T-892-88
Polo Ralph Lauren Corporation, Modes Alto-
Regal Inc. (demanderesses)
c.
Evan Cato, J.S. Fashions, O.P. Jain, Kevdex
Enterprise, Peter Scott, Charles Attwal, Jaskinder
Attwal, Jujhar Attwal et Sohun Attwal, faisant
affaire sous la raison sociale de Attwal Trading
Co., Nasinder Anand, Jagir Singh, Balbir-Singh
Karir, faisant affaire sous la raison sociale de
Kentex Manufacturing Co., Ralph Berdugo,
Harpal Kanda, Daljeet Dakhu, Prakash Mittal,
Bob Da Sousa, Sam Sood, Alum Sood, Bobby
Kamel, Yvon Robillard, Janet Mrenica, Arthur
Ashby, faisant affaire sous la raison sociale de
A-Jay Enterprises, Walter Chiu, Nigel Gayme,
Michael Lee, Ventura Pangilinan, faisant affaire
sous la raison sociale de Philtex, Gina Foliero,
Daniel Nemiroff, Dawyne Bacchus, Biell Manoda,
Jay Patal, Jason Takarobe, Michael Wing,
Michael Brown, Jason Potassh, Mandy Yu,
Alyssa Black, Deborah Johnson, John Buckley,
Steve Hirsch, Jeff Baird, Suman Chopra, William
Kaminski, Renaud Lafrance, Universal Smoke
Shop Ltd., Margarita Tonado, The Red Apple
Unisex Boutique Inc., Leo Fasciani, David
Thayer, John Taylor, Paul Rosgen, Steve Ashby,
Tom Ashby, Kumarasamy Gnanasundaram,
Sandra Bridgpall, Philip Tishler et d'autres per-
sonnes qui sont inconnues des demanderesses et
qui offrent en vente, vendent, importent, fabri-
quent, annoncent ou font le commerce de vête-
ments Polo Ralph Lauren contrefaits (défendeurs)
T-997-88
Hugo Boss A.G., Siga Designs International Inc.
(demanderesses)
c.
Sudsy's Enterprises Inc., faisant affaire sous la
raison sociale de Printex-Cap King, «Robert Da
Sousa» , «John Barwell», «Paul», «Jason», Nasin-
der Anand, Balbir-Singh Karir, faisant affaire
sous la raison sociale de Kentex Manufacturing
Co., Prakash Mittal, Sam Sood, Alum Sood,
Kevin Flaconer, Andrew Malcolm, J. Ram, Avil
Agarwal, Arthur Ashby, faisant affaire sous la
raison sociale de A-Jay Enterprises, Walter Chiu,
Nigel Gayme, Scott Shea, Vejee Group Limited,
Ventura Pangilinan, faisant affaire sous la raison
sociale de Philtex, Clare Robertson, Daniel Nemi-
roff, Pat Taylor, Dawyne Bacchus, Richard Faw-
cett, Jay Patal, faisant affaire sous la raison
sociale de Maple -T-Luxe, Mandy Yu, Tina Stein-
berg, Jason Takarobe, Jason Potassh, Michael
Brown, Michael Wing, Richard Chai, Audrey
Tencer, Bruce Lowther, Sandra Bradshaw, Frank
Lee, Michael Schwartzman, Deborah Johnson,
Alyssa Black, Devon Bryer, Jeff Baird, John
Buckley, Steve Hirsch, Joe Dae, Suman Shopra,
William Kaminski, Christine Leclerc, faisant
affaire sous la raison sociale de Neon -Mode,
Renaud Lafrance, Sam Kadian, Universal Smoke
Shop Ltd., Margarita Tonado, Carmelita Corks,
Kumarasamy Gnanasundaram, faisant affaire sous
la raison sociale de Anusha Screen Printing, Steve
Ashby, faisant affaire sous la raison sociale de
A -Jay Enterprises, Tom Ashby, David Thayer,
John Taylor, Paul Rosgen, David James Cook,
Azim Jiwani, faisant affaire sous la raison sociale
de Bargain World et d'autres personnes qui sont
inconnues des demanderesses et qui offrent en
vente, vendent, importent, fabriquent, annoncent
ou font le commerce de vêtements Hugo Boss
contrefaits (défendeurs)
RÉPERTORIÉ: POLO RALPH LAUREN CORP. C. CATO (1' e INST.)
Section de première instance, juge Reed —
Toronto, 6 juin; Ottawa, 25 juin 1990.
Pratique — Outrage au tribunal — Signification — Refus
d'obtempérer à cinq ordonnances de la Cour, y compris des
ordonnances Anton Pillar, interdisant la distribution et la
vente de vêtements contrefaits portant les marques de com
merce «Hugo Boss» ou «Polo Ralph Lauren» — Signification
de l'ordonnance de justification au défendeur Arthur Ashby —
La signification à personne est normalement exigée — Il n'a
pas été possible de signifier l'ordonnance à personne car le
défendeur se soustrayait à la signification — Le pouvoir
accordé par la Règle 355(4) d'autoriser un autre mode de
signification peut-il être exercé seulement avant l'audience
relative à l'accusation d'outrage au tribunal ou peut-il égale-
ment être exercé au cours de cette audience? — En l'espèce, un
autre mode de signification aurait été autorisé — On ne cause
aucun préjudice au défendeur en lui demandant de répondre à
la fois à une accusation d'outrage dont il n'aurait pas reçu
signification et à quatre autres accusations d'outrage pour
lesquelles des ordonnances de justification lui ont été signifiées
à personne, étant donné que les mêmes faits sont à la base des
cinq ordonnances — Lorsque rien ne permet de penser que le
défendeur subira un préjudice, le tribunal refusera de rejeter
une demande au simple motif que la signification était viciée
— Les personnes qui comparaissent de leur plein gré sont
irrecevables à invoquer une signification viciée — On porte
atteinte à l'esprit et aux principes de la Règle 2(2) (lesquelles
visent à faire apparaître le droit et à en assurer la sanction et
doivent être interprétées de manière à faciliter la marche des
procès plutôt que la retarder) si l'on n'interprétait pas la Règle
355(4) de manière à permettre que l'autorisation de ce mode de
signification soit donnée aussi bien simultanément avec l'audi-
tion des accusations d'outrage qu'avant cette audition — La
signification de l'ordonnance de justification était valide —
Ordonnances Anton Pillar — Signification de ces ordonnances
— Le défendeur était au courant des ordonnances — Cette
connaissance est suffisante pour étayer une accusation d'ou-
trage au tribunal — Il n'était pas nécessaire de lui signifier le
document à personne — Conduite révélant un mépris flagrant
des droits d'autrui et des ordonnances de la Cour — Tom et
Arthur Ashby sont chacun condamnés à une amende de 6 000 $
ainsi qu'aux dépens extrajudiciaires — La Cour accorde au
défendeur deux semaines pour présenter des éléments de
preuve au sujet de son présumé refus d'obtempérer à l'ordon-
nance à l'égard de laquelle la signification de l'ordonnance de
justification a été jugée valide — Quant à l'ordonnance pro-
noncée contre ses fils, étant donné qu'il n'y est pas nommément
désigné et que la demanderesse n'a pas allégué qu'il s'était fait
le complice des refus d'obtempérer, Arthur Ashby ne s'est pas
rendu coupable d'outrage à son égard.
