T-1560-90
Joachim Pinto (requérant)
c.
Ministre de l'Emploi et de l'Immigration et le
Secrétaire d'État aux Affaires extérieures (inti-
més)
RÉPERTORIÉ: PINTO c. CANADA (MINISTRE DE L'EMPLOI ET
DE L'IMMIGRATION) (I" INST.)
Section de première instance, juge MacKay—
Toronto, 11 septembre; Ottawa, 27 novembre
1990.
Immigration — Admission au Canada en vertu du Pro
gramme concernant les employés de maison étrangers (le
PEME) refusée malgré la validation de l'offre d'emploi par le
CEC — Les normes d'évaluation utilisées par l'agent des visas
ne sont pas imposées par le Règlement sur l'immigration —
L'évaluation en fonction des catégories définies seulement
constitue une omission d'évaluer l'expérience pertinente en ce
qui concerne l'emploi offert — L'agent des visas s'est stricte-
ment fondé sur le Guide de l'immigration concernant les
critères du PEME — Il s'est appuyé sur l'exigence selon
laquelle une formation officielle ou un emploi à plein temps
étaient requis à l'égard de chacun des aspects de l'emploi
plutôt que sur une évaluation des compétences se rapportant à
l'emploi offert — Perception rigide et indue de la spécialisa-
tion — Erreur de droit — La Cour n'agit pas comme tribunal
d'appel, mais elle examine la décision de l'agent des visas —
Certiorari accordé, la demande devant être réexaminée.
Contrôle judiciaire — Brefs de prérogative — Certiorari
annulant la décision de l'agent des visas et le refus du ministre
d'accorder un visa et permis de travail, et mandamus ordon-
nant le réexamen de la demande conformément à la loi — Le
fait que l'agent des visas s'est appuyé sur le Guide de l'immi-
gration constitue une erreur de droit dans la mesure oh il a
interprété la loi d'une manière erronée — L'agent des visas a
limité à tort son pouvoir discrétionnaire — L'agent est tenu
d'examiner les qualités et l'expérience du requérant relative-
ment à »l'emploi pour lequel un permis de travail a été
sollicité».
Il s'agit d'une demande présentée en vertu de l'article 18 en
vue de l'obtention d'un certiorari annulant la décision qu'un
agent des visas a rendue à New Delhi et le refus du ministre
d'accorder un visa et permis de travail à la cousine du requé-
rant; ce dernier demande également la délivrance d'un manda-
mus afin de faire réexaminer la demande de visa conformément
à la loi. Le requérant et sa femme exploitent avec succès un
supermarché et une station-service à Peterborough (Ontario).
Leur ménage comprend un enfant et les parents de la femme,
qui sont des gens âgés dont l'état de santé est précaire et qui
parlent uniquement le Konkani. Le requérant a publié sans
succès une offre d'emploi pour une employée de maison dans un
journal de Toronto; il a donc offert à sa cousine, Mme Quadros,
qui est citoyenne de l'Inde, de travailler comme employée de
maison résidante en vertu du Programme concernant les
employés de maison étrangers (le PEME). Malgré la validation
de l'offre d'emploi par le Centre d'emploi du Canada de
Peterborough, un agent des visas à Madras, en Inde, a rejeté la
demande de Mn' Quadros pour le motif qu'elle ne satisfaisait
pas aux critères du PEME. Après trois tentatives infructueuses,
le requérant a consulté un avocat qui a écrit au ministre pour
lui demander un permis, ainsi qu'au Haut-Commissariat cana-
dien à New Delhi pour demander le réexamen du refus d'accor-
der un permis de travail. Les deux demandes ont été refusées.
Le requérant soutient que l'agent des visas a commis une
erreur de droit en examinant la demande que Mm° Quadros
avait présentée en vue d'entrer au Canada à titre de travailleuse
temporaire selon des normes d'évaluation non imposées par le
Règlement sur l'immigration et qu'il a limité à tort son pouvoir
discrétionnaire en s'appuyant sur les lignes directrices conte-
nues dans le Guide de l'immigration, sans tenir compte d'autres
considérations pertinentes. Il est également soutenu que l'agent
des visas a manqué à son obligation d'agir avec équité envers
M" 1 e Quadros. Les motifs à l'appui du rejet de la demande sont
que cette dernière ne satisfaisait pas aux critères de sélection,
qu'elle n'avait pas d'expérience pertinente parce qu'elle était
enseignante plutôt que bonne à tout faire ou gardienne d'en-
fants et que l'offre d'emploi n'avait pas été faite en toute bonne
foi, mais qu'il s'agissait plutôt d'un moyen de lui permettre
d'obtenir un visa, même si l'offre d'emploi avait été validée par
le CEC.
Jugement: la demande devrait être accueillie.
L'agent des visas quia examiné la demande de M" 1 E Quadros
était obligé de tenir compte de l'offre d'emploi décrite par
l'employeur et des circonstances uniques en leur genre énoncées
par l'agent du CEC de Peterborough. L'alinéa 20(3)b) du
Règlement sur l'immigration oblige l'agent à examiner les
«qualités et l'expérience du requérant relativement à l'emploi
pour lequel un permis de travail a été sollicité». L'agent des
visas a tenu compte de divers facteurs qui n'avaient rien à voir
avec l'examen des qualités de Mme Quadros en ce qui concerne
le poste offert: le fait que le requérant a demandé à employer
une personne particulière pendant environ deux ans et demi; le
fait que Mme Quadros ne connaissait pas l'âge du couple âgé ou
qu'elle ne savait pas s'ils avaient besoin de soins particuliers; le
fait, qu'à son avis, la demande était motivée par le désir de
s'établir au Canada pour que sa fille ait un avenir plus promet-
teur et le fait qu'elle n'avait pas la moindre idée de ce qu'elle
ferait au Canada dans trois ou quatre ans, si l'employeur
n'avait plus besoin de ses services. Toutes ces questions n'ont
aucun rapport avec la question de savoir si l'emploi de
Mme Quadros au Canada nuirait aux possibilités d'emploi des
citoyens canadiens ou des résidents permanents au Canada.
Au lieu de reconnaître que les qualités que possédait
Mme Quadros devaient être examinées compte tenu des exigen-
ces de l'offre d'emploi, l'agent des visas s'est strictement fondé
sur les exigences du Guide de l'immigration concernant les
critères du PEME. Une enseignante n'est pas une gardienne
d'enfants, mais dans la mesure où les compétences requises
d'une enseignante sont semblables à celles que doit posséder
une gardienne d'enfants, il faut accorder quelque crédit à
l'«expérience» dans ce domaine. Le fait que l'agent des visas
s'est appuyé sur le Guide constitue une erreur de droit dans la
mesure où celui-ci a interprété la loi d'une manière erronée.
L'agent des visas peut accorder un permis de travail lorsqu'il
est convaincu, entre autres, que le requérant est qualifié pour
l'emploi offert. En l'espèce, l'agent des visas a limité à tort son
pouvoir discrétionnaire et la conclusion qu'il a tirée, à savoir
que Mn" Quadros n'avait pas vraiment d'expérience se rappor-
tant aux qualités et à l'expérience requises en vertu de l'alinéa
20(3)b) du Règlement, était manifestement déraisonnable.
L'exercice déraisonnable du pouvoir discrétionnaire conféré à
un tribunal constitue une erreur de compétence: Slaight Com
munications Inc. c. Davidson, [ 1989] 1 R.C.S. 1038. Les autres
facteurs mentionnés lorsqu'il s'agit de savoir si l'offre d'emploi
a été faite en toute bonne foi ne sont pas pertinents en ce qui
concerne la décision de l'agent des visas et le fait d'en avoir
tenu compte constitue une erreur de droit.
