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A-333-92
Le ministre du Revenu national (appelant)
c.
United Terminals Limited (intimée)
RÉPERTORIE: UNITED TERMINALE LTD. C. M.R.N. (CA.)
Cour d'appel, juges Mahoney et Stone, J.C.A., juge suppléant Gray—Toronto, 12 juin 1992.
Pratique Communication de documents et interrogatoire préalable Interrogatoire préalable Appel interjeté à l'en- contre d'ordonnances rendues par le juge de première ins tance, dans une action découlant de l'octroi d'un agrément pour un entrepôt d'attente; ces ordonnances obligeaient le M.R.N., ou un fonctionnaire nommé à comparaître pour être interrogé au préalable, et obligeaient un fonctionnaire nommé à comparaître pour qu'il soit contre-interrogé sur l'affidavit de documents fait sous serment et déposé au nom du M.R.N. Appel rejeté Aucune règle de droit n'exempte un «office fédéral» (le M.R.N.), partie à une action, des interrogatoires préalables Bien qu'un ministre ne puisse être contraint à la légère à se soumettre à un interrogatoire préalable, le juge de première instance pouvait conclure qu'il était justifié en l'es- pèce de contraindre le ministre à prendre de son temps pré- cieux, puisqu'il s'agissait d'une affaire qui sortait de l'ordi- naire, au sens de l'arrêt CAE Industries Ltd. c. La Reine Il était également loisible au juge de première instance de con- clure que la règle du secret des délibérations d'un tribunal administratif devait être levée en l'espèce.
Couronne Pratique Il peut être ordonné à un ministre de comparaître pour être interrogé au préalable dans une action à laquelle il est partie Il existait une preuve selon laquelle le ministre avait personnellement octroyé un agrément pour un entrepôt d'attente contrairement aux conseils de ses fonctionnaires, d'après qui il était illégal de le faire Il était loisible au juge de première instance de conclure qu'il était justifié de contraindre le ministre à prendre de son temps pré- cieux, puisqu'il s'agissait d'une affaire qui sortait de l'ordi- naire, au sens de l'arrêt CAE Industries Ltd. c. La Reine Il était également loisible au juge de première instance de con- clure que la règle du secret des délibérations d'un tribunal administratif devait être levée en l'espèce.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 2 (mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 1), 18(3) (édicté, idem, art. 4), 18.4(2) (édicté, idem, art. 5).
Loi sur les douanes, L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. 1, art. 24.
Règlement sur les entrepôts d'attente des douanes, DORS/86-1065, art. 3(3).
Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règle 1601(2) (édictée par DORS/92-43, art. 19).
JURISPRUDENCE DÉCISIONS APPLIQUÉES:
CAE Industries Ltd. c. La Reine, [1977] 1 C.F. 380; (1976), 69 D.L.R. (3d) 153; 13 N.R. 502 (C.A.); Québec (Commission des affaires sociales) c. Tremblay, No 21651, jugement en date du 16-4-92, C.S.C., encore iné- dit.
APPEL à l'encontre d'ordonnances d'interroga- toire préalable, rendues par la Section de première instance, en date du 3 mars 1992, obligeant à compa- raître (1) le ministre du Revenu national, défendeur, ou un fonctionnaire nommé, pour être interrogé au préalable et (2) un fonctionnaire nommé, pour qu'il soit contre-interrogé sur l'affidavit de documents fait sous serment par lui et déposé au nom du ministre de Revenu national. Appel rejeté.
AVOCATS:
Roslyn J. Levine et Robert F. Goldstein pour l' appelant.
Christopher Du Vernet et Ernest A. Du Vernet, c.r., pour l'intimée.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour l'ap- pelant.
Du Vernet, Stewart, Fenn, Toronto, pour l'inti- mée.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement de la Cour prononcés à l'audience par
LE JUGE MAHONEY, J.C.A.: Le présent appel est interjeté à l'encontre de deux ordonnances d'interro- gatoire préalable rendues le 3 mars 1992 dans une action, et non pas dans une demande de contrôle judi- ciaire, on le ministre du Revenu national est constitué défendeur. Les ordonnances obligeaient à compa- raître au nom du défendeur, selon le cas, (1) l'hono- rable Elmer MacKay, en sa qualité d'ancien ministre du Revenu national, l'honorable Otto Jelinek, l'actuel ministre du Revenu national, ou un fonctionnaire nommé du ministère pour être interrogé au préalable et (2) un fonctionnaire nommé pour qu'il soit contre- interrogé sur l'affidavit de documents fait sous ser- ment et déposé au nom du défendeur.
