T-1181-87
MacMillan Bloedel Limited (demanderesse)
c.
Sa Majesté la Reine (défenderesse)
RÉPERTORIÉ: MACMILLAN BLOEDEL LTD. c. CANADA
(1 1e INST.)
Section de première instance, juge McNair —Van-
couver, 17 avril; Ottawa, 19 octobre 1990.
Interprétation des lois — Loi sur la taxe d'accise, art. 27(1)
— Taxe de vente fédérale imposée sur du combustible diesel
importé — L'anomalie existant dans le libellé de l'art. 27(1)
rend impossible le calcul de la taxe sauf si on «l'interprète»
comme s'il renfermait les mots qui y ont depuis été ajoutés par
suite d'une modification de la loi — Les tribunaux ne doivent
exercer leur pouvoir de rectification que lorsque c'est absolu-
ment nécessaire et que lorsqu'il s'agit d'obstacles résultant
d'erreurs de langue mineures et évidentes — Exercer ce pou-
voir en l'espèce constituerait une usurpation arbitraire et
injustifiée du rôle du législateur — La règle de l'interprétation
stricte des lois fiscales a perdu son influence — La méthode
d'interprétation des termes dans leur contexte global est
désormais utilisée — Si cette méthode ne permet pas de faire
disparaître une ambiguïté, il y a présomption en faveur du
contribuable.
Douanes et accise — Loi sur la taxe d'accise — Taxe de
vente fédérale imposée sur du combustible diesel importé en
1986 Le M.R.N. a établi les taxes payables conformément à
l'art. 27(1) de la Loi sur la taxe d'accise Comme il est
impossible de calculer la taxe en vertu de l'art. 27(1) de la Loi
en raison de l'erreur de rédaction qui s'y trouve, le M.R.N.
n'aurait pas dû établir la taxe en fonction de cet article mais
plutôt conformément à la disposition générale de taxation
figurant à l'art. 27(1.1)d).
Au printemps de 1986, la demanderesse a importé des États-
Unis trois chargements de combustible diesel afin d'utiliser
celui-ci dans son entreprise intégrée de produits forestiers en
Colombie-Britannique. Le ministre a établi relativement au
montant de la taxe de vente fédérale une nouvelle cotisation
s'élevant à 399 846,17 $ et il a rejeté la demande de remise de
la taxe imposée sur le dernier chargement présentée par la
demanderesse. Il s'agit en l'espèce d'un appel formé contre la
nouvelle cotisation établie et contre le rejet de la demande de
remise.
Le litige, repose sur l'interprétation appropriée du
paragraphe 27(1) et de l'alinéa 27(1.1)c) de la Loi sur la taxe
d'accise. La disposition d'imposition figurant à cet alinéa était
inapplicable à l'espèce car la formule de calcul qui y était
prévue exigeait que la valeur en dollars soit multipliée par un
taux par litre exprimé en dollars, ce qui donnait des dollars
multiplié par des dollars et produisait un résultat mathématique
absurde. Il s'agit essentiellement de déterminer dans quelle
mesure la Cour peut interpréter la Loi en y ajoutant des termes
ou en ne tenant pas compte de ses termes afin d'atteindre
l'objectif qui, affirme-t-on, était visé. Le législateur a depuis
corrigé l'erreur en ajoutant les mots «ou sur la quantité», ce qui
a permis d'imposer une taxe en fonction de la quantité lorsqu'il
n'existait auparavant aucun système cohérent.
Jugement: l'appel devrait être accueilli.
Ces dernières années, les anciennes règles qui appelaient une
interprétation stricte des lois fiscales ont perdu leur influence.
Désormais, le principe applicable en matière d'interprétation
des lois, notamment des lois fiscales, est celui de l'interprétation
des «termes dans leur contexte global». Bien que la présomption
en faveur du contribuable n'ait pas disparu, elle est moins
fréquemment appliquée et elle a laissé la place à un principe
résiduel selon lequel tout doute raisonnable peut jouer en faveur
du contribuable lorsqu'il est impossible de faire disparaître une
ambiguïté dans une loi en appliquant la méthode
d'interprétation des termes dans leur contexte global.
Néanmoins, même s'ils sont interprétés dans leur contexte
global de la manière la plus libérale possible, les
paragraphes 27(1) et 27(1.1) combinés à l'article 27.1 et à
l'annexe II.1 ne fournissent pas une méthode cohérente et claire
permettant de taxer le combustible diesel en fonction de la
quantité.
