A-973-87
Le Syndicat des infirmières de la Nouvelle-
Écosse, section locale DEVCO («SINE») (requé-
rant)
c.
Le Conseil canadien des relations du travail
(« CCRT») (intimé)
et
La Société de développement du Cap-Breton
(«DEVCO») (intimée)
et
Le Syndicat canadien de la Fonction publique,
sections 1476 et 2046 («SCFP») (intimé)
et
La Fraternité canadienne des cheminots, employés
des transports et autres ouvriers, sections locales
504, 509 et 510 («FCCET-AO») (intimée)
et
L'Association internationale des machinistes et
des travailleurs de l'aéroastronautique («AIM»)
(intimée)
et
Les Travailleurs unis des transports, agents de
train et mécaniciens de locomotive («TUT»)
(intimé)
et
Les Mineurs unis d'Amérique, district n° 26 et
agents de la voie (intimés)
et
Les Contrôleurs de la circulation ferroviaire du
Canada («CCFC») (intimé)
RÉPERTORIÉ: SYNDICAT DES INFIRMIÈRES DE LA NOUVELLE-
ÉCOSSE, SECTION LOCALE DEVCO c. CANADA (CONSEIL DES
RELATIONS DU TRAVAIL) (CA.)
Cour d'appel, juges Heald, Marceau et MacGui-
gan, J.C.A.—Halifax, 15 mars; Ottawa, 23 mars
1989*.
* Note de l'arrêtiste: Les motifs du jugement en l'espèce ont
été reçus de la Cour le 6 novembre 1990.
Relations du travail — Révocation de l'accréditation —
SINE accrédité à titre d'agent négociateur de l'unité de négo-
ciation formée des infirmières travaillant pour DEVCO ---
Douze infirmières parmi 3 400 employés, dispersées dans cinq
établissements — Le Conseil a conclu à l'inopportunité d'une
unité aussi petite, dispersée — Le Conseil a jugé qu'il n'était
pas nécessaire de trancher la question du statut professionnel
des infirmières — Aucune erreur de droit ou, si tant est qu'il y
eût une erreur, elle n'était pas manifestement déraisonnable au
point d'exiger une révision judiciaire.
Droit constitutionnel — Charte des droits — Libertés fon-
damentales — Liberté d'association — La révocation de l'ac-
créditation du SINE à titre d'agent négociateur des infirmières
diplômées employées par DEVCO ne viole pas leur liberté
d'association — Le droit d'appartenir à une unité de négocia-
tion donnée est subordonné à la validité du droit de négocier
collectivement — Le droit de négocier collectivement n'est pas
garanti par l'art. 2d) de la Charte.
Droit constitutionnel — Charte des droits — Droits à
l'égalité — SINE accrédité à titre d'agent négociateur de
l'unité de négociation formée des infirmières travaillant pour
DEVCO — Douze infirmières parmi 3 400 employés, disper
sées dans cinq établissements — Le Conseil a révoqué l'accré-
ditation en raison de l'inopportunité d'une unité aussi petite,
dispersée — I1 n'y a pas eu de violation des droits à l'égalité
vu l'absence de discrimination reliée aux caractéristiques per-
sonnelles et de désavantage ou perte d'avantages par rapport à
d'autres groupes.
Le Syndicat des infirmières de la Nouvelle-Écosse, section
locale DEVCO (SINE) avait été accrédité à titre d'agent
négociateur d'une unité de négociation formée de douze infir-
mières diplômées employées par l'intimée DEVCO. Par une
décision datée du 30 septembre 1987, le Conseil canadien des
relations du travail a ordonné la révocation de l'accréditation et
l'incorporation de ces infirmières dans une unité de négociation
formée du groupe des surveillants du SCFP. Le Conseil a jugé
qu'il n'était pas approprié qu'une unité ne comprenant que
douze personnes dispersées dans les diverses installations de
l'employeur soit habilitée à négocier collectivement dans un
milieu industriel de 3 400 employés. Il ne s'est pas prononcé sur
la question soulevée par le SINE au sujet du statut d'«em-
ployées professionnelles» des infirmières au sens du Code cana-
dien du travail. Il s'agissait d'une demande de révision et
d'annulation de cette décision, en vertu de l'article 28, au motif
que la liberté d'association et les droits à l'égalité des infirmiè-
res, qui sont garantis par la Charte, avaient été violés. Selon un
autre argument avancé, le Conseil a refusé d'exercer sa compé-
tence en ne statuant pas sur le statut professionnel et en
concluant à l'inhabilité de l'unité en fonction uniquement d'un
facteur numérique.
