T-493-88
CAL Investments Ltd. (demanderesse)
c.
Sa Majesté la Reine (défenderesse)
RÉPERTORIÉ: CAL INVESTMENTS LTD. c. CANADA (.1" INST.)
Section de première instance, juge Joyal--Van-
couver, 23 mai; Ottawa, 10 septembre 1990.
Impôt sur le revenu — Nouvelle cotisation — Délai de
prescription — Un dirigeant supérieur a signé, au nom d'une
société contribuable, une renonciation au délai de prescription,
sans apposer le sceau corporatif comme l'exigeait la formule
prescrite — Bien que la renonciation comporte des avantages
mutuels, l'apposition du sceau corporatif est une disposition
discrétionnaire qui est à l'avantage du ministre — L'absence
de sceau sur la renonciation n'entraîne pas sa, nullité — Bien
que le dirigeant n'ait pas eu le pouvoir d'apposer le sceau et
n'ait pas eu celui-ci en sa possession, il avait le pouvoir
implicite de signer la renonciation — Il avait l'intention de lier
la compagnie — Le contribuable ne peut pas répudier la
renonciation pour le motif qu'elle n'était pas conforme à la
condition.
Corporations — Utilisation du sceau corporatif — La règle
de common law selon laquelle aucun contrat non revêtu du
sceau ne lie l'entreprise comporte maintenant tellement d'ex-
ceptions qu'elle est rarement appliquée de façon intégrale —
Un dirigeant supérieur a signé une renonciation à une nouvelle
cotisation d'impôt sur le revenu sans y apposer le sceau,
contrairement à la formule prescrite — Le dirigeant avait le
pouvoir implicite de signer la renonciation — Selon les faits et
la jurisprudence, la prescription du ministre portant sur l'ap-
position du sceau est une mesure discrétionnaire — Comme il
s'agit d'un avantage pour le ministre, celui-ci peut y renoncer.
Il s'agissait d'un appel à l'égard d'une nouvelle cotisation
d'impôt sur le revenu pour l'année 1980. En septembre 1985,
vers la fin du délai de prescription, un vérificateur de Revenu
Canada a remis une renonciation en la forme prescrite par le
ministre à un certain M. Briggs, le vice-président des finances
de la demanderesse. Ce dernier a signé la formule, car il savait
que, s'il refusait de le faire, une cotisation serait immédiate-
ment établie. Il avait signé les déclarations d'impôt antérieures
de la compagnie et il ne croyait pas qu'une autorisation spéciale
était requise à cette fin. Le sceau de la compagnie n'a pas été
apposé. Quelques semaines plus tard lorsque le vérificateur a
demandé que le sceau soit apposé, Briggs a refusé pour le motif
qu'il n'était pas habilité à le faire et qu'il n'avait pas le sceau en
sa possession. La formule prévoit que, lorsque le contribuable
est une compagnie, son sceau corporatif doit être apposé sur la
renonciation. La contribuable a contesté la validité de la renon-
ciation pour le motif qu'elle n'était pas en la forme prescrite.
Elle a allégué que la prescription du ministre mérite la même
reconnaissance qu'une disposition d'une loi et que, lorsque le
ministre prescrit qu'un sceau corporatif doit être apposé, le
document sera nul si cette condition n'est pas respectée. La
Couronne a soutenu qu'il n'est pas nécessaire que le sceau
corporatif soit apposé sur la formule de renonciation pour que
celle-ci soit valide. Subsidiairement, la formule était sensible-
ment complète et sensiblement conforme à la formule prescrite.
La Couronne a invoqué les dispositions correctives suivantes: le
paragraphe 152(8) de la Loi de l'impôt sur le revenu (une
cotisation est réputée être valide nonobstant toute erreur, vice
de forme ou omission); le paragraphe 152(3) (le fait qu'une
cotisation est inexacte ou incomplète n'a pas d'effet sur les
responsabilités du contribuable); et l'article 166 (une cotisation
ne doit pas être annulée uniquement par suite d'irrégularité).
On a également fait valoir que, compte tenu de la conduite du
dirigeant et de son propre témoignage, la demanderesse ne
pouvait nier la validité du document ou le pouvoir du dirigeant
de le signer. La Couronne a allégué que la règle de common
law selon laquelle aucun contrat non revêtu du sceau ne lie
l'entreprise comporte tellement d'exceptions qu'elle est rare-
ment appliquée de façon intégrale, sauf dans les cas où le
législateur est intervenu de façon explicite. Enfin ont été égale-
ment citées certaines décisions qui ont été rendues en applica
tion de la Loi de l'impôt sur le revenu et dans lesquelles la
légalité du document n'a pas été touchée par le fait que
certaines prescriptions n'avaient pas été respectées à la lettre.
La question était de savoir si la prescription était obligatoire au
point que l'absence du sceau corporatif rendrait la renonciation
nulle et non avenue.
Jugement: l'action devrait être rejetée.
Le sceau corporatif constitue une exigence discrétionnaire
avantageuse pour le ministre et une lacune que comporterait la
renonciation n'entraînerait pas sa nullité. La cotisation établie
subséquemment était valide.
Une renonciation comporte des avantages mutuels pour la
Couronne et le contribuable. C'est un accommodement entre la
Couronne et le contribuable qui permet d'améliorer l'adminis-
tration de la Loi de l'impôt sur le revenu et de déterminer de
façon plus efficace toute dette découlant de l'application de
celle-ci. La renonciation permet à la Couronne de continuer sa
cotisation ou son évaluation sans devoir se préoccuper des
délais. Si elle est forcée d'établir une cotisation prématurée
parce qu'elle voit approcher la fin du délai, la Couronne peut
inscrire des éléments que sinon elle pourrait omettre. Comme
c'est le contribuable qui a la charge de prouver que la cotisation
est erronée, cette charge pourrait devenir plus lourde. Il
incombe à la Couronne de s'assurer, lorsqu'elle accepte la
renonciation, que le contribuable soit lié par celle-ci. Vu que
l'apposition du sceau corporatif est la mesure permettant le
mieux de confirmer l'existence du pouvoir de la personne qui
agit au nom de la compagnie, l'exigence liée à l'apposition du
sceau corporatif semblerait être une condition avantageuse pour
la Couronne.
Après examen des faits et de la jurisprudence, il est apparu
que l'apposition du sceau corporatif était une exigence direc-
trice seulement. La prescription était imposée par le ministre et
pour sa protection. Il pourrait renoncer à cette mesure de
protection dans des circonstances appropriées. La renonciation
ne constitue pas une obligation législative à l'égard de laquelle
des moyens de contestation d'origine législative pourraient être
soulevés, mais un accord mutuel par lequel le contribuable et la
Couronne acceptent que le délai d'évaluation soit prolongé pour
des raisons avantageuses pour les deux parties. Le dirigeant qui
a signé avait le pouvoir implicite d'accepter une renonciation. Il
a signé la renonciation avec l'intention de lier la compagnie. Le
contribuable ne pourrait pas répudier plus tard la renonciation
pour le motif qu'elle n'était pas conforme à l'une des conditions
prescrites.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Company Act, R.S.B.0 . 1979, chap. 59, art. 124, 125.
Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, chap. 63,
art. 152(3),(4)a)(ii),(8), 166, 220(1), 244(16), 248.
Loi d'interprétation, L.R.C. (1985), chap. I-21, art. 2.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
R. v. Hart Electronics Ltd. (1959), 29 W.W.R. 28 (C.A.
Man.); R. c. Simard-Beaudry Inc., [1971] C.F. 396 (1"
inst.); Liverpool Borough Bank v. Turner (1860), 2 De
G. F. & J. 502; Howard v. Bodington (1877), 2 P.D. 203
(Ct. of Arches).
DÉCISIONS EXAMINÉES:
Pan American World Airways Inc. c. R., [1979] 2 C.F.
34; (1979), 96 D.L.R. (3d) 267 (1' inst.); Waterous
Engine Co. v. Town of Capreol (1922), 52 O.L.R. 247;
[1923] 3 D.L.R. 575 (C.A.); Guaranty Properties Ltd. c.
Canada, [1987] 2 C.F. 292; [1987] 1 C.T.C. 242; (1987),
87 DTC 5124; 9 F.T.R. 17 (1" inst.); Wilchar Construc
tion Ltd. c. R., [1982] 2 C.F. 489; (1981), 124 D.L.R.
(3d) 415; [1981] CTC 415; 81 DTC 5318; 38 N.R. 578
(C.A.); R. v. Kidd (1974), 6 O.R. (2d) 769; 74 DTC
6574 (H.C.); Smerchanski c. Ministre du Revenu natio
nal, [1974] 1 C.F. 554; (1974), 45 D.L.R. (3d) 254;
[1974] C.T.C. 241; 74 DTC 6197; 2 N.R. 197 (C.A.);
Optical Recording Corp. c. Canada, [1987] 1 C.F. 339;
[1986] 2 C.T.C. 325; (1986), 86 DTC 6465; 6 F.T.R. 294
(1f 0 inst.).
DOCTRINE
Phipson, Sidney L. The Law of Evidence, 8th ed. London:
Sweet & Maxwell Ltd., 1942.
Wegenast, F. W. The Law of Canadian Companies,
Toronto: The Carswell Co. Ltd., 1979.
AVOCATS:
Ian H. Pitfield pour la demanderesse.
William Mah pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Thorsteinsson, Mitchell, Little, O'Keefe &
Davidson, Vancouver, pour la demanderesse.
Le sous -procureur général du Canada pour la
défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE JOYAU Il s'agit d'un appel de la
demanderesse, société constituée en vertu des lois
de la Colombie-Britannique, à l'égard d'une nou-
velle cotisation d'impôt pour l'année d'imposition
1980. La demanderesse soutient que la nouvelle
cotisation est mal fondée et que, de plus, elle a été
établie après le délai de quatre ans applicable à la
période pertinente.
La demanderesse conteste la validité de la nou-
velle cotisation pour le motif que la renonciation
qui a été signée en son nom conformément au
sous-alinéa 152(4)a)(ii) de la Loi de l'impôt sur le
revenu [S.C. 1970-71-72, chap. 63] n'était pas une
renonciation «en la forme prescrite» et n'était donc
pas valable. La formule renferme une clause pres-
crivant que, si le contribuable est une corporation,
son sceau corporatif doit être apposé sur la renon-
ciation. Le sceau corporatif n'a pas été apposé.
Après s'être échangé leurs actes de procédure,
les parties ont convenu qu'il fallait d'abord tran-
cher la question de la validité de la nouvelle cotisa-
tion, ce qui sous-entend évidemment la question de
la validité de la renonciation. La décision relative à
cette question mettrait fin au litige ou provoque-
rait un autre débat sur le fond de la nouvelle
cotisation elle-même.
LES FAITS
Les faits entourant la question de la renoncia-
tion ne sont pas contestés. On a présenté le témoi-
gnage de James Findlay Briggs, vice-président des
finances de la société demanderesse, et de Spencer
William Holmes, vérificateur chez Revenu
Canada, Impôt. Ces deux personnes ont donné un
témoignage clair et direct et on peut dire que, sur
toutes les questions de fond, l'une a corroboré les
dires de l'autre.
C'est à la fin de janvier ou au début de février
1985 que M. Holmes a entrepris une vérification
des livres de la demanderesse. Au cours des sept ou
huit mois qui ont suivi, il s'est rendu par intermit-
tence aux bureaux de la demanderesse pour mener
sa vérification. Sa principale source de renseigne-
ments tout au long de cette période-là a évidem-
ment été M. Briggs, dont les tâches et fonctions
portaient explicitement sur l'administration des
comptes et registres corporatifs de la demande-
resse.
M. Briggs avait occupé ce poste-là pendant envi-
ron huit ans. Cependant, il n'était ni actionnaire ni
administrateur de la société demanderesse. Il était
également secrétaire de l'entreprise, mais il n'avait
pas le pouvoir unilatéral d'apposer le sceau corpo-
ratif sur les documents et il n'avait pas non plus en
sa possession le sceau corporatif, lequel demeurait
toujours sous la garde des avocats de la
demanderesse.
En septembre 1985, M. Holmes a constaté que
le délai de prescription était sur le point d'expirer
et, le 12 septembre 1985, il a remis à M. Briggs
une renonciation en la forme prescrite par le
ministre du Revenu national. Les renseignements
devant être inscrits sur le formulaire avaient déjà
été écrits et M. Briggs n'avait qu'à signer. Celui-ci
n'avait pas vu ce genre de formule auparavant,
mais il a présumé que le délai de prescription de
quatre ans était sur le point d'expirer. Il n'a pas
discuté de cette question avec une personne de son
entreprise; d'ailleurs, M. Holmes ne lui a pas
demandé s'il avait l'autorisation nécessaire et il n'a
pas exigé non plus l'apposition du sceau corporatif.
M. Briggs n'a pas lu les mots qui étaient imprimés
sur la renonciation. Il s'est contenté de lire les
mots dactylographiés que M. Holmes avait insérés
et, sans plus de cérémonie, il a signé la formule.
Au cours de son témoignage, M. Briggs a admis
avoir présumé que la signature de la formule fai-
sait partie des tâches dont la responsabilité lui
incombait comme vice-président des finances. Il
avait acquis suffisamment d'expérience comme
comptable agréé pour savoir que, s'il refusait de
signer, une cotisation serait immédiatement éta-
blie. En outre, il avait signé toutes les déclarations
d'impôt et les déclarations modifiées de la société.