Marques de commerce — Pratique — Outrage au tribunal
— Signification d'ordonnances Anton Pillar et d'ordonnances
de justification — Lorsque le défendeur est parfaitement au
courant de l'existence d'ordonnances Anton Pillar mais qu'il
refuse d'y obtempérer, la connaissance est suffisante pour
étayer des accusations d'outrage au tribunal — Il n'est pas
nécessaire de lui signifier le document à personne — Normale-
ment, aux termes de la Règle 355(4), la signification à per-
sonne est nécessaire dans le cas des ordonnances de justifica
tion — Lorsque le défendeur ne subit aucun préjudice et qu'il
est au courant de la situation parce qu'il a reçu signification
d'autres ordonnances de justification, la Règle 355(4) peut être
interprétée comme permettant d'accorder l'autorisation d'un
autre mode de signification au cours de l'audience relative à
l'accusation d'outrage elle-même.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663,
Règles 2(2), 355(4).
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
King v. Kokot (1980), 31 O.R. (2d) 461; 119 D.L.R. (3d)
154; 18 C.P.C. 269 (H.C.); Hope v. Hope (1854), 43
E.R. 534 (Ch.D.); Re Consiglio et al., [1971] 3 O.R. 798
(C.M.); Rupertsland Mtge. Invt. Ltd. v. City of Winnipeg
(1981), 23 C.P.C. 208 (C. cté Man.); Apple Computer,
Inc. c. Minitronics of Canada Ltd., [1988f 2 C.F. 265;
(1988), 17 C.I.P.R. 308; 19 C.P.R. (3d) 15; 17 F.T.R. 37
(I" inst.); Di Giacomo v. Di Giacomo Canada Inc.
(1988), 20 C.P.R. (3d) 251 (H.C. Ont.).
DÉCISIONS CITÉES:
Beloit Can. Ltée/Ltd. c. Valmet Oy (1988), 18 C.I.P.R. I;
20 C.P.R. (3d) 1; 15 F.T.R. 240; 82 N.R. 235 (C.A.F.);
Baxter Travenol Laboratories of Canada Ltd. et autres c.
Cutter (Canada), Ltd., [1983] 2 R.C.S. 388; (1983), 2
D.L.R. (4th) 621; 1 C.I.P.R. 46; 36 C.P.C. 305; 75
C.P.R. (2d) 1; 50 N.R. 1; Re Avery, [1952] O.R. 192;
[1952] 2 D.L.R. 413 (C.A.); Seaward v. Paterson,
[1897] 1 Ch. 545 (C.A.); T Poje v. A. G. for British
Columbia, [1953] 1 R.C.S. 516; 2 D.L.R. 785; (1953),
105 C.C.C. 311; 17 C.R. 176; Re Gaglardi (1960), 27
D.L.R. (2d) 281; 34 W.W.R. 193 (C.A.C.-B.); Profekta
International Inc. c. Pearl Video Ltd. (1987), 16 C.I.P.R.
193; 16 C.P.R. (3d) 97; 13 F.T.R. 170 (C.F. 1" inst.);
Hugo Boss c. Brunswick (T-1436-87, juge en chef adjoint
Jerome, ordonnance en date du 14-9-87, C.F. 1" inst.,
non publiée); Guccio Gucci c. Cebuchier (T-408-88, juge
en chef adjoint Jerome, ordonnance en date du 15-1-90,
C.F. lV' inst., encore inédite); Montres Rolex S.A. et
autres c. Herson et autres (1987), 15 C.P.R. (3d) 368; 12
F.T.R. 70 (C.F. 1`e inst.); Guccio Gucci S.p.A. c. Silvert
(1988), 18 C.I.P.R. 274; 19 C.P.R. (3d) 256 (C.F. 1 r
inst.).
DOCTRINE
Louisell, David W. et Hazard, Geoffrey C. Cases and
Materials on Pleading and Procedure [S.1.: s.n.: s.d.].
AVOCATS:
Christopher J. Pibus pour les demanderesses.
D. Kevin Haxell pour le défendeur Arthur
Ashby.
PROCUREURS:
Gowling, Strathy & Henderson, Toronto,
pour les demanderesses.
D. Kevin Haxell, Toronto, pour le défendeur
Arthur Ashby.
Ce qui suit est la version française des motifs
de l'ordonnance rendus par
LE JUGE REED: La Cour a ordonné à Arthur
Ashby et à Tom Ashby de comparaître devant la
Cour pour entendre la preuve de certains actes
d'outrage au tribunal dont ils sont accusés et pour
présenter le cas échéant leur défense en exposant
la raison de leur conduite. Les actes d'outrage au
tribunal se rapportent à des refus d'obtempérer à
plusieurs ordonnances de notre Cour. Ces ordon-
nances interdisent notamment la distribution et la
vente de vêtements contrefaits portant les marques
de commerce «Hugo Boss» ou «Polo Ralph
Lauren».
À la clôture de l'audience relative à la présente
requête, l'avocat de Tom Ashby a reconnu que son
client avait désobéi aux ordonnances suivantes du
juge en chef adjoint: la première, datée du 8
janvier 1990, prononcée dans le dossier T-997-88,
la deuxième, datée du 8 janvier 1990, prononcée
dans le dossier T-892-88, la troisième, datée du 30
octobre 1989, prononcée dans le dossier T-997-88,
et la quatrième, datée du 30 octobre 1989, rendue
dans le dossier T-892-88. Le dossier T-997-88
concerne la contrefaçon de la marque de com
merce «Hugo Boss». Le dossier T-892-88 se rap-
porte à la contrefaçon des marques «Polo Ralph
Lauren».
