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A-76-89
Le ministre des Finances du Canada, le ministre de la Santé nationale et du Bien-être social du Canada et le procureur général du Canada (appe- lants) (défendeurs)
C.
Robert James Finlay (intimé) (demandeur)
et
Le procureur général du Manitoba (intervenant)
RÉPERTORIÉ: FINIAY C. CANADA (MINISTRE DES FINANCES)
(C.A.)
Cour d'appel, juges Pratte, Hugessen et MacGui- gan, J.C.A.—Winnipeg, 29, 30 et 31 mai; Ottawa, 6 juillet 1990.
Santé et bien-être social Le Régime d'assistance publique du Canada (le Régime) prévoit la participation du gouverne- ment fédéral aux dépenses engagées par les provinces au titre de l'aide sociale et des services de protection sociale Pour recouvrer des paiements en trop, le Manitoba ramenait les allocations d'aide sociale versées aux personnes nécessiteuses à un montant inférieur au niveau minimal des ((besoins fonda- mentaux» prévu dans le Régime Légalité des contributions versées par le ministre fédéral des Finances et des certificats délivrés par le ministre de la Santé nationale et du Bien-être social au Manitoba conformément à l'art. 7 du Régime d'as- sistance publique du Canada compte tenu du fait que des dispositions de la Loi sur l'aide sociale du Manitoba autori- sent de telles retenues Faut-il enjoindre au ministre des Finances de ne pas verser d'autres contributions au Manitoba conformément au Régime ou à l'accord fédéral-provincial conclu aux termes du Régime tant que la loi provinciale n'aura pas été modifiée pour faire en sorte que les allocations ne tombent pas sous le niveau minimal des besoins fondamen- taux? Fixation des taux d'aide sociale par les municipalités L'approbation de la province n'est pas requise Jugement déclarant que les taux doivent être établis par l'autorité pro- vinciale désignée.
Le Régime d'assistance publique du Canada (le Régime) prévoit la participation du gouvernement fédéral aux dépenses engagées par les provinces au titre de l'aide sociale et des services de protection sociale fournis aux «personnes nécessiteu- ses». En 1967, le ministre de la Santé nationale et du Bien-être social et la province du Manitoba ont conclu un accord aux termes du Régime au sujet de ces contributions fédérales.
Au Manitoba, les contributions relatives au partage des coûts versées par le gouvernement fédéral aux personnes nécessiteu- ses étaient régies par deux lois provinciales, à savoir la Loi sur l'aide sociale et la Loi sur les municipalités. Le Manitoba était la seule province n'exigeant pas d'approuver les taux fixés par les municipalités.
L'intimé est un résident du Manitoba qui était admissible à l'aide sociale en vertu de la Loi sur l'aide sociale du Manitoba car l'incapacité permanente dont il souffrait, qui comprenait une forme aiguë d'épilepsie, ne lui permettait pas de travailler pour subvenir à ses besoins. A trois occasions, il a reçu des
paiements en trop s'élevant à 207,70 $, 109 $ et 796 $. La politique de la province concernant le recouvrement des paie- ments en trop consistait à recouvrer 5 % de l'allocation totale, ou la totalité de la portion de l'allocation destinée à subvenir aux «besoins personnels».
Le juge de première instance a conclu que le recouvrement d'une partie ou de la totalité d'un paiement en trop d'un bénéficiaire qui reçoit le montant minimum d'aide pour couvrir ses besoins essentiels causait un préjudice injustifié à ce dernier et contrevenait à l'accord conclu entre le Manitoba et le gouvernement du Canada. Les contributions versées par le ministre des Finances et les certificats délivrés par le ministre de la Santé nationale et du Bien-être social cdnformément au paragraphe 7(1) du Régime ont été déclarés illégaux tant que la législation provinciale permettrait de réduire une allocation à un montant inférieur au seuil des besoins fondamentaux pour recouvrer des créances relatives à des paiements en trop et il a également été ordonné au ministre des Finances de s'abstenir de verser d'autres paiements à la province conformément au régime ou à l'accord. Quant à la fixation des taux d'aide sociale, le juge de première instance a conclu que la province n'était pas tenue de fixer les taux des prestations d'aide sociale versées par une municipalité et n'était pas tenue d'approuver expressément ces taux. La province pouvait permettre à une municipalité de fixer ses propres taux d'aide sociale pourvu que le test approprié concernant les besoins soit appliqué.
