A-1268-84
Lubrication Engineers, Inc. (appelante) (intimée)
c.
Conseil canadien des ingénieurs (intimé) (appe-
lant)
RÉPERTORIÉ: CONSEIL CANADIEN DES INGÉNIEURS C. LUBRI
CATION ENGINEERS, INC. (C.A.)
Cour d'appel, juge Urie, J.C.A.—Ottawa, 8 et 16
mai 1990.
Pratique — Plaidoiries — Modifications — Demande de
l'intimé de produire des éléments de preuve supplémentaires et
de modifier la déclaration d'opposition dans le cadre de l'ap-
pel à l'encontre du jugement de première instance qui déclarait
que la marque de commerce de l'appelante «Lubrication Engi
neers» n'était pas enregistrable — L'intimé cherche à produire
en preuve les avis conformes à l'art. 9 de la Loi sur les
marques de commerce publiés 10 ans après la déclaration
d'opposition et 5 ans après le jugement de première instance —
L'intimé cherche aussi à modifier sa déclaration d'opposition
de façon à y ajouter un motif d'opposition à l'enregistrement
prévu à l'art. 9 et à l'art. 12 — La demande est rejetée —
Examen des règles applicables à la modification des plaidoi-
ries à l'étape de l'appel — Aucune explication n'est donnée du
temps très long écoulé entre la demande d'enregistrement et la
publication des avis conformes à l'art. 9 — On n'a pas
démontré que les nouveaux éléments de preuve n'auraient pu
être connus ni obtenus avant la fin du procès en faisant preuve
de diligence raisonnable — Le pouvoir discrétionnaire d'ad-
mettre des éléments de preuve supplémentaires prévu à la
Règle 1102 est exercé de façon à causer le moins d'injustice —
L'incurie de l'intimé sera la cause des frais supplémentaires
dans l'éventualité d'autres poursuites — L'appelante pourra
répondre aux observations relatives à l'art. 9 dans le cadre de
nouvelles poursuites — La modification de la déclaration
d'opposition ne repose pas sur le fondement factuel nécessaire.
Marques de commerce — Enregistrement — Le jugement de
première instance a déclaré non enregistrable la marque
«Lubrication Engineers» — Demande à l'étape de l'appel
visant la production d'avis conformes à l'art. 9 postérieurs à la
déclaration d'opposition et au jugement de première instance
— Demande rejetée — Aucune explication des 10 ans écoulés
entre la déclaration d'opposition et la publication des avis —
Si de nouvelles poursuites étaient nécessaires, elles seraient
imputables à l'incurie de l'intimé, et l'appelante aurait la
possibilité de répondre aux observations relatives à l'art. 9 —
Aucun fondement factuel ne justifie la modification de la
déclaration d'opposition.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi sur les marques de commerce, S.R.C. 1970, chap.
T-10, art. 12(1)b).
Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), chap.
T-13, art. 9(1)n)iii), 12(1)e), 18(1)a).
Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règles
1102, 1104.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS EXAMINÉES:
The SS «Tordenskjold» v. The SS Euphemia (1908), 41
R.C.S. 154; 6 E.L.R. 90; C.N.R. v. Muller, [1934] 1
D.L.R. 768; (1933), 41 C.R.C. 329 (C.S.C.); Kingsdale
Securities Co. Ltd. c. M.R.N., [1974] 2 C.F. 760; [1973]
CTC 230; 73 DTC 5194 (C.A.); Lamb v. Kincaid (1907),
38 R.C.S. 516; 27 C.L.T. 489; Assoc. Olympique Cana-
dienne c. Allied Corp., [1990] 1 C.F. 769 (C.A.).
DÉCISIONS CITÉES:
Mercer et al. v. Sijan et al. (1976), 14 O.R. (2d) 12; 72
D.L.R. (3d) 464; 1 C.P.C. 281 (C.A.); Conseil canadien
des ingénieurs c. Lubrication Engineers, Inc., [1985] 1
C.F. 530; (1984), I C.P.R. (3d) 309 (1'Inst).
AVOCATS:
Michael D. Manson pour l'appelante (inti-
mée).
Elizabeth G. Elliot pour l'intimé (appelant).
PROCUREURS:
Smart & Biggar, Ottawa, pour l'appelante
(intimée).
Macera & Jarzyna, Ottawa, pour l'intimé
(appelant).
Ce qui suit est la version française des motifs
de l'ordonnance rendus par
LE JUGE URIE, J.C.A.: Par sa demande, l'intimé
sollicite a) une ordonnance conforme à la Règle
1102 [Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap.