En l'espèce, la Cour n'agit pas comme tribunal d'appel, mais
examine simplement la décision que l'agent des visas a rendue;
elle n'est pas autorisée à substituer sa décision à celle de l'agent
des visas. Par conséquent, la décision de ce dernier devrait être
annulée et la demande devrait être réexaminée conformément à
la Loi et au Règlement.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), chap. F-7,
art. 18.
Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), chap. I-2, art.
8(1), 9(3), 114(1)a),j) (mod. par L.R.C. (1985) (4e
suppl.), chap. 28, art. 29).
Règlement sur l'immigration de 1978, DORS/78-172,
art. 18(1) (mod. par DORS/89-80, art. 1), art. 20
(mod. par DORS/80-21, art. 7; DORS/84-849, art. 2).
JURISPRUDENCE
DÉCISION SUIVIE:
Slaight Communications Inc. c. Davidson, [1989] 1
R.C.S. 1038; (1989), 59 D.L.R. (4th) 416; 26 C.C.E.L.
85; 89 CLLC 14,031; 93 N.R. 183.
DÉCISION APPLIQUÉE:
Hajariwala c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Im-
migration), [1989] 2 C.F. 79; (1988), 34 Admin. L.R.
206; 23 F.T.R. 241; 6 Imm. L.R. (2d) 222 (lie inst.).
DISTINCTION FAITE AVEC:
Fung c. Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (1989),
27 F.T.R. 182 (C.F. lie inst.); Wang (L.) c. Ministre de
l'Emploi et de l'Immigration (1988), 23 F.T.R. 257; 7
Imm. L.R. (2d) 130 (C.F. 1" inst.); Yu c. Canada
(Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), T-1550-90,
C.F. 1" inst., juge MacKay, jugement en date du
10-8-90, non publié.
DOCTRINE
Canada. Classification canadienne descriptive des pro
fessions. Ottawa: ministère de l'Emploi et de l'Immi-
gration, 1971-1977.
AVOCATS:
Barbara L. Jackman pour le requérant.
Claire A. Le Riche pour les intimés.
PROCUREURS:
Jackman, Silcoff, Zambelli, Toronto, pour le
requérant.
Le sous-procureur général du Canada pour
les intimés.
Ce qui suit est la version française des motifs
de l'ordonance rendus par
LE JUGE MACKAY: Cette requête fondée sur
l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale du
Canada, L.R.C. (1985), chap. F-7, a pour but
d'obtenir une ordonnance de certiorari pour annu-
ler: 1) la décision d'un agent des visas du Haut-
commissariat canadien à New Delhi, qui est censée
avoir été rendue le 12 juin et le 18 décembre 1989;
et 2) la décision prise le 14 décembre 1989 par le
ministre de l'Emploi et de l'Immigration qui a
refusé d'accorder un visa et un permis de travail à
Mme Renny Quadros. Si le visa lui avait été
accordé, Mme Quadros aurait pu venir travailler au
Canada et accepter l'emploi que lui offrait le
requérant en l'espèce, Joachim Pinto, qui avait été
autorisé par un agent d'emploi du Centre d'emploi
du Canada (CEC) à Peterborough (Ontario). Le
requérant demande également une ordonnance de
mandamus afin que l'on réétudie la demande con-
formément à la loi.
Les pièces déposées en même temps que l'affida-
vit du requérant Pinto indiquent nettement que la
décision de l'agent des visas qui a donné lieu à la
présente instance a été prise au mois de juin 1989
et communiquée au CEC de Peterborough par un
télex envoyé le 18 ou le 19 juin et sur lequel le
personnel de ce centre a apposé la mention [TRA-
DUCTION] «reçu le 20 juin 89». Les autres «déci-
sions» du ministre et de l'agent des visas indiquées
dans la requête par des dates du mois de décembre
ne constituent pas des décisions distinctes, sauf en
ce qui touche le refus de chacune d'elles de réexa-
miner la décision prise en juin 1989 par l'agent des
visas. À mon avis, elles ne constituent pas des
décisions distinctes révisables par voie judiciaire,
car elles ne constituent toutes deux que des révi-
sions descriptives et des explications des décisions
prises en juin 1989 ou avant par l'agent des visas.
Pour juger la présente requête, il suffit d'étudier
seulement la décision de juin 1989 pour les fins du
redressement demandé.
Le contexte
Mme Renny Quadros, une citoyenne de l'Inde et
une cousine du requérant Pinto, s'est fait offrir un
emploi à titre d'employée de maison résidante par
le requérant, qui a tenté d'arranger son admission
au Canada sur une base temporaire dans le cadre
du «Programme concernant les employés de
maison étrangers» qui est administré sous la res-
ponsabilité de l'intimé, le ministre de l'Emploi et
de l'Immigration. Dans son affidavit fait sous ser-
ment le 8 février 1990, M. Pinto expose une suite
de faits qui sont à l'origine de la présente requête
soumise à la Cour.
Le requérant possède et exploite, avec une parti
cipation considérable de sa femme, un supermar-
ché et un poste d'essence à Peterborough. Ces
entreprises réussissent bien, emploient plus de 30
personnes et absorbent une grande part du temps
et des efforts du requérant et de sa femme. Leur
ménage comprend trois autres personnes, c'est-à-
dire leur fille de onze ans et les parents de sa
femme. Ceux-ci sont des gens âgés dont l'état de
santé nécessite des soins particuliers, et ils ne
parlent que leur langue maternelle, le Konkani.
À cause de leur entreprise et de leurs responsa-
bilités familiales, le requérant et sa femme ont
décidé en 1986 qu'ils avaient besoin d'une
employée de maison. Ils se sont rendus en Inde à
l'automne de cette année-là et, à la suite de cette
visite, ils ont décidé d'offrir un emploi à Mme
Quadros qu'ils avaient vue lors d'une grande réu-
nion de famille. La preuve, et notamment l'affida-
vit de M. Pinto, une lettre qu'il a écrite à l'agent
des visas en novembre 1987 et la correspondance
ultérieure de M. Pinto, sont contradictoires en ce
qui concerne une rencontre ou bien une entrevue
entre Mme Quadros et M. Pinto ou un autre
membre de sa famille durant leur voyage en Inde.
Après que Mme Quadros eut ultérieurement nié
qu'ils se soient alors rencontrés, M. Pinto a con
firmé que ce qu'elle avait dit était exact, quoique
lui-même et sa femme «l'aient observée» lors d'une
réunion de famille. Aussi surprenant que cela
puisse être, ses affirmations, dont l'une était nette-
ment inexacte, semblent avoir été utilisées ulté-
rieurement par l'agent des visas de New Delhi
pour remettre en question la crédibilité de Mme
Quadros. Après son retour au Canada et après
avoir publié sans succès dans un journal de
Toronto son offre d'emploi pour une employée de
maison, le requérant a fait valider par le Centre
d'emploi du Canada de Peterborough une offre
d'emploi à titre d'employée de maison résidante à
l'intention de Mme Quadros.
La validation autorisait l'emploi pour une
période de douze mois, et elle a été envoyée au
Haut-commissariat canadien à New Delhi. Un
agent des visas a interrogé Mme Quadros le 21 mai
1987 Madras, en Inde. Sa demande a été refu
sée. La décision a été communiquée au Centre
d'emploi du Canada de Peterborough en ces
termes, par un télex daté du 28 mai 1987:
[TRADUCTION] SUJET INTERROGÉ LE 21 MAI 1987 MADRAS
POUR UN EMPLOI AUTORISÉ EN VERTU DU PROGRAMME
CONCERNANT LES EMPLOYÉS DE MAISON ÉTRANGERS.