Arrêt: la demande devrait être rejetée.
Le juge MacGuigan, J.C.A.: Le Conseil n'avait pas refusé
d'exercer sa compétence. La décision concluant à l'inhabilité ne
reposait pas uniquement sur le nombre de membres: le Conseil
a estimé que le nombre était disproportionné au point de
représenter une différence qualitative plutôt que simplement
quantitative. Il a également estimé pertinent le fait que les
douze infirmières aient été éparpillées en cinq endroits, trois au
maximum étant réunies au même endroit. La décision relevait
de la compétence du Conseil et, même s'il y avait eu erreur de
droit, elle n'aurait pas été manifestement déraisonnable au
point de pouvoir faire l'objet d'une révision judiciaire.
Le Conseil était en droit de décider qu'il n'était pas néces-
saire de se prononcer sur le statut d'employées professionnelles
des infirmières diplômées, au sens du Code, parce qu'il avait
conclu que, de toute façon, l'unité était inhabile à négocier
collectivement.
L'argument du requérant selon lequel le Conseil, en privant
les infirmières de leur propre unité de négociation, avait violé
leur liberté d'association, n'était pas fondé. Le droit d'apparte-
nir à une unité de négociation donnée est subordonné à la
validité du droit de négocier collectivement. Or, cette Cour a
déjà déclaré (dans Alliance de la Fonction publique du Canada
c. La Reine, [1984] 2 C.F. 889, confirmé par la Cour suprême
du Canada, trois des six juges émettant la même opinion que
cette Cour sur l'état du droit) que le droit de négocier collecti-
vement n'était pas garanti par l'alinéa 2d) de la Charte. Cette
Cour continue donc d'être liée par sa propre décision
antérieure.
Les droits à l'égalité du requérant n'ont pas été violés. Les
infirmières employées n'ont été l'objet d'aucune discrimination
reliée à leurs caractéristiques personnelles et n'ont subi aucun
désavantage ou perte d'avantages par rapport à d'autres grou-
pes. Comme le Conseil n'a pas fondé sa décision sur un simple
facteur numérique, l'argument selon lequel les infirmières ont
été victimes de discrimination sur ce plan-là est rejeté.
Le juge Marceau, J.C.A.: L'argument selon lequel le Conseil,
en ne statuant pas définitivement sur le statut professionnel des
infirmières, aurait refusé d'exercer sa compétence n'était pas
fondé. Le Conseil ayant établi que les infirmières ne pouvaient
pas former une unité habile à négocier, la question du statut
professionnel n'était plus que purement théorique.
En appliquant de bonne foi et conformément à la loi les
dispositions de l'alinéa 125(3)a) du Code, le Conseil ne pouvait
d'aucune façon porter atteinte à la liberté d'association d'em-
ployés dans un cas comme celui des infirmières en l'espèce, ou à
leurs droits à l'égalité devant la loi. Mais de toute façon, cette
Cour a déjà décidé que l'on ne pouvait pas invoquer l'article 28
pour attaquer la constitutionnalité des dispositions dont devait
connaître le tribunal qui a rendu la décision faisant l'objet de la
révision. Cette Cour n'est en effet pas investie du pouvoir de
déclarer ces dispositions inconstitutionnelles ou inopérantes en
statuant sur une demande de révision judiciaire.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la
Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B,
Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.)
[L.R.C. (1985), appendice II, n° 44], art. 1, 2d), 15(1).
Code canadien du travail, S.R.C. 1970, chap. L-1, art.
118 (mod. par S.C. 1972, chap. 18, art. 1), 119 (mod.,
idem), 122 (mod. par S.C. 1972, chap. 18, art. 1;
1977-78, chap. 27, art. 43), 125 (mod. par S.C. 1972,
chap. 18, art. 1) (1), (2), (3)a).
Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2° Supp.), chap.
10, art. 28.
Loi sur les relations industrielles et sur les enquêtes
visant les différends du travail, S.R.C. 1952, chap.
152.
JURISPRUDENCE
DÉCISION CONFIRMÉE:
Société de développement du Cap-Breton et Syndicat des
Mineurs unis d'Amérique, district n° 26 et autres (1987),
72 di 73; 80 CLLC 14,020 (CCRT).
