T-617-85
La bande Montana, chef Leo Cattleman, Marvin
Buffalo, Rema Rabbit, Carl Rabbit et Darell
Strongman, poursuivant en leur propre nom et au
nom de tous les autres membres de la bande
indienne Montana, tous résidant dans la réserve
Montana n° 139, province de l'Alberta (deman-
deurs)
c.
Sa Majesté la Reine (défenderesse)
RÉPERTORIÉ: BANDE MONTANA c. CANADA (1" INST.)
Section de première instance, juge Strayer —
Ottawa, 9 janvier et l er février 1991.
Pratique — Parties — Procédure de mise en cause —
Requête en radiation de l'avis à la tierce partie contre le chef
et les conseillers des bandes Samson et Ermineskin — La
bande Montana allègue que la Couronne a violé son obligation
fiduciaire relativement aux terres de la réserve qui lui avaient
été cédées par les derniers membres de la bande Bobtail — Le
caractère permanent de la dette des bandes indiennes et l'exi-
gibilité de l'actif actuel des bandes à la place de leur actif
passé sont des questions profondes qu'il n'y a pas lieu de
décider au stade d'une requête interlocutoire — Il n'est pas
nécessaire que la défense dans l'action principale soit identique
à la déclaration dans l'action en garantie — La notion de
plaidoirie comprend l'avis à la tierce partie — Nature de l'avis
à la tierce partie et droit des parties de s'en prévaloir — Les
faits sur lesquels la demanderesse s'appuie devraient découler
des relations entre le défendeur et la tierce partie.
Pratique — Parties — Jonction — Requête en vue d'ajouter
le chef et les conseillers des bandes Samson et Ermineskin à
titre de défendeurs dans l'action, par une autre bande, contre
la Couronne pour violation de l'obligation fiduciaire, fraude
d'equity et abus de confiance frauduleux — La demanderesse
allègue qu'elle a un droit sur la réserve pour laquelle la
Couronne a obtenu une cession en 1909 auprès des derniers
membres de la bande Bobtail (lesquels sont maintenant mem-
bres des bandes Samson et Ermineskin) — En vertu de la
Règle 1716(2)b), l'ajout n'est pas «nécessaire pour assurer
qu'on pourra valablement et complètement juger toutes les
questions en litige dans l'action et statuer sur elles» — Il est
douteux que la Cour ait compétence sur un tel litige entre
administrés ou que la déclaration présente une demande à
l'égard de laquelle les bandes seraient des parties pertinentes.
Compétence de la Cour fédérale — Section de première
instance — Requête en radiation de l'avis à la tierce partie —
La Couronne demande un redressement de la part des bandes
Samson et Ermineskin s'il est établi que la bande Bobtail dont
les membres font maintenant partie de ces bandes, n'avait
aucun droit sur la réserve cédée à la Couronne en 1909 — La
Cour a compétence — Application du critère formulé dans
l'affaire ITO—International Terminal Operators Ltd. c. Miida
Electronics et autres — Attribution de compétence par le
Parlement fédéral aux termes des art. 17(4),(5)a) de la Loi sur
la Cour fédérale — L'art. 17(4) vise les demandes contradic-
toires par des parties indépendantes ainsi que les demandes
contradictoires d'une partie — La Couronne prétend qu'elle
n'a pas d'obligation envers les deux parties et que de telles
obligations sont mutuellement exclusives — La common law
fédérale actuelle relative au titre autochtone et le droit légis-
latif (Loi des Sauvages, en vigueur en 1909) sont essentiels
pour statuer sur les demandes de la Couronne.
Peuples autochtones — Terres — La bande Montana pour-
suit la Couronne pour abus de confiance (1) pour avoir accepté
la cession des terres de la réserve des derniers membres de la
bande Bobtail et (2) pour avoir disposé par la suite de ces
terres — La bande Montana allègue qu'elle avait un droit sur
les terres avant leur cession en 1909 — Les derniers membres
de la bande Bobtail s'étaient joints aux bandes Samson et
Ermineskin — La Couronne appelle les bandes Samson et
Ermineskin en garantie — Il n'est pas nécessaire que ces
dernières bandes soient jointes à titre de défendeurs pour juger
les questions en litige — L'action en garantie est appropriée et
la Cour a compétence puisque le droit législatif fédéral et la
common law fédérale sont essentiels au règlement des deman-
des — La question de savoir si les membres actuels de la
bande peuvent, par succession, être tenus à la dette des mem-
bres décédés et celle de savoir si l'actif actuel de la bande peut
être exigible à la place de l'actif antérieur n'ont pas à être
tranchées au stade d'une requête interlocutoire puisqu'il s'agit
là de questions profondes et où aucun précédent de jurispru
dence ou de doctrine pertinent n'a été cité — Nature des
droits autochtones — Différents des principes de common law
en matière de succession.