DEMANDE REFUSÉE. LE SUJET N'A PAS/PAS D'EXPÉRIENCE DE
TRAVAIL INDÉPENDANT À TITRE D'EMPLOYÉE DE MAISON ET
N'A JAMAIS/JAMAIS TRAVAILLÉ À L'EXTÉRIEUR DE SON
FOYER. LE SUJET N'A PAS/PAS D'EXPÉRIENCE D'ENSEIGNE-
MENT. ELLE NE CONNAÎT GUÈRE SES CONDITIONS D'EMPLOI
OU DE TRAVAIL AU CANADA. LE SUJET EST REFUSÉ PARCE
QUE NE RÉPOND PAS/PAS AUX CRITÈRES DU PROGRAMME
CONCERNANT LES EMPLOYÉS DE MAISON ÉTRANGERS.
À la demande de M. Pinto, l'agent du CEC de
Peterborough a demandé des éclaircissements sur
les motifs du refus, indiquant que Mme Quadros
était une enseignante qualifiée, qu'elle était actuel-
lement employée dans ce domaine et qu'elle avait
dirigé son propre ménage pendant 20 ans, et
demandant ce qu'il fallait faire pour réétudier sa
demande. Dans sa réponse, le Haut-commissariat
canadien à New Delhi a précisé les motifs men-
tionnés dans son premier télex et a conclu qu'il n'y
avait pas de motif pour justifier un réexamen
favorable.
Le requérant a poursuivi ses efforts en vue
d'employer Mme Quadros. En septembre 1987, il a
écrit à l'«Ambassade canadienne» de New Delhi
une lettre qui indiquait qu'il avait toujours l'inten-
tion de lui offrir un emploi, qui décrivait les fonc-
tions qu'il entendait lui confier et qui expliquait
que la réponse qu'elle avait donnée antérieurement
à propos de ses qualifications et de son expérience
d'enseignante découlait de sa crainte de perdre son
emploi actuel si ses employeurs au gouvernement
apprenaient son intérêt pour un nouvel emploi, et
de sa crainte de perdre son gagne-pain si l'offre
d'emploi de M. Pinto n'avait pas de suites. Il y a
joint une lettre signée par le médecin de famille du
couple âgé, qui se prononçait en faveur de l'emploi
au foyer d'une personne originaire de l'Inde qui
pourrait parler en Konkani et qui pourrait donner
chaque jour de nombreuses heures de soins à la
maison.
À peu près en même temps, le requérant a
obtenu du CEC de Peterborough une deuxième
autorisation qui validait son offre d'emploi à Mme
Quadros pour une nouvelle période de 12 mois à
titre d'employée de maison résidante temporaire.
Les agents de la Section de l'immigration à New
Delhi ont tenté de la dissuader de demander une
deuxième entrevue, mais ils lui en ont accordé une
à sa demande après que le requérant Pinto eut
adressé une nouvelle lettre au Haut-commissariat
canadien à New Delhi. Après cette entrevue, la
demande de Mme Quadros a été de nouveau refusée
et elle a été informée par une lettre qu'elle ne
répondait pas aux critères prévus dans la Loi sur
l'immigration [L.R.C. (1985), chap. I-2] cana-
dienne et le Règlement connexe. Cette décision a
été expliquée au CEC de Peterborough comme
suit, dans un télex daté du 2 mars 1988:
[TRADUCTION] (QUADROS) RENNY NÉE LE 28 AOÛT 1947.
ENTREVUE AVEC LE SUJET LE 22 FÉVRIER À BOMBAY. LE
SUJET A MAINTENANT FOURNI LA PREUVE QU'ELLE A ENSEI-
GNÉ DANS UNE ÉCOLE PUBLIQUE DURANT LES SEIZE DERNIÈ-
RES ANNÉES. ELLE A DÉCLARÉ QU'ELLE NE NOUS AVAIT
PAS/PAS DÉCLARÉ CE FAIT DURANT LA PREMIÈRE ENTREVUE
PARCE QU'ELLE CRAIGNAIT DE PERDRE SON POSTE. ELLE EST
VEUVE ET VIT AVEC SA FILLE DE 17 ANS DANS LE MÉME
FOYER, QUE SON FRÈRE, SA SOEUR ET SA MÈRE. ELLE EST LA
COUSINE DU RÉPONDANT. ELLE N'A PAS/PAS D'EXPÉRIENCE
INDÉPENDANTE À TITRE DE DOMESTIQUE, DE BONNE D'EN-
FANTS OU DE PRÉPOSÉE AUX SOINS DE PERSONNES ÂGÉES.
ELLE NE SAIT PAS L'ÂGE DES BEAUX-PARENTS DU RÉPON-
DANT NI SI ILS ONT BESOIN DE SOINS PARTICULIERS. ELLE A
NETTEMENT NIÉ LES AVOIR JAMAIS RENCONTRÉS EN INDE ET
AFFIRME NE LES AVOIR VUS QU'EN 1971 AU MARIAGE DU
RÉPONDANT. CECI CONTREDIT L'AFFIRMATION. DU RÉPON-
DANT QUE LES BEAUX-PARENTS L'ONT INTERROGÉE EN OCTO-
BRE 1986. LORSQU'ON LUI A DEMANDE CE QU'ELLE FERAIT
AU CANADA DANS TROIS OU QUATRE ANS SI LE RÉPONDANT
N'AVAIT PLUS/PLUS BESOIN DE SES SERVICES, ELLE NE
SAVAIT PAS CE QU'ELLE FERAIT. LA REQUÉRANTE MANQUE .
D'EXPÉRIENCE PERTINENTE EN MATIÈRE DE SOINS AUX
ENFANTS OU AUX PERSONNES ÂGÉES. DANS SON PROPRE
FOYER, SA SOEUR ET SA MÈRE SE SONT OCCUPÉES DES
TRAVAUX DOMESTIQUES DURANT LA JOURNÉE PENDANT
QU'ELLE EXERÇAIT SA PROFESSION ' D'ENSEIGNANTE. IL
SEMBLE QUE LA REQUÉRANTE SOIT MOTIVÉE PAR UN DÉSIR
DE S'ÉTABLIR ÉVENTUELLEMENT AU CANADA AVEC SA FILLE
AFIN DE PROCURER UN AVENIR PLUS PROMETTEUR À CETTE
DERNIÈRE QUI, A-T-ELLE DIT À PLUSIEURS REPRISES DURANT
L'ENTREVUE, SERAIT UNE ÉLÈVE TRÈS BRILLANTE. LA REQUÉ-
RANTE NE RÉPOND PAS AUX CRITÈRES ACTUELS DU PARA-
GRAPHE 15.61(3). COMME ELLE N'A PAS PU DÉMONTRER LA
MOTIVATION, LES RESSOURCES OU L'INITIATIVE NÉCESSAI-
RES À SON ÉVENTUELLE INSERTION DANS LA SOCIÉTÉ CANA-
DIENNE, ELLE NE RÉPOND PAS/PAS NON PLUS AUX CRITÈRES
ANTÉRIEURS DU PROGRAMME CONCERNANT LES EMPLOYÉS
DE MAISON ÉTRANGERS. CETTE DÉCISION EST SANS APPEL.