DÉCISIONS SUIVIES:
Alliance de la Fonction publique du Canada c. La Reine,
[1984] 2 C.F. 889; (1984), 11 D.L.R. (4th) 387; 84
CLLC 10,054; 11 C.R.R. 97; 55 N.R. 285 (C.A.); conf.
par [1987] 1 R.C.S. 424; (1987), 38 D.L.R. (4th) 249; 87
CLLC 14,022; 32 C.R.R. 114; [1987] D.L.Q. 230; 75
N.R. 161.
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Syndicat des employés de production du Québec et de
l'Acadie c. Conseil canadien des relations du travail,
[1984] 2 R.C.S. 412; 14 D.L.R. (4th) 457; (1984), 55
N.R. 321; 14 Admin. L.R. 72; 84 CLLC 14,069; Renvoi
relatif à la Public Service Employee Relations Act
(Alb.), [1987] 1 R.C.S. 313; (1987), 78 A.R. 1; 38
D.L.R. (4th) 161; [1987] 3 W.W.R. 577; 51 Alta. L.R.
(2d) 97; 87 CLLC 14,021; [1987] D.L.Q. 225; 74 N.R.
99; Andrews c. Law Society of British Columbia, [1989]
1 R.C.S. 143; (1989), 56 D.L.R. (4th) I; [1989] 2
W.W.R. 289; 34 B.C.L.R. (2d) 273; 36 C.R.R. 193; 91
N.R. 255.
DÉCISIONS CITÉES:
L'Association des ingénieurs de Bell Canada c. Bell
Canada (1976), 76 CLLC 469; [1976] 1 Can. L.R.B.R.
345; Canada (Procureur général) c. Vincer, [ 1988] 1 C.F.
714; (1987), 46 D.L.R. (4th) 165; 82 N.R. 352 (C.A.);
Canada (Procureur général) c. Sirois (1988), 90 N.R. 39
(C.A.F.).
AVOCATS:
Susan D. Coen pour le requérant.
Diane Pothier pour le Conseil canadien des
relations du travail.
Brian G. Johnston pour la Société de dévelop-
pement du Cap-Breton.
PROCUREURS:
Goldberg, MacDonald, Halifax, pour le
requérant.
Patterson Kitz, Truro, Nouvelle-Écosse, pour
le Conseil canadien des relations du travail.
McInnes Cooper & Robertson, Halifax, pour
la Société de développement du Cap-Breton.
Cé qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE MARCEAU, J.C.A.: Je souscris entière-
ment à la décision de mon collègue le juge Mac-
Guigan selon lequel cette demande en vertu de
l'article 28 doit être rejetée.
En premier lieu, je crois, comme lui, que n'est
pas fondée la prétention selon laquelle le Conseil,
en ne statuant pas définitivement sur le statut
professionnel des infirmières, aurait agi en contra
vention des prescriptions de l'alinéa 125(3)a) de la
loi habilitante et d'une manière équivalant à un
refus d'exercer sa compétence'. Le Conseil ayant
établi que les douze infirmières employées, éparpil-
lées en cinq endroits, ne pouvaient pas, de toute
façon, former une unité de négociation habile à
négocier, la question du statut professionnel n'était
plus que purement théorique et n'emportait
aucune conséquence. Il était donc tout à fait inu-
tile de se prononcer là-dessus.
En deuxième lieu, j'estime que l'autre argument
tiré de la Charte [Charte canadienne des droits et
libertés, qui constitue la Partie I de la Loi consti-
tutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le
Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985),
appendice II, n° 44] n'est pas fondé lui non plus.
Le sens de cet argument me semble être le suivant:
même à supposer que le Conseil ait agi conformé-
ment à la réserve énoncée dans la deuxième partie
de l'alinéa 125(3)a) du Code, sa décision serait
néanmoins dépourvue de fondement, parce que
cette clause spéciale devrait être déclarée inopé-
rante vu qu'elle viole l'alinéa 2d) et le paragraphe
' Par souci de commodité, je répète les dispositions de l'alinéa
125(3)a) du Code canadien du travail [S.R.C. 1970, chap. L-1
(mod. par. S.C. 1972, chap. 18, art. 1)]:
125. .. .
