C.T.C. 188 (fr.)], qui reje-
tait l'appel interjeté par l'appelant à l'encontre
d'un avis de nouvelle cotisation émis par le sous-
ministre du Revenu national pour l'année d'impo-
sition 1980.
L'appelant, en compagnie de cinq associés, a
acheté de Château Mont Ste-Anne Inc. une frac
tion («la fraction») d'un immeuble («l'immeuble»)
faisant l'objet d'une déclaration de copropriété
enregistrée conformément aux dispositions des
articles 441b et suivants du Code civil du Bas-
Canada («copropriété par déclaration»). Cette
fraction d'immeuble comprenait une partie exclu
sive dudit immeuble, désignée comme étant la
subdivision 658-40 du cadastre officiel pour la
paroisse de Ste-Anne, division d'enregistrement de
Montmorency («la partie exclusive») ainsi qu'une
quote-part des droits indivis dans les parties com
munes de l'immeuble afférentes à la partie exclu
sive et désignées comme étant la subdivision 658-1
du susdit cadastre («la partie indivise»). L'immeu-
ble comprenait quarante-quatre unités et faisait
partie d'un vaste complexe récréatif situé au pied
du Mont Ste-Anne, à une quarantaine de kilomè-
tres de la ville de Québec.
Au moment de l'acquisition, une attestation
(«l'attestation») de mise en chantier d'un «immeu-
ble résidentiel à logements multiples» (IRLM ou,
en anglais, «multiple-unit residential building»,
«MURB») avait été émise relativement à l'immeu-
ble par la Société canadienne d'hypothèques et de
logement («la SCHL») selon les catégories 31 et
32, annexe II (anciennement B) du Règlement de
l'impôt sur le revenu [C.R.C., chap. 945 (mod. par
DORS/78-146, art. 3; 81-244, art. 3)]. L'attesta-
tion désignait l'immeuble de la façon suivante:
«condominium».
L'appelant a produit une déclaration fédérale
d'impôt sur le revenu des particuliers pour l'année
1980, dans laquelle il réclamait une déduction
pour amortissement et dans laquelle, appliquant à
son profit les dispositions de la catégorie 31 de
l'annexe II du Règlement, il faisait état d'une
perte nette de location relativement à la fraction
de l'immeuble dont il était propriétaire'.
L'intimée, dans un avis de nouvelle cotisation,
informait par la suite l'appelant qu'elle refusait la
déduction pour amortissement demandée au motif
que la fraction en cause ne constituait pas un
«immeuble résidentiel à logements multiples» au
sens de la catégorie 31.
L'appelant s'est alors adressé, mais sans succès,
à la Section de première instance de la Cour
fédérale, afin de faire déclarer nul cet avis de
nouvelle cotisation. D'où le présent appel.
Dispositions législatives et réglementaires perti-
nentes
Loi de l'impôt sur le revenu
(S.C. 1970-71-72, chap. 63, telle que modifiée)
Alinéa 20(1)a):
20. (1) Nonobstant les dispositions des alinéas 18(1)a), b) et
h), lors du calcul du revenu tiré par un contribuable d'une
entreprise ou d'un bien pour une année d'imposition, peuvent
être déduites celles des sommes suivantes qui se rapportent
entièrement à cette source de revenus ou la partie des sommes
suivantes qui peut raisonnablement être considérée comme s'y
rapportant:
a) la partie, si partie il y a, du coût en capital des biens
supporté par le contribuable ou le montant, si montant il y a,
du coût en capital des biens, supporté par le contribuable,
que le règlement autorise;
Paragraphe 248(1)
248.(1)...
«biens» signifie des biens de toute nature, meubles ou immeu-
bles, corporels ou incorporels et comprend, sans restreindre la
portée générale de ce qui précède,
a) un droit de quelque nature qu'il soit ...
' L'appelant établissait sa perte à 3 700 $, soit le sixième de
la perte de la fraction partie à 22 200 $. Il n'importe pas, aux
fins du présent litige, que la fraction ait été achetée par six
personnes plutôt que par une seule. Aussi, pour faciliter la
compréhension du dossier, je considérerai que l'appelant est le
seul propriétaire de la fraction.
