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T-1924-91
Mohamed Ahmed Said (requérant)
c.
Le ministre de l'Emploi et de l'Immigration (intimé)
REPERTOR/b SAID C. CANADA (MINISTRE DE L'EMPLOI ET DE
L'IMMIGRATION) (Ire INST.)
Section de première instance, juge en chef adjoint Jerome—Toronto, 27 janvier; Ottawa, 23 avril 1992.
Immigration Statut de réfugié Demande de certiorari et de mandamus en vue d'examiner une décision de fonction- naires de l'Immigration Revendication du statut de réfugié refusée faute d'un minimum de fondement L'agent d'immi- gration a conclu qu'il n'existait pas suffisamment de considé- rations d'ordre humanitaire pour surseoir au renvoi du requé- rant Le requérant n'a pas eu l'occasion de présenter des arguments qui tendraient à démontrer l'existence de motifs d'ordre humanitaire L'art. 114(2) de la Lai sur l'immigra- tion oblige le ministre à agir équitablement dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire qui lui est conféré Le degré d'équité est en cause —11 faut au moins que le requérant ait l'occasion d'exposer sa cause et de présenter des arguments par écrit pour savoir s'il existe des considérations d'ordre humanitaire Le gouverneur en conseil n'est pas tenu de motiver sa déci- sion par écrit Le pouvoir discrétionnaire du ministre n'a pas été entravé Demande accueillie.
Droit constitutionnel Charte des droits Vie, liberté et sécurité Un citoyen du Kenya s'est vu refuser le statut de réfugié parce que .sa revendication n'avait pas un minimum de fondement Définition des «considérations d'ordre humani- taire» Jurisprudence examinée Il faut donner au requé- rant l'occasion d'exposer sa cause et de présenter des argu ments pour savoir s'il existe des considérations d'ordre humanitaire La «justice fondamentale» visée par l'art. 7 de la Charte englobe l'équité procédurale La réparation pré- vue à l'art. 114(2) de la Lai sur l'immigration relève d'un pou- voir discrétionnaire dont l'exercice n'a pas à être motivé par écrit L'expulsion d'un demandeur du statut de réfugié vérs son pays d'origine ne constitue pas une peine cruelle ou inusi- tée au sens de l'art. 12 de la Charte.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Lai constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, 44], art. 7, 12.
Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2° suppl.), ch. 10, art. 28.
Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), ch. 1-2, art. 114(2).
Loi sur l'inunigration de /976, S.C. 1976-77, ch. 52, art. 70, 71(1).
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Williams c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, [1985] 2 C.F. 153 (1« inst.); Re Mauger et Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1980), 119 D.L.R. (3d) 54; ;36 N.R. 91 (C.A.F.); Sobrie c. Canada (Ministre de l'Em- ploi et de l'Immigration) (1987), 3 Imm. L.R. (2d) 81 (C.F. ire inst.); Muliadi c. Canada (ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1986] 2 C.F. 205; (1986), 18 Admin. L.R. 243; 66 N.R. 8 (C.A.); Yhap c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1990] I C.F. 722; (1990), 9 Imm. L.R. (2d) 69; 29 F.T.R. 223 (1c inst.).
DÉCISION EXAMINÉE:
Singh et autres c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigra- tion, [1985] I R.C.S. 177; (1985), 17 D.L.R. (4th) 422; 12 Admin. L.R. 137; 14 C.R.R. 13; 58 N.R. 1.
DEMANDE de certiorari et de mandamus en vue d'examiner une décision de fonctionnaires de l'Immi- gration portant qu'il n'existait pas suffisamment de considérations d'ordre humanitaire pour accepter une demande de résidence permanente au Canada. Demande accueillie.
AVOCATS:
Joyce T. C. P. Chan pour le requérant. Donald A. Macintosh pour l'intimé.
PROCUREURS:
Tollis, Chan, Toronto, pour le requérant.
Le sous-procureur général du Canada pour l'in-
timé.
Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par
LE JUGE EN CHEF ADJOINT JEROME: La présente demande en vue d'obtenir une réparation de la nature d'un certiorari et d'un mandamus a été entendue à Toronto (Ontario), le 27 janvier 1992. Le requérant sollicite ce qui suit:
1. une ordonnance de la nature d'un certiorari annu- lant la décision des fonctionnaires de l'Immigration du Service central de renvoi de, la Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada; ces fonction- naires avaient décidé qu'il n'existait pas suffisam-
ment de considérations d'ordre humanitaire pour accepter la demande de résidence permanente au Canada du requérant;
2. une ordonnance de la nature d'un mandamus obli- geant l'intimé à procéder à un examen complet et équitable de la demande du requérant fondée sur des considérations d'ordre humanitaire;
3. une ordonnance de la nature d'un mandamus obli- geant l'intimé à examiner les arguments écrits du requérant sur la question des considérations d'ordre humanitaire.
Le requérant, un citoyen du Kenya, est arrivé au Canada le 15 juillet 1989. Il a revendiqué le statut de réfugié pour le motif que, s'il devait être renvoyé dans son pays d'origine, il serait persécuté par le gou- vernement à cause de ses opinions politiques. Le 9 août 1989, les fonctionnaires de l'Immigration ont rejeté la revendication du requérant, après qu'ils eurent conclu qu'il lui manquait un minimum de fon- dement. Par la suite, le requérant a demandé à la Cour d'appel fédérale l'autorisation d'intenter un recours fondé sur l'article 28 pour que soit révisée la décision de lui refuser le statut de réfugié. La Cour lui a refusé cette autorisation le 15 février 1990.
En 1989 et au commencement de 1990, la situation politique au Kenya est explosive. Les manifestations et les arrestations se font de plus en plus nombreuses. Amnistie internationale a donc écrit une lettre au ministre de l'Emploi et de l'Immigration pour lui exprimer ses inquiétudes à l'égard de la persécution de dissidents par le gouvernement kenyan. De l'avis d'Amnistie, ces événements, ainsi que les tensions diplomatiques qui existaient entre le Kenya et le Canada, pouvaient accroître le risque d'arrestation des dissidents renvoyés du Canada dans leur pays. Par la suite, le ministre a avisé le public que tous les cas de refus du statut de réfugié seraient révisés pour déterminer si des considérations d'ordre humanitaire justifiaient d'accorder le droit d'établissement.
Deux procédures ont été établies. Si l'on jugeait que la revendication du statut de réfugié avait un minimum de fondement, mais qu'elle était rejetée après une audience au fond, le chapitre IE 12.19 du Guide de l'immigration prescrivait la procédure sui- vante:
12.19...
1) Information de la revue pré-renvoi donnée au revendica- teur refusé
Une lettre accompagnera la lettre de la CISR informant les demandeurs éconduits qu'ils peuvent bénéficier d'un examen de leur cas au regard de considérations humani- taires. S'ils le désirent ceux-ci peuvent présenter des élé- ments de preuve pertinents à l'appui de leur cas. Toute- fois, les gestionnaires ne sont pas tenus de communiquer avec le demandeur ou son conseil ni de faire subir une entrevue à l'un d'eux pour discuter du bien-fondée [sic] du cas. Par exemple, le demandeur ou le conseil peut faire une déclaration au téléphone. Une décision écrite ou des motifs écrits justifiant le refus ne sont pas néces- saires. Il suffit simplement d'inscrire une mention indi- quant qu'un examen du dossier a été effectué. Les direc- teurs ne doivent pas suspendre les mesures de renvoi afin de recevoir des représentations écrites.
Toutefois, si la revendication du statut de réfugié avait été rejetée faute d'un minimum de fondement, ce qui avait eu pour effet de priver l'intéressé de son droit à une audience au fond, la procédure à suivre n'était pas la même. Dans les cas susmentionnés, on révisait le dossier pour voir s'il existait des considé- rations d'ordre humanitaire, mais les revendicateurs n'étaient pas avisés de cette démarche.