Même s'il est admis que Tom Ashby est coupa-
ble d'avoir refusé d'obtemptérer aux quatre ordon-
nances en question, plusieurs moyens de défense
ont été invoqués au soutien de la thèse d'Arthur
Ashby.
Arthur Ashby est accusé d'avoir refusé d'obtem-
pérer aux quatre mêmes ordonnances que Tom
Ashby. On accuse également Arthur Ashby
d'avoir désobéi à une autre ordonnance. Sur les
quatre ordonnances susmentionnées, les deux
ordonnances datées du 30 octobre 1989 sont des
ordonnances de type Anton Pillar. Elles ont été
prononcées contre plusieurs défendeurs, dont
Arthur Ashby, qui fait affaire sous la raison
sociale de A -Jay Enterprises et contre d'autres
personnes, qui sont inconnues des demandeurs et
qui offrent en vente, vendent, importent, fabri-
quent, annoncent ou font le commerce de vête-
ments Polo Ralph Lauren ou Hugo Boss contre-
faits. L'ordonnance Anton Pillar autorise les
procureurs des demanderesses à saisir tout vête-
ment contrefait portant ces marques de commerce
qu'ils trouveront, et de les remettre à la Cour'. Par
ailleurs, comme c'est habituellement le cas avec ce
type d'ordonnance, les personnes contre qui la
saisie est pratiquée reçoivent signification d'un avis
de requête fixant la date et l'heure à laquelle elles
f Voici un extrait des dispositions pertinentes de l'ordonnance
relative à Polo Ralph Lauren:
5. Les intimés ... devront remettre sans délai aux procu-
reurs des demanderesses ou à leurs mandataires, pour qu'ils les
confient à la garde provisoire de tout greffier de la Cour après
en avoir fait les copies requises, tous les articles, données et
documents suivants qui se trouvent en leur possession, ou sous
leur garde ou leur autorité:
peuvent contester la validité de la saisie. Les
ordonnances Anton Pillar enjoignent également
aux personnes qui sont en possession de tels vête-
ments contrefaits de permettre aux procureurs des
demanderesses d'effectuer une perquisition dans
les locaux où se trouvent les vêtements et de
divulguer aux procureurs le nom de la personne de
qui elles ont acquis les vêtements.
Les deux ordonnances du 8 janvier 1990 sont
des injonctions interlocutoires. Elles interdisent à
certains défendeurs, dont Tom Ashby, de vendre,
(Suite de la page précédente)
(i) tous les vêtements et articles connexes portant la
marque de commerce POLO ou toute marque de commerce y
ressemblant au point de créer de la confusion;
(ii) tous les documents et données qui semblent se rappor-
ter à l'achat, l'acquisition, l'expédition, l'importation, la
vente, la distribution, la fabrication ou l'impression de vête-
ments portant la marque de commerce POLO.
6. Chacun des intimés devra:
(i) permettre aux procureurs des demanderesses, à leurs
mandataires et aux personnes que ces procureurs pourront
autoriser (et dont le nombre ne devra pas dépasser quatre) de
perquisitionner sans délai dans leurs étalages et leurs locaux,
y compris dans les véhicules, chariots et voitures utilisés dans
le cadre de leur entreprise, n'importe quel jour, entre 6 h et
minuit, dans le but de chercher, d'enlever et de confier à la
garde provisoire de la Cour, sous réserve de toute autre
directive, les articles et documents mentionnés au
paragraphe 5.
(ii) ouvrir et mettre à la disposition des procureurs des
demanderesses, ou de leurs mandataires, pour inspection, les
caisses, conteneurs, classeurs, tiroirs et meubles ou dispositifs
de rangement qui se trouvent en leur possession ou sous leur
garde ou leur autorité, et ouvrir toute porte verrouillée que la
personne qui signifie l'ordonnance soupçonne de contenir ou
derrière lesquels peuvent se trouver des articles ou des docu
ments qu'elle n'est pas capable d'inspecter parce que la
caisse, le classeur, le tiroir, la caisse, le conteneur ou le
meuble ou le dispositif de rangement est verrouillé ou qu'on
ne peut par ailleurs l'inspecter; et remettre toute clé ou autre
objet nécessaire à l'ouverture de cette porte, ce classeur, ce
tiroir, cette caisse, ce conteneur ou ce meuble ou dispositif de
rangement.
(iii) divulguer aux personnes qui signifient la présente
ordonnance les éléments suivants:
a) l'endroit où se trouvent tous les articles et documents
mentionnés à l'article 5 qui sont en leur possession ou sous
leur garde ou leur autorité, que ce soit dans leurs étalages,
leurs locaux, leurs véhicules ou ailleurs, ou qui sont déte-
nus en leur nom par d'autres personnes ou qui sont entre-
posés ou en transit ou qu'ils livrent à d'autres personnes ou
que d'autres personnes leur livrent;
b) leur nom et leur adresse, et le nom et l'adresse de toutes
les personnes pour lesquelles elles (ainsi que les personnes
à qui la présente ordonnance sera signifiée) obtiennent ou
sont en train d'obtenir les articles en question et à qui elles
ont fourni ou sont en train de fournir les articles en
question.
d'offrir en vente, de distribuer, de transférer des
vêtements portant les marques de commerce «Polo
Ralph Lauren» et «Hugo Boss» ou de faire toute
autre opération à leur égard.
L'autre ordonnance, à laquelle Arthur Ashby est
accusé d'avoir désobéi, est une injonction interlo-
cutoire datée du 26 juillet 1988. Elle interdit à
certains défendeurs nommément désignés, dont
Arthur Ashby (faisant affaire sous la raison
sociale de A -Jay Enterprises), de vendre, d'offrir
en vente, de distribuer ou de transférer des vête-
ments portant la marque de commerce «Hugo
Boss» ou de faire toute autre opération à leur
égard.
Les faits
Il est nécessaire, tout d'abord, de situer les
ordonnances dans le contexte général du procès
que les demanderesses ont intenté devant notre
Cour. En mai et en juin de 1988, les demanderes-
ses ont déposé des déclarations dans lesquelles elles
alléguaient que leurs marques de commerce res-
pectives avaient été contrefaites par de nombreux
défendeurs, dont certains étaient nommément dési-
gnés et dont d'autres ne l'étaient pas. Des ordon-
nances Anton Pillar ont été prononcées tant contre
les uns que les autres. Ces ordonnances Anton
Pillar du 16 mai 1988 (Polo Ralph Lauren) et du
ler juin 1988 (Hugo Boss) ont été prorogées ou
renouvelées à l'occasion. Un de ces renouvelle-
ments a eu lieu le 30 octobre 1989.