Les tribunaux ne devraient exercer leur pouvoir de
rectification des lois que lorsque c'est absolument nécessaire
pour indiquer clairement l'intention du législateur en présence
d'obstacles résultant d'erreurs de langue mineures et évidentes.
Corriger la lacune de la disposition en y insérant les termes «ou
sur la quantité» constituerait une usurpation arbitraire et
injustifiée du rôle du législateur. Même si la demanderesse a
réussi à prouver que la cotisation établie par le ministre était
erronée, ce dernier peut néanmoins imposer le taux de taxe
prescrit par l'alinéa 27(1.1)d) sur les trois chargements de
combustible diesel (11 pour cent pour les deux premiers
chargements et 12 pour cent pour le dernier) ce qui établit à
195 463,48 $ le montant total de la taxe de vente fédérale.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi sur la taxe d'accise, S.R.C. 1970, chap. E-13,
art. 26(1) (mod. par S.C. 1980-81-82-83, chap. 68,
art. 8(3)), 27(1) (mod. par S.C. 1986, chap. 9, art. 16;
chap. 54, art. 4), (1.1) (mod., idem) a),b),c),d),
Annexe II.1 (édictée, idem).
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Stubart Investments Ltd. c. La Reine, [1984] 1 R.C.S.
536; [1984] CTC 294; (1984), 84 DTC 6305; 53 N.R.
241; Johns -Manville Canada Inc. c. La Reine, [1985] 2
R.C.S. 46; (1985), 21 D.L.R. (4th) 210; [1985] 2 CTC
111;,85 DTC 5373; 60 N.R. 244.
DISTINCTION FAITE AVEC:
R. v. Mullin, [1947] 2 D.L.R. 682; 87 C.C.C. 394; 3 C.R.
70; 19 M.P.R. 298 (C.A.N.-B.); Re Lynn Terminals Ltd.
Assesment (1963), 40 D.L.R. (2d) 925; 44 W.W.R. 604
(C.S.C.-B.); Worgan (T.K.) & Son Ltd. v.
Gloucestershire County Council, [1961] 2 Q.B. 123
(C.A.); Federal Steam Navigation Co Ltd v Department
of Trade and Industry, [1974] 2 All ER 97 (H.L.);
Wentworth Securities Ltd. v. Jones, [1980] A.C. 74
(H.L.); City of Ottawa v. Hunter (1900), 31 R.C.S. 7;
Minister of Transport for Ontario v. Phoenix Assurance
Co. Ltd. (1973), 1 O.R. (2d) 113; 39 D.L.R. (3d) 481;
[1973] L.L.R. 1-560 (C.A.); Société des Acadiens du
Nouveau-Brunswick Inc. and Association des Conseillers
Scolaires Francophones du Nouveau-Brunswick v.
Minority Language School Board No. 50 and
Association of Parents for Fairness in Education, Grand
Falls District 50 Branch (1987), 82 N.B.R. (2d) 360; 40
D.L.R. (4th) 704; 208 A.P.R. 360 (C.A.); Sask. Govt.
Insur. Office v. Anderson (1966), 57 W.W.R. 633 (C.
comté Man.); Massey -Harris Co. Ltd. v. Strasbourg,
[1941] 4 D.L.R. 620 (C.A. Sask.).
DOCTRINE
Côté P.-A., Interprétation des lois, Cowansville (Qc):
Editions Yvon Blais Inc., 1982.
Driedger E. A., Construction of Statutes, 2° éd., Toronto:
Butterworths, 1983.
AVOCATS:
L. A. Green pour la demanderesse.
Barbara A. Burns pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Thorsteinsson, Mitchell, Little, O'Keefe &
Davidson, Vancouver, pour la demanderesse.
Le sous-procureur général du Canada pour la
défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE MCNAIR: Il s'agit en l'espèce d'un
appel formé par la demanderesse contre la nou-
velle cotisation établie par le ministre du Revenu
national relativement au montant de la taxe de
vente fédérale prélevée ou imposée sur trois char-
gements de combustible diesel importé des États-
Unis au printemps de 1986. La demanderesse
interjette également appel de l'avis de détermina-
tion par lequel le ministre a rejeté sa demande de
remise de la taxe de vente imposée sur le troisième
chargement de combustible diesel. La demande-
resse concède toutefois que, si elle devait un cer
tain montant de taxe de vente sur les chargements,
ce montant aurait dû atteindre au maximum
195 463,48 $. En revanche, la défenderesse sou-
tient que la somme de 399 846,17 $ imposée
comme taxe de vente était exacte. Il y a une
différence nette de 204 382,69 $ entre ces deux
sommes. Le différend opposant les parties repose
toutefois sur des questions de droit mettant en
cause l'interprétation appropriée du para-
graphe 27(1) et de l'alinéa 27(1.1)c) de la Loi sur
la taxe d'accise, S.R.C. 1970, chap. E-13, modi-
fiée par S.C. 1986, chap. 54.
