A-231-91
Le procureur général du Québec (appelant)
(intervenant)
c.
L'Administration régionale crie et Bill Namagoose
(intimés) (requérants)
et
Raymond Robinson (mis en cause) (intimé)
et
Hydro -Québec (mise en cause) (intervenante)
RÉPERTORIÉ: ADMINISTRATION RÉGIONALE CRIE c. CANADA
(ADMINISTRATEUR FÉDÉRAL) (CA.)
Cour d'appel, juges Hugessen, MacGuigan et
Décary, J.C.A.—Montréal, 18 avril; Ottawa, 14
mai 1991.
Compétence de la Cour fédérale — Section de première
instance — Appel de la décision par laquelle la Section de
première instance a statué qu'elle avait compétence pour con-
naître de la requête en mandamus introduite contre un admi-
nistrateur fédéral nommé en vertu d'un décret précisant tirer
son autorité de la Convention de la Baie James et du Nord
québécois — La Loi fédérale a mis en vigueur la Convention
— Y a-t-il attribution de compétence fédérale par une loi? —
Rapport entre la Loi fédérale et la Convention — Selon ses
principales dispositions et lignes directrices, la Convention
devait être mise en vigueur par une loi tant du Canada que du
Québec et tirer son plein effet juridique, même comme contrat,
des lois qui doivent lui donner force et validité — La Loi
fédérale a donné force de loi à la Convention — Le décret tire
son autorité des chapitres 22 et 23 de la Convention — L'art. 2
de la Loi sur la Cour fédérale exige que la compétence ou les
pouvoirs de l'administrateur découlent, non pas d'une nomina
tion, mais d'une loi fédérale — La question de savoir si le
décret est un règlement n'est pas pertinente — L'administra-
teur est un «office fédéral» aux fins des art. 2 et 18 de la Loi
sur la Cour fédérale, puisque les pouvoirs découlant de la
Convention sont prévus par la Loi fédérale.
Appel est interjeté de la décision par laquelle la Section de
première instance a statué qu'elle avait compétence pour con-
naître d'une requête tendant à l'obtention d'un bref de manda-
mus qui enjoindrait à l'administrateur fédéral, nommé en vertu
des chapitres 22 et 23 de la Convention de la Baie James et du
Nord québécois, de mettre en oeuvre le processus fédéral d'éva-
luation et d'examen des répercussions en matière d'environne-
ment prévus par ces chapitres. Le paragraphe 3(1) de la Loi sur
le règlement des revendications des autochtones de la Baie
James et du Nord québécois (la Loi fédérale) dit que la
Convention est approuvée, mise en vigueur et déclarée valide.
Les chapitres 22 et 23 de la Convention autorisent la nomina
tion des administrateurs fédéral et provincial. L'administrateur
a été nommé par un décret qui précisait tirer son autorité de ces
chapitres.
En vertu de l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale, un
bref de mandamus peut être décerné contre un «office fédéral»,
cette expression étant définie à l'article 2 comme étant une
personne qui a une «compétence ou des pouvoirs prévus par une
loi fédérale». Le juge de première instance a décidé qu'il avait
compétence pour accorder la réparation demandée, puisque la
Convention avait reçu de la Loi fédérale le statut de loi et que
le décret nommant l'administrateur était un règlement pris en
application du paragraphe 3(5), soit le pouvoir de réglementa-
tion de la Loi fédérale. La question se pose de savoir si
l'administrateur fédéral exerce «une compétence ou des pou-
voirs prévus par une loi fédérale», ce qui exige une analyse du
rapport entre la Convention et les Lois fédérales et provinciales.
Les intervenants prétendent que la Convention est un contrat
et non une loi fédérale. Il ne suffit pas qu'une loi mentionne
simplement un contrat ou une entente pour en faire une partie
intégrante de la loi. En conséquence, le paragraphe 3(1) de la
Loi fédérale ne suffit pas à faire de la Convention une loi. De
plus, puisqu'il y a eu, depuis la signature de la Convention, dix
conventions supplémentaires modifiant celle-ci, on ne saurait
dire que la Loi fédérale a donné à chacune d'elles force de loi,
particulièrement à celles qui ont été conclues après l'adoption
de cette Loi. Finalement, ni l'instance fédérale ni l'instance
provinciale ne pouvait, à elle seule, donner force de loi à une
convention qui concerne la compétence de ces deux instances.
On doit présumer que le législateur entend légiférer seulement
dans les limites de sa compétence, et donc qu'il ne saurait être
censé légiférer de façon à donner à la Convention force de loi.
Les intervenants soutiennent également que le décret n'est
pas un texte législatif. Le mécanisme de la nomination d'un
administrateur est prévu aux chapitres 22 et 23 de la Conven
tion, et la Loi fédérale ne contient aucune disposition explicite
au sujet de cette nomination. Puisque le décret n'a pas été pris
en vertu du paragraphe 3(5) de la Loi fédérale, l'administrateur
fédéral n'était pas un «office fédéral». De plus, le décret ne
saurait être un règlement puisqu'il est dépourvu du caractère
général et impersonnel d'une norme législative.
Les intimés font valoir que la Convention tenait la totalité de
sa validité de la Loi fédérale et non d'elle-même en tant que
contrat.
Arrêt: l'appel devrait être rejeté.
La Section de première instance avait compétence en vertu
des articles 2 et 18 de la Loi sur la Cour fédérale.
Ni le Canada ni le Québec ne saurait prétendre à lui seul
donner force de loi à l'ensemble de la Convention en l'ajoutant
à sa Loi comme annexe. Ni l'une ni l'autre législature n'a tenté
d'agir de la sorte.
Il ressort des principales dispositions de la Convention qu'elle
n'était censée avoir un effet juridique en tant que contrat que
durant une période d'au plus deux ans (sauf prorogation par
consentement de toutes les parties). On a voulu qu'elle soit un
contrat ayant reçu force de loi, qui tire son plein effet juridique
même comme contrat des lois qui doivent lui donner force et
validité. Il n'y a aucune confusion de compétence, puisque tant
le Canada que le Québec doivent légiférer. Il importe peu que
la loi portant validation soit une loi unique aussi bien du
Parlement que de l'Assemblée nationale ou un ensemble de lois.
Le caractère législatif de la Convention ressort aussi des
principes directeurs prévus aux chapitres 22 et 23 de celle-ci.
Les gouvernements doivent tenir compte des droits de tous les
peuples, non seulement de ceux des peuples autochtones. L'in-
tention du législateur était non pas d'englober la Convention
comme partie de la loi au sens étroit, mais de façon plus
étendue, de lui donner son caractère, son effet et sa validité en
tant que loi. L'article 3 de la Loi fédérale donne à la Conven
tion force de loi. Il accomplit au moyen de la loi ce que
demande et exige la Convention, comme condition de sa propre
validité. Les paragraphes 3(3) (extinction de toutes les préten-
tions autochtones au territoire) et (4) (indemnité monétaire
exempte d'impôt) ne seraient pas superflus si la Convention
devait avoir force de loi.
La nomination a été faite, non par le gouvernement du
Canada en qualité de partie contractante en vertu de la Con
vention, mais par le gouverneur en conseil agissant législative-
ment. Le document constatant la nomination n'est pas la source
de la compétence ou des pouvoirs. L'article 2 de la Loi sur la
Cour fédérale exige que la compétence ou les pouvoirs exercés
par l'administrateur soient prévus par une loi fédérale, mais il
n'exige pas que sa nomination soit prévue par celle-ci.
Il importe peu que le décret nommant l'administrateur fédé-
ral soit ou non un règlement tel que défini dans la Loi sur les
textes réglementaires et dans la Loi d'interprétation. Tout ce
qui compte, c'est la source des pouvoirs de l'administrateur, une
fois nommé. Indépendamment de la qualification du décret,
l'administrateur est un «office fédéral» aux fins des articles 2 et
18 de la Loi sur la Cour fédérale en ce sens que les pouvoirs
qu'il tient de la Convention lui sont conférés par la Loi fédérale
plutôt que par la Convention elle-même. À cet égard, ses
pouvoirs font un avec tout le reste de la Convention: ils
procèdent de la Loi fédérale.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Charte de la langue française, L.Q. 1977, chap. 5.
Convention de la Baie James et du Nord québécois.
Loi approuvant la Convention de la Baie James et du
Nord québécois, L.Q. 1976, chap. 46.
Loi approuvant la Convention du Nord-Est québécois,
L.Q. 1978, chap. 98.
Loi concernant certains ministères, L.Q. 1979, chap. 77.
Loi concernant l'Administration régionale crie, L.Q.
1978, chap. 89.
Loi concernant le régime des terres dans les territoires de
la Baie James et du Nouveau-Québec, L.Q. 1978,
chap. 93.
Loi concernant les autochtones cris et Inuit, L.Q. 1978,
chap. 97.
Loi concernant les dispositions législatives prévues par la
Convention du Nord-Est québécois et modifiant d'au-
tres dispositions législatives, L.Q. 1979, chap. 25.