Le requérant a persisté. Il a pris contact avec
son député fédéral, qui est intervenu pour lui en
écrivant une lettre au ministre d'État à l'Immigra-
tion. Une copie de la réponse du ministre de
l'Emploi et de l'Immigration au député a été dépo-
sée en même temps que l'affidavit du requérant;
elle comprend les paragraphes suivants:
[TRADUCTION] Les agents des visas à New Delhi m'informent
qu'ils ont interrogé Mme Quadros le 22 février 1988 et qu'elle a
fourni la preuve qu'elle a été enseignante durant les seize
dernières années. Elle n'a pas déclaré cette expérience aux
agents des visas lors de sa première entrevue parce qu'elle
craignait de perdre son poste. En dépit de cette expérience, Mme
Quadros n'a aucune expérience indépendante à titre de domes-
tique, de bonne d'enfants ou de préposée aux personnes âgées.
Elle ne savait pas quel était l'âge des beaux-parents de M. Pinto
et ne savait pas non plus s'ils avaient besoin de soins particu-
liers. Lorsqu'on lui a demandé si elle avait rencontré ces
personnes, elle a nettement nié les avoir rencontrés en octobre
1986, même si vos commettants déclarent que les beaux-parents
l'ont interrogée à ce moment-là. La seule fois que Mme Quadros
a rencontré vos commettants, c'est à leur mariage en 1971.
Selon les agents des visas, M 1» Quadros est une veuve qui a une
fille de dix-sept ans. Lorsqu'ils l'ont questionnée sur ses plans à
propos d'un éventuel établissement au Canada si vos commet-
tants n'avaient plus besoin de ses services, elle n'a pu démontrer
aucune motivation, aucunes ressources, aucune initiative ni
aucune capacité éventuelle d'insertion dans la société cana-
dienne. Pour ces motifs et à cause du fait qu'elle n'a pas
répondu non plus aux critères du «Programme concernant les
employés de maison étrangers» lors d'une entrevue antérieure,
je me vois obligé de souscrire à la décision des agents des visas
et de refuser la requête de Mme Quadros.
Après cela, M. Pinto a obtenu une troisième
validation d'une offre d'emploi. Cette validation a
été envoyée au Haut-commissariat canadien à
New Delhi. L'agent du CEC a aussi envoyé une
lettre d'accompagnement indiquant, entre autres,
que l'employeur se trouvait dans [TRADUCTION]
«des circonstances particulières relativement à son
besoin d'un employé de maison étranger». Il énu-
mérait ensuite les facteurs qui constituent ces «cir-
constances particulières», essentiellement le fait
que M me Quadros était connue des parents de sa
femme, qu'elle jouissait de leur confiance et parlait
leur langue; qu'elle possédait les qualifications
d'enseignante qui lui permettraient d'aider la fil-
lette à faire ses devoirs à la maison et à mettre en
pratique les coutumes de leur héritage culturel de
l'Inde; et qu'elle jouissait de la confiance de la
famille, ce qui était un facteur important à cause
des fonds des entreprises qui étaient gardés occa-
sionnellement à la maison. M me Quadros fut inter-
rogée de nouveau, et sa requête fut refusée encore
une fois. Cette fois, un télex envoyé au CEC de
Peterborough le 18 ou le 19 juin 1989 énonçait
comme suit les motifs de la décision:
[TRADUCTION] OBJET: REQUÊTE 1102 RELATIVEMENT AU
«PROGRAMME CONCERNANT LES EMPLOYÉS DE MAISON
ÉTRANGERS» AU BÉNÉFICE DU REQUÉRANT (PINTO) JOA-
CHIM. C'EST LA TROISIÈME FOIS DEPUIS DÉCEMBRE 1986 QUE
LE SUJET EST ÉVALUÉ AUX FINS DU PROGRAMME. CHAQUE
FOIS, ELLE A ÉTÉ REFUSÉE. LES MOTIFS DU REFUS ONT ÉTÉ
PRÉCISÉMENT INDIQUÉS DANS NOTRE TÉLEX NO WBIM79O8
DU 2 MARS 1988. EN CE QUI NOUS CONCERNE, RIEN N'EST
CHANGÉ SAUF QUE LA REQUÉRANTE A TERMINÉ UN COURS
D'UN MOIS EN BEAUTÉ, SANTÉ ET CUISINE. LE REQUÉRANT
TENTE D'OBTENIR L'ENTRÉE DE LA REQUÉRANTE DEPUIS
PLUS DE 2 ANS ET 1. SI BESOIN D'UN EMPLOYÉ DE MAISON
EST AUSSI CRITIQUE QU'ILS VEULENT NOUS FAIRE CROIRE, IL
EST DIFFICILE DE COMPRENDRE POURQUOI ILS PERSISTENT À
APPUYER LE SUJET PLUTÔT QUE QUELQU'UN QUALIFIÉ A CE
TITRE/LA DEMANDE CONTIENT RENSEIGNEMENTS INEXACTS
FOURNIS PAR LE REQUÉRANT ET LE SUJET. COMME INDIQUÉ
DANS NOTRE TÉLEX PRÉCÉDENT, NOUS CROYONS QUE L'OF-
FRE DE TRAVAIL POUR UN EMPLOYÉ DE MAISON NE SERT
QU'À FACILITER L'ENTRÉE DE LA REQUÉRANTE ET DE SON
ENFANT AU CANADA. NOUS NE CROYONS PAS/PAS QUE LA
REQUÉRANTE RÉPOND AUX EXIGENCES DU PROGRAMME CON-
CERNANT LES EMPLOYÉS DE MAISON ÉTRANGERS CAR ELLE
NE POSSÈDE AUCUNE/AUCUNE EXPÉRIENCE DU TRAVAIL DE
MAISON A PLEIN TEMPS, MAÎTRISE MAL L'ANGLAIS. AVONS A
NOUVEAU REFUSÉ.
Par la suite, le requérant a retenu les services
d'un conseiller juridique. Son avocat a écrit au
ministre de l'Emploi et de l'Immigration pour
demander un permis de travail, ainsi qu'au Haut-
commissariat canadien à New Delhi pour lui
demander de réétudier son refus d'accorder un
permis de travail. Comme on l'a déjà mentionné,
les deux demandes ont été refusées; dans des let-
tres des deux autorités de décembre 1989, le refus
d'accorder un visa a simplement été réétudié.
La loi et la politique pertinentes
Le droit pertinent en la matière se trouve dans
la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), chap. I-2,
et dans le Règlement sur l'immigration de 1978,
DORS/78-172, tel que modifié. Les dispositions
pertinentes de la Loi comprennent notamment cel-
les-ci [articles 8(1), 9(3), 114(1)a), j) (mod. par
L.R.C. (1985) (4e suppl.), chap. 28, art. 29)]:
8. (1) Il incombe à quiconque cherche à entrer au Canada
de prouver qu'il en a le droit ou que le fait d'y être admis ne
contreviendrait pas à la présente loi ni à ses règlements.
9....
(3) Toute personne doit répondre franchement aux questions
de l'agent des visas et produire toutes les pièces qu'exige
celui-ci pour établir que son admission ne contreviendrait pas à
la présente loi ni à ses règlements.
