A-7-89
Sa Majesté la Reine (appelante)
c.
Glenn Williams (intimé)
RÉPERTORIÉ: WILLIAMS C. CANADA (C.A.)
Cour d'appel, juges Pratte, Heald et Stone,
J.C.A.—Ottawa, 15 mai et 13 juin 1990.
Impôt sur le revenu — Exemptions — Le juge de première
instance a statué que les prestations régulières d'assurance-
chômage étaient exonérées en vertu de l'art. 876) (biens per-
sonnels d'un Indien situés sur une réserve) de la Loi sur les
Indiens — Il a commis une erreur en appliquant un critère
«fondé sur des facteurs de rattachement» au lieu du critère de
la résidence du débiteur — Il a statué avec raison que les
prestations majorées versées en vertu d'un accord en vue de la
création d'emplois conclu entre la bande et la C.E.I.C. étaient
exonérées en vertu de l'art. 90(1)b) de la Loi sur les Indiens.
Peuples autochtones — Taxation — Les prestations régu-
lières d'assurance-chômage ne sont pas exonérées de l'impôt
sur le revenu en vertu de l'art. 87b) de la Loi sur les Indiens —
Application du critère de la résidence du débiteur pour déter-
miner le situs des prestations — Comme la C.E.I.C. n'avait
pas de bureau sur la réserve ni aucune autre résidence à cet
endroit, les prestations n'étaient pas situées sur la réserve —
Les prestations majorées versées en vertu d'un accord en vue de
la création d'emplois conclu entre la bande et la C.E.I.C. sont
exonérées en vertu de l'art. 90(1)b).
Assurance-chômage — L'art. 56(1)a)(iv) de la Loi de l'im-
pôt sur le revenu exige que les prestations d'assurance-chô-
mage soient incluses dans le revenu — Les prestations réguliè-
res versées à un Indien sur une réserve ne sont pas exonérées en
vertu de l'art. 87b) de la Loi sur les Indiens car ce ne sont pas
des prestations «situées sur une réserve» — Le critère de la
résidence du débiteur a été appliqué — Les prestations majo-
rées versées en vertu d'un accord en vue de la création d'em-
plois conclu entre la bande et la C.E.I.C. sont exonérées en
vertu de l'art. 90(1)b).
Interprétation des lois — L'art. 90(1)b) de la Loi sur les
Indiens prévoit que les biens personnels «donnés» aux Indiens
en vertu d'un «traité ou accord» sont tenus pour situés sur la
réserve — Les prestations majorées d'assurance-chômage
«payées» en vertu d'un accord en vue de la création d'emplois
conclu entre la bande et la C.E.I.C. sont considérées comme
étant «données» — Les critères applicables à l'interprétation
des autres lois ne doivent pas s'appliquer à une loi relative aux
Indiens si elle peut raisonnablement s'interpréter comme con-
férant une exonération d'impôt — S'il y a ambiguïté, celle-ci
doit profiter aux Indiens.
Créanciers et débiteurs — Situs d'une simple dette — Le
juge de première instance a commis une erreur en appliquant
le critère «fondé sur des facteurs de rattachement» pour
conclure que les prestations régulières d'assurance-chômage
payées à un Indien sur une réserve sont «situées sur la réserve»
au sens de l'art. 87b) de la Loi sur les Indiens — Le critère de
la résidence du débiteur est le critère indiqué.
Il s'agissait d'un appel formé contre une décision par laquelle
le juge Cullen a statué que les prestations régulières d'assu-
rance-chômage reçues par l'intimé, un Indien vivant sur une
réserve, étaient exonérées de l'impôt sur le revenu en vertu de
l'alinéa 87b) de la Loi sur les Indiens. Pour déterminer que les
prestations étaient «situées sur une réserve», le juge de première
instance a appliqué un critère «fondé sur des facteurs de
rattachement>, c'est-à-dire qu'il a tenu compte de l'endroit où
les prestations devaient être payées ou étaient reçues, de l'en-
droit où les services étaient rendus et de la résidence du
prestataire afin de déterminer le situs des prestations, au lieu
de prendre en considération uniquement la résidence du débi-
teur. Le juge a également statué que les prestations majorées,
payées conformément à un projet créateur d'emplois, découlant
d'un accord conclu par écrit entre la bande et la Commission de
l'emploi et l'immigration du Canada, étaient exonérées en vertu
de l'alinéa 90(1)b), qui prévoit que les biens personnels donnés
aux Indiens en vertu d'un traité ou d'un accord entre une bande
et Sa Majesté doivent toujours être tenus pour situés sur une
réserve. La Commission n'avait pas de bureau sur la réserve ni
aucune autre résidence à cet endroit. Les chèques étaient
expédiés de Vancouver. La question était de savoir si le juge de
première instance avait commis une erreur en appliquant un
critère «fondé sur des facteurs de rattachement, et en détermi-
nant que les prestations majorées étaient «données» en vertu
d'un «accord» entre une bande et Sa Majesté.
Arrêt: l'appel devrait être accueilli en partie.