L'avocat de la demanderesse prétend qu'en
raison de son ambiguïté, la disposition d'imposition
figurant à l'alinéa 27(1.1)c) de la Loi est totale-
ment inapplicable en l'espèce, dans la mesure où
l'application de la formule prévue pour l'imposi-
tion de la taxe entraîne un résultat absurde. Il
s'ensuit donc à son avis qu'aucune taxe n'est due
ou, subsidiairement, que son montant est beaucoup
moins élevé car il doit être déterminé conformé-
ment à l'alinéa 27(1.1)d) de la Loi. L'avocate de la
défenderesse reconnaît l'existence d'une lacune ou
d'une anomalie dans les dispositions législatives et
elle l'attribue à une erreur de rédaction. En consé-
quence, elle me prie instamment de ne pas tenir
compte des imperfections signalées à cet égard ou
de les corriger par jugement. Il s'agit essentielle-
ment de déterminer dans quelle mesure la Cour
peut interpréter une loi en y ajoutant des termes
ou en ne tenant pas compte de certains de ses
termes afin d'atteindre l'objectif qui, selon la Cou-
ronne, était visé.
Les parties ont soumis un exposé conjoint des
faits dont voici le texte:
[TRADUCTION] 1. La demanderesse a été constituée en société
conformément aux lois de la Colombie-Britannique, et elle
exploite une entreprise intégrée de produits forestiers dans cette
province et ailleurs au Canada.
2. La demanderesse utilise du combustible diesel dans l'exer-
cice de ses activités en Colombie-Britannique.
3. Aux environs du 14 mars 1986, la demanderesse a acheté du
combustible diesel dans l'État de Washington pour l'importer
au Canada. Elle a importé le combustible diesel à Vancouver
(Colombie-Britannique), conformément au document Douanes
du Canada—B3 Formule de codage de déclaration d'importa-
tion L178451 (ci-après appelé «chargement n° 1»).
4. Les détails pertinents du chargement n° 1 sont les suivants
(toutes les sommes dont il est question dans le présent exposé
conjoint des faits sont exprimées en dollars canadiens à moins
d'indication contraire):
a) Quantité de combustible diesel 3 998 645,73 litres
b) Prix d'achat (en dollars américains) 441 450,49 $ US
c) Taux de change (dollars canadiens/
dollars américains) 1,42 $
d) «Valeur à l'acquitté» 626 860,00 $
e) Taxe de vente de 11 % de la valeur
à l'acquitté 68 954,56 $
f) Taxe d'accise de 0,02 $ le litre 79 972,91 $
g) Total des taxes de vente et d'accise 148 927,47 $
5. La demanderesse a payé les taxes de vente et d'accise
mentionnées au paragraphe 4 au moment de l'importation du
combustible.
6. Aux environs du 3 avril 1986, la demanderesse a acheté du
combustible diesel dans l'État de Washington pour l'importer
au Canada. Elle a importé le combustible diesel à Nanaimo
(Colombie-Britannique), conformément au document Douanes
du Canada—B3 Formulé de codage de déclaration d'importa-
tion V300070 (ci-après appelé «chargement n° 2»).
7. Les détails pertinents du chargement n° 2 sont les suivants:
a) Quantité de combustible diesel 3 194 164 litres
b) Prix d'achat (en dollars américains) 352 635,70 $ US
c) Taux de change (dollars canadiens/
dollars américains) 1,40 $
d) «Valeur à l'acquitté» 493 690,00 $
e) Taxe de vente de 11 % de la valeur
à l'acquitté 54 305,90 $
f) Taxe d'accise de 0,02 $ le litre 63 883,28 $
g) Total des taxes de vente et d'accise 118 189,18 $
8. La demanderesse a payé les taxes de vente et d'accise
mentionnées au paragraphe 7 au moment de l'importation du
combustible.
9. Aux environs du 15 mai 1986, la demanderesse a acheté du
combustible diesel dans l'État de Washington pour l'importer
au Canada. Elle a importé le combustible diesel à Nanaimo
(Colombie-Britannique), conformément au document Douanes
du Canada—B3 Formule de codage de déclaration d'importa-
tion V300795 (ci-après appelé «chargement n° 3»).
