A-524-89
Le ministre de l'Emploi et de l'Immigration
(appelant)
c.
Trevor Sabaulks Smalling (intimé)
RÉPERTORIA:' CANADA (MINISTRE DE L'EMPLOI ET DE
L'IMMIGRATION) C. SMALLING (C.A.)
Cour d'appel, juges Stone, MacGuigan et Linden,
J.C.A.—Toronto, 30 janvier; Ottawa, 5 février 1992.
Immigration — Expulsion — Un résident permanent a été
accusé de l'acte criminel de possession de stupéfiants en vue
d'en faire le trafic, contrairement à l'art. 4 de la Loi sur les
stupéfiants — Il a plaidé coupable à l'infraction mixte de pos
session simple prévue à l'art. 3 — A-t-il été déclaré coupable
d'une infraction punissable de cinq ans d'emprisonnement? —
Il incombe à la Couronne d'établir qu'un résident permanent
est susceptible d'être expulsé en vertu de l'art. 27(1)d)(ii) de la
Lai sur l'immigration — Le plaidoyer de culpabilité à l'infrac-
tion moindre et incluse constitue une déclaration de culpabilité
d'un acte criminel — La décision de la Commission d'appel de
l'immigration d'infirmer l'ordonnance d'expulsion est annu-
lée.
Droit criminel — Stupéfiants — L'intimé a été accusé de
l'acte criminel de possession de stupéfiants en vue d'en faire le
trafic — Le plaidoyer de culpabilité à l'infraction mixte moin-
dre et incluse de possession simple constitue une déclaration
de culpabilité d'un acte criminel.
Il s'agit d'un appel de la décision rendue par la Commission
d'appel de l'immigration, annulant une ordonnance d'expul-
sion.
L'intimé, résident permanent du Canada, a été accusé, en
1975, de possession de stupéfiants en vue d'en faire le trafic,
un acte criminel punissable, en vertu de l'article 4 de la Loi sur
les stupéfiants, d'un emprisonnement à perpétuité. Il a plaidé
coupable à l'infraction moindre et incluse de possession sim
ple, prévue au paragraphe 3(1), et il s'est vu imposer une
amende de 75 $. La possession simple est une infraction mixte
punissable sur déclaration de culpabilité, par procédure som-
maire, d'un emprisonnement d'un an et, par mise en accusa
tion, d'un emprisonnement de sept ans.
Le sous-alinéa 27(l)d)(ii) de la Loi sur l'immigration pré-
voit que doivent être expulsés du Canada les résidents perma
nents qui ont été déclarés coupables d'une infraction punissa-
ble d'une peine d'emprisonnement de plus de cinq ans. Un
arbitre a pris une mesure d'expulsion à l'égard de l'intimé. La
Commission d'appel de l'immigration a annulé cette mesure
d'expulsion en concluant que, lors du procès criminel, la Cou-
ronne avait dû procéder par procédure sommaire.
Arrêt: l'appel devrait être accueilli.
Il incombe à la Couronne d'établir, selon la prépondérance
des probabilités, que le résident permanent est susceptible
d'être expulsé en vertu du sous-alinéa 27(1)d)(ii). On n'a pré-
senté aucune preuve que l'accusation de possession en vue
d'en faire le trafic a été retirée et remplacée par une accusation
de possession simple; au contraire, la preuve démontre
qu'aucune nouvelle accusation a été portée et que le plaidoyer
portait sur l'infraction moindre et incluse. Si l'affaire avait été
entendue à la suite d'un plaidoyer de non-culpabilité à l'infrac-
tion de possession en vue d'en faire le trafic et si le juge avait
conclu que l'accusé était coupable de possession seulement, il
l'aurait déclaré coupable de l'acte criminel prévu à l'alinéa
3(2)b). Le même résultat s'applique au plaidoyer de culpabi-
lité.
LOI ET RÈGLEMENTS
Code criminel, S.R.C. 1970, chap. C-34, art. 646(2).