114. (1) Le gouverneur en conseil peut, par règlement:
a) prévoir l'établissement et l'application de normes de sélec-
tion, fondées sur des critères tels que la parenté, l'instruction,
la langue, la compétence, l'expérience professionnelle et
autres qualités et connaissances personnelles et tenant
compte des facteurs démographiques et de la situation du
marché du travail au Canada, dans le but de déterminer si un
immigrant pourra réussir son installation au Canada;
j) interdire à certaines personnes ou à certaines catégories de
personnes, à l'exception des citoyens canadiens et des rési-
dents permanents, d'occuper un emploi au Canada, sans
autorisation, fixer la nature des conditions qui peuvent être
imposées à l'égard de l'autorisation et exempter certaines
personnes ou catégories de personnes de l'obligation de
l'obtenir;
Les dispositions pertinentes du Règlement sont le
paragraphe 18(1) [mod. par DORS/89-80, art. 1]
et l'article 20 [mod. par DORS/80-21, art. 7;
DORS/84-849, art. 2], qui prévoient notamment
ce qui suit:
18. (1) Sous réserve des paragraphes 19(1) (2.2), il est
interdit à quiconque, à l'exception d'un citoyen canadien ou
d'un résident permanent, de prendre ou de conserver un emploi
au Canada sans un permis de travail en cours de validité.
20. (1) L'agent d'immigration ne peut délivrer de permis de
travail à une personne
a) s'il est d'avis que l'embauchage de cette personne nuira à
celui des citoyens canadiens ou des résidents permanents au
Canada; ou
(3) Pour être en mesure de se faire une opinion aux fins de
l'alinéa (1)a), l'agent d'immigration doit tenir compte des
facteurs suivants, à savoir:
a) si l'employeur éventuel a fait des efforts raisonnables pour
embaucher ou former des citoyens canadiens ou des résidents
permanents afin qu'ils puissent exercer l'emploi pour lequel
un permis de travail a été sollicité;
b) si le requérant possède les qualités et l'expérience voulues
pour exercer l'emploi pour lequel un permis de travail a été
sollicité; et
c) si les conditions de travail et le salaire offerts sont de
nature à attirer des citoyens canadiens ou des résidents
permanents pour qu'ils exercent et continuent d'exercer l'em-
ploi en question.
(4) L'agent d'immigration doit tenir compte de l'opinion
d'un agent du Bureau du service national de placement dont
relève le secteur où la personne sollicitant un permis de travail
désire exercer un emploi pour ce qui concerne les points visés
aux alinéas (3)a) et c).
En l'espèce, il incombait à Mme Quadros de
prouver à l'agent des visas qu'elle répondait aux
critères d'admission au Canada (paragraphe 8(1)),
et elle avait l'obligation de donner des réponses et
des renseignements véridiques en ce qui concerne
les questions qui lui étaient posées durant ce pro-
cessus (paragraphe 9(3)). Il ne fait aucun doute
que le gouverneur en conseil aurait pu, en applica
tion des alinéas 114(1)a) et j), édicter des mesures
réglementaires particulières en ce qui concerne
l'admission des employés de maison étrangers.
Toutefois, il ne l'a pas fait. Les seules dispositions
réglementaires directement applicables en l'ins-
tance sont les articles mentionnés ci-dessus, et
ceux-ci obligent Mme Quadros à posséder un
permis de travail valide pour pouvoir travailler au
Canada; en outre, elle n'avait droit à un tel permis
de travail qu'aux conditions énoncées à l'article 20,
dont la principale portait sur l'évaluation des com-
pétences et de l'expérience de Mme Quadros relati-
vement à «l'emploi pour lequel un permis de travail
a été sollicité» conformément à l'alinéa 20(3)b).
Même s'il n'existe aucun règlement particulier
concernant les mesures relatives à l'admission au
Canada des employés de maison étrangers, les
directives que le ministère de l'Emploi et de l'Im-
migration, intimé, a énoncées dans son Guide de
l'immigration détaillent de manière très élaborée
le «Programme concernant les employés de maison
étrangers». Parmi les dispositions relatives à ce
programme, les articles 15.26 et 15.61 décrivent
les principes fondamentaux et les mesures concer-
nant les emplois reconnus dans le cadre de ce
programme, ainsi que les critères de choix des
requérants. Le programme est décrit comme étant
conçu à l'intention des personnes dont le métier est
celui d'employé de maison ou de bonne d'enfants,
qui sont capables d'assurer la bonne marche d'un
foyer, de prendre soin des enfants ou d'exercer les
fonctions énoncées pour chaque catégorie d'emploi
énumérée et dont on s'attend à ce qu'elles soient
des travailleurs de maison résidants. Les catégories
d'emplois ainsi désignées comprennent les bonnes à
tout faire, les dames de compagnie, les domesti-
ques, les gardiennes d'enfants, les bonnes d'enfants
et les aides familiales; elles sont décrites dans la
Classification canadienne descriptive des profes
sions (CCDP) que publie Emploi et Immigration
Canada afin d'aider ses agents d'emploi et d'immi-
gration. Pour qu'un immigrant éventuel ou un
travailleur étranger temporaire se classe dans une
catégorie d'emploi, il doit répondre aux critères
énoncés pour cette catégorie. Par exemple, l'un des
critères auxquels il doit répondre est une «prépara-
tion professionnelle spécifique». Pour les emplois
énumérés ci-dessus, la préparation peut varier
comme suit: d'une courte démonstration jusqu'à 30
jours pour une dame de compagnie, une gardienne
d'enfants ou une aide familiale; de 30 jours à 3
mois pour un domestique; de plus de 3 mois jus-
qu'à 6 mois pour une bonne d'enfants; et de plus de
6 mois jusqu'à 1 an pour une bonne à tout faire.
On a énoncé des critères d'évaluation dans le
paragraphe 15.61(3) des lignes directrices du «Pro-
gramme concernant les employés de maison
étrangers»:
a) Le candidat doit justifier d'une formation officielle dans le
domaine des arts ménagers ou de la garde d'enfants ou bien
d'une expérience suffisante (un travail d'employé de maison
rémunéré à temps plein pendant au moins une année et dont la
performance a été satisfaisante) à défaut de formation offi-
cielle. La formation ou l'expérience ne doivent pas remonter à
plus de cinq années.
b) Est considérée comme ayant une formation reconnue toute
personne qui a terminé avec succès un programme d'études
dispensé par un établissement privé ou public reconnu, dans la
profession pour laquelle elle a présenté une demande en vertu
du programme concernant les employés de maison étrangers.
On peut s'assurer que le requérant a terminé avec succès le
programme d'études en lui demandant de présenter le diplôme
ou certificat obtenu, ou l'équivalent.
c) Le niveau de scolarité doit être suffisamment élevé pour
permettre au requérant de bien s'acquitter des tâches indiquées
dans l'offre d'emploi. Par exemple, il n'est pas nécessaire
qu'une bonne à tout faire ait le même niveau de scolarité
qu'une bonne d'enfants chargée de la garde d'enfants et des
soins à leur donner.
d) Le requérant doit pouvoir communiquer tant de vive voix
que par écrit en français ou en anglais. La capacité qu'a un
requérant de réagir comme il convient en cas d'urgence et
d'obtenir l'aide voulue pour les enfants dont il a la garde serait
grandement affaiblie s'il ne pouvait bien se faire comprendre.
e) En raison de sa nature même, le travail d'un employé de
maison résidant exige certaines qualités personnelles. Les
requérants seront sélectionnés pour déterminer s'ils sont ingé-
nieux, mûrs, stables et s'ils possèdent l'esprit d'initiative néces-
saire pour faire face aux urgences possibles.
f) Il faudra tenir compte du fait qu'un requérant est marié
et/ou qu'il a des personnes à charge, de ses antécédents, de son
expérience professionnelle et de l'autonomie éventuelle de la
famille; il ne faut refuser aucune demande pour la simple raison
que le requérant a des personnes à charge.