Loi concernant les droits de chasse et de pêche dans les
territoires de la Baie James et du Nouveau-Québec,
L.Q. 1978, chap. 92.
Loi concernant les villages cris, L.Q. 1978, chap. 88.
Loi concernant les villages nordiques et l'Administration
régionale Kativik, L.Q. 1978, chap. 87.
Loi constituant la Société de développement autochtone
de la Baie James, L.Q. 1978, chap. 96.
Loi constituant la Société de développement des Naska-
pis, L.Q. 1979, chap. 26.
Loi constituant la Société des travaux de correction du
Complexe La Grande, L.Q. 1978, chap. 95.
Loi constituant la Société Makivik, L.Q. 1978, chap. 91.
Loi constituant le Conseil régional de zone de la Baie
James, L.Q. 1978, chap. 90.
Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Vict., chap. 3
(R.-U.) (mod. par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982,
chap. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de
1982, n° 1) [L.R.C. (1985), appendice II, n° 5], art. 18,
91(24).
Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur
le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985),
appendice II, n° 44], art. 35.
Loi de l'extension des frontières du Québec, 1912, S.C.
1912, chap. 45.
Loi d'interprétation, L.R.C. (1985), chap. I-21.
Loi modifiant de nouveau la Loi de la qualité de l'envi-
ronnement, L.Q. 1978, chap. 94.
Loi modifiant la Loi sur l'aide sociale, L.Q. 1976, chap.
28.
Loi modifiant la Loi sur l'instruction publique, L.Q.
1978, chap. 78.
Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les
services sociaux, L.Q. 1977, chap. 48.
Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), chap. F-7, art.
2, 18, 23, 25, 44.
Loi sur la sécurité du revenu des chasseurs et piégeurs
cris bénéficiaires de la Convention de la Baie James et
du Nord québécois, L.Q. 1979, chap. 16.
Loi sur le règlement des revendications des autochtones
de la Baie James et du Nord québécois, S.C. 1976-77,
chap. 32, art. 3.
Loi sur les corps de police des villages cris et du village
naskapi, L.Q. 1979, chap. 35.
Loi sur les Cris et les Naskapis du Québec, S.C. 1984,
chap. 18.
Loi sur les textes réglementaires, L.R.C. (1985), chap.
S-22.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
ITO — International Terminal Operators Ltd. c. Miida
Electronics Inc. et autre, [1986] 1 R.C.S. 752; (1986), 28
D.L.R. (4th) 641; 34 B.L.R. 251; 68 N.R. 241; Simon c.
La Reine et autres, [1985] 2 R.C.S. 387; (1985), 71
N.S.R. (2d) 15; 24 D.L.R. (4th) 390; 171 A.P.R. 15; 23
C.C.C. (3d) 238; [1986] 1 C.N.L.R. 153; 62 N.R. 366;
Coon Come c. La Commission hydroélectrique de
Québec, n° 500-05-004330-906, juge LeBel, jugement en
date du 28-6-90, C.S. Qc, encore inédit; Canada (Procu-
reur général) c. Coon Come, [1991] R.J.Q. 922 (C.A.).
DISTINCTION FAITE AVEC:
Association des Employés de Radio et Télévision du
Canada (SCFP-CTC) c. La Société Radio-Canada,
[1975] 1 R.C.S. 118; (1973), 40 D.L.R. (3d) 1; [1974] 1
W.W.R. 430; Rogers c. Le Conseil des ports nationaux,
[1979] 1 C.F. 90 (C.A.); Southam Inc. c. Canada (Pro-
cureur général), [1990] 3 C.F. 465; (1990), 73 D.L.R.
(4th) 289 (C.A.).
DÉCISIONS EXAMINÉES:
Canadian Northern Pacific Railway Company v. New
Westminster Corporation, [1917] A.C. 602 (P.C.); Re
City of Toronto and Toronto and York Radial R. W. Co.
and County of York (1918), 42 O.L.R. 545; 43 D.L.R.
49; 23 C.R.C. 218 (Div. App.); Winnipeg v. Winnipeg
Electric Ry. Co. (1921), 31 Man. R. 131; 29 D.L.R. 251;
[1921] 2 W.W.R. 282 (C.A.); Ottawa Electric Railway
Co. v. The City of Ottawa, [1945] R.C.S. 105; (1944), 57
C.R.T.C. 273; Re Carter and the City of Sudbury,
[1949] O.R. 455; [1949] 3 D.L.R. 756; 64 C.R.T.C. 113
(H.C.); Houde c. Commission des écoles catholiques de
Québec, [1978] 1 R.C.S. 937; (1977), 80 D.L.R. (3d)
542; 17 N.R. 451; P.G. du Québec c. Albert, [1983]
C.S.P. 1017 (Qué.); P.G. du Québec c. Collier, [1983]
C.S. 366 (Qué.); P.G. du Québec c. Collier, [1985] C.A.
559; (1985), 23 D.L.R. (4th) 339 (Qué.); Québec (Procu-
reur général) c. Brunet; Québec (Procureur général) c.
Albert; Québec (Procureur général) c. Collier, [1990] 1
R.C.S. 260; (1990), 66 D.L.R. (4th) 575; Chait c. Nor
thern Quebec Inuit Association, [1986] R.J.Q. 929
(C.S.); Roberts c. Canada, [1989] 1 R.C.S. 322; [1989] 3
W.W.R. 117; (1989), 35 B.C.L.R. (2d) 1; 25 F.T.R. 161;
92 N.R. 241.
DÉCISIONS CITÉES:
R. c. Sioui, [1990] 1 R.C.S. 1025; (1990), 30 Q.A.C.
287; 70 D.L.R. (4th) 427; 56 C.C.C. (3d) 225; [1990] 3
C.N.L.R. 127; 109 N.R. 22.
AVOCATS:
Jean Bouchard et Robert Monette pour l'ap-
pelant (intervenant) le procureur général du
Québec.
James A. O'Reilly, Peter W. Hutchins, Kath-
leen Lawand et Franklin S. Gertler pour les
intimées (requérants).
J. M. Aubry pour le mis en cause (intimé)
Raymond Robinson.
Georges Emery, c.r. et Sylvain Lussier pour
la mise en cause (intervenante) Hydro -
Québec.
Gérard Dugré et John D. Hurley pour l'inter-
venante la Société Makivik.
PROCUREURS:
Bernard, Roy & Associés, Montréal, pour
l'appelant (intervenant) le procureur général
du Québec.
O'Reilly, Mainville, Montréal, pour les inti-
mées (requérantes).
Le sous-procureur général du Canada pour le
mis en cause (intimé) Raymond Robinson.
Desjardins, Ducharme, Montréal, pour la
mise en cause (intervenante) Hydro-Quebec.
Byers, Casgrain, Montréal, pour l'interve-
nante la Société Makivik.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE MACGUIGAN, J.C.A.: Cette affaire
examine les rapports entre la Convention de la
Baie James et du Nord québécois («la Conven
tion»), Éditeur officiel du Québec, 1976, qui a été
passée à Québec le 11 novembre 1975, la Loi sur
le règlement des revendications des autochtones
de la Baie James et du Nord québécois («la Loi
fédérale»), S.C. 1976-1977, chap. 32, qui a été
sanctionnée le 14 juillet 1977, et la Loi approu-
vant la Convention de la Baie James et du Nord
québécois («la Loi provinciale»), L.Q. 1976,
chap. 46, sanctionnée le 30 juin 1976. Une seule
autre loi fédérale pourrait être considérée comme
étant prise en application de la Convention: la Loi
sur les Cris et les Naskapis du Québec, S.C. 1984,
chap. 18. D'autre part, les intervenants ont men-
tionné 22 autres lois provinciales de mise en oeuvre
de la Convention'. Pour simplifier, je renverrai
aux Lois fédérales et aux Lois provinciales en
1 Loi modifiant la Loi sur l'aide sociale, L.Q. 1976, chap.
28; Loi modifiant la Loi sur les services de santé et les services
sociaux, L.Q. 1977, chap. 48; Loi modifiant la Loi sur l'ins-
truction publique, L.Q. 1978, chap. 78; Loi concernant les
(Suite à la page suivante)
utilisant le singulier, tout en tenant compte de
cette multiplicité.
La Convention a pris deux ans à se négocier
entre le Grand Council Association of the Crees of
Québec, la Northern Québec Inuit Association, le
gouvernement du Québec, la Société d'énergie de
la Baie James, la Société de développement de la
Baie James, la Commission hydroélectrique de
Québec, et le gouvernement du Canada. La Con
vention vise un territoire de quelque 410 000
milles carrés, qui est une partie des terres des
Territoires du Nord-Ouest qui ont été transférées
à la province de Québec par la Loi de l'extension
des frontières de Québec, 1912 [S.C. 1912, chap.
45] (< span> Loi de 1912»). Par la Loi de 1912, en plus
d'acquérir des terres, le Québec a assumé l'obliga-
tion de régler les questions relatives aux terres et
les autres revendications que pourraient soulever
les autochtones. Cette obligation est restée non
définie jusqu'à l'entrée en vigueur de la Conven
tion.