Selon lui, aucune autorisation spéciale n'était
requise.
Quelques semaines plus tard, M. Holmes a été
prévenu par ses collègues de Revenu Canada
qu'aucun sceau corporatif n'était apposé sur le
document de la renonciation. Le 18 octobre 1985,
M. Holmes est retourné au bureau de M. Briggs
et lui a demandé de voir à ce que le sceau soit
apposé. M. Briggs lui a dit qu'il n'était pas habi-
lité à apposer le sceau corporatif et que, à tout
événement, il n'avait pas le sceau en sa possession.
Après avoir consulté les avocats de la demande-
resse, M. Briggs a avisé M. Holmes, le 24 octobre,
du fait que la demanderesse ne prendrait aucune
autre mesure et que le sceau corporatif ne serait
pas apposé.
C'est de cette situation que découle le présent
litige.
LA THÈSE DE LA DEMANDERESSE
La thèse de la demanderesse peut être résumée
comme suit:
1. D'après la règle concernant la renonciation, qui
est énoncée au paragraphe 152(4) de la Loi de
l'impôt sur le revenu, une renonciation doit être
déposée ou remplie selon la forme prescrite;
2. La Partie XVII de ladite Loi porte sur l'inter-
prétation et, au paragraphe 248(1), le mot «pres-
crit» dans le cas d'une formule signifie prescrit par
ordre du ministre;
3. Le paragraphe 220(1) prévoit également que le
ministre assure l'application et l'exécution de la
Loi;
4. Dans le cadre des fonctions du ministre, une
formule de renonciation était prescrite et ladite
formule comporte une clause énonçant de façon
non équivoque la façon dont une société peut
renoncer à un droit d'origine législative;
5. En outre, ajoute l'avocat de la demanderesse, la
prescription du ministre mérite la même reconnais
sance qu'une disposition d'une loi ou d'un règle-
ment. Selon l'article 2 de la Loi d'interprétation,
L.R.C. (1985), chap. I-21, complété par le pouvoir
législatif dont le ministre dispose en vertu de la Loi
de l'impôt sur le revenu, le mot «texte» et une
«directive» du ministre ont la même portée et la
même application;
6. On peut donc dire que le ministre désirait que
le sceau corporatif soit apposé sur la renonciation
de l'entreprise et il n'y a pas de raison de soutenir
que l'exigence est de nature discrétionnaire, per
missive ou facultative;
7. Même si l'avocat de la demanderesse admet
volontiers qu'un sceau corporatif pourrait aujour-
d'hui être considéré comme un anachronisme et
que, effectivement, il a été aboli dans certaines lois
provinciales sur les sociétés, la condition selon
laquelle le sceau corporatif doit être apposé pour
que la société soit liée existe encore. L'article 124
du Company Act [R.S.B.C. 1979, chap. 59] de la
Colombie-Britannique porte sur le sceau. Lorsque
le ministre prescrit qu'un sceau de cette nature
doit être apposé sur une renonciation, cette condi
tion devient une condition essentielle à la validité
de ladite renonciation et une condition qui lie les
parties concernées.
À l'appui des arguments précités, l'avocat de la
demanderesse se fonde, notamment, sur l'arrêt Pan
American World Airways Inc. c. R., décision
rendue en 1979 par le juge Mahoney, alors juge de
la Section de première instance de notre Cour, et
publiée dans [1979] 2 C.F. 34. Dans cette cau-
sé-là, le Règlement établi sous l'autorité de l'arti-
cle 4 de la Loi sur l'aéronautique [S.R.C. 1970,
chap. A-3] autorisait le ministre responsable à
imposer aux propriétaires d'aéronefs exploitant des
appareils à l'intérieur du Canada des frais pour
l'utilisation des services publics et prévoyait le
recouvrement forcé de ces frais. Cependant, l'arti-
cle 5 de cette même Loi autorisait le ministre à
«prescrire» des frais qui ont effectivement été
imposés à l'égard de survols d'aéronefs au Canada
sur des routes internationales. L'article 5 ne pré-
voyait pas le recouvrement forcé, peut-être en
raison d'une anomalie dans la rédaction. Pan Am a
évidemment soutenu que la Loi n'imposait pas
d'obligation à l'égard du paiement de ces frais et
qu'il s'agissait là d'une lacune fatale du texte
législatif.
Devant trancher cette question épineuse, le juge
Mahoney a dit ce qui suit aux pages 47 et 48:
«Prescrivant», employé à l'article 5, est le participe présent du
verbe transitif «prescrire». Il n'est pas employé dans le contexte
médical et rien n'indique que le Parlement ait voulu l'employer
dans l'un de ses sens archaïques. Dans son acception juridique,
«prescrivant» peut se rapporter à la déchéance d'un droit par
l'écoulement d'un certain délai, mais il est évident que ce terme
n'est pas employé dans cette acception par l'article 5. Il faut
donc l'entendre dans son acception usuelle.
The Oxford English Dictionary (1933) définit ainsi le verbe
transitif «prescribe» (prescrire):
[TRADUCTION] Établir ou fixer une règle ou une directive à
caractère obligatoire; fixer, commander, ordonner, enjoindre.
La définition suivante est donnée par le Funk and Wagnall's
New «Standard» Dictionary of the English Language (1961):
[TRADUCTION] Formuler ou établir avec autorité une règle
de direction ou de commandement; poser à titre de loi ou de
directive.
Le Webster's Third New International Dictionary (1961) le
définit ainsi:
[TRADUCTION] fixer avec autorité un principe, une directive
ou une règle d'action; imposer impérativement; DICTER,
COMMANDER, ORDONNER.
Quant au verbe «impose» (imposer), voici les définitions don-
nées par les mêmes dictionnaires. Le dictionnaire Oxford le
définit ainsi:
[TRADUCTION] Faire subir quelque chose de fâcheux, de
désagréable, ou de pénible; infliger (quelque chose); faire
payer ou subir autoritairement ou arbitrairement.
Funk & Wagnall's le définit ainsi:
[TRADUCTION] Faire accepter ou admettre quelque chose de
fâcheux ou de désagréable; faire payer ou exiger autoritaire-
ment, comme imposer une taxe, un impôt ou une peine.
Voici la définition donnée par Webster:
[TRADUCTION] créer, poser ou appliquer une charge, un
impôt, une obligation, une règle, une peine obligatoire; FRAP-
PER, INFLIGER.