Le principal argument invoqué à l'encontre des deux ordonnances est que le défendeur, un «office
fédéral» au sens de la Loi sur la Cour fédérale [L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 2 (mod. par L.C. 1990, ch. 8, art. 1)], n'est pas tenu, sur le plan juridique, de se soumettre à un interrogatoire préalable dans une action à laquelle il est partie. Il est déclaré que l'ac- tion est essentiellement une demande de contrôle judiciaire, bien qu'elle ait nécessairement été intro- duite par voie d'action, comme les Règles de la Cour fédérale, [C.R.C., ch. 663] l'exigeaient à l'époque, à cause de l'injonction demandée. L'appelant note que, depuis l'entrée en vigueur du paragraphe 18(3) [édicté, idem, art. 4] de la Loi sur la Cour fédérale, le ler février 1992, la réparation demandée doit doréna- vant être obtenue par voie de demande et non par voie d'action.
Cependant, le paragraphe 18.4(2) [édicté, idem, art. 5], édicté en même temps, dispose:
18.4...
(2) La Section de première instance peut, si elle l'estime indiqué, ordonner qu'une demande de contrôle judiciaire soit instruite comme s'il s'agissait d'une action.
En outre, la Règle 1601(2) [édictée par DORS/92-43, art. 19] prévoit maintenant ce qui suit:
Règle 1601... .
(2) Si la Section de première instance ordonne, conformé- ment au paragraphe 18.4(2) de la Loi, qu'une demande de con- trôle judiciaire soit instruite comme s'il s'agissait d'une action, les règles relatives aux actions s'appliquent.
Comme c'est le cas actuellement, à l'époque les ordonnances ont été rendues, il n'existait manifeste- ment aucune règle de droit qui exemptait un office, partie à une action, des interrogatoires préalables. Cela dit, il ne faut pas contraindre à la légère un office, à proprement parler, ou un ministre à se sou- mettre à un interrogatoire préalable.
L'action découle de l'octroi d'un agrément d'ex- ploitation pour un entrepôt d'attente. La Loi sur les douanes' dispose:
24. (1) Sous réserve des règlements, le ministre peut, à son appréciation, octroyer à toute personne qui remplit les condi tions réglementaires l'agrément d'exploiter un emplacement:
a) soit comme entrepôt d'attente, en vue de la visite des marchandises importées non dédouanées,
1 L.R.C. (1985) (2e suppl.), ch. I.
Le Règlement sur les entrepôts d'attente des douanes [DORS/86-1065] dispose:
3....
(3) Le ministre n'octroie un agrément que s'il est convaincu de ce qui suit:
d) le volume et la nature du commerce dans la région l'entrepôt doit être situé justifient l'établissement d'un entre- pôt d'attente pour desservir les importateurs de cette région;
Il existait une preuve, que le juge de première ins tance avait tout à fait le droit d'accepter, selon laquelle le ministre de l'époque, l'honorable Elmer MacKay, avait personnellement demandé qu'un appel d'offres soit lancé pour un agrément, malgré les conseils de ses fonctionnaires qui lui disaient que l'octroi d'un tel agrément contreviendrait à l'alinéa 3(3)d) du Règlement et bien que la décision d'oc- troyer, ou non, un agrément soit normalement délé- guée à un fonctionnaire. L'honorable Otto Jelinek, qui est devenu le nouveau ministre dans l'intervalle, a octroyé l'agrément peu de temps après.
Nous sommes tous d'avis qu'il était loisible au juge de première instance de conclure qu'il s'agit, en l'espèce, d'une affaire qui sort de l'ordinaire, visée par l'arrêt CAE Industries Ltd. c. La Reine 2 , dans laquelle il est justifié de contraindre le ministre à prendre de son temps précieux. Nous sommes égale- ment d'avis qu'il était loisible au juge de conclure que la règle du secret des délibérations d'un tribunal administratif devait être levée en l'espèce 3 .
Nous n'avons donc pas été convaincus que le juge de première instance ait commis une erreur de droit ou qu'il ait suivi un principe erroné lorsqu'il a pro- noncé l'une ou l'autre des ordonnances. L'appel sera rejeté avec dépens.
2 [1977] 1 C.F. 380 (C.A.), à la p. 386.
3 Voir Québec (Commission des affaires sociales) c. Trem- blay, arrêt encore inédit de la Cour suprême du Canada, en date du 16 avril 1992, 21651.
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