Le Guide de l'immigration renferme la définition suivante de l'expression «considérations humani- taires»:
12.19...
2) Définition des critères de «considérations humanitaires»
L'expression «considérations humanitaires» s'applique à trois situations distinctes. Ces situations sont les sui- vantes:
a) personnes qui se verront probablement imposer des sanctions sévères par le gouvernement de leur pays si elles y retournent;
b) liens de dépendance à l'égard de la famille;
c) personnes qui, en raison de leur situation personnelle par rapport aux lois et aux pratiques en vigueur dans leur pays d'origine, seraient injustement maltraitées si elles y retournaient.
Le requérant en l'espèce faisait partie de la deuxième catégorie de requérants puisque sa revendi- cation du statut de réfugié avait été rejetée par un tri bunal chargé de décider si sa revendication avait un minimum de fondement et non par la Section du sta- tut de réfugié de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Puisqu'il n'était pas admissible à
la tenue d'une audience sur le bien-fondé de sa reven- dication du statut de réfugié, il n'avait pas le droit d'être informé qu'un examen des considérations d'ordre humanitaire allait être tenu conformément au chapitre IE 12.19 du Guide de l'immigration.
Le 23 novembre 1989, le conseiller de l'Immigra- tion du CIC de Mississauga, chargé de l'exécution de la loi, a examiné le dossier du requérant et a décidé qu'il n'y avait pas suffisamment de considérations d'ordre humanitaire pour surseoir au renvoi. Cette décision est maintenant contestée.
ARGUMENTS DU REQUÉRANT
Le requérant prétend que, n'ayant pas été informé de son droit de bénéficier d'un examen de son cas à la lumière de considérations d'ordre humanitaire, il n'a pas eu, non plus, l'occasion de présenter des élé- ments de preuve pertinents à l'appui de son cas. Le requérant admet que, afin de se conformer aux exi- gences de l'équité procédurale prévue à l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés [qui cons- titue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), appendice II, 44]], l'intimé n'est pas tenu de lui accorder une entrevue pour déterminer s'il existe suffisamment de considérations d'ordre humanitaire pour accueillir une demande de résidence permanente au Canada. Cependant, il incombe à l'intimé de lui fournir à tout le moins l'oc- casion de présenter des arguments par écrit.
Le requérant plaide en outre qu'il a, conformément à l'article 7 de la Charte, le droit de connaître les arguments auxquels il devra répondre. En outre, les principes de justice fondamentale et de l'équité pro- cédurale obligent l'intimé à l'informer des motifs pour lesquels il refuse de surseoir à son renvoi pour des considérations d'ordre humanitaire. Le requérant soutient qu'à défaut de connaître ces motifs, il n'aura peut-être jamais l'occasion de contester efficacement l'exactitude de renseignements non divulgués ou les politiques qui sous-tendent les décisions de l'intimé.
ARGUMENTS DE L'INTIMÉ
Selon l'intimé, aucune preuve ne tend à établir que les autorités de l'Immigration ont outrepassé leur
compétence ou qu'elles ont agi illégalement par ail- leurs. On soutient que l'intimé n'avait aucune obliga tion d'informer le requérant qu'il pouvait bénéficier d'un examen au regard de considérations d'ordre humanitaire, en application du chapitre IE 12.19 du Guide de l'immigration. En effet, sa revendication du statut de réfugié avait été rejetée par un tribunal chargé de décider si sa revendication avait un mini mum de fondement et non par la Section du statut de réfugié de la Commission de l'immigration et du sta- tut de réfugié. L'intimé plaide qu'il ressort clairement du Guide même que seules les personnes dont la revendication avait été refusée par la Commission du statut de réfugié, du fait qu'elles n'avaient pas raison de craindre d'être persécutées, avaient le droit de recevoir une lettre de la Commission les informant qu'elles pouvaient bénéficier d'un examen au regard de considérations d'ordre humanitaire.