Les prestations régulières ne sont pas exonérées, car elles
n'étaient pas «situées sur une réserve». Les décisions sur lesquel-
les s'est appuyé le juge Cullen n'avaient pas étendu le critère
servant à établir le situs d'une simple dette. C'est le même
passage tiré de l'ouvrage de Cheshire intitulé Private Interna
tional Law qui a été cité dans les deux affaires. Ce passage
mentionne que, si le débiteur réside dans deux pays ou plus, la
dette est située là où une disposition expresse ou implicite du
contrat exige qu'elle soit payée, mais si le débiteur réside dans
un seul pays, la dette est située à cet endroit. Interprétée dans
ce contexte, l'expression «en l'absence de toute disposition
contraire dans le contrat ou dans tout autre document' figurant
dans la décision rendue par le juge en chef adjoint Thurlow
dans l'affaire National Indian Brotherhood ne représente pas
une dérogation à la règle selon laquelle c'est la résidence du
débiteur qui détermine le situs d'une simple dette contractuelle.
Ce que l'on voulait, c'était que d'autres facteurs puissent être
pris en considération pour déterminer le situs d'une dette
lorsque le débiteur a sa résidence dans plus d'un pays ou dans
un endroit où les règles de pratique permettent l'exécution
d'une dette même si le débiteur ne réside peut-être plus dans le
ressort du tribunal. La règle selon laquelle le tribunal peut tenir
compte de l'endroit où la dette doit être payée ne pourrait pas
être appliquée à moins d'établir que la Commission avait une
résidence ailleurs au Canada et sur la réserve.
Les prestations majorées étaient toutefois exonérées. Elles
ont été versées à l'intimé en raison de l'accord conclu entre la
bande et la Couronne. L'accord était essentiel à l'application de
l'article 38 de la Loi sur l'assurance-chômage. Ces prestations
constituaient des biens «donnés» à un Indien au sens de l'alinéa
90(1)b) de la Loi sur les Indiens et n'avaient pas été payées en
vertu d'une loi du Parlement. Admettre l'argument selon lequel
il ne peut être question que d'un accord qui vise les Indiens ou
les bandes indiennes étant donné que le mot «traité» figure
immédiatement avant le mot «accord» à l'alinéa 90(1)b), ce
serait ne pas tenir compte de la règle selon laquelle les critères
applicables à l'interprétation des autres lois ne doivent pas
s'appliquer à l'interprétation d'une loi visant les Indiens si le
texte d'une telle loi peut raisonnablement s'interpréter comme
conférant une exonération d'impôt. L'accord a été conclu en
vue de promouvoir une politique nationale, mais il n'en demeu-
rait pas moins un «accord» dans un sens large. I1 y a à tout le
moins une ambiguïté, et celle-ci devrait profiter aux Indiens.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi de l'impôt sur le revenu. S.R.C. 1952, chap. 148, art.
56(1)a) (mod. par S.C. 1970-71-72, chap. 63, art. 1;
1980-81-82-83, chap. 140, art. 26), 81(1)a) (mod. par
S.C. 1980-81-82-83, chap. 140, art. 46).
Loi de 1971 sur l'assurance-chômage, S.C. 1970-71-72,
chap. 48, art. 38 (mod. par S.C. 1976-77, chap. 54, art.
41).
Loi régissant l'emploi et l'immigration, S.C. 1976-77,
chap. 54, art. 10, 11.
Loi sur l'assurance-chômage, L.R.C. (1985), chap. U-1,
art. 117(2).
Loi sur les Indiens, S.R.C. 1970, chap. 1-6, art. 87b)
(mod. par S.C. 1980-81-82-83, chap. 47, art. 25),
90(1)b).
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
R. c. National Indian Brotherhood, [1979] 1 C.F. 103
(1" inst.); Nowegijick c. La Reine, [1983] 1 R.C.S. 29;
(1983), 144 D.L.R. (3d) 193; [1983] 2 C.N.L.R. 89;
[1983] CTC 20; 83 DTC 5041; 46 N.R. 41.
DÉCISION INFIRMÉE:
Williams c. Canada, [1989] 2 C.F. 318; (1988), 24
C.C.E.L. 119; [1989] 1 C.N.L.R. 184; [1989] 1 C.T.C.
117; 89 DTC 5032; 24 F.T.R. 169 (1" inst.).
DÉCISIONS CITÉES:
R. c. Sparrow, [1990] 1 R.C.S. 1075; Commissioner of
Stamps v. Hope, [1891] A.C. 476 (P.C.); New York Life
Insurance Co. v. Public Trustee, [1924] 2 Ch. 101
(C.A.); Kwok v. Comr. of Estate Duty, [1988] 1 W.L.R.
1035 (P.C.); English, Scottish and Australian Bank, Ld.
v. Commissioners of Inland Revenue, [1932] A.C. 238
(H.L.); Alloway v Phillips (Inspector of Taxes), [1980] 3
All ER 138 (C.A.); Re Banque des Marchands de
Moscou (Koupetschesky), [1954] 2 All E.R. 746 (Ch.D.);
Bank of Nova Scotia v. Blood, appel #10275, jugement
en date du 7 juillet 1989, C.A. Alb., encore inédit; Bande
indienne de Saugeen c. Canada, [1990] 1 C.F. 403;
(1989), 104 N.R. 201 (C.A.); Metlakatla Ferry Service
Ltd. v. The Queen in Right of British Columbia (1987), •
34 D.L.R. (4th) 322; 12 B.C.L.R. (2d) 308; [1987] 2
C.N.L.R. 95 (C.A.C.-B.); Mitchell v. Sandy Bay Indian
Band, [1983] 5 W.W.R. 117; (1983), 22 Man. R. (2d)
286; [1983] 4 C.N.L.R. 50 (B.R. Man.).