Il s'agit d'un appel formé contre le jugement déclaratoire et l'injonction, et d'un appel incident formé contre la décision relative à la fixation des taux par les municipalités.
Arrêt: l'appel doit être rejeté quant au jugement déclaratoire et accueilli quant à l'injonction. En ce qui concerne l'appel incident, il est déclaré que tous les taux d'aide sociale dont il est question dans le Régime d'assistance publique du Canada et dans l'Accord Canada-Manitoba de 1967 doivent être établis par l'autorité provinciale désignée.
Le jugement déclaratoire
Comme la question des régimes d'assistance publique et des services de protection sociale relève de la compétence des provinces, le seul rôle que le Parlement pouvait jouer consistait à verser des contributions aux provinces pour les aider à s'acquitter de leurs responsabilités. L'article 6 du Régime, qui énonce les conditions auxquelles sont assujetties toutes les contributions du gouvernement fédéral, laissait à chaque pro vince le soin de déterminer les besoins fondamentaux des personnes nécessiteuses. Aux termes de l'article 6, l'aide finan- cière devait être versée à une province nécessiteuse dans une mesure ou d'une manière compatible avec ses besoins fonda- mentaux. Le montant de l'aide dépendait des revenus et des ressources de celle-ci. Cela ne diminuait pas la compétence fondamentale de chacune des provinces de déterminer comment mesurer les «besoins fondamentaux» d'une personne nécessi- teuse. Une seule condition était imposée aux provinces par le Régime: une fois que le niveau d'aide financière avait été fixé, les provinces ne pouvaient plus ramener cette aide à un mon- tant inférieur au niveau minimal des besoins fondamentaux d'une personne nécessiteuse.
Au Manitoba, on n'utilisait pas les expressions «besoins fondamentaux. et «besoins matériels» qui figurent dans la loi fédérale, mais ou parlait plutôt de «besoins essentiels». Toute-
fois, la définiton que donnait la loi manitobaine des «besoins essentiels» ne faisait que respecter l'exigence fédérale relative aux «besoins matériels». Par conséquent, le versement d'une allocation inférieure au montant requis pour combler les besoins essentiels d'une, personne nécessiteuse constituait une violation de l'alinéa 6(2)b) du Régime.
Le paragraphe 20(3) de la loi manitobaine contrevenait aux dispositions du Régime qui imposent un niveau minimal puis- qu'il autorisait la retenue d'un montant «dont _ la privation ne causerait pas un préjudice injustifié au bénéficiaire». Le critère appliqué par le Manitoba à cet égard ne respectait pas les conditions du Régime.
Le fait que le recouvrement des paiements en trop soit assujetti aux conditions strictes du Régime rend ce recouvre- ment difficile. Toutefois, il n'est pas nécessairement dans l'inté- rêt public de soutirer de l'argent à ceux qui vivent à la limite du seuil de la pauvreté ou sous ce seuil pour assainir la société, même si les sommes retenues sont peu élevées et réparties sur plusieurs mois. De tels efforts de dissuasion pourraient bien faire autant de tort à la société que la situation qu'on veut corriger.
L'injonction
Il n'y avait pas lieu d'accorder une injonction, car ses consé- quences auraient été hors de proportion compte tenu de la situation à laquelle ou voulait remédier. Non seulement cela aurait menacé l'ensemble du programme d'allocations d'aide sociale de la province, mais cela aurait tari la source des crédits fédéraux destinés à tous les programmes à coûts partagés relevant du CAP, y compris les services de protection de l'enfance.
Fixation des taux par les municipalités.
La définition de l'expression «personne nécessiteuse» qui figure à l'article 2 du Régime prévoyait que le critère servant à décider si une personne est nécessiteuse serait «établi par l'autorité provinciale» qui est à son tour définie comme étant «le ministre provincial ou une autorité ou un organisme autre spécifié par la province» dans l'accord ' approprié. L'accord en question disait que le ministre du Bien-être social était le ministre provincial chargé de l'application de la loi provinciale. Les critères des besoins n'étaient donc pas établis par l'autorité compétente. Comme la Cour suprême du Canada a reconnu que le contre-appelant avait qualité pour agir dans l'intérêt public dans le présent litige, il ne fait aucun doute qu'il avait le droit de contester même des questions d'ordre contractuel entre le gouvernement fédéral et la province.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi sur l'aide sociale, L.R.M. 1987, chap. S160, art. 1, 2, 3, 4, 6, 7, 9, 20.
