T-1751-91
George Hack (requérant)
c.
Sous-ministre de l'Emploi et de l'Immigration
(intimé)
RÉPERTORIÉ: HACK C. CANADA (SOUS-MINISTRE DE L'EMPLOI
ET DE L'IMMIGRATION) (Ire INST.)
Section de première instance, juge Joyal—Ottawa,
20 août et lef novembre 1991.
Fonction publique — Fin d'emploi — Stage — Employé ins-
crit sur une liste d'admissibilité à la suite d'un concours — Le
Ministère a demandé à l'employé d'accepter un poste intéri-
maire jusqu'à ce qu'un poste doté pour une période indétermi-
née devienne vacant — L'employé s'est réinstallé — Il a
occupé le poste intérimaire pendant une année — Il a ensuite
été nominé à un poste doté pour une période indéterminée — tl
a été renvoyé en cours de stage onze mois plus tard — Il s'agit
de savoir si une affectation intérimaire constitue une «nomina-
tion.› au sens de l'art. 28 de la Loi sur l'emploi dans la fonc-
tion publique — L'existence d'une nomination dépend de la
situation objective et non de l'intention déclarée du Ministère
— Le poste doté pour une période indéterminée découle d'une
nomination initiale et un poste intérimaire — La période de
stage continence à courir à compter de la date de la nomina-
1i011 au poste intérimaire.
Il s'agit d'une requête fondée sur l'article 18 en vue d'obte-
nir un bref de certiorari annulant la décision par laquelle l'in-
timé a renvoyé le requérant en cours de stage.
Le requérant a participé, au début de 1989, un concours
concernant deux postes d'analyste principal de la politique
(ES-5) qui étaient offerts à la Division de l'analyse de la poli-
tique relative au marché du travail (DAPMT) d'Emploi et
Immigration Canada. Il occupait alors un poste de niveau
ES-4, ayant été promu une fois depuis son entrée en fonction
au Ministère en 1983. Il a été jugé qualifié, mais deux candi-
dats se sont classés devant lui, de sorte que son nom a été ins-
crit sur une liste d'admissibilité pour des postes semblables. En
avril 1989, le gestionnaire qui avait présidé le jury de sélection
a appelé l'employé pour lui dire qu'il avait besoin immédiate-
ment d'un analyste principal de la politique et pour offrir à
l'employé un poste de niveau ES-5. Comme il n'y avait pas de
poste vacant doté pour une période indéterminée à ce niveau,
l'employé a été nommé à un poste de niveau ES-4 et a été
simultanément nommé à un poste de niveau ES-5 à titre intéri-
maire. Il a été convenu que la situation serait régularisée dès
qu'un poste de niveau ES-5 deviendrait vacant. L'épouse du
requérant a quitté son emploi à Halifax et ils ont tous les deux
vendu leur maison et déménagé à Ottawa.
L'affectation intérimaire de l'employé a duré une année, au
cours de laquelle la section du personnel a prorogé à deux
reprises la nomination avec des numéros de postes différents.
L'employé n'était pas au courant de ces arrangements. Ses
fonctions sont demeurées les mêmes. En juin 1990, un poste
doté pour une période indéterminée de niveau ES-5 est devenu
vacant et le requérant a été nommé à ce poste le 28 juin 1990.
La lettre de nomination portait que le poste était assujetti à une
période de stage. Le 18 juin 1991, le sous-ministre adjoint a
prétendu renvoyer le requérant en cours de stage.
Jugement: la requête devrait être accueillie.
Pour répondre à la question de savoir si une nomination a eu
lieu, il faut examiner les faits bruts. Si les actes nécessaires à
l'existence d'une nomination sont accomplis, le bénéficiaire de
la nomination ne peut alors se voir frustré des droits qu'il a
acquis par suite de cette nomination du fait que le Ministère
déclare qu'il n'a jamais eu l'intention qu'une nomination ait
lieu. Pour le calcul de la période de stage, une affectation à un
poste intérimaire constitue une nomination tant que la per-
sonne occupe ce poste. En l'espèce, la nomination initiale du
12 juin 1989 a commencé à faire courir la période de stage
prévue à l'article 28 de la Loi. La nomination à un poste doté
pour une période indéterminée ne constituait que la matériali-
sation de l'entente initialement conclue.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), chap. F-7, art.
18.
Loi sur l'emploi dans la fonction publique, L.R.C. (1985),
chap. P-33, art. 17, 21, 22, 28.
Règlement sur l'emploi dans la Fonction publique,
C.R.C., chap. 1337, art. 25 (mod. par DORS/81-716,
art. 2; DORS/86-286, art. I; DORS/89-443), 28 (mod.
par DORS/82-812, art. 6), 31, annexe A (mod. par
DORS/78-166, art. I; DORS/79- 14, art. 3; DORS/80-
613, art. 4, 5; DORS/83-354, art. 1).
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Doré c. Canada, [1987] 2 R.C.S. 503; (1987), 45 D.L.R.
(4th) 135; 29 Admin. L.R. 81; 87 CLLC 14,056; 81 N.R.
77; Lucas c. Canada (Comité d'appel de la Commission
de la Fonction publique), [1987] 3 C.F. 354; (1987), 40
D.L.R. (4th) 365; 80 N.R. 109 (C.A.).
DISTINCTION FAITE AVEC:
De.rrochers c. La Reine, [1976] 2 C.F. 679 (Ire inst.).