Loi sur l'immigration, S.R.C. 1970, chap. I-2, art. 18,
646(2).
Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), chap. I-2, art.
27(1)d).
Loi sur les stupéfiants, S.R.C. 1970, chap. N-1, art. 3, 4.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
R. v. Wardley (1978), 43 C.C.C. (2d) 345; 11 C.R. (3d)
282 (C.A. Ont.); R. v. Fudge (1979), 26 Nfld. & P.E.I.R.
76; 72 A.P.R. 76; 49 C.C.C. (2d) 63 (C.A.).
DÉCISIONS CITÉES:
Regina v. Howard Smith Paper Mills, Limited et al.,
[1954] O.R. 663; [1954] 4 D.L.R. 517; (1954), 109
C.C.C. 213; 22 C.P.R. 119; 19 C.R. 242 (H.C.); Rex. v.
Vanek, [1944] O.R. 428; [1944] 4 D.L.R. 59; (1944), 82
C.C.C. 53 (C.A.).
AVOCATS:
A. Leena Jaakkimainen pour l'appelant.
Dan Miller pour l'intimé.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour l'ap-
pelant.
Green & Spiegel, Toronto, pour l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs du
jugement rendus par
LE JUGE LINDEN, J.C.A.: Il s'agit d'un appel de la
décision rendue par la Commission d'appel de l'im-
migration le 26 avril 1989, par laquelle elle a infirmé
une décision ordonnant l'expulsion du Canada de
Trevor Smalling, l'intimé, résident permanent origi-
paire de la Jamaïque. L'arbitre a conclu que l'intimé
était visé par ce qui est maintenant le sous-alinéa
27(1)d)(ii) de la Loi sur l'immigration [L.R.C.
(1985), chap. I-2] (ancien article 18 [S.R.C. 1970,
chap. I-2]), ainsi libellé:
27. (1) L'agent d'immigration ou l'agent de la paix doit faire
part au sous-ministre ... de renseignements concernant un
résident permanent et indiquant que celui-ci, selon le cas:
d) a été déclaré coupable d'une infraction prévue par une loi
fédérale:
(i) soit pour laquelle une peine d'emprisonnement de plus
de six mois a été imposée,
(ii) soit qui peut être punissable d'au moins cinq ans
d'emprisonnement; .. .
La loi prévoit également qu'un rapport doit être
remis au sous-ministre qui, s'il estime qu'elle s'im-
pose, ordonne la tenue d'une enquête qui peut entraî-
ner une mesure d'expulsion.
L'objectif de cette loi consiste à renvoyer du
Canada des résidents permanents qui commettent des
infractions graves, vraisemblablement au motif qu'ils
ont ainsi perdu le privilège de demeurer au Canada et
la possibilité de devenir citoyens canadiens.
Il est à remarquer que, selon la législation, l'inté-
ressé doit être déclaré coupable d'une infraction. Il
doit s'agir d'une infraction soit pour laquelle une
peine d'emprisonnement de plus de six mois a été
imposée, soit qui peut être punissable d'au moins
cinq ans d'emprisonnement. De toute évidence, le
Parlement a conclu qu'une infraction est suffisam-
ment grave pour justifier l'expulsion si elle entraîne
une peine d'emprisonnement de plus de six mois ou
si, bien que l'on ait imposé une peine inférieure, il
était possible d'imposer une peine d'emprisonnement
de cinq ans.
Cette disposition prévoyant le renvoi du Canada de
résidents permanents, il incombe à la Couronne
d'établir les faits justifiant une telle décision. Le rési-
dent permanent n'a pas à démontrer qu'il n'est pas
inclus dans le sous-alinéa 27(1)d)(ii). La norme de
preuve, habituelle dans des affaires de cette nature,
est la prépondérance des probabilités.
En 1975, M. Smalling et son épouse, Mme R.