«établissement domestique autonome» signifie une habitation,
un appartement ou un autre logement de ce genre dans
lequel, en règle générale, une personne prend ses - repas et
couche;
Règlement de l'impôt sur le revenu
(C.R.C., chap. 945, tel que modifié)
Sous-alinéa 1100(1)a) (xxii) [mod. par DORS/78-
377, art. 3; 83-340, art. 1]:
1100. (1) Aux fins de l'alinéa 20(1)a) de la Loi, il est alloué
au contribuable dans le calcul de son revenu d'une entreprise ou
de biens, selon le cas, des déductions pour chaque année
d'imposition égales
Taux
a) au montant qu'il peut réclamer à l'égard de biens de
chacune des catégories suivantes comprises dans l'annexe Il,
sans dépasser, à l'égard des biens
(xxii) de la catégorie 31, 5 pour cent
de la fraction non amortie du coût en capital, pour lui, des
biens de la catégorie, à la fin de l'année d'imposition
(avant toute déduction en vertu du présent paragraphe
pour l'année d'imposition);
ANNEXE II
ALLOCATIONS DU COÛT EN CAPITAL
Catégorie 31
(5 pour cent)
Un bien qui est un immeuble résidentiel à logements multi
ples au Canada, qui autrement serait compris dans la catégorie
3 ou 6 et à l'égard duquel
a) une attestation a été délivrée par la Société canadienne
d'hypothèques et de logement portant que
(i) à l'égard d'un immeuble qui autrement serait compris
dans la catégorie 3, l'installation de semelles ou de toute
autre assise du bâtiment a débuté
(A) après le 18 novembre 1974 et avant 1980, ou
(B) après le 28 octobre 1980 et avant 1982,
selon le cas, et
et que selon les plans et devis du bâtiment, les logements
autonomes et l'espace affecté au stationnement, à la récréa-
tion, aux services et à l'entreposage représentent au moins
80% de l'aire de plancher,
b) au plus 20% de l'aire de plancher est utilisée à une fin
autre que celles visées à l'alinéa a);
Code civil du Bas-Canada
CHAPITRE TROISIÈME
DE LA COPROPRIÉTÉ DES IMMEUBLES ÉTABLIE
PAR DÉCLARATION
Art. 441b. Les dispositions du présent chapitre régissent tout
immeuble qui y est assujetti par l'enregistrement d'une déclara-
tion de copropriété en vertu de laquelle la propriété de l'immeu-
ble est répartie entre ses propriétaires par fractions comprenant
chacune une partie exclusive et une quote-part des parties
communes.
Une personne, même seule, peut enregistrer une déclaration
de copropriété et s'y déclarer propriétaire de chaque fraction.
Art. 441c. Chaque fraction constitue une entité distincte et
peut faire l'objet d'une aliénation totale ou partielle qui com-
prend, dans chaque cas, la quote-part de parties communes
afférentes à la fraction ou à la partie de la fraction qui est
aliénée.
Art. 441d. Chaque copropriétaire a, sur les parties commu
nes, un droit de propriété indivis; sa quote-part dans les parties
communes est égale à la valeur de la partie exclusive de sa
fraction par rapport à l'ensemble des valeurs des parties
exclusives.
Art. 441e. Les parties communes et les droits qui leur sont
accessoires ne peuvent faire l'objet, séparément des parties
exclusives, d'une action en partage ni d'une licitation forcée.
Art. 441h. Chaque copropriétaire dispose des parties exclusi
ves comprises dans sa fraction; il use et jouit librement des
parties exclusives et des parties communes sous la condition de
ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la
destination de l'immeuble.
Art. 441k. Chacun des copropriétaires est tenu de contribuer,
conformément aux dispositions de la déclaration de copropriété
ou à défaut, en proportion de la valeur relative de sa fraction
établie dans la déclaration de copropriété, à toutes les charges
découlant de la copropriété et de l'exploitation de l'immeuble et
spécialement aux charges de la conservation, de l'entretien et de
l'administration des parties communes ainsi qu'aux dépenses
entraînées par le fonctionnement des services communs.
Art. 4411. La déclaration de copropriété définit la destination
de l'immeuble et de ses parties exclusives et communes dont
elle donne une description détaillée; elle détermine la valeur
relative de chaque fraction, eu égard à la nature, à la superficie
et à la situation de la partie exclusive qu'elle comprend, mais
sans tenir compte de son utilisation et, sous réserve des disposi
tions du présent chapitre, précise les conditions de jouissance
des parties communes et d'utilisation des parties exclusives et
édicte les règles relatives à l'administration des parties
communes.
Art. 441m. La déclaration de copropriété doit être notariée et
porter minute; il en est de même des modifications qui y sont
apportées.
L'enregistrement de cette déclaration et de ses modifications
se fait par dépôt ....
Art. 441n. La déclaration de copropriété et ses modifications
obligent les copropriétaires et leurs ayants droit à titre
universel.
Elles obligent leurs ayants droit à titre particulier à compter
de l'enregistrement de leur droit.
Art. 442h. Les copropriétaires ne peuvent, sauf à l'unanimité,
changer directement ou indirectement la destination de
l'immeuble.