La Couronne a voulu obtenir des instructions sur le jugement
des questions mentionnées dans l'avis à la tierce partie ou une
ordonnance afin d'ajouter le chef et les conseillers des bandes
Samson et Ermineskin, poursuivis en leur propre nom et au
nom des membres de leurs bandes respectives, à titre de
codéfendeurs, et ces bandes ont voulu faire radier les avis aux
tierces parties à leur encontre. La bande de Montana, deman-
deresse, prétend avoir acquis avant 1909 un droit sur la réserve
n° 139, droit en vertu duquel la Couronne avait, envers elle, une
obligation fiduciaire en ce qui concerne la réserve. En 1909, la
Couronne a obtenu une cession de la réserve auprès des derniers
membres de la bande Bobtail, lesquels étaient devenus membres
des bandes Samson et Ermineskin. La bande Montana a plaidé
que cette cession était nulle dès le départ et que la cession, la
vente subséquentes de la terre et la disposition de son produit
représentaient une violation de l'obligation fiduciaire et un abus
de confiance par la Couronne, lesquels constituaient une fraude
d'equity, un abus de confiance frauduleux et une violation des
droits de la demanderesse en vertu de la loi. Dans l'avis à la
tierce partie, il était allégué que la Couronne avait le droit de
recevoir une contribution ou une indemnité ou de demander un
redressement de la part des bandes Samson et Ermineskin si la
demanderesse établissait qu'au moment de la cession, la bande
Bobtail n'avait aucun droit sur la réserve. En vertu de la Règle
1716(2)b), la Cour peut constituer partie toute personne dont
la présence est «nécessaire pour assurer qu'on pourra complète-
ment juger toutes les questions en litige». Les tierces parties ont
contesté la compétence ratione materiae de la Cour. Elles
soutenaient en outre que l'avis à la tierce partie ne révélait
aucune cause raisonnable d'action du fait que seulement deux
des membres actuels de la bande Ermineskin étaient vivants en
1909 et que les membres actuels de la bande ne pouvaient pas
succéder dans les dettes des membres défunts de la bande. En
outre, ni la bande, ni la Couronne n'avaient plus aucun des
fonds tirés de la vente de la réserve et l'actif actuel de la bande
ne pouvait pas être grevé, à la place de l'actif antérieur de la
bande qui aurait pu avoir certaines charges. La demanderesse a
également plaidé que l'avis à la tierce partie était incompatible
avec la défense. Il a été plaidé que le fondement des demandes
de la Couronne à l'encontre des tierces parties (à savoir, si elle
avait une obligation envers la demanderesse, et que cette
obligation aurait été violée, elle avait différents recours à
l'encontre des tierces parties fondées sur la fausse représenta-
tion) différait de celui de la défense à l'encontre de l'action de
la demanderesse (les demandeurs n'avaient aucun droit sur la
réserve). Enfin, la demanderesse a plaidé que les demandes
dans l'avis à la tierce partie ne pouvaient pas découler du fait
que la défenderesse verrait sa responsabilité engagée vis-à-vis
de la demanderesse. Les réclamations de la demanderesse
étaient fondées sur l'existence d'une fraude ou d'un préjudice
intentionnel par la défenderesse tandis que selon l'avis à la
tierce partie, la défenderesse était la victime innocente de
déclarations erronées ou de la fraude pratiquée par des tierces
parties. Par conséquent, si la demanderesse n'établissait pas de
préjudice intentionnel, la défenderesse ne serait pas responsable
du paiement des sommes qu'elle pouvait revendiquer.
Jugement: les requêtes visant à obtenir la radiation des avis
aux tierces parties et à ajouter les bandes à titre de parties
défenderesses devraient être rejetées. La requête pour obtenir
des instructions devrait être ajournée sine die.
L'ajout des bandes Ermineskin et Samson à titre de défende-
resses ne semblait pas, selon la formulation de la Règle
1716(2)b), nécessaire pour assurer qu'on pourrait juger toutes
les questions en litige. En outre, il ne semblait pas non plus
évident que la Cour avait, en vertu de la Loi sur la Cour
fédérale, compétence sur un litige entre administrés dans un
cas comme l'espèce, ni qu'une telle demande était fondée sur
une «loi du Canada». La déclaration ne présentait directement
aucune demande dans laquelle les bandes Samson et Ermines-
kin pourraient être des parties pertinentes.
Conformément aux critères formulés dans l'affaire ITO—
International Terminal Operators Ltd. c. Miida Electronics
Inc. et autres, la Cour a compétence pour connaître des deman-
des exposées dans les avis aux tierces parties. Il y avait eu
attribution de compétence par le Parlement fédéral aux termes
de l'alinéa 17(5)a) de la Loi sur la Cour fédérale, lequel
accorde à la Section de première instance compétence concur-
rente, en première instance, dans les actions intentées au civil
par la Couronne. Il s'agit là d'une description complète des
procédures envisagées par l'avis à la tierce partie. Une partie de
ces procédures serait aussi visée par le paragraphe 17(4),
laquelle accorde à la Section de première instance la compé-
tence exclusive, en première instance, dans les procédures met-
tant en cause la Couronne à propos d'une obligation éventuelle
pouvant faire l'objet de demandes contradictoires. Le
paragraphe 17(4) n'est pas limité à des cas où deux parties ont
formulé de façon indépendante des demandes contradictoires
mais couvre aussi des cas où la Couronne nie des obligations
envers les deux parties lorsque ces deux obligations sont
mutuellement exclusives.
Il existait une loi et de la common law fédérales qui étaient
essentielles au règlement des demandes de la Couronne à
l'encontre des bandes Samson et Ermineskin. Il existe une
common law fédérale qui porte sur le titre autochtone sous-
jacent à la nature fiduciaire des obligations de la Couronne
envers les bandes indiennes. Le recours de la Couronne à
l'encontre de la bande qui a prétendu de façon erronée être la
bénéficiaire d'une relation fiduciaire ou qui a, à tort, reçu des
avantages de ce fait doit aussi être mis en oeuvre en tant que
partie de la common law fédérale sur le titre autochtone. La
Loi des Sauvages qui était en vigueur en 1909 constituerait un
facteur important pour déterminer si la Couronne et les tierces
parties ont agi légitimement en ce qui concerne la cession de la
réserve. Même si la demande de la Couronne à l'encontre des
tierces parties était une affaire de propriété et de droits civils, il
est suffisant pour la compétence de la Cour fédérale si les liens
essentiels à partir desquels la demande est formulée sont créés
en vertu d'une loi fédérale.
L'inadmissibilité de la demande de la Couronne n'était pas
«simple et évidente». Le caractère permanent de la dette des
bandes indiennes et l'exigibilité de l'actif actuel des bandes à la
place de l'actif antérieur des bandes sont des questions profon-
des qu'il ne convient pas de trancher à l'étape d'une requête
interlocutoire en radiation.
Un avis à la tierce partie est une plaidoirie visée par la Règle
2, puisqu'elle définit une demande. La Règle 419 qui permet à
la Cour de radier quoi que ce soit dans une plaidoirie constitue
une déviation d'une plaidoirie antérieure. Toutefois, cela ne
veut pas dire qu'il doive y avoir une symétrie parfaite entre la
défense dans l'action principale et la déclaration dans l'action
en garantie. L'essentiel du recours à l'action en garantie est que
les faits sur lesquels s'appuie le demandeur à l'encontre du
défendeur devaient découler des relations entre le défendeur et
la tierce partie. En l'espèce, la demanderesse doit démontrer
que la Couronne, en acceptant la cession, ne traitait pas avec
les bonnes parties. Par conséquent, les faits sur lesquels la
demanderesse s'appuie découlent en partie des relations entre le
défendeur et la tierce partie.
L'avis à la tierce partie ne devrait pas être radié dans le
cadre d'une requête interlocutoire, vu la complexité des deman-
des et des relations qu'il y a entre elles. La déclaration n'allé-
guait pas exclusivement une mauvaise conduite intentionnelle.