DÉCISION EXAMINÉE:
R. c. Gowers, [1980] 2 C.F. 503; (1979), 34 N.R. 337
(C.A.).
DÉCISION CITÉE:
Murray c. Gouvernement du Canada (1983), 47 N.R. 299
(C.A. F.).
AVOCATS:
Dougald E. Brown pour le requérant.
Geoffrey S. Lester pour l'intimé.
PROCUREURS:
Nelligan/Power, Ottawa, pour le requérant.
Le sous-procureur général du Canada pour l'in-
timé.
Ce qui suit est la version française des motifs de
l'ordonnance rendus par
LE JUGE JOYAL: Le requérant demande à la Cour de
délivrer en vertu de l'article 18 de la Loi sur la Cour
fédérale, L.R.C. (1985), chap. F-7 (modifiée), un bref
de certiorari annulant la décision par laquelle le
sous-ministre de l'Emploi et de l'Immigration a ren-
voyé le requérant en cours de stage à compter du 19
juillet 1991.
LES FAITS
Le requérant, M. Hack, a commencé à travailler au
sein de la fonction publique fédérale en 1983. Il a
d'abord été nommé à un poste de niveau ES-3 à
Emploi et Immigration Canada (ci-après appelé
CEIC) à Halifax. Vers 1985, M. Hack a été nommé
au niveau ES-4. À la fin de janvier ou au début de
février 1989, alors qu'il travaillait à Halifax, M. Hack
a participé à un concours public concernant deux pos-
tes d'analyste principal de la politique de niveau
ES-5. Les postes étaient offerts à Ottawa à la Divi
sion de l'analyse de la politique relative au marché du
travail, Direction de l'analyse de l'emploi et de l'im-
migration, Direction générale de l'analyse de la poli-
tique et des programmes, Emploi et Immigration
Canada (ci-après appelée DAPMT).
Environ treize candidats ont participé à ce con-
cours. Sur les treize candidats, seulement quatre ont
été jugés qualifiés. M. Hack faisait partie de ce
groupe. Il était arrivé au troisième rang. Les per-
sonnes s'étant classées au premier et au second rangs
ont été nommées aux postes que l'on dotait. Le
requérant a été informé que son nom demeurerait en
tête de la liste d'admissibilité pour de futurs postes.
Au cours du mois d'avril 1989, le chef intérimaire
de la DAPMT, M. Ging Wong, est entré en commu
nication avec M. Hack. M. Wong avait été le prési-
dent du jury de sélection formé pour le concours rela-
tif aux postes d'analyste principal de la politique. M.
Wong a dit à M. Hack qu'il avait été favorablement
impressionné par ses titres et qualités pendant le con-
cours et il a informé M. Hack qu'en raison des
demandes de travail qui existaient au sein de sa divi
sion, il avait besoin d'un autre analyste principal de
la politique qui entrerait immédiatement en fonction.
M. Wong a offert à M. Hack un emploi comme
analyste principal de la politique. Il a expliqué qu'il
était soumis à des compressions de personnel en ce
qu'il n'y avait pas de poste vacant d'analyste princi
pal de la politique de niveau ES-5, mais que plusieurs
postes d'analyste principal de la politique de niveau
ES-5 étaient occupés par des personnes en affectation
dont on ne prévoyait pas le retour.
M. Hack a déclaré qu'à cause des importantes
répercussions qu'un déménagement à Ottawa aurait
pour les membres de sa famille, il ne serait pas prêt à
accepter une nomination au niveau ES-4 ou une
nomination pour une période déterminée au niveau
ES-5. M. Wong a décidé que, comme il était urgent
de recruter un autre analyste principal de la politique
de niveau ES-5, M. Hack serait nommé au niveau
ES-5. Il serait muté à un poste vacant de niveau ES-4
à Ottawa et serait immédiatement après désigné à un
poste de niveau ES-5 à titre intérimaire.
Il était clairement convenu que la nomination de
M. Hack au niveau ES-5 était effectuée à titre intéri-
maire uniquement par suite des compressions de per
sonnel auxquelles la Direction était soumise à
l'époque. M. Hack a accepté cet arrangement à con
dition qu'il soit entendu que, ce faisant, il dépannait
le Ministère et à condition que sa nomination au
niveau ES-5 soit régularisée dès qu'un poste doté
pour une période indéterminée d'analyste principal
de la politique de niveau ES-5 deviendrait vacant.
C'est à ces conditions que M. Hack a accepté le poste
d'analyste principal de la politique de niveau ES-5. Il
a ensuite vendu sa maison de Halifax, sa femme a
démissionné de son emploi et la famille a déménagé à
Ottawa.
M. Hack a été nommé au niveau ES-4 à compter
du 12 juin 1989, et il a été simultanément nommé à
titre intérimaire au poste numéro 2430 au niveau
ES-5 à compter du 12 juin 1989. La nomination de
M. Hack au niveau ES-4 a été confirmée par un rap
port d'opération de dotation (ci-après appelé ROD).
Aucun ROD n'a été rempli au sujet de la nomination
intérimaire de M. Hack au niveau ES-5. On a donné
effet à sa nomination intérimaire au moyen d'un
document intitulé «demande de services en person
nel» (ci-après appelée DSP).