10. Les détails pertinents du chargement n° 3 sont les suivants:
a) Quantité de combustible diesel 4 400 134 litres
b) Prix d'achat (en dollars américains) 436 007,71 $ US
c) Taux de change (dollars canadiens/
dollars américains) 1,38 $
d) «Valeur à l'acquitté» 601 691,00 $
e) Taxe de vente de 0,0366 $ le litre 161 044,92 $
f) Taxe d'accise de 0,02 $ le litre 88 002,68 $
g) Total des taxes de vente et d'accise 249 047,60 $
11. La demanderesse a payé les taxes de vente et d'accise
mentionnées au paragraphe 10 au moment de l'importation du
combustible.
12. Dans un avis de cotisation portant le n° 53 et daté du
9 juillet 1986, le ministre du Revenu national (ci-après appelé
«le ministre») a exigé de la demanderesse le paiement d'une
taxe de vente supplémentaire pour l'achat des chargements
n" 1 et 2. Le montant de la taxe a été établi en prenant pour
hypothèse que la taxe de vente imposée par le paragraphe 27(1)
de la Loi sur la taxe d'accise aurait dû être calculée et imposée
conformément aux dispositions de l'alinéa 27(1.1)c) de la Loi
au taux indiqué (0,0332 $) par litre de combustible diesel
importé, et non suivant les calculs de la demanderesse effectué
conformément aux dispositions de l'alinéa 27(1.1)d) de la Loi,
soit au taux de 11 % de la «valeur à l'acquitté» du combustible
diesel importé.
13. La demanderesse a payé les taxes fixées.
14. La demanderesse s'est opposée au montant de la taxe
demandé en produisant un avis d'opposition daté du 23 juillet
1986. Le ministre a confirmé le montant de la taxe dans un avis
de décision daté du 3 mars 1987. La demanderesse a interjeté
appel de cette décision devant cette Cour, conformément à
l'article 51.2 de la Loi sur la taxe d'accise.
15. Le 11 juillet 1986, la demanderesse a produit une demande
de remise concernant le chargement n° 3, remise qui, de l'aveu
des parties, aurait été de 88 842 $ si elle avait été accordée. La
demanderesse a réclamé une remise parce qu'elle estimait que
la taxe de vente exigible relativement au chargement n° 3 aurait
dû étre calculée et imposée au taux de 12 % de la «valeur à
l'acquitté» du combustible diesel importé, et non à un taux par
litre comme l'a soutenu le ministre.
16. Dans un avis de détermination portant le n° 03094 et daté
du 5 septembre 1986, le ministre a rejeté la demande de remise
présentée par la demanderesse parce qu'il estimait indiqué de
calculer et d'imposer la taxe de vente au taux spécifié (0,366 $)
par litre de combustible diesel importé et non au taux invoqué
par la demanderesse.
17. La demanderesse s'est opposée à la détermination dans un
avis d'opposition daté du 6 octobre 1986. Le ministre a con
firmé la détermination dans un avis de décision daté du 3 mars
1987. La demanderesse a interjeté appel de cette décision
devant cette Cour conformément à l'article 51.2 de la Loi sur
la taxe d'accise.
18. Suivant la méthode de calcul utilisée par la demanderesse,
le montant de la taxe de vente fédérale payable au moment de
l'importation des chargements n°» 1, 2 et 3 aurait dû étre de
195 463,48 $.
19. Suivant la méthode de calcul utilisée par le ministre, les
taxes de vente fédérales imposées totalisent 399 846,17 $, soit
une différence de 204 382,69 $.
Bien que les faits soient relativement simples, les
dispositions législatives en cause ne sont pas aussi
claires. Les dispositions pertinentes [mod. par.
S.C. 1986, chap. 9] sont les suivantes:
27. (1) Est imposée, prélevée et perçue une taxe de consom-
mation ou de vente au taux spécifié au paragraphe (1.1) sur le
prix de vente de toutes marchandises
b) importées au Canada, payable par l'importateur ou le
cessionnaire qui sort les marchandises d'entrepôt pour la
consommation, à l'époque où les marchandises sont impor-
tées ou sorties d'entrepôt pour la consommation;
(1.1) La taxe prévue au paragraphe (1) est imposée aux taux
suivants:
c) au taux indiqué vis-à-vis l'article correspondant de l'an-
nexe I1.1, ajusté conformément au paragraphe 27.1(1) et
multiplié par le taux de taxe indiqué à l'alinéa d), exprimé en
décimales et multiplié par cent, dans le cas d'essence ordi-
naire, d'essence sans plomb, d'essence super avec plomb,
d'essence super sans plomb et de combustible diesel;
d) onze pour cent, dans tout autre cas.