Le 13 juin 1988, des injonctions interlocutoires
ont été prononcées, de consentement, pour inter-
dire à certains défendeurs nommément désignés de
vendre et de transférer les vêtements portant la
marque «Hugo Boss» («Boss») ou «Polo Ralph
Lauren» («Polo») ou de faire toute autre opération
à leur égard. Le 12 juillet 1988, Arthur Ashby,
faisant affaire sous la raison sociale de A -Jay
Enterprises, a été ajouté aux défendeurs à qui
l'ordonnance prononcée dans l'affaire Polo Ralph
Lauren s'appliquait. Le 26 juillet 1988, Arthur
Ashby, faisant affaire sous la raison sociale de
A -Jay Enterprises, a été ajouté aux défendeurs à
qui l'injonction interlocutoire prononcée dans l'af-
faire Hugo Boss s'appliquait. Les injonctions inter-
locutoires prononcées contre Arthur Ashby, faisant
affaire sous la raison sociale de A -Jay Enterprises,
ont été signifiées le 10 août 1988, par la remise
d'une copie au fils d'Arthur Ashby, Tom Ashby,
dans un établissement commercial situé Passmore
Road, à Scarborough.
Comme nous l'avons signalé, le 30 octobre 1989,
des ordonnances Anton Pillar ont été prononcées à
l'égard des deux marques (il s'agissait de renouvel-
lements des ordonnances Anton Pillar déjà pronon-
cées). L'un des défendeurs qui y étaient nommé-
ment désignés était Arthur Ashby, faisant affaire
sous la raison sociale de A -Jay Enterprises.
Comme c'est habituellement le cas, ces ordonnan-
ces ont également été prononcées contre d'autres
défendeurs au nom inconnu.
En décembre de 1989, les procureurs des
demanderesses se sont présentés dans un magasin
de la rue Yonge dans la vitrine duquel étaient
exposées des chemises «Boss» et «Polo». Aucun nom
commercial ou marque d'identification n'était
indiqué à l'extérieur du magasin, mais à l'intérieur
du magasin, le permis du vendeur, qui était fixé au
mur, indiquait que le permis avait été délivré au
nom de A -Jay Enterprises et d'Arthur Ashby.
Steve Ashby était à la tête du magasin. Les procu-
reurs des demanderesses ont signifié les ordonnan-
ces Anton Pillar du 30 octobre 1989 à Steve Ashby
et ont saisi environ 100 à 150 articles contrefaits
portant les marques «Boss» et «Polo» (des pulls et
des pantalons d'entraînement). En réponse aux
questions qui lui étaient posées au sujet de la
provenance de ces vêtements, Steve Ashby a
informé les procureurs qu'ils venaient de son père,
Arthur Ashby.
Les procureurs des demanderesses se sont
ensuite présentés à un local situé Winges Road, à
Woodbridge, dont l'adresse figurait sur certaines
des boîtes saisies au magasin de la rue Yonge. Ils
ont à nouveau vu des vêtements contrefaits. Les
ordonnances Anton Pillar du 30 octobre 1989 ont
été signifiées à la personne qui semblait être à la
tête du magasin, Tom Ashby. On a saisi cinq
vêtements contrefaits (deux vêtements portant la
marque «Boss» et trois vêtements portant la
marque «Polo»). Tom Ashby a déclaré qu'il tenait
les vêtements contrefaits de son père, Arthur
Ashby.
Tom et Steve Ashby ont ensuite été constitués
codéfendeurs et des injonctions interlocutoires
semblables à celles qui avaient été prononcées
contre leur père en juillet de 1988 ont été pronon-
cées contre eux. Comme nous l'avons déjà signalé,
ces ordonnances ont été prononcées le 8 janvier
1990. Elles ont été signifiées à personne à Tom
Ashby au local de Winges Road le 25 janvier
1990. L'huissier a tenté de signifier les ordonnan-
ces tant à Tom qu'à Steve Ashby, mais on l'a
informé qu'il ne pouvait les signifier à Steve, parce
qu'il se trouvait aux États-Unis pour ses études.
Arthur Ashby a accepté la signification au nom de
son fils Steve le 29 janvier 1990. Après avoir reçu
les documents de l'huissier, Arthur les a déchiré en
présence du huissier et les a jetés à la poubelle en
déclarant que Steve [TRADUCTION] «ne verra
jamais ces documents».
Deux mois plus tard, le 30 mars 1990, un détec-
tive engagé par les demanderesses s'est présenté au
magasin de Winges Road et a vu certains chan-
dails d'entraînement «Boss» et «Polo» qui étaient
exposés. Il en a acheté deux. Le vendeur était Tom
Ashby. Son père, Arthur, était à ce moment-là
assis dans un coin de la pièce et il lisait le journal.
Le détective a engagé la conversation avec Tom et
lui a posé des questions au sujet de l'achat de
tee-shirts portant les mêmes marques. Il s'est éga-
lement renseigné au sujet de la possibilité d'ache-
ter des tee-shirts en grosses quantités pour les
revendre éventuellement. Tom Ashby a informé le
détective qu'il attendait des tee-shirts sous peu en
prévision des chaleurs de l'été et qu'on pouvait les
acheter en grosses quantités. Il a également précisé
qu'en achetant des vêtements en grosses quantités,
on pouvait obtenir un meilleur prix qu'en les ache-
tant à l'unité. Tom Ashby a ajouté une mise en
garde. Au sujet de la revente des vêtements, il a
précisé qu'il fallait être prudent, car [TRADUC-
TION] «ils peuvent vous les enlever» s'ils l'appren-
nent.