663] lui permettant de produire des éléments de
preuve supplémentaires dans le cadre de l'appel, et
b) une ordonnance conforme à la Règle 1104 lui
permettant de modifier sa déclaration d'opposition
de façon à y ajouter un autre motif d'opposition à
l'enregistrement de la marque de commerce
«Lubrication Engineers» de l'appelante.
En bref, les faits non contestés sont les suivants:
Le 10 janvier 1977, l'appelante a déposé une
demande d'enregistrement de la marque de com
merce «Lubrication Engineers» pour les marchan-
dises décrites comme suit:
«des graisses épaissies, des lubrifiants graphités pour rouleaux,
des lubrifiants pour engrenages, des lubrifiants pour coussinets
de roue, des graisses fibreuses, de l'huile pour moteur, du
lubrifiant diesel, de l'huile frigélisée, de l'huile pour cueilleuse à
coton, de l'huile à cylindre de machines à vapeur»,
en se fondant sur l'usage de la marque au Canada
depuis le 8 novembre 1965 et sur l'usage et l'enre-
gistrement de la marque aux E.-U.
L'intimé s'opposait à la demande pour quatre
motifs. L'appelante a déposé un contre-mémoire.
Le régistraire des marques de commerce a rejeté
chacun des motifs d'opposition.
L'intimé a interjeté appel contre la décision du
régistraire auprès de la Section de première ins
tance, qui a rendu sa décision le 12 octobre 1984
[[1985] 1 C.F. 530; (1984) 1 C.P.R. (3d) 309
(T.D.)]. La Section de première instance a statué
que la marque de commerce proposée constituait
clairement une description claire ou une descrip
tion fausse et trompeuse de la nature ou de la
qualité des marchandises de l'intimé, et qu'elle
contrevenait par conséquent à l'alinéa 12(1)b) de
la Loi sur les marques de commerce [S.R.C. 1970,
chap. T-10] (la «Loi»). Le présent appel est à
l'encontre de cette décision.
Le 21 juin 1989, le régistraire a donné, confor-
mément au sous-alinéa 9(1)n)(iii) de la Loi
[L.R.C. (1985), chap. T-13], avis public de l'adop-
tion et de l'emploi par l'intimé des marques
suivantes:
i) Engineer
ii) Ingénieur
iii) Ing.
iv) Ingénierie
y) Engineering
vi) Consulting Engineer
vii) Ingénieur Conseil
viii) Professional Engineer
ix) P. Eng.
L'intimé soutient que les avis conformes à
l'article 9 constituaient un empêchement à l'enre-
gistrement, notamment, de la marque de com
merce ,.«Engineer». Conséquemment, affirme-t-il,
les avis, devraient également faire obstacle à l'enre-
gistrement de la marque «Lubrication Engineers».
Subsidiairement, l'intimé a fait valoir que l'exis-
tence des avis conformes à l'article 9 est pertinente
à la détermination de la question dont la Cour est
saisie, savoir le caractère enregistrable de la
marque de commerce «Lubrication Engineers» en
liaison avec des lubrifiants.
Voici le libellé du sous-alinéa 9(1)n)(iii) de la
Loi:
9. (1) Nul ne peut adopter à l'égard d'une entreprise comme
marque de commerce ou autrement, une marque composée de
ce qui suit, ou dont la ressemblance est telle qu'on pourrait
vraisemblablement la confondre avec ce qui suit:
n) tout insigne, écusson, marque ou emblème
(iii) adopté et employé par une autorité publique au
Canada comme marque officielle pour des marchandises
ou services,
à l'égard duquel le registraire, sur la demande de Sa Majesté
ou de l'université ou autorité publique, selon le cas, a donné un
avis public d'adoption et emploi;
L'alinéa 12(1)e) prévoit ce qui suit:
12. (1) Sous réserve de l'article 13, une marque de com
merce est enregistrable sauf dans l'un ou l'autre des cas
suivants:
e) elle est une marque dont l'article 9 ou 10 interdit
l'adoption.
Ni dans sa déclaration d'opposition, ni dans sa
déclaration d'opposition modifiée l'intimé s'est-il
opposé à l'enregistrement de la marque de l'appe-
lante sur le fondement de l'article 9 de la Loi. Il
demande maintenant à être autorisé à modifier de
nouveau sa déclaration d'opposition de façon à
ajouter un motif d'opposition à l'enregistrement
des mots «Lubrication Engineers» en tant que
marque de commerce en se fondant sur l'empêche-
ment à cet enregistrement prévu au sous-alinéa
9(1)n)(iii) et à l'alinéa 12(1)e) de la Loi. À l'appui
de ce qui précède, l'intimé cherche aussi à produire
en preuve devant la Cour les copies certifiées des
avis conformes à l'article 9 énumérés plus haut.