Loi sur les municipalités, L.R.M., chap. M225, art. 449, 450, 451, 452.
Régime d'assistance publique du Canada, L.R.C. (1985), chap. C-1, préambule, 1, 2, 3, 4, 6, 7.
Règlement du Régime d'assistance publique du Canada, C.R.C., chap. 382, art. 2, 3.
Règlement sur l'aide sociale, 5160-40 4 / 8 8R, art. 5,
Annexe A.
Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, R.
341A(4) (édictée par DORS/79-57, art. 8).
JURISPRUDENCE
DECISIONS APPLIQUÉES:
Re Lofstrom and Murphy (1971), 22 D.L.R. (3d) 120 (C.A. Sask.); Osenton (Charles) & Co. v. Johnston, [1942] A.C. 130 (H.L.).
DISTINCTION FAITE AVEC:
LeBlanc c. Ville de Transcona, [1974] R.C.S. 1261; (1973), 38 D.L.R. (3d) 549; [1973] 6 W.W.R. 484.
DECISIONS CITÉES:
Re Finlay and Director of Welfare (Winnipeg South/ West) (1976), 71 D.L.R. (3d) 597; 29 R.F.L. 395 (C.A. Man.); Finlay c. Ministre des Finances du Canada, [1984] 1 C.F. 516; (1983), 146 D.L.R. (3d) 704; 1 Admin. L.R. 76; 48 N.R. 126 (C.A.); confirmé par Finlay c. Canada (Ministre des Finances), [1986] 2 R.C.S. 607; (1986), 33 D.L.R. (4th) 321; [1987] 1 W.W.R. 603; 23 Admin. L.R. 197; 17 C.P.C. (2d) 289; 71 N.R. 338.
AVOCATS:
Harry Glinter pour les appelants (défen- deurs).
G. Patrick S. Riley pour l'intimé (deman- deur).
W. Glen McFetridge pour le procureur géné- ral du Manitoba.
Robert G. Richards pour le procureur général de la Saskatchewan.
Arne Peitz pour l'Organisation ° nationale anti -pauvreté.
Rebecca J. Givens pour le ministre des Servi ces sociaux et communautaires.
Jean-Claude Paquet pour le procureur géné- ral du Québec.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour les appelants (défendeurs).
Taylor, McCaffrey, Chapman, Winnipeg, pour l'intimé (demandeur).
Le procureur général du Manitoba pour le procureur général du Manitoba.
Le procureur général de la Saskatchewan pour le procureur général de la Saskatchewan. Aide juridique Manitoba, Winnipeg, pour l'Organisation nationale anti -pauvreté.
Direction des services juridiques, Toronto, pour le ministre des Services sociaux et communautaires.
Le procureur général du Québec pour le pro- cureur général du Québec.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE MACGUIGAN, J.C.A.: Il s'agit d'un appel et d'un appel incident formés contre un jugement en date du 24 janvier 1989 de la Section de première instance [(1989), 25 F.T.R. 45] dans lequel le juge Teitelbaum a déclaré que les contri butions versées par le ministre fédéral des Finan ces et les certificats délivrés par le ministre fédéral de la Santé nationale et du Bien-être social à la province du Manitoba conformément à l'article 7 du Régime d'assistance publique du Canada [S.R.C. 1970, chap. C-1], maintenant L.R.C. (1985), chap. C-1, étaient illégaux dans la mesure la Loi sur l'aide sociale du Manitoba, L.R.M. 1987, chap. S160, permettait de ramener les allo cations d'aide sociale versées aux «personnes néces- siteuses» à un montant inférieur au niveau minimal des «besoins fondamentaux» prévu dans le Régime, afin de recouvrer des créances relatives à des paiements en trop. Le juge de première instance a aussi décerné une injonction ordonnant au ministre des Finances de s'abstenir de verser d'autres con tributions au Manitoba conformément au Régime d'assistance publique du Canada ou à l'accord fédéral-provincial conclu aux termes du Régime tant que la Loi sur l'aide sociale n'aura pas été modifiée pour faire en sorte que les allocations ne tombent pas sous le niveau minimal des besoins fondamentaux. L'exécution du jugement a été sus- pendue jusqu'à ce que cette Cour rende une déci- sion finale.