Le détective a quitté le magasin de Winges
Road avec les pulls d'entraînement «Polo» et «Boss»
qu'il avait achetés. Il est revenu quelques minutes
plus tard avec le procureur des demanderesses. Le
procureur a procédé à la signification des ordon-
nances Anton Pillar du 30 octobre 1989, dans le
but d'emporter tous les vêtements contrefaits qui
se trouvaient sur place et qui portaient les marques
de commerce «Boss» et «Polo». Les documents
Anton Pillar ont été remis à Tom Ashby, à qui l'on
a demandé s'il avait besoin d'explications, étant
donné qu'il avait déjà vécu la même expérience (en
l'occurrence, en décembre, au même établissement
de Winges Road). Arthur Ashby est alors inter-
venu. Il a pris les documents sur le comptoir et a
exigé qu'on lui explique qui avait autorisé le procu-
reur des demanderesses à retirer des articles du
magasin. Des explications ont été fournies. Arthur
s'est mis en colère et a commencé à proférer des
jurons. Il a refusé de laisser le procureur et le
détective prendre les deux boîtes de vêtements
contrefaits qu'ils pouvaient voir. Il refusait de les
laisser perquisitionner dans le magasin et de leur
donner des renseignements au sujet de la prove
nance des vêtements. Il leur a «montré» la porte et
a jeté les documents Anton Pillar dehors derrière
eux dans une flaque d'eau. Il a verrouillé la porte
et a éteint les lumières. Le détective est allé à
l'arrière du magasin et a vu Tom Ashby qui sortait
avec deux grosses boîtes. En voyant le détective,
Tom est rentré dans le magasin. Le procureur des
demanderesses a ramassé les documents Anton
Pillar dans la flaque d'eau et les a rapportés à son
bureau.
Moyens de défense invoqués par Arthur Ashby
Comme nous l'avons signalé, la Cour a ordonné
à Arthur Ashby d'exposer les raisons pour lesquel-
les il ne devrait pas être déclaré coupable d'ou-
trage au tribunal pour avoir refusé d'obtempérer
aux deux ordonnances Anton Pillar du 30 octobre
1989 et aux deux injonctions interlocutoires du 8
janvier 1990. Ces ordonnances de justification ont
été prononcées le 9 avril 1990. Par la suite, la Cour
lui a ordonné, aux termes d'une ordonnance datée
du 28 mai 1990, d'exposer aussi les raisons pour
lesquelles il ne devrait pas être déclaré coupable
d'outrage au tribunal pour avoir désobéi à l'injonc-
tion interlocutoire du 26 juillet 1988 se rapportant
aux vêtements contrefaits «Hugo Boss».
L'avocat d'Arthur Ashby prétend qu'on ne peut
régulièrement examiner à cette étape-ci la question
du présumé refus de son client d'obtempérer à
l'ordonnance du 26 juillet 1988, parce que l'ordon-
nance de justification du 28 mai 1990 n'a jamais
été signifiée à personne au défendeur. Après que le
juge en chef adjoint eut prononcé l'ordonnance de
justification le 28 mai 1990, l'avocat des demande-
resses en a fait signifier une copie à l'avocat
d'Arthur Ashby. On l'a informé que l'avocat
n'était pas autorisé à accepter la signification de ce
document. Un huissier a par la suite essayé sans
succès à quatre reprises de signifier le document à
personne à M. Ashby. On a finalement laissé les
documents à Tom Ashby à l'établissement com
mercial de A -Jay Enterprises.
L'avocat du défendeur prétend que la Règle 355
[Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663]
exige que la signification soit faite à personne et
que comme il n'y a pas eu signification à personne
de l'ordonnance de justification du 28 mai 1990, il
était impossible de poursuivre le défendeur pour
les actes de désobéissance allégués dans cette
ordonnance (se rapportant à l'injonction interlocu-
toire du 26 juillet 1988). Il soutient que les mesu-
res pour outrage sont quasi criminelles et qu'en
conséquence, on doit observer strictement les
règles de procédure, spécialement celles concer-
nant la signification à personne. J'ai convenu de
remettre le prononcé de ma décision sur cette
question à la fin de l'audience. La situation fac-
tuelle à la base du présumé refus d'obtempérer à
l'ordonnance du 26 juillet 1988 est identique à
celle qui sous-tend le présumé refus d'obtempérer
aux quatre autres ordonnances. Dans ces condi
tions, le fait de remettre le prononcé de ma déci-
sion sur la question de la signification jusqu'à ce
que la preuve des demanderesses ait été entendue
ne saurait causer un préjudice au défendeur
Arthur Ashby.
L'avocat d'Arthur Ashby prétend qu'on ne peut
déclarer le défendeur coupable d'avoir refusé d'ob-
tempérer aux injonctions du 8 janvier 1990 parce
qu'il n'y était pas nommé et parce qu'il n'a pas
vendu les articles. L'avocat allègue qu'on ne peut
déclarer Arthur Ashby coupable d'avoir désobéi
aux ordonnances Anton Pillar du 30 octobre 1989,
parce qu'il n'en a jamais reçu signification. Cette
absence de signification s'expliquerait par le fait
que les documents ont été remis à Tom Ashby et
qu'on a signifié seulement une série de documents.
Signification de l'ordonnance de justification du 28
mai 1990
En ce qui concerne la signification de l'ordon-
nance de justification du 28 mai 1990 dans
laquelle il est allégué qu'on a désobéi à l'injonction
interlocutoire du 26 juillet 1988, la Règle 355(4)
dispose:
Règle 355. .. .
(4) Une personne ne peut être condamnée pour outrage au
tribunal commis hors de la présence du juge que s'il lui a été
signifié une ordonnance de justification lui enjoignant de com-
paraître devant la Cour, au jour et à l'heure fixés pour entendre
la preuve des actes dont il [sic] est accusé et pour présenter, le
cas échéant, sa défense en exposant les raisons de sa conduite.
Cette ordonnance [...] doit obligatoirement être signifiée à
personne, à moins qu'un autre mode de signification ne soit
autorisé pour des raisons valables. [C'est moi qui souligne.]
Il n'y a pas eu signification à personne de l'ordon-
nance du 28 mai 1990. On a tenté de signifier
l'ordonnance au procureur d'Arthur Ashby; cette
signification a été refusée. Un huissier a par la
suite tenté sans succès à quatre reprises de signi-
fier l'ordonnance à M. Ashby. De toute évidence,
M. Ashby se soustrayait à la signification. Les
documents ont finalement été laissés à l'établisse-
ment commercial de M. Ashby, à son fils Tom. En
lui demandant de répondre à la fois à l'accusation
d'avoir désobéi à l'ordonnance du 26 juillet 1988 et
aux accusations d'avoir désobéi aux quatre autres
ordonnances pour lesquelles des ordonnances de
justification lui ont été signifiées à personne, on ne
cause aucun préjudice à M. Ashby. Les mêmes
faits sont à la base des cinq ordonnances.