La demanderesse pourrait triompher dans certaines de ces
demandes en prouvant tout simplement la négligence ou même
un paternalisme innocent. Il se pourrait que la Couronne soit
alors jugée responsable au regard des faits ayant donné nais-
sance à certaines demandes légitimes, comme les décrit l'avis à
la tierce partie, à l'encontre des tierces parties ou qui, selon les
allégations, ont déclaré à tort qu'elles avaient des droits sur la
réserve.
L'action en garantie était appropriée parce que les faits
pertinents à des actions, à la fois dans la déclaration et dans
l'avis à la tierce partie étaient identiques ou étroitement liés et
devraient être jugés ensemble. Les tierces parties devraient être
liées par les conclusions de la Cour dans l'action de la deman-
deresse et il ne devrait pas y avoir une multiplicité d'instances.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Viet., chap. 3
(R.-U.) (mod. par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982,
chap. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de
1982, n° 1) [L.R.C. (1985), appendice II, n° 5], art.
101.
Loi des sauvages, S.R.C. 1906, chap. 81, art. 17, 18, 48,
49.
Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), chap. F-7, art.
17(4),(5)a).
Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règles
2(1), 419(1)e), 1716(2)b), 1726 (mod. par DORS/
79-57 art. 26), 1729.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS SUIVIES:
ITO—International Terminal Operators Ltd. c. Miida
Electronics Inc. et autres, [1986] 1 R.C.S. 752; (1986),
28. D.L.R. (4th) 641; 34 B.L.R. 251; 68 N.R. 241;
Roberts c. Canada, [1989] 1 R.C.S. 322; [1989] 3
W.W.R. 117; (1989), 35 B.C.L.R. (2d) 1; 25 F.T.R. 161;
92 N.R. 241; Rhine c. La Reine; Prytula c. La Reine,
[1980] 2 R.C.S. 442; (1980), 116 D.L.R. (3d) 385; 34
N.R. 290; Allan v. Bushnell T.V. Co. Ltd.; Broadcast
News Ltd., Third Party, [1968] 1 O.R. 720; (1968), 67
D.L.R. (2d) 499 (C.A.).
DÉCISIONS EXAMINÉES:
Guerin c. R., [1982] 2 C.F. 385; [1982] 2 C.N.L.R. 83;
(1981), 10 E.T.R. 61 (l'° inst.); Guerin et autres c. La
Reine et autre, [1984] 2 R.C.S. 335; (1984), 13 D.L.R.
(4th) 321; [1984] 6 W.W.R. 481; 59 B.C.L.R. 301;
[1985] 1 C.N.L.R. 120; 20 E.T.R. 6; 55 N.R. 161; 36
R.P.R. 1.
DÉCISIONS CITÉES:
Oag c. Canada, [1987] 2 C.F. 511; (1987), 33 C.C.C.
(3d) 430; 73 N.R. 149 (C.A.); Kigowa c. Canada, [1990]
1 C.F. 804; (1990), 67 D.L.R. (4th) 305; 10 Imm. L.R.
(2d) 161; 105 N.R. 278 (C.A.); La Reine c. F.E. Cum-
mings Construction Co. Ltd., [1974] 2 C.F. 9 (1" inst.);
Davie Shipbuilding Limited c. La Reine, [1984] 1
C.F. 461; 4 D.L.R. (4th) 546; 53 N.R. 50 (C.A.).
AVOCATS:
Thomas R. Berger et Gary A. Nelson pour les
défendeurs.
David Akman pour la défenderesse.
Lewis F. Harvey pour la bande Ermineskin,
tierce partie.
Edward A. Molstad, c.r. pour la bande
Samson, tierce partie.
PROCUREURS:
Thomas R. Berger, Vancouver, pour les
demandeurs.
Le sous-procureur général du Canada pour la
défenderesse.
Davis & Company, Vancouver, pour la bande
Ermineskin, tierce partie.
Molstad Gilbert, Edmonton, pour la bande
Samson, tierce partie.
Ce qui suit est la version française des motifs
de l'ordonnance rendus par
LE JUGE STRAYER:
Réparation demandée
Quatre requêtes ont été entendues ensemble, le 9
janvier 1991, à savoir:
(1) une requête faite par Sa Majesté conformé-
ment à la Règle 1729 [Règles de la Cour fédé-
rale, C.R.C., chap. 663] pour obtenir des ins
tructions sur le jugement des questions
mentionnées dans l'avis à la tierce partie qu'elle
avait signifié au chef et aux conseillers des
bandes indiennes Samson et Ermineskin de son
intention de les poursuivre en leur propre nom et
au nom de leurs bandes respectives;
(2) une requête faite par Sa Majesté (en fait à
titre subsidiaire), en vue d'obtenir une ordon-
nance conformément à la Règle 1716(2)b), afin
d'ajouter le chef et les conseillers de ces bandes,
poursuivis en leur propre nom et au nom des
membres de leurs bandes respectives, à titre de
codéfendeurs dans la présente action;
(3) une requête faite au nom de la bande Ermi-
neskin en vue d'obtenir l'autorisation de déposer
une comparution conditionnelle et une ordon-
nance de radiation de l'avis à tierce partie à son
encontre, qui est mentionné ci-dessus; et
(4) une requête formulée par la bande Samson
en vue d'obtenir une ordonnance de radiation de
l'avis à la tierce partie à son encontre, qui est
mentionné ci-dessus.
La requête de la Couronne pour obtenir des ins
tructions sur le jugement des questions mention-
nées dans l'avis à la tierce partie n'a pas été
plaidée, les avocats des demandeurs et de la défen-
deresse ayant tous deux indiqué que cette question
devrait être traitée ultérieurement.
Le chef et les conseillers de chaque bande, en
demande ou en défense, en leur propre nom et au
nom des membres de la bande seront désignés
conjointement par la suite comme la bande Mon-
tana (ou «la demanderesse»), la bande Ermineskin
et la bande Samson (ou «les tierces parties»),
respectivement.