DOCTR I N E
Castel, J.-G. Conflict of Laws: cases, notes and mate
rials, 2c éd., Toronto, Butterworths, 1968.
Cheshire, Geoffrey Chevalier Private International Law,
7' éd. London: Butterworths, 1965.
Cheshire et North Private International Law, 10e éd. par
P.M. North, London: Butterworths, 1979.
AVOCATS:
Ian MacGregor, c.r. et Sandra E. Phillips
pour l'appelante.
Gary S. Snarch et Tara Wintjes pour l'intimé.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour
l'appelante.
Snarch & Allen, Vancouver, pour l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE STONE, J.C.A.: Il s'agit d'un appel
formé contre un jugement par lequel la Section de
première instance a, le 15 décembre 1988',
accueilli avec dépens l'appel interjeté par l'intimé
d'une cotisation d'impôt sur le revenu. La question
dont était saisi le juge de première instance était
de savoir si le ministre du Revenu national avait eu
raison d'inclure dans le calcul du revenu de l'in-
timé les montants des prestations régulières et des
prestations majorées d'assurance-chômage qu'il
avait reçues durant l'année d'imposition 1984, en
conformité avec l'alinéa 56(1)a) de la Loi de
l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, chap. 148 et
ses modifications [S.C. 1970-71-72, chap. 63, art.
I; 1980-81-82-83, chap. 140, art. 261 2 . Pour
accueillir l'appel, le juge de première instance a
conclu que ces montants étaient exonérés de l'im-
pôt sur le revenu en vertu des dispositions de
Williams c. Canada, [1989] 2 C.F. 318 (I« inst.).
2 56. (1) Sans restreindre la portée générale de l'article 3,
sont à inclure dans le calcul du revenu d'un contribuable pour
une année d'imposition
a) toute somme reçue par le contribuable dans l'année au
titre, ou en paiement intégral ou partiel,
(iv) d'une prestation versée en vertu de la Loi de 1971 sur
l'assurance-chômage,
l'alinéa 81(1)a) [mod., idem, art. 46] de la Loi' et
des alinéas 87b) [mod. par S.C. 1980-81-82-83,
chap. 47, art. 25] et 90(1)b) de la Loi sur les
Indiens, S.R.C. 1970, chap. I-6 4 .
' 81. (1) Ne sont pas inclus dans le calcul du revenu d'un
contribuable pour une année d'imposition:
a) une somme exonérée de l'impôt sur le revenu par toute
autre loi du Parlement du Canada, autre qu'un montant reçu
ou à recevoir par un particulier qui est exonéré en vertu d'une
disposition d'une convention ou d'un accord fiscal conclu
avec un autre pays et qui a force de loi au Canada;
'Ces articles sont ainsi libellés:
87. Nonobstant toute autre loi du Parlement du Canada
ou toute loi de la législature d'une province, mais sous réserve
et de l'article 83, les biens suivants sont exemptés de taxation
à savoir:
a) l'intérêt d'un Indien ou d'une bande dans une réserve
ou des terres cédées; et
b) les biens personnels d'un Indien ou d'une bande situés
sur une réserve;
et nul Indien ou bande n'est assujetti à une taxation concer-
nant la propriété, l'occupation, la possession ou l'usage d'un
bien mentionné aux alinéas a) ou b) ni autrement soumis à
une taxation quant à l'un de ces biens. Aucun droit de
mutation par décès, taxe d'héritage ou droit de succession
n'est exigible à la mort d'un Indien en ce qui concerne un
bien de cette nature ou la succession audit bien, si ce dernier
est transmis à un Indien, et il ne sera tenu compte d'aucur
bien de cette nature en déterminant le droit payable, en vertu
de la Loi fédérale sur les droits successoraux, chapitre 89
des Statuts révisés du Canada de 1952, ou l'impôt payable en
vertu de la Loi de l'impôt sur les biens transmis par décès,
sur d'autres biens transmis à un Indien ou à l'égard de ces
autres biens.
90. (1) Pour l'application des articles 87 et 89, les biens
personnels qui ont été
a) achetés par Sa Majesté avec les deniers des Indiens ou
des fonds votés par le Parlement à l'usage et au profit
d'Indiens ou de bandes, ou
b) donnés aux Indiens ou à une bande en vertu d'un traité
ou accord entre une bande et Sa Majesté,
sont toujours tenus pour situés sur une réserve.
(2) Toute opération tendant à transporter le titre à un
bien considéré, selon le présent article, comme situé sur une
réserve, ou tout intérêt dans un semblable bien, est nulle à
moins qu'elle n'ait lieu avec le consentement du Ministre ou
ne soit conclue entre des membres d'une bande ou entre une
bande et l'un de ses membres.
(3) Quiconque conclut une opération déclarée nulle par le
paragraphe (2) est coupable d'une infraction; est aussi cou-
pable d'une infraction quiconque détruit, sans le consente-
ment écrit du Ministre, un bien personnel considéré, selon le
présent article, comme situé sur une réserve.