(Suite de la page précédente)
villages nordiques et l'Administration régionale Kativik, L.Q.
1978, chap. 87; Loi concernant les villages cris, L.Q. 1978,
chap. 88; Loi concernant l'Administration régionale crie, L.Q.
1978, chap. 89; Loi constituant le Conseil régional de zone de
la Baie James, L.Q. 1978, chap. 90; Loi constituant la Société
Makivik, L.Q. 1978, chap. 91; Loi concernant les droits de
chasse et de pêche dans les territoires de la Baie James et du
Nouveau-Québec, L.Q. 1978, chap. 92; Loi concernant le
régime des terres dans les territoires de la Baie James et du
Nouveau-Québec, L.Q. 1978, chap. 93; Loi modifiant de nou-
veau la Loi de la qualité de l'environnement, L.Q. 1978,
chap. 94; Loi constituant la Société des travaux de correction
du Complexe La Grande, L.Q. 1978, chap. 95; Loi constituant
la Société de développement autochtone de la Baie James,
L.Q. 1978, chap. 96; Loi concernant les autochtones cris et
Inuit, L.Q. 1978, chap. 97; Loi approuvant la Convention du
Nord-Est québécois, L.Q. 1978, chap. 98; Loi concernant les
dispositions législatives prévues par la Convention du Nord-
Est québécois et modifiant d'autres dispositions législatives,
L.Q. 1979, chap. 25; Loi constituant la Société de développe-
ment des Naskapis, L.Q. 1979, chap. 26; Loi sur la sécurité du
revenu des chasseurs et piégeurs cris bénéficiaires de la Con
vention de la Baie James et du Nord québécois, L.Q. 1979,
chap. 16; Loi sur les corps de police des villages cris et du
village naskapi, L.Q. 1979, chap. 35; Charte de la langue
française, L.Q. 1977, chap. 5; Amendements en 1976, 1977 et
1978 au Code civil, au Code de procédure civile et à la Loi de
la division territoriale, L.R.Q., chap. D-11; Loi concernant
certains ministères, L.Q. 1979, chap. 77.
Aux termes de la Convention et des Lois fédéra-
les et provinciales, les Cris et les Inuit renonçaient
aux droits auxquels ils prétendaient sur le terri-
toire visé en retour des droits et des avantages que
les deux gouvernements leur accordaient. Comme
conséquence, le gouvernement du Québec a, pour
la première fois, étendu son administration, ses
lois, ses services et ses structures gouvernementales
à tout le territoire, et la Phase I du développement
du pouvoir hydroélectrique recherché par la pro
vince a pu être mise en oeuvre.
La Convention a établi trois catégories à l'égard
des terres: les terres de la catégorie I (3 250
milles carrés) ont été allouées aux autochtones
pour qu'ils les utilisent et les gèrent à l'exclusion
de tous autres; les terres de la catégorie II com-
prenaient des terres où les autochtones devaient
jouir de droits exclusifs de chasse, de pêche et de
trappage, sans y avoir toutefois aucun droit parti-
culier d'occupation; et les terres de la catégorie III
se composaient de la plupart des terres restantes,
soit des terres publiques auxquelles toute la popu
lation, y compris mais non exclusivement les
autochtones, devait avoir accès à toutes fins, dont
la chasse, la pêche et le trappage, conformément
aux lois et aux règlements ordinaires du Québec.
La Convention établissait aussi des régimes de
protection de l'environnement et du milieu social à
l'égard du territoire visé. Le chapitre 22 de la
Convention portait sur tout le territoire au sud du
55e parallèle et sur quelques terres de catégorie I
et II au nord de ce parallèle. Le régime de protec
tion de l'environnement et du milieu social prévu
au chapitre 23 s'appliquait à tout le territoire au
nord du 55e parallèle à l'exception des terres visées
au chapitre 22.
Le présent administrateur fédéral, Raymond
Robinson («Robinson») a été nommé par le décret
C.P. 1988-1800, en date du 25 août 1988, libellé
comme suit (Dossier d'appel, à la page 166):
Sur avis conforme du ministre de l'Environnement et du
ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien et en vertu
du sous-alinéa 22.1.1(H) et l'alinéa 23.1.2 de la Convention de
la Baie James et du Nord québécois, il plaît à son Excellence le
Gouverneur général en conseil de nommer M. Raymond Ro-
binson, président exécutif du Bureau fédéral d'examen des
évaluations environnementales, administrateur en matière de
compétence fédérale aux fins des articles 22 et 23 de ladite
Convention, à titre amovible, en remplacement de M. Gilles
Lamoureux.
Au cours des derniers mois, le gouvernement du
Québec, la Société de la Baie James et Hydro -
Québec ont rendu publique leur intention de procé-
der à la Phase II du développement du pouvoir
hydroélectrique, devant être désignée sous le nom
de Projet hydroélectrique de la rivière Grande
Baleine et il y a eu appel d'offres pour le déblaie-
ment et la construction d'une voie d'accès. Les
ministres fédéraux se sont montrés d'avis à l'ori-
gine qu'une évaluation environnementale devrait
précéder la Phase II, mais en novembre 1990
Robinson a informé les Cris qu'il n'avait pas
mandat de réaliser une évaluation environnemen-
tale fédérale. Puis, le 12 février 1991, le gouverne-
ment du Canada a conclu une entente avec le
gouvernement du Québec excluant le processus
fédéral d'évaluation des répercussions sur l'envi-
ronnement prévu aux chapitres 22 et 23 de la
Convention. Une semaine plus tard, le 19 février
1991, les requérants autochtones ont présenté cette
demande auprès de la Section de première instance
pour forcer Robinson à entreprendre ce processus
d'évaluation environnementale.
I
L'affaire a débuté devant la Section de première
instance par une requête présentée par les intimés/
requérants en vue d'obtenir une ordonnance de
mandamus contre le mis en cause/intimé Robin-
son, lui ordonnant d'observer, en sa qualité d'admi-
nistrateur fédéral, les chapitres 22 et 23 de la
Convention et la Loi fédérale relativement au
Projet hydroélectrique de la rivière Grande
Baleine, et plus précisément de mettre en oeuvre le
processus d'évaluation et d'examen des répercus-
sions prévu par lesdits chapitres de la Convention
et par la Loi fédérale ou, subsidiairement, les
intimés/requérants sollicitaient une injonction ou
autre réparation enjoignant à Robinson de se con-
former auxdits chapitres et de mettre en oeuvre le
processus en cause.
Le 13 mars 1991, le juge Rouleau [[1991] 2
C.F. 422] statuait que la Section de première
instance était compétente à être saisie de la
requête en réparation, rejetant l'objection prélimi-
naire de l'appelant/intervenant et accueillant la
position des intimés/requérants. Robinson, le mis
en cause/intimé, représenté par le procureur géné-
ral du Canada, a pris la même position devant le
juge Rouleau que l'appelant/intervenant (mais il
n'a présenté aucune observation dans le cadre de
cet appel).
La Cour suprême du Canada a récemment for-
mulé de nouveau les conditions essentielles à la
compétence de la Cour fédérale dans l'arrêt ITO—
International Terminal Operators Ltd. c. Miida
Electronics Inc. et autre, [1986] 1 R.C.S. 752, à
la page 766:
1. Il doit y avoir attribution de compétence par une loi du
Parlement fédéral.
2. Il doit exister un ensemble de règles de droit fédérales qui
soit essentiel à la solution du litige et constitue le fondement de
l'attribution légale de compétence.
3. La loi invoquée dans l'affaire doit être «une loi du Canada»
au sens où cette expression est employée à l'art. 101 de la Loi
constitutionnelle de 1867.
Le juge Rouleau a conclu que cette affaire relevait
clairement de la compétence de la Cour fédérale
en vertu des conditions 2 et 3 et que seule la
première condition laissait place au doute. Et seule
la première condition a été mise en question devant
cette Cour.
La compétence de la Section de première ins
tance est, à première vue, fondée sur l'article 18
de la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985),
chap. F-7, dont voici le libellé:
18. La Section de première instance a compétence exclusive,
en première instance, pour:
a) décerner une injonction, un bref de certiorari, de manda-
mus, de prohibition ou de quo warranto, ou pour rendre un
jugement déclaratoire contre tout office fédéral;
b) connaître de toute demande de réparation de la nature
visée par l'alinéa a), et notamment de toute procédure enga
gée contre le procureur général du Canada afin d'obtenir
réparation de la part d'un office fédéral.
L'article 18 prévoit la délivrance d'un bref de
mandamus ou d'injonction contre un «office fédé-
ral». Cette expression est définie comme suit à
l'article 2 de la Loi sur la Cour fédérale 2 :
«office fédéral» Conseil, bureau, commission ou autre orga-
nisme, ou personne ou groupe de personnes, ayant, exerçant
ou censé exercer une compétence ou des pouvoirs prévus par
une loi fédérale, à l'exclusion d'un organisme constitué sous
le régime d'une loi provinciale ou d'une personne ou d'un
2 Dans la Loi sur la Cour fédérale telle qu'elle a été adoptée
à l'origine, S.C. 1970-71-72, chap. 1, la même définition se
trouvait à l'art. 2g), et cette référence se trouve parfois dans la
documentation en l'espèce.
groupe de personnes nommées aux termes d'une loi provin-
ciale ou de l'article 96 de la Loi constitutionnelle de 1867.