Les prétentions des parties
Le procureur de l'intimée soutient dans un pre
mier temps que pour se prévaloir de la déduction
permise par la catégorie 31, une personne doit
avoir droit de propriété dans chacun, ou à tout le
moins dans plus d'un des «logements multiples» de
l'immeuble et qu'ainsi serait admissible le copro-
priétaire indivis de tout l'immeuble, puisque ce
type de copropriété confère des droits à l'égard de
chacun des logements, mais que ne serait pas
admissible le copropriétaire par déclaration d'un
seul logement, puisque ce type de copropriété ne
confère véritablement, selon lui, que des droits
relativement à celui de ces logements dont le
copropriétaire a la propriété exclusive. Le procu-
reur de l'intimée se dit, là-dessus, en complet
accord avec la conclusion à laquelle en est arrivé le
juge de première instance et que voici [à la page
193]:
Or, dans la présente cause, il est de l'essence même de la
disposition contenue dans la catégorie 31 que le bien visé
constitue «un immeuble résidentiel à logements multiples au
Canada». A mon point de vue, il importe de lire tous ces mots et
de les appliquer ensemble au bien que la catégorie définit.
Ainsi, on doit exclure de la définition un immeuble résidentiel
au Canada qui consiste en un seul logement; de la même façon,
on doit exclure de la définition chacun des logements multiples,
pris séparément, d'un immeuble résidentiel au Canada.
Comme dans la présente cause le demandeur ne réclamait
pas une déduction pour amortissement à l'égard d'un immeuble
résidentiel à logements multiples au Canada, mais bien plutôt à
l'égard de l'un des logements multiples, soit l'unité 29, d'un
immeuble plus considérable en comportant quelque quarante-
quatre, il ne saurait en conséquence profiter de la disposition
stipulée à la catégorie 31 de l'annexe II du Règlement.
Dans un deuxième temps, le procureur de l'inti-
mée soutient que quoi qu'il en soit de son premier
argument, l'immeuble, en l'espèce, n'est pas un
«immeuble résidentiel» car, écrit-il, la preuve n'a
pas démontré que les logements multiples de cet
immeuble sont utilisés par leurs occupants «sur une
base plus ou moins permanente» plutôt que «pour
de courtes périodes». Le juge de première instance
n'a pas eu à se prononcer sur ce second argument.
Le procureur de l'appelant, de son côté, soutient
que rien, dans l'expression «immeuble résidentiel à
logements multiples», ne fait obstacle à ce qu'elle
vise la fraction d'un tel immeuble qui est détenue
en vertu du régime juridique de copropriété par
déclaration. Il soutient également qu'un immeuble
peut être qualifié de résidentiel quand bien même
ses occupants ne l'utiliseraient que pour de courtes
périodes.
Règles d'interprétation des lois fiscales
Lorsqu'il s'agit, dans une loi fiscale, d'interpré-
ter des dispositions qui permettent la diminution
du fardeau fiscal, la règle traditionnelle voulait
que la prétention du contribuable relevât manifes-
tement de la disposition d'exemption et que tout
doute favorisât l'Administration. Cette règle d'in-
terprétation stricte a été nuancée par la Cour
suprême du Canada dans Stubart Investments
Ltd. c. La Reine de la façon suivante 2 :
Je suis donc d'avis de rejeter la proposition selon laquelle il
est possible d'écarter une opération du point de vue fiscal
uniquement parce que le contribuable l'a fait sans but commer
cial distinct ou véritable. Un critère strict d'objet commercial
pourrait, dans certaines circonstances, aller à l'encontre de
l'intention apparente du législateur qui, dans les lois fiscales
modernes, peut viser deux objets. La législation en matière
d'impôt sur le revenu, comme la loi fédérale de notre pays, n'est
plus uniquement un simple moyen de prélever des revenus pour
faire face aux dépenses gouvernementales. Le gouvernement
utilise les prélèvements d'impôt pour réaliser certains objectifs
déterminés de politique économique. Ainsi, la Loi est à la fois
un outil de politique économique et de politique fiscale. L'élé-
ment de politique économique de la Loi prend quelquefois la
forme d'une incitation du contribuable à s'engager dans une
activité précise ou à la réorganiser. Sans l'incitation contenue
dans la Loi, le contribuable ne s'engagerait peut-être pas dans
cette activité et pour lui l'opération en cause n'aurait pas
d'autre objet commercial véritable. Donc, en imposant une
obligation concrète qu'il y ait un tel objet commercial véritable,
on pourrait empêcher un contribuable d'entreprendre l'activité
même que le législateur veut encourager. A tout le moins,
l'obligation que constitue la présence d'un objet commercial
pourrait empêcher le contribuable d'entreprendre l'activité pré-
cise à laquelle le législateur l'a invité pour atteindre des objec-
tifs de politique économique et même sociale. J'ai déjà donné
des exemples de ces incitations.