En ce qui a trait à l'obligation de fournir les motifs de la décision, l'intimé plaide que la validité de la décision rendue le 23 novembre 1989 ne saurait être touchée par le défaut de l'agent d'avoir fourni des motifs. Dans sa décision, le conseiller de l'Immigra- tion affirme avoir tranché après avoir examiné tous les facteurs dont les fonctionnaires devaient tenir compte, à l'époque, avant de rendre leurs décisions. La justice fondamentale et l'équité procédurale n'exi- gent pas que le requérant reçoive les motifs de sa décision.
ANALYSE
Bien que celui qui revendique le statut de réfugié ait le droit, aux termes de la loi, à ce que sa revendi- cation soit tranchée par un tribunal, l'examen au regard de considérations d'ordre humanitaire relève d'un autre régime. En effet, il appartient au gouver- neur en conseil de décider, en vertu de son pouvoir discrétionnaire, s'il y a lieu d'accorder une dispense d'application des conditions habituelles prévues dans la Loi sur l'immigration [L.R.C. (1985), ch. I-2] pour des raisons d'ordre humanitaire ou pour d'autres motifs discrétionnaires. Le paragraphe 114(2) de la Loi dispose:
114... .
(2) Pour des raisons d'intérêt public ou d'ordre humanitaire, le gouverneur en conseil peut, par règlement, accorder une dis-
pense d'application d'un règlement pris aux termes du para- graphe (I) ou faciliter l'admission de toute autre manière.
Essentiellement, le requérant plaide que son cas n'a pas été régulièrement examiné puisqu'il n'a pas eu l'occasion de présenter des arguments qui ten- draient à démontrer l'existence de motifs d'ordre humanitaire. L'intimé soutient que le ministre n'est nullement tenu de considérer d'autres arguments du requérant avant de rendre sa décision à cet égard. L'intimé plaide que cette décision relève exclusive- ment d'un pouvoir discrétionnaire qui n'engendre aucun droit en faveur du requérant.
À mon avis, le requérant a gain de cause sur cette question. Bien que le paragraphe 114(2) ne lui accorde aucun droit, il oblige néanmoins le ministre à agir équitablement dans l'exercice du pouvoir discré- tionnaire qui lui est conféré. Il s'agit de déterminer le degré d'équité applicable en l'espèce. Dans Williams c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, [1985] 2 C.F. 153 (1 re inst.), la Cour a statué qu'on ne doit exi- ger du ministre qu'un minimum d'équité lorsqu'il exerce son pouvoir discrétionnaire. Cependant, dans l'arrêt Re Mauger et Ministre de l'Emploi et de l'Im- migration (1980), 119 D.L.R. (3d) 54 (C.A.F.), la Cour a jugé que l'obligation d'agir équitablement avait été respectée, mais seulement parce qu'il était clair que l'appelant avait eu amplement l'occasion de présenter sa version des faits. Par conséquent, bien que les exigences de l'obligation d'agir équitable- ment puissent varier d'un cas à l'autre, il faut au moins que le requérant ait l'occasion d'exposer sa cause.