Ces verbes sont synonymes et signifient à peu près la même
chose. Il se peut que le Parlement ait voulu faire une distinction
notable dans les pouvoirs délégués en utilisant «imposant» dans
l'article 4 et «prescrivant» dans l'article 5; toutefois, telle n'est
pas l'interprétation la plus raisonnable de ces articles. Le
corollaire de l'argument de la demanderesse semble être que le
gouverneur en conseil, en «imposant» une taxe en vertu de
l'article 4, fixe tout sauf le montant de la taxe et que, en
l'absence d'un tel pouvoir, l'économie de la loi est essentielle-
ment déficiente. À mon avis, on ne peut pas supposer que le
Parlement, en employant des termes courants, ait voulu donner
nécessairement à des synonymes des sens totalement différents,
rendant ainsi l'économie de la loi aussi incomplète que le
voudrait la demanderesse. Il faut être avocat pour pouvoir
penser à un tel argument et je doute fort que même un avocat
ait pu y penser si les articles en question ne se suivaient pas.
Je conclus par conséquent que le gouverneur en conseil ou le
ministre des Transports, en exerçant légitimement le pouvoir à
lui conféré, pouvoir qui n'est pas contesté en l'espèce, pour
établir un règlement prescrivant, en vertu de l'article 5 de la
Loi sur l'aéronautique, une redevance pour l'utilisation de
quelque installation ou service, ne fixe pas seulement la rede-
vance en question, mais impose à l'usager une obligation légale
de la payer.
Je présume que l'avocat a cité cet arrêt pour
démontrer la gravité et l'importance d'une condi
tion prescrite et pour inciter la Cour à conclure
que, si le pouvoir de «prescrire» qui est prévu dans
la Loi sur l'aéronautique comprend le pouvoir
d'imposer et de recouvrer des sommes d'argent, il
en résulte forcément que, lorsqu'un ministre pres-
crit qu'un sceau corporatif doit être apposé sur une
renonciation, le document sera nul si cette condi
tion n'est pas respectée.
L'avocat de la demanderesse cite également l'ar-
rêt Waterous Engine Co. v. Town of Capreol
(1922), 52 O.L.R. 247, où la Cour d'appel de
l'Ontario a rejeté une réclamation relative à un
billet établi et signé par le maire et trésorier d'une
corporation municipale pour le motif que le sceau
n'avait pas été apposé sur le billet et qu'aucun
règlement autorisant l'utilisation du billet n'avait
été adopté. Cet arrêt indique encore une fois que,
lorsque des formalités, comme l'apposition d'un
sceau corporatif ou l'adoption d'un règlement, sont
imposées par un texte de loi, le non-respect de ces
formalités a des conséquences importantes.
C'est sur l'arrêt Guaranty Properties Ltd. c.
Canada, [1987] 2 C.F. 292 (ire inst.) que l'avocat
de la demanderesse se fonde pour soutenir qu'une
lacune de la renonciation ne peut être corrigée.
Dans cette cause-là, le juge Rouleau, de notre
Cour, après avoir examiné les dispositions de la
Loi de l'impôt sur le revenu concernant la fusion
de sociétés, en est arrivé à la conclusion qu'une
nouvelle cotisation établie par erreur à l'encontre
d'une société ne pouvait être validée rétroactive-
ment à l'encontre, d'une autre société lorsque cette
nouvelle cotisation était devenue prescrite. À la
page 308, le juge Rouleau formule les commentai-
res suivants:
Les dispositions correctives de la Loi de l'impôt sur le revenu
ne sont d'aucune assistance à la défenderesse en l'espèce. Il
ressort des faits que certaines erreurs ont ennuyé cette dernière
dans toute cette affaire. Le vérificateur qu'on aurait dû mettre
au courant de la fusion n'en a pas été avisé et, au moment de la
découverte de cette erreur et de la rectification de celle-ci, le
délai imparti par la Loi pour l'établissement d'une nouvelle
cotisation pour l'année d'imposition 1976 de Dixie avait expiré.
L'équité à elle seule empêche qu'on recoure à des dispositions
correctives comme celles qui figurent dans la Loi de l'impôt sur
le revenu pour corriger une erreur de fond de cette nature.
J'estime que la Loi n'envisage pas la modification d'une nou-
velle cotisation après l'expiration d'un délai.
Enfin, l'avocat de la demanderesse cite un
extrait de Phipson on .Évidence, 8e édition, page
667, que l'on trouve dans Wilchar Construction
Ltd. c. R., [1982] . 2 C.F. 489 (C.A.), à la page
496:
[TRADUCTION] Les fins de non-recevoir, quelles' qu'elles
soient, restent cependant soumises à une règle générale; elles ne
peuvent aller à l'encontre des lois d'application générale ...
Ainsi, lorsqu'une loi impose des mesures particulières, aucune
fin de non-recevoir ne pourra valider son inobservation ...
Selon l'avocat, compte tenu de ce qui précède,
nous n'avons pas à nous demander si un document
établi sans sceau corporatif lierait une société ou si
M. Briggs, lorsqu'il a signé la renonciation, vou-
lait faire de celle-ci un document valide, puis-
qu'une société ne peut remédier à l'omission d'ap-
poser un sceau corporatif prescrit en invoquant une
fin de non-recevoir.
LA THÈSE DE LA COURONNE
L'avocat de la Couronne soutient qu'il n'est pas
nécessaire que le sceau corporatif soit apposé sur
la formule de renonciation pour que celle-ci soit
valide. Subsidiairement, déclare l'avocat, si un
sceau est nécessaire, la renonciation est sensible-
ment complète et sensiblement conforme à la for-
mule prescrite, de sorte qu'elle est valide.
En outre, l'avocat allègue que les dispositions
correctives nécessaires se trouvent aux paragra-
phes 152(3) et 152(8) et à l'article 166 de la Loi
de l'impôt sur le revenu.
Selon le paragraphe 152(8), «Sous réserve de
modifications qui peuvent y être apportées ou d'an-
nulation qui peut être prononcée lors d'une opposi
tion ou d'un appel fait en vertu de la présente
Partie et sous réserve d'une nouvelle cotisation,
une cotisation est réputée être valide et exécutoire
nonobstant toute erreur, vice de forme ou omission
dans cette cotisation ou dans toute procédure s'y
rattachant en vertu de la présente loi.»
En outre, le paragraphe 152(3) énonce que «Le
fait qu'une cotisation est inexacte ou incomplète
ou qu'aucune cotisation n'a été faite n'a pas d'effet
sur les responsabilités du contribuable à l'égard de
l'impôt prévu par la présente Partie.»
L'article 166 de la Loi prévoit ce qui suit: «Une
cotisation ne doit pas être annulée ni modifiée lors
d'un appel uniquement par suite d'irrégularité, de
vice de forme, d'omission ou d'erreur de la part de
qui que ce soit dans l'observation d'une disposition
simplement directrice de la présente loi.»
