T-398-90
Chang-Jie Chen (requérant)
c.
Ministre de l'Emploi et de l'Immigration et Secré-
taire d'État aux Affaires extérieures (intimés)
RÉPERTORIÉ: CHEN C. CANADA (MINISTRE DE L'EMPLOI ET
DE L'IMMIGRATION) (1" INST.)
Section de première instance, juge Strayer—
Toronto, 23 avril; Ottawa, 10 mai 1991.
Immigration — Demande de résidence permanente à titre
d'immigrant indépendant — Suffisamment de points d'appré-
ciation obtenus — Processus en suspens Le requérant
expédie à l'agent d'immigration une somme d'argent en guise
de cadeau de Noël — Il est convoqué à une entrevue devant un
autre agent — On ne lui dit pas dès le départ que la raison en
est le pot-de-vin — Après avoir commencé par nier, il a
finalement admis son comportement fautif Demande rejetée
(1) parce que le requérant a menti (2) parce que le nombre de
points d'appréciation obtenus ne reflète pas les chances du
requérant de s'établir — Décision annulée par voie de certio-
rari — Déni d'équité Explication de l'objet visé par l'art.
19(2)d) de la Loi Interprétation de l'art. 11(3) du Règle-
ment — Critères liés à la capacité d'un immigrant de subvenir
à ses besoins — L'agent des visas ne peut refuser de tenir
compte des points d'appréciation accordés, ni ajouter aux
infractions prévues à l'art. 19 à l'égard des catégories non
admissibles.
Contrôle judiciaire Brefs de prérogative Certiorari
Rejet de la demande de résidence permanente à titre d'immi-
grant indépendant — Le requérant obtient suffisamment de
points d'appréciation pour être accepté provisoirement — Pro
longation du processus d'acceptation — Le requérant expédie
un cadeau de Noël à l'agent d'immigration — Il est convoqué
à une entrevue devant un autre agent — On ne lui dit pas dès
le départ que la question porte sur le pot-de-vin — Après
avoir commencé par nier, il a finalement admis son comporte-
ment fautif — Rejet de la demande parce que le requérant a
menti à un agent Décision annulée pour déni d'équité Le
requérant n'a pas eu l'occasion d'expliquer sa conduite —
L'agent a agi au-delà du pouvoir discrétionnaire que lui
confère le Règlement — Il ne peut refuser de tenir compte des
points d'appréciation accordés, ni rejeter l'immigrant parce
qu'il pourrait avoir commis des infractions qui ne sont pas
visées à l'art. 19 de la Loi.
Il s'agit d'une demande visant à obtenir un bref de certiorari
annulant la décision par laquelle un agent de l'immigration a
refusé la délivrance d'un visa de résidence permanente, de
même qu'un bref de mandamus obligeant les intimés à exami
ner et à traiter la demande conformément à la loi. Le requé-
rant, technologue en microbiologie et citoyen de la République
populaire de Chine, a présenté au consulat général du Canada à
New York une demande de résidence permanente au Canada à
titre d'immigrant indépendant. Il a été interviewé en
septembre 1987 par une agente du programme d'immigration
et il a obtenu 73 points d'appréciation — résultat suffisant pour
obtenir un visa de résidence permanente en vertu du sous-ali-
néa 9(l)b)(i) du Règlement sur l'immigration. Il a par la suite
appris par lettre datée du 12 juillet 1988 que sa femme et lui
avaient été acceptés provisoirement comme immigrants, mais
qu'il leur fallait attendre quelques mois en raison des vérifica-
tions de sécurité. En décembre 1988, le requérant a expédié à
l'agente d'immigration une carte de Noël contenant une somme
de 500 $. Après que l'agente eut signalé ce fait à son supérieur,
le requérant a été convoqué à une entrevue devant un autre
agent d'immigration. L'agent qui a procédé à cette entrevue n'a
pas abordé immédiatement la question du présumé pot-de-vin.
Lorsqu'on lui a demandé s'il avait fait des cadeaux à l'autre
agent, le requérant a commencé par nier, mais il a finalement
admis son comportement fautif. Sa demande a été rejetée pour
deux motifs: (1) parce qu'il avait menti à un agent d'immigra-
tion, en contravention du paragraphe 9(3) de la Loi sur l'immi-
gration, ce qui le rendait inadmissible en vertu de l'ali-
néa 19(2)d) de la Loi, et (2) parce que le nombre de points
d'appréciation obtenus ne reflétait pas les chances du requérant
de s'établir avec succès au Canada (paragraphe 11(3) du
Règlement).
Les points en litige portaient sur la question de savoir si
l'agent d'immigration s'était acquitté de son devoir d'agir équi-
tablement, et si sa décision était fondée sur des motifs autorisés
expressément ou implicitement par la Loi et le Règlement.