Les principes applicables à la modification des
actes de procédure à l'étape de l'appel sont bien
connus et ils ont été résumés avec compétence par
le juge Duff (tel était alors son titre) dans l'arrêt
The SS «Tordenskjold» v. The SS «Euphemia»
(1908), 41 R.C.S. 154, aux pages 163 et 164
lorsqu'il a dit:
[TRADUCTION] Le principe qui devrait servir de guide à une
cour d'appel lorsque lui est présentée une vue des faits qui n'a
pas été avancée plus tôt, est exposé par Lord Herschell dans
l'arrêt The «Tasmania» (1) à la page 225, de la façon suivante:
Mes Seigneurs, je pense qu'on devrait examiner d'une
manière très minutieuse un point comme celui-ci qui n'a pas
été soulevé en première instance et est présenté pour la
première fois en cour d'appel. Le déroulement d'un procès en
première instance est commandé par les points qui y sont
soulevés et les questions posées aux témoins s'y rapportent.
Et il est évident qu'on ne se soucie pas d'élucider les faits qui
ne concernent pas ces points.
Il me parait que, dans les circonstances, une cour d'appel
ne devrait statuer en faveur d'un appelant sur un motif qui
est soulevé pour la première fois que si elle est indubitable-
ment convaincue d'une part qu'on lui a soumis tous les faits
relatifs à la nouvelle prétention, aussi complètement qu'on
l'aurait fait si la controverse était survenue en première
instance; et d'autre part que les témoins dont la conduite est
mise en cause n'auraient pu offrir d'explication satisfaisante
s'ils avaient eu l'occasion de s'expliquer quand ils étaient à la
barre des témoins.
Le juge en chef Duff a de nouveau étudié une
demande d'autorisation de modifier un acte de
procédure après procès dans l'arrêt C.N.R. v.
Muller, [1934] 1 D.L.R. 768 (C.S.C.), à la
page 777:
[TRADUCTION] Règle générale, une modification nécessaire
devrait 'être autorisée pourvu que la partie qui la demande
agisse de bonne foi et que la modification ne cause pas à la
partie adverse un préjudice que les frais ne sauraient'compen-
ser. La modification peut être autorisée à toute étape de la
procédure, mais différentes considérations s'appliquent à diffé-
rentes étapes. En l'espèce, la demande vise la modification de
l'acte de procédure de la compagnie elle-même, dont la néces-
sité était évidente longtemps avant le procès si la compagnie
souhaitait se servir de la preuve, mais aucune demande à cet
égard n'a été faite avant le lendemain de la clôture de la preuve
de l'intimé. Aucun affidavit n'accompagnait la demande, au
moment où elle a été faite, pour expliquer le retard. ` Dans de
telles circonstances, j'estime tout comme l'instance inférieure
que le juge de première instance a correctement exercé son
pouvoir discrétionnaire.
Cette Cour a eu l'occasion d'étudier, dans l'arrêt
Kingsdale Securities Co. Ltd. c. M.R.N., [1974] 2
C.F. 760 (C.A.), la présentation d'une observation
faite dans le cadre d'une plaidoirie après procès,
observation qui n'avait pas été plaidée et à l'appui
de laquelle aucune preuve n'avait été présentée au
cours du procès. La Cour s'est appuyée sur le
passage tiré de l'arrêt «Tasmania» cité par le juge
Duff dans l'arrêt, Tordenskjold ainsi que sur le
jugement de la Cour suprême du Canada dans
l'arrêt Lamb v. Kincaid (1907), 38 R.C.S. 516, à
la page 539. Voici ce que j'ai dit à la page 773 de
mes motifs de jugement, auxquels a souscrit le
juge Ryan:
Il y a beaucoup d'autres arrêts dans le même sens, mais
contrairement aux affaires dans lesquelles le moyen nouveau a
été soulevé pour la première fois en appel, en l'espèce il l'a été
au cours des débats devant le savant juge de première instance.