ANNEXE II.1
TAUX SPÉCIFIÉS
POUR PRODUITS PÉTROLIERS
(paragraphe 27(1.1))
1. Essence, ordinaire 0,0032 S, le litre.
2. Essence, sans plomb 0,0035 $, le litre.
3. Essence, super avec plomb 0,0036 S, le litre.
4. Essence, super sans plomb 0,0036 $, le litre.
5. Combustible diesel 0,0029 $, le litre.
La Loi comporte également plusieurs définitions
qu'il convient de signaler:
26. (1) . ..
«prix de vente» [mod. par S.C. 1980-81-82-83, chap. 68, art.
8(3)] pour déterminer la taxe de consommation ou de vente,
désigne ... dans le cas de marchandises importées, le prix de
vente est réputé être leur valeur à l'acquitté, et
«valeur à l'acquitté» signifie la valeur de l'article telle qu'elle
serait déterminée aux fins du calcul d'un droit ad valorem
sur l'importation du dit article au Canada en vertu de la
législation sur les douanes, et du Tarif des douanes, que cet
article soit, de fait, sujet ou non à un droit ad valorem ou
autre, plus le montant des droits de douane, s'il en est,
exigible sur cet article.
Les deux avocats étaient d'accord pour dire que
l'erreur ou l'anomalie existant dans le texte législa-
tif résulte du fait que le paragraphe 27(1) est
destiné à imposer une taxe de vente «sur le prix de
vente de toutes marchandises» au taux spécifié au
paragraphe 27(1.1). Malheureusement, combinée
au taux applicable précisé à l'annexe II.1, la for-
mule prescrite par l'alinéa 27(1.1)c) pour calculer
la taxe de consommation ou de vente sur le com
bustible diesel donne un prix par litre. Entre
parenthèses, la formule exige que le taux prévu à
l'annexe II.1 de la Loi soit ajusté à l'indice de
rendement de l'industrie et ensuite multiplié par le
taux indiqué à l'alinéa 27(1.1)d). Incidemment, ce
dernier taux a été fixé à 11 % pour les deux
premiers chargements de combustible acheté par
la demanderesse et à 12 % pour le troisième. En
dernière analyse, la formule de calcul prévue à
l'alinéa 27(1.1)c) exige que la valeur en dollars
soit multipliée par un taux par litre exprimé en
dollars, ce qui donne des dollars multipliés par des
dollars et produit un résultat mathématique
absurde.
L'erreur ou anomalie existant au
paragraphe 27(1) de la Loi a depuis été corrigée.
Dans la Loi modifiant la Loi sur la taxe d'accise
et la Loi sur l'accise, S.C. 1986, chap. 54, art. 4, le
législateur a ajouté les mots «ou sur la quantité»
immédiatement après les mots «sur le prix de
vente» y figurant. En ajoutant ces quatre mots, le
législateur a pu ainsi corriger la lacune et imposer
une taxe en fonction de la quantité lorsqu'il n'exis-
tait auparavant aucun système cohérent. La modi
fication était rétroactive mais seulement jusqu'au
12 juin 1986. Les trois chargements de la deman-
deresse ayant été achetés avant cette date, ils
n'étaient pas visés par la modification. La décision,
dans des cas analogues à celui de la demanderesse,
a été laissée aux tribunaux.
Ces dernières années, les anciennes règles appe-
lant une interprétation stricte des lois fiscales ont
perdu leur influence. Dans l'arrêt Stubart Invest
ments Ltd. c. La Reine, [1984] 1 R.C.S. 536, le
juge Estey s'exprimant pour la majorité de la Cour
a expliqué aux pages 576 578 la méthode d'inter-
prétation plus moderne désormais suivie:
Dans tout cela, il ne faut pas oublier que, depuis longtemps,
les règles d'interprétation des lois prescrivent une interprétation
stricte et que toute ambiguïté des dispositions d'imposition doit
être tranchée en faveur du contribuable; les lois fiscales ont été
assimilées à des lois pénales. Voir: Grover & Iacobucci, Mate
rials on Canadian Income Tax (5e éd. 1983), pp. 62 65.
À une certaine époque, la Chambre des lords, selon l'inter-
prétation du professeur John Willis, avait décidé qu'il était
[TRADUCTION] «non seulement permis, mais bien d'éviter de
payer l'impôt» ((1938), 16 R. du B. Can. 1, à la p. 26), propos
de l'arrêt Levene v. Inland Revenue Commissioners, [1928]
A.C. 217, la p. 227. C'était le point culminant de l'application
de la décision de lord Cairns dans l'affaire Partington v.