Jugement: la demande devrait 'être accueillie.
La décision de l'agent d'immigration devait être annulée
parce qu'il y a eu déni d'équité. On aurait dû dès le début aviser
le requérant de l'objet de la deuxième entrevue: la question du
présumé pot-de-vin. Il ne s'agissait pas d'une entrevue ordi-
naire, puisqu'elle devait servir à revoir une appréciation anté-
rieure favorable à la suite de laquelle le requérant avait été
«accepté provisoirement>. En toute équité, l'agent aurait dû
donner au requérant toutes les occasions d'expliquer sa con-
duite. L'agent ne s'est pas acquitté de ce devoir.
Le fait pour le requérant de mentir au sujet de son cadeau à
l'agente d'immigration ne le rendait pas automatiquement
inadmissible. L'alinéa 19(2)d) est exprimé au présent et vise le
moment même où une décision finale est prise au sujet de
l'admissibilité, et non des événements antérieurs. Il a pour seul
objet de rendre inadmissible tous ceux qui ne remplissent pas
les conditions d'admissibilité prescrites par la Loi.
Pour répondre à la question de savoir si le pouvoir discrétion-
naire conféré en vertu du paragraphe 1 1(3) du Règlement avait
été exercé adéquatement, il était nécessaire d'interpréter cette
disposition. Il est inconcevable que cette disposition ait pour but
de donner à l'agent des visas un pouvoir illimité de décider qui
doit être admis. Les facteurs prévus par le Règlement sont liés
à la capacité d'un immigrant d'être soutenu financièrement par
d'autres personnes que l'État. Même les critères de «personna-
lité» étaient principalement liés à la capacité de subvenir à ses
propres besoins. Etant donné cet accent mis sur les facteurs
économiques, il est inconcevable que dans l'exercice de son
pouvoir discrétionnaire, un agent des visas puisse ne pas tenir
compte du nombre de points d'appréciation et rejeter une
demande d'immigration essentiellement pour des raisons non
économiques. Les «bonnes raisons» mentionnées au paragraphe
doivent être de nature à le porter à croire que l'immigrant n'est
pas en mesure de s'établir avec succès au sens économique du
terme. Si un immigrant doit être exclu parce qu'il est une
personne immorale, ou en raison de ses antécédents ou des
risques qu'il peut présenter en matière de criminalité ou de
sédition, cela doit se faire en vertu du processus prévu à l'article
19 et non par le biais de l'exercice par l'agent des visas du
pouvoir discrétionnaire que lui confère le paragraphe 11(3).
L'article 19 exclut les personnes qui ont commis dans le passé
ou qui sont susceptibles de commettre à l'avenir certains types
de crimes graves. L'agent avait rejeté la demande du requérant
parce qu'il pouvait avoir commis une infraction en contraven
tion de la Loi sur l'immigration et du Code criminel. L'agent
des visas a ainsi commis une erreur puisqu'il ne pouvait pas
ajouter à volonté aux catégories de contrevenants visés par les
exceptions ni prononcer de tels jugements de culpabilité.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Code criminel, L.R.C. (1985), chap. C-46, art.
12I (1)a)(i).
Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), chap. 1-2,
art. 9(3), 19(1)a), (2)d), 114(1)a).
Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172,
art. 8(i )a) (mod. par DORS/85-1038, art. 3),
9(1)b)(i) (mod. par DORS/83-675), art. 3; DORS/85-
1038, art. 4), 11(3) (mod. par DORS/81-461, art. 1);
annexe I (mod., idem, art. 8).
Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règle
324.
JURISPRUDENCE
DÉCISION APPLIQUÉE:
Kang c. Le ministre de l'Emploi et de l'Immigration,
f1981] 2 C.F. 807; (i981), 37 N.R. 551 (C.A.).
DÉCISIONS CITÉES:
Zeng c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigra-
tion) (1991), 12 Imm. L.R. (2d) i67 (F.C.A.); Uy c.
Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration),
[1991] 2 C.F. 201; (1991), i2 Imm. L.R. (2d) 172
(C.A.).
AVOCATS:
Diane C. Smith pour le requérant.
Lois Lehmann pour les intimés.
PROCUREURS:
Rotenberg & Martinello, Don Mills, Ontario,
pour le requérant.
Le sous-procureur général du Canada pour
les intimés.
Ce qui suit est la version française des motifs
de l'ordonnance rendus par
LE JUGE STRAYER:
Réparation demandée
Le requérant vise à obtenir un bref de certiorari
annulant une décision, rendue par un agent des
intimés, qui lui a été communiquée dans une lettre
du 14 février 1989 portant refus de sa demande de
résidence permanente au Canada. Il vise égale-
ment à obtenir un bref de mandamus obligeant les
intimés à examiner et à traiter sa demande de
résidence permanente conformément à la loi et à
déterminer s'il serait contraire à la loi de lui
accorder le droit d'établissement.