Les accusations d'outrage au tribunal sont quasi
criminelles. Les conséquences sont graves. L'au-
teur présumé d'un outrage au tribunal s'expose à
l'incarcération. En conséquence, les règles applica-
bles doivent être strictement observées (voir Beloit
Can. Ltée/Ltd. c. Valmet Oy (1988), 18 C.I.P.R. 1
(C.A.F.), aux pages 20 et 21). Par ailleurs, les
pouvoirs de la Cour en matière d'outrage ont pour
but général d'assurer le fonctionnement harmo-
nieux de la justice (Baxter Travenol Laboratories
of Canada Ltd. et autres c. Cutter (Canada), Ltd.,
[1983] 2 R.C.S. 388). De surcroît, la Règle 2(2)
des Règles de la Cour fédérale énonce les princi-
pes qui régissent l'interprétation de ces Règles:
Règle 2. .. .
(2) Les présentes Règles visent à faire apparaître le droit et
en assurer la sanction; elles doivent s'interpréter les unes par les
autres et autant que possible faciliter la marche normale des
procès plutôt que la retarder ou y mettre fin prématurément.
[C'est moi qui souligne.]
Si le présumé refus d'obtempérer à l'ordonnance
du 26 juillet 1988 n'est pas examiné dans le cadre
de la présente instance, il sera nécessaire de tenir
une seconde audience au cours de laquelle on
présentera les mêmes éléments de preuve que ceux
qui m'ont été soumis. La seule raison justifiant la
tenue de cette seconde audience serait le vice qui
entacherait la signification faite à Arthur Ashby,
qui était présent pendant toute la durée de l'audi-
tion de tous les éléments de preuve se rapportant
au présumé refus d'obtempérer à l'ordonnance
du 26 juillet 1988.
Dans ce contexte, la question que je dois me
poser est celle de savoir si le pouvoir accordé au
juge, en vertu de la Règle 355(4), d'autoriser «un
autre mode de signification» (another mode of
service) ne peut être exercé qu'avant l'audience
relative à l'accusation d'outrage au tribunal ou s'il
peut également être exercé en même temps que
cette audience.
Il n'y a pas de doute qu'eu égard aux circons-
tances de la présente affaire, si une demande avait
été présentée, avant l'audience, en vue d'obtenir
l'autorisation de signifier les documents en les
laissant aux locaux commerciaux d'Arthur Ashby
ou en les remettant à son procureur, cette demande
aurait été accueillie. De plus, il est utile de citer les
propos suivants de Louisell et Hazard tirés de leur
ouvrage Cases and Materials on Pleadings and
Procedure, à la page 409:
[TRADUCTION] L'hypothèse du défendeur qui s'enferme chez-
lui et qui s'éclipse et s'esquive lorsqu'il se trouve à l'extérieur
dans des lieux publics, le tout pour essayer (parfois avec succès)
de se soustraire au contact physique de l'huissier, semble trop
exagérée pour qu'une société adulte et civilisée l'accepte. Il
semble que les tribunaux n'ont jamais pensé de dire à ce
défendeur qu'il fait l'objet d'une signification à personne lors-
que l'assignation lui est remise de telle manière que seules les
manoeuvres d'évitement pourraient faire échec à la significa
tion. Pourquoi un ordre émanant du Souverain devrait-il être
traité à ce point à la légère?
De fait, dans des domaines connexes, la juris
prudence nous enseigne que lorsque rien ne permet
de penser que l'intimé (défendeur) subira un préju-
dice, le tribunal refusera de rejeter une demande
au simple motif que les règles de la signification
n'ont pas été strictement observées (voir, par
exemple, l'arrêt King v. Kokot (1980), 31 O.R.
(2d) 461 (H.C.)). Dans le même ordre d'idées, il a
été jugé que les personnes qui comparaissent de
leur plein gré sont irrecevables à invoquer une
signification viciée. Ces solutions s'accordent par-
faitement avec le but dans lequel la signification à
personne est exigée. Dans le jugement Hope v.
Hope (1854), 43 E.R. 534 (Ch.D.), aux pages 539
et 540, le principe sous-jacent a été exprimé dans
les termes suivants:
[TRADUCTION] Toute signification ne vise évidemment qu'à
aviser la personne à qui elle est donnée, afin de l'informer des
conclusions formulées contre elle et à s'assurer qu'elle soit en
mesure de les contester. Lorsque l'essentiel de ces formalités a
été entièrement respecté de sorte que le tribunal est convaincu
que les documents ont effectivement été signifiés à la personne
en question, toutes les conditions prévues sont respectées.
Plus tard, le juge d'appel Hogg a déclaré, dans
l'arrêt Re Avery, [1952] O.R. 192 (C.A.), à la
page 199:
[TRADUCTION] On a dit que la signification à personne consis-
tait à remettre l'acte de procédure au défendeur lui-même ou à
le rencontrer et à l'aviser de la teneur de l'acte en question.
Dans les décisions récentes, les tribunaux souli-
gnent que la question pertinente à se poser est celle
de savoir si l'on a atteint le but visé par la notifica
tion de l'acte de procédure au destinataire. Dans
l'affaire Re Consiglio et al., [1971] 3 O.R. 798
(C.M.), l'huissier a laissé le document à un tiers,
et la personne à qui le document devait être signi-
fié en a par la suite pris connaissance. Dans cette
affaire, le tribunal a statué que les exigences de la
signification à personne étaient respectées s'il sem-
blait que le destinataire du document était mis au
courant ou en possession de ce document directe-
ment ou indirectement par un tiers. Par la suite,
dans l'affaire Rupertsland Mtge. Invt. Ltd. v. City
of Winnipeg (1981), 23 C.P.C. 208 (C. cté Man.),
l'épouse d'un administrateur a reçu signification
des documents et elles les a ensuite remis à son
mari. La signification a été réputée avoir été faite
à personne au mari. Le tribunal a déclaré qu'il y a
signification à personne si l'on peut démontrer que
la personne à qui la signification doit être faite a
effectivement reçu le document et a été mise au
courant de son contenu soit directement, soit par le
truchement d'un intermédiaire. Le tribunal a éga-
lement fait observer que le but de la signification
consiste à mettre une personne au courant des
poursuites qu'on a l'intention d'intenter contre elle
et de l'en aviser, et que si cet objectif est atteint et
que l'acte de procédure a effectivement atteint la
personne, on ne devrait pas se préoccuper de la
façon exacte dont cela s'est produit. En l'espèce, il
est évident qu'Arthur Ashby devait être au courant
de l'existence de l'outrage dont on l'accusait à
l'égard du refus d'obtempérer à l'ordonnance du
26 juillet 1988—comment son procureur aurait-il
pu recevoir pour instructions de ne pas accepter la
signification des documents pertinents s'il n'en
était pas ainsi?