Smalling, ont été accusés de possession de stupé-
fiants en vue d'en faire le trafic, contrairement à la
Loi sur les stupéfiants [S.R.C. 1970, chap. N-1] (voir
le paragraphe 4(2)). On a allégué qu'ils avaient en
leur possession trois livres et demie de marihuana.
Quiconque enfreint cet article commet un acte crimi-
nel et encourt l'emprisonnement à perpétuité (para-
graphe 4(3)).
Suite à des négociations de plaidoyer, il semble
que M. Smalling ait plaidé coupable à l'infraction
moindre et incluse de possession de stupéfiant (para-
graphe 3(1)), et l'accusation pesant contre Mme
Smalling a été retirée. La personne déclarée coupable
de l'infraction de possession, appelée «infraction
mixte», pour une première infraction, encourt, «par
procédure sommaire ... une amende maximale de
mille dollars et un emprisonnement maximal de six
mois ou l'une de ces peines» ou «par mise en accusa
tion, un emprisonnement maximal de sept ans». (Voir
les alinéas 3(2)a) et b).)
Le 19 mars 1975, M. Smalling s'est vu imposer
une amende de 75 $ ou, à la place, quinze jours de
prison, ce qui, de toute évidence, ne relève pas du
sous-alinéa 27(1)d)(i). Toutefois, la preuve ne
démontre pas avec certitude s'il a été déclaré coupa-
ble d'un acte criminel, ce qui l'aurait rendu passible
d'une peine d'emprisonnement de sept ans et, par
conséquent, susceptible d'être expulsé (voir le sous-
alinéa 27(1)d)(ii)), ou s'il a été déclaré coupable
d'une infraction par procédure sommaire, ce qui ne
justifierait pas son expulsion.
L'arbitre a conclu qu'il était coupable d'un acte
criminel, et il a pris une mesure d'expulsion à son
égard. La Commission a infirmé cette décision, sta-
tuant que, compte tenu de cette peine, qui ne peut être
imposée que pour une infraction par procédure som-
maire, et compte tenu également de la maxime selon
laquelle ont doit «présumer que le tribunal a agi cor-
rectement», la Couronne [TRADUCTION] «a dû procé-
der par procédure sommaire».
Après avoir étudié tout le dossier qui, malheureu-
sement, n'incluait pas la transcription de l'instance au
cours de laquelle la peine a été imposée, et qui aurait
pu nous éclairer sur ce qui s'est effectivement pro-
duit, je suis d'avis que l'arbitre a, à juste titre, conclu
que M. Smalling avait été déclaré coupable d'un acte
criminel. Rien ne laisse croire que l'accusation pesant
contre M. Smalling en vertu du paragraphe 4(2) a été
retirée et remplacée par une accusation portée en
application de l'article 3. De même, le dossier ne
contient aucune preuve démontrant que la Couronne
a choisi de procéder par procédure sommaire et non
par mise en accusation, comme il lui était loisible de
faire.
De toute évidence, il aurait été possible à la Cou-
ronne de retirer la première accusation portée en
vertu du paragraphe 4(2), de la porter en vertu de
l'article 3, et de choisir de procéder par déclaration
sommaire. Toutefois, rien ne prouve qu'elle l'ait fait.
Au contraire, la preuve documentaire démontre
qu'aucune nouvelle accusation a été portée, mais que
le plaidoyer de M. Smalling portait sur l'infraction
moindre et incluse de possession. La seule preuve
d'un choix quelconque porte sur celui de l'accusé de
procéder devant un juge de la Cour provinciale, droit
qui lui appartient dans une procédure par mise en
accusation.
L'arrêt R. v. Wardley (1978), 43 C.C.C. (2d) 345
(C.A. Ont.), conduit inexorablement à la conclusion
que la Commission a commis une erreur en droit et
que M. Smalling a été trouvé coupable d'un acte cri-
minel, ce qui le rend passible d'une peine d'empri-
sonnement de plus de cinq ans et susceptible d'être
expulsé en vertu du sous-alinéa 27(1)d)(ii). Le juge
Dubin a expliqué le droit dans ces termes [à la page
347]:
[TRADUCTION] Si l'affaire avait été entendue à la suite d'un
plaidoyer de non coupable et si le juge avait conclu que l'ac-
cusé, bien qu'en possession du stupéfiant, n'entendait pas en
faire le trafic, il aurait déclaré l'accusé coupable de l'acte cri-
minel de possession. Le même résultat s'applique au plaidoyer
de culpabilité.