LES FAITS
Les faits pertinents sont exposés intégralement
par le juge de première instance. Je ne ferai que les
résumer. L'intimé est un Indien au sens de la Loi
sur les Indiens. En 1984, alors qu'il était membre
de la bande indienne de Penticton (la «bande») qui
réside sur la réserve indienne n° 1 de Penticton (la
«réserve»), il a reçu les prestations suivantes
d'assurance-chômage:
a) des prestations régulières d'assurance-chô-
mage au montant de 225 $ par semaine pendant
une période de 13 semaines à partir du 1"
janvier, pour un total de 2 925 $. L'intimé était
admissible à ces prestations pour avoir travaillé
pour Greenwood Forest Products Ltd., une com-
pagnie située sur la réserve, pendant les années
1982 et 1983;
b) des prestations régulières d'assurance-chô-
mage au montant de 158 $ par semaine pendant
2 semaines à partir du 17 juin 1984, pour un
total de 316 $. L'intimé était admissible à ces
prestations pour avoir travaillé dans le cadre
d'un «projet RELAIS» sur la réserve pendant la
période allant du 23 mars au 1" juin 1984;
c) des prestations majorées d'assurance-chô-
mage au montant de 157 $ par semaine pendant
25 semaines à partir du 2 juillet, ladite somme
étant en sus des prestations régulières de 158 $
par semaine reçues durant la même période. Ces
prestations ont été reçues en vertu d'un projet
créateur d'emplois administré sur la réserve par
la bande conformément aux dispositions de
l'article 38 de la Loi de 1971 sur l'assurance-
chômage, S.C. 1970-71-72, chap. 48 et ses
modifications [S.C. 1976-77, chap. 54, art. 411 5 .
En tant que prestataire d'assurance-chômage,
l'intimé était admissible à un emploi dans un
projet créateur d'emplois.
538. (1) Aux fins du présent article, un projet créateur
d'emplois désigne un projet approuvé par la Commission dans
le cadre d'un programme destiné principalement à créer des
emplois et mis en ouvre par le gouvernement du Canada en
vertu d'une loi du Parlement.
(2) Le prestataire embauché dans un projet créateur d'em-
plois peut, à la discrétion de la Commission et de la manière
prescrite, sous réserve du paragraphe (10), recevoir les presta-
tions autrement prévues à la présente Partie.
(3) Aux fins de la présente Partie, toute semaine au cours de
laquelle un prestataire occupe un poste dans un projet créateur
d'emplois et reçoit des prestations en vertu du paragraphe (2),
est considérée comme une semaine de chômage et, aux fins de
la présente Partie, de la Partie IV, de la Loi de l'impôt sur le
revenu et du Régime de pensions du Canada, les prestations
reçues par un prestataire ne sont pas considérées comme rému-
nératinn nrnvena nt rl'un ernnlni
Les circonstances entourant la réception des
prestations majorées exigent une explication sup-
plémentaire. Dans une entente écrite intervenue le
28 mars 1984 entre la bande et la Commission de
l'emploi et de l'immigration du Canada, il a été
convenu de réaliser sur la réserve un projet créa-
teur d'emplois, au sens de l'article 38 de la Loi de
1971 sur l'assurance-chômage. Le projet devait
fonctionner du 30 mars au 21 décembre 1984. La
Commission n'avait pas de bureau sur la réserve et
n'y résidait d'aucune autre manière. Selon le dos
sier, les chèques représentant toutes les prestations
ont été expédiés du Centre d'informatique régional
de la Commission à Vancouver.
LES QUESTIONS EN LITIGE
L'appelante soutient que le juge de première
instance a commis deux erreurs, à savoir première-
ment en appliquant un critère «fondé sur des fac-
teurs de rattachement» pour déterminer si les pres-
tations régulières d'assurance-chômage
constituaient «un bien situé sur une réserve» au
sens de l'alinéa 87b) de la Loi sur les Indiens et
deuxièmement pour déterminer que les prestations
majorées d'assurance-chômage avaient été, données
«en vertu)) d'un «accord» entre une bande et Sa
Majesté au sens de l'alinéa 90(1)b) de cette Loi.
L'ANALYSE
Ces questions doivent être traitées séparément et
je les aborderai à tour de rôle.
Les prestations régulières d'assurance-chômage
sont-elles exonérées de l'impôt sur le revenu en
vertu de l'alinéa 87b) de la Loi sur les Indiens?