(3) Lorsqu'un syndicat demande, en vertu de l'article 124,
son accréditation à titre d'agent négociateur d'une unité
groupant ou comprenant des professionnels, le Conseil, sous
réserve du paragraphe (2),
a) doit décider que l'unité habile à négocier collectivement
est une unité groupant exclusivement des professionnels à
moins qu'une telle unité ne soit pas pour d'autres raisons
habile à négocier collectivement;
15(1) de la Charte'. Si l'argument était pertinent,
je serais obligé, comme l'a indiqué mon collègue,
de m'en tenir à la décision de cette Cour dans
Alliance de la Fonction publique du Canada c. La
Reine, [1984] 2 C.F. 889. J'émets catégorique-
ment l'opinion que le Conseil, en appliquant con-
formément à la loi et de bonne foi les dispositions
de l'alinéa 125(3)a) du Code sous sa forme
actuelle, ne porte d'aucune façon atteinte à la
liberté d'association d'employés dans un cas
comme celui des infirmières en l'espèce, ou à leurs
droits à l'égalité devant la loi. Mais, de toute
façon, je ne crois pas que, dans la présente
demande, le requérant puisse faire valoir un argu
ment de cette nature. Cette Cour a dans diverses
décisions émis l'avis que la nature particulière du
recours prévu à l'article 28 de la Loi sur la Cour
fédérale [S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10] ne
permettait pas d'attaquer la constitutionnalité des
dispositions dont devait connaître le tribunal qui a
rendu la décision faisant l'objet de la révision, pour
la raison que cette Cour n'est pas investie du
pouvoir de déclarer celles-ci inconstitutionnelles ou
inopérantes en statuant sur un tel recours. (Voir
Canada (Procureur général) c. Sirois (1988), 90
N.R. 39 (C.A.F.) et Canada (Procureur général)
c. Vincer, [1988] 1 C.F. 714 (C.A.)).
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE MACGUIGAN, J.C.A.: Cette demande,
présentée en vertu de l'article 28, vise la décision
du Conseil canadien des relations du travail
(«CCRT» ou «Conseil»). [Société de développe-
ment du Cap-Breton et Syndicat des Mineurs unis
d'Amérique, district n° 26 et autres (1987), 72 di
73], en date du 30 septembre 1987, dont les motifs
sont datés du 27 novembre 1987. Le Conseil y a
décidé d'ordonner la révocation de l'accréditation
existante du requérant à titre d'agent négociateur
d'une unité de négociation comprenant douze infir-
2 Le syndicat requérant, dans son argumentation écrite, ne
demande pas franchement que soit prononcé un jugement
déclaratoire. Mais il a clarifié sa position à cet égard au cours
de l'audience. De toute évidence, puisqu'à ce point de l'argu-
mentation, il a été supposé que le Conseil avait agi de façon
rigoureusement conforme à la disposition applicable de sa loi
habilitante, sa décision ne pourrait pas être annulée en applica
tion de la Charte sans que soit déclarée inopérante la disposi
tion sur laquelle elle est fondée.
mières diplômées travaillant pour l'intimée
DEVCO, et l'incorporation de ces infirmières dans
une unité de négociation formée du groupe des
surveillants de l'intimé SCFP.
Le requérant a prétendu que le refus du Conseil
d'accorder aux infirmières l'accréditation à l'égard
d'une unité formée de professionnels en application
du paragraphe 125(3) du Code canadien du tra
vail («Code») viole la liberté d'association des infir-
mières garantie par l'alinéa 2d) de la Charte cana-
dienne des droits et libertés, ainsi que leurs droits
à l'égalité que leur garantit le paragraphe 15(1) de
la Charte.
L'article 119 [mod. par S.C. 1972, chap. 18, art.
1] du Code habilite le CCRT à «réviser, annuler
ou modifier» l'accréditation qu'il avait accordée en
1977. Il est investi du pouvoir de déterminer si une
unité est habile à négocier collectivement aux
termes des articles 118 [mod., idem] et 125 du
Code, dont les dispositions pertinentes sont ainsi
conçues:
118. Le Conseil a, relativement à toute procédure engagée
devant lui, pouvoir
p) de trancher à toutes fins afférentes à la présente Partie
toute question qui peut se poser, à l'occasion de la procédure,
notamment, et sans restreindre la portée générale de ce qui
précède, la question de savoir
(y) si un groupe d'employés est une unité habile à négocier
collectivement,
125. (1) Lorsqu'un syndicat demande, en vertu de l'article
124, son accréditation à titre d'agent négociateur d'une unité
qu'il estime habile à négocier collectivement, le Conseil doit
déterminer quelle est, à son avis, l'unité habile à négocier
collectivement.