Faits
Le requérant est un citoyen de la République
populaire de Chine. Il a travaillé au Canada de
1983 1985 comme technologue en microbiologie
à l'université McMaster. Il est ensuite allé travail-
ler aux États-Unis, à l'université de l'Illinois, en
vertu d'un visa temporaire. Dans une lettre rédigée
par ses avocats de Toronto et datée du 27 juillet
1987, il a présenté au consulat général du Canada
à New York une demande de résidence perma-
nente au Canada à titre d'immigrant indépendant,
et mentionné le travail de technologue de labora-
toire médical comme profession envisagée. Le
29 septembre 1987, il a été interviewé au consulat
par Sara Trillo, agente du programme d'immigra-
tion. Au cours de l'entrevue, cette dernière a
apprécié sa demande, comme l'exige l'ali-
néa 8(1)a) du Règlement sur l'immigration de
1978 [DORS/78-172 (mod. par DORS/85-1038,
art. 3)], suivant les facteurs énumérés dans la
colonne I de l'annexe I [mod., idem, art. 8] du
Règlement, et lui a accordé 73 points d'apprécia-
tion. Ce résultat était suffisant pour répondre aux
exigences du sous-alinéa 9(1)b)(i) [mod. par
DORS/83-675, art. 3; DORS/85-1038, art. 4] pré-
voyant la délivrance d'un visa de résidence perma-
nente. L'agente affirme lui avoir indiqué qu'il
avait réussi l'entrevue et qu'il était alors nécessaire
que le requérant, sa femme et sa fille (cette der-
nière se trouvant en Chine) passent un examen
médical et une vérification de sécurité.
Près de quinze mois se sont écoulés sans que le
dossier avance beaucoup. Le requérant et son
épouse ont obtenu des autorisations médicales; leur
fille en Chine a finalement obtenu la sienne, bien
que dans son cas cela aît entraîné beaucoup de
difficultés et exigé des efforts particuliers de la
part de MTe Trillo. Dans une lettre datée du
12 juillet 1988, le requérant a appris que sa
femme et lui avaient été [TRADUCTION] «acceptés
provisoirement comme immigrants». La lettre
poursuivait:
[TRADUCTION] Si les exigences canadiennes en matière de
vérification de sécurité et d'examens médicaux sont satisfaites,
des visas de résidence permanente au Canada seront délivrés
Toutefois, lorsque le requérant et son avocat se
sont informés de l'état du dossier auprès
de Mme Trillo, en octobre 1988, celle-ci leur a
répondu qu'il restait l'étape du «contexte» ou des
vérifications de sécurité et que cela devrait prendre
[TRADUCTION] «quelques mois». Le requérant
était alors d'autant plus inquiet que son visa de
travail aux États-Unis expirait en septembre 1988.
Il a offert à deux occasions dans sa correspondance
de payer tous les [TRADUCTION] «coûts ou frais»
pour accélérer le processus. Vers le 2 décembre
1988, il a expédié à Mme Trillo une carte de Noël
dans laquelle il la remerciait de ses efforts. La
carte de Noël contenait la somme de 500 $ (améri-
cains). Mme Trillo a immédiatement signalé ce fait
à son supérieur, M. R. A. Nauman, gestionnaire
du programme, affaires sociales, responsable de
l'immigration au consulat. La question a alors été
portée devant Howard M. Spunt, consul (Immi-
gration), qui a demandé au requérant de se présen-
ter au consulat pour une entrevue fixée au 29 dé-
cembre 1988.
Sans entrer dans le détail de toutes les divergen
ces sur le déroulement de cette entrevue, il me
semble que M. Spunt n'a jamais, que ce soit dans
l'avis donné à M. Chen ou dans la première partie
de l'entrevue, indiqué que sa préoccupation princi-
pale portait sur le pot-de-vin que le requérant avait
apparemment offert à Mme Trillo, ni même qu'il
savait que Mme Trillo avait reçu de l'argent. Il a
examiné la demande de M. Chen, et la nouvelle
appréciation a donné des résultats semblables à
ceux qu'avait accordés Mme Trillo. Il a notamment
donné au requérant 7 des 10 points possibles, tout
comme l'avait fait Mme Trillo, sous la catégorie
«Personnalité», soit l'article 9 de la colonne I de
l'annexe I du Règlement. Il a ensuite abordé gra-
duellement le sujet du pot-de-vin apparent, en
demandant au requérant s'il avait fait des dons
à Mme Trillo ou s'il avait égaré des fonds récem-
ment. Le requérant a commencé par nier, mais il a
finalement admis avoir expédié de l'argent à Mme
Trillo. Il a expliqué que selon la coutume orientale,
on fait des dons à des amis spéciaux pendant la
période des Fêtes. Il a affirmé que sa femme et lui
avaient beaucoup apprécié les efforts déployés par
Mme Trillo à leur égard. (Il a par la suite prétendu
avoir envoyé l'argent pour couvrir tous les coûts
spéciaux qui pouvaient être nécessaires à l'avance-
ment du dossier, comme par exemple le recours à
des appels interurbains ou à des communications
par télex.) Plus tard au cours de l'entrevue, il a
offert des excuses pour ce qu'il a alors reconnu
comme un comportement fautif de sa part. L'ar-
gent lui a été remis et il a signé un reçu à cet
égard. À la fin de la rencontre, M. Spunt lui a
déclaré que sa demande serait examinée en tenant
compte de cette entrevue.
