A-576-91
Sa Majesté la Reine (appelante) (défenderesse)
c.
William Erasmus, Felix Lockhart, Gerry Cheezie,
Helen Hardisty, Ethel Liske, Angeline Villebrun,
en leur nom propre et au nom des employés de la
Nation 'Dénée, et la Nation Dénée (intimés)
(demandeurs)
RÉPERTORIA' NATION DÉNÉE C. CANADA (CA.)
Cour d'appel, juges Pratte, MacGuigan et Desjardins,
J.C.A.—Vancouver, 10 janvier; Ottawa, 30 mars
1992.
Compétence de la Cour fédérale — Section de première ins
tance — Action en jugement déclarant que le salaire versé aux
employés indiens d'une bande en vertu d'un accord avec la
Couronne est exempté d'impôt, et en remboursement de l'ar-
gent déjà payé pour l'impôt — Assujettissement à l'impôt sur
le revenu établi par cotisation — L'art. 29 de la Loi sur la
Cour fédérale ne prive pas la Cour de sa compétence — Cette
disposition ne s'applique pas puisqu'il ne s'agit pas d'un
appel contre la cotisation — La Loi de l'impôt sur le revenu ne
limite pas la compétence de la Section de première instance
pour rendre un jugement déclaratoire.
Loi de l'impôt sur le revenu — Pratique — Appel contre le
rejet de la requête en radiation de la déclaration — Action en
jugement déclarant que le salaire versé aux employés indiens
d'une bande en vertu d'un accord avec la Couronne est
exempté d'impôt, et en remboursement de l'argent déjà payé
pour l'impôt — Assujettissement à l'impôt établi par cotisa-
tions, lesquelles n'ont pas été contestées — Appel accueilli —
Aucune cause raisonnable d'action à l'égard des années pour
lesquelles l'assujettissement à l'impôt a été établi par cotisa-
tions, lesquelles sont réputées valides tant qu'elles ne sont pas
annulées ou Modifiées sous le régime de la Loi (art. 152(8))—
Le ministre ayant le droit de retenir les sommes versées au•titre
de l'impôt jusqu'à ce que l'assujettissement à l'impôt soit
déterminé par voie de cotisation, la Cour ne peut ordonner le
remboursement, à moins que la cotisation ne fasse ressortir un
paiement en trop et que le ministre ne refuse illégalement de
rembourser l'excédent — Le fait que ,les demandeurs habitent
dans la réserve et y travaillent au bénéfice d'Indiens qui y
vivent n'a aucun rapport avec la question de savoir si leur
revenu est imposable.
Peuples autochtones — Taxation — La constitution de terres
au bénéfice d'Indiens en vertu de la Loi sur les terres territo-
riales ne revient pas à créer une réserve au sens de la Loi sur
les Indiens — Le fait que des Indiens habitent dans une réserve
et y travaillent n'a aucun rapport avec la question de savoir si
le revenu est imposable ou non.
Pratique — Parties — Qualité pour agir — Requête en
radiation de la Nation Dénée et des employés non nommés de
la liste des demandeurs dans l'action en jugement déclarant
que le salaire versé aux employés indiens d'une bande en vertu
d'un accord avec la Couronne est exempté d'impôt — Requête
rejetée — La Nation Dénée et ses employés ont un intérêt dans
l'instance puisque la bande continuera à avoir à l'avenir des
employés qui recevront un revenu du même genre que celui des
demandeurs nommés.
Appel contre le rejet de la requête en radiation de la déclara-
tion. Les individus demandeurs sont soit des employés de la
Nation Dénée, dont le salaire provenait de fonds reçus en
application d'un accord avec la Couronne, soit des étudiants
qui ont reçu des bourses accordées par le gouvernement territo
rial avec des fonds reçus de l'État fédéral. Les individus
demandeurs sont Indiens, et la plupart vivaient sur des terres
réservées en application de la Loi sur les terres territoriales, où
ils travaillaient au service des membres de leur bande. Ils ont
payé l'impôt sur le revenu frappant ces salaires ou ces bourses.