Cependant, à ce moment-là les deux parties avaient déjà ter-
miné leur plaidoyer de sorte que le défendeur, à ce stade, ne
pouvait plus produire de preuve pour réfuter l'argument; par
conséquent, les mêmes principes devaient s'appliquer. Probable-
ment le défendeur avait déjà produit des preuves pertinentes
pour répliquer aux arguments invoqués contre lui. On ne
devrait pas placer cette cour ni le juge de première instance
dans la situation d'avoir à décider si toutes les preuves possibles
ont été opposées à chacun des moyens soulevés par l'autre
partie, à moins que cette cour ou le juge de première instance
soit parfaitement convaincu que toutes les preuves requises
permettant au défendeur de réfuter le nouveau moyen du
demandeur ont été présentées.
L'avocat de l'appelante soutient évidemment
que l'autorisation d'apporter la modification pro
posée à ce stade avancé de la procédure léserait
l'appelante, car la modification eut-elle été plaidée
par l'intimé dans son avis d'opposition révisé,
l'avocat de l'appelante aurait réfuté l'allégation en
produisant des éléments de preuve pour démontrer
que:
a) les marques officielles alléguées n'ont pas été employées ni
adoptées par l'intimé;
b) l'intimé n'a aucunement qualité d'autorité publique; et
c) la marque de commerce «Lubrication Engineers» de l'appe-
lante ne se compose pas de la marque officielle alléguée de
l'intimé et sa ressemblance avec elle n'est pas telle que son
enregistrement devrait être prohibé.
Je n'ai pas l'intention de chercher à savoir dans
le cadre de cette requête si les arguments a) et b)
sont fondés car pour le faire, il faudrait étudier la
prétention selon laquelle dès lors que l'avis con-
forme à l'article 9 est rendu, la Cour ne saurait
l'examiner pour en établir la validité. Je n'ai pas à
me prononcer sur cette prétention afin de statuer
sur la requête car la prétention en cause ne porte
pas atteinte à l'argument exposé à l'alinéa c). Je
suis d'avis que si elle avait été plaidée, l'appelante
aurait été en droit de soumettre des preuves au
registraire, si elles étaient disponibles et si cela
était nécessaire ou possible, à l'appui de son argu
ment. Naturellement, cela n'est pas possible
maintenant.
J'estime aussi qu'il ne faut pas décider la ques
tion de la modification de la déclaration d'opposi-
tion avant d'avoir étudié la demande complémen-
taire visant l'autorisation de présenter comme
preuve supplémentaire en appel des copies certi
fiées des avis publiés dans le Journal des marques
de commerce conformément à l'article 9 de la Loi.
Il convient peut-être de souligner à ce point-ci que
l'intimé n'a pas fait cette demande avant le 20
février 1990, la suite du jugement inédit de cette
Cour dans l'affaire Assoc. Olympique Canadienne
c. Allied Corp., [1990] 1 C.F. 769 dans lequel la
Cour a statué comme suit aux pages 774 et 775 de
ses motifs relativement à la publication d'un avis
public:
L'article 9 de la Loi porte dans son ensemble sur l'adoption,
et l'interdiction d'adoption est exprimée au futur dans la ver
sion anglaise (»no person shall adopt»). Le sous-alinéa
9(1)n)(iii) interdit par conséquent l'adoption d'une marque de
commerce «dont la ressemblance est telle qu'on pourrait vrai-
semblablement la confondre avec» une marque adoptée par une
autorité publique à l'égard de laquelle le registraire «a donné»
(passé composé) un avis public. Par conséquent, il n'interdit pas
rétroactivement l'adoption de marques de commerce. Il n'a
qu'une application prospective.
L'article 12 de la Loi, qui porte sur l'enregistrement, emploie
le présent («une marque dont l'article 9 ... interdit l'adop-
tion»). Il rend par conséquent non enregistrable une marque de
commerce qui n'a pas encore été enregistrée et dont l'adoption
irait à l'encontre de l'article 9, même si cette marque a été
adoptée et employée avant que ne soit donné l'avis public visé à
l'article 9.
En somme, les libellés respectifs des dispositions d'adoption
et d'enregistrement ne sont pas parallèles. Les droits d'emploi
d'une marque qui peuvent découler de son adoption ne sont pas
touchés par l'adoption et l'emploi subséquents d'une marque
officielle semblable au point de porter à confusion; toutefois, le
droit d'enregistrer la marque n'existe plus à compter du
moment où l'avis public est donné.
En se fondant sur ce qui précède, l'intimé sou-
tient que puisque les avis ont été publiés et que la
marque de commerce de l'appelante n'a pas encore
été enregistrée, il existe une interdiction absolue à
l'égard de son enregistrement, fait qui sera con-
cluant pour l'issue de cet appel. Cela étant, a-t-on
dit, la requête visant l'admissibilité en preuve des
avis conformes à l'article 9 devrait être accueillie
afin d'éviter d'autres poursuites et les frais inutiles
qu'elles entraîneraient. Les autres poursuites envi
sagées par l'intimé se fonderaient sur l'alinéa
18(1)a) de la Loi qui prévoit que «l'enregistrement
d'une marque de commerce est invalide [si] la
marque de commerce n'était pas enregistrable à la
date de l'enregistrement».