L'espèce rappelle étrangement l'affaire Sobrie c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1987), 3 Imm. L.R. (2d) 81 (C.F. 1 re inst.). Dans cette affaire, le requérant avait revendiqué le statut de réfugié au sens de la Convention. La revendication a été rejetée par la Commission de l'immigration, par la Commission d'appel de l'immigration et par la Cour d'appel fédérale. M. Sobrie a ensuite demandé au ministre de réexaminer son cas. Celui-ci a répondu que son cas avait été réexaminé, qu'il n'était pas un réfugié au sens de la Convention et qu'on n'avait
prouvé aucune considération d'ordre humanitaire jus- tifiant une dispense. Le requérant n'avait jamais fourni de renseignements détaillés ou précis relative- ment à des considérations d'ordre humanitaire. Il a institué une demande fondée sur l'article 18 pour obtenir la réparation appropriée. Les passages sui- vants sont tirés des pages 86 et 89 de ce jugement:
Je ne suis pas convaincu qu'on lui ait jamais donné la possibi- lité de faire valoir l'existence des considérations d'ordre huma- nitaire prévues au paragraphe 115(2) [le paragraphe 114(2) actuel]. Les agents d'immigration ont présumé, fort logique- ment, que le dossier considérable qu'ils détenaient sur Sobrie contenait tous les renseignements pouvant être pertinents à la décision à prendre. Cette présomption n'est pas justifiée et n'est pas conforme aux principes d'équité.
Il est évident que le but sous-jacent aux dispositions du para- graphe 115(2) n'est pas simplement de reprendre l'évaluation d'un immigrant sur les bases ordinaires indiquées dans la Loi. L'esprit de ces dispositions est de fournir un nouveau point de vue du cas de l'immigrant à partir d'une nouvelle perspective. Il s'ensuit que pour que le ministre examine équitablement une demande présentée en vertu du paragraphe précité, il doit être capable d'imaginer ce que le requérant estime constituer, dans son cas, des circonstances d'ordre humanitaire. Celles-ci peu- vent être sans rapport avec les faits consignés dans le dossier de la procédure d'immigration antérieure.
Le paragraphe 115(2) ne prescrit pas que le gouverneur en conseil doive examiner seulement ce que les agents d'immigra- tion estiment être des considérations d'ordre humanitaire, ni les seuls motifs déjà contenus dans le dossier du requérant. Si le Parlement avait entendu ainsi restreindre les considérations prévues dans ce paragraphe, il aurait facilement pu le faire.
Je ne dis pas, bien entendu, que le requérant a droit à une instruction orale approfondie. Cependant, comme l'intimé doit agir équitablement lorsqu'il exa mine les considérations d'ordre humanitaire, en application du chapitre IE 12.19 du Guide de l'immi- gration, il doit autoriser le requérant à présenter des arguments pour faire valoir d'éventuelles considéra- tions d'ordre humanitaire, et ce, avant que les fonc- tionnaires de l'Immigration ne rendent de décision à cet égard.
En ce qui a trait à l'omission d'avoir fourni des motifs, le requérant invoque l'arrêt Singh et autres c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, [1985] 1 R.S.C. 177, de la Cour suprême du Canada. Dans cette affaire, le ministre a décidé, après avoir reçu l'avis du comité consultatif sur le statut de réfugié, que les appelants n'étaient pas admissibles à titre de
réfugiés au sens de la Convention. Les appelants ont alors demandé à la Commission d'appel de l'immi- gration de réexaminer leurs revendications, confor- mément à l'article 70 de la Loi [Loi sur l'immigration de 1976, S.C. 1976-77, ch. 52]. Conformément au paragraphe 71(1) de la Loi, la Commission a refusé de donner suite aux demandes. Les appelants ont demandé à la Cour d'appel fédérale d'examiner la décision de la Commission, conformément à l'article 28 de la Loi sur la Cour fédérale [S.R.C. 1970 (2e suppl.), ch. 10]. Ces demandes ont été rejetées.
La Cour suprême a conclu que les appelants avaient droit à la protection de l'article 7 de la Charte. Elle a également statué que la notion de «jus- tice fondamentale», visée par l'article 7, englobait au moins la notion d'équité procédurale. Du point de vue du requérant, l'arrêt Muliadi c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [ 1986] 2 C.F. 205, de la Cour d'appel fédérale, est probablement plus utile. Dans cette affaire, la Cour d'appel fédérale a statué qu'avant qu'on ne puisse donner suite à l'ap- préciation négative d'une demande à titre d'entrepre- neur, le requérant devait avoir l'occasion de la réfu- ter.