Les demandeurs soutiennent que leur revenu est exempté d'im-
pôt par application des articles 87 et 90 de la Loi sur les
Indiens et aussi par ce motif que, les terres réservées sous le
régime de la Loi sur les terres territoriales étant des réserves
au sens de la Loi sur les Indiens, ils faisaient leur travail sur
ces terres au bénéfice des membres de bande qui y habitent. La
déclaration conclut à jugements déclarant que: (1) les deman-
deurs ne sont pas assujettis à l'impôt; (2) l'argent versé à titre
d'impôt doit être remboursé; (3) le revenu gagné sur les terres
réservées en application de la Loi sur les terres territoriales
n'est pas imposable sous le régime de la Loi sur les Indiens,
par application des articles 87 et 90. Il a été établi par affidavit
que pour la plupart des années en question, l'assujettissement
des demandeurs à l'impôt avait été déterminé par voie de coti-
sations, lesquelles n'avaient jamais été contestées avec succès.
L'appelante soutient que la Cour est privée de sa compétence
par l'article 29 de la Loi sur la Cour fédérale, attendu que jus-
qu'au ler janvier 1991, une cotisation est une décision pouvant
être portée en appel devant la Cour fédérale et, à compter de
cette date, devant la Cour canadienne de l'impôt. L'appelante
soutient encore que la Cour est implicitement privée de sa
compétence par la Loi de l'impôt sur le revenu qui prévoit un
mécanisme de dépistage des cotisations d'impôt sur le revenu
et de recouvrement des paiements en trop. Enfin, elle soutient
que la déclaration ne révèle aucune cause raisonnable d'action,
qu'elle est futile et vexatoire et constitue un abus des procé-
dures de la Cour, et que la Nation Dénée et les employés non
nommés devraient être radiés de la liste des demandeurs. Elle
conclut aussi à la radiation des allégations selon lesquelles les
demandeurs habitaient et travaillaient sur des terres réservées
en application de la Loi sur les terres territoriales, par ce motif
que ces terres ne sont pas des réserves et qu'en tout cas, le fait
que les demandeurs habitaient et travaillaient dans une réserve
n'a aucun rapport avec la question de savoir si leur revenu est
imposable ou non.
Arrêt: l'appel devrait être accueilli.
L'article 29 de la Loi sur la Cour fédérale ne s'applique pas
en l'espèce puisque les demandeurs ne contestent aucune coti-
sation d'impôt, mais ne font que conclure à jugement déclara-
toire quant à leur assujettissement à l'impôt. Ils ne pourraient
avoir gain de cause à l'égard des années d'imposition où leur
assujettissement à l'impôt a été déterminé par cotisation, puis-
que toute cotisation d'impôt sur le revenu est réputée être
valide et exécutoire tant qu'elle n'est pas annulée ou modifiée
conformément à la Loi (paragraphe 152(8)). L'affidavit ne fait
que montrer que les demandeurs ne justifient pas d'une cause
raisonnable d'action à l'égard de ces années, conclusion à
laquelle il ne saurait servir.
Rien dans la Loi de l'impôt sur le revenu ne limite la compé-
tence de la Section de première instance pour rendre, le cas
échéant, un jugement déclaratoire sur l'assujettissement à l'im-
pôt de certains revenus ou une ordonnance portant rembourse-
ment des sommes que le ministre retient indûment. Mais étant
donné que le ministre a le droit de retenir toutes les sommes
versées par le contribuable au titre de l'impôt jusqu'à ce que
l'assujettissement de ce dernier à l'impôt ait été déterminé par
voie de cotisation (article 164), la Cour ne peut lui ordonner de
rembourser les sommes indûment versées au titre de l'impôt, à
moins qu'il ne soit établi que le ministre, après avoir constaté à
la suite de la cotisation que la somme versée excède l'impôt à
payer, refuse illégalement de rembourser le paiement en trop.