Faits
En bref, les faits essentiels allégués jusqu'à pré-
sent dans les plaidoiries sont les suivants. La
demanderesse, la bande Montana, prétend avoir
acquis un droit avant 1909 sur la réserve n° 139
située près de Hobbema (Alberta), réserve qui,
selon elle, était auparavant appelée «réserve Bob
tail» et dont la bande Bobtail était le propriétaire
bénéficiaire. La demanderesse allègue que la
bande Bobtail avait abandonné cette réserve avant
1909. Elle déclare qu'en 1909, la Couronne défen-
deresse avait, envers la bande Montana, une obli
gation fiduciaire en ce qui concerne la réserve n°
139 alors occupée par la bande Montana, de la
même nature que ce que la Couronne doit aux
autres bandes en ce qui concerne leurs réserves
reconnues. La bande demanderesse se plaint qu'en
1909, la Couronne défenderesse a cherché à obte-
nir une cession de la réserve n° 139 auprès des
derniers membres de la bande Bobtail et qui, à ce
moment-là, étaient devenus membres des bandes
Samson et Ermineskin situées sur les réserves
adjacentes. Elle déclare que cette cession était
nulle dès le départ et que la prise des terres
constituait une violation de l'obligation fiduciaire
et un abus de confiance par la Couronne, tout
comme l'ont été la vente subséquente ou toute
autre disposition de la terre et de son produit. La
demanderesse allègue, à l'encontre de la Couronne,
une violation de l'obligation fiduciaire qui consti-
tue une fraude d'équité, un abus de confiance
frauduleux et une violation des droits de la deman-
deresse en vertu de la loi. Elle cherche à obtenir
des déclarations qui seront discutées ultérieure-
ment, une ordonnance en vue de la comptabilisa-
tion du produit de la vente des terres, des domma-
ges et intérêts et une indemnisation.
La Couronne défenderesse a produit un avis à la
tierce partie destiné à la bande Samson et à la
bande Ermineskin conformément à la Règle 1726
[mod. par DORS/79-57, art. 26], et elle prétend
avoir le droit de recevoir une contribution ou une
indemnité ou de demander un redressement de la
part de ces bandes. La Couronne déclare dans son
avis que, si la demanderesse est capable d'établir
certaines allégations dans la déclaration, à savoir
qu'au moment de la cession, la bande Bobtail
n'avait aucun droit sur la réserve n° 139, alors la
Couronne défenderesse aurait droit à une contribu
tion, à une indemnité ou à un redressement, ceci
comprenant, entre autres, une déclaration selon
laquelle la Couronne détient le produit de la vente
des terres faite au profit de la demanderesse et non
pas au profit des bandes Samson et Ermineskin
auxquelles le produit devait être versé d'après les
conditions de la cession; une déclaration selon
laquelle elle détient une partie de la réserve de
Samson qui a été transférée de la réserve n° 139,
en fiducie pour la bande Montana et non pas pour
la bande Samson; une comptabilisation pour les
bandes Samson et Ermineskin en ce qui concerne
le produit qui leur a été payé à la suite de la vente
des terres en cause; des déclarations selon lesquel-
les ces deux bandes détiennent le produit en fiducie
pour la Couronne défenderesse et une ordonnance
selon laquelle les bandes doivent indemniser la
Couronne défenderesse pour tous les dommages et
lui verser une compensation correspondant à l'in-
demnisation dont la Couronne pourrait être rede-
vable envers la demanderesse. La défenderesse a
déposé en même temps que l'avis à la tierce partie
une défense qui a, par la suite, été signifiée en ce
qui concerne l'action principale. Il suffit de dire
que dans cette défense, la Couronne nie essentielle-
ment que la demanderesse ait eu aucun droit sur la
réserve en cause.
Conclusions
(1) Instructions sur l'avis à la tierce partie.
Comme il a été noté, les avocats de la demande-
resse et de la défenderesse ont tous les deux sug-
géré que cette question soit traitée ultérieurement,
et l'avocat de la défenderesse a suggéré que les
instructions pourraient être réglées par voie con-
ventionnelle. L'avocat des tierces parties n'a pris
aucune position sur la question. Pour des raisons
qui deviendront apparentes, j'ajourne cette requête
sine die en espérant qu'un accord puisse être
obtenu sur une série d'instructions en ce qui con-
cerne mes présents motifs.
(2) Ajout des bandes Samson et Ermineskin
à titre de défenderesses.
Je rejette cette requête. Je ne suis pas convaincu
que l'ajout des bandes Ermineskin et Samson à
titre de défenderesses soit, selon la formulation de
la Règle 1716(2)b), «nécessaire pour assurer qu'on
pourra valablement et complètement juger toutes
les questions ...» En outre, il ne me semble pas
que la Loi sur la Cour fédérale [L.R.C. (1985),
chap. F-7] comporte un article qui vise à donner à
cette Cour une compétence sur un litige entre
administrés dans un cas comme l'espèce, tout à fait
indépendamment de la question de savoir si une
demande serait fondée sur «une loi du Canada». En
outre, il ne me semble pas évident que la déclara-
tion, dans sa formulation actuelle, présente direc-
tement une demande dans laquelle les bandes
Samson et Ermineskin pourraient être des parties
pertinentes.
(3) et (4) Requêtes en radiation de l'avis de
tierce partie.
Les deux tierces parties contestent la compé-
tence de la présente Cour pour juger des demandes
formulées à leur encontre dans l'avis à la tierce
partie. Bien que la bande Ermineskin ait demandé
une autorisation de déposer une comparution con-
ditionnelle pour contester la compétence de la
Cour, ceci n'a pas été poursuivi et je ne le juge pas
nécessaire. Ceci constitue selon moi une contesta-
tion de la compétence ratione materiae de la Cour.
Une telle contestation peut être soulevée en tout
temps et, en fait, la Cour peut soulever cette
question elle-même. En outre, la Règle 1729(2)
fait expressément référence au pouvoir de la Cour
de radier un avis à la tierce partie lorsqu'une
demande d'instructions est faite en ce qui concerne
le jugement de questions mentionnées aux présen-
tes, et il me semble qu'une tierce partie a le loisir
de soulever la question de la compétence parmi les
autres objections à l'avis à la tierce partie à ce
moment-là.
Il est établi que le critère reconnu de la compé-
tence de la présente Cour a été formulé par le juge
McIntyre dans l'affaire ITO—International Ter
minal Operators Ltd. c. Miida Electronics Inc. et
autres' de la manière suivante:
1 [1986] 1 R.C.S. 752, à la p. 766.
1. Il doit y avoir attribution de compétence par une loi du
Parlement fédéral.