En réalité, lorsque le législateur réussit à amener le contri-
buable à agir d'une façon déterminée à cause d'incitations
contenues dans la Loi, on peut au moins dire que le contribua-
2 [1984] 1 R.C.S. 536, aux p. 575-576 et 578.
ble y a été amené pour le motif commercial valide de réduire
ses paiements d'impôt dans le but de conserver ses ressources
pour d'autres activités commerciales. Il paraît plus approprié
d'avoir recours à un critère d'interprétation qui permettrait
d'appliquer la Loi de manière à viser seulement la conduite du
contribuable qui a comme effet intentionnel de contourner la
volonté expresse du législateur. En bref, cette technique d'inter-
prétation fait porter la législation fiscale sur la conduite du
contribuable qui relève manifestement de l'objet et de l'esprit
des dispositions fiscales. Une telle façon de voir aurait pour
effet de faciliter l'administration de la Loi de l'impôt sur le
revenu, précitée, plutôt que de l'entraver, sous ces deux aspects,
sans gêner l'attribution ou le retrait, selon le climat économi-
que, d'incitations fiscales. L'objectif recherché est une règle
simple qui amènera l'uniformité d'application de la Loi dans la
société et, par la même occasion, diminuera l'attrait de plans
compliqués et subtiles d'évitement de l'impôt et diminuera les
avantages pour ceux qui sont le plus en mesure de s'offrir les
services de fiscalistes.
Dans l'article précité, le professeur Willis prévoit fort juste-
ment l'abandon de la règle d'interprétation stricte des lois
fiscales. Comme nous l'avons vu, le rôle des lois fiscales a
changé dans la société et l'application de l'interprétation stricte
a diminué. Aujourd'hui, les tribunaux appliquent à cette loi la
règle du sens ordinaire, mais en tenant compte du fond, de sorte
que si l'activité du contribuable relève de l'esprit de la disposi
tion fiscale, il sera assujetti à l'impôt ...
Bien que les remarques (sic) E. A. Dreidger dans son
ouvrage Construction of Statutes (2e éd. 1983), à la p. 87, ne
visent pas uniquement les lois fiscales, il y énonce la règle
moderne de façon brève:
[TRADUCTION] Aujourd'hui il n'y a qu'un seul principe ou
solution: il faut lire les termes d'une loi dans leur contexte
global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s'har-
monise avec l'esprit de la loi, l'objet de la loi et l'intention du
législateur.
C'est cette approche nouvelle que le juge MacGui-
gan, J.C.A. dans Lor-Wes Contracting Ltd. c. La
Reine 3 a décrite comme une «[l'examen des]
termes dans leur contexte global en vue de décou-
vrir l'objet et l'esprit des dispositions fiscales».
Par ailleurs, pour vérifier l'objet de la disposi
tion législative, cette Cour n'hésite plus à référer
aux débats parlementaires, lorsque ces derniers
s'élèvent au-dessus de la simple partisanerie, et
plus particulièrement, en matière fiscale, à référer
3 11986] 1 C.F. 346 (C.A.), à la p. 352.
au discours sur le budget prononcé par le ministre
des Finances 4 .
Enfin, puisqu'il sera plus loin question de bulle
tins d'interprétation publiés par Revenu Canada,
autant rappeler dès maintenant les règles qui régis-
sent le recours à ces bulletins aux fins d'interpréter
une disposition particulière.
Il est acquis que les bulletins d'interprétation ne
constituent que l'opinion du ministère du Revenu
national, ne lient ni le ministre, ni le contribuable,
ni les tribunaux et ne constituent un facteur impor
tant dans l'interprétation de la Loi qu'en cas de
doute sur le sens de cette législations. Cela dit, je
constate que les tribunaux recourent de plus en
plus souvent à ces bulletins et qu'ils paraissent
facilement enclins à voir une ambiguïté dans la Loi
— ce qui permet d'y recourir — lorsque l'interpré-
tation donnée dans un bulletin contredit carrément
l'interprétation que le ministère propose dans un
cas donné ou permet l'interprétation que propose le
contribuable. Lorsque le contribuable s'adonne à
une activité commerciale en réponse à une invita
tion expresse de l'Administration et que la légalité
de cette activité est confirmée dans un bulletin
d'interprétation, ce n'est que justice que de recher-
cher accessoirement dans ce bulletin le sens de la
législation en cause. Ainsi que le souligne le pro-
fesseur Côté dans Interprétation des lois 6 : « l'argu-
ment d'autorité tiré de l'interprétation administra
tive n'a jamais autant de force de persuasion que
lorsqu'il est invoqué contre l'Administration, que
le juge met ainsi en contradiction avec elle-
même».