La déclaration ne faisant nullement état de pareille situation, il
faut en radier la partie qui conclut au remboursement.
La constitution de terres au bénéfice d'Indiens dans le cadre
de la Loi sur les terres territoriales ne revient pas à créer une
réserve au sens de la Loi sur les Indiens. Le fait que les indivi-
dus demandeurs habitent dans une réserve et y travaillent au
bénéfice d'Indiens qui y vivent, n'a aucun rapport avec la
question de savoir si le revenu qu'ils tirent de ce travail est
imposable ou non. Il faut donc radier cette partie de la déclara-
tion.
Vu la portée générale des jugements déclaratoires auxquels
concluent les demandeurs et étant donné que la Nation Dénée
continuera à avoir à l'avenir des employés qui recevront un
revenu du même genre, la Nation Dénée et ses employés non
nommés ont un intérêt dans l'instance et ne devraient pas être
radiés de la liste des demandeurs.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, ch. 63, art.
152, 164.
Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), ch. F-7, art. 29
(mod. par L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 51, art. 12).
Loi sur les Indiens, L.R.C. (1985), eh. I-5, art. 2, 87, 90.
Loi sur les terres territoriales, L.R.C. (1985), ch. T-7.
Règles de la Cour fédérale, C..R.C., ch. 663, Règle 419.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS CITÉES:
La ville de Hay River e. R., [1980] I C.F. 262; (1979),
101 D.L.R. (3d) 184; [1979] 2 C.N.L.R. 101 (Ire inst.); R.
e. Drybone.c, [1970] R.C.S. 282; (1969), 9 D.L.R. (3d)
473; 71 W.W.R. 161; [1970] 3 C.C.C. 355; 10 C.R.N.S.
334; R. c. National Indian Brotherhood, [1979] 1 C.F.
103; (1978), 92 D.L.R. (3d) 333; [1978] CTC 680; 78
DTC 6488 (1« inst.); Nowegijick c. La Reine, [1983] 1
R.C.S. 29; (1983), 144 D.L.R. (3d) 193; [1983] 2
C.N.L.R. 89; [1983] CTC 20; 83 DTC 5041; 46 N.R. 41;
Williams c. Canada, [1990] 3 C.F. 169; (1990), 72 D.L.R.
(4th) 336; [ 1990] 2 C.T.C. 124; 90 DTC 6399 (C.A.).
APPEL contre le rejet d'une requête en radiation
de la déclaration, [1991] 1 C.T.C. 337. Appel
accueilli en partie.
AVOCATS:
P. F. Partridge pour l'appelante (défenderesse).
J. F. Sayers pour les intimés (demandeurs).
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour l'ap-
pelante (défenderesse).
Judith F. Sayers, Port Alberni (Colombie-Bri-
tannique) pour les intimés (demandeurs).
Ce qui suit est la version française des motifs du
jugement rendus par
LE JUGE PRATTE, J.C.A.: Il y a en l'espèce appel
contre la décision par laquelle la Section de première
instance [[1991] 1 C.T.C. 337] a rejeté la requête
introduite par l'appelante, défenderesse en première
instance, en radiation de la déclaration des intimés
(appelés ci-après «les demandeurs») en application
de la Règle 419 des Règles de la Cour fédérale
[C.R.C., ch. 663].
La déclaration, déposée le 22 janvier 1991, émane
de six individus (agissant en leur nom propre et au
nom des employés de la Nation Dénée, personne
morale constituée sous le régime des lois des Terri-
toires du Nord-Ouest et représentant les 28 bandes de
la Nation Dénée) et de la Nation Dénée elle-même.