Toutefois, je note qu'aucun de ces arrêts ne permet de conclure que le droit du requérant de connaître les arguments auxquels il devra répondre puisse impli- quer, d'une façon quelconque, une obligation de four- nir des motifs par écrit. Dans l'une de ces affaires, les décisions avaient été rendues par un agent des visas, tandis que dans l'autre, elles avaient été prises par un tribunal de la Commission d'appel de l'immigration chargé de réexaminer le cas. En l'espèce, le requérant veut être dispensé des exigences juridiques habi- tuelles en matière d'immigration. La réparation est de nature discrétionnaire et elle n'oblige probablement pas le gouverneur en conseil à motiver sa décision, et encore moins à le faire par écrit. Par conséquent, en l'absence de toute prescription législative claire au soutien des arguments du requérant à cet égard, la demande doit être rejetée sous ce rapport.
Le requérant a fait valoir deux autres arguments qui peuvent être tranchés rapidement. Premièrement, il a plaidé que le ministre avait entravé son pouvoir discrétionnaire en ne lui donnant pas l'occasion de présenter des éléments de preuve pertinents à l'appui
de son cas et en omettant ,d'obtenir les renseigne- ments qui étaient pertinents quant à l'exercice de son pouvoir discrétionnaire. Je ne puis admettre que le ministre ait entravé son pouvoir discrétionnaire en l'espèce. Dans le jugement Yhap c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1990] 1 C.F. 722 (lfe inst.), aux pages 739 et 740, j'ai fait les commen- taires suivants sur le caractère approprié des lignes directrices relatives à l'examen à caractère humani- taire énoncées au chapitre 9 du Guide de l'immigra- tion:
Le chapitre 9 du Guide de l'immigration aide un agent à évaluer les situations et à examiner les questions d'ordre humanitaire soulevées par ces situations, à savoir les pro- blèmes concernant les conjoints, les situations de dépendance familiale, les difficultés créées par le retour au pays d'origine, les résidents illégaux de facto, et les cas d'échec du mariage. Ce chapitre donne des conseils généraux aux agents d'immi- gration:
Des motifs d'ordre humanitaire peuvent être invoqués lors- que des difficultés inhabituelles, injustes ou indues seraient causées à la personne sollicitant l'examen de son cas, ou aux personnes, au Canada, avec lesquelles l'immigrant a des liens, si la personne en cause n'est pas autorisée à demeurer au Canada pendant l'examen de son droit d'établissement.
Je n'ai pas à me prononcer sur le bien-fondé des lignes directrices relatives à l'examen à caractère humanitaire figu- rant au chapitre 9 du Guide de l'immigration. Je dirai toutefois que ces lignes directrices semblent constituer une sorte de «politique générale» ou de «règles empiriques grossières» qui sont une structuration appropriée et licite du pouvoir discré- tionnaire conféré par le paragraphe 114(2).
Enfin, le requérant prétend que l'intimé, en le ren- voyant du Canada, lui fait subir un traitement ou une peine cruel et inusité, contrairement à l'article 12 de la Charte. En toute déférence, cet argument traduit une mauvaise compréhension des procédures en matière d'immigration, lesquelles sont de nature civile et n'ont aucun rapport avec les procédures cri- minelles. La jurisprudence a clairement établi que l'expulsion ne vise pas à imposer des sanctions pénales à un individu, mais vise plutôt à renvoyer du Canada une personne indésirable. À mon avis, l'on ne saurait assimiler à une peine cruelle ou inusitée l'expulsion, vers son pays d'origine, d'une personne dont le statut de réfugié a été refusé.
En conséquence, la Cour ordonnera l'annulation de la décision portant refus d'appliquer des considéra-
tions d'ordre humanitaire à la revendication du requérant. Elle ordonnera également que l'affaire soit traitée conformément à la loi, quand le requérant aura fourni au moins des arguments par écrit. Le requérant a droit aux dépens.
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