Attorney -General (1869), L.R. 4 H.L. 100, la p. 122:
Dans l'arrêt précité, le professeur Willis prévoit fort juste-
ment l'abandon de la règle d'interprétation stricte des lois
fiscales. Comme nous l'avons vu, le rôle des lois fiscales a
changé dans la société et l'application de l'interprétation stricte
a diminué. Aujourd'hui, les tribunaux appliquent à cette loi la
règle du sens ordinaire, mais en tenant compte du fond, de sorte
que si l'activité du contribuable relève de l'esprit de la disposi
tion fiscale, il sera assujetti à l'impôt. Voir Whiteman et
Wheatcroft, précité, à la p. 37.
Bien que les remarques de E.A. Dreidger [sic] dans son
ouvrage Construction of Statutes (2' éd. 1983), la p. 87, ne
visent pas uniquement les lois fiscales, il y énonce la règle
moderne de façon brève:
[TRADUCTION] Aujourd'hui il n'y a qu'un seul principe ou
solution: il faut lire les termes d'une loi dans leur contexte
global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s'har-
monise avec l'esprit de la loi, l'objet de la loi et l'intention du
législateur.
Cela ne signifie toutefois pas que toute présomp-
tion en faveur du contribuable a complètement
disparu. Il semblerait plutôt qu'elle est moins fré-
quemment appliquée. Dans l'arrêt Johns -Manville
Canada Inc. c. La Reine, [1985] 2 R.C.S. 46, le
juge Estey, qui a prononcé le jugement de la Cour,
a fait valoir [à la page 48] que la question soulevée
par le pourvoi était «de savoir si la contribuable
appelante a[vait], en vertu de la Loi de l'impôt sur
le revenu du Canada, le droit de porter au compte
de dépenses plutôt qu'au compte de capital le coût
d'acquisition de biens-fonds autour de la mine à
ciel ouvert qu'elle exploite dans le cours de ses
opérations minières». La Cour a répondu par l'af-
firmative. Après avoir analysé attentivement la
jurisprudence et la doctrine, le juge Estey a conclu
à la page 72:
... le traitement fiscal approprié consiste à imputer ces dépen-
ses au compte de revenu et non au compte de capital. Une telle
décision est de plus conforme à un autre concept fondamental
de droit fiscal portant que, si la loi fiscale n'est pas explicite,
l'incertitude raisonnable ou l'ambiguïté des faits découlant du
manque de clarté de la loi doit jouer en faveur du contribuable.
Ce principe résiduel doit d'autant s'appliquer au présent pour-
voi qu'autrement une dépense annuelle entièrement liée à l'ex-
ploitation quotidienne de l'entreprise de la contribuable ne lui
procurerait aucun dégrèvement d'impôt sous forme de déduc-
tion pour amortissement ou pour épuisement s'il s'agit d'une
dépense de capital, ou de déduction applicable au revenu s'il
s'agit d'une dépense d'exploitation. [Non souligné dans le texte
original.]
Si je comprends bien, le «principe résiduel» invo-
qué par le juge Estey signifie simplement que, dans
les cas où il est impossible de faire disparaître une
ambiguïté dans une loi en appliquant la méthode
moderne d'interprétation des «termes dans leur
contexte global>, tout doute raisonnable subsistant
doit jouer en faveur du contribuable.
À la page 438 de son ouvrage intitulé Interpré-
tation des lois [Yvon Blais, 1982], M. Côté ana
lyse de la manière suivante la méthode moderne
d'interprétation des lois:
Le doute dont le contribuable peut bénéficier doit être «rai-
sonnable»: la loi fiscale doit être «raisonnablement claire». Ne
serait pas raisonnable un doute que l'interprète n'a pas essayé
de dissiper grâce aux règles ordinaires d'interprétation: le pre
mier devoir de l'interprète est de rechercher le sens et ce n'est
qu'à défaut de pouvoir arriver à un résultat raisonnablement
certain que l'on peut choisir de retenir celui, de plusieurs sens
possibles, qui favorise le contribuable. La présomption de l'in-
terprétation favorable au contribuable se présente donc aujour-
d'hui comme une présomption simple, à caractère subsidiaire.
Voir également Driedger, Construction of Statu
tes, 2e éd., aux pages 203 207.
Comme nous l'avons déjà signalé, l'avocat de la
demanderesse a soutenu que l'alinéa 27(1.1)c) de
la Loi était ambigu, qu'il entraînait un résultat
absurde ou illogique et, par conséquent, qu'il ne
devait pas être appliqué. Il a soutenu que, même
s'il est bien possible que le législateur ait eu l'in-
tention de prélever une taxe fondée sur la quantité,
il ne l'a pas fait en termes clairs et précis. En
conséquence, aucune taxe ne pouvait être prélevée.