(2) Pour déterminer si une unité est une unité habile à
négocier collectivement, le Conseil peut inclure des employés
dans l'unité proposée par le syndicat ou en exclure des
employés.
(3) Lorsqu'un syndicat demande, en vertu de l'article 124,
son accréditation à titre d'agent négociateur d'une unité grou-
pant ou comprenant des professionnels, le Conseil, sous réserve
du paragraphe (2),
a) doit décider que l'unité habile à négocier collectivement
est une unité groupant exclusivement des professionnels à
moins qu'une telle unité ne soit pas pour d'autres raisons
habile à négocier collectivement;
b) peut décider que des professionnels appartenant à plus
d'une profession soient inclus dans l'unité; et
c) peut décider que des personnes exerçant les fonctions d'un
professionnel mais auxquelles il manque les qualités requises
d'un professionnel soient incluses dans l'unité.
Antérieurement, sous le régime de la Loi sur les
relations industrielles et sur les enquêtes visant
les différends du travail [S.R.C. 1952, chap. 152],
tous les professionnels étaient exclus de la défini-
tion de l'employé, mais dans la nouvelle Partie V
du Code adoptée en 1972 (S.C. 1972, chap. 18),
l'exclusion des professionnels a été abolie et le
Parlement a promulgué l'alinéa 125(3)a) qui tra-
duit ce que le Conseil a appelé [TRADUCTION] «la
préférence marquée du législateur pour les unités
formées exclusivement de professionnels»: L'Asso-,
cation des ingénieurs de Bell Canada c. Bell
Canada (1976), 76 CLLC 469, à la page 473.
L'article 107 [mod. par S.C. 1972, chap. 18, art
1] du Code contient la définition du terme «profes
sionnel[s]», mais celle-ci n'a pas d'incidence sur
l'issue de l'espèce.
Voici les points essentiels de la décision du
CCRT qui nous occupe, aux pages 91 à 93:
Après avoir examiné tous les renseignements mis à sa disposi
tion, le Conseil a rendu, le 30 septembre 1987, la décision
suivante concernant l'unité de négociation représentée par le
SINE:
«L'unité regroupant les infirmières doit être intégrée dans
l'unité représentée par le SCFP dont les superviseurs sont
membres. En tirant cette conclusion, le Conseil a jugé qu'une
unité ne comprenant que 12 personnes n'est tout simplement
pas habile à négocier collectivement dans un milieu industriel
où travaillent plus de 3 000 employés. Il a également refusé
de statuer (traduction) sur la question de savoir si les infir-
mières diplômées sont des professionnelles au sens du Code,
car à son avis, il s'agissait d'une question n'ayant aucun
intérêt pratique, compte tenu des conditions existant à la
SDCB.»
Les motifs de la présente décision se rapportent davantage à'la
question de l'habilité à négocier collectivement qu'à celle du
statut professionnel au sens du Code. Le Conseil a évidemment
le pouvoir discrétionnaire, en vertu du paragraphe 125(3), de
conclure qu'une unité de négociation regroupant des profession-
nels n'est pas à elle seule habile à négocier collectivement.
Étant donné que l'objectif visé est celui de rationaliser toute la
structure des unités de négociation au sein de la Division des
charbonnages de la SDCB, le Conseil s'est posé les questions
d'usage. Même s'il était jugé que ces 12 infirmières étaient des
professionnelles au sens du Code, peuvent-elles, compte tenu
des circonstances, former une unité distincte aux fins de la
négociation collective?