4 Voir Lor-Wes Contracting Ltd., supra, note 3, à la p. 352;
Edmonton Liquid Gas Ltd c La Reine, [1984] CTC 536
(C.A.F.), aux p. 546 et 547; Canada (Procureur général) c.
Young, [1989] 3 C.F. 647 (C.A.) à la p. 657; P.-A. Côté,
Interprétation des lois, 2` éd., Montréal, Yvon Blais, aux p. 414
à 418.
5 Hare! c. Sous-ministre du revenu du Québec, [1978] 1
R.C.S. 851, à la p. 859, M. le juge de Grandpré; Nowegijick c.
La Reine, [1983] 1 R.C.S. 29, à la p. 37, M. le juge Dickson
[tel était alors son titre]; Bryden c. Commission de l'emploi et
de l'immigration du Canada, [1982] 1 R.C.S. 443, à la p. 450,
M. le juge Ritchie; Mattabi Mines Ltd. c. Ontario (Ministre du
revenu), [1988] 2 R.C.S. 175, aux p. 189, 195 et s., Madame le
juge Wilson.
6 Supra, note 4, à la p. 523.
Première question: un copropriétaire par déclara-
tion d'une fraction d'un immeuble par ailleurs
admissible est-il propriétaire d'«un immeuble rési-
dentiel à logements multiples»?
Tenant pour acquis, pour les fins de cet argu
ment, que l'immeuble est un «immeuble résidentiel
à logements multiples», la question qui se pose en
l'espèce est de déterminer si la copropriété par
déclaration d'une fraction de cet immeuble fait de
ce copropriétaire l'acquéreur d'«un bien qui est un
immeuble résidentiel à logements multiples»?
Applicant les règles d'interprétation que j'ai rap-
pelées plus haut, il y aura lieu, pour répondre à
cette question, d'examiner les dispositions perti-
nentes dans leur «words -in-total -context».
a) Le texte et le contexte législatifs
L'expression «bien qui est un immeuble résiden-
tiel à logements multiples» n'est définie ni dans la
Loi ni dans le Règlement. En l'absence de toute
définition et dans le contexte d'une déduction pour
amortissement au sens de la Loi et du Règlement,
il n'est aucune raison d'exiger d'un contribuable
qui réclame une déduction à l'égard d'un bien
amortissable, qu'il ait acquis la totalité de ce bien.
Le mot «biens», de par le paragraphe 248(1) de la
Loi, «signifie des biens de toute nature, meubles ou
immeubles, corporels ou incorporels et comprend,
sans restreindre la portée générale de ce qui pré-
cède, a) un droit de quelque nature qu'il soit ...»
(mes soulignements). Cette définition est on ne
peut plus englobante et me paraît assez vaste pour
comprendre une partie ou fraction d'un bien: qui
acquiert partie ou fraction d'un bien, acquiert très
certainement un bien'.
7 Le mot «bien» (ou «property») a de tout temps été considéré,
dans le language ordinaire aussi bien que dans le language
juridique, comme ayant une portée particulièrement vaste.
Dans Jones v. Skinner (1835), 5 L.J. Ch. 87, la p. 90, lord
Langdale, Maître des Rôles, déclarait que [TRADUCTION]
«Tout le monde sait que le mot «property» (bien) est le plus
compréhensif de tous les termes qui peuvent être employés,
dans la mesure où il comprend tous les droits que la partie peut
détenir.» Voir aussi, Fasken, David v. Minister of National
Revenue, [1948] Ex. C.R. 580, la p. 591, président Thorson;
R. c. Marsh & McLennan, Limited, [1984] I C.F. 609 (C.A.),
à la p. 626, M. le juge suppléant Clement; Golden c. La Reine,
[1983] 2 C.F. 599 (C.A.), à la p. 607, M. le juge Heald;
Beament et autres c. Ministre du revenu national, [1970]
R.C.S. 680, la p. 690, M. le juge Pigeon.
Le procureur de l'intimée n'a pas, d'ailleurs,
cherché à nous convaincre du contraire. Il a plutôt
soutenu que la fraction en question devait être une
part indivise de tout le bien ou à tout le moins, si
j'ai bien saisi ses prétentions, comprendre plus
d'un logement puisque ne se qualifie qu'un immeu-
ble à logements multiples.