Le juge de première instance était d'avis que les
prestations régulières d'assurance-chômage étaient
exonérées d'impôt parce qu'elles étaient visées par
les mots «biens personnels ... situés sur une réser-
ve» 6 figurant à l'alinéa 87b) de la Loi sur les
Indiens. Pour en arriver à cette conclusion, il
semble avoir été beaucoup influencé par certaines
opinions exprimées par le juge en chef adjoint
Thurlow (tel était son titre à l'époque) dans l'af-
6 11 n'y a pas de doute que les prestations reçues, tant
régulières que majorées, dont des «biens personnel» au sens de
l'alinéa 87b) (voir Nowegijick c. La Reine, [1983] 1 R.C.S. 29,
à la p. 38).
faire R. c. National Indian Brotherhood, [1979] 1
C.F. 103 (i re inst.), dans laquelle la question était
de savoir si les traitements payables à des travail-
leurs indiens par la société intimée, qui avait sa
résidence à Ottawa, au moyen de chèques tirés sur
une banque d'Ottawa constituaient des «biens ...
situés sur une réserve» au sens de l'alinéa 87b). À
la page 109, le juge en chef adjoint a déclaré:
Un droit incorporel, comme le droit à un traitement, n'a
véritablement pas de situs. Mais lorsque, pour une fin détermi-
née, la loi a jugé nécessaire de lui en attribuer un, et en
l'absence de toute disposition contraire dans le contrat ou dans
tout autre document, les tribunaux ont établi que le situs d'une
simple dette contractuelle est la résidence du débiteur ou le lieu
où il se trouve. Voir Cheshire, Private International Law, 7e
édition, pages 420 et suivantes.
Bien que ce point n'ait pas été débattu dans l'arrêt
Nowegijick c. La Reine, [1983] 1 R.C.S. 29, le
juge Dickson (tel était son titre à l'époque) était
d'accord avec les opinions du juge en chef adjoint
dans le passage suivant, à la page 34:
Un point aurait pu soulever un débat. Le fait que les services
ont été rendus à l'extérieur d'une réserve était-il pertinent
relativement au situs? Sa Majesté a reconnu au cours des
plaidoiries, avec raison selon moi, que le situs du salaire de M.
Nowegijick était la réserve parce que c'est là où la débitrice,
Gull Bay Development Corporation, avait sa résidence ou son
lieu d'affaires et parce que c'est là que le salaire devait être
payé. Voir Cheshire et North, Private International Law (10e
éd., 1979), aux pp. 536 et suiv. et aussi le jugement du juge en
chef adjoint Thurlow dans l'affaire R. c. National Indian
Brotherhood, [1979] 1 C.F. 103, particulièrement aux pp. 109
et suivantes.
Dans cette affaire-là, la question était de savoir si
les salaires qui devaient être payés à un Indien
résidant sur une réserve par une compagnie qui y
avait également sa résidence pour un travail effec-
tué en dehors de la réserve constituaient des «biens
... situés sur une réserve» au sens de l'alinéa 87b)
de la Loi sur les Indiens.
Le juge de première instance s'est aussi guidé
sur la solution retenue par le juge Dickson dans
l'arrêt Nowegijick en ce qui concerne l'interpréta-
tion des traités et des lois visant les Indiens. Il a
dit, à la page 36:
Selon un principe bien établi, pour être valide, toute exemp
tion d'impôts doit être clairement exprimée. Il me semble
toutefois que les traités et les lois visant les Indiens doivent
recevoir une interprétation libérale et que toute ambiguïté doit
profiter aux Indiens. Si la loi contient des dispositions qui,
suivant une interprétation raisonnable, peuvent conférer une
exemption d'impôts, il faut, selon moi, préférer cette interpréta-
tion à une interprétation plus stricte qui pourrait être utilisée
pour refuser l'exemption'.
Le juge de première instance a pu conclure que,
pour déterminer le situs des prestations régulières
d'assurance-chômage, il ne fallait pas se reporter
exclusivement à la résidence du débiteur' mais
tenir compte plutôt d'un certain nombre de «fac-
teurs de rattachement», à savoir (a) l'endroit où les
prestations devaient être payées ou étaient reçues,
(b) l'endroit où les services étaient rendus et (c) la
résidence du prestataire. Pour aborder ainsi la
question, il s'est fondé sur l'affaire National
Indian Brotherhood dans laquelle le juge en chef
adjoint Thurlow a déclaré [à la page 109] que le
critère de la résidence du débiteur devait s'appli-
quer «en l'absence de toute disposition contraire
dans le contrat ou dans tout autre document» et
sur l'arrêt Nowegijick dans lequel le juge Dickson
a mentionné [à la page 34] que le situs de certains
salaires se trouvait sur la réserve parce que le
débiteur y résidait et que «c'était là que le salaire
devait être payé».
L'intimé fait valoir que, de toute façon, le cri-
tère de la résidence du débiteur ne doit pas s'appli-
quer parce que c'est essentiellement une règle de
conflit de lois qui ne permet pas bien de détermi-
ner si les prestations en question sont «des biens ...
situés sur une réserve» au sens de l'alinéa 87b) de
la Loi sur les Indiens.
Je vais commencer l'examen de ces questions
par la règle d'interprétation énoncée par la Cour
suprême du Canada dans l'arrêt Nowegijick et
également en me reportant aux observations faites
par le juge Dickson, à la page 36, selon lesquelles
les Indiens, dans les affaires qui ne sont régies ni
par des traités ni par la Loi sur les Indiens, «ont les
mêmes responsabilités, dont le paiement d'impôt,
que les autres citoyens canadiens» et, à la page 41,
selon lesquelles dans l'exemption prévue à l'alinéa
7 Voir également R. c. Sparrow, [1990] 1 R.C.S. 1075, aux
pp. 1106-1109.