Comme je l'ai signalé, la question litigieuse dont
je suis saisi porte sur l'interprétation exacte de la
Règle 355(4), et particulièrement sur la question
de savoir si je peux autoriser, à cette étape-ci, un
mode de signification moins exigeant que la signi
fication à personne au motif qu'il est suffisant.
J'en suis venu à la conclusion que la Règle 355(4)
n'exige pas que l'autorisation d'un autre mode de
signification soit donnée avant l'audition des accu
sations d'outrage. Dans des circonstances comme
celles qui existent dans le cas qui nous occupe, une
telle exigence ferait fi des objets énoncés à la
Règle 2(2). Il s'ensuivrait qu'il faudrait tenir une
autre audience, avec tous les frais que cela com-
porterait pour les parties et pour la Cour, pour
examiner exactement les mêmes éléments de
preuve que ceux qui ont déjà été portés à la
connaissance de la Cour. Dans les circonstances de
la présente affaire, aviser le procureur ou laisser
les documents à l'établissement commercial de M.
Ashby constituerait une signification suffisante si
l'autorisation en avait été obtenue avant l'au-
dience. J'estime qu'on porterait atteinte à l'esprit
et aux principes de la Règle 2(2) si l'on n'interpré-
tait pas la Règle 355(4) de manière à permettre
que l'autorisation de ce mode de signification soit
donnée aussi bien simultanément avec l'audition
des accusations d'outrage qu'avant cette audition.
En conséquence, je suis d'avis qu'en l'espèce le
défendeur a régulièrement reçu signification des
documents.
M. Ashby a assisté à toute la séance du 6 juin
1990 au cours de laquelle a été examiné l'outrage
au tribunal qui découlerait des événements qui se
sont produits le 30 mars 1990 aux locaux de
Winges Road de A -Jay Enterprises. Arthur Ashby
n'a offert aucune preuve pour expliquer ou nier
l'un ou l'autre des éléments de preuve présentés
par les demanderesses au sujet des événements du
30 mars 1990. Cette position a été adoptée dans le
contexte de ma décision de remettre le prononcé de
mon jugement sur la validité de la signification de
l'ordonnance du 28 mai 1990. En conséquence, la
décision prise par le défendeur à cet égard ne
saurait être considérée comme s'appliquant néces-
sairement au présumé refus d'obtempérer à l'or-
donnance du 26 juillet 1988. Le défendeur Arthur
Ashby devra, dans les semaines de la date de la
présente ordonnance, indiquer, par la voix de son
avocat, s'il désire présenter des éléments de preuve
pour répondre aux accusations portées contre lui.
Les injonctions interlocutoires du 9 janvier 1990
En ce qui concerne le présumé refus d'obtempé-
rer aux deux ordonnances du 9 janvier 1990, j'ai
examiné la question de savoir si Arthur Ashby
s'était rendu coupable d'outrage au tribunal pour
avoir refusé d'obtempérer à ces ordonnances,
même s'il n'y est pas nommément désigné (son
nom figure dans l'intitulé de la cause, mais non
dans le dispositif de l'ordonnance). Arthur Ashby
s'est fait le complice du refus de Tom Ashby
d'obtempérer aux ordonnances. Il est acquis que le
père faisait affaire sous la raison sociale de A -Jay
Enterprises. C'est le père qui s'occupait d'obtenir
les vêtements contrefaits. Le père était présent au
moment de la vente des pulls d'entraînement qui a
eu lieu le 30 mars 1990. Il a assisté à la discussion
au cours de laquelle l'éventuelle vente de tee-shirts
contrefaits et les ventes en grosses quantités ont
été abordée. Il était au courant de l'existence des
injonctions interdisant la vente de ces articles. Il
savait qu'il était interdit à lui-même et à ses fils de
vendre, d'offrir en vente ou de distribuer les arti
cles en question. De fait, la preuve démontre à
l'évidence que c'est lui qui poussait son fils à agir.
Il est de jurisprudence constante qu'une per-
sonne qui n'est pas nommément désignée comme
partie dans une ordonnance peut se rendre coupa-
ble d'outrage au tribunal si elle s'est faite le com-
plice d'un refus d'obtempérer à cette ordonnance.
Ce principe a été fermement établi dans l'arrêt
Seaward v. Paterson, [1897] 1 Ch. 545 (C.A.). La
Cour d'appel a statué, à la page 554, que le
pouvoir que possède la Cour de condamner un tiers
pour outrage au tribunal repose sur le principe
que:
[TRADUCTION] Il est tenu, comme les autres citoyens, de ne
pas entraver ou gêner le cours de la justice et ce dont on doit, le
cas échéant, l'accuser, ce n'est pas d'avoir formellement violé
l'injonction, qui n'a aucunement été prononcée contre lui, mais
d'avoir aidé et incité d'autres personnes à défier la Cour et
d'avoir délibérément incité autrui à considérer l'ordonnance de
la Cour comme indigne d'attention.
Dans une remarque incidente, la Cour suprême du
Canada a adopté, dans l'arrêt T Poje v. A. G. for
British Columbia, [1953] 1 S.C.R. 516, aux pages
518 et 519, le raisonnement suivi dans l'arrêt
Seaward. La Cour a signalé la différence qui
existe, en matière d'outrage au tribunal; entre la
désobéissance effective à une injonction et ce qui
constitue une entrave à la justice (voir également
l'arrêt Baxter Travenol Laboratories of Canada
Ltd. et autres c. Cutter (Canada), Ltd., [1983] 2
R.C.S. 388 pour une affaire dans laquelle une
personne qui n'était pas liée par une injonction a
été déclarée coupable d'outrage au tribunal parce
qu'elle avait agi de façon à gêner la bonne admi
nistration de la justice ou à porter atteinte à une
ordonnance de la Cour; voir aussi l'arrêt Re
Gaglardi (1960), 27 D.L.R. (2d) 281 (C.A.C.-B.),
l'arrêt Beloit Can. Ltée./Ltd. c. Valmet Oy (1988),
18 C.T.P.R. 1 (C.A.F.) et le jugement Profekta
International Inc. c. Pearl Video Ltd. (1987), 16
C.I.P.R. 193 (C.F. 1'e inst.).