Les fonctions qu'exerçait M. Hack à titre d'ana-
lyste principal de la politique comprenaient la rédac-
tion de notes d'information et de la correspondance
du ministre, l'analyse numérique, le remodelage des
données et la désagrégation et le rétablissement de
l'agrégation de l'information sur les programmes et
des données sur le marché du travail.
Le 31 décembre 1989, la nomination intérimaire de
M. Hack a été prorogée au 31 mars 1990. Le ler avril
1990, sa nomination a été de nouveau prorogée au 27
juillet 1990. M. Hack n'a appris que sa nomination
avait été ainsi prorogée que lorsqu'il a plus tard
demandé qu'on lui donne la possibilité d'examiner
son dossier du personnel. On a utilisé des DSP pour
proroger la nomination intérimaire de M. Hack au
niveau ES-5. On lui a assigné un numéro de poste
différent à l'occasion de chaque prorogation de nomi
nation intérimaire à titre d'analyste principal de la
politique de niveau ES-5. Il a expressément occupé
les postes numéro 2430, 6581 et 472. Tous les postes
que M. Hack a occupés au cours de la période de sa
nomination intérimaire étaient des postes de niveau
ES-5 au sein du Ministère.
Vers le mois de février 1990, Mme Norine Smith, la
directrice de la Direction de l'analyse de l'emploi et
de l'immigration, a informé M. Hack que des postes
et des années-personnes de la Direction étaient trans-
férés à la Division des études sur le marché du travail
(ci-après appelée la DEMT) et qu'il serait muté.
En conséquence, le poste de M. Hack a été trans-
féré de la DAPMT à la DEMT. Il relevait désormais
du chef intérimaire de la DEMT. Ses fonctions sont, à
toutes fins utiles, demeurées les mêmes. Vers le mois
de juin 1990, l'un des analystes principaux de la poli-
tique qui avait été nommé à la suite du concours
public organisé en 1989 a quitté son poste, laissant
vacant au sein de la Direction un poste doté pour une
période indéterminée d'analyste principal de la poli-
tique de niveau ES-5. Le 28 juin 1990, M. Hack a été
officiellement nommé pour une période indéterminée
au niveau ES-5. Ses fonctions sont demeurées
inchangées et il a continué de relever du chef intéri-
maire de la DEMT. Cette nomination a pris effet au
moyen d'une DSP et d'un ROD. Le requérant a été
avisé par une lettre datée du 28 juin 1990 que sa
nomination était désormais pour une période indéter-
minée. La lettre portait également que ce poste était
assujetti à une période de stage. Le titulaire a accepté,
par sa signature, les modalités de la nomination.
Moins d'une année plus tard, le 18 juin 1991, le
sous-ministre adjoint, Politique stratégique et planifi-
cation, Emploi et Immigration Canada, a prétendu
renvoyer M. Hack en cours de stage de son poste
d'analyste principal de la politique de niveau ES-5 à
compter du 19 juillet 1991.
C'est cette décision que le requérant demande à la
Cour d'annuler au moyen d'une ordonnance de cer-
tiorari.
QUESTIONS EN LITIGE
1. M. Hack a-t-il été nommé analyste principal de la
politique de niveau ES-5 le 12 juin 1989?
2. Dans l'affirmative, quand le stage a-t-il pris fin?
3. Quelle interprétation faut-il donner à la nomination
du 28 juin 1990?
4. Le sous-ministre adjoint a-t-il excédé sa compé-
tence en renvoyant M. Hack en cours de stage à
compter du 19 juillet 1991?
Loi sur l'emploi dans la Fonction publique
Aux termes de l'article 28 de la Loi [L.R.C.
(1985), chap. P-33], à partir de la date de sa nomina
tion, le fonctionnaire est considéré comme stagiaire
durant la période fixée par la Commission pour lui ou
la catégorie dont il relève. L'article 22 dispose que
cette nomination prend effet à la date fixée dans
l'acte de nomination. Finalement, l'article 21 prévoit
ce qui suit:
21. (I) Tout candidat non reçu à un concours interne ou, s'il
n'y a pas eu concours, toute personne dont les chances d'avan-
cement sont, selon la Commission, amoindries par une nomi
nation interne, déjà effective ou en instance, peut, dans le délai
imparti par la Commission, en appeler devant un comité chargé
par celle-ci de faire une enquête, au cours de laquelle l'appe-
lant et l'administrateur général en cause, ou leurs représen-
tants, ont l'occasion de se faire entendre.
Il est essentiel toutefois d'examiner attentivement
le Règlement, car j'estime qu'on y trouve une grande
partie des réponses. Les dispositions suivantes du
Règlement sur l'emploi dans la Fonction publique,
C.R.C., chap. 1337 [art. 25 (mod. par DORS/81-716,
art. 2; DORS/86-286, art. 1; DORS/89-443), 28
(mod. par DORS/82-812, art. 6)] sont utiles à la solu
tion du litige:
Nomination intérimaire
25. (1) Sous réserve du paragraphe (2), lorsque le sous-chef
demande à un employé de remplir, pendant une période tempo-
raire, les devoirs d'un poste (ci-après appelé le «poste supé-
rieur») qui comporte un traitement maximum supérieur au trai-
tement maximum du poste qu'il occupe, l'employé doit être
considéré comme nommé au poste supérieur à titre intérimaire,
et si le poste supérieur est classifié dans
a) la catégorie d'occupations appelée catégorie de l'exploi-
tation dans la Loi sur les relations de travail dans la Fonc-
tion publique, et si la période temporaire est de quatre mois
ou plus,
b) la catégorie d'occupations appelée catégorie du soutien
administratif dans ladite Loi, et si la période temporaire est
de trois mois ou plus, ou
e) une catégorie d'occupations autre qu'une catégorie men-
tionnée aux alinéas a) et b), et si la période temporaire est de
deux mois ou plus,
l'employé est estimé, aux fins des articles 10 et 42, avoir été
nommé au poste supérieur sans concours à compter du dernier
jour
d) de la période de quatre mois, dans le cas mentionné à
l'alinéa a),
e) de la période de trois mois, dans le cas mentionné à l'ali-
néa b), et
.n de la période de deux mois, dans le cas mentionné à l'ali-
néa e),
ladite période commençant, dans chaque cas, le jour où l'em-
ployé a commencé à remplir les devoirs du poste supérieur.