2. Il doit exister un ensemble de règles de droit fédérales qui
soit essentiel à la solution du litige et constitue le fondement de
l'attribution légale de compétence.
3. La loi invoquée dans l'affaire doit être «une loi du Canada»
au sens où l'expression est employée à l'article 101 de la Loi
constitutionnelle de 1867.
En ce qui concerne le premier critère, je suis
convaincu que la présente Cour a la compétence
prévue à l'alinéa 17(5)a) de la Loi sur la Cour
fédérale 2 qui dispose comme suit:
17....
(5) La Section de première instance a compétence concur-
rente, en première instance, dans les actions en réparation
intentées:
a) au civil par la Couronne ou le procureur général du
Canada...
Il s'agit là d'une description littéralement complète
des procédures envisagées par l'avis à la tierce
partie. J'estime qu'au moins une partie de ces
procédures serait aussi visée par le paragraphe
17(4) selon lequel:
17....
(4) La Section de première instance a compétence exclusive,
en première instance, dans les procédures visant à régler les
différends mettant en cause la Couronne à propos d'une obliga
tion réelle ou éventuelle pouvant faire l'objet de demandes
contradictoires.
La demanderesse demande aussi, entre autres, une
déclaration selon laquelle certains droits miniers
non aliénés sur la réserve en cause [TRADUCTION]
«sont détenus en fiducie pour les demanderesses».
Il me semble qu'il s'agit d'une demande qui entre
en conflit avec des demandes éventuelles des
bandes Ermineskin et Samson, puisque d'après le
document de cession du 12 juin 1909 (mentionné
par la demanderesse dans sa déclaration), le solde
de l'argent reçu de la vente de la réserve n° 139
(moins certaines distributions per capita à des
membres de différentes bandes) devait être versé
au crédit des bandes Samson et Ermineskin. Elle
réclame aussi une déclaration selon laquelle la
Couronne «détenait les terres en cause en vertu
d'une relation fiduciaire» au profit de la bande
demanderesse. Ceci est tout à fait incompatible
avec la position de la défenderesse au paragraphe
9b) de sa défense, à savoir que les «Indiens de la
région d'Hobbema», y compris plusieurs bandes
nommées dans sa défense [TRADUCTION] «ont été
2 L.R.C. (1985), chap. F-7.
et continuent d'être les seuls bénéficiaires de ladite
cession de 1909 et de l'aliénation et de la vente de
la réserve», une position qui reconnaît une
demande de la part des tierces parties sur le même
produit de la cession. En outre, la demanderesse
veut obtenir une déclaration selon laquelle la prise
de la cession, l'aliénation et la vente de la réserve
n° 139 constituaient une violation de l'obligation
fiduciaire qui lui était due. Il s'agit là d'une inco-
hérence évidente avec le document de cession qui
existe en faveur, entre autres, des bandes Samson
et Ermineskin et la responsabilité générale que la
Couronne déclare devoir aux «Indiens de la région
d'Hobbema». Une déclaration selon laquelle la
Couronne a une obligation fiduciaire envers la
bande demanderesse, en ce qui concerne la réserve
n° 139 ou le produit de sa vente, constitue en fait
une déclaration selon laquelle la Couronne n'avait
aucun droit fiduciaire envers les bandes Samson et
' Ermineskin à cet égard. Ceci donne sûrement lieu
à une «demande conflictuelle» quant au bénéfi-
ciaire d'une obligation fiduciaire. À mon sens, le
paragraphe 17(4) n'est pas limité à des cas où
deux parties ou plus ont formulé de façon indépen-
dante des demandes conflictuelles; il doit aussi
couvrir des cas où la Couronne prétend ne pas
avoir ou ne pas avoir eu, par le passé, d'obligation
envers les deux parties lorsque ces deux obligations
sont mutuellement exclusives.
La question la plus difficile est celle qui se pose,
à savoir si les exigences 2 et 3 formulées dans
l'affaire ITO sont remplies, c'est-à-dire y a-t-il un
ensemble de règles de droit fédéral essentiel à la
solution du litige et qui «constitue» le fondement de
l'attribution légale de compétence, et laquelle loi
est «une loi du Canada» au sens où l'expression est
employée à l'article 101 de la Loi constitutionnelle
de 1867 [30 & 31 Vict., chap. 3 (R.-U.) (mod. par
la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11
(R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de
1982, n° 1 [L.R.C. (1985), appendice II, n° 5]]?
Comme l'a admis le juge Wilson dans la décision
Roberts c. Canada 3 , ces deux éléments se chevau-
chent et peuvent être traités ensemble. Il me
semble qu'il y a à la fois du droit législatif fédéral
et de la common law fédérale qui est essentiel au
règlement de ces demandes de la Couronne à
3 [ 1989] 1 R.C.S. 322, aux p. 330 et 331.
l'encontre des bandes Samson et Ermineskin,
comme l'envisage l'avis à la tierce partie. Comme
l'a admis la Cour suprême dans l'affaire Roberts,
il existe une common law fédérale qui porte sur le
titre autochtone sous-jacent à la nature fiduciaire
des obligations de la Couronne envers les bandes
indiennes 4 . Comme dans les affaires déjà jugées, il
a été élaboré sur la nature de l'obligation fidu-
ciaire en ce qui concerne l'obligation que la Cou-
ronne doit à une bande indienne', je présume donc
que le recours que la Couronne pourrait avoir à
l'encontre de la bande qui a revendiqué à tort ou
de façon erronée être la bénéficiaire de cette rela
tion ou qui a, à tort, reçu des avantages de ce fait
lorsque ces avantages devaient en fait aller à quel-
qu'un d'autre, doit aussi être mis en oeuvre en tant
que partie de la common law fédérale sur le titre
autochtone. En ce qui concerne le droit législatif
fédéral qui régit ce cas, la Loi des sauvages qui
était en vigueur en 1909 6 constituerait un facteur
important pour déterminer si la Couronne et les
tierces parties ont agi légitimement en ce qui
concerne la cession de la réserve n° 139. Par
exemple, les articles 17 et 18 de cette Loi régis-
saient l'appartenance à des bandes, les transferts
de membres d'une bande à l'autre et le droit au
partage de l'actif d'une bande. Les articles 48
et 49 régissaient la procédure de cession des réser-
ves. Bien qu'il ait été soutenu par les tierces parties
que toute demande que la Couronne puisse avoir à
leur encontre est essentiellement une affaire de
propriété et de droits civils qui fait intervenir des
questions d'equity ou de délits, je ne crois pas qu'il
s'agisse là d'un point de vue déterminant. Comme
l'a déclaré le juge en chef Laskin dans l'affaire
Rhine c. La Reine; Prytula c. La Reine':
Est-il nécessaire d'ajouter qu'on ne peut invariablement attri-
buer les «contrats» ou les autres créations juridiques, comme les
délits et quasi-délits, au contrôle législatif provincial exclusif, ni
les considérer, de même que la common law, comme des
matières ressortissant exclusivement au droit provincial.