(Il subsiste certains doutes quant à la pertinence
du critère d'évaluation énoncé à l'alinéa e) relati-
vement à la motivation ou à l'initiative et l'on
affirme que l'agent des visas ne, l'a pas appliqué
pour justifier la dernière décision, mais ce critère a
été néanmoins l'un des facteurs dans les décisions
précédentes, comme on l'a expliqué pour la
deuxième décision, et il a été englobé parmi les
facteurs de la troisième décision mentionnés dans
le télex envoyé par l'agent des visas en juin 1989.)
Les questions en litige et les arguments
Le requérant prétend que [TRADUCTION]
«l'agent des visas a commis une erreur de droit
lorsqu'il a évalué la demande de Mme Quadros
pour entrer au Canada à titre de travailleuse tem-
poraire, en utilisant des normes d'évaluation qui ne
sont pas imposées par le Règlement sur l'immigra-
tion». Les normes dont il est question sont certains
critères énoncés dans le Guide de l'immigration et
certains autres facteurs non pertinents pour éva-
luer les qualifications de Mme Quadros. Le requé-
rant a aussi prétendu que l'agent des visas a limité
incorrectement l'exercice de son pouvoir discré-
tionnaire en se basant sur les lignes directrices
énoncées dans le Guide et en laissant de côté
d'autres facteurs pertinents. Les lignes directrices
ont été interprétées, dit-on, comme des critères
obligatoires, comme si elles étaient de nature légis-
lative et non pas des lignes directrices. Par consé-
quent, ces deux arguments reposent sur la préten-
tion que les normes d'évaluation qui ont été
appliquées n'étaient pas conformes à la loi. Le
requérant prétend aussi que l'agent des visas n'a
pas exercé envers Mme Quadros son obligation
d'agir avec équité, notamment parce qu'il n'a pas
procédé pour la troisième requête à une évaluation
indépendante des deux précédentes.
L'étude des deux premières questions soulevées
par le requérant nécessite d'abord l'examen des
motifs du refus de la troisième demande présentée
par Mn" Quadros pour obtenir un visa avec permis
de travail. Ces motifs ont été expliqués dans un
télex envoyé de New Delhi au CEC de Peterbo-
rough le 18 ou le 19 juin 1989, et par le renvoi qui
y est fait au télex précédent de mars 1988. Les
avocats ont convenu que le dernier message, qui
énonçait que le précédent avait clairement indiqué
les motifs du refus, incluait par renvoi les motifs
du second refus comme motifs pour rejeter la
troisième demande. Les deux messages font réfé-
rence à un certain nombre de points qui peuvent
être regroupés en deux catégories globales de
motifs de rejet, c'est-à-dire que Mme Quadros ne
répondait pas aux critères de sélection et que
l'offre d'emploi n'était pas faite de bonne foi mais
servait plutôt de moyen de procurer à Mme Qua-
dros un visa même si l'offre d'emploi avait été
validée par le CEC de Peterborough. C'est sous les
chefs de ces deux catégories d'ordre général que
les avocats des parties ont discuté des motifs
énoncés.
L'offre d'emploi faite à Mme Quadros compre-
nait des fonctions qui allaient au delà des limites
établies pour les différentes catégories d'emplois
indiquées dans la CCDP. Elle devait être une
bonne à tout faire résidante dont les fonctions
comprendraient la préparation des repas, le net-
toyage et les tâches habituelles d'entretien ména-
ger, ainsi que les fonctions de dame de compagnie
d'un couple de personnes âgées à qui elle prodigue-
rait des soins, de cuisinière capable de préparer les
mets traditionnels indiens et de professeur particu-
lier pour une jeune fille. Elle devait parler le
Konkani pour exercer ses fonctions auprès du
couple de personnes âgées, et mériter la confiance
de ses employeurs à cause des sommes d'argent
fréquemment laissées à la maison. L'agent des
visas chargé de l'évaluation de la demande de Mme
Quadros devait examiner l'offre d'emploi comme
ayant été faite par l'employeur, et tenir compte des
circonstances particulières indiquées par l'agent du
CEC de Peterborough. Cela est prescrit à l'alinéa
20(3)b) du Règlement, qui énonce que l'agent des
visas est tenu d'examiner les qualités et l'expé-
rience du requérant relativement à «l'emploi pour
lequel un permis de travail a été sollicité».
Dans l'arrêt Fung c. Ministre de l'Emploi et de
l'Immigration (1989), 27 F.T.R. 182 (C.F. 1 r
inst.), à la page 185, le juge en chef adjoint Jerome
a dit que:
. l'agent des visas est tenu en pareil cas de procéder à l'égard
de l'expérience de travail du requérant à une évaluation suffi-
sante pour lui permettre de l'apprécier en fonction de la
profession que le requérant entend exercer et de tous, les autres
facteurs qui, selon le requérant, entrent en ligne de compte.
L'intimé admet cette obligation. Dans sa décision,
le juge en chef adjoint cite sa décision antérieure
dans l'affaire Hajariwala c. Canada (Ministre de
l'Emploi et de l'Immigration), [1989] 2 F.C. 79
(1 re inst.) qui â énoncé qu'un agent des visas est
tenu d'évaluer l'expérience relative à l'emploi
qu'on a l'intention d'occuper au Canada. Malgré le
fait que ces affaires concernent des demandes de
résidence permanente, je crois que l'article 20
procède du même principe que celui qui est énoncé
à la page 86 de la décision Hajariwala, c'est-à-dire
que [TRADUCTION] «Il n'y a aucune raison pour
laquelle l'expérience effectivement acquise à
l'égard des diverses responsabilités d'une profes
sion et le temps effectivement passé à s'acquitter
de telles responsabilités ne pourraient être divisés
de façon à accorder des points d'appréciation au
titre de l'expérience dans les professions projetées.»
À mon avis, cela implique que même si, stricte-
ment parlant, une enseignante n'est pas une gar-
dienne d'enfants, le fait que les compétences
demandées à une enseignante sont semblables à
celles que doit posséder une gardienne d'enfants
oblige à accorder quelque crédit à l'«expérience»
acquise dans l'exercice de ces compétences, surtout
lorsque les tâches de l'emploi sont énumérées de
façon précise. Si l'emploi offert avait été défini
strictement selon les termes de l'une des catégories
de la CCDP, l'expérience acquise à titre d'ensei-
gnante aurait bien pu n'être pas pertinente. Toute-
fois, lorsque l'emploi offert énumère des tâches
comportant des aspects que l'on retrouve dans
plusieurs catégories professionnelles, une évalua-
tion restreinte aux seules catégories définies consti-
tue un manquement à l'obligation d'évaluer l'expé-
rience reliée à l'emploi qui doit être océupé.
Il est manifeste qu'en dépit du fait que l'agent
des visas ait pu reconnaître, dans chacune des trois
évaluations, que l'offre d'emploi comprenait de
nombreuses tâches liées à l'emploi, il n'y a aucune
reconnaissance de l'obligation d'évaluer les compé-
tences de la requérante, Mme Quadros, en fonction
des exigences de l'offre d'emploi. Il semblerait
plutôt que l'agent des visas ait été guidé stricte-
ment par les normes du Guide de l'immigration
relatives aux critères du «Programme concernant
les employés de maison étrangers». C'est ce qui
ressort, par exemple, du télex envoyé le 3 février
1988 de New Delhi au CEC de Peterborough,
dans lequel on relève notamment que [TRADUC-
TION] «l'employeur doit comprendre que le sort
des sujets est effectivement déterminé en fonction
des critères établis pour les employés de maison.