Il a de plus fait valoir que les règles d'interpréta-
tion de longue date exigeaient que toute incerti-
tude raisonnable ou que toute ambiguïté dans les
faits jouent en faveur du contribuable. Il a en
outre prié instamment la Cour de conclure, à
défaut de retenir ces arguments, que la demande-
resse avait agi raisonnablement en payant la taxe
de vente au taux prescrit par l'alinéa 27(1.1)d) de
la Loi qui impose un taux fixe dans tous les autres
cas non visés par les alinéas 27(1.1)a),b) ou c) de
ladite loi.
L'avocate de la Couronne a fait valoir deux
arguments au soutien des allégations de fait du
ministre en ce qui concerne l'applicabilité de
l'alinéa 27(1.1)c) de la Loi sur la taxe d'accise.
Son premier argument reposait sur le principe ou
la maxime generalia specialibus non derogant qui,
littéralement, signifie que les dispositions générales
ne dérogent pas aux dispositions spéciales. Elle a
soutenu que l'application de ce principe permet de
considérer le taux de taxe prescrit par
l'alinéa 27(1.1)c) comme une exception particu-
lière au régime général mis en place par le
paragraphe 27 (1) en vertu duquel un taux de taxe
devait être prélevé sur le prix de vente de toutes
marchandises. L'avocate a fait valoir que
l'alinéa 27(1.1)c) créait effectivement un régime
particulier permettant de taxer le diesel et les
autres combustibles en fonction de la quantité des
marchandises en cause plutôt qu'en fonction de
leur prix de vente, et que telle était manifestement
la manière dont il fallait interpréter l'intention du
législateur. Elle a étayé son argument en invo-
quant des précédents montrant que les tribunaux
ont appliqué le principe generalia specialibus non
derogant de manière à donner effet à l'intention du
législateur, même dans les cas où une telle inter-
prétation entraînait une certaine contradiction ou
une incompatibilité évidente entre des dispositions
législatives générales et des dispositions législatives
particulières: voir R. v. Mullin, [1947] 2 D.L.R.
682 (C.A.N.-B.); Re Lynn Terminals Ltd. Assess
ment (1963), 40 D.L.R. (2d) 925 (C.S.C.-B.); et
Worgan (T.K.) & Son Ltd. v. Gloucestershire
County Council, [1961] 2 Q.B. 123 (C.A.).
À mon avis, la jurisprudence citée par l'avocate
de la Couronne n'est nullement convaincante. Il ne
s'agit pas d'un cas ou une disposition législative
fournit des directives particulières et précises
qu'une autre disposition plus générale contredit.
Ce n'est pas le cas de l'alinéa 27(1.1)c) de la Loi.
Indépendamment de toute intention générale du
législateur de taxer le combustible diesel importé,
le fondement même de l'imposition d'une telle taxe
est resté plutôt vague. En outre, l'interprétation
des termes de l'alinéa 27(1.1)c) de la Loi dans leur
contexte global contribue peu à solutionner le pro-
blème. A mon avis, même s'ils sont interprétés
dans leur contexte global de la manière la plus
libérale possible, les paragraphes 27(1) et 27(1.1)
combinés à l'article 27.1 et à l'annexe II.1 ne
fournissent pas une méthode cohérente et claire
permettant de taxer le combustible diesel en fonc-
tion de la quantité.
Cela m'amène à examiner l'argument subsi-
diaire avancé par l'avocate de la Couronne. Elle a
prétendu pour l'essentiel qu'il s'agit, en l'espèce,
d'un cas où le tribunal pourrait à juste titre exer-
cer son pouvoir de rectification et interpréter le
paragraphe 27(1.1) comme s'il renfermait les mots
«ou sur la quantité» afin de donner effet à l'inten-
tion du législateur de taxer les carburants. L'avo-
cate a reconnu que le pouvoir de rectification est
un pouvoir très limité, et qu'il l'est davantage en
Angleterre qu'au Canada, mais que les tribunaux
peuvent néanmoins l'utiliser dans les cas appro-
priés. Elle a mentionné les directives innovatrices
données par la Chambre des lords britannique
dans les arrêts Federal Steam Navigation Co Ltd
y Department of Trade and Industry, [ 1974] 2 All
ER 97; et Wentworth Securities Ltd. v. Jones,
[1980] A.C. 74, et elle a soutenu que ces précé-
dents posent les quatre conditions suivantes pour
l'exercice du pouvoir de rectification, c'est-à-dire:
(1) Si elle n'était pas rectifiée, la disposition en
cause serait incompréhensible, absurde ou
incompatible avec une autre disposition, ou
elle entraînerait un résultat illogique.