On peut en dire autant des demandes en equity.
D'après la jurisprudence, il est suffisant pour la
compétence de la Cour fédérale si les liens essen-
tiels sont créés en vertu du droit fédéral, liens à
' Ibid, à la p. 337.
5 Voir Guerin et autres c. La Reine et autre, [1984] 2 R.C.S.
335.
6 S.R.C. 1906, chap. 81.
[1980] 2 R.C.S. 442, à la p. 447.
partir desquels la demande présentée à cette Cour
est formulée 8 . Je conclus, par conséquent, que la
présente Cour a compétence pour connaître des
demandes envisagées dans les avis aux tierces
parties.
Les tierces parties soutiennent que l'avis à la
tierce partie ne révèle aucune cause raisonnable
d'action. Cela semblerait vouloir dire, entre autres,
que les défenderesses poursuivies maintenant, à
savoir les membres du conseil de bande de chaque
bande qui sont poursuivis au nom de tous les
membres de la bande, ne sont pas les mêmes
personnes que celles qui auraient pu engager leur
responsabilité en 1909 par tromperie ou fausse
déclaration. Le substitut du procureur général
était prêt à admettre, aux fins de la présente
requête, ce que l'avocat de la bande Ermineskin a
déclaré à cet égard, à savoir que seulement deux
des membres actuels de la bande Ermineskin
étaient vivants en 1909 et qu'ils étaient âgés res-
pectivement d'un an et de dix-huit mois à ce
moment-là. L'avocat de la bande a aussi soutenu et
il a souhaité pouvoir présenter une preuve par
affidavit sur ce point au besoin, que la bande ou la
Couronne n'avaient plus aucun des fonds tirés de
la vente de la réserve n° 139. Il a été soutenu que si
les fonds ne pouvaient plus être retrouvés par la
Couronne auprès des bandes Ermineskin ou
Samson, aucune décision ne pouvait être rendue
qui impose aux membres actuels de la bande une
obligation quelconque en ce qui concerne le pro-
duit de cette vente. En bref, l'avocat a soutenu que
les membres actuels de la bande ne pouvaient pas
succéder dans les dettes des membres défunts de la
bande et que l'actif actuel de la bande ne pouvait
pas être grevé, à la place de l'actif antérieur de la
bande qui aurait pu avoir certaines charges. J'es-
time qu'il s'agit là d'un genre de question qui ne
devrait pas être tranchée dans le cadre d'un avis de
radiation interlocutoire. Des questions fondamen-
tales sont soulevées en l'espèce et sur lesquelles
l'avocat ne peut pas citer de précédent de jurispru
dence ou de doctrine directement pertinent. Étant
donné que les bandes indiennes ne sont pas des
personnes morales qui ont une personnalité morale
perpétuelle, il peut très bien y avoir des doutes
quant à la continuité de leurs obligations. Par
8 Rhine c. La Reine; Prytula c. La Reine, ibid; Oag c.
Canada, [1987] 2 C.F. 511 (C.A.); Kigowa c. Canada, [1990]
1 C.F. 804 (C.A.).
ailleurs, toute la notion des droits autochtones
représente une dérogation substantielle au principe
de succession en common law. Les droits autochto-
nes découlent de l'utilisation des terrains «depuis
des temps immémoriaux». Comme les demandes
sur ces droits découlent d'une longue tradition, il
est axiomatique que les auteurs des demandes
actuelles fondent leurs demandes sur des droits
qu'avaient leurs ancêtres mais ne leur ont pas
transmis par des documents juridiques tradition-
nels. De même, les membres des bandes revendi-
quent des droits en vertu de traités signés il y a
plusieurs générations, sans qu'ils n'aient de droits à
une succession, comme ils seraient reconnus dans
d'autres domaines du droit. Il ne serait pas surpre-
nant de voir qu'il y a certaines obligations perma-
nentes, comme des droits permanents, qui décou-
lent des actes de leurs ancêtres. Si la bande s'était
injustement enrichie depuis plusieurs générations,
on pourrait soutenir que l'actif actuel de la bande
puisse, en quelque sorte, être exigible. Il s'agit là
de questions profondes que je ne juge pas appro-
prié de traiter ici. Il suffit de dire que l'inadmissi-
bilité de la demande de la Couronne à l'encontre
des tierces parties est loin d'être simple et évidente,
le critère habituel de radiation des demandes. Bien
que j'aie des doutes particuliers sur la viabilité des
demandes du point de vue de la responsabilité
délictuelle, s'il s'agit de ce que l'avis à la tierce
partie envisage, à l'encontre des membres actuels
de la bande du fait des activités de leurs ancêtres,
j'estime que toutes ces questions devraient être
laissées au juge de première instance pour qu'il les
règle après avoir entendu la preuve et un plaidoyer
complet.
Une autre plainte qui a été faite à l'encontre de
l'avis à tierce partie veut qu'il soit incompatible
avec la défense que la Couronne défenderesse a
déposée en même temps. La Règle invoquée ici se
trouve à l'alinéa 419(1)e) qui permet à la Cour de
radier quoi que ce soit dans une plaidoirie si
Règle 4l9. (1) ..
e) elle constitue une déviation d'une plaidoirie antérieure, ou
À supposer pour le moment qu'un document appa-
remment déposé le même jour que la défense
puisse être considéré comme une plaidoirie anté-
rieure, je suis prêt à traiter l'avis à la tierce partie
comme une «plaidoirie». La Règle 2 définit la
«plaidoirie» de la manière suivante:
Règle 2. (1)
«plaidoirie» ... tout acte par lequel une action devant la Divi
sion de première instance a été engagée ou par lequel une
demande dans une telle action a été définie ...
J'estime qu'un avis à la tierce partie définit une
demande même s'il ne s'agit pas d'une déclara-
tion 9 .