La question litigieuse tient donc à savoir si Robin-
son a exercé «une compétence ou des pouvoirs
prévus par une loi fédérale», les intervenants 3 se
montrant d'avis que la Convention est un contrat,
non une loi fédérale, et que le décret qui a nommé
Robinson n'est pas un texte législatif.
Le juge de première instance a traité de la
question comme suit (aux pages 429 432):
Dans leur argument initial, les intimés, ainsi que les interve-
nants, ont allégué que la loi adoptée par le Parlement du
Canada pour ratifier la Convention n'a pas, en soi, incorporé
toute la teneur de la Convention, qu'il ne s'agissait pas d'une loi
à proprement parler, qu'il n'en est donc découlé aucune compé-
tence fédérale; puisqu'il ne s'agissait pas d'une loi, la nomina
tion de M. Robinson, par décret, n'a donc pas été faite par un
texte législatif et cette Cour n'était pas habilitée à accorder la
réparation sollicitée. La plupart des avocats ont invoqué et cité
à mon intention un extrait de Halsbury's Laws of England, 4e
éd., au paragraphe 938, volume 44 pour dire que, en interpré-
tant ce qui y était contenu, la simple ratification d'un contrat
par le Parlement n'avait pas la force et l'effet d'une loi. Voici
cet extrait:
[TRADUCTION] 938. Confirmation de contrats au moyen
d'une loi. Lorsqu'un contrat est confirmé par une loi, on ne
saurait contester sa validité. On ne saurait par exemple le
contester pour incertitude ou absence de lien de cause à effet.
De même, il importe peu qu'il crée un droit qui ne pourrait
normalement procéder des contrats. Il ne s'ensuit pas que,
parce qu'il est confirmé par une loi, un contrat a la force et
l'effet d'une loi, mais les termes dans lesquels il est confirmé
peuvent indiquer que le législateur voulait en faire un texte
de droit positif comme si le contrat était devenu partie de la
loi, et il aura certainement un tel effet si la loi en question,
outre le fait qu'elle le confirme, exige expressément son
exécution. Un contrat ayant des effets aussi substantiels peut
en conséquence toucher les personnes qui n'y sont pas parties.
La plupart des autres auteurs et précédents invoqués par
l'intimé comme par les intervenants n'avaient aucun rapport
avec l'espèce. Ces magistères portent sur les cas où une compé-
tence spécifique a été attribuée à d'autres organismes comme
sur les cas où la compétence revenait inéluctablement aux cours
supérieures provinciales.
J'estime que les avocats ont, à l'évidence, mal interprété ce
passage. Une lecture attentive semblerait indiquer le contraire.
En fait, il laisse entendre que lorsque les termes de la loi
confirment clairement ce que le législateur voulait, et que la loi
exige expressément l'exécution de la teneur du contrat, ce
contrat fait partie de la loi. Le Parlement fédéral a confirmé la
3 Je désigne par ce mot l'appelant, le procureur général du
Québec, et l'autre intervenante, Hydra-Québec.
Convention par une loi adoptée le 14 juillet 1977, S.C. 1976-77,
chap. 32. Voici le paragraphe d'ouverture du préambule:
Loi approuvant, mettant en vigueur et déclarant valides certai-
nes conventions conclues entre le Grand Council of the Crees
(of Quebec), la Northern Quebec Inuit Association, le gou-
vernement du Québec, la Société d'énergie de la Baie James,
la Société de développement de la Baie James, la Commis
sion hydro-électrique de Québec et le gouvernement du
Canada et certaines autres conventions connexes auxquelles
est partie le gouvernement du Canada.
Le préambule explique en outre que le gouvernement du
Canada a, aux termes de cette Convention, contracté certaines
obligations à l'égard des Cris et des Inuit. Il y est dit que la
Convention prévoit la mise de côté pour les populations autoch-
tones de certaines terres pour la chasse, la pêche et la trappe en
vertu d'un régime établi; il appelle à leur pleine participation à
l'administration du Territoire; il tend à protéger et à promou-
voir leur avenir et à assurer leur participation au développe-
ment de leur territoire. Il fait état de l'établissement d'une
législation, d'une réglementation et de procédures destinées à
protéger l'environnement et, plus particulièrement, de mesures
de correction et autres relatives au développement hydro-élec-
trique.
Le préambule ajoute que, en contrepartie de la remise des
revendications autochtones à l'égard de cette partie du terri-
toire du Québec, le gouvernement du Canada reconnaît et
affirme une responsabilité particulière à l'égard de la protection
des droits, privilèges et avantages que la Convention accorde
aux populations autochtones (voir p. ex. l'article (3)). La
Convention a été déposée par le ministre des Affaires indiennes
et du Nord canadien, approuvée et déclarée valide par le
Parlement.
L'article 13 de la Loi d'interprétation [L.R.C. (1985), chap.
I-21] prévoit que le préambule d'une loi fait partie du texte et
en constitue l'exposé des motifs.
Comment peut-on prétendre que le Parlement n'a pas prévu
que la Convention faisait partie de la loi et du droit du
Canada? Je suis certain que le Parlement a voulu faire de la
Convention un texte de droit positif, comme si la Convention
était devenue partie de la Loi. L'intention du Parlement et la
fin qu'il vise semblent sans équivoque.
Je suis donc convaincu que la nomination de l'administra-
teur, en vertu du paragraphe 3(5) de la Loi, qui autorise le
gouverneur en conseil à établir les règlements nécessaires à
l'application de la Convention ou de l'une de ses dispositions, ne
découle pas d'une autorité fédérale/provinciale conjointe, mais
exclusivement d'un texte de loi fédéral.
Le décret précise que M. Robinson doit être l'administrateur
relativement aux questions de compétence fédérale aux fins des
articles 22 et 23 de la Convention de la Baie James et du Nord
québécois.
Ayant conclu que la Convention de la Baie James et du Nord
québécois fait partie de la loi fédérale, j'estime que M. Robin-
son est une personne qui exerce ses pouvoirs conférés par une
loi du Parlement ou en vertu de celle-ci, et est donc un «office
fédéral» aux termes de l'alinéa 2g) de la Loi sur la Cour
fédérale. Je conclus que l'article 18 de la Loi sur la Cour
fédérale m'habilite à connaître de la présente requête.
Au cas où l'analyse précédente se révélerait inexacte, je suis
d'avis que cette Cour a compétence soit en vertu de l'article 44
de la Loi sur la Cour fédérale soit dans l'exercice de ses
pouvoirs pour «la meilleure administration des lois du Canada»
(article 101 de la Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Vict.,
chap. 3 (R.-U.) (mod. par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982,
chap. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, n°
1) [L.R.C. (1985), appendice II, n° 5]). En l'espèce, nous
sommes en présence d'un administrateur fédéral sans qu'il y ait
une autorité ayant apparemment le pouvoir de réviser ses actes
ou omissions. Il est bien établi que les personnes nommées par
le gouvernement fédéral doivent ou bien être expressément
régies par une réglementation applicable ou bien être assujet-
ties à un mécanisme de révision.
En l'absence d'un mécanisme de révision de ce genre et étant
donné que les Affaires indiennes et l'Environnement relèvent de
la compétence fédérale, il est peut-être «juste et opportun» pour
cette Cour d'envisager l'octroi d'un mandamus ou d'une injonc-
tion sous le régime de l'article 44 de la Loi sur la Cour
fédérale.
Dans l'arrêt ITO—International Terminal Operators Ltd. c.
Miida Electronics Inc. et autre, [1986] 1 R.C.S. 752, il a été
établi qu'il existe trois conditions essentielles pour déterminer si
cette Cour a compétence .. .
Il ne fait pas de doute que l'espèce remplit les conditions 2 et
3. La question à laquelle il faut répondre est «Doit-il y avoir
attribution de compétence par une loi du Parlement fédéral?»
Étant convaincu qu'il existe une lacune relativement à l'octroi
d'un rôle de contrôle sur M. Robinson, et n'étant pas en mesure
d'envisager un autre organisme pouvant exercer cette fonction,
je dois conclure que cette Cour a compétence pour réviser les
actes de M. Robinson.
En tirant cette conclusion, je dois me laisser guider par les
propos tenus par le juge en chef Dickson dans l'affaire R. c.
Sparrow, [1990] 1 R.C.S. 1075, où les tribunaux ont reçu
l'instruction selon laquelle «l'intention du Souverain d'éteindre
un droit ancestral doit être claire et expresse».
Je ressens profondément l'obligation de faire droit à la
requête. Toute décision contraire réveillerait chez les peuples
autochtones leur sentiment d'être opprimés par la société occi-
dentale et ses institutions. Cette Convention a été signée de
bonne foi pour la protection des peuples cris et inuit, non pour
les priver indûment de leurs droits et territoires. Viendrais-je à
décliner ma compétence, je ne vois pas quel autre tribunal
compétent serait en mesure de résoudre cette question.