Le 26 janvier 1989, M. Spunt a écrit une note
de service à M. Nauman censément pour deman-
der son approbation, à titre d'agent d'immigration
supérieur, aux fins d'exercer, en vertu du
paragraphe 11(3) (mod. par. DORS/81-461, art.
1) du Règlement sur l'immigration de 1978, son
pouvoir discrétionnaire spécial de refuser un visa
d'immigrant à un requérant même si celui-ci a
obtenu le nombre de points d'appréciation requis
par l'article 9 du Règlement. Cette approbation
doit être obtenue par écrit conformément au
paragraphe 11(3). M. Nauman a approuvé cette
note de service le jour même en y apposant les
mots [TRADUCTION] «Je suis d'accord» et il a
donné des instructions pour qu'on rédige une lettre
de refus appropriée. La lettre de refus a été expé-
diée le 14 février 1989 et c'est la décision expri-
mée par cette lettre que le requérant demande à la
Cour d'annuler en l'espèce. Selon moi, cette lettre
porte un refus d'accorder la résidence permanente
essentiellement pour deux raisons: en premier lieu
parce que le requérant a menti à un agent des
visas, en contravention du paragraphe 9(3) de la
Loi [Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), chap.
I-2], et que cela signifie qu'il ne s'est pas conformé
à une condition de la Loi et que, partant, il n'est
pas admissible en vertu de l'alinéa 19(2)d) de la
Loi; en deuxième lieu, parce que M. Spunt a
exercé le pouvoir discrétionnaire, en vertu du para-
graphe 11(3) du Règlement, de refuser la demande
de M. Chen même si ce dernier avait obtenu le
nombre de points d'appréciation requis car, pour
reprendre les termes du paragraphe 11(3):
11....
(3) ... il existe de bonnes raisons de croire que le nombre de
points d'appréciation obtenu ne reflète pas les chances de [ce
requérant] ... de s'établir avec succès au Canada ...
Il y a lieu de noter en passant toute la frustra
tion et même le désespoir que peut déclencher un
tel processus chez les personnes qui sollicitent la
résidence permanente. Même si le requérant a subi
l'entrevue avec succès et qu'il a été approuvé provi-
soirement en vertu des points d'appréciation le
27 septembre 1987, le consulat n'a reçu les résul-
tats de la vérification de sécurité nécessaire pour
lui et sa famille que le 9 mai 1989. En attendant,
le requérant, sa femme et sa fille avaient tous
obtenu les autorisations médicales nécessaires mais
celles-ci, avec le temps, avaient expiré le 2 octobre
1988 (dans le cas du requérant et sa femme) et le
4 mars 1989 (dans le cas de leur fille en Chine).
Entre-temps, le requérant risquait d'avoir des diffi-
cultés aux Etats-Unis puisque son visa expirait en
septembre 1988, soit un an après la tenue de la
première entrevue relative à la demande de rési-
dence permanente au Canada. Ces circonstances
peuvent aider à expliquer le geste de M. Chen,
même si elles ne peuvent l'en excuser.
J'énoncerai tout autre fait pertinent dans mes
conclusions lorsque cela sera nécessaire. La pré-
sente requête a été entendue en partie en même
temps que celle de Parmjit Singh Mangat, n° du
greffe T-3161-90 [Mangat c. Canada (Ministre de
l'Emploi et de l'Immigration), encore inédite], et
certains des présents motifs s'appliqueront à cette
affaire.
Conclusions
Je conclus que la décision de M. Spunt expri-
mée dans la lettre du 14 février 1989 doit être
annulée pour plusieurs motifs.