Indépendamment de la question du statut professionnel, y
avait-il quelque chose qui justifie d'accorder à ce petit groupe
d'employés des droits de négociation distincts, un droit de grève
distinct, une gestion de contrat distincte et des conditions de
travail distinctes? Depuis que cette révision a commencé en
janvier 1987, huit autres unités de négociation ont perdu leurs
droits de négociation distincts. La plupart de ces unités exis-
taient depuis de nombreuses années à la SDCB ou chez les
prédécesseurs de celle-ci, avant que l'unité regroupant les infir-
mières soit établie en 1977. Toutes ces unités étaient plus
grosses que l'unité dont les infirmières faisaient partie et la
plupart d'entre elles, comme les infirmières, pouvaient être
reconnues par les connaissances et compétences spéciales que
possédait le groupe d'employés en cause. Ayant jugé que ces
unités distinctes n'étaient plus habiles à négocier collectivement
dans le contexte industriel de la SDCB, le Conseil s'est
demandé quelle était la raison d'être de l'unité regroupant les
infirmières. Il a conclu à l'unanimité qu'il n'y en avait pas. Le
fait que le SINE a mis l'accent sur la neutralité des infirmières
et sur la nécessité d'assurer le caractère confidentiel ne nous a
certainement pas convaincus qu'il était le seul syndicat en
mesure de représenter les infirmières à la SDCB. Quelle que
soit la manière dont le Conseil envisageait la situation, il reste
qu'une unité de négociation regroupant 12 personnes, et en
particulier une unité dont les 12 membres sont dispersés dans
les diverses installations de l'employeur, n'est tout simplement
pas habile à négocier collectivement dans un milieu industriel
de 3 400 employés.
Pour ces motifs, le Conseil a décidé qu'il était inutile de
répondre à la question soulevée par le SINE quant au statut
«professionnel» des infirmières diplômées. Cependant, nous
aimerions en dernier lieu souligner que le présent quorum du
Conseil souscrit à l'argument qu'a invoqué la SDCB relative-
ment à l'intention qu'avait le Parlement en adoptant le paragra-
phe 125(3). Sans aucun doute, celui-ci répondait aux pressions
exercées en 1973 en vue d'étendre le droit de négocier collecti-
vement aux groupes de professionnels qui avaient jusqu'alors
été exclus. Cela étant, nous souscrivons à l'argument de la
SDCB que le paragraphe 125(3) constitue une anomalie dans le
contexte général du Code et que le Conseil devrait donner à cet
article une interprétation restrictive de façon qu'il ne soit pas
utilisé afin de déjouer toutes les règles et tous les critères
s'appliquant normalement lorsqu'il s'agit de déterminer si une
unité est habile à négocier collectivement. Aux fins de l'applica-
tion du paragraphe 125(3), le Conseil doit être convaincu que
ceux qui cherchent à bénéficier des dispositions dudit paragra-
phe sont vraiment des professionnels au sens du Code et qu'ils
exercent en fait leur profession au moment pertinent.
Aux termes de l'article 122 [mod. par S.C.
1972, chap. 18, art. 1; 1977-78, chap. 27, art. 43]
du Code, les décisions ou ordonnances du Conseil
ne peuvent être révisées qu'en application de l'ali- -
néa 28(1)a) de la Loi sur la Cour fédérale.
On a fait valoir un moyen déclinatoire à l'égard
de la décision du Conseil de refuser d'appliquer les
dispositions de l'alinéa 125(3)a) de la loi habili-
tante. Suivant l'argument du requérant, étant
donné le point de vue exprimé par le Conseil dans
l'affaire Bell Canada précitée au sujet de la «préfé-
rence marquée du législateur pour les unités for-
mées exclusivement de professionnels», celui-ci doit
d'abord se prononcer sur la question du statut
professionnel, ce qu'il n'a pas fait. Au surplus, il a
fait valoir l'argument selon lequel la décision con-
cluant à l'inhabilité à négocier de l'unité de négo-
ciation ne doit pas reposer uniquement sur le
nombre de membres qui la composent, car il s'agit
là d'un critère qui convient dans le cas du paragra-
phe 125 (1) mais non dans celui du paragraphe
125(3).
Selon mon interprétation de la décision du
CCRT, celui-ci n'a pas jugé que l'unité de négocia-
tion distincte était inhabile uniquement en raison
du nombre de ses membres, et certainement pas en
fonction d'un «simple facteur numérique». Il me,
semble que le Conseil a estimé que le nombre (12,
sur 3 400) était disproportionné au point de repré-
senter une différence qualitative plutôt que simple-
ment quantitative. En outre, le Conseil a égale-
ment estimé pertinent le fait que les douze
infirmières soient éparpillées en cinq endroits, trois
au maximum étant réunies au même endroit. Par
surcroît, même une décision fondée uniquement
sur un facteur numérique, à mon sens, ne consti-
tuerait pas une erreur de droit, parce que la loi
n'exige pas que les facteurs pris en considération
en application du paragraphe 125(3) soient diffé-
rents de ceux dont on tient compte sous le régime
du paragraphe 125(1). Dans un cas comme dans
l'autre, ils sont laissés à l'appréciation du Conseil.