(2) Une nomination à un poste à titre intérimaire ne doit pas
être faite pour une période de plus de 12 mois sans l'autorisa-
tion de la Commission dans tout cas ou toute classe de cas.
Stage
28, (I) La période de stage mentionnée au paragraphe 28(l )
de la Loi pour un employé qui fait partie d'une classe ou d'un
groupe d'employés mentionnés à la colonne 1 de l'annexe est
la période indiquée en regard de cette classe ou de ce groupe
dans la colonne Il de ladite annexe.
(2) Le sous-chef peut prolonger la période de stage d'un
employé mais la période de prolongation ne doit pas dépasser
la période déterminée pour cet employé en conformité du para-
graphe (1).
(3) Lorsque la période de stage d'un employé est prolongée,
le sous-chef doit immédiatement en aviser par écrit l'employé
et la Commission.
31. Nonobstant toute disposition contraire du présent règle-
ment, lorsqu'un employé est nommé pour une période spéci-
fiée d'une année ou moins,
a) la période de stage pour cet employé est la période d'em-
ploi; et
b) le délai de préavis, mentionné au paragraphe 28(3) de la
Loi, applicable dans le cas de cet employé est d'un jour.
En l'espèce, la période de stage est de douze mois,
à l'exclusion des périodes de congé non rémunéré, de
formation linguistique à plein temps ou de congés
rémunérés de plus de 30 jours (voir l'annexe A du
Règlement sur l'emploi dans la Fonction publique
[mod. par DORS/78-166, art. 1; DORS/79-14, art. 3;
DORS/80-613, art. 4, 5; DORS/83-354, art. 1]).
THÈSE DU REQUÉRANT
L'avocat du requérant prétend que celui-ci a été
nommé à un poste de niveau ES-5 à compter du 12
juin 1989. C'était une nomination intérimaire mais
c'était quand même une nomination au sens de la
Loi. Il allègue que la période de stage prévue à l'ar-
ticle 28 de la Loi a commencé à courir à partir de la
date de cette nomination et plus précisément à partir
de la date précisée dans le document utilisé pour don-
ner effet à la nomination c'est-à-dire, selon le requé-
rant, dans une DSP datée du 12 juin 1989. Cette
nomination intérimaire a été prorogée à deux repri
ses.
En février 1990, son poste a été transféré à une
autre division mais ses fonctions sont demeurées les
mêmes. En juin 1990, par suite de l'ouverture de l'un
des postes d'analyste principal de la politique, il a été
nommé pour une période indéterminée au niveau
ES-5. Les fonctions sont demeurées inchangées. Le
18 juin 1991, il a été informé qu'il était renvoyé en
cours de stage à compter du 19 juillet 1991.
Il prétend que cette décision ne peut être confirmée
étant donné que la période de stage d'un an avait pris
fin.
THÈSE DE L'INTIMÉ
L'intimé affirme que la question de savoir s'il y a
eu ou non nomination doit être tranchée en tenant
compte de l'intentions des parties, telle qu'elle res-
sort objectivement de leurs actes et de leurs déclara-
tions.
L'intimé poursuit son argumentation en affirmant
que la nomination à un poste intérimaire ne confère
pas au titulaire le droit d'être nommé de façon perma-
nente à ce poste. Suivant l'intimé, un poste intéri-
maire ne se transforme pas avec le temps en un poste
permanent par l'effet de la loi.
L'intimé déclare en outre que deux nominations
distinctes ont été effectuées: la première a pris effet le
12 juin 1989 et la seconde, le 28 juin 1990. Cette
seconde nomination était également soumise à une
nouvelle période de stage de douze mois.
LES RÈGLES DE DROIT EN GÉNÉRAL
Il a été affirmé à plusieurs reprises que la Loi sur
l'emploi dans la fonction publique ne définit pas les
termes «nomination» et «poste», malgré le fait que
ces termes occupent une place importante dans bon
nombre de ses dispositions. La Cour suprême du
Canada a toutefois posé certains principes qui nous
guident sur la façon d'aborder ces questions. Dans
l'arrêt Doré c. Canada, [1987] 1 R.C.S. 503, le juge
Le Dain déclare, à la page 510:
... mais, comme je l'ai dit dans l'arrêt Brault, l'application du
principe du mérite et le droit d'appel que prévoit l'art. 21 de la
Loi sur l'emploi dans la Fonction publique ne peuvent dépen-
dre de la question de savoir si le Ministère choisit de considé-
rer ce qui a été fait comme la création d'un poste et une nomi
nation à celui-ci au sens de la Loi. En réalité, c'est ce que le
Ministère a objectivement fait et non ce qu'il a, en droit, eu
l'intention de faire ou l'interprétation qu'il en avait ...