Il faut examiner plus avant la nature d'un avis à
la tierce partie et les droits des parties de recourir
à cette procédure. La production d'un avis à la
tierce partie, à la différence de la fonction des
codéfendeurs, n'est pas une démarche pour
laquelle un défendeur a besoin d'une autorisation
de la Cour. La Règle 1726(1) autorise le défen-
deur à déposer un avis à la tierce partie lorsqu'il:
Règle 1726. (1) ... prétend avoir droit de recevoir d'une
personne qui n'est pas partie à l'action une contribution ou
une indemnité, ou prétend avoir droit de demander un redres-
sement contre cette personne (ci-après appelée «la tierce
partie») ...
La seule contestation qui puisse être faite contre
l'exercice de ce choix par la défenderesse se fonde
sur le fait que ce qu'elle réclame n'est pas «une
contribution ou une indemnité, ou ... un redresse-
ment contre ...» la tierce partie. Les avocats des
tierces parties et de la demanderesse ont prétendu,
à des degrés divers, que l'avis à la tierce partie
était indu parce que le fondement des demandes
formulées par la Couronne à l'encontre des tierces
parties diffère de celui de sa défense à l'encontre
de l'action de la demanderesse, c'est-à-dire que
l'on a dit que dans la défense de la Couronne dans
l'action de la demanderesse, la principale préten-
tion est que la demanderesse n'a pas de droits sur
la réserve en cause. Cependant, dans les demandes
signalées par son avis à tierce partie, la Couronne
prétend que s'il devait être établi qu'elle a une
obligation envers la demanderesse, obligation qui a
été violée, elle aura alors différentes demandes à
l'encontre des tierces parties du fait qu'elles ont
trompé la Couronne et pris à tort des avantages au
moment de la cession de terres auxquelles les
tierces parties n'ont jamais eu droit.
Je ne pense pas qu'il doive y avoir une symétrie
parfaite entre la défense dans l'action principale et
la déclaration dans l'action en garantie. J'accepte
de façon respectueuse la justification de l'action en
garantie exprimée par le juge d'appel Laskin [tel
9 D'après La Reine c. F. E. Cummings Construction Co.
Ltd., [1974] 2 C.F. 9 (1" inst.), à la p. 15.
était alors son titre] dans l'affaire Allan v. Bush-
nell T.V. Co. Ltd.; Broadcast News Ltd., Third
Party 10 , qui a été citée avec approbation par la
Cour d'appel fédérale dans l'affaire Davie Ship
building Limited c. La Reine", et où il a déclaré:
[TRADUCTION] À mon avis, l'essentiel du recours à l'action
en garantie est que les faits sur lesquels s'appuie le demandeur
à l'encontre du défendeur devraient découler des relations entre
le défendeur et la tierce partie. [Soulignement omis.]
En l'espèce, la déclaration est remplie d'allégations
selon lesquelles, ni les bandes Samson ou Ermines-
kin, ni certains membres de ces bandes n'avaient
de droits sur la réserve n° 139 en 1909, la préten-
due cession faite par eux étant donc invalide.
L'invalidité de cette cession est fondamentale dans
la cause de la demanderesse. Pour que la deman-
deresse réfute les allégations dans la défense de la
Couronne selon laquelle la demanderesse n'a
aucun droit sur cette réserve, la demanderesse
devra, entre autres, établir que la bande Bobtail
avait abandonné ses droits sur la réserve. Si elle
réussit à établir ce fait, la Couronne défenderesse
pourra à première vue fonder son argument selon
lequel elle a donné le produit à la mauvaise partie.
Autrement dit, la demanderesse doit, entre autres,
démontrer que la Couronne défenderesse, en
acceptant la cession des membres des bandes
Samson et Ermineskin ne traitait pas avec les
bonnes parties. Par conséquent, les faits sur les-
quels la demanderesse s'appuie découlent en
partie, «des relations entre le défendeur et la tierce
partie», comme l'a dit le juge d'appel Laskin.
Il a été soutenu par l'avocat de la demanderesse
que les demandes décrites dans l'avis à la tierce
partie ne pouvaient pas découler du fait que la
Couronne défenderesse verrait sa responsabilité
engagée vis-à-vis de la demanderesse, en ce qui
concerne ses demandes. L'avocat a soutenu que la
demanderesse fondait sa demande sur l'existence
d'une fraude ou d'un préjudice intentionnel au
nom de la défenderesse tandis que, dit-on, la justi
fication des demandes décrites dans l'avis à la
tierce partie est que la défenderesse était la victime
innocente de déclarations erronées ou de la fraude
pratiquée par les tierces parties. L'avocat de la
demanderesse a soutenu que si la demanderesse ne
réussissait pas à établir un préjudice intentionnel
de la part de ceux qui agissaient au nom de la
10 [1968] 1 O.R. 720 (C.A.).
[1984] 1 C.F. 461 (C.A.), à la p. 466.
défenderesse, alors les demandes de celle-ci
échoueraient et la défenderesse ne serait pas res-
ponsable du paiement des sommes qu'elle pouvait
revendiquer auprès des tierces parties, c'est-à-dire
que si les mandataires de la défenderesse étaient
innocents et n'avaient pas commis un préjudice
intentionnel, la prémisse sur laquelle les demandes
en garantie sont fondées, la défenderesse ne pour-
rait se voir déclarer responsable envers la deman-
deresse, de sorte qu'elle ne devrait réclamer
aucune indemnité, contribution ou redressement à
l'encontre des tierces parties. Mais je ne puis dire
que la déclaration allègue exclusivement une mau-
vaise conduite intentionnelle de la part des manda-
taires de la défenderesse. Sans passer la déclara-
tion en revue dans le détail, je vois, par exemple,
une référence aux paragraphes 15, 16, 18, 19, 21,
24 et 25 à l'obligation fiduciaire que la Couronne
doit à la demanderesse et la violation de celle-ci.