Il ne fait aucun doute que si l'intimé a raison
d'affirmer que la marque de commerce de l'appe-
lante ressemble à tel point à la marque officielle de
l'intimé que son enregistrement sera prohibé, les
avis conformes à l'article 9 seront concluants et
l'appelante sera déboutée de son appel. Cependant,
il n'est certainement pas assuré que cette préten-
tion l'emporterait. Il ne fait non plus aucun doute
que la preuve que l'on se propose de produire est
crédible. Ces deux questions fournissent deux
volets du critère tripartite relatif à la recevabilité
de nouveaux éléments de preuve à ce stade-ci des
procédures. (Voir l'arrêt Mercer et al. v. Sijan et
al. (1976), 14 O.R. (2d) 12 (C.A.), à la page 17.)
La troisième branche, soit celle qui veut que les
nouvelles preuves n'auraient pu être connues ni
obtenues en usant de diligence raisonnable avant la
fin du procès, est beaucoup moins claire. La date
du premier emploi de la marque de commerce au
Canada par l'appelante est le 8 novembre 1965.
L'appelante a présenté sa demande d'enregistre-
ment de cette marque le 10 janvier 1977, et elle a
été révisée le 12 décembre 1978. La déclaration
d'opposition modifiée de l'intimé, qui ajoutait de
nouveaux motifs d'opposition à ceux contenus dans
la déclaration originale, porte la date du 7 février
1979. Ce n'est que dix ans plus tard, en 1989, que
l'intimé a fait les demandes fondées sur l'article 9
en vue de la publication des avis officiels; ceux-ci
ont été publiés le 21 juin 1989. À l'audition de la
requête, l'avocate de l'intimé a été incapable de
donner une explication acceptable de la lenteur de
son client à demander un avis public de ses mar-
ques de commerce, et le dossier n'explique pas
davantage ce retard. Compte tenu de tout ce qui
précède, on ne peut dire que l'intimé a satisfait au
troisième volet du critère dont il est question plus
haut.
Cela étant dit, je dois tenir compte du fait que
selon la Règle 1102, la Cour peut, à sa discrétion,
pour des raisons spéciales, recueillir ou compléter
la preuve sur toute question de fait. Je dois aussi
me rappeler que ce pouvoir discrétionnaire doit
s'exercer conformément aux principes que les tri-
bunaux ont élaborés et qui sont mentionnés plus
haut, et je dois également me souvenir que quelle
que soit la décision, elle doit causer aux parties le
moins d'injustice possible. Je suis d'avis que le
rejet de la demande de production de preuves
supplémentaires créerait le moins d'injustice
possible.
Les lenteurs à demander la publication des avis
officiels et aussi, une fois ces avis publiés, à présen-
ter cette demande, sont inexplicables et entière-
ment imputables à l'intimé. Si, comme consé-
quence du rejet, il lui était nécessaire de continuer
les poursuites, les frais qu'il subira seront directe-
ment attribuables à son incurie.
D'autre part, cette incurie a privé l'appelante de
la possibilité de produire des preuves à l'appui de
sa position selon laquelle les avis conformes à
l'article 9 ne constituent pas un empêchement à
l'enregistrement de sa marque. Si l'intimé cherche
à présenter son argument à l'appui de ses observa
tions relatives à l'article 9 dans de nouvelles pour-
suites, comme son avocate a laissé entendre que
c'était le cas, l'appelante aura la possibilité suffi-
sante d'y répondre et de le contester de toute façon
qu'elle jugera indiquée et que la Cour autorisera.
Naturellement, cela pourra ne jamais être néces-
saire si l'appelante devait être déboutée de son
appel, le dossier restant dans son état actuel, puis-
que l'intimé, ayant réussi à faire confirmer le
jugement de première instance, n'aura pas à recou-
rir à ses prétentions fondées sur l'article 9.
Si je rejette la demande d'autorisation de pro-
duire des éléments de preuve supplémentaires dans
le cadre de l'appel, comme j'entends le faire, la
modification proposée de la déclaration d'opposi-
tion n'aurait pas le fondement factuel nécessaire
pour être autorisée, de sorte qu'elle aussi sera
rejetée.
La demande est conséquemment rejetée avec
dépens.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.