Cette proposition se heurte de front à deux
obstacles qui m'apparaissent insurmontables. Le
premier vient de la définition même de «biens» que
j'ai citée plus haut. Un droit de copropriété par
déclaration est indiscutablement «un droit de quel-
que nature qu'il soit» dans l'immeuble, au même
titre qu'un droit de copropriété indivise. Par ail-
leurs, le droit de propriété qu'exige la catégorie 31
eu égard à un «immeuble résidentiel à logements
multiples», est un droit de propriété dans un
immeuble qui comprend des logements multiples,
et non pas un droit de propriété dans les logements
multiples en tant que tels. Ainsi, la formulation de
la catégorie 31 ne permet d'aucune façon de res-
treindre son application à certaines formes seule-
ment de droit de propriété ni d'exiger que le droit
de propriété s'étende à chacun ou à plusieurs des
logements qu'abrite l'immeuble.
Le second obstacle, plus déterminant encore,
tient à la nature même du droit de copropriété par
déclaration. Le procureur de l'intimée, cela dit
avec déférence, commet une erreur de fait et une
erreur de droit flagrantes lorsqu'il affirme ce qui
suit, dans son mémoire:
... l'appelant a fait l'acquisition non pas d'un immeuble à
logements multiples mais plutôt d'une fraction d'un tel immeu-
ble. L'appelant est propriétaire exclusif de cette fraction (unité
29) et non propriétaire d'une quote-part indivise de l'immeuble.
L'appelant a choisi la copropriété par la déclaration plutôt
qu'une autre forme de propriété, telle la copropriété indivise ...
Erreur de fait, parce que tel qu'il appert de
l'acte même de vente, l'appelant a acquis une
fraction de l'immeuble qui comprend à la fois une
partie exclusive dudit immeuble et une quote-part
des droits indivis des parties communes. L'appe-
lant est bel et bien propriétaire d'une partie indi-
vise de l'immeuble.
Erreur de droit, parce que le concept même de
copropriété par déclaration, en droit civil québé-
cois, comporte deux éléments qui sont absolument
indissociables l'un de l'autre et qui n'ont respecti-
vement de sens que s'ils coexistent, à savoir: le
droit de propriété exclusif sur la partie exclusive et
«un droit de propriété indivis» (article 441d du
Code civil du Bas-Canada) sur les parties commu
nes. Ces deux droits sont des droits réels, qui font
chacun l'objet d'un enregistrement distinct et qui
ne peuvent être aliénés l'un sans l'autre (articles
441c et 441e). La déclaration de copropriété «défi-
nit la destination de l'immeuble et de ses parties
exclusives et communes dont elle donne une des
cription détaillée», «détermine la valeur relative de
chaque fraction, eu égard à la nature, à la superfi-
cie et à la situation de la partie exclusive qu'elle
comprend», et «précise les conditions de jouissance
des parties communes et d'utilisation des parties
exclusives.. .» (article 4411). Cette déclaration de
copropriété est notariée (article 441m) et elle lie
«les copropriétaires et leurs ayants droit à titre
universel> (article 441n). Chacun des copropriétai-
res «est tenu de contribuer ... à toutes les charges
découlant de la copropriété et de l'exploitation de
l'immeuble et spécialement aux charges de la con
servation, de l'entretien et de l'administration des
parties communes» (article 441k) 8 .
L'interprétation proposée par le procureur de
l'intimée mène à ce résultat absurde qu'il aurait
suffi, en l'espèce, que l'appelant se portât acqué-
reur de deux fractions, au lieu d'une seule, pour se
prévaloir de la déduction. Par ailleurs, si c'est la
copropriété par déclaration en tant que telle qui
fait obstacle, serait disqualifiée cette personne qui,
«même seule», aux dires de l'article 441b du Code
civil du Bas-Canada, «peut enregistrer une décla-
ration de copropriété et s'y déclarer propriétaire de
chaque fraction», et pourtant cette personne serait
propriétaire de toutes les fractions.
b) L'objet de la législation et le discours sur le
budget
Dans le discours sur le budget qu'il prononçait le
18 novembre 1974, le ministre des Finances s'ex-
primait comme suit 9 :
8 Une analyse fort intéressante du concept de copropriété par
déclaration en droit civil québecois a été faite par M. le juge
Rouleau dans Lovell, J.P. c. La Reine (1989), 90 DTC 6116
(C.F. 1« inst.).
9 Débats de la Chambre des communes, 1« session, 30"""
législature, Volume Il, 1974, p. 1419, la p. 1426. J'utilise la
(Suite à la page suivante)
For reasons already discussed, I am particularly anxious to
provide a quick and strong incentive to the construction of new
rental housing units. I therefore propose to relax for a period
the rule whereby capital cost allowances on rental construction
could not be charged against income from other sources.
Specifically, in respect of new, multiple-unit residential
buildings for rent, started between tonight and December 31,
1975, the capital cost allowance rule will not apply. This
means that an owner of an eligible rental unit will be permitted
to deduct capital cost allowance against any source of income
at any time. I am confident that this measure will attract a
significant amount of private equity capital into the construc
tion of new rental housing. [Mes soulignements.]