Enfin, l'avocat de la Couronne fait valoir que,
compte tenu de la conduite de M. Briggs et de son
propre témoignage concernant la signature et la
délivrance de la formule de renonciation, la
demanderesse ne peut nier la validité du document
ou le pouvoir de M. Briggs de le signer au nom de
l'entreprise.
En ce qui a trait à la mystique ou à la fiction
juridique du sceau corporatif, l'avocat de la Cou-
ronne cite l'extrait suivant de l'ouvrage de F. W.
Wegenast intitulé The Law of Canadian Compa
nies, Carswell, 1979, aux pages 268 270:
[TRADUCTION] L'article 36 de la loi canadienne énonce que
«tout acte qu'une personne, légalement autorisée à ce titre par
la société comme fondé de pouvoir de celle-ci, signe au nom de
ladite société et sur lequel elle appose son sceau lie la société et
s'applique de la même façon que si ledit document comportait
le sceau de la société». Ce qui importe, ce n'est pas que le sceau
de l'entreprise soit apposé, mais bien qu'un sceau soit apposé.
En ce qui a trait à la nécessité du sceau dans les contrats,
l'article 37 de la loi canadienne prévoit ce qui suit: «tout
contrat, engagement ou entente conclu, toute lettre de change
tirée, acceptée ou endossée et tout billet à ordre ou chèque fait,
tiré ou endossé au nom de la société par un mandataire,
dirigeant ou préposé de la société, généralement de façon
conforme aux pouvoirs dont cette personne dispose en vertu des
règlements de la société, lient celle-ci. Il n'est en aucun cas
nécessaire d'apposer le sceau de la société sur ce contrat, cette
entente, cet engagement, cette lettre de change, ce billet à ordre
ou ce chèque ou de prouver que celui-ci a été fait, tiré, accepté
ou endossé, selon le cas, conformément à un règlement ou à un
vote ou une directive spécial. Aucune personne agissant ainsi à
titre de mandataire, dirigeant ou préposé de la société ne peut
être tenue personnellement responsable envers un tiers».
Cette disposition législative résout de façon concluante un
certain nombre de questions qui causaient auparavant de
sérieux problèmes. Selon la règle générale reconnue en common
law, une société n'était pas liée par un contrat à moins que
celui-ci ne comporte le sceau de l'entreprise, bien que l'on n'ait
pas tardé à reconnaître que le sceau n'était pas nécessaire pour
chacun des actes de la société. Aujourd'hui, la règle comporte
tellement d'exceptions qu'elle s'applique rarement de façon
intégrale, sauf dans les cas où le législateur est intervenu de
façon explicite. On a d'abord reconnu que, lorsque le document
en question avait une importance mineure ou était utilisé de
façon répétitive, l'entente en question qui avait été dûment
conclue par une société lierait tant celle-ci que l'autre partie,
malgré l'absence de sceau corporatif. Encore une fois, il est
bien établi que, dans le cas des contrats exécutés, c'est-à-dire
lorsque l'une des parties, que ce soit la société ou l'autre partie,
a rempli ses obligations, l'entreprise est responsable, même si
son sceau n'est pas apposé sur l'entente. En outre, il a été établi
de façon non équivoque que tous les contrats que les sociétés
commerciales concluent à l'intérieur des limites de leurs objets
lient lesdites sociétés, même en l'absence du sceau corporatif.
Enfin, il a été établi que, même dans le cas des sociétés non
commerciales, un contrat peut lier ladite société malgré l'ab-
sence du sceau de l'entreprise, en autant qu'il ne dépasse pas les
limites des buts spéciaux énoncés dans la charte de la société.
Invoquant certaines lois provinciales, les tribunaux ont parfois
décidé que des nominations importantes, comme celles du
directeur ou de l'ingénieur-chef, devaient comporter le sceau de
l'entreprise; cependant, cette obligation n'existe pas selon la Loi
canadienne, bien que la nomination doive être faite de façon
régulière, que ce soit par règlement ou, à tout le moins, sous
l'autorité d'un règlement général. Cependant, comme je l'ai
déjà souligné, les dispositions de la Loi canadienne semblent
couvrir le sujet à fond et, incidemment, assimiler, dans le cas
des sociétés canadiennes, les règles du Québec à celles des
autres provinces en ce qui a trait à l'utilisation du sceau
corporatif.
En conséquence, sur le plan pratique, si l'on fait exception de
l'article 37, la société n'est tenue d'utiliser le sceau que lorsque
le particulier lui-même doit le faire, notamment lorsqu'il s'agit
de documents comme des actes scellés, des procurations, etc.
Sur ce point, le lecteur doit se rappeler que le sceau «sous-
entend» à la fois la contrepartie et la délivrance: en effet,
lorsque le sceau est apposé sur un contrat, il n'est pas nécessaire
de prouver la contrepartie ou la délivrance du contrat, la
contrepartie n'étant pas nécessaire dans le cas d'un contrat
scellé et la délivrance étant présumée. Cependant, cela ne
signifie pas que l'on ne puisse établir l'absence de contrepartie
ou qu'un acte ou contrat scellé ne puisse être déposé en mains
tierces. La question de savoir s'il y a eu délivrance est une
question de fait et d'intention, mais la délivrance prima facie
peut être présumée; en outre, lorsque le sceau de la société est
apposé sur le document, celui-ci est présumé avoir été signé en
bonne et due forme, bien que cette présomption puisse être
réfutée.
L'avocat de la Couronne se fonde en grande
partie sur l'extrait précité où l'auteur déclare que,
de nos jours, la règle de common law selon laquelle
aucun contrat non revêtu du sceau ne lie l'entre-
prise comporte tellement d'exceptions qu'elle est
rarement appliquée de façon intégrale, sauf dans
les cas où le législateur est intervenu de façon
explicite. Il allègue que, dans les circonstances, le
«sceau corporatif» prescrit sur le document de la
renonciation ne constitue pas une condition qui
doit nécessairement être respectée pour que le
document soit valide à sa face même et qu'il lie
l'entreprise.
L'avocat de la Couronne invoque également les
articles 124 et 125 du Company Act, R.S.B.C.,
1979, chap. 59, qui semblent établir que les exi-
gences liées au caractère exécutoire des ententes
conclues entre des personnes naturelles s'appli-
quent également dans le cas des sociétés. Voici le
libellé de ces dispositions:
[TRADUCTION] 124. (1) Lorsque la loi exige qu'une entente
conclue entre des personnes physiques soit consignée par écrit
et scellée, ladite entente pourra être faite par écrit et scellée au
nom d'une société et elle pourra être modifiée ou annulée de la
même façon.