" Il semble évident que Sa Majesté, qui est représentée par la
Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada, n'avait
pas sa résidence sur la réserve. Selon le paragraphe 117(2) de
la Loi sur l'assurance-chômage [L.R.C. (1985), chap. U-1],
tous les montants versés à titre de prestations doivent l'être «par
mandats spéciaux tirés sur le receveur général, délivrés par la
Commission». La Commission est dotée de la personnalité
morale et est, à toutes fins, mandataire de Sa Majesté du chef
du Canada et a son siège dans la région de la Capitale nationale
(Loi régissant l'emploi et l'immigration, S.C. 1976-77, chap.
54, art. 10 et 11). Elle n'avait aucun bureau sur la réserve.
87b) il ne s'agit que «des biens personnels situés
sur une réserve et seulement de ces biens».
Il n'a pas été allégué que, du simple fait que les
biens concernés en l'espèce prenaient la forme de
prestations d'assurance-chômage plutôt que de
salaires, la règle pour déterminer le situs devrait
être différente. Cette règle est étudiée dans les
éditions de Cheshire [Private International Law]
et de Cheshire et North [Private International
Law] citées par le juge en chef adjoint Thurlow
dans l'affaire National Indian Brotherhood et par
le juge Dickson dans l'arrêt Nowegijick respective-
ment. À la page 538 de la 10e édition, les auteurs
écrivent:
[TRADUCTION] Bien que le lieu de résidence soit choisi parce
que c'est là où le recouvrement peut se faire au moyen d'une
action, il a été suggéré que la dette est située dans le pays où
elle doit être payée même si celui-ci ne représente pas la
résidence du débiteur. Les tribunaux n'ont toutefois pas adopté
cette opinion. Ils ont insisté sur le fait que la résidence du
débiteur constitue «un élément essentiel pour déterminer le
situs de la dette» Deutsche Bank und Gesellschaft v. Banque
des Marchands de Moscou (non publié), C.A. 1930, cité dans
Re Claim by Helbert Wagg & Co. Ltd., [1959] Ch. 323, à la p.
343; [1956] 1 All E.R. 129, à la p. 136.). Si le débiteur réside
dans deux pays ou plus, alors en effet la dette est située dans
celui où
«elle doit être payée selon une disposition expresse ou impli-
cite du contrat ou, en l'absence d'une telle disposition, où elle
serait payée dans le cours normal des affaires.» (Jabbour (F.
and K.) v. Custodian of Israeli Absentee Property, [1954] 1
All E.R. 145, à la p. 152; [1954] I W.L.R. 139, à la p. 146;
Re Russo -Asiatic Bank, [ 1934] Ch. 720; Rossano v. Manu
facturers' Life Insurance Co., [1963] 2 Q.B. 352, aux pp.
378 à 380. Une dette due par une banque à un client, par
exemple, est réputée selon le droit général être située à la
succursale où se trouve le compte, Clare & Co. v. Dresdner
Bank, [1915] 2 K.B. 576; Joachimson v. Swiss Bank Corpo
ration, [1921] 3 K.B. 110, à la p. 127; Richardson v.
Richardson, [1927] P. 228.)
Si toutefois le débiteur a sa résidence dans un seul pays, c'est là
seulement que la dette est située malgré qu'elle puisse être
expressément ou implicitement payable ailleurs (Re Claim by
Helbert Wagg & Co. Ltd., [1956] Ch. 323; [1956] 1 All E.R.
129.)
Le même passage, qui a été invoqué par le juge en
chef adjoint Thurlow, figure dans la 7e édition.
En confrontant le jugement rendu par le juge en
chef adjoint Thurlow avec ce passage, on peut se
rendre compte que les termes qu'il a utilisés, à
savoir «en l'absence de toute disposition contraire
dans le contrat ou dans tout autre document», ne
représentent pas une dérogation aux opinions
exprimées dans Cheshire selon lesquelles, fonda-
mentalement, c'est la résidence du débiteur qui
détermine le situs d'une simple dette contractuelle,
car c'est l'endroit où elle est dûment exécutoire. En
outre, les décisions des tribunaux anglais qu'il a
examinées, c.-à-d. Commissioner of Stamps v.
Hope, [1891] A.C. 476 (P.C.); et New York Life
Insurance Co. v. Public Trustee, [1924] 2 Ch. 101
(C.A.), figurent parmi les nombreuses décisions
citées par les auteurs de cet ouvrage en faveur de
cette proposition 9 .
Je suis donc d'avis que ce que le juge en chef
adjoint Thurlow avait en tête, c'était la situation
admise dans Cheshire selon laquelle les conditions
d'un contrat créant une simple dette, ou l'endroit
où une dette doit être payée dans le cours normal
des affaires, peuvent servir à déterminer le situs de
cette dette dans le cas où le débiteur a sa résidence
dans plus d'un pays ou, comme le lord juge, Atkin
l'a fait remarquer dans l'arrêt New York Life aux
pages 119 et 120, là peut-être où les règles de
pratique permettent l'exécution d'une telle dette
même si le débiteur ne demeure plus dans le
ressort du tribunal 10 .