Entré en vigueur en 1966, le Régime d'assis- tance publique du Canada (le «Régime») prévoit la participation du gouvernement fédéral aux dépen- ses engagées par les provinces au titre de l'aide sociale et des services de protection sociale fournis aux «personnes nécessiteuses». Conformément à l'article 4 du Régime, le gouverneur en conseil a autorisé le ministre de la Santé nationale et du Bien-être social à conclure des accords avec les provinces au sujet de ces contributions fédérales; le ministre de la Santé nationale et du Bien-être social et la province du Manitoba ont conclu un accord en ce sens le 20 mars 1967 (d'Accord de 1967»).
Les dispositions pertinentes du Régime [L.R.C. (1985), chap. C-1] sont les suivantes:
Loi autorisant le Canada à contribuer aux frais des régimes
visant à fournir une assistance publique et des services de
protection sociale aux personnes nécessiteuses et à leur égard
CONSIDÉRANT que le Parlement du Canada, reconnaissant que l'instauration de mesures convenables d'assistance publique pour les personnes nécessiteuses et que la prévention et l'élimi- nation des causes de pauvreté et de dépendance de l'assistance publique intéressent tous les Canadiens, désire encourager l'amélioration et l'élargissement des régimes d'assistance publi- que et des services de protection sociale dans tout le Canada en partageant dans une plus large mesure avec les provinces les
-
frais de ces programmes,
Sa Majesté, sur l'avis et avec le consentement du Sénat et de la Chambre des communes du Canada, édicte:
TITRE ABRÉGÉ
1. Régime d'assistance publique du Canada.
DÉFINITIONS
2. Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente loi.
«assistance publique» Aide sous toutes ses formes aux personnes nécessiteuses ou à leur égard en vue de fournir, ou de prendre les mesures pour que soient fournis, l'ensemble ou l'un quelconque ou plusieurs des services suivants:
a) la nourriture, le logement, le vêtement, le combustible, les services d'utilité publique, les fournitures ménagères et les services répondant aux besoins personnels (ci-après appelés «besoins fondamentaux»);
b) les articles réglementaires, accessoires à l'exercice d'un métier ou autre emploi, ainsi que les services répondant aux autres besoins spéciaux réglementaires de toute nature;
c) les soins dans un foyer de soins spéciaux;
d) les déplacements et moyens de transport;
e) les obsèques et enterrements;
f) les services de santé;
g) les services réglementaires de protection sociale dont l'ac- quisition est faite par un organisme approuvé par une pro vince ou à la demande d'un tel organisme;
h) les allocations de menues dépenses et autres services réglementaires répondant aux besoins des résidents ou mala- des des hôpitaux ou autres établissements réglementaires.
«autorité provinciale» Le ministre provincial ou une autorité ou un organisme autre spécifié par la province dans un accord conclu en vertu de l'article 4 comme chargé de l'application de la législation provinciale.
«législation provinciale» Les lois provinciales qui prévoient à des conditions compatibles avec les dispositions de la présente loi et des règlements:
a) soit l'assistance publique;
b) soit des services de protection sociale dans la province. Est visé par la présente définition tout règlement pris en vertu de ces lois.
«ministre» Le ministre de la Santé nationale et du Bien-être social.
«organisme approuvé par la province» Tout ministère gouverne- mental, toute personne ou tout organisme, y compris un organisme privé sans but lucratif, que la législation ou l'auto- rité provinciale autorise à accepter des demandes d'assistance publique, à déterminer l'admissibilité à une telle assistance, à fournir ou à payer cette assistance ou à fournir des services de protection sociale et qui figure dans la liste d'une annexe à un accord conclu en vertu de l'article 4.
«personne nécessiteuse» Selon le cas:
a) personne qui, par suite de son incapacité d'obtenir un emploi, de la perte de son principal soutien de famille, de sa maladie, de son invalidité, de son âge ou de toute autre cause acceptable pour l'autorité provinciale, est reconnue incapa- ble—sur vérification par l'autorité provinciale qui tient compte des besoins matériels de cette personne et des revenus et ressources dont elle dispose pour satisfaire ces besoins—de subvenir convenablement à ses propres besoins ou à ses propres besoins et à ceux des personnes qui sont à sa charge ou de l'une ou plusieurs d'entre elles;
b) personne âgée de moins de vingt et un ans qui est confiée aux soins ou à la garde d'une autorité chargée de la protec tion infantile ou placée sous le contrôle ou la surveillance d'une telle autorité, ou personne qui est un enfant placé en foyer nourricier selon la définition des règlements.