(2) Lorsque la loi exige qu'une entente conclue entre des
personnes physiques soit consignée par écrit et signée par les
parties pour être valide, ladite entente pourra être faite par
écrit pour la société et signée par une personne autorisée,
expressément ou implicitement, à cette fin par ladite société et
elle pourra être modifiée ou annulée de la même façon.
(3) Toute entente conclue entre des personnes physiques qui,
selon la loi, serait valide même s'il s'agit d'une entente verbale,
pourra être faite de la même façon au nom de la société par une
personne autorisée, expressément ou implicitement, à cette fin
par celle-ci et elle pourra être modifiée ou annulée de la même
façon.
(4) Toute entente conclue conformément au présent article
est valide en droit et lie la société, ses successeurs et toutes les
autres parties à ladite entente.
(5) Toute lettre de change ou billet à ordre sera présumé
avoir été fait, accepté ou endossé au nom de la société s'il a été
fait, accepté ou endossé au nom ou pour le compte de la société
par une personne autorisée à agir ainsi par ladite société.
125. Tout document devant être authentifié ou attesté par
une société peut être authentifié ou attesté par un administra-
teur ou dirigeant de la société ou par l'avocat de la société et il
n'est pas nécessaire qu'il comporte le sceau habituel de la
société.
L'avocat de la Couronne cite également certai-
nes décisions qui ont été rendues en application de
la Loi de l'impôt sur le revenu et dans lesquelles la
légalité du document n'a pas été touchée par le fait
que certaines prescriptions n'avaient pas été res-
pectées à la lettre.
Dans R. v. Hart Electronics Ltd. (1959), 29
W.W.R. 28 (C.A. Man.), la société contribuable a
été accusée d'avoir omis de déposer ses déclara-
tions d'impôt. En réalité, un dirigeant de la société
avait fait parvenir à Revenu national une lettre à
laquelle il avait joint des déclarations T-2 non
signées indiquant qu'aucun impôt n'était exigible
et comportant certains renseignements et commen-
taires. Aucun document n'était joint aux formules.
Le magistrat a rejeté l'accusation et la Cour
d'appel du Manitoba a rejeté l'appel de la Cou-
ronne. A la page 30, la Cour a dit ce qui suit:
[TRADUCTION] Bien qu'elle n'ait pas été signée, la formule
était jointe à la lettre. L'omission de signer la formule ne rend
pas la déclaration nulle. Si un chèque avait été joint, on
n'aurait pu soutenir qu'il n'y avait pas de déclaration. S'il
appert du document qu'aucun impôt n'est exigible, il s'agit
néanmoins d'une déclaration, bien que la formule n'ait pas été
signée. À mon avis, une formule T2 qui est jointe à une lettre
comportant certains renseignements constitue une déclaration
d'impôt sur le revenu, même si elle n'est pas signée.
Une décision semblable a été rendue dans R. v.
Kidd (1974), 6 O.R. (2d) 769. Le juge Lacour-
cière, alors juge de la Haute Cour de l'Ontario, a
refusé d'examiner le moyen de contestation de
l'évasion fiscale volontaire invoqué pour le motif
que le contribuable n'a pas signé ses déclarations
d'impôt lorsqu'il a omis de déclarer son véritable
revenu. A la page 772, le juge s'est exprimé
comme suit:
[TRADUCTION] Les déclarations d'impôt non signées se rap-
portant aux années d'imposition 1970 et 1968 étaient complètes
et suffisantes pour constituer un moyen de défense à l'accusa-
tion d'avoir omis de déposer des déclarations: The Queen v.
Hart Electronics Ltd., 59 D.T.C. 1192. Si l'appelant désirait
que la déclaration constitue le fondement de sa cotisation, et il
ne peut en être autrement, il ne peut invoquer son omission de
la signer. I1 doit choisir: il ne peut invoquer la déclaration à la
fois comme moyen de contestation d'une accusation de non-
dépôt et comme moyen de contestation d'une accusation d'éva-
sion, du fait qu'elle n'est pas signée ...
Dans l'affaire R. c. Simard-Beaudry Inc.,
[1971] C.F. 396, le juge en chef adjoint Noël, de
notre Cour, devait se prononcer sur une question
analogue. En 1964, la demanderesse avait acheté
la plupart des éléments d'actif de Simard & Frères
Cie Limitée et avait convenu de payer les dettes
que la venderesse avait engagées avant le ler jan-
vier 1965.
Lorsqu'une nouvelle cotisation a été établie en
1969 à l'encontre de la venderesse, la Couronne a
réclamé de la défenderesse des montants élevés se
rapportant aux impôts impayés pour les années
allant de 1954 1964. Contestant la réclamation,
la défenderesse a plaidé l'invalidité de certaines
renonciations qu'elle avait signées au nomde l'au-
tre société. Voici les commentaires que le juge a
formulés à ce sujet à la page 405:
L'argument de la défenderesse que les renonciations signées
par elle pour la mise en cause pour les années 1961 et 1962,
pour lesquelles elle prétend qu'il n'y a pas eu représentations
erronées ou fraude et où, par conséquent, la présomption prima
facie de validité des cotisations ne jouerait pas, ne valent pas
parce que non signées par le contribuable, ne peut être soulevé
ici. Elle s'est en effet présentée comme l'agent de la mise en
cause ou son mandataire apparent et la demanderesse, fort de
ces renonciations, a, par la suite, laissé écouler les quatre ans
prévus à l'art. 46(4) pour les années en cause. La demanderesse
serait bien mal venue d'invoquer, dans ces circonstances, l'inva-
lidité de ces renonciations. D'ailleurs, il ne me paraît pas qu'il
soit trop surprenant que ces renonciations aient été signées par
l'acheteur des biens et droits du vendeur puisque cet acheteur,
dont certains de ses intéressés avaient des intérêts dans la mise
en cause, est celui-là même qui a continué les opérations du
vendeur et qui a dû en récolter les profits.
C'est dans l'arrêt Smerchanski c. Ministre du
Revenu national, [1974] 1 C.F. 554 (C.A.), que le
juge suppléant Mackay a soulevé la question de la
fin de non recevoir que l'avocat de la Couronne
invoque. À la page 568, le juge a dit ce qui suit:
L'ouvrage de Hanbury, Modern Equity, 9' éd., aux pp. 664
et 666, définit l'irrecevabilité comme étant une doctrine qui
empêche une personne d'agir d'une manière inconséquente par
rapport à une représentation qu'elle a faite à-l'autre partie et
sur laquelle cette dernière s'est fondée, agissant à son détri-
ment. Il doit nécessairement y avoir une représentation non
équivoque d'une situation réelle sur laquelle on veut que l'autre
partie se fonde pour agir et d'après laquelle elle agit effective-
ment à son détriment.