Il n'existe en l'espèce aucune condition contrac-
tuelle du genre de celle mentionnée ci-dessus. À
supposer, pour le moment, que la Commission de
l'emploi et de l'immigration du Canada avait sa
résidence à la fois à Ottawa et à Vancouver et que
les prestations devaient être payées sur la réserve,
je ne puis concevoir comment l'intimé pourrait
tirer profit du principe selon lequel un tribunal
peut se tourner vers l'endroit où une dette doit être
payée dans le cours normal des affaires pour choi-
sir laquelle des deux résidences d'un débiteur
9 Voir également Castel, J.-G. Conflict of Laws: cases, notes
and materials, 2' ed., Butterworths (Toronto), aux p. 401 et
402. Le Conseil privé a réaffirmé cette proposition assez récem-
ment dans des circonstances mettant en jeu le situs d'un droit
incorporel créé par un billet à ordre non négociable. À la règle
générale selon laquelle les droits incorporels sont situés là où ils
peuvent être dûment recouvrés (c'est-à-dire là où réside le
débiteur), il y a les exceptions des dettes découlant d'un contrat
par acte scellé et des effets négociables (Kwok v. Comr. of
Estate Duty, [1988] 1 W.L.R. 1035 (P.C.), aux pp. 1040 et
1041). Voir également English, Scottish and Australian Bank,
Ld. v. Commissioners of Inland Revenue, [ 1932] A.C. 238
(H.L.) et Alloway v Phillips (Inspector of Taxes), [1980] 3 All
ER 138 (C.A.), motifs de lord juge Dunn, aux p. 146 et 147
pour une étude plus approfondie de l'endroit où une simple
dette est située selon la common law.
10 Mais comparer avec Re Banque des Marchands de
Moscou (Koupetschesky), [1954] 2 All E.R. 746 (Ch.D.).
devrait déterminer le situs de cette dette. Selon
moi, pour que ce principe puisse s'appliquer, il
faudrait, au minimum, commencer par établir que
la Commission avait sa résidence tant ailleurs au
Canada que sur la réserve. Ce n'est tout simple-
ment pas le cas.
Il a également été dit que l'intention de présen-
ter l'endroit où une dette doit être payée comme
fondement d'un nouveau critère pour déterminer le
situs d'un droit incorporel visé par l'alinéa 87b) de
la Loi sur les Indiens ressort des termes utilisés
par le juge Dickson dans l'arrêt Nowegijick, lors-
qu'il déclarait que les salaires en question étaient
situés sur une réserve parce que le débiteur y
résidait «et que c'était là que le salaire devait être
payé». Je trouve l'affirmation de l'intimé difficile à
accepter. Le juge Dickson, tout comme le juge en
chef adjoint Thurlow, se fondait sur une édition de
Cheshire dans laquelle ne figure tout simplement
pas un tel critère. De plus, l'employeur débiteur
dans l'arrêt Nowegijick avait son bureau sur une
réserve où, de fait, les salaires devaient être payés.
Je ne perçois pas dans cette affaire-là d'intention
manifeste d'étendre le critère servant à déterminer
le situs d'une simple dette visée à l'alinéa 87b).
Enfin, je ne puis admettre que le critère de la
résidence du débiteur examiné ci-dessus ne doive
pas s'appliquer pour le motif que c'est un critère
de conflit de lois. Dans l'affaire National Indian
Brotherhood, la Cour a appliqué ce critère pour
déterminer le situs des biens visés par l'alinéa 87b)
de la Loi sur les Indiens, et cela a été admis dans
l'arrêt Nowegijick. Bien que la règle vienne du
droit ecclésiastique ", elle a été appliquée égale-
ment en matière de successions et d'administration
et en matière de cession de dettes ' 2 .
J'arrive à la conclusion que les prestations
reçues par l'intimé en 1984 n'étaient pas des «biens
... situés sur une réserve» au sens de l'alinéa 87b)
de la Loi sur les Indiens et qu'elles ne sont donc
pas exonérées de l'impôt sur le revenu.
Voir New York Life Insurance Co. v. Public Trustee,
[1924] 2 Ch. 101 (C.A.), motifs du lord juge Atkin, à la p. 119.
12 Voir Bank of Nova Scotia v. Blood (appel #10275, juge-
ment rendu le 7 juillet 1989 (C.A. Alb.)), non publié. Voir
également l'analyse dans l'arrêt English, Scottish and Aus-
tralian Bank, Ld. v. Commissioners of Inland Revenue, [1932]
A.C. 238 (H.L.).
Les prestations majorées d'assurance-chômage
sont-elles exonérées de l'impôt sur le revenu en
vertu de l'alinéa 90(1)b) de la Loi sur les Indiens?
L'appelante prétend que le juge de première
instance a commis une erreur en statuant que les
prestations majorées sont exonérées de l'impôt sur
le revenu étant donné qu'elles constituent des
«biens personnels qui ont été . .. donnés aux
Indiens ou à une bande en vertu d'un traité ou d'un
accord entre une bande et Sa Majesté» et que par
conséquent, en vertu de l'alinéa 90(1)b) de la Loi
sur les Indiens, ils «sont toujours tenus pour situés
sur une réserve» aux fins de l'article 87 de cette
Loi. Le juge était alors disposé à interpréter le mot
«accord» de façon à y inclure l'accord conclu le 28
mars 1984 entre la bande et la Commission de
l'emploi et de l'immigration du Canada.