Elle fait valoir que les demandeurs individuellement
nommés sont Indiens au sens de l'article 2 de la Loi
sur les Indiens [L.R.C. (1985), ch. I-5] et membres de
bandes indiennes qui étaient parties soit au Traité n°
8 soit au Traité n° 11; que depuis 1982 ils ont été au
service de la Nation Dénée en diverses qualités et
pour des périodes déterminées; que leur salaire pro-
venait de fonds reçus par la Nation Dénée en applica
tion d'un ou des accords qu'elle avait conclus avec
Sa Majesté; que les demandeurs William Erasmus et
Gerry Cheezie étaient aussi employés et rémunérés
par le Secrétariat Déné-Métis, organisme subven-
tionné par la Nation Dénée au moyen de fonds reçus
en application d'un accord avec Sa Majesté; qu'en
outre, de 1980 1986, William Erasmus poursuivait
ses études à l'Université d'Alberta grâce à une bourse
accordée par le gouvernement territorial avec des
fonds que celui-ci avait reçus à cette fin de l'État
fédéral; que la plupart des individus demandeurs
vivaient sur les terres réservées à leur bande en appli
cation de la Loi sur les terres territoriales [L.R.C.
(1985), ch. T-7], et y travaillaient au service des
membres de leur bande; qu'à l'égard de la plupart des
années en question, les demandeurs individuellement
nommés ont payé l'impôt sur le revenu frappant les
salaires ou les bourses qu'ils recevaient comme
indiqué ci-dessus; que leur revenu était cependant
exempté d'impôt, par application des articles 87 et 90
de la Loi sur les Indiens, conformément aux traités et
aussi, les terres réservées sous le régime de la Loi sur
les terres territoriales étant des réserves au sens de la
Loi sur les Indiens, par ce motif qu'ils faisaient leur
travail sur ces terres au bénéfice des membres de
bande qui y habitent.
S'appuyant sur ces allégations, les demandeurs
concluent aux mesures de réparation suivantes:
[TRADUCTION] LES DEMANDEURS CONCLUENT A CE QUI SUIT:
a) Jugement déclarant que le revenu gagné par les employés
de la Nation Dénée qui sont Indiens et qui sont rémunérés
conformément à un accord entre la Nation Dénée et Sa
Majesté, n'est pas imposable.
b) Jugement déclarant que l'argent versé à titre d'impôt par
les employés de la Nation Dénée qui sont Indiens et qui
ont été rémunérés au moyen de fonds reçus en application
d'un accord entre la Nation Dénée et Sa Majesté, doit être
remboursé avec intérêts à tous les employés de la Nation
Dénée.
c) Jugement déclarant que les terres réservées sous le régime
de la Loi sur les terres territoriales sont des réserves au
sens de la Loi sur les Indiens, que les articles 87 et 90 leur
sont applicables et que le revenu gagné sur ces terres réser-
vées n'est pas imposable.
d) Ordonnance portant que l'argent versé à titre d'impôt par
les employés de la Nation Dénée sur le revenu gagné sur
les terres réservées doit, conformément à l'article 87 de la
Loi sur les Indiens, être remboursé avec intérêts à tous les
employés de la Nation Dénée qui réunissent les conditions
voulues.
e) Jugement déclarant que l'argent reçu par le gouvernement
territorial pour l'éducation des étudiants indiens, en appli
cation d'un accord entre le gouvernement fédéral et le gou-
vernement territorial, n'est pas imposable.
f) Dépens de cette action.
g) Toute autre mesure de réparation à laquelle pourrait con-
clure l'avocate des demandeurs avec l'autorisation de l'ho-
norable Cour.
Comme indiqué plus haut, l'appèlante a conclu à la
radiation de cette déclaration et a déposé, à l'appui de
sa requête, l'affidavit d'un employé du ministère du
Revenu pour établir que, pour la plupart des années
en question, l'assujettissement des demandeurs à
l'impôt sur le revenu avait été déterminé par cotisa-
tion sous le régime de l'article 152 de la Loi de l'im-
pôt sur le revenu [S.C. 1970-71-72, ch. 63]. L'appe-
lante faisait valoir que vu l'article 29 de la Loi sur la
Cour fédérale [L.R.C. (1985), ch. F-7 (mod. par
L.R.C. (1985) (4e suppl.), ch. 51, art. 12)], la Cour
n'avait pas compétence pour connaître de cette
action, et que tout ou partie de la déclaration ne révé-
lait aucune cause raisonnable d'action, ou était futile,
vexatoire et constituait un abus des procédures de la
Cour.