Pour référence, il devrait être informé des critères
énoncés aux alinéas IS 15.61 3)a)b)c)d) et e) du
Guide de l'immigration, qui établissent clairement
ces critères.» Quoiqu'il existe, comme l'a souligné
l'avocat de l'intimé, certaines indications que l'on a
tenu compte de l'expérience pertinente dans les
motifs du refus de la deuxième demande, ainsi
qu'il ressort du passage: [TRADUCTION] «dans son
propre foyer, sa sœur et sa mère se sont occupées
des travaux domestiques durant la journée pendant
qu'elle exerçait sa profession d'enseignante», je ne
peux souscrire à la prétention de l'intimé selon
laquelle il n'y a aucune preuve que l'agent des
visas ait considéré que la formation officielle ou
que l'expérience équivalente indiquée constituait
une nécessité absolue. La prépondérance des docu
ments déposés indique que lors de l'évaluation «des
qualifications et de l'expérience», l'agent des visas
a tenu compte des critères énoncés au paragraphe
15.61(3) du Guide, et notamment de l'alinéa a)
cité ci-dessus, qui exige pour suppléer à une
carence de formation officielle «un travail d'em-
ployé de maison rémunéré à temps plein et évalué
de manière satisfaisante pendant au moins une
année». Je relève que cette exigence dépasse celle
d'une «préparation professionnelle particulière»
relative aux catégories d'emploi désignées du «Pro-
gramme concernant les employés de maison étran-
gers», qui sont décrites dans la CCDP et mention-
nées ci-dessus.
À l'audience, l'intimé a fondé son argumenta
tion sur l'hypothèse que Mm` Quadros devait possé-
der les qualités ou l'expérience requises relative-
ment à chacun des aspects de l'offre d'emploi.
L'avocat de l'intimé a admis que l'expérience de
Mme Quadros en matière d'enseignement était per-
tinente quant à l'aspect de l'emploi touchant l'ins-
truction de la fillette, mais il a soutenu que la
décision de l'agent des visas était néanmoins justi-
fiée car elle n'était pas qualifiée pour les autres
aspects de l'emploi qui étaient précisés dans l'offre
d'emploi. C'est à dire qu'elle ne possédait aucune
formation ni aucune expérience en ce qui concerne
certains aspects de l'offre d'emploi et notamment:
les soins à donner à une enfant de huit ans (onze
ans au moment de la troisième requête); les soins à
donner à un couple de personnes âgées; la prépara-
tion des repas, le nettoyage et les travaux ména-
gers courants; la capacité de préparer des mets
indiens et la capacité de travailler avec le couple
de personnes âgées qui ne parle que le Konkani. Le
fait de conclure qu'une veuve parlant le Konkani,
qui est un parent célibataire d'une fille adolescente
et qui a enseigné à l'école primaire durant 16 ans,
ne possédait aucune formation ni aucune expé-
rience quant à ces facettes de l'emploi offert,
indique que l'on s'est fondé sur les critères de la
formation officielle ou de l'emploi à temps plein en
ce qui concerne chacune de ces tâches particuliè-
res, au lieu de consentir à évaluer les compétences
de la requérante, dans la mesure où celles-ci
étaient pertinentes pour l'emploi offert.
Je crois que l'agent des visas qui a pris la
décision en litige a commis une erreur de droit en
fondant son jugement sur le Guide, dans la mesure
où il s'agit d'une mauvaise interprétation de la loi.
Il faut comprendre que le but premier des critères
n'est pas de décider du sort du demandeur d'un
permis de travail. C'est plutôt de guider le juge-
ment de l'agent des visas dans son évaluation de la
demande de permis de travail en fonction des
exigences énoncées dans le Règlement. Pour refor-
muler les exigences réglementaires, un agent des
visas peut délivrer un tel permis lorsqu'il est con-
vaincu, entre autres, que le demandeur est qualifié
pour l'emploi offert. En outre, en application du
paragraphe 20(1), les compétences du demandeur
doivent être évaluées dans le but limité de détermi-
ner si l'octroi d'un permis de travail aurait des
répercussions négatives sur les perspectives d'em-
ploi des citoyens canadiens ou des résidents perma
nents. L'évaluation d'un requérant sans égard aux
objectifs valides pour lesquels les lignes directrices
ont été adoptées pourrait avoir comme résultat un
exercice invalide du pouvoir de décision de l'agent
des visas. C'est ce qui s'est produit en l'espèce.
À mon avis, dans les circonstances l'agent des
visas a exercé incorrectement son pouvoir discré-
tionnaire. En outre, la conclusion de l'agent des
visas portant que Mme Quadros ne possédait
aucune expérience significative par rapport aux
exigences de compétences et d'expérience énoncées
à l'alinéa 20(3)b) du Règlement était manifeste-
ment déraisonnable. Le fait de conclure qu'elle ne
possédait pas d'«expérience» relativement à ces
aspects du poste offert parce qu'elle était une
enseignante et parce que sa sœur et sa mère
assuraient l'entretien du foyer durant la journée
faisait fi de l'expérience et des compétences exi-
gées tant d'un professeur au niveau primaire que
d'une mère célibataire. Le fait de conclure qu'elle
ne possédait pas d'expérience pertinente parce que
sa profession était celle d'«enseignante» au lieu de
«bonne à tout faire» ou «bonne d'enfants» impose
une perception rigide—et, à' mon avis, inappro-
priée—de la spécialisation. J'appuie mon opinion
sur les exigences de «préparation professionnelle
particulière» de la CCDP. La plupart des catégo-
ries où l'on retrouve les aspects du travail offert à
Mme Quadros nécessitent une préparation profes-
sionnelle particulière beaucoup plus courte qu'un
an. Si l'on tient compte des aspects du poste qui ne
sont pas visés par les critères d'évaluation énoncés
dans les lignes directrices, c'est-à-dire de la capa-
cité du candidat de parler le Konkani, de préparer
les mets indiens traditionnels et de mériter la
confiance de la famille des employeurs, alors il
devient impossible de soutenir que Mme Quadros
n'avait pas les compétences requises pour cet
emploi principalement parce qu'elle n'avait pas
d'expérience à temps plein quant à ces tâches.
Je dois dire clairement que pour en arriver à
cette conclusion différente, j'ai tenu compte de
l'argument de l'intimé selon lequel la Cour n'a pas
le pouvoir de modifier l'«opinion» de l'agent des
visas, et qu'en l'espèce la Cour n'exerce pas la
fonction d'un tribunal d'appel mais révise simple-
ment la décision rendue par l'agent des visas. Je ne
possède pas la compétence nécessaire pour rempla-
cer la décision de l'agent des visas par la mienne,
et ce n'est pas ce que je tente de faire. Toutefois, la
présente affaire n'est pas semblable à celle de
Wang (L.) c. Ministre de l'Emploi et de l'Immi-
gration (1988), 23 F.T.R. 257 (C.F. lie inst.) ni à
celle de Fung c. Ministre de l'Emploi et de l'Im-
migration, précitée, dans lesquelles l'agent des
visas a fait son évaluation et a rendu une décision
négative relativement à l'expérience. Elle n'est pas
comparable non plus à celle de Yu c. Canada
(Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (déci-
sion non publiée du 10 août 1990, n° du greffe
T-1550-90), dans laquelle il n'avait pas été prouvé
que l'agent des visas n'avait pas eu l'intention
d'évaluer une quelconque preuve d'équivalence à
une préparation professionnelle particulière.