Selon les observations des intervenants, qui me
semblent exactes, le juge de première instance a
fondé sa conclusion sur trois assises: (1) le texte
de la Convention a reçu de la loi fédérale le statut
de loi; (2) le décret nommant Robinson est un
règlement pris en application du paragraphe 3(5),
soit le pouvoir de réglementation de la Loi fédé-
rale; et (3) toute autre décision laisserait une
lacune dans la loi, privant les autochtones de toute
réparation.
La principale divergence d'opinions tenait au
premier fondement de la décision du juge. Il est
indéniablement vrai, comme l'ont dit les interve-
nants, que le mécanisme de nomination d'un admi-
nistrateur est prévu aux chapitres 22 et 23 de la
Convention, et que la Loi fédérale ne contient
aucune disposition explicite au sujet de cette
nomination.
Les intervenants ont soutenu qu'il n'a jamais
suffi qu'une loi mentionne simplement un contrat
ou une entente pour en faire une partie intégrante
de la loi, et ils nous ont renvoyés aux sources
suivantes: Canadian Northern Pacific Railway
Company v. New Westminster Corporation,
[1917] A.C. 602 (P.C.) (une entente jointe en
annexe à une loi, et dont il était dit qu'elle avait
été conclue comme si ses dispositions avaient été
expressément édictées et formaient partie inté-
grante de la Loi, a été déclarée avoir reçu force de
loi); Re City of Toronto and Toronto and York
Radial R.W. Co. and County of York (1918), 42
O.L.R. 545 (Div. App.) (aux termes d'une loi, les
privilèges et les droits créés par une entente exis-
taient et étaient valides dans la même mesure et de
la même façon que s'ils avaient été énoncés et
adoptés comme partie intégrante de la loi, de sorte
que ces droits et privilèges étaient tenus pour
édictés par une loi); Winnipeg v. Winnipeg Electric
Ry. Co. (1921), 31 Man. R. 131 (C.A.) (un arrêté,
joint en annexe à une loi et déclaré être validé et
confirmé à tous égards comme s'il avait été adopté
par la législature, ne se trouvait être qu'un arrêté
et non une partie de la loi); Ottawa Electric Rail
way Co. v. The City of Ottawa, [1945] R.C.S. 105
(la Cour suprême était partagée sur la question de
savoir si une entente avait simplement été validée
en tant que contrat ou si elle devait être considérée
comme ayant été adoptée comme loi); Re Carter
and the City of Sudbury, [1949] O.R. 455 (H.C.),
à la page 460 ([TRADucTIoN] «Il ne suffit pas
pour qu'une annexe ou une entente fassent partie
d'une loi que le libellé de la loi confirme ou
sanctionne simplement l'annexe ou l'entente»);
Houde c. Commission des écoles catholiques de
Québec, [1978] 1 R.C.S. 937 (dissidence du juge
Pigeon la question de savoir si l'appendice d'une
loi est moins obligatoire que la loi elle-même
dépend du caractère que la législature a donné à
l'appendice); P.G. du Québec c. Albert, [1983]
C.S.P. 1017 (Qué.) (le juge Dutil—le texte de
l'entente dans l'espèce ne fait pas partie du texte
de la loi provinciale); P.G. du Québec c. Collier,
[1983] C.S. 366 (Qué.) (le juge en chef Deschênes
s'est montré d'accord avec les motifs du juge
Dutil) 4 . Selon ce genre d'argument, le libellé de la
Loi fédérale au paragraphe 3(1) ne suffit pas à
faire de la Convention une loi. Voici le libellé en
question:
3. (1) La Convention est approuvée, mise en vigueur et
déclarée valide par la présente loi.
Ces mots, dit-on, ne vont même pas aussi loin que
ceux qui ont été trouvés insuffisants à réaliser le
même objet, par exemple dans l'arrêt Winnipeg
Electric Ry. Co., précité.
Les intervenants ont aussi établi une analogie
entre ces mots et la pratique parlementaire d'em-
ployer l'expression «est approuvé et a force de loi»
dans la mise à exécution des traités avec les autres
États. Dans la mesure où il s'agit d'un argument
terminologique, il reprend les mêmes considéra-
tions que les intervenants ont invoquées plus haut à
l'égard du paragraphe 3(1) de la Loi fédérale.
Dans la mesure où cet argument laisserait enten-
dre que les conventions avec les autochtones ont
qualité de traités internationaux, je rappellerais les
paroles du juge en chef Dickson dans l'arrêt Simon
c. La Reine et autres, [1985] 2 R.C.S. 387, la
page 404: «Un traité avec les Indiens est unique;
c'est un accord sui generis qui n'est ni créé ni
éteint selon les règles du droit international». Voir
aussi R. c. Sioui, [1990] 1 R.C.S. 1025, la
page 1038, les motifs du juge Lamer (aujourd'hui
juge en chef).
Les intervenants ont aussi souligné que, depuis
la signature de la Convention, dix conventions
supplémentaires modifiant la Convention ont été
jugées nécessaires. Pourrait-on dire que la Loi
fédérale a donné à chacune d'elles force de loi,
même à celles qui ont été conclues après l'adoption
4 Les arrêts Albert et Collier ont été confirmés par la Cour
d'appel du Québec, [1985] C.A. 559, et par la Cour suprême,
[1990] 1 R.C.S. 260 sans qu'il soit fait mention de ce point.
Mais, pour une opinion contraire, voir l'arrêt Chait c. Northern
Quebec Inuit Association, [1986] R.J.Q. 929 (C.S.) dans lequel
le juge Durand a statué que les dispositions de la Convention
visant la Northern Québec Inuit Association avaient reçu force
de loi de la Loi provinciale.
de cette loi? Comment un tel processus non limita-
tif pourrait-il être englobé par une loi de façon à
donner qualité de loi à toutes les modifications
apportées par la suite à la Convention?
Finalement, on a soutenu que, puisque la Con
vention concerne la compétence des instances fédé-
rale et provinciale, ni l'une ni l'autre ne pouvait, à
elle seule, donner force de loi à la Convention. On
doit présumer que le législateur entend légiférer
seulement dans les limites de sa compétence, et
donc qu'il ne saurait être censé légiférer de façon à
donner à la Convention force de loi.
On a tenté d'étayer et de développer ce point en
renvoyant aux dispositions de plusieurs articles de
la Convention qui traitent des modifications. L'ar-
ticle 5.6 qui suit est typique (Convention, à la
page 78):
5.6 Législation
Les dispositions du présent chapitre ne peuvent être amen-
dées qu'avec le consentement du Canada et de la partie
autochtone intéressée, pour les matières relevant de la com-
pétence fédérale et qu'avec le consentement du Québec et de
la partie autochtone intéressée pour les matières relevant de
la compétence provinciale.
Les lois adoptées pour mettre en vigueur les dispositions du
présent chapitre peuvent être modifiées en tout temps par
l'Assemblée nationale du Québec, pour les matières relevant
de la compétence provinciale et par le Parlement pour les
matières relevant de la compétence fédérale.
Pour traiter tout d'abord de cet argument, je
dois me dire incapable de voir comment de telles
dispositions favorisent le point de vue des interve-
nants, sauf en ce sens que ni le Canada ni le
Québec ne saurait prétendre à lui seul donner
force de loi à l'ensemble de la Convention, par
exemple en l'ajoutant à sa Loi comme annexe et
donc, pourrait-on prétendre, en incorporant le tout
dans sa législation. Autant que je puisse voir, ni
l'une ni l'autre législature n'a tenté d'agir de la
sorte. La véritable question porte sur le véritable
rapport entre la Convention et les Lois fédérales et
provinciales.
Les intimés ont soutenu le contraire des interve-
nants à tous égards. Ils ont toutefois adopté une
stratégie subsidiaire qui consiste non pas tellement
à faire face à l'attaque des intervenants qu'à la
prendre de flanc. Autrement dit, ils ont déclaré
que la question ne tenait pas à ce que la Conven
tion ait été adoptée comme loi dans son ensemble
par le Parlement (dans la mesure où s'exerce la
compétence législative fédérale) par le biais de la
Loi fédérale, mais plutôt à ce qu'elle tienne néan-
moins la totalité de sa validité de la Loi fédérale,
et non d'elle-même en tant que contrat. C'est ce
point de vue auquel je veux m'attacher, en considé-
rant tout d'abord la Convention plutôt que la Loi
fédérale pour découvrir l'intention du législateur
dans la Loi fédérale elle-même.
II
Le dernier attendu de la Convention est libellé
comme suit (la Convention, à la page 2):
ATTENDU QU'il est opportun de recommander au Parlement
et à l'Assemblée nationale du Québec que la présente Conven
tion (ci-après désignée par le terme «Convention») soit approu-
vée et qu'elle soit mise en vigueur par une législation
appropriée.
Immédiatement après cela, on trouve l'essentiel du
régime légal envisagé par la Convention au chapi-
tre 2, dont voici les dispositions pertinentes [aux
pages 6 à 141:
2.1 En considération des droits et des avantages accordés
aux présentes aux Cris de la Baie James et aux Inuit du
Québec, les Cris de la Baie James et les Inuit du Québec
cèdent, renoncent, abandonnent et transportent par les
présentes tous leurs revendications, droits, titres et inté-
rêts autochtones, quels qu'ils soient, aux terres et dans
les terres du Territoire et du Québec, et le Québec et le
Canada acceptent cette cession.
2.2 Par les présentes et dans la mesure de leurs obligations
respectives y énoncées, le Québec et le Canada, la
Société d'énergie de la Baie James, la Société de déve-
loppement de la Baie James et la Commission hydroé-
lectrique de Québec (Hydro -Québec) donnent, accor-
dent, reconnaissent et fournissent aux Cris de la Baie
James et aux Inuit du Québec les droits, privilèges et
avantages mentionnés aux présentes, le tout en considé-
ration des abandon, cession, renonciation et transport
mentionnés à l'article 2.1 des présentes.
Le Canada donne, par les présentes, son assentiment
et son consentement à la présente Convention et s'en-
gage, dans la mesure de ses obligations énoncées aux
présentes, à donner, accorder, reconnaître et fournir aux
Cris de la Baie James et aux Inuit du Québec les droits,
privilèges et avantages mentionnés aux présentes.
2.5 Dès la signature de la Convention, le Canada et le
Québec doivent recommander respectivement au Parle-
ment du Canada et à l'Assemblée nationale du Québec
une législation appropriée pour approuver la Conven
tion, la mettre en vigueur et la déclarer valide, et pour
protéger, sauvegarder et maintenir les droits et obliga
tions énoncés dans la Convention. Le Canada et le
Québec s'engagent à ce que la législation ainsi recom-
mandée ne modifie en rien la substance des droits,
engagements et obligations prévus à la Convention.
La législation fédérale et provinciale visant à approu-
ver la Convention, à la mettre en vigueur et à la déclarer
valide, si elle est adoptée, doit stipuler qu'en cas d'in-
compatibilité ou de conflit entre cette législation et les
dispositions de toute autre loi fédérale ou provinciale,
selon le cas, s'appliquant au Territoire, ladite législation
a prépondérance dans la mesure de cette incompatibilité
ou de ce conflit. Le Canada et le Québec reconnaissent
que les droits et avantages des Indiens et des Inuit du
Territoire sont tels qu'énoncés dans la Convention, et
acceptent de recommander que la législation fédérale et
provinciale approuvant la Convention, la mettant en
vigueur et la déclarant valide abroge les paragraphes c),
d) et e) de l'article 2 de la loi fédérale de l'extension des
frontières du Québec, 1912, et les mêmes paragraphes
de l'article 2 de la CÉDULE de la loi provinciale de
l'extension des frontières du Québec, 1912.
La législation approuvant la Convention, la mettant
en vigueur et la déclarant valide doit attribuer les terres
de la manière indiquée dans la Convention, nonobstant
toute autre loi ou tout autre règlement provincial.
2.6 La législation approuvant la Convention, la mettant en
vigueur et la déclarant valide doit éteindre tous les
revendications, droits, titres et intérêts autochtones,
quels qu'ils soient, de tous les Indiens et de tous les Inuit
aux terres et dans les terres du Territoire et les revendi-
cations, droits, titres et intérêts autochtones, quels qu'ils
soient au Canada, des Inuit de Port Burwell.
2.7 Pendant la période de transition de deux (2) ans men-
tionnée aux présentes, le Canada et le Québec doivent
prendre, dans la mesure de leurs obligations respectives,
les mesures nécessaires pour mettre en vigueur, à effet
de la date de la signature de la Convention, les disposi
tions transitoires dont il est fait mention dans la
Convention.
À l'exception de ces dispositions transitoires, la Con
vention entre en vigueur et lie les parties à la date à
laquelle les lois fédérales et provinciales approuvant
respectivement la Convention, la mettant en vigueur et
la déclarant valide sont toutes deux en vigueur.
Dès l'entrée en vigueur des lois fédérales et provincia-
les, les dispositions transitoires sont remplacées par
toutes les autres dispositions de la Convention. Tous les
actes faits par les parties en vertu desdites dispositions
transitoires sont alors considérés comme ayant été rati-
fiés par toutes les parties aux présentes.
2.9.8 Si la législation mentionnée à l'article 2.5 des présentes
n'entre pas en vigueur dans les deux (2) ans de la
signature de la Convention, alors, nonobstant les Dispo
sitions transitoires précisées aux présentes, aucune sti
pulation contenue dans la Convention ne saurait être
interprétée comme l'imposition d'une obligation pour le
Québec ou le Canada de continuer d'appliquer, en tout
ou en partie, les Dispositions transitoires ou de prolon-
ger tout autre obligation ou engagement mentionné
ailleurs dans la Convention. Toutefois, le Québec et le
Canada, dans la limite de leurs engagements respectifs,
conviennent de prendre en charge et d'appliquer les
Dispositions transitoires stipulées aux présentes, et les
Cris, les Inuit du Québec et les Inuit de Port Burwell
ont convenu de même en tenant pour acquise l'adoption
d'une législation appropriée donnant plein effet à la
Convention.
2.9.9 La période de transition peut être prolongée par consen-
tement des parties.
2.15 La Convention peut être amendée ou modifiée en tout
temps, selon les dispositions y prévues à cet effet ou, à
défaut, avec le consentement de toutes les parties. Si,
aux fins de la Convention ou en vertu de cette dernière,
il est requis un consentement pour amender ou modifier
les conditions de la Convention, ce consentement peut
être donné par les parties autochtones intéressées au
nom des autochtones, sauf stipulation contraire expresse
des présentes.
2.16 Dans les quatre(4) mois suivant la signature de la
Convention, celle-ci devra être soumise aux Cris et aux
Inuit à des fins de consultation et de confirmation et ce,
d'une façon qui soit acceptable au Canada. Les mesures
transitoires prévues aux présentes et les dispositions des
articles 25.5 et 25.6 ne prendront effet qu'à compter de
la date de cette confirmation mais elles seront rétroacti-
ves à la date de la signature de la Convention.
2.17 Le Canada et le Québec doivent recommander que le
Parlement et l'Assemblée nationale donnent effet à la
Convention par voie législative sous réserve des condi
tions de la Convention et de la compétence législative du
Parlement et de l'Assemblée nationale.
J'estime qu'il ressort à l'évidence de ces disposi
tions que la Convention n'était censée avoir un
effet juridique en tant que contrat que durant la
période de transition d'au plus deux ans (sauf
prorogation par consentement de toutes les par
ties). Après la période de transition «aucune stipu
lation contenue dans la Convention ne saurait être
interprétée comme l'imposition d'une obligation
pour le Québec ou le Canada de continuer d'appli-
quer, en tout ou en partie, les Dispositions transi-
toires ou de prolonger tout autre obligation ou
engagement mentionné ailleurs dans la Conven
tion».
En d'autres termes, à l'exception de ces disposi
tions transitoires, la Convention n'était pas censée
avoir le moindre effet comme contrat. L'intention
était qu'elle soit mise en vigueur par une loi: «la
Convention entre en vigueur et lie les parties à la
date à laquelle les lois fédérales et provinciales
approuvant respectivement la Convention, la met-
tant en vigueur et la déclarant valide sont toutes
deux en vigueur» (je souligne). Autrement dit, ce
doit être un contrat ayant reçu force de loi, qui tire
son plein effet juridique même comme contrat des
lois qui doivent lui donner force et validité. De
plus, il n'y a aucune confusion de compétence,
puisque tant le Canada que le Québec doivent
légiférer «sous réserve ... de la compétence législa-
tive du Parlement et de l'Assemblée nationale». Il
importe peu que la loi portant validation soit une
loi unique aussi bien du Parlement que de l'Assem-
blée nationale ou un ensemble de lois.
Le caractère législatif plutôt que purement con-
tractuel de la Convention ressort aussi des chapi-
tres 22 et 23, les dispositions directement pertinen-
tes en l'espèce. À l'alinéa 22.2.4 les principes
directeurs à l'intention des gouvernements et de
leurs organismes visent non seulement les peuples
et les terres autochtones, mais aussi toutes les
personnes et toutes les terres (la Convention aux
pages 329 et 330):
22.2.4 Les gouvernements responsables et les organismes
créés en vertu du présent chapitre, dans le cadre de
leur compétence ou de leurs fonctions respectives selon
le cas, accordent une attention particulière aux princi-
pes directeurs suivants:
g) les droits et les intérêts, quels qu'ils soient, des
non-autochtones,
h) le droit de procéder au développement qu'ont les person-
nes agissant légitimement dans le Territoire,
De plus, l'alinéa 22.5.1 (la Convention, à la page
335) prévoit que [t)ous les développements énumé-
rés à l'Annexe 1 sont automatiquement assujettis
aux processus d'évaluation et d'examen des réper-
cussions prévus dans les présentes. L'Annexe 1 du
chapitre 22 énonce ces développements en termes
généraux qui sont clairement destinés à s'appliquer
aux projets de tiers (la Convention à la page 345):
Développements futurs automatiquement soumis au processus
d'évaluation.