Le juge Pinard a rejeté la requête, n'étant pas con-
vaincu que la Cour n'avait pas compétence ou que la
déclaration ne révélait pas une cause raisonnable
d'action.
L'avocat de l'appelante fait valoir trois motifs
d'appel. Son principal argument est que si le juge
Pinard avait pris en considération l'affidavit déposé à
l'appui de la requête en radiation, il aurait conclu que
la Cour n'avait pas compétence pour connaître de
cette action vu les termes mêmes de l'article 29 de la
Loi sur la Cour fédérale et vu le sens général de la
Loi de l'impôt sur le revenu. Il soutient en outre
qu'en tout cas, certaines allégations de la déclaration
devraient être radiées puisqu'elles ne révèlent aucune
cause raisonnable d'action, et que la Nation Dénée et
les employés non nommés de cette dernière devraient
être radiés de la liste des demandeurs.
En ce qui concerne ce dernier argument, il faut
reconnaître que la déclaration ne comporte aucune
allégation concernant les employés non nommés de la
Nation Dénée ou expliquant l'intérêt de cette dernière
en la matière, puisque tous les faits articulés se rap-
portent au revenu gagné par les individus deman-
deurs par le passé. Cependant, si on considère la por-
tée générale des jugements déclaratoires auxquels
concluent les demandeurs, et si on considère le fait,
évident quoique non articulé, que la Nation Dénée
continuera à avoir à l'avenir des employés qui rece-
vront un revenu du même genre que celui reçu par le
passé par les demandeurs individuellement nommés,
on ne peut éviter de conclure que, malgré les lacunes
de la déclaration, la Nation Dénée et ses employés
non nommés ont un intérêt dans cette instance et ne
devraient pas être radiés à titre de demandeurs.
J'examine maintenant les deux autres motifs d'ap-
pel.
I—Compétence de la Cour
L'avocat de l'appelante fait observer, en préam-
bule de son argument à ce sujet, que la fin de non-
recevoir prévue à la Règle 419(2) 1 ne s'appliquant
qu'en cas de requête en radiation d'une plaidoirie au
motif qu'elle ne révèle aucune cause raisonnable
d'action, il faut prendre en considération l'affidavit
déposé à l'appui de la requête pour examiner s'il y a
lieu de radier la déclaration par ce motif qu'elle fait
valoir une cause d'action qui échappe à la compé-
tence de la Cour. Cet argument est si manifestement
juste que je doute que le juge Pinard entendît décider
le contraire.
L'affidavit déposé par l'appelante à l'appui de la
requête montre que pour la plupart des années d'im-
position en cause, l'assujettissement des demandeurs
individuellement nommés à l'impôt sur le revenu
était confirmé par des cotisations qui n'ont jamais été
contestées avec succès sous le régime de la Loi de
l'impôt sur le revenu. Il s'ensuit, soutient l'avocat de
l'appelante, que pour ces années à tout le moins, la
Cour est privée par l'article 29 de la Loi sur la Cour
fédérale 2 de la compétence pour accorder les mesures
Voici les passages applicables de la Règle 419:
Règle 419. (1) La Cour pourra, à tout stade d'une action,
ordonner la radiation de tout ou partie d'une plaidoirie avec ou
sans permission d'amendement, au motif
a) qu'elle ne révèle aucune cause raisonnable d'action ou
de défense, selon le cas,
(2) Aucune preuve n'est admissible sur une demande aux
ternies de l'alinéa (1)a).