Enfin, la Couronne cite les remarques suivantes
que le juge Muldoon, de notre Cour, a formulées
dans Optical Recording Corp. c. Canada, [ 1987] 1
C.F. 339, la page 359:
Les imprimés font partie de la mystique essentielle des
gouvernements au vingtième siècle, mais personne ne doit s'y
laisser prendre même lorsqu'il s'agit de formules officielles et
obligatoires. L'imprimé lui-même n'a pas force de loi.
LES CONCLUSIONS
La question demeure celle de savoir si l'absence
de sceau corporatif sur une formule de renoncia-
tion prescrite rend celle-ci nulle et non avenue.
Pour trancher cette question, il faut, à mon avis,
tenir compte des éléments suivants.
1. Nature d'une renonciation
Une renonciation semblable à celle qui fait l'ob-
jet du présent litige pourrait être considérée
comme un accommodement entre la Couronne et
un contribuable qui permet d'améliorer l'adminis-
tration de la Loi de l'impôt sur le revenu et de
déterminer de façon plus efficace toute dette
découlant de l'application de celle-ci. Compte tenu
des délais de prescription prévus à l'article 152 de
la Loi à l'égard des cotisations, la Couronne
demande une renonciation afin de pouvoir conti-
nuer son évaluation dans le cadre d'un processus
administratif normal sans devoir se préoccuper des
délais. Pour sa part, le contribuable sait très bien
que, lorsqu'une cotisation est établie, lui seul a le
fardeau de prouver qu'elle est erronée. Ce fardeau
devient beaucoup plus lourd si la Couronne, qui
voit approcher la fin du délai, établit ce qu'on
pourrait appeler une cotisation prématurée dans
laquelle elle inscrirait, par mesure de prudence, de
nombreux éléments divers que le contribuable
devrait réfuter un à un. Dans ces circonstances, le
contribuable sera porté à considérer la renoncia-
tion comme une solution avantageuse tant pour lui
que pour la Couronne et se conformera habituelle-
ment à la demande de celle-ci.
En outre, dans bien des cas, la renonciation peut
se limiter à des questions précises, c'est-à-dire les
questions relativement auxquelles le travail d'éva-
luation n'est pas terminé et qui demeurent effecti-
vement les seuls points non réglés à l'égard des-
quels la Couronne pourrait décider d'établir une
cotisation ou une nouvelle cotisation. Ce genre de
renonciation a pour effet de rétrécir la portée de la
cotisation et comporte des avantages tant pour la
Couronne que pour le contribuable.
2. Exigences liées à une formule de renonciation
prescrite
Si, de par sa nature, une renonciation établie en
conformité de la Loi de l'impôt sur le revenu peut
être considérée comme un accord mutuel, il incom-
bera peut-être néanmoins à la Couronne de s'assu-
rer, lorsqu'elle accepte la renonciation, que le con-
tribuable sera lié par celle-ci. Il n'y aura
habituellement aucun problème sur ce point si le
contribuable est un particulier. Cependant, il en
est autrement lorsque le contribuable est une
société qui ne peut être liée que par l'entremise
d'une personne agissant pour son compte. Bien
entendu, l'apposition du sceau corporatif serait la
mesure permettant le mieux de confirmer l'exis-
tence du pouvoir de cette personne. Le sceau cor-
poratif conférerait donc au document un degré
suffisant de validité ou d'authenticité que la Cou-
ronne pourrait invoquer.
Envisagées sous cet angle, les exigences liées à
l'apposition du sceau corporatif pourraient être
considérées comme des conditions avantageuses
pour la Couronne.
3. Le fondement législatif du formulaire prescrit
Le paragraphe 244(16) de la Loi se lit comme
suit: «Chaque formule donnée comme constituant
une formule prescrite ou autorisée par le Ministre
est réputée être une formule prescrite par ordre du
Ministre en vertu de la présente loi, sauf si elle est
mise en doute par le Ministre ou quelque personne
agissant pour lui ou pour Sa Majesté.»
Selon le sous-alinéa 154(4)a)(ii), le ministre
peut établir une nouvelle cotisation en tout temps
lorsque le contribuable «a adressé au Ministre une
renonciation, en la forme prescrite, dans un délai
de 4 ans». [C'est moi qui souligne.]
D'après la déclaration qui apparaît sur la for-
mule de renonciation prescrite en 1985, il s'agit
d'une formule autorisée et prescrite par le minis-
tre. La formule comporte également au recto une
série de directives qui doivent être suivies, selon le
texte de la formule, pour que la renonciation soit
valide. Le document doit être signé par le contri-
buable lui-même, s'il s'agit d'un particulier, ou par
le signataire autorisé à lier la société, s'il s'agit
d'une société. En outre, dans le cas d'une société,
le sceau corporatif doit être apposé.
Ces exigences vont dans le sens de l'argument de
la demanderesse selon lequel l'apposition du sceau
corporatif est obligatoire et l'absence de ce sceau
rend la renonciation nulle et non avenue. La
renonciation n'est pas valide et la loi énonce qu'il
doit s'agir d'une renonciation valide. En outre,
selon ce raisonnement, on ne peut dire que la
renonciation est valide lorsque le signataire,
comme vice-président des finances disposant du
pouvoir apparent de lier l'entreprise, n'était pas
autorisé, selon la preuve, à apposer le sceau corpo-
ratif. Cela sous-entend évidemment que, même si
M. Briggs avait eu en sa possession le sceau corpo-
ratif au moment où la renonciation lui a été sou-
mise, l'apposition du sceau par cette personne, qui
n'avait pas le pouvoir requis, n'aurait pas lié la
société.
4. Règles générales concernant le sceau corporatif
On peut résumer les règles générales en disant
que, selon les articles 124 et 125 du Company Act
de la Colombie-Britannique, il n'aurait habituelle-
ment pas été nécessaire d'apposer le sceau sur la
renonciation pour que celle-ci soit valide et lie la
société. Dans les circonstances, la validité de la
renonciation dépend uniquement de la réponse à la
question de savoir si la prescription est obligatoire
au point où le non-respect de cette prescription
rend le document nul et non avenu.
5. «Texte» obligatoire ou directeur
Il faut ici interpréter les conditions «prescrites».
L'apposition du sceau corporatif constitue soit une
exigence obligatoire, soit une exigence discrétion-
naire. Pour trancher cette question, il faut exami
ner le but de la prescription, le contexte dans
lequel elle est présumée s'appliquer et l'intention
générale qu'avait le Parlement ou son préposé
lorsqu'il l'a imposée. À cet égard, je fais miennes
les remarques que lord Campbell a formulées dans
Liverpool Borough Bank v. Turner (1860), 2
De G. F. & J. 502, lorsqu'il a dit ce qui suit aux
pages 507 et 508:
[TRADUCTION] Aucune règle universelle ne peut être imposée à
l'égard de l'interprétation des lois pour déterminer si un texte
de loi doit être considéré comme un texte à caractère directeur
ou obligatoire et si le non-respect de ce texte entraîne implicite-
ment la nullité du document visé. Il incombe aux tribunaux de
déterminer la véritable intention du législateur en examinant
avec soin la portée générale de la loi à interpréter.