Au paragraphe 25, il est dit que cette violation de
l'obligation fiduciaire constituait une «fraude
d'equity». Il me semble que, d'après la jurispru
dence, les allégations de violation de la relation
fiduciaire de la Couronne en ce qui concerne les
terres indiennes et les allégations de fraude
d'equity qui s'y rapportent ne sous-entendent pas
nécessairement une allégation de conduite fraudu-
leuse intentionnelle. Dans l'affaire Guerin, le juge
de première instance a conclu, de façon spécifique,
que:
Il n'y a pas eu, comme le soutiennent les demandeurs, fraude au
sens de vol, de malhonnêteté ou de turpitude morale de la part
d'Anfield, d'Arneil et d'autres. Mais le fait de ne pas revenir
devant la bande ou le conseil après le 6 octobre 1957 pour faire
avaliser les conditions proposées du bail a constitué, compte
tenu de tout ce qui s'était passé, une conduite a... fort peu
scrupuleuse de la part de l'une envers l'autre». Il y a eu
dissimulation équipollente à la fraude d'équité 12.
Ce point de vue a été maintenu par la Cour
suprême du Canada. Le juge en chef Dickson,
écrivant au nom de quatre membres de la Cour, a
convenu qu'il y avait eu une violation de la relation
fiduciaire et une fraude d'equity,
[m]ême si les fonctionnaires de la Direction n'ont pas agi de
façon malhonnête ou blâmable en cachant à la bande les
conditions du bail ... 13
' 2 Guerin c. R., [1982] 2 C.F. 385 (l« inst.), à la p. 425.
' Précitée, note 5, à la p. 390; voir aussi le point de vue du
juge Wilson au même effet, exprimé par écrit au nom de trois
juges, à la p. 356.
En outre, au paragraphe 26, la demanderesse allè-
gue que les mandataires ou préposés de la
Couronne
[TRADUCTION] savaient ou auraient dû savoir que les person-
nes dont la cession avait été obtenue n'avaient pas de droit
légitime sur les terres en cause et que la bande indienne
Montana avait un droit sur celles-ci, [et par conséquent] ont
obtenu la cession par tromperie. [C'est moi qui souligne.]
Il s'agit d'une allégation de tromperie fondée en
partie sur la négligence. Il est aussi allégué au
paragraphe 28 que la Couronne a [TRADUCTION]
«violé les droits de la bande indienne Montana
d'après la loi», cette allégation comprenant appa-
remment une atteinte intentionnelle, négligente ou
innocente aux droits prévus par la loi des
demanderesses.
Des allégations de cette nature, il me semble, ne
sont pas exclusivement des allégations de mauvaise
conduite intentionnelle pour les motifs que j'ai
exposés. Si les prétentions de la demanderesse sont
valables en droit et en fait, elle pourrait triompher
dans certaines de ses demandes en prouvant tout
simplement la négligence de la part des mandatai-
res de la Couronne, ou dans d'autres demandes,
simplement en prouvant un paternalisme innocent
du type qui a été établi dans l'affaire Guerin. Il se
pourrait que la Couronne soit, par conséquent,
jugée responsable au regard des faits ayant donné
naissance à certaines demandes légitimes, comme
les décrit l'avis à la tierce partie, à l'encontre des
tierces parties qui, selon les allégations, ont déclaré
à tort qu'elles avaient des droits sur la réserve n°
139. Il est concevable, par exemple, que les faits
pourraient démontrer que les mandataires de la
Couronne ont été induits en erreur dans des cir-
constances où, peut-être, ils auraient dû vérifier
plus soigneusement l'identité de ceux qui avaient
des droits sur la réserve n° 139 mais, dans ces
circonstances, la Couronne pourrait avoir une
action en garantie en ce qui concerne les déclara-
tions trompeuses faites par ceux qui étaient char-
gés des affaires des bandes Samson et Ermineskin
à ce moment-là.
Il me semble que les plaidoiries de la Couronne
défenderesse n'excluent pas cette possibilité. Dans
l'alinéa 6n)(i) de la défense, la défenderesse allè-
gue que:
[TRADUCTION] 6n)(i) Après avoir compris leurs erreurs,
[c'est-à-dire en ce qui concerne les propriétaires bénéficiaires
de la réserve n° 139] le 12 juin 1909, les fonctionnaires du MAI
ont obtenu la cession de toute la réserve d'un groupe d'Indiens
dont ils pensaient qu'ils étaient ou qui étaient réputés des
Indiens Bobtail. [C'est moi qui souligne.]
De la même façon, à l'alinéa 8a) de l'avis à la
tierce partie, une demande est faite contre les
bandes Samson et Ermineskin selon laquelle elles
[TRADUCTION] «ont fait croire de façon illicite à la
Couronne» que certains membres de ces bandes
étaient des membres de la bande Bobtail [TRA-
DUCTION] «alors qu'ils savaient ou auraient dû
savoir que cela était faux» et ont incité ou aidé ces
membres à signer la cession, ce qui a fait que la
Couronne a agi en vertu des actes de cession et a,
par conséquent, obtenu les terres, les fonds et
autres droits et avantages au nom des tierces
parties.
La complexité de ces différentes demandes et les
relations qu'il y a entre elles montrent très bien
pourquoi un juge ne pourrait pas radier un avis à
la tierce partie, sur une requête interlocutoire. Il
est loin d'être simple et évident que l'avis à la
tierce partie ne renferme aucune demande pouvant
fonder une demande de contribution, indemnité ou
redressement à l'encontre de tierces parties, si la
demanderesse devait triompher dans certaines ou
dans l'ensemble de ses demandes.
En ce qui concerne les principes plus généraux,
il me semble qu'il s'agit d'un cas approprié pour
une action en garantie parce que les faits relatifs
aux demandes, à la fois dans la déclaration et dans
l'avis à la tierce partie, sont identiques ou étroite-
ment liés et devraient, à mon avis, être jugés
ensemble si possible. En outre, il est éminemment
souhaitable que les tierces parties soient liées par
les conclusions de la Cour dans l'action de la
demanderesse et qu'il n'y ait pas une multiplicité
d'instances qui portent, d'une manière ou d'une
autre, sur les circonstances et la validité de la
cession du 12 juin 1909.
La bande Ermineskin a aussi soutenu que l'avis
à la tierce partie est scandaleux, frivole ou vexa-
toire ou constitue autrement un emploi abusif des
procédures de la Cour. Ce point n'a pas été plaidé
de façon spécifique, et je ne pense pas non plus
qu'il soit fondé, en quoi que ce soit, en ce qui
concerne ce que j'ai dit plus haut.
Je rejetterais, par conséquent, les requêtes de
radiation de l'avis à la tierce partie.
Dépens
Les dépens des présentes demandes devraient
suivre l'issue de la cause.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.