Enfin, le Conseil eût-il commis une erreur de droit,
cette erreur semblerait relever de la compétence du
Conseil et de fait se rattacher à l'essence même de
la sphère d'attributions du Conseil. Elle constitue-
rait une «simple» erreur de droit et non une erreur
«manifestement déraisonnable» au point d'exiger
une intervention judiciaire: Syndicat des employés
de production du Québec et de l'Acadie c. Conseil
canadien des relations du travail, [1984] 2 R.C.S.
412.
À mon avis, ce que le CCRT a décidé, c'est qu'il
n'était pas nécessaire de se prononcer sur le statut
d'employées professionnelles des infirmières diplô-
mées, en application du Code, parce que l'unité en
question dans cette affaire, même si elle se compo-
sait de professionnels, n'était pas pour d'autres
raisons habile à négocier collectivement. Il est vrai
que le Conseil a quelque peu embrouillé la ques
tion par une digression «Nous aimerions en dernier
lieu et en particulier par la phrase qui commence
par les mots «Aux fins de l'application du paragra-
phe 125(3)». Toutefois, j'interprète les mots «l'ap-
plication du paragraphe 125(3)» comme renvoyant
aux dispositions principales de l'alinéa a) de ce
paragraphe et non pas à l'ensemble de celui-ci. Je
crois que le Conseil suivait simplement la tradition
des tribunaux de «supposer sans statuer» pour ce
qui est de la question du statut professionnel.
C'était là son droit dans l'exercice de sa
compétence.
L'alinéa 2d) de la Charte est ainsi libellé:
2. Chacun a les libertés fondamentales suivantes:
d) liberté d'association.
Le requérant a soutenu que cette disposition de
la Charte garantit la liberté d'adhésion à un syndi-
cat, lequel constitue simplement une «association»,
particulière, et le droit de défendre les intérêts
collectifs des membres de celle-ci. En l'espèce, les
infirmières s'étaient déjà inscrites à un syndicat et
formaient une unité de négociation approuvée par
le CCRT, grâce à laquelle elles ont défendu avec
succès leurs intérêts collectifs pendant dix ans. En
les privant de leur propre unité de négociation, le
CCRT a violé la liberté des infirmières de s'asso-
cier à d'autres infirmières.
Les précédents qui font autorité relativement à
la liberté d'association dans le domaine des rela
tions de travail sont deux arrêts de la Cour
suprême du Canada, rendus le même jour: Renvoi
relatif à la Public Service Employee Relations
Act (Alb.), [1987] 1 R.C.S. 313; et AFPC c.
Canada, [1987] 1 R.C.S. 424. Dans ces affaires,
trois des six juges ont décidé que la liberté d'asso-
ciation garantie par l'alinéa 2d) de la Charte
n'inclut aucune garantie du droit de négocier col-
lectivement ou de faire la grève; deux juges ont (
émis l'opinion qu'elle incluait les deux garanties; le
sixième a décidé qu'elle n'incluait pas le droit de .
faire la grève, (seul point sur lequel il était néces-
saire de statuer dans ces affaires) mais il a laissé
entendre qu'il était possible que sous d'autres
aspects la négociation collective puisse bénéficier
de la protection de la Charte. Il semble donc que,
dans l'état actuel du droit, suivant les arrêts de la
Cour suprême du Canada, la question en litige
dans le cas qui nous occupe n'ait pas encore été
tranchée.
Toutefois, cette Cour a déjà statué sur la ques
tion dans Alliance de la Fonction publique du
Canada c. La Reine, [1984] 2 C.F 889, décision
portée en appel devant la Cour suprême dans le
second arrêt précité. Dans cette affaire, le juge
Mahoney, J.C.A., a dit ceci, à la page 895 C.F.:
Je ne crois pas qu'il soit souhaitable de tenter de cataloguer les
droits et immunités inhérents à la liberté d'association, garantie
d'un syndicat. De toute évidence, la négociation collective est
ou devrait être le principal moyen par lequel un syndicat
organisé entend atteindre son principal objectif: l'amélioration
économique de ses membres. Aussi fondamental que soit ce
moyen cependant, il demeure un moyen et à ce titre, le droit de
négocier collectivement n'est pas garanti par l'alinéa 2d) de la
Charte ...