En premier lieu, il y a eu déni d'équité. J'ac-
cepte, comme l'ont fait valoir les intimés, qu'il ne
s'agissait que d'un processus administratif et qu'il
était loisible à un agent des visas, soit M. Spunt,
d'examiner à nouveau une demande déjà traitée
par un autre agent des visas, afin de parvenir à une
conclusion finale. Il est évident qu'au sein d'un
organisme aussi vaste que la Commission de l'em-
ploi et de l'immigration, compte tenu des mises à
la retraite et du roulement des fonctionnaires à
divers postes, une demande qui a été à l'origine
examinée par un fonctionnaire peut faire l'objet
d'une décision finale ultérieure qui soit rendue par
un autre fonctionnaire en tenant compte de nou-
veaux renseignements ou de changements de cir-
constances. J'accepte aussi le principe qu'il n'ap-
partient pas au tribunal saisi d'un appel de réviser
les conclusions de fait tirées par un agent des visas.
Nonobstant tout ce qui précède, je crois cependant
qu'en toute équité dans les circonstances, l'agent
des visas était tenu, au moment de l'entrevue du
29 décembre 1988, d'aviser dès le début le deman-
deur de visa de l'objet réel de l'entrevue et de la
préoccupation principale de l'agent, soit le pré-
tendu pot-de-vin. Dans le cas d'une entrevue visant
à évaluer des questions générales telles que l'exis-
tence de considérations humanitaires, il pourrait
être permis de procéder indirectement; il s'agissait
toutefois en l'espèce d'une entrevue qui sortait de
l'ordinaire: elle devait servir à revoir une apprécia-
tion antérieure favorable, à la suite de laquelle le
requérant avait été [TRADUCTION] «accepté provi-
soirement» (pour reprendre l'expression figurant
dans la lettre du 12 juillet 1988 de Mme Trillo).
Cette acceptation était maintenant mise en péril
par un événement — le prétendu pot-de-vin. Les
résultats de l'entrevue pouvaient avoir des consé-
quences très importantes pour le requérant et
celui-ci aurait dû être avisé de ce qui préoccupait
l'agent des visas et qui exigeait des explications. Il
a fort bien pu se demander, par exemple, au fur et
à mesure de l'entrevue, si c'était sa conduite ou
celle de M me Trillo qui était en cause. L'agent des
visas, M. Spunt, peut fort bien, comme il le pré-
tend, avoir agi dans le but louable de permettre à
M. Chen d'expliquer sa conduite sans «perdre la
face». Toutefois, puisque M. Spunt avait connais-
sance d'un fait qui selon lui, à défaut d'explication,
suffisait à motiver le rejet de la demande de
M. Chen, il lui incombait de révéler ce fait et de
donner à M. Chen toutes les occasions de s'en
expliquer. L'équité est à ce prix.
Les autres causes d'invalidité invoquées, bien
que présentées sous diverses rubriques par l'avo-
cate, se résument à la question de savoir si la
décision de M. Spunt était fondée sur des motifs
autorisés expressément ou implicitement par la Loi
et le Règlement.
Pour répondre à cette question, j'aborderai la
première raison invoquée par M. Spunt dans la
lettre du 14 février pour refuser la demande de
résidence permanente. Comme je l'ai mentionné
plus haut, cette raison est fondée sur l'alinéa
19(2)d) de la Loi sur l'immigration qui prévoit
que les immigrants ne peuvent être admis s'ils:
19....
d) ... ne se conforment pas aux conditions prévues à la
présente loi et à ses règlements ...
La non-observation invoquée par M. Spunt dans le
cas du requérant est visée au paragraphe 9(3) de
la Loi, qui porte:
(3) Toute personne doit répondre franchement aux questions
de l'agent des visas et produire toutes les pièces qu'exige
celui-ci pour établir que son admission ne contreviendrait pas à
la présente loi ni à ses règlements.
On a donc prétendu que le requérant n'avait pas
observé la Loi parce qu'il n'avait pas répondu
franchement la première fois qu'on lui a demandé
s'il avait fait un don à Mme Trillo. Je me sens
toutefois lié par le raisonnement adopté par la
Cour d'appel fédérale dans l'affaire Kang c. Le
ministre de l'Emploi et de l'Immigration' où la
Cour a affirmé que les conditions mentionnées à
l'alinéa 19(2)d) ne comprennent pas l'obligation
de répondre franchement, prévue au
paragraphe 9(3). La Cour a conclu que l'alinéa
19(2)d) est exprimé au présent et qu'il vise le
moment même où une décision finale est prise au
sujet de l'admissibilité, et non des événements
antérieurs à ce moment. Fait plus important
encore, la Cour a aussi affirmé que l'ali-
néa 19(2)d) a pour seul objet de
... rendre inadmissibles tous ceux qui ne remplissent pas les
conditions d'admissibilité prescrites par la Loi ou par un règle-
ment d'application 2 .
La Cour d'appel n'a pas jugé qu'une fausse
réponse apportée à une question a un effet sur une
condition d'admissibilité. Elle a reconnu qu'il peut
exister des circonstances dans lesquelles une fausse
réponse peut justifier le refus d'admission, mais
' [1981] 2 C.F. 807 (C.A.).