Ce principe a également été appliqué dans l'arrêt
Lucas c. Canada (Comité d'appel de la Commission
de la Fonction publique), [1987] 3 C.F. 354 (C.A.).
Le juge Heald, J.C.A., qui s'exprimait au nom d'une
cour unanime, a déclaré, à la page 362:
A mon avis, dans les circonstances de l'espèce, la Loi sur l'em-
ploi dans la Fonction publique détermine et régit les droits du
gestionnaire et du présent requérant en l'espèce. Selon cette
Loi, bien que les nominations à la Fonction publique relèvent
de la Commission, elles ne sont faites qu'à la demande du
sous-chef, et suivant la méthode de sélection fondée sur le
principe du mérite. Ce processus comporte obligatoirement la
tenue d'un concours ou le fonctionnement d'un autre méca-
nisme pour déterminer le mérite des candidats. Ces critères de
sélection valent tant pour une nomination intérimaire que per-
manente. Les gestionnaires ne peuvent donc faire échec à l'in-
tention évidente du législateur comme elle est exprimée dans la
Loi en déclarant, comme en l'espèce, que l'opération de dota-
tion dont il est question dans la Loi n'était pas «censée» consti-
tuer une «nomination».
J'ai la conviction que le législateur n'a jamais eu l'intention
de permettre à un ministère fédéral de créer et de combler des
postes, comme bon lui semble, sur la base d'une «affectation»
éliminant de la sorte la protection accordée par les diverses
dispositions précitées de la Loi ...
L'intimé soutient qu'on ne peut interpréter les
arrêts Lucas, Brault et Doré comme posant le prin-
cipe voulant que la question de savoir s'il y a eu ou
non une «nomination» doit, en droit, être tranchée
sans tenir compte de l'intention des parties telle
qu'elle ressort de leurs actes et de leurs déclarations.
L'intimé déclare également que ces trois arrêts
portent tous sur un appel interjeté en vertu de l'article
21 de la Loi et que la proposition relative à l'ap-
proche à adopter pour savoir si une nomination a été
effectuée ou non n'est valable que pour l'application
de l'article 21.
Bien que l'intimé ait tout à fait raison de souligner
que ces trois arrêts portaient sur un appel fondé sur
l'article 21, je ne suis pas d'accord pour dire que
l'approche à adopter au sujet d'une nomination ne
peut être utilisée que dans ces seuls cas. J'estime que
ces arrêts appuient le principe suivant lequel lorsque
le tribunal doit répondre à la question de savoir si une
nomination a eu lieu ou non ou si la nomination est
d'un type ou d'un autre, ou si la nomination a eu lieu
a une date ou à une autre, la question de l'intention
n'est pas pertinente.
La Cour suprême a affirmé que la bonne façon de
s'y prendre consiste à examiner les faits bruts. Les
actes accomplis ou les déclarations faites par l'une ou
l'autre des partie sont des faits dont il faut tenir
compte pour essayer de résoudre la question, mais
l'examen de ces questions n'a pas pour but de décou-
vrir l'intention des parties. La Loi prévoit une protec
tion et une procédure qui ne peuvent dépendre de la
démonstration d'une intention. Si les actes néces-
saires à l'existence d'une nomination sont accomplis,
le bénéficiaire de la nomination ne peut alors se voir
frustré des droits qu'il a acquis par suite de cette
nomination du seul fait que le Ministère déclare qu'il
n'a jamais eu l'intention qu'une nomination ait lieu.
De même, si les faits ne démontrent pas qu'une
nomination a eu lieu, le tribunal ne peut usurper le
rôle de l'Administration en rendant une décision dif-
férente en se fondant sur la prétention du requérant
suivant laquelle il croyait qu'une nomination avait eu
lieu. Strictement parlant, après examen des faits, y
compris de ce qui a été dit et fait (si cela a été mis en
preuve), il se peut très bien que les véritables inten
tions des parties deviennent claires. Cependant, pour
résoudre la question en litige, cette intention n'est pas
pertinente.
ANALYSE DES FAITS
Je dois donc examiner les faits pour déterminer (1)
si une nomination a eu lieu le 12 juin 1989 et (2) dans
l'affirmative, quel type de nomination a eu lieu et à
quels modalités de stage elle était assujettie. Il vaut la
peine de signaler d'entrée de jeu que la plupart, sinon
la totalité, des faits ne sont pas contestés.
Le premier événement qu'il convient à mon avis
de signaler est le concours public qui s'est tenu en
janvier ou en février 1989 pour les deux postes d'ana-
lyste principal de la politique de niveau ES-5. M.
Hack a été jugé qualifié pour le poste mais est arrivé
au troisième rang dans le cadre du concours. On lui a
dit que son nom demeurerait en tête de la liste d'ad-
missibilité pour de futurs postes. L'inscription de M.
Hack sur la liste d'admissibilité est conforme au
paragraphe 17(I) de la Loi:
17. (I) Parmi les candidats qualifiés à un concours, la Com
mission sélectionne ceux qui occupent les premiers rangs et les
inscrits sur une ou plusieurs listes, dites listes d'admissibilité,
selon le nombre de vacances auxquelles elle envisage de pour-
voir dans l'immédiat ou plus tard.