Le juge Marceau, J.C.A., a souscrit à cette opinion
dans ses motifs concourants. Puisque la Cour
suprême a rejeté le pourvoi contre la décision de
cette Cour, trois des six juges émettant la même
opinion que cette Cour sur l'état du droit, j'estime
que je continue d'être lié par la décision de cette
Cour. L'argument du requérant sur cette question
peut donc être rejeté, puisque le droit d'appartenir
à une unité de négociation donnée est subordonné
à la validité du droit de négocier collectivement
lui-même.
Vu les circonstances, il n'y a pas lieu de trancher
de question touchant l'application de l'article pre
mier par rapport à la liberté d'association.
Le requérant a prétendu en outre que les douze
infirmières employées ont été victimes de discrimi
nation en contravention du paragraphe 15(1) de la
Charte, dont voici le texte:
15. (1) La loi ne fait acception de personne et s'applique
également à tous, et tous ont droit à la même protection et au
même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimina
tion, notamment des discriminations fondées sur la race, l'ori-
gine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l'âge
ou les déficiences mentales ou physiques.
La seule interprétation donnée de ce paragra-
phe, faisant autorité, se trouve dans l'arrêt
Andrews c. Law Society of British Columbia,
[1989] 1 R.C.S. 143, dans lequel le juge McIntyre
a exprimé sur ce point l'opinion émise par la Cour
suprême à l'unanimité, aux pages 174 et 175:
J'affirmerais alors que la discrimination peut se décrire comme
une distinction, intentionnelle ou non, mais fondée sur des
motifs relatifs à des caractéristiques personnelles d'un individu
ou d'un groupe d'individus, qui a pour effet d'imposer à cet
individu ou à ce groupe des fardeaux, des obligations ou des
désavantages non imposés à d'autres ou d'empêcher ou de
restreindre l'accès aux possibilités, aux bénéfices et aux avanta-
ges offerts à d'autres membres de la société. Les distinctions
fondées sur des caractéristiques personnelles attribuées à un
seul individu en raison de son association avec un groupe sont
presque toujours taxées de discriminatoires, alors que celles
fondées sur les mérites et capacités d'un individu le sont
rarement.
Ce critère suppose (1) une distinction fondée sur
des motifs relatifs aux caractéristiques personnel-
les du groupe, (2) qui a pour effet d'imposer à ce
groupe des fardeaux, des obligations ou des désa-
vantages ou d'empêcher ou de restreindre l'accès
aux possibilités, aux bénéfices et aux avantages
offerts à d'autres groupes.
En l'espèce, les infirmières n'ont été l'objet d'au-
cune discrimination reliée à leurs caractéristiques
personnelles et n'ont subi aucun désavantage ou
perte d'avantages par rapport à d'autres groupes.
Tous les groupes de professionnels sont traités sur ,
un pied d'égalité sous le régime de l'alinéa .
125(3)a) du Code, y compris sur le plan de la
réserve qui y est énoncée. Il s'agit par conséquent,
pour citer les propos du juge McIntyre, d'une
distinction fondée sur la capacité du groupe.
Le requérant a tenté d'arguer du fait allégué
que les infirmières ont été, simplement en raison
de leur nombre, dépouillées de leur droit de former
une unité de négociation et de la possibilité de
constituer une unité de négociation indépendante
en vertu de l'alinéa 125(3)a). Il s'agirait vraisem-
blablement d'une discrimination dans l'application
de l'alinéa plutôt que suivant sa teneur. Mais j'ai
déjà émis l'avis que le CCRT n'a pas fondé sa
décision sur un «simple facteur numérique». Même
s'il l'avait fait, cependant, cela ne constituerait
même pas une erreur de droit dans l'application du
Code, et encore moins d'un acte discriminatoire
selon le critère énoncé dans l'arrêt Andrews.
Puisque la contestation du requérant en vertu du
paragraphe 15(1) n'est pas fondée, aucune ques
tion ne doit être tranchée en application de l'article
premier.
Il convient enfin de noter qu'aucune des parties
dans cette affaire n'a présenté à la Cour d'argu-
ment relatif à l'opportunité d'une contestation de
la compétence sur le plan constitutionnel dans le
contexte d'une demande fondée sur l'article 28,
plutôt qu'au moyen d'une demande de jugemenk
déclaratoire; c'est pourquoi il n'est pas nécessaire
d'examiner cette question.
Il ne devrait en conséquence pas être fait droit à
cette demande fondée sur l'article 28.
LE JUGE HEALD, J.C.A.: Je souscris à ces
motifs.
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