Dans Howard v. Bodington (1877), 2 P.D. 203
(Court of Arches), à la page 211, lord Penzance a
adopté un raisonnement similaire:
[TRADUCTION] À mon avis, quelle que soit la règle en cause,
on ne peut aller plus loin que de dire que, dans chaque cas, il
faut examiner la question, tenir compte de l'importance de la
disposition qui n'a pas été respectée et du lien entre cette
disposition et le but général visé par la Loi et décider, après
avoir examiné l'affaire sous cet angle, si la disposition est de
nature impérative ou seulement directrice.
LA CONCLUSION
Après avoir examiné les faits dont j'ai été saisi
et les nombreux arrêts que les avocats ont cités, je
suis d'avis que l'apposition du sceau corporatif est
une exigence directrice seulement. À mon avis, la
prescription imposée par le ministre à cet égard lui
permet de s'assurer qu'il peut reporter en toute
sécurité l'établissement d'une nouvelle cotisation et
qu'il peut se fonder sur le fait que la société
contribuable est liée par la renonciation. En l'ab-
sence de circonstances inhabituelles, telle une imi
tation de signature, le contribuable ne serait pas en
mesure de répudier la renonciation une fois le délai
de prescription expiré.
À la lumière des faits qui ont été établis devant
moi, aucune circonstance inhabituelle de cette
nature ne peut être invoquée ici. Je n'ai aucun
doute sur le fait que M. Briggs, en qualité de
vice-président des finances, avait le pouvoir impli-
cite de consentir à une renonciation. Il était bien
conscient du but de la renonciation et, même si on
ne lui a pas demandé auparavant de signer une
renonciation au nom de son entreprise, il savait en
quoi consistait une renonciation, en raison de l'ex-
périence qu'il avait acquise comme comptable
agréé. Il l'a signée sans hésitation. Il a présumé
(et, à mon avis, il avait raison) que, en l'absence de
renonciation, une cotisation serait immédiatement
établie. Il n'a pas jugé nécessaire de signaler la
question à l'attention des administrateurs. Il a cru
que cette tâche faisait partie de ses responsabilités
comme vice-président des finances. Effectivement,
pendant quelques années, il s'est occupé des
aspects fiscaux de la gestion de l'entreprise et il a
signé plusieurs déclarations d'impôt au cours des
années antérieures. M. Briggs n'avait évidemment
aucun pouvoir explicite quant à l'utilisation du
sceau, mais je dois conclure, à la lumière de la
preuve, que s'il avait le pouvoir implicite de signer
les déclarations d'impôt de l'entreprise, il avait
aussi celui de signer une renonciation.
L'autre aspect important du présent litige est le
fait que la prescription imposée par le ministre est,
à mon sens, avantageuse pour celui-ci. Pour les
raisons déjà mentionnées, c'est une mesure de
protection du ministre et celui-ci peut, dans les
circonstances appropriées, y renoncer. La position
du ministre à cet égard est analogue à celle de
toute personne qui a le privilège de renoncer à une
condition établie en sa faveur.
En outre, cette renonciation, bien que la forme
en soit prescrite, ne constitue pas une obligation
législative qui est imposée à un contribuable et à
l'égard de laquelle des moyens de contestation
d'origine législative pourraient être soulevés dans
les cas appropriés. Une renonciation semblable à
celle qui est prescrite en l'espèce est un accord
mutuel par lequel le contribuable et la Couronne
acceptent que le délai de l'évaluation soit prolongé
pour des raisons avantageuses pour les deux par
ties, ni plus, ni moins. La preuve indique claire-
ment que M. Briggs a signé volontairement la
renonciation avec l'intention de la rendre validé
comme renonciation liant l'entreprise. D'après la
réalité de la situation que j'ai décrite, la renoncia-
tion n'était pas importante aux yeux de M. Briggs.
Dans ces circonstances, peut-on dire maintenant
qu'en raison du non-respect d'une formalité pres-
crite par le ministre, comme l'apposition du sceau
corporatif sur la formule de renonciation, le docu
ment doit être considéré comme nul et non avenu
et dénué de toute portée juridique? Si j'en arrivais
à cette conclusion, à mon humble avis, j'accepte-
rais par le fait même les arguments allégués par
l'avocat de la demanderesse selon lesquels la ques
tion doit être examinée à l'intérieur des limites
restreintes de la formule prescrite, dans le contexte
encore plus restreint des conditions du ministre qui
sont imprimées, et qu'il ne faut pas tenir compte
du fond et du caractère mutuel de la renonciation.
Il faudrait faire une interpolation stricte ou litté-
rale des diverses doctrines d'interprétation propo
sées par l'avocat de la demanderesse et conférer
aux formalités liées à la formule de renonciation
un caractère absolu et inviolé, ce qui, à mon avis,
n'est pas justifié.
Si une déclaration d'impôt non signée peut être
jugée valide, comme dans l'arrêt Hart Electronics,
ou qu'une renonciation signée par une entreprise
peut être considérée comme un document liant une
autre entreprise, comme dans l'arrêt Simard-
Beaudry, je ne vois pas pourquoi, dans les circons-
tances particulières qui me sont soumises, un docu
ment destiné à lier l'entreprise et signé en son nom
par un dirigeant supérieur qui possède, à tout le
moins, le pouvoir implicite de le faire pourrait
maintenant être répudié pour le motif que l'une
des conditions prescrites dans ledit document n'a
pas été respectée. On pourra dire que le ministre a
pris un risque lorsqu'il a accepté la renonciation de
la demanderesse alors que celle-ci ne comportait
pas de sceau corporatif. Cependant, il ne s'ensuit
pas pour autant que la demanderesse peut répudier
la renonciation pour ce motif.
Je dois donc en venir à la conclusion que, malgré
les arguments ingénieux qu'a invoqués l'avocat de
la demanderesse pour dire le contraire, le sceau
corporatif constitue une exigence discrétionnaire
avantageuse pour le ministre, que la lacune que
comporte la renonciation n'entraîne pas la nullité
de celle-ci et que la cotisation établie subséquem-
ment est valide à tous égards.
Suivant le consentement des parties à l'audience
et au règlement de cette question préliminaire,
bien que très importante, l'action de la demande-
resse est rejetée. Sous réserve d'un appel, les par
ties peuvent maintenant inscrire pour audition
quant au fond l'appel interjeté par la demande-
resse à l'égard de la cotisation de la défenderesse.
Les dépens suivront l'issue de la cause.
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