2 L'art. 29, abrogé depuis [L.C. 1990, ch. 8, art. 8], pré-
voyait ce qui suit:
29. Par dérogation aux articles 18 et 28, lorsqu'une loi fédé-
rale prévoit expressément qu'il peut être interjeté appel,
(Suite à la page suivante)
de réparation recherchées par les demandeurs,
attendu que jusqu'au ler janvier 1991, une cotisation
d'impôt sur le revenu pouvait être portée en appel
devant la Cour fédérale et, à compter de cette date,
devant la Cour canadienne de l'impôt.
Ce raisonnement serait irréfutable si les deman-
deurs cherchaient par leur action à faire annuler ou
modifier des cotisations d'impôt sur le revenu. Tel
n'est cependant pas le cas. Ils ne font que conclure à
jugement déclarant que certains types de revenu sont
exemptés d'impôt et que l'argent qu'ils ont versé à
titre d'impôt doit leur être remboursé. Attendu qu'ils
ne contestent aucune cotisation d'impôt, l'article 29
n'a pas application en l'espèce.
Cela ne signifie pas que les demandeurs pourraient
avoir gain de cause à l'égard des années d'imposition
où leur assujettissement à l'impôt a été déterminé par
cotisation. Il est manifeste qu'ils ne le pourraient pas.
La raison n'en est cependant pas que la Cour n'a pas
compétence pour accorder les mesures de réparation
demandées pour ces années, mais plutôt que pour ces
années, les demandeurs n'ont pas droit à cette répara-
tion puisque selon le paragraphe 152(8) de la Loi de
l'impôt sur le revenu, toute cotisation d'impôt sur le
revenu est réputée être valide et exécutoire tant
qu'elle n'est pas annulée ou modifiée conformément
aux dispositions de cette Loi.
Il s'ensuit que, contrairement à l'argument avancé
par l'avocat de l'appelante, l'affidavit déposé à l'ap-
pui de la requête ne montre pas que l'article 29 prive
la Section de première instance de sa compétence à
l'égard des années où l'assujettissement des deman-
deurs à l'impôt a été confirmé par cotisation; il ne fait
que montrer que pour ces mêmes années, les deman-
deurs ne justifient pas d'une cause raisonnable d'ac-
tion, conclusion à laquelle l'affidavit ne saurait ser-
vir.
(Suite de la page précédente)
devant la Cour fédérale, la Cour suprême, la Cour cana-
dienne de l'impôt, le gouverneur en conseil ou le Conseil du
Trésor, d'une décision ou ordonnance d'un office fédéral
rendue à tout stade des procédures, cette décision ou ordon-
nance ne peut, dans la mesure où elle est susceptible d'un tel
appel, faire l'objet de révision, de restriction, de prohibition,
d'évocation, d'annulation ni d'aucune autre intervention,
sauf dans la mesure et de la manière prévues dans cette Loi.
L'appelante soutient encore que, de toute façon, la
Cour est implicitement privée de sa compétence pour
connaître de l'action des demandeurs par la Loi de
l'impôt sur le revenu qui prévoit un mécanisme de
dépistage des cotisations d'impôt sur le revenu et de
recouvrement des paiements en trop. Je ne saurais en
convenir. Je ne vois rien dans la Loi qui limite la
compétence de la Section de première instance pour
rendre, le cas échéant, un jugement déclaratoire sur
l'assujettissement à l'impôt de certains revenus ou
une ordonnance portant remboursement des sommes
que le ministre retient indûment.