Pour l'application de l'alinéa e) de la définition de «assistance publique», est assimilée à une personne nécessiteuse une per- sonne décédée qui était une personne visée par l'alinéa a) ou b) de la présente définition au moment de son décès ou qui, bien qu'elle ne fût pas une telle personne au moment de son décès, aurait été reconnue être une telle personne si une demande d'assistance publique avait été faite pour elle ou à son égard immédiatement avant son décès.
PARTIE 1
ASSISTANCE GÉNÉRALE ET SERVICES DE PROTECTION SOCIALE
Définitions
3. Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente partie.
«accord» Accord conclu en vertu de l'article 4.
«contribution» Montant payable par le Canada en vertu d'un
accord.
Accord autorisé
4. Sous réserve des autres dispositions de la présente loi, le ministre peut, avec l'approbation du gouverneur en conseil, conclure avec toute province un accord prévoyant le paiement, par le Canada à la province, de contributions aux frais encourus par la province et des municipalités de la province, au titre:
a) de l'assistance publique fournie, en conformité avec la législation provinciale, par des organismes approuvés par la province ou à la demande de ceux-ci;
b) des services de protection sociale fournis, en conformité avec la législation provinciale, dans la province par des organismes approuvés par la province.
Modalités des accords
6....
(2) Un accord doit prévoir que la province:
a) fournira l'aide financière ou une autre forme d'assistance publique à toute personne de la province qui est une personne nécessiteuse visée à l'alinéa a) de la définition de «personne nécessiteuse» à l'article 2, ou à l'égard d'une telle personne, dans une mesure ou d'une manière compatibles avec ses besoins fondamentaux;
b) tiendra compte, en décidant si une personne est visée par l'alinéa a) et en déterminant l'assistance publique à fournir à cette personne, de ses besoins matériels et des revenus et ressources dont elle dispose pour les satisfaire;
c) continuera, selon les nécessités et l'occasion, l'améliora- tion et l'élargissement des services de protection sociale dans la province;
d) n'exigera pas de délai de résidence dans la province comme condition d'admissibilité à l'assistance publique ou à la réception initiale ou continue de prestations;
e) veillera, dans le délai d'un an à compter de, la date d'entrée en vigueur de l'accord, à prendre des dispositions législatives établissant une procédure d'appel des décisions prises par les organismes approuvés par la province relative- ment aux demandes d'assistance publique ou à l'octroi ou à la fourniture de cette assistance, par des personnes directe- ment visées par ces décisions;
j) fera tenir et maintenir disponibles pour examen et vérifi- cation, par le ministre ou toute personne qu'il a désignée, les registres et comptes relatifs à la fourniture de l'assistance publique et des services de protection sociale dans la province dont l'accord ou les règlements peuvent exiger la tenue;
g) fournira au ministre des exemplaires de toutes les lois provinciales mentionnées dans la définition de «législation provinciale» à l'article 2 et de tous les règlements pris en vertu de ces lois.
Paiement des contributions
7. Les contributions ou les avances sur ces contributions doivent, dès présentation du certificat du ministre, être payées sur le Trésor aux époques et de la manière réglementaires, mais tous ces paiements sont assujettis aux conditions spécifiées dans la présente partie et dans les règlements et à l'observation des conventions et des engagements contenus dans un accord.