2 Ibid., à la p. 810.
une telle réponse n'a pas eu pour «effet» d'interdire
l'admission en vertu de l'alinéa 19(2)d).
L'autre raison avancée par M. Spunt pour justi-
fier sa décision portait sur l'exercice de son pouvoir
discrétionnaire en vertu du paragraphe 11(3) du
Règlement. Ce point soulève des questions très
difficiles en ce qui a trait à l'interprétation juste de
ce paragraphe, qui porte:
11.
(3) L'agent des visas peut
a) délivrer un visa d'immigrant à un immigrant qui n'obtient
pas le nombre de points d'appréciation requis par les arti
cles 9 ou 10 ou qui ne satisfait pas aux exigences des
paragraphes (I) ou (2), ou
b) refuser un visa d'immigrant à un immigrant qui obtient le
nombre de points d'appréciation requis par les articles 9 ou
10,
s'il est d'avis qu'il existe de bonnes raisons de croire que le
nombre de points d'appréciation obtenu ne reflète pas les
chances de cet immigrant particulier et des personnes à sa
charge de s'établir avec succès au Canada et que ces raisons ont
été soumises par écrit à un agent d'immigration supérieur et ont
reçu "approbation de ce dernier.
De façon plus précise, la question fondamentale est
la suivante: sur quels motifs l'agent des visas
peut-il fonder l'exercice de son pouvoir discrétion-
naire de décider qu'il existe «de bonnes raisons» de
croire que le nombre de points d'appréciation
obtenu ne reflète pas adéquatement les chances
d'un immigrant de «s'établir avec succès» au
Canada? Il est inconcevable que cette disposition
législative ait pour but de donner à l'agent des
visas un pouvoir illimité de décider si un immi
grant particulier est généralement apte ou non à
devenir un futur membre de la société canadienne,
étant donné l'existence d'autres dispositions impor-
tantes de la Loi précisant l'identification des per-
sonnes qui sont aptes ou inaptes. Il y a lieu de
noter d'abord que le paragraphe 11(3) ne peut
être interprété comme empiétant sur les motifs
d'exclusion obligatoire établis dans la description
des catégories «non admissibles» donnée à
l'article 19. En effet, cet article comporte, au
paragraphe 19(3), sa propre disposition prévoyant
les exceptions temporaires qui peuvent être appor-
tées par un «agent principal ou l'arbitre» à ces
règles d'exclusion. Le pouvoir discrétionnaire
accordé à un agent des visas par le
paragraphe 11(3) du Règlement doit plutôt être
interprété comme faisant partie intégrante de
l'exercice, par le gouverneur en conseil, du pouvoir
de réglementation que lui attribue l'ali-
néa 114(1)a) de la Loi et en vertu duquel il peut
établir des normes de sélection (la source du «sys-
tème de points» ou de «points d'appréciation»). Cet
alinéa autorise le gouverneur en conseil, par règle-
ment, à:
114. (1) ...
a) prévoir l'établissement et l'application de normes de sélec-
tion, fondées sur des critères tels que la parenté, l'instruction,
la langue, la compétence, l'expérience professionnelle et
autres qualités et connaissances personnelles en tenant
compte des facteurs démographiques et de la situation du
marché du travail au Canada, dans le but de déterminer si un
immigrant pourra réussir son installation au Canada.
Les normes de sélection ainsi adoptées et applica-
bles au requérant en vertu de l'alinéa 8(1)a) et du
sous-alinéa 9(1)b)(i) du Règlement figurent dans
la colonne I de l'annexe I du Règlement. Les
facteurs énumérés dans la colonne I sont:
«Études», «Préparation professionnelle spécifique»,
«Expérience», «Demande dans la profession»,
«Emploi réservé ou profession désignée», «Facteur
démographique», «Âge», «Connaissance du français
et de l'anglais», «Personnalité» et «Parent». Même
si cela n'est nulle part dit expressément, les normes
de sélection autorisées par l'alinéa 114(1)a) de la
Loi et les facteurs réels énumérés dans l'annexe I
du Règlement semblent être essentiellement liés à
la capacité d'un immigrant de gagner sa vie au
Canada ou d'y être soutenu financièrement par
d'autres personnes que l'État. Parmi les facteurs
énumérés dans la colonne I, il pourrait y avoir
quelque ambiguïté en ce qui a trait à la «Connais-
sance du français et de l'anglais», bien que cette
connaissance, en plus d'être importante sur le plan
social, soit manifestement très importante lorsqu'il
s'agit de gagner sa vie. Les critères permettant
d'accorder des points à l'égard du facteur «Âge»
donnent manifestement la préférence aux person-
nes dans la fleur de l'âge et en mesure de travail-
ler. Même s'il semble ambigu, le facteur «Person-
nalité», précisé par les critères figurant dans la
colonne II permet l'attribution de points d'appré-
ciation au requérant au cours d'une entrevue
9. Personnalité ... qui permettra de déterminer si lui et les
personnes à sa charge sont en mesure de s'établir avec succès au
Canada, d'après la faculté d'adaptation du requérant, sa moti
vation, son esprit d'initiative, son ingéniosité et autres qualités
semblables.