Je suppose que la Commission a jugé nécessaire de
faire cette inscription pour pouvoir doter un poste
qui, selon ce qu'elle prévoyait, deviendrait vacant.
Un autre fait révélateur est la conversation qui a eu
lieu entre M. Hack et M. Wong vers le mois d'avril
1989. M. Wong, qui était le président du jury de
sélection, est entré en communication avec M. Hack
essentiellement pour lui offrir un poste d'analyste
principal de la politique. Cette offre s'expliquait par
les demandes de travail au sein de sa division. M.
Wong avait besoin d'un autre analyste principal de la
politique pour qu'il entre immédiatement en fonction.
Au cours de cette conversation, M. Hack a appris que
la division de M. Wong était soumise à des compres-
sions de personnel en ce qu'il n'y avait pas de poste
vacant d'analyste principal de la politique de niveau
ES-5. On lui a dit que plusieurs postes d'analyste
principal de la politique étaient occupés par des per-
sonnes en affectation mais que l'on ne prévoyait pas
le retour de certaines de ces personnes. Vraisembla-
blement, cela voulait dire que certaines des personnes
qui occupaient des postes d'analyste principal de la
politique de niveau ES-5 étaient affectées à d'autres
postes et que la division de M. Wong ne s'attendait
pas à ce qu'elles reprennent leur poste d'analyste
principal de la politique de niveau ES-5.
En réponse à cette offre, M. Hack a déclaré qu'il
était préoccupé par les importantes répercussions
qu'un déménagement à Ottawa aurait sur lui et sur les
membres de sa famille et il a posé certaines condi
tions que j'ai déjà évoquées.
C'était pour répondre à ces conditions que M.
Hack a été muté à un poste vacant de niveau ES-4 à
Ottawa et qu'il a été immédiatement après nommé au
niveau ES-5 à titre intérimaire. Il était clairement
convenu que la nomination de M. Hack au niveau
ES-5 était effectuée à titre intérimaire uniquement à
cause des compressions de personnel auxquelles la
Direction était soumise à l'époque. Une fois que M.
Hack occuperait ce poste, on ferait l'impossible pour
«régulariser» le poste et en faire dans les plus brefs
délais un poste doté pour une période indéterminée.
Sur la foi de cet arrangement proposé, M. Hack a
accepté le poste d'analyste principal de la politique
de niveau ES-5.
Des mesures de dotation en personnel ont été pri
ses le 12 juin 1989 pour pourvoir au poste de niveau
ES-4, et le même jour, M. Hack a été nommé à titre
intérimaire au poste 2430 au niveau ES-5 au moyen
d'une demande de services en personnel (DSP).
CONCLUSIONS DE FAIT ET CONCLUSIONS DE
DROIT
L'intimé allègue que deux mesures distinctes de
dotation ont été prises, la première le 12 juin 1989 et
la seconde 1e28 juin 1990. L'intimé prétend que cette
seconde mesure de dotation constituait une nomina
tion qui a fait commencer la période de stage prévue
par l'article 28. L'intimé prétend en outre que la
nomination intérimaire à un poste ne confère pas en
soi un droit acquis d'être nommé de façon perma-
nente à ce poste. À l'appui de cette prétention, l'in-
timé invoque trois décisions que je vais maintenant
examiner.
Dans le jugement Desrochers c. La Reine, [1976] 2
C.F. 679 (ife inst.), le requérant faisait valoir que,
comme il avait occupé un certain poste à titre intéri-
maire pendant une certaine période, il devait être con-
sidéré comme un employé permanent occupant le
poste en question.
Les faits de cette affaire sont très différents de ceux
de la présente espèce. Dans cette affaire, le deman-
deur était un préposé au personnel à qui l'on avait
demandé à un moment donné de combler temporaire-
ment la vacance créée par le départ du directeur
adjoint du pénitencier. Il a accepté et a ensuite été
nommé à titre intérimaire en mars 1972. Sa nomina
tion a été reconduite à deux reprises, de sorte qu'il a
occupé le poste intérimaire pendant à peu près deux
ans et demi.
Au cours de l'année 1974, le Service des péniten-
ciers a fait l'objet d'une réorganisation interne et le
poste auquel le demandeur avait été nommé à titre
intérimaire a été aboli. Un nouveau poste exigeant
des titres de compétence différents a été créé et un
concours public a été organisé pour doter ce poste. Le
demandeur a été invité à poser sa candidature en rai-
son de son expérience. La candidature du demandeur
a toutefois été écartée étant donné que ses qualifica
tions n'étaient pas suffisantes pour ce nouveau poste.
Le demandeur a interjeté aussitôt appel en faisant
valoir que le fait qu'il avait occupé le poste à titre
intérimaire aussi longtemps lui donnait automatique-
ment droit au poste à titre permanent.
Le juge Marceau a écarté la prétention du deman-
deur en déclarant, à la page 682:
... aucune disposition de ladite Loi n'est à l'effet que le seul
écoulement du temps puisse remplacer une telle nomination en
transformant une assignation temporaire en une assignation
permanente.