(2) Il devrait être possible de déterminer,
d'après le contexte global de la loi, quel acte
nuisible le législateur cherchait à faire dis-
paraître ou, plus simplement, l'objet de la
disposition devrait ressortir du contexte.
(3) En raison d'une omission ou d'une erreur de
rédaction, le texte de la disposition serait
incompatible, dans son état actuel, avec l'in-
tention du législateur.
(4) Il doit être possible de déterminer avec cer
titude les termes qu'aurait insérés le rédac-
teur et que le législateur aurait approuvés si
l'erreur ou l'omission avaient été découver-
tes au moment de l'adoption du texte
législatif.
L'avocate de la défenderesse a soutenu que les
quatre conditions étaient respectées en l'espèce.
Elle a toutefois signalé que les tribunaux canadiens
étaient moins disposés à appliquer des critères
aussi rigoureux que leurs homologues anglais.
Selon elle, les tribunaux canadiens ont inséré ou
ont supprimé des termes dans des lois en présence
d'une contradiction ou d'une absurdité manifeste
compte tenu de l'intention claire du législateur.
Elle a cité à cet égard les décisions suivantes: City
of Ottawa v. Hunter (1900), 31 R.C.S. 7; Minister
of Transport for Ontario v. Phoenix Assurance
Co. Ltd. (1973), 1 O.R. (2d) 113 (C.A.); Société
des Acadiens du Nouveau-Brunswick Inc. and
Association des Conseillers Scolaires Francopho-
nes du Nouveau-Brunswick v. Minority Language
School Board No. 50 and Association of Parents
for Fairness in Education, Grand Falls District 50
Branch (1987), 82 N.B.R. (2d) 360 (C.A.); Sask.
Govt. Insur. Office v. Anderson (1966), 57
W.W.R. 633 (C. comté Man.); et Massey -Harris
Co. Ltd. v. Strasbourg, [1941] 4 D.L.R. 620 (C.A.
Sask.).
Avant d'exposer ma conclusion finale sur ce
point, je dois tout d'abord signaler que la rectifica
tion d'un texte législatif constitue pour tout tribu
nal une mesure extrême. En toute déférence, je me
sens obligé de rejeter l'argument subsidiaire de
l'avocate de la défenderesse. Comme l'avocat de la
demanderesse, j'estime qu'il s'agit en l'espèce d'un
cas où le législateur pourrait avoir eu l'intention de
prélever une taxe de vente sur le combustible diesel
importé, mais qu'il ne l'a pas fait en des termes
suffisamment clairs si on tient compte du libellé du
paragraphe 27(1) et de l'alinéa 27(1.1)c) de la Loi
avant leur modification. De plus, je suis d'avis que
les tribunaux ne devraient exercer leur pouvoir de
rectification des lois que dans des cas extrêmement
rares, c'est-à-dire lorsque c'est absolument néces-
saire pour indiquer clairement l'intention du légis-
lateur en présence d'obstacles résultant d'erreurs
de langue mineures et évidentes. À mon avis,
corriger la lacune de la disposition en y insérant les
termes «ou sur la quantité» constituerait une usur
pation arbitraire et injustifiée du rôle du législa-
teur. Même si la lacune ou l'omission a été corri-
gée par l'adoption d'une modification ultérieure
par le législateur, je ne suis pas disposé à étendre
l'effet thérapeutique d'une telle modification au-
delà de sa date rétroactive d'entrée en vigueur, soit
le 12 juillet 1986.
Je conclus par conséquent que la demanderesse
a réussi à prouver que la cotisation établie par le
ministre était erronée. Cela ne signifie cependant
pas que la demanderesse échappe en toute impu-
nité à l'obligation de payer une taxe. Bien que
l'alinéa 27(1.1)c) de la Loi ne puisse être invoqué
comme fondement de la présente cotisation, le
ministre peut encore imposer le taux de taxe pres-
crit par l'alinéa 27(1)d) sur les trois chargements
de combustible diesel. En conséquence, la valeur à
l'acquitté serait taxée au taux de 11 % dans le cas
des deux premiers chargements, et au taux de 12 %
dans le cas du troisième chargement. Suivant les
calculs de la demanderesse, le montant de la taxe
de vente fédérale serait de 195 463,48 $.
Par ces motifs, l'appel formé par la demande-
resse est accueilli, avec dépens.
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