Bien qu'ils ne soient pas sans quelque lien avec la
réussite sociale, ces critères de personnalité énumé-
rés semblent principalement liés à la capacité de
subvenir à ses propres besoins. L'expression «et
autres qualités semblables» devrait selon moi être
interprétée comme visant des critères qui appar-
tiennent à la même catégorie que les précédents.
Étant donné cet accent sur les facteurs économi-
ques mis à la fois par le législateur et par le
gouverneur en conseil à l'égard de la question de
déterminer si un immigrant est en mesure de
«s'établir avec succès» au Canada, il est difficile de
voir comment le pouvoir discrétionnaire accordé à
un agent des visas par le paragraphe 11(3) du
Règlement peut permettre à ce dernier de ne pas
tenir compte du nombre de points d'appréciation et
de déterminer, essentiellement pour des raisons
non économiques, qu'un immigrant n'aura pas de
chance de s'établir avec succès au Canada. Même
si ce paragraphe exige uniquement que l'agent des
visas soit «d'avis qu'il existe de bonnes raisons», ces
raisons doivent être de nature à le porter à croire
que l'immigrant n'est pas en mesure de s'établir
avec succès au sens économique du terme. Elles ne
peuvent embrasser des raisons comme les suivan-
tes: qu'un immigrant ne sera probablement pas un
bon voisin, un bon résident ou finalement un bon
citoyen du Canada, ou encore qu'un immigrant
particulier est une personne mauvaise ou immorale
si on le juge à la lumière de son passé. L'article 19
exclut des personnes dans des situations précisées
soigneusement en fonction de leurs antécédents ou
des risques qu'ils peuvent présenter en matière de
criminalité ou de sédition. Si ces personnes doivent
être exclues pour de telles raisons, cela doit se faire
en vertu du processus prévu à l'article 19 et non
par le biais de l'exercice du pouvoir discrétionnaire
d'un agent des visas sous le régime du
paragraphe 11(3) du Règlement parce qu'il croit
qu'un immigrant est indésirable. Apparemment, la
vérification de sécurité qui sert de condition préa-
lable à l'admission vise à faciliter l'application des
critères prévus dans les dispositions telles que les
alinéas 19(1)c) à g) ou 19(2)a) et b), au même
titre que les examens médicaux permettent l'appli-
cation de l'alinéa 19(1)a). En l'espèce, les résul-
tats des vérifications de sécurité n'avaient pas
encore été reçus par le consulat lorsque M. Spunt
a rendu sa décision.
La décision en cause, qui aurait été rendue en
vertu du paragraphe 11(3), est viciée pour d'au-
tres raisons. Ce paragraphe prévoit que l'agent des
visas doit, avant d'exercer son pouvoir discrétion-
naire, soumettre par écrit ses raisons à un agent
d'immigration supérieur qui doit les approuver.
C'est ce que M. Spunt est censé avoir fait dans sa
note de service du 26 janvier 1989 à l'intention de
M. Nauman. Toutefois, les raisons qu'il a invo-
quées dans cette note de service pour exercer de
façon négative son pouvoir discrétionnaire sont
invalides parce qu'elles ne sont pas liées aux objets
du paragraphe 11(3).
Il mentionne comme première raison le fait que
M. Chen a menti lors de l'entrevue avec lui. Abs
traction faite de l'injustice de cette entrevue, dont
j'ai déjà parlé, je ne crois pas, pour les motifs que
j'ai déjà mentionnés quant à la nature des critères
admissibles pour juger de l'aptitude du requérant à
s'établir avec succès, que le fait de mentir à un
agent des visas constitue en soi une preuve d'inap-
titude à s'établir adéquatement. Il ne fait pas de
doute que M. Chen a mal agi, mais M. Spunt n'a
d'aucune façon démontré à un agent d'immigra-
tion supérieur comment cette faute pouvait empê-
cher M. Chen de gagner sa vie au Canada ou en
faire un fardeau pour l'État canadien.