Par ailleurs, l'avocat n'a pas allégué devant moi
qu'Arthur Ashby s'était rendu coupable d'avoir
refusé d'obtempérer aux ordonnances du 8 janvier
1990 en raison d'actes qui auraient aidé et incité
Tom Ashby à désobéir à ces ordonnances. Il se
peut que le libellé des ordonnances de justification
du 9 avril 1990 n'appuie pas ce moyen. De toute
façon, comme il n'a pas été invoqué, je ne crois pas
que je devrais me fonder sur ce moyen. Étant
donné que je n'ai pas conclu qu'Arthur Ashby était
coupable d'un outrage au tribunal pour s'être fait
le complice du refus de son fils Tom d'obtempérer
aux ordonnances pertinentes, je ne crois pas qu'on
puisse déclarer Arthur Ashby coupable d'avoir
désobéi aux ordonnances du 8 janvier 1990. Ces
ordonnances ont été prononcées contre ses fils. Les
ordonnances dans lesquelles le père était nommé-
ment désigné ont été prononcées, comme je l'ai
déjà dit, antérieurement.
Les ordonnances Anton Pillar du 30 octobre 1989
En ce qui concerne les ordonnances Anton Pillar
du 30 octobre 1989, le moyen de défense invoqué
par Arthur Ashby est artificiel et peu convaincant.
Il s'agit d'une situation dans laquelle la connais-
sance de l'ordonnance à laquelle on a refusé d'ob-
tempérer est suffisante pour étayer une accusation
d'outrage au tribunal (voir, par exemple, Apple
Computer, Inc. c. Minitronics of Canada Ltd.,
[1988] 2 C.F. 265 (1'e inst.) et Di Giacomo v. Di
Giacomo Canada Inc. (1988), 20 C.P.R. (3d) 251
(H.C. Ont.). Il n'était pas nécessaire de signifier le
document à personne à Arthur Ashby en le lui
remettant en mains propres, d'autant plus qu'il
ressort à l'évidence des circonstances de l'espèce
qu'il n'était pas disposé, de toute façon, à obéir aux
ordres de la Cour. La remise d'une seconde série
de documents aurait été inutile. En conséquence,
la Cour déclare Arthur Ashby coupable d'avoir
refusé d'obtempérer aux deux ordonnances Anton
Pillar du 30 octobre 1989.
Peine
On m'a cité le jugement Hugo Boss c. Bruns-
wick et autres (T-1436-87, 14 septembre 1987),
dans lequel la Cour a ordonné le paiement d'une
amende de 1 000 $ et de frais de 1 500 $. On m'a
cité le jugement Guccio Gucci c. Cebuchier et
autres (T-408-88, 15 janvier 1990), dans lequel la
Cour a infligé une amende de 2 500 $ et des frais
de 1 000 $. On m'a cité le jugement Montres
Rolex S.A. et autres c. Herson et autres (1987),
15 C.P.R. (3d) 368 (C.F. 1Ce inst.), dans lequel une
amende de 2 000 $ a été appliquée, et le jugement
Guccio Gucci S.p.A. c. Silvert (1988), 18 C.I.P.R.
274 (C.F. lie inst.), dans lequel, dans le cas d'une
seconde infraction, la Cour a infligé une amende
de 5 000 $ et des frais de 2 000 $.
Les infractions commises en l'espèce révèlent un
mépris flagrant des droits des autres et des ordon-
nances de notre Cour. Les défendeurs trouveraient
monstrueux que quelqu'un entre par effraction
dans leur domicile ou leur commerce et y vole
leurs biens. Pourtant, ils n'ont aucun scrupule à
voler le bien d'autrui. Ils ne considèrent peut-être
pas comme du vol le fait de tirer profit des mar-
ques de commerce et des noms commerciaux d'au-
trui, mais c'est bien ce dont il s'agit. Le droit de
propriété qui est volé est tout simplement différent.
Il est évident qu'Arthur Ashby porte une responsa-
bilité plus lourde que son fils et, en conséquence,
les peines infligées pour chaque infraction
devraient être proportionnellement plus lourdes.
L'avocat des demanderesses s'est dit d'avis que les
peines infligées pour chaque infraction dans
chaque dossier devaient être infligées séparément.
Je conviens qu'il s'agit d'une solution appropriée.
DISPOSITIF
La Cour condamne Tom Ashby à une amende
de 1 500 $ pour chacune des infractions qu'il a
commises (pour un total de 6 000 $). Arthur
Ashby devra payer une amende de 3 000 $ pour
chacune des infractions qu'il a commises en refu-
sant d'obtempérer aux ordonnances du 30 octobre
1989 (un total de 6 000 $ imputable aux ordonnan-
ces du 30 octobre 1989). De plus, la Cour con-
damne les défendeurs aux dépens de la présente
action sur une base procureur-client, lesquels sont
fixés à 2 400 $. Les défendeurs les verseront aux
demanderesses selon la proportion qu'ils convien-
dront ou en les partageant moitié-moitiq. Ces
sommes devront être réglées dans les 30 jours de la
date de la présente ordonnance. En cas de défaut
de paiement des amendes et des dépens dans ce
délai de 30 jours, les demanderesses, ou l'une ou
l'autre d'entre elles, pourront présenter une
demande en vue de faire incarcérer les défendeurs,
dans le cas de Tom Ashby, pour une période
maximale de 30 jours, dans le cas d'Arthur Ashby,
pour une période maximale de 60 jours. Par l'en-
tremise de son avocat, le défendeur Arthur Ashby
indiquera à la Cour par une lettre adressée et
envoyée à l'administrateur régional du bureau
local de Toronto s'il a l'intention de présenter des
éléments de preuve pour répondre aux éléments de
preuve qui ont été présentés au sujet de son pré-
sumé refus d'obtempérer à l'ordonnance du 26
juillet 1988. Si cette lettre n'est pas reçue dans les
deux semaines de la date de la présente ordon-
nance, la Cour rendra un jugement à partir du
dossier actuel. Si Arthur Ashby désire présenter
des éléments de preuve, la Cour prononcera une
ordonnance fixant la date, l'heure et le lieu de
cette audience.
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