Bien que ces propos n'aient pas l'ampleur déci-
sive qu'y voit le procureur de l'appelant, ils illus-
trent assez bien le désir du gouvernement d'encou-
rager la construction d'immeubles résidentiels à
logements multiples et d'inciter les contribuables à
investir dans semblable construction en échange de
possibilités importantes d'amortissement. Il me
semble que ce serait taxer l'Administration de
naïveté, que de prétendre qu'elle n'avait en vue que
la construction d'immeubles financée par un seul
propriétaire. A cet égard, le choix des mots du
ministre m'apparaît révélateur: il réfère aux «new,
multiple-unit residential buildings» pour décrire
les immeubles dont il veut encourager la construc
tion mais il réfère à 1«owner of an eligible rental
unit» (mes soulignements) pour décrire le contri-
buable qu'il cherche à avantager. Ce sont là des
mots qui cadrent fort bien avec la pratique de la
(Suite de la page précédente)
version, originale, anglaise, plutôt que la version française, qui
a été citée par le juge de première instance et qui, à mon avis,
traduit mal les propos du ministre.
*Note de l'arrêtiste: Voici la version française:
Pour des raisons que j'ai déjà exposées, il me tarde particu-
lièrement d'offrir un stimulant rapide et vigoureux à la
construction de nouvelles habitations à loyer. Je propose donc
d'assouplir pendant un certain temps la règle selon laquelle
les amortissements ne sont pas déductibles des revenus prove-
nant d'autres sources.
Plus précisement, cette règle ne s'appliquera pas aux nou-
veaux immeubles à loyers multiples qui seront mis en chan-
tier entre ce soir et le 31 décembre 1975. Cela signifie que le
propriétaire d'un immeuble dc rapport admissible pourra
déduire n'importe quand l'amortissement des revenus de
n'importe quelle source. Je suis persuadé que cette mesure
attirera un volume considérable de capitaux privés dans le
secteur de la construction de nouveaux immeubles à usage
locatif. [Soulignements ajoutés.]
copropriété par déclaration et qui viennent renfor-
cer l'interprétation textuelle et contextuelle à
laquelle j'en suis arrivé plus haut.
c) Le bulletin d'interprétation
Comme j'en arrive à la conclusion que le texte
de loi ne soulève aucune ambiguïté et signifie ce
que le contribuable prétend qu'il signifie, et
comme en plus je crois que l'objectif recherché par
le gouvernement vient renforcer cette interpréta-
tion, il ne m'est pas vraiment nécessaire d'aller
plus loin et d'examiner le Bulletin d'interprétation
que nous a soumis le procureur de l'appelant.
Au cas, cependant, où je ferais erreur dans mon
interprétation de l'expression «bien qui est un
immeuble résidentiel à logements multiples» et
dans l'hypothèse, par conséquent, où cette expres
sion ne serait pas aussi claire que je l'ai dit, je suis
heureux de constater que le Bulletin d'interpréta-
tion no IT-367R2, publié le 7 septembre 1981 et
relatif à la «déduction pour amortissements
Immeubles résidentiels à logements multiples»,
confirme en tous points ma conclusion. Ce Bulletin
réfère expressément au «propriétaire d'un loge-
ment ou d'une participation dans un tel immeuble»
(article 2), précise même que «Si un bâtiment en
entier satisfait aux exigences de la catégorie 31 ou
32, chaque unité ou participation dans la propriété
acquise par un contribuable en vue d'en tirer un
revenu ... est considérée comme étant un bien de
la catégorie 31 ou 32» (article 4) et réfère notam-
ment au «cas des condominiums ou des maisons en
rangée» (article 14). Le procureur de l'intimée a
fort honnêtement reconnu que ce Bulletin faisait
échec à ses prétentions et s'est affairé, sans succès,
à nous convaincre que la législation et la réglemen-
tation en litige appuyaient si clairement son inter-
prétation que nul besoin n'était de recourir au
Bulletin ..
Deuxième question: l'immeuble avait-il vocation
résidentielle?
Le procureur de l'intimée a soutenu, définitions
de dictionnaires à l'appui, qu'un immeuble résiden-
tiel «est un endroit où l'on demeure habituelle-
ment» et qui «sert à loger ses occupants sur une
base plus ou moins permanente par opposition à un
endroit où l'on séjourne pour de courtes périodes».