Comme deuxième raison invoquée pour l'exer-
cice du pouvoir discrétionnaire, M. Spunt était
d'avis que le requérant [TRADUCTION] «pouvait
avoir commis une infraction» à la Loi sur l'immi-
gration et une infraction visée au sous-ali-
néa 121(1)a)(1) du Code criminel [L.R.C. (1985),
chap. C-46] (portant sur la tentative de corruption
de fonctionnaires de l'État). Encore une fois, il ne
s'agit pas d'une raison justifiée pour exercer de
façon négative le pouvoir discrétionnaire en vertu
du paragraphe 11(3). Comme je l'ai déjà dit,
l'article 19 de la Loi sur l'immigration exclut
expressément certaines personnes, définies avec
soin, qui ont commis dans le passé ou qui sont
susceptibles de commettre à l'avenir certains types
de crimes graves. Je n'accepte pas que des agents
de visa puissent, en vertu du paragraphe 11(3), au
nom de la «personnalité» ou autrement, ajouter à
volonté aux catégories de contrevenants passés ou
futurs visées par les exceptions. De plus, en toute
justice il est inacceptable qu'un agent des visas
prononce de tels jugements de culpabilité.
La troisième raison donnée à M. Nauman par
M. Spunt pour l'exercice de son pouvoir discré-
tionnaire était que le requérant
[TRADUCTION] ... avait fait preuve d'une personnalité qui est
incompatible avec les qualités qu'on exige d'un immigrant de sa
catégorie.
Ce point soulève des questions difficiles en ce qui a
trait au lien entre une appréciation effectuée con-
formément aux articles 8 et 9 et à l'annexe I, et
une conclusion prise en vertu du paragraphe 11(3)
portant qu'une telle appréciation ne devrait pas
être concluante sur la question de savoir si une
personne est en mesure de s'établir avec succès. Si
l'appréciation faite à l'aide de points est erronée,
l'agent des visas devrait la modifier. En l'espèce,
M. Spunt a examiné l'appréciation de la «person-
nalité» effectuée par Mme Trillo, qui avait
accordé 7 points sur 10, et il l'a confirmée. Je ne
vois pas comment il peut motiver l'exercice négatif
de son pouvoir discrétionnaire par le fait que le
requérant n'a pas un degré suffisant de personna-
lité. Il est concevable que le pouvoir discrétion-
naire prévu au paragraphe 11(3) puisse être utilisé
adéquatement lorsqu'un immigrant souffre d'une
telle insuffisance à l'égard d'un des facteurs énu-
mérés dans la colonne I qu'un zéro comme résul-
tat ne refléterait pas adéquatement l'incidence
négative de cette insuffisance sur son aptitude à
s'établir avec succès. Il me semble toutefois que
préalablement à l'exercice de son pouvoir discré-
tionnaire pour ce motif, l'agent devrait attribuer
un zéro dans l'appréciation de ce facteur.
Le pouvoir discrétionnaire prévu au
paragraphe 11(3) est un pouvoir extraordinaire
qui, selon la jurisprudence, doit être exercé dans le
respect absolu de l'obligation de soumettre des
raisons écrites à un agent d'immigration supérieur
et d'obtenir son approbation'. Cela signifie de
façon certaine pour moi que les raisons invoquées
pour un tel exercice du pouvoir discrétionnaire
doivent être les vraies raisons, et que ces raisons
doivent être conformes à la loi, ce qui n'est pas le
cas en l'espèce.
' Zeng c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration)
(1991), 12 Imm. L.R. (2d) 167 (F.C.A.); Uy c. Canada
(Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1991] 2 C.F. 201
(C.A.).
Le requérant a aussi invoqué en partie la doc
trine des «attentes légitimes», prétendant que ces
attentes étaient fondées sur des déclarations qu'au-
raient faites Mme Trillo à la fin de l'entrevue du
27 septembre 1987, et sur sa lettre du 12 juillet
1988 dans laquelle elle annonçait au requérant que
sa femme et lui avaient été [TRADUCTION] «accep-
tés provisoirement». Étant donné mes autres con
clusions, je n'ai pas à me prononcer sur cette
question.
Décision
Je vais par conséquent accorder le bref de cer-
tiorari annulant la décision exprimée dans la lettre
du 14 février 1989 de M. Spunt au requérant. Je
vais également rendre un bref de mandamus obli-
geant les intimés à examiner et à traiter la
demande de résidence permanente du requérant au
Canada conformément à la loi et, notamment, à
faire en sorte que l'appelant ait droit à une nou-
velle entrevue et que sa demande soit déterminée
par un autre agent des visas à un autre bureau des
visas aux États-Unis qui convienne le mieux aux
parties.
Les intimés ont demandé que la question des
dépens soit réglée après la décision sur le fond de
la présente requête. Il sera donc loisible au requé-
rant de chercher à obtenir une entente quant à
l'ordonnance à rendre en matière de dépens; le cas
échéant, il pourra la produire par écrit en vertu de
la Règle 324 [Règles de la Cour fédérale, C.R.C.,
chap. 663]. Dans le cas contraire, les parties pour-
ront s'entendre pour discuter des dépens à un
moment approprié.
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