1. Toute nouvelle exploitation minière importante excluant
l'exploration.
2. L'emplacement et l'exploitation d'importants bancs d'em-
prunt, de carrières de sable, de gravier et d'autres carrières.
3. Production d'énergie:
(a) Centrales hydroélectriques et ouvrages connexes.
(b) Réservoirs d'emmagasinage et bassins de retenue d'eau.
(c) Lignes de transport à 75 kV et plus.
(d) Extraction et traitement de matières productrices
d'énergie.
(e) Centrales thermiques alimentées en combustibles fossiles,
d'une capacité de trois mille (3 000) kW.
4. Exploitations sylvicole et agricole:
(a) Grandes routes d'accès construites pour l'exploitation des
forêts.
(b) Usines de pâte et de papier ou autres usines reliées aux
activités forestières.
(c) En général, tout changement appréciable dans l'utilisa-
tion des terres qui influe de façon sensible sur une superficie
de plus de vingt-cinq milles carrés (25 mi 2 ).
5. Services communautaires et municipaux:
(a) Nouveaux et importants systèmes de captage et d'évacua-
tion des eaux usées domestiques.
(b) Collecte des déchets solides et leur disposition, y compris
l'enfouissement sanitaire et l'incinération.
(c) Projets de parcs, de réserves intégrales, de réserves
écologiques ou d'autres utilisations similaires des terres.
(d) Nouvelles pourvoiries pour plus de trente (30) personnes,
y compris les réseaux d'avant-postes.
(e) Nouvelles localités ou expansion appréciable des localités
existantes.
6. Transport:
(a) Routes d'accès aux localités autochtones et avoisinantes à
celles-ci.
(b) Installations portuaires.
(c) Aéroports.
(d) Chemins de fer
(e) Infrastructure routière en vue de nouveaux développe-
ments.
(f) Pipelines.
(g) Travaux de dragage pour l'amélioration de la navigation.
Il existe à l'Annexe 2 du chapitre 22 une autre
liste qui a trait aux développements futurs (eux
aussi énumérés en catégories générales) et qui
n'est pas soumise à l'évaluation des répercussions.
L'économie du chapitre 23 est semblable en ce
qui concerne ses aspects pertinents.
Lorsque, dans cette optique de la Convention,
nous nous penchons alors sur la Loi fédérale, il
devient évident que l'intention du législateur était
non pas d'englober la Convention comme partie de
la loi au sens étroit, mais de façon plus étendue de
lui donner son caractère, son effet et sa validité en
tant que loi. Après la formule selon laquelle «il y a
lieu pour le Parlement d'approuver, de mettre en
vigueur et de déclarer valide la Convention», l'arti-
cle 3 de la Loi donne à la Convention force de loi:
3. (1) La Convention est approuvée, mise en vigueur et
déclarée valide par la présente loi.
(2) Les bénéficiaires aux termes de la Convention ont, à
compter de l'extinction des revendications, droits, titres et
intérêts autochtones visés au paragraphe (3), les droits, privilè-
ges et avantages qu'elle prévoit.
(3) La présente loi éteint tous les revendications, droits, titres
et intérêts autochtones, quels qu'ils soient, aux terres et dans les
terres du Territoire, de tous les Indiens et de tous les Inuit, où
qu'ils soient, mais rien dans la présente loi ne porte atteinte aux
droits de telles personnes en tant que citoyens canadiens et
celles-ci continuent de bénéficier des mêmes droits et avantages
que tous les autres citoyens, et de ceux prévus dans la Loi sur
les Indiens, telle qu'applicable, et dans toute autre loi qui les
vise en tout temps.
(4) L'indemnité globale ainsi que toutes les sommes visées au
paragraphe 25.3 de la Convention sont exemptes d'impôt sui-
vant les modalités prévues audit paragraphe.
(5) Le gouverneur en conseil peut établir les règlements
nécessaires à l'application de la Convention ou de l'une de ses
dispositions.
À mon sens, l'article 3 de la Loi fédérale ne fait
qu'un avec la Convention. Il accomplit au moyen
de la loi précisément ce que demande et exige la
Convention, comme condition de sa propre
validité.
Je ne puis accueillir l'argument des intervenants
selon lequel les paragraphes (3) et (4) seraient
superflus si la Convention elle-même devait avoir
force de loi. L'objet principal du paragraphe 3(3)
n'est pas seulement l'extinction de droits mais
aussi le maintien de droits, et le paragraphe 3(4)
est une disposition législative nécessaire a des fins
fiscales. De fait, la forme même de l'alinéa 25.3.1
de la Convention réclame la mise en application
législative (la Convention, à la page 422):
25.3.1 Le Canada et le Québec devront recommander au
Parlement du Canada et à l'Assemblée nationale du
Québec respectivement, dans le cadre de la législation
envisagée qui englobera et confirmera les dispositions
de la Convention, que les ... indemnités pécuniaires
... à verser aux Cris de la Baie James et aux Inuit du
Québec, soient exempts de toute forme d'imposition
pour ce qui est desdits montants ...
Il est aussi révélateur que cette clause de la Con
vention dit de la loi qu'elle «englobera» les disposi
tions de la Convention.
Les chapitres 22 et 23 de la Convention autori-
sent la nomination des administrateurs fédéral et
provincial. Le sous-alinéa 22.1.1(ii) donne de l'ad-
ministrateur la définition suivante [à la page 328]:
«toute(s) personne(s) autorisée(s) en tout temps
par le lieutenant-gouverneur en conseils à exercer
les fonctions décrites dans le présent chapitre, en
matière de compétence fédérale». De la même
façon, l'alinéa 23.1.2 dit ce qui suit [à la page
352]:
23.1.2 «administrateur» ou «administrateur fédéral», le minis-
tre fédéral de l'Environnement ou toute(s) autre(s)
personne(s) autorisée(s) en tout temps par le gouver-
neur en conseil à exercer les fonctions décrites dans le
présent chapitre, en matière de compétence fédérale;
Le décret C.P. 1988-1800, cité plus haut, qui
nomme Robinson l'administrateur actuel «en
matière de compétence fédérale», est donc expres-
sément pris, comme le dit le décret, «en vertu du
sous-alinéa 22.1.1(ii) et de l'alinéa 23.1.2» de la
Convention.
Les intervenants ont soutenu que parce que le
décret n'était pas un règlement pris en vertu du
paragraphe 3(5) de la Loi fédérale, et parce qu'il
précisait tirer son autorité des chapitres 22 et 23
de la Convention, Robinson n'était pas un «office
fédéral». De fait, a-t-on dit, le décret ne saurait
être un règlement puisqu'il était dépourvu du
caractère général et impersonnel d'une norme
législative et qu'il était simplement une décision
individuelle. D'autre part, les intimés ont affirmé
que la nomination de Robinson avait été faite non
par le. gouvernement du Canada en qualité de
partie contractante en vertu de la Convention,
mais par le gouverneur en conseil agissant législa-
tivement. Ils ont aussi fait valoir que, en tout état
de cause, le document constatant sa nomination ne
doit pas être confondu avec la source de sa compé-
tence ou de ses pouvoirs. L'article 2 de la Loi sur
la Cour fédérale exige donc non pas que sa nomi
nation soit prévue par une loi fédérale, mais que la
compétence ou les pouvoirs qu'il exerce soient
prévus par une loi fédérale. Je trouve cette distinc
tion convaincante.
Les deux parties ont cité libéralement la Loi sur
les textes réglementaires, L.R.C. (1985),
chap. S-22 et la Loi d'interprétation, L.R.C.
(1985), chap. 1-21. À mon sens, il importe peu que
s La version anglaise de la Convention se lit «by the Governor
in Council» et le fait que le sous-al. 22.1.1(i) a déjà traité de
l'administrateur «en matière de compétence provinciale», ainsi
que le reste du contexte (par exemple, l'usage du mot «adminis-
trateur» à l'al. 22.6.5) indiquent que la version anglaise est
correcte.
le décret C.P. 1988-1800 soit ou non un règlement
tel que défini dans ces Lois. Tout ce qui compte,
c'est la source des pouvoirs de l'administrateur,
une fois nommé. Ainsi, indépendamment de la
qualification du décret en question, l'administra-
teur est un «office fédéral» aux fins des articles 2 et
18 de la Loi sur la Cour fédérale en ce sens que les
pouvoirs qu'il tient de la Convention lui sont confé-
rés par la Loi fédérale plutôt que par la Conven
tion elle-même. À cet égard, ses pouvoirs font un
avec tout le reste de la Convention: ils procèdent
de la Loi fédérale.
III
Les intervenants soutiennent que trois arrêts mon-
trent clairement que l'administrateur ne peut être
«un office fédéral»: Association des Employés de
Radio et Télévision du Canada (SCFP-CTC) c.
La Société Radio-Canada, [1975] 1 R.C.S. 118;
Rogers c. Le Conseil des ports nationaux, [1979]
1 C.F. 90 (C.A.); Southam Inc. c. Canada (Procu-
reur général), [1990] 3 C.F. 465 (C.A.). A mon
avis, chacun de ces arrêts se distingue de l'espèce
par les faits qui lui sont propres.