Les faits qui ont été portés à ma connaissance sem-
blent toutefois fort différents. Les différences signifi-
catives sont premièrement qu'il n'existait pas dans
l'affaire Desrochers d'entente semblable à celle
qu'ont conclue M. Hack et M. Wong. La nomination
intérimaire n'avait pas été faite pour combler une
vacance à un poste doté pour une période indétermi-
née. En deuxième lieu, le poste occupé à titre intéri-
maire par M. Desrochers avait été aboli et un poste
entièrement nouveau comportant des exigences diffé-
rentes et prévoyant des qualifications différentes avait
été créé. On avait tenu un concours public relative-
ment à ce nouveau poste et on avait finalement effec-
tué une nomination fondée sur le principe du mérite.
En l'espèce, M. Hack occupait le poste d'analyste
principal de la politique de niveau ES-5 à titre intéri-
maire parce qu'il n'y avait pas de poste vacant doté
pour une période indéterminée; dès qu'une vacance
s'est produite, M. Hack a été nommé au poste devenu
vacant. Cette situation ressemble fort peu à celle qui
existait dans l'affaire Desrochers et je ne crois pas
qu'on puisse appliquer directement les conclusions
de ce jugement aux faits de la présente espèce.
L'intimé cite également l'arrêt R. c. Gowers,
[1980] 2 C.F. 503 (C.A.). Cette affaire portait sur une
question de droit entièrement différente. La Cour a
cependant fait allusion dans cet arrêt à la nature de la
nomination intérimaire. L'intimé, Gowers, avait été
nommé à titre intérimaire à un poste plus élevé au
sein du ministère des Postes. Pendant cette période,
un concours interne avait été organisé dans le but de
pourvoir à un nouveau poste. Les conditions de can-
didature prévoyaient que le candidat devait occuper
un poste dont le traitement maximum atteignait au
moins 312,03 $ par semaine. L'intimé ne touchait pas
un traitement aussi élevé dans son poste régulier,
mais il recevait un traitement supérieur à cette
somme dans son poste intérimaire. Il s'agissait de
savoir si l'intimé occupait le poste intérimaire, ce qui
le rendait admissible à la participation au concours
interne. La Cour d'appel a statué que l'intimé avait le
droit de participer au concours car il était considéré
comme occupant le poste au moment du concours.
Voici ce que le juge Urie, J.C.A., a déclaré, aux pages
508 et 509, au sujet de l'article 27 du Règlement (qui
ressemble beaucoup à l'actuel article 25):
Il prévoit seulement que «l'employé doit être considéré comme
nommé au poste supérieur ... » ... Il s'ensuit que l'intéressé
a droit aux avantages qui lui reviennent du fait de sa soi-disant
nomination au poste intérimaire, tout comme s'il y avait été
officiellement nommé, pour la durée de ses fonctions ... L'un
de ces avantages est, bien entendu, la possibilité de participer
aux concours auxquels son traitement intérimaire le rend
admissible.
Dans ses motifs, le juge suppléant Kelly a déclaré
ce qui suit, à la page 510:
Normalement, la Commission pourvoit à un poste dans la
Fonction publique au moyen d'une nomination faite conformé-
ment à l'article 10 de la Loi. Quiconque nommé dans ces con
ditions occupe ce poste ou y est employé: en fait il en devient
le titulaire.
Par contre, lorsque le titulaire d'un poste quelconque est
absent, la nécessité d'assurer l'exécution des attributions de
l'employé absent comme d'assurer la continuité du fonctionne-
ment de l'administration publique, permet au sous-ministre, en
vertu des pouvoirs qu'il tient du Règlement promulgué par la
Commission et sans confirmation de la Commission ni tenue
d'un concours, de demander à un employé (qui était déjà régu-
lièrement nommé à un poste inférieur) d'assumer à titre tempo-
raire, les attributions du poste supérieur; pendant qu'il remplit
les devoirs du poste supérieur, cet employé est assuré du traite-
ment correspondant. Il n'est pas titulaire du poste supérieur et
doit réintégrer son poste d'origine lorsque le sous-ministre le
requiert. L'employé auquel il est demandé de remplir les
devoirs du poste supérieur ne cesse pas de ce fait d'être un
employé de la Fonction publique, statut qu'il tient d'une nomi
nation faite par la Commission.
Cet arrêt appuie la proposition suivant laquelle il
faut interpréter l'article 27 du Règlement (maintenant
l'article 25) comme disant que la personne qui
occupe un poste à titre intérimaire ne peut être consi-
dérée comme nommée à ce poste que tant qu'elle est
employée dans ce poste. C'est le raisonnement que le
juge Heald, J.C.A., a appliqué dans l'arrêt Murray c.
Gouvernement du Canada (1983), 47 N.R. 299
(C.A.F.), aux pages 307 et 308.
Le requérant renvoie la Cour à un arrêt dans lequel
il a été jugé qu'une personne nommée à titre intéri-
maire à un poste d'un niveau plus élevé que celui
qu'elle occupait avait acquis la permanence dans ce
poste. Dans l'arrêt Lucas c. Canada (Comité d'appel
de la Commission de la Fonction publique), la Cour
était surtout concernée par l'interprétation de l'article
21 de la Loi; elle s'est toutefois prononcée sur l'inci-
dence d'une nomination intérimaire. Dans cette
affaire, pendant que le titulaire d'un poste de commis
au recouvrement suivait un programme de formation,
on a demandé à la requérante, qui a accepté, d'exer-
cer les fonctions de ce poste, pour lequel elle avait le
droit de recevoir une rémunération d'intérim. Un
poste a été créé pour le calcul de la rémunération
intérimaire. Le Ministère a considéré la mesure de
dotation comme une «affectation» et non comme une
«nomination«, de sorte que l'article 21 ne s'appli-
quait pas. Le Comité a souscrit à cette conclusion et a
ajouté que la «personne en affectation» n'avait pas
acquis de permanence dans ce poste et qu'elle n'au-
rait pas pu l'acquérir.