L'appelante soutient la thèse selon laquelle le
mot «accord» doit être interprété en liaison avec le
mot «traité» et que, selon cette interprétation, il ne
peut être question que d'un accord qui porte tout
particulièrement sur les rapports spéciaux entre le
gouvernement fédéral et les Indiens ou les bandes
indiennes et non pas d'un accord en vertu duquel
une bande participe simplement à un programme
national comme celui que prévoit l'article 38 de la
Loi de 1971 sur l'assurance-chômage. Il est égale-
ment allégué que les prestations majorées n'ont pas
été données en vertu de l'accord du 28 mars 1984
mais ont été versées en vertu d'une loi du Parle-
ment parce que, selon les termes de l'accord (l'arti-
cle 1), la Commission s'est engagée à [TRADUC-
TION] «verser des prestations conformément à
l'article 38 de la Loi de 1971 sur l'assurance-chô-
mage et à ses règlements d'application».
Ce qu'il faut avoir en tête, je pense, c'est que
l'intimé a pu toucher les prestations majorées en
raison de l'accord conclu entre la bande et Sa
Majesté. Il n'aurait pas pu en être autrement car,
en l'absence de cet accord, aucune prestation n'au-
rait pu être versée. L'accord était donc essentiel à
l'application de l'article 38 de la Loi de 1971 sur
l'assurance-chômage. Il ne me paraît pas non plus
déraisonnable de décrire ces prestations comme
des biens «donnés» à un Indien dans le sens où ce
mot est utilisé à l'alinéa 90(1)b) de la Loi sur les
Indiens. Une telle interprétation serait, me semble-
t-il, en harmonie avec ce que prévoyait la règle
d'interprétation énoncée dans l'arrêt Nowegijick.
Il reste à déterminer si ces prestations peuvent
être valablement considérées comme données en
vertu d'un «accord» au sens de cet alinéa. Il est
allégué qu'elles ont été reçues conformément à une
politique nationale visant à soulager le chômage et
prévue à l'article 38 de la Loi de 1971 sur l'assu-
rance-chômage et qu'elles n'ont donc pas été don-
nées en vertu d'un «accord» avec la bande en tant
que telle. Bien que le mot «traité», qui figure
immédiatement avant le mot «accord» à l'alinéa
90(1)b), puisse venir appuyer jusqu'à un certain
point la thèse selon laquelle on a en vue seulement
un accord qui vise les Indiens ou les bandes indien-
nes directement, je ne suis pas prêt à restreindre le
mot de cette façon-là. Pour admettre cette alléga-
tion, il nous faudrait selon moi ne pas tenir suffi-
samment compte de ce que je considère être le
véritable apport de la règle d'interprétation énon-
cée dans l'arrêt Nowegijick qui, si j'ai bien com-
pris, veut que les critères applicables à l'interpréta-
tion des autres lois ne doivent pas s'appliquer à
l'interprétation d'une loi relative aux Indiens si le
libellé d'une telle loi peut raisonnablement s'inter-
préter comme conférant une exonération
d'impôt 13 . L'accord en cause a été conclu pour
promouvoir une politique nationale, mais c'est
resté un «accord» entre la bande et Sa majesté dans
un sens large. Sa signification est, à tout le moins,
ambiguë et, comme l'exige l'arrêt Nowegijick, une
telle ambiguïté devrait profiter aux Indiens 14 . Je
ne vois rien dans la preuve qui laisserait supposer
que d'autres personnes que des membres de la
bande ont été engagées dans le cadre du projet
créateur d'emplois, qui, comme le prévoit l'annexe
E de l'accord, avait pour but [TRADUCTION]
«d'améliorer la valeur commerciale des terres boi-
sées de la réserve».
Comme j'ai déjà conclu que les prestations régu-
lières d'assurance-chômage ne sont pas exonérées
de l'impôt sur le revenu, il s'ensuit que seule la
partie majorée des prestations en question en est
exonérée.
13 Voir également Bande indienne de Saugeen c. Canada,
[1990] I C.F. 403 (C.A.), motifs du juge MacGuigan, J.C.A.,
aux p. 416 et 417; Metlakatla Ferry Service Ltd. v. The Queen
in right of British Columbia (1987), 37 D.L.R. (4th) 322
(C.A.C.-B.) McLachlin, J.C.A., à la p. 324.
14 Comparer avec l'arrêt Mitchell v. Sandy Bay Indian Band,
[1983] 5 W.W.R. 117 (B.R. Man.), motifs du juge Morse, à la
p. 127.
LA DÉCISION
J'accueillerais donc l'appel, annulerais le juge-
ment rendu par la Section de première instance en
date du 15 décembre 1988 et renverrais l'affaire
au ministre afin qu'il établisse une nouvelle cotisa-
tion en tenant compte du fait que les prestations
régulières d'assurance-chômage reçues par l'intimé
durant l'année d'imposition 1984 ne sont pas exo-
nérées de l'impôt sur le revenu mais que la partie
majorée des prestations d'assurance-chômage
reçues par l'intimé durant cette année-là est exoné-
rée de l'impôt sur le revenu. Comme les deux
parties ont obtenu gain de cause de façon presque
égale, je ne rendrais pas d'ordonnance quant aux
dépens.
LE JUGE PRATTE, J.C.A.: Je souscris aux pré-
sents motifs.
LE JUGE HEALD, J.C.A.: Je souscris aux pré-
sents motifs
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.