Il s'est appuyé, également, sur l'expression «loge-
ments autonomes» utilisée à l'alinéa a) de la caté-
gorie 31, dont l'équivalent, dans la version
anglaise, est «self-contained domestic establish
ment», lequel est lui-même défini, au paragraphe
248(1) de la Loi, comme signifiant «dwelling
house, apartment or other similar place of resi
dence in which place a person as a general rule
sleeps and eats». Le problème, c'est que la Loi a
défini «self-contained domestic establishment»,
mais a défini, en français, non pas «logement auto-
nome», qui est l'expression utilisée dans la catégo-
rie 31, mais «établissement domestique autonome»,
de sorte qu'il n'est pas certain qu'on ait voulu,
dans la catégorie 31, référer à la même réalité que
celle à laquelle réfère le paragraphe 248(1). Quoi
qu'il en soit, je suis d'avis que le texte français et le
texte anglais de la catégorie 31 conduisent à la
même interprétation.
Le procureur de l'intimée s'est aussi employé à
démontrer qu'en l'espèce l'appelant n'avait pas fait
la preuve que les logements étaient occupés par des
personnes qui en faisaient leur lieu de résidence
habituelle, plutôt que par des vacanciers de
passage.
Je note au départ que l'exigence de «logements
autonomes» est en l'espèce une exigence objective
qui se vérifie d'une part dans l'attestation de la
SCHL et d'autre part dans les plans et devis du
bâtiment approuvés par la SCHL. Cette exigence,
par conséquent, précède dans les faits la construc
tion de l'immeuble. Une fois les plans et devis
approuvés et l'attestation émise par la SCHL,
l'immeuble se qualifie de lui-même et je ne crois
pas qu'on puisse imposer au contribuable, en l'ab-
sence d'allégation de mauvaise foi ou de trompe-
l'oeil, le fardeau de démontrer que la destination de
l'immeuble n'est pas ou n'est plus, dans la réalité,
ce qu'elle devait être sur papier. Le Ministère, en
l'espèce, avait le fardeau de démontrer que l'attes-
tation avait été émise à tort ou que la destination
de l'immeuble avait été modifiée. Il ne s'est pas
déchargé de ce fardeau. Je note, en recourant,
puisqu'il y a doute, au bulletin d'interprétation,
que c'est effectivement «l'usage prévu des loge-
ments» (mon soulignement) qui permet à un
immeuble d'«être classé résidentiel» (article 7), ce
qui confirme mon interprétation du fardeau de la
preuve dans le cas où, comme le prévoit l'article 11
du bulletin, un immeuble cesse de faire partie de la
catégorie 31.
Le bulletin d'interprétation est aussi révélateur
quant au sens à donner au mot «résidentiel>. Sera
«résidentiel», selon l'article 7, l'immeuble qui vise
«à fournir, de façon plus ou moins permanente, le
lieu de résidence ou d'habitation de ses occupants».
La notion de «façon plus ou moins permanente», si
elle paraît faire obstacle, par exemple, à un va-et-
vient perpétuel des occupants, n'écarte pas la pos-
sibilité, comme en l'espèce, de location à plus ou
moins long terme, au gré du marché et du hasard.
Je constate d'ailleurs qu'aux articles 11 et 12, on
oppose «usage résidentiel» à «usage commercial»,
ce qui m'amène à croire que ce que le Ministère
cherche principalement à éviter, c'est que les loge-
ments servent éventuellement à des fins commer-
ciales qui soient inconciliables avec une occupation
résidentielle des lieux.
L'article 9.2.3. de la déclaration de copropriété
précise que «le commerce de location de chambre
est absolument interdit dans toute partie utilisée à
des fins commerciales ou professionnelles telles
que, mais non limitativement, boutiques ou
bureaux». En l'absence de preuve par le Ministère
que ces articles ont été modifiés je rappelle
qu'aux termes de l'article 441m du Code civil du
Bas-Canada toute modification de la déclaration
de copropriété doit être notariée et enregistrée et
qu'aux termes de l'article 442h, la destination de
l'immeuble ne peut être modifiée que par un vote
unanime des copropriétaires—ils constituent, à
mon avis, la consécration formelle de la vocation
résidentielle plutôt que commerciale de l'immeu-
ble. Il est d'ailleurs en preuve que l'appelant n'a
jamais payé de taxes municipales d'affaires relati-
vement à sa fraction, laquelle était imposée à titre
de «logement».
Dispositif
Pour ces motifs, je serais d'avis d'accueillir l'ap-
pel, d'infirmer le jugement de première instance et
de déclarer nul l'avis de nouvelle cotisation du 16
septembre 1983 10 , le tout avec dépens contre l'inti-
mée en première instance aussi bien qu'en appel.
HUGESSEN, J.C.A.: J'y souscris.
DESJARDINS, J.C.A.: J'y souscris.
10 Les conclusions recherchées dans la déclaration réfèrent,
par erreur semble-t-il, à un avis du 6 octobre 1983.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.