À l'unanimité, la Cour d'appel s'est dite en désac-
cord avec ce point de vue. Elle a conclu que l'affecta-
tion à un poste et la nomination à un poste consti-
tuaient exactement le même acte et que, par
conséquent, l'article 21 s'appliquait. Quant au statut
de l'employée nommée au poste intérimaire, la Cour
a déclaré à la page 363, sous la plume du juge Heald,
J.C.A.:
Je suis également d'avis que le Comité a commis une erreur
en concluant que puisque le poste permanent de madame Mor-
rison, c'est-à-dire celui de SCY-02, était celui qui lui accordait
la «sécurité d'emploi», on ne pouvait pas dire qu'elle avait
acquis cette sécurité dans le poste de CR-04 qu'elle continue
d'occuper. Je suis de l'avis du procureur du requérant pour dire
que lorsqu'elle a accepté et commencé d'exercer les fonctions
du commis au recouvrement, elle a évidemment acquis la sécu-
rité d'emploi en ce sens qu'elle a acquis le droit de recevoir la
rémunération afférente au poste de commis et d'en exercer les
fonctions. Je souscris à l'argument de l'avocat selon lequel:
[TRADUCTION] Dans un sens très réel, elle a acquis pour la
période d'un an dont il est question la sécurité d'emploi en
qualité de commis et elle a perdu sa sécurité d'emploi en
qualité de secrétaire.
Je suis d'accord avec l'intimé pour dire qu'une
nomination intérimaire ne confère pas en soi le droit
acquis d'être nommé de façon permanente à ce poste.
Autrement, on ferait échec à tout l'objectif de la dis
position qui permet les nominations intérimaires. Je
répète que l'Administration doit pouvoir bénéficier
d'une certaine souplesse pour effectuer des change-
ments pour le bon fonctionnement de ses activités.
Diverses dispositions accordent cette souplesse et
l'article 25 du Règlement en est une. Par conséquent,
les nominations intérimaires ne se transforment pas
nécessairement avec le temps en nominations perma-
nentes par l'effet de la loi. C'est pourtant ce qui
semble se produire lorsqu'un appel est interjeté en
vertu de l'article 21 et qu'on prétend que d'autres
conséquences découlent d'une nomination intéri-
maire.
CONCLUSIONS
J'estime néanmoins que dans l'affaire qui m'est
soumise M. Hack a acquis, au sens le plus fort du
terme, la permanence comme analyste principal de la
politique de niveau ES-5. C'est ce qui avait été con-
venu. Le temps qu'il a passé dans des postes intéri-
maires était imputable uniquement au fait qu'aucun
poste doté pour une période indéterminée n'était dis-
ponible, et l'ensemble de la preuve permet de penser
que l'on accorderait à M. Hack le premier poste doté
pour une période indéterminée qui se libérerait.
Comme il se trouvait déjà en tête de la liste d'admis-
sibilité pour ce poste particulier de niveau ES-5, une
nomination officielle effectuée au moment où un
poste devenait disponible ou vacant ne constituait que
la matérialisation de ce qui avait en fait été mis en
branle le 12 juin 1989. Je dois donc conclure que la
nomination intérimaire initiale du 12 juin 1989 cons-
tituait une nomination qui avait pour effet de com-
mencer à faire courir la période de stage prévue à
l'article 28. Cette conclusion n'est pas incompatible
avec les dispositions des articles 25 et 28 du Règle-
ment relatives aux nominations intérimaires.
Je dois également conclure que la prorogation
accordée aux nominations de M. Hack pour une
période déterminée ne constituent pas de nouvelles
nominations qui auraient pour effet d'interrompre de
façon répétée la période de stage. Les numéros de
poste ont pu changer entre le 12 juin 1989 et le 28
juin 1990, mais ces postes étaient tous fort sem-
blables et visaient d'abord et avant tout à s'adapter à
la situation. Si l'on concluait autrement, la forme
l'emporterait sur le fond.
À mon avis, le requérant avait acquis la perma
nence à titre d'analyste principal de la politique au
niveau ES-5. La mesure de dotation prise le 28 juin
1990 ne devrait donc pas être considérée comme une
nomination au sens de l'article 28.
Par conséquent, il n'était pas loisible à l'intimé de
renvoyer le requérant en cours de stage, étant donné
que la période de stage avait déjà pris fin. J'estime
par conséquent que la requête du requérant devrait
être accueillie avec dépens.
J'inviterais les avocats des parties à rédiger une
ordonnance appropriée et à me la soumettre pour
visa. Dans l'intervalle, je demeure saisi de l'affaire.
Les présents motifs sont prononcés en même temps
que ceux que j'ai rendus dans le dossier T-2060-91
dans lequel, dans des circonstances semblables mais
non identiques, j'en suis arrivé à une conclusion
opposée. Les avocats des parties étaient les mêmes
dans les deux affaires et ils apprécieront, sans toute-
fois y souscrire nécessairement, les raisonnements
différents que j'ai exprimés.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.