Il est cependant important de noter que les disposi
tions de la Loi de l'impôt sur le revenu sont, pour une
raison différente, essentielles pour la solution de
notre problème. Selon cette Loi, le ministre a le droit
de retenir toutes les sommes versées par le contribua-
ble au titre de l'impôt jusqu'à ce que l'assujettisse-
ment de ce dernier à l'impôt ait été déterminé par
voie de cotisation 3 . Il s'ensuit que tant que la cotisa-
tion n'a pas été établie, un tribunal ne peut ordonner
le remboursement des sommes versées au titre de
l'impôt sur le revenu puisque jusque là, le ministre a
le droit de les retenir, peu importe qu'elles aient été
indûment versées ou non. Ce n'est qu'une fois la
cotisation établie que le ministre est tenu de rembour-
ser l'excédent par rapport au montant fixé par la coti-
sation. Il s'ensuit que la Section de première instance
ne peut ordonner au ministre de -rembourser les
sommes indûment versées au titre de l'impôt, à
moins qu'il ne soit établi que le ministre, après avoir
constaté à la suite de la cotisation que la somme ver
sée par le contribuable excède son assujettissement à
l'impôt, refuse illégalement de rembourser le paie-
ment en trop. La déclaration des demandeurs ne fait
nullement état de pareille situation. Pour cette raison,
il faut radier la partie de la déclaration, savoir les ali-
néas b) et d) des chefs de demande, concluant à juge-
ment déclarant que l'appelante doit rembourser les
sommes versées à titre d'impôt par les demandeurs.
À supposer même que toutes les allégations de la
déclaration soient avérées, les demandeurs n'auraient
quand même pas droit à cette réparation.
3 Voir l'art. 164 de la Loi de l'impôt sur le revenu.
II—Défaut de cause raisonnable d'action
L'avocat de l'appelante soutient enfin que cer-
taines allégations de la déclaration doivent être
radiées par ce motif qu'elles ne révèlent aucune cause
raisonnable d'action. Il s'agit des allégations selon
lesquelles les demandeurs individuellement nommés
habitent sur des terres réservées en application de la
Loi sur les terres territoriales et y travaillaient au
bénéfice des Indiens qui y habitent. Selon l'avocat de
l'appelante, il est établi que les terres réservées sous
le régime de la Loi sur les terres territoriales ne sont
pas des réserves 4 et, en tout cas, le fait que les
demandeurs habitent dans une réserve et y travaillent
n'a aucun rapport avec la question de savoir si leur
revenu est exempté d'impôt ou non.
J'accueille cet argument. Il ressort de la déclara-
tion que de l'avis des demandeurs, la constitution de
terres au bénéfice d'Indiens dans le cadre de la Loi
sur les terres territoriales revient à créer une réserve
au sens de la Loi sur les Indiens. Cette position est à
mon sens indéfendable. De toute façon, le fait que les
individus demandeurs habitent dans une réserve et y
travaillent au bénéfice d'Indiens qui y vivent, n'a
aucun rapport avec la question de savoir si le revenu
qu'ils tirent de ce travail est imposable ou non 5 . Je
me prononce en conséquence pour la radiation de la
dernière phrase du paragraphe 3, de la deuxième
phrase des paragraphes 4, 8, 9 et 12, de la première
phrase du paragraphe 13, du paragraphe 17, de la
deuxième phrase du paragraphe 18, de la dernière
phrase du paragraphe 19 et du paragraphe 21, de tout
le paragraphe 24 et de l'alinéa c) des chefs de
demande.
Par ces motifs, je me prononce pour l'accueil de
l'appel avec dépens devant les deux Cours, l'infirma-
tion de l'ordonnance de la Section de première ins
tance et la radiation des parties susmentionnées de la
déclaration. Je suis aussi d'avis qu'il y a lieu d'or-
donner aux demandeurs de déposer dans les 15 jours
une nouvelle déclaration modifiée, où ne figureront
4 La ville de Hay River c. R., [1980] I C.F. 262 (1fe inst.); R.
c. Drybones, [1970] R.C.S. 282, aux p. 282-285, 288-289, 299-
300.
5 R. c. National /ndian Brotherhood, [1979] 1 C.F. 103 (lre
inst.); Nowegijick c. La Reine, [1983] 1 R.C.S. 29; Williams c.
Canada, [1990] 3 C.F. 169 (C.A.).
pas les parties radiées ci-dessus de la déclaration ini-
tiale.
LE JUGE MACGUIGAN, J.C.A.: Je souscris aux motifs
ci-dessus.
LE JUGE DESJARDINS, J.C.A.: Je souscris aux motifs
ci-dessus.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.