Comme je l'ai indiqué, il s'est commis une
erreur de droit de la manière indiquée dans la
décision Hajariwala, précitée, relativement à l'in-
terprétation des règlements applicables, dont a
résulté un manquement à l'obligation d'accomplir
les fonctions d'agent des visas. A l'appui de ma
conclusion que la décision relative à l'expérience
est insoutenable, j'adopte le raisonnement de M. le
juge Lamer (alors juge puîné) dans l'arrêt Slaight
Communications Inc. c. Davidson, [1989] 1
R.C.S. 1038, la page 1076 selon lequel l'exercice.
déraisonnable du pouvoir discrétionnaire d'un tri
bunal constitue une erreur de compétence: «Que ce
soit l'interprétation d'une disposition législative qui
soit déraisonnable ou que ce soit l'ordonnance
rendue n'a, à mon avis, pas plus d'importance que
la question de savoir s'il s'agit d'une erreur de
droit ou d'une erreur de fait. Un tribunal adminis-
tratif exerçant une discrétion ne peut jamais
l'exercer de façon déraisonnable.»
J'étaie mon opinion sur l'étude des objectifs
énoncés dans le «Programme concernant les
employés de maison étrangers» où l'on déclare que
«le Programme concernant les employés de maison
étrangers s'adresse aux bonnes d'enfants et aux
gens de maison professionnels». Si le processus
d'évaluation suivi ici était appliqué, même une
«bonne d'enfant ou une employée de maison pro-
fessionnelle» n'aurait pas été qualifiée pour l'em-
ploi offert à moins que sa formation ou son expé-
rience n'aient répondu aussi aux exigences
supplémentaires particulières de chacun de ces
aspects du poste offert par le requérant.
En ce qui concerne l'argument du requérant
selon lequel d'autres facteurs qui appuient la déci-
sion de refuser un permis de travail à Mme Quadros
ne sont pas pertinents relativement au processus de
prise de décision et démontrent que l'agent des
visas a commis une erreur de droit en refusant de
délivrer un permis de travail, je crois que cet
argument est bien fondé. Ces facteurs peuvent tous
être regroupés sous la rubrique globale des doutes
de l'agent des visas à l'égard de la bonne foi de
l'offre d'emploi. Ils comprennent un certain
nombre de motifs de refus distincts, mais reliés
entre eux. Ainsi, le fait que le requérant Pinto ait
cherché à employer une personne en particulier
pendant environ deux ans et demi, la déduction
connexe que son besoin n'était pas critique, la
suggestion qu'il cherche à employer quelqu'un
d'autre que M me Quadros (en publiant en Inde une
annonce pour une personne qualifiée, a proposé
l'avocat des intimés), le fait qu'elle n'ait pas su
l'âge des beaux-parents du requérant ou s'ils
avaient besoin de soins particuliers, le soupçon que
sa requête était basée sur un désir éventuel de
s'établir au Canada avec sa fille de façon à assurer
à cette dernière un meilleur avenir, le fait qu'elle
n'ait pas eu d'idée de ce qu'elle pourrait faire au
Canada dans trois ou quatre ans si ses employeurs
n'avaient plus besoin de ses services; toutes ces
considérations vont au-delà du Règlement. A mon
avis, elles n'ont absolument rien à voir avec l'éva-
luation des compétences de Mme Quadros relative-
ment au poste offert, pour décider si le fait qu'elle
soit employée au Canada aura des répercussions
négatives sur les perspectives d'emploi des citoyens
canadiens ou des résidents permanents au pays.
On pourrait examiner en détail chacun de ces
facteurs, comme les avocats l'ont fait pour plu-
sieurs d'entre eux durant l'audience. Je me propose
d'en examiner un seul. La persistance de M. Pinto
à ne demander qu'une demanderesse en particu-
lier, M me Quadros, pour l'emploi offert semblait
avoir été un facteur déterminant dans la décision
de refuser d'accorder un permis de travail à Mme
Quadros. Cela est manifeste dans le télex cité
ci-dessus et dans la lettre envoyée le 18 décembre
1989 à l'avocat du requérant par le conseiller de
l'immigration à New Delhi, qui porte sur les
motifs du rejet. Dans cette lettre, il déclare que
[TRADUCTION] «Nous pourrions conclure que l'ar-
rangement a manigancé dans le but précis d'obte-
nir les services d'une personne en particulier (qua-
lifiée ou non) et non pas pour se procurer les
services d'une personne qui est qualifiée pour le
poste». Même s'il indique que M me Quadros n'a pas
été jugée qualifiée, il semble que cette décision
reposait, en partie du moins, sur la conviction de
l'agent des visas que l'offre d'emploi n'était pas
faite de bonne foi. Malgré la validation de l'offre
d'emploi par le CEC de Peterborough, on a dit que
cette conviction était fondée sur une preuve supplé-
mentaire recueillie lors de l'entrevue particulière
avec la personne sollicitant le permis de travail. Ce
processus a pour objet d'évaluer si le demandeur
est qualifié, en partie en déterminant la bonne foi
de l'offre d'emploi. Si la bonne foi de l'offre est
suspecte, ce qui semble être le cas si l'offre d'em-
ploi est considérée comme étant «manigancée» de
façon à obtenir les services d'une personne en
particulier, alors le demandeur est jugé ne pas être
qualifié et, malgré la validation du besoin d'un
employé par le CEC, sa requête est refusée. Bien
que l'on vise à s'assurer que la personne répond
aux exigences, en fin de compte il n'y a pas
d'évaluation du demandeur du permis de travail.
Plutôt, l'agent des visas qui suit ce raisonnement
fait simplement une évaluation de l'offre d'emploi.
À mon avis, cela n'est pas conforme aux fonctions
qu'il est tenu d'exercer en application du Règle-
ment, ni à celles que lui imposent les lignes direc-
trices du «Programme concernant les employés de
maison étrangers».
À mon avis, les autres facteurs mentionnés à
propos de la bonne foi de l'offre d'emploi ne sont
pas pertinents en ce qui concerne la décision de
l'agent des visas. Toutefois, selon ma lecture des
messages télex en litige ainsi que des explications
connexes, ces facteurs ont influé sur la décision de
refuser la demande de Mme Quadros. Il ne s'agit
pas de facteurs qui doivent être étudiés dans le
cadre de l'autorité qui a été conférée par le Règle-
ment à l'agent des visas, et cela a été une erreur de
droit de les avoir étudiés.
Pour décider de la présente affaire, il n'est pas
nécessaire d'examiner le dernier motif que le
requérant invoque à l'appui du moyen de redresse-
ment qu'il demande. Par conséquent, je n'exprime
aucune opinion sur la prétention de manquement
de l'agent des visas à son obligation d'agir équita-
blement dans les circonstances de l'espèce.
Conclusion
Pour les motifs exposés, je conclus que l'agent
des visas concerné, en juin 1989, par la décision
relative à la demande de visa avec permis de
travail présentée par Mme Renny Quadros, a
commis une erreur de droit du fait qu'il n'a pas
exercé correctement son pouvoir discrétionnaire,
qu'il n'a pas examiné dans quelle mesure l'expé-
rience de Mme Quadros était pertinente pour les
tâches décrites dans l'offre d'emploi validée, et
qu'il a fait intervenir dans cette décision des fac-
teurs qui ne sont pas pertinents en ce qui concerne
l'étude de ses qualifications et de son expérience
pour l'emploi à l'égard duquel le permis de travail
était sollicité.
La requête est accueillie. Une ordonnance sera
rendue pour annuler la décision prise par l'agent
des visas en juin 1989 relativement à la troisième
demande de Mme Quadros et pour ordonner, en
outre, que les intimés réétudient cette demande
conformément à la Loi sur l'immigration et au
Règlement connexe, de la manière indiquée dans
les présents motifs.
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