Les dispositions pertinentes de l'Accord de 1967 sont les suivantes (Dossier d'appel, I, aux pages 33 et 34):
[TRADUCTION] 2. La province convient
(a) de fournir une aide financière ou une autre forme d'as- sistance publique à toute personne de la province du Manitoba qui est une personne nécessiteuse visée au sous-alinéa 2g)(i) du Régime, ou à l'égard d'une telle personne, dans une mesure ou d'une manière compati bles avec ses besoins fondamentaux;
(b) pour ce qui est de décider si une personne est visée par l'alinéa a) et de déterminer l'assistance publique à four- nir à cette personne,
(i) sauf avant le 1" avril 1967, d'obtenir de cette personne ou d'une personne autorisée à agir en son nom une demande d'assistance publique dont la forme et le contenu satisferont l'autorité provin- ciale, et
(ii) de tenir compte de ses besoins matériels, et des revenus et ressources dont elle dispose pour les satisfaire,
à condition que
(iii) la province puisse déterminer les revenus et les ressources dont elle doit tenir compte sur une base quotidienne, hebdomadaire, mensuelle ou sur une autre période que l'autorité provinciale juge accep table; dans le calcul de ces revenus, elle doit cepen- dant inclure la totalité des sommes versées au titre du maintien du revenu ...
On a cependant rapidement constaté que le Régime n'autorisait pas le gouvernement fédéral à verser des contributions aux provinces lorsque des bénéficiaires de l'assistance publique ou du bien- être social recevaient des paiements en trop. Le sous-ministre de la Santé nationale et du Bien-être social en a informé les provinces dans deux lettres en date du 6 août 1968 (Dossier d'appel, II, aux pages 273 et 274) et du 22 avril 1969 (Dossier d'appel, III, aux pages 405 et 406). En mars 1971, le législateur a modifié le Règlement du Régime d'assistance publique du Canada afin d'autoriser le gouvernement fédéral à participer au pro gramme de partage des coûts lorsque des sommes étaient versées en trop à des personnes qui étaient par la suite jugées comme n'ayant pas droit à la totalité ou à une partie de cette assistance. Le 24 novembre 1971, le gouvernement fédéral a approuvé, sous réserve de certaines conditions, les mesures prises par le Manitoba pour empêcher que soient effectués de tels paiements et pour les recou- vrer, le cas échéant (Dossier d'appel, II, aux pages 286 et 287). Le Manitoba a par la suite informé le gouvernement fédéral que les conditions avaient été remplies (Dossier d'appel, II, aux pages 288 et 289), et a reçu l'approbation finale de ce dernier le 29 février 1972 (Dossier d'appel, II, à la page 290).
Les dispositions pertinentes du Règlement du Régime d'assistance publique du Canada, C.R.C., chap. 382, sont les suivantes:
2....
(2) Aux fins de la Loi et du présent règlement,
«besoins matériels* signifie les besoins fondamentaux d'un indi- vidu et des personnes à sa charge, s'il en est, et l'un quelcon- que des articles ou services décrits aux alinéas b) à h) de la définition «assistance publique» de l'article 2 de la Loi qui, de l'avis de l'autorité provinciale, sont essentiels à la santé et au bien-être de cet individu et de ces personnes, s'il en est;
«besoins personnels» signifie les articles de moindre importance, à l'exclusion des besoins ordinaires en matière de nourriture, de logement, de vêtement, de combustible, de services d'uti- lité publique et de fournitures ménagères, lesquels articles, dans la vie quotidienne, sont nécessaires à la santé et au bien-être d'une personne et qui, sans limiter la généralité de ce qui précède, ont trait, entre autres,
a) aux soins personnels, à la propreté et à une mise soignée,
b) à l'observance des devoirs religieux, et
c) aux loisirs;
Expressions définies aux fins de certaines dispositions de la
Loi
3. Aux fins de
b) l'alinéa 5(1)a) de la Loi, «frais encourus par la province et des municipalités de la province», au cours d'une année, désigne les paiements effectués, - dans l'année,
(i) par la province, et
(ii) par des municipalités de la province, et comprend
(iii) les déductions pour amortissement, et
(iv) les paiements effectués à titre d'assistance ' fournie, par un organisme approuvé par la province ou à sa demande, à des personnes qui étaient considérées comme des personnes nécessiteuses et qui ont par la suite été jugées comme n'ayant pas droit à la totalité ou à une partie de cette assistance, lorsque l'organisme approuvé par la province a mis à exécution un plan pour empêcher que soient effectués de tels paiements et pour en recouvrer le montant, le cas échéant, et que le plan est jugé satisfai- sant par le Ministre ou par une personne qu'il désigne ...
Au Manitoba, les contributions relatives au par- tage des coûts versées par le gouvernement fédéral aux personnes nécessiteuses sont régies par deux lois provinciales, à savoir la Loi sur l'aide sociale et la Loi sur les municipalités, L.R.M. 1988, