Jugements

Informations sur la décision

Contenu de la décision

T-1174-87
Banco do Brasil S.A. (demanderesse) c.
Le propriétaire et toutes les autres personnes ayant un droit sur le navire Alexandros G. Tsavli- ris et le navire Alexandros G. Tsavliris (défen- deurs)
et
Nikolas Hiotis, en son propre nom et au nom de l'équipage du navire Alexandros G. Tsavliris (intervenants)
et
Pan American Steamship Lines Inc. et European - Overseas Steamship Lines N.V. (deuxièmes intervenantes)
et
Astrapi Maritime Limited (troisième interve- nante)
et
Zodiac Maritime Agencies Ltd. (quatrième intervenante)
T-1381-87
Pan American Steamship Lines Inc. et Europe- Overseas Steamship Lines N.V. (demanderesses)
c.
Le Navire Alexandros G. Tsavliris, Panalex Ship ping Company Limited et toutes les autres person- nes ayant un droit sur le navire Alexandros G. Tsavliris et Banco do Brasil S.A. (défendeurs)
RÉPERTORIÉ: BANCO DO BRASIL S.A. c. ALEXANDROS G. TSAVLIRIS (LE) (I' INST.)
Section de première instance, juge Strayer — Ottawa, 15 août 1990.
Pratique Jugements et ordonnances Annulation ou modification Avant que la minute du jugement ne soit enregistrée, l'un des défendeurs a demandé le réexamen des motifs de jugement La Règle 303(1) des Règles accorde ce
pouvoir à la Cour Requête accueillie en partie Le
passage auquel on s'oppose est une remarque incidente Le
passage est supprimé Cependant, comme la défenderesse a
tenté de rouvrir le débat sur des questions déjà examinées au procès et comme la suppression de la remarque incidente n'aura aucun effet sur la cause, les dépens sont adjugés à l'autre partie.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règle 303(1),(2).
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Yost c. Le Directeur nommé en vertu de la Loi ana- inflation, [1980] 2 C.F. 720 (C.A.); Shairp c. M.R.N., [1989] 1 C.F. 562; [1988] 2 C.T.C. 344; (1988), 88 DTC 6484; 93 N.R. 396 (C.A.).
Requête jugée sur dossier sans comparution des parties.
PROCUREURS:
Campney & Murphy, Vancouver, pour Banco do Brasil.
Bull, Housser & Tupper, Vancouver, pour Pan American Steamship Lines Inc. et autres.
Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par
LE JUGE STRAYER: Le 27 avril 1990, j'ai pro- noncé des motifs de jugement dans les présentes actions [voir ci-dessus, à la page 260]. J'ai donné gain de cause aux affréteurs (intervenantes et demanderesses reconventionnelles dans le dossier T-1174-87, demanderesses dans le dossier T-1381-87) et j'ai rejeté les prétentions de Banco do Brasil S.A. («la Banque») (demanderesse et défenderesse reconventionnelle dans le dossier T-1174-87 et défenderesse dans le dossier T-1381-87). J'ai demandé aux avocats de rédiger la minute du jugement et de me la soumettre pour ratification. Avant de donner suite à cette demande, l'avocat de la Banque a déposé un avis de requête dans lequel il a demandé le réexamen des motifs de jugement. La Banque a notamment relevé le passage suivant de mes motifs de jugement:
La Banque n'a présenté aucun argument convaincaint permet- tant de dire que le locus du délit reproché était un autre pays. Elle a laissé entendre que la légalité de ses actes devrait être déterminée à la lumière du droit du Panama, mais aucune preuve n'a été présentée au sujet de la loi du Panama à cet égard. En l'absence de preuve dans le sens contraire, je dois présumer que, sur ce point, le droit du Panama serait identique à la lex fori, c'est-à-dire le droit du Canada.
La Banque soutient essentiellement que j'ai de ce fait conclu que le droit du Panama était identique à celui du Canada, mais que j'ai ensuite négligé de me pencher sur les conséquences d'une telle con-
clusion. La Banque soutient essentiellement que si le droit du Panama est identique à celui du Canada en ce qui a trait à la responsabilité délic- tuelle du créancier hypothécaire qui saisit un navire affrété qui est grevé d'une hypothèque, la menace de saisie au Panama aurait été remédiable et les affréteurs ne peuvent réclamer des domma- ges-intérêts pour avoir fait le tour de l'Amérique du Sud par mer pour éviter que leur navire affrété soit saisi au Panama. Les affréteurs affirment essentiellement que les règles de droit du Panama relatives à la responsabilité des créanciers hypothé- caires pour entrave à l'exécution d'un contrat d'af- frètement par un navire hypothéqué sont dénuées de pertinence en l'espèce et que les motifs de jugement n'étaient pas censés contenir de conclu sion à ce sujet.
Les affréteurs ont également soulevé une excep tion de procédure contre la présente requête, en faisant valoir qu'un tel recours ne pouvait être exercé en vertu des Règles de la Cour fédérale [C.R.C., chap. 663]. Bien que cette question m'ait causé certaines difficultés, j'estime qu'il est loisible à la Banque de présenter une telle requête. Cette requête est probablement justifiée en vertu de la Règle 303(1) des Règles, qui permet à la Cour «à tout stade d'une procédure ... [d'] ordonner qu'un document afférent à la question soit rectifié». La Règle 303(2) prévoit que cette procédure ne s'ap- plique pas aux jugements et aux ordonnances. En l'espèce, il n'est pas question d'un jugement ou d'une ordonnance, mais bien de mes motifs, et comme aucun jugement n'a encore été rendu pour donner effet à ces motifs, j'estime que je peux les modifier. Cela semble s'accorder avec une certaine jurisprudence de la Cour d'appel fédérale'.
Il est évident que le passage précité auquel la Banque s'oppose était une remarque incidente. Après avoir conclu que le délit s'était produit en Angleterre, je renforçais simplement cette conclu sion en soulignant qu'il n'y avait pas de preuve cohérente permettant de conclure à un autre locus. Il est vrai qu'au cours du débat, la Banque a insisté sur le fait que si elle avait été opérée par la Banque au Panama, la saisie aurait été légale en droit panaméen; cependant, dans le contexte du passage
' Voir, par ex., les décisions Yost c. Le Directeur nommé en vertu de la Loi anti-inflation, [1980] 2 C.F. 720 (C.A.); et Shairp c. M.R.N., [1989] 1 C.F. 562 (C.A.).
précité, je signalais simplement qu'on ne m'avait présenté aucun élément de preuve au sujet de ce que serait le droit du Panama à l'égard de la responsabilité du créancier hypothécaire envers les affréteurs dans ces circonstances. En d'autres termes, je faisais allusion à la question de savoir s'il existe en droit panaméen un délit d'entrave injustifiée de la part d'un créancier hypothécaire à l'exécution d'une charte-partie par un navire hypo- théqué. Si le délit avait été commis au Panama, il m'aurait fallu en arriver à une conclusion sur cette question afin de déterminer si un tel acte était «injustifiable» selon le droit du Panama, pour pou- voir établir si les affréteurs pouvaient obtenir gain de cause devant les tribunaux canadiens.
Il ressort à l'évidence de l'ensemble de mes motifs de jugement que j'ai conclu que le délit avait été commis en Angleterre et que, comme il faisait l'objet d'une poursuite devant un tribunal canadien, ce délit devait ouvrir droit à une action en responsabilité civile délictuelle au Canada et ne pas être justifiable en Angleterre. Le droit pana- méen n'était pertinent que pour établir la réalité de la menace de saisie au Panama. Je suis d'accord avec l'avocat pour dire qu'on a présumé durant toute l'affaire que cette menace était réelle. Pour cette raison, mes commentaires précités n'étaient nécessaires à aucune des conclusions essentielles tirées dans cette affaire, car j'évoquais seulement une situation hypothétique en signalant que si l'on devait prétendre sérieusement que le Panama était le locus du délit reproché, il me faudrait alors soit obtenir davantage d'éléments de preuve établissant que ce délit ouvrait droit à une poursuite entre la Banque et les affréteurs soit, en l'absence de tels éléments de preuve, présumer que, comme au Canada, cette entrave ne serait pas «justifiable» entre le créancier hypothécaire et les personnes étrangères à l'hypothèque (les affréteurs). Le pas sage en question est superflu et par conséquent, en réponse à la demande de la Banque, je retranche ce paragraphe de mes motifs.
Il me semble qu'une grande partie des préten- tions que la Banque a avancées dans les observa tions écrites qu'elle a déposées à l'appui de la présente requête ne font en réalité que reprendre les prétentions qu'elle a formulées au procès en affirmant qu'une simple menace de saisie qui n'est pas mise à exécution ne constitue pas un délit et
qu'on ne peut obtenir de dommages-intérêts pour entrave injustifiée causée par le créancier hypothé- caire à l'exécution d'un contrat d'affrètement par un navire hypothéqué. De plus, c'est une répétition de la thèse de la Banque qui, à mon avis, confond les droits que le créancier hypothécaire peut faire valoir contre le débiteur hypothécaire avec les droits qu'il peut exercer contre les tiers de bonne foi qui ont affrété le navire hypothéqué. encore, cela constitue en partie un réexamen de questions litigieuses qui ont déjà été analysées au procès et, dans mes motifs, je n'ai pas l'intention de m'y attarder davantage. J'ai bien précisé que je rejetais les prétentions de la Banque sur ces questions. Les conclusions que j'ai tirées au sujet du droit cana- dien sur cette question seront sans doute révisées en temps utile par une juridiction supérieure. Cela suffit.
Bien que la Banque ait obtenu en partie gain de cause à l'égard de la présente requête, je ne vois pas comment la suppression de ce qui constitue de toute évidence une remarque incidente a pu faire avancer sa cause de façon appréciable. Les dépens de la présente requête feront donc partie des dépens du principal, que j'ai accordés aux affréteurs.
 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.