Dans l'arrêt Association, où il était question
d'une sentence rendue par un conseil arbitral
nommé en vertu d'une convention collective, le
juge Laskin (tel était alors son titre), qui s'expri-
mait pour la Cour sur ce point, a dit (à la
page 134):
Je ne puis regarder la directive stricte d'insérer une disposition
pour le règlement [dans la Loi sur les relations industrielles et
sur les enquêtes visant les différends du travail, S.R.C. 1952,
c. 152, art. 19] définitif de tout différend concernant le sens ou
la violation des conditions d'une convention collective comme
ramenant tout instrument de semblable règlement, qu'il s'agisse
d'un conseil d'arbitrage comme c'est ici le cas ou de quelque
autre organisme, dans la catégorie des tribunaux publics qu'en-
visage la définition contenue à l'art. 2, al. g).
Le rapport entre la Loi sur les relations indus-
trielles et sur les enquêtes visant les différends du
travail [S.R.C. 1952, chap. 152] et la convention
collective en vertu de laquelle le conseil arbitral
avait reçu son mandat était évidemment très diffé-
rent de celui qui existe entre la Loi fédérale et la
Convention en l'espèce, ne possédant aucun des
liens étroits décrits plus haut.
L'arrêt Rogers traitait du rapport entre une
convention collective et le Code canadien du tra
vail, S.R.C. 1970, chap. L-1 (la loi qui a succédé
à la Loi sur les relations industrielles et sur les
enquêtes visant les différends du travail), la ques
tion tenant au caractère révisible de la décision
d'un policier agissant en vertu d'une convention
collective. L'issue a été la même que dans l'arrêt
Association, et l'affaire se distingue de la présente
pour les mêmes raisons.
L'affaire Southam portait sur le statut du Sénat
et d'un comité du Sénat en tant qu'«office fédéral».
En affirmant qu'ils ne répondaient pas à cette
définition, le juge en chef Iacobucci a écrit pour
cette Cour (aux pages 479 et 480):
J'estime cependant que les termes «prévus par une loi fédé-
rale» qui figurent à l'article 2 signifient que la source de la
compétence ou des pouvoirs qui sont prévus doit être une loi
fédérale. Or, les privilèges, immunités et pouvoirs du Sénat sont
prévus par la Constitution, pas par une loi, bien qu'ils soient
définis ou explicités par une loi. Une telle loi est donc l'expres-
sion des privilèges du Sénat, mais elle n'en n'est pas la source,
puisque celle-ci réside dans l'article 18 de la Loi constitution-
nelle de 1867.
Dans le cas ordinaire d'un office fédéral, il est juste de dire
que celui-ci est une émanation de l'exercice du pouvoir législatif
attribué au gouvernement fédéral par l'article 91 de la Loi
constitutionnelle de 1867 mais, dans un tel cas, c'est la loi
fédérale adoptée sous le régime de cet article qui attribue le
pouvoir ou la compétence à l'office fédéral, pas le pouvoir
général de faire des lois prévu à l'article 91. Tel qu'il est libellé,
l'article 18 de la Loi constitutionnelle de 1867 attribue directe-
ment une compétence au Sénat; par conséquent, ni le Sénat, ni
l'un de ses comités ne sont un office fédéral au sens de l'article
2 de la Loi sur la Cour fédérale. La Section de première
instance n'est donc pas compétente pour instruire la présente
action sous le régime de l'article 18 de la Loi sur la Cour
fédérale; dès lors, la première condition énoncée dans l'arrêt
ITO n'est pas remplie car aucun pouvoir n'est attribué par une
loi fédérale.
À mon sens, l'arrêt Southam appuie effectivement
la position subsidiaire des intimés, l'analogie
tenant au fait que le paragraphe 3(1) de la Loi
fédérale et l'article 18 de la Loi constitutionnelle
de 1867 [30 & 31 Vict., chap. 3 (R.-U.) (mod. par
la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11
(R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de
1982, n° 1 [L.R.C. (1985), appendice II, n° 5]]
sont la véritable source d'autorité dans leurs cas
respectifs, bien que la manifestation de cette auto-
rité puisse se trouver ailleurs, comme par exemple
dans la Convention.
Les deux côtés ont invoqué les décisions Coon
Come c. La Commission hydroélectrique de
Québec, No. 500-05-004330-906 rendue le 28 juin
1990 par le juge Hélène LeBel et, en appel,
Canada (Procureur général) c. Coon Come, [1991]
R.J.Q. 922 (C.A.), par le juge Louis LeBel de la
Cour d'appel du Québec. Il s'agissait, comme en
l'espèce, d'une action intentée par l'Administration
régionale crie et des alliés contre Hydro -Québec et
les procureurs généraux fédéral et provincial afin
d'obtenir une injonction permanente pour empê-
cher la mise en oeuvre du Projet hydroélectrique de
la rivière Grande Baleine. Le procureur général du
Canada a fait valoir un moyen déclinatoire en
vertu de l'article 163 du Code de procédure civile
[L.R.Q. 1977, chap. C-25] de la province Québec
en raison de la compétence de la Cour fédérale.
Tant la Cour de première instance que la Cour
d'appel ont conclu à la compétence de la Cour
supérieure du Québec sauf à l'égard du paragra-
phe I de la réparation recherchée, qui se lit
comme suit:
[TRADUCTION] I) Que le défendeur, le procureur général du
Canada, soit déclaré avoir violé:
1) les chapitres 22 et 23 de la Convention de la Baie James
et du Nord québécois ainsi que le Décret sur les lignes
directrices visant le processus d'évaluation et d'examen en
- matière d'environnement relativement au Projet hydroélectri-
que envisagé de la rivière Grande Baleine;
2) son obligation fiduciaire de protéger et de préserver les
droits et les intérêts des demandeurs relativement au Projet
hydroélectrique envisagé de la rivière Grande Baleine;
3) la Loi canadienne sur la protection de l'environnement
relativement au Projet hydroélectrique envisagé de la rivière
Grande Baleine.
En confirmant la décision du juge du procès, le
juge d'appel LeBel a estimé que c'est à bon droit
qu'elle avait conclu que le paragraphe I ne relevait
pas de la compétence de la Cour supérieure du
Québec puisque dans l'ensemble il visait la mise en
oeuvre de critères fédéraux en matière d'environne-
ment et non leur constitutionnalité. Il a pu sembler
aux intervenants que la Cour d'appel du Québec
appuyait leur cause lorsqu'elle a affirmé l'étendue
de la compétence des tribunaux québecois à
l'égard des questions constitutionnelles, y compris
celles qui sont soulevées par l'article 35 de la Loi
constitutionnelle de 1982 [annexe B, Loi de 1982
sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.) [L.R.C.
(1985), appendice II, n° 44]], mais en ce qui
concerne précisément l'objet du paragraphe I, qui
est presqu'identique à la cause d'action en l'espèce,
elle a confirmé la compétence de la Cour fédérale.
Les seules différences entre l'affaire Coon Come et
l'espèce tiennent à ce que le paragraphe I de la
demande conclut à un jugement déclaratoire plutôt
qu'à un bref de mandamus ou à une injonction, et
que les violations des obligations alléguées sont
plus inclusives dans l'affaire Coon Come.
Par conséquent, la Cour d'appel du Québec est
de fait parvenue à la même conclusion relative-
ment à la question litigieuse en l'espèce que le juge
du procès en l'espèce. La jurisprudence aussi bien
que le bon sens mènent donc à la conclusion que
l'administrateur fédéral est un «office fédéral» en
vertu des articles 18 et 2 de la Loi sur la Cour
fédérale, et que la Section de première instance a
compétence en la matière.
IV
Puisque j'estime la Section de première instance
compétente en vertu des articles 18 et 2 de la Loi
sur la Cour fédérale, je n'ai pas à étudier la source
susidiaire de compétence à l'article 44 de cette Loi
confirmée par le juge de première instance, ni ses
propos sur la «lacune», qui étaient sans doute reliés
aux articles 23 et 25 de cette Loi.
Je n'ai pas non plus jugé nécessaire de m'ap-
puyer sur le paragraphe 91(24) de la Loi constitu-
tionnelle de 1867 («Les Indiens et les terres réser-
vées pour les Indiens») ni sur l'article 35 de la Loi
constitutionnelle de 1982, et ses modifications
(«les droits existants-ancestraux ou issus de trai-
tés—des peuples autochtones du Canada»), bien
que la Cour suprême ait récemment statué à l'una-
nimité dans l'arrêt Roberts c. Canada, [1989] 1
R.C.S. 322 (motifs du juge Wilson) que le droit
applicable au titre aborigène était une loi du
Canada en tant que common law fédérale.
Conséquemment je rejetterais l'appel avec
dépens.
LE JUGE HUGESSEN, J.C.A.: Je souscris à ces
motifs.
LE JUGE DÉCARY, J.C.A.: Je souscris à ces
motifs.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.