Dans l'arrêt R. v. Fudge (1979), 26 Nfld. & P.E.I.R.
76 (C.A.), le juge Morgan, J.C.A. d'accord avec l'ar-
rêt R. v. Wardley, a dit [à la page 77]:
[TRADUCTION] Lorsqu'une accusation de «possession simple»
est portée, il incombe à la Couronne de choisir un procès par
déclaration sommaire ou par mise en accusation. Si elle choisit
de procéder par déclaration sommaire, et qu'il y a déclaration
de culpabilité, celle-ci doit être régulièrement prononcée en
vertu de l'alinéa 3(2)a). Si elle procède par mise en accusation,
la déclaration de culpabilité doit être prononcée en vertu de
l'alinéa 3(2)b).
En l'espèce, l'accusé n'a pas été accusé de simple posses
sion. Il a été accusé de l'acte criminel de possession en vue
d'en faire le trafic. Suivant le choix de l'accusé, on a procédé à
l'affaire par mise en accusation en vertu de la Partie XVI du
Code. Ainsi, le juge, en concluant que l'accusé était en posses
sion d'un stupéfiant contrairement à l'article 3 de la Loi sur les
stupéfiants, a, en fait, conclu que l'accusé était coupable d'un
acte criminel, et, par conséquent, une déclaration de culpabilité
aurait dû être prononcée en vertu de l'alinéa 3(2)6).
Il faut mentionner que l'avocat représentant l'in-
timé à l'audience d'expulsion a expressément
reconnu cette conclusion de droit. Il faudrait égale-
ment mentionner qu'en 1975, en vertu de l'ancien
article 18, toute déclaration de culpabilité prononcée
en vertu de la Loi sur les stupéfiants rendait une per-
sonne susceptible d'expulsion, et pas seulement les
déclarations de culpabilité pour des infractions punis-
sables de plus de cinq ans d'emprisonnement. Ainsi,
si au cours des années M. Smalling n'avait pas été si
difficile à retrouver, il aurait été expulsé beaucoup
plus tôt sans pouvoir s'en plaindre en invoquant les
motifs soulevés dans le présent appel.
La prétention reposant sur le paragraphe 646(2) du
Code criminel [S.R.C. 1970, chap. C-34] et la signifi
cation technique de l'expression «déclaration de cul-
pabilité» telle que définie dans les arrêts Regina v.
Howard Smith Paper Mills, Limited et al., [1954]
O.R. 663 (H.C.) et Rex v. Vanek, [ 1944] O.R. 428
(C.A.) ne sont pas pertinentes en l'espèce. Lors-
qu'une erreur sur la peine a pu être commise par le
juge au procès, le recours approprié consiste à interje-
ter appel de la peine, ce qu'on a fait dans l'affaire
Wardley, précitée. Mais aucun appel de cette nature
n'a été interjeté. Ce silence est compréhensible puis-
que l'erreur n'aurait pu que conduire à une peine plus
sévère et non plus légère. De même, un tel appel,
même accueilli, n'aurait pu changer l'issue du pré-
sent appel puisque la déclaration de culpabilité datée
du 19 mars 1975 portait, de toute façon, sur un acte
criminel.
La décision rendue par la Commission le 26 avril
1989 sera annulée et l'ordonnance rendue par l'ar-
bitre le 3 mars 1988 sera confirmée.
LE JUGE STONE, J.C.A.: Je souscris à ces motifs.
LE JUGE MACGUIGAN, J.C.A.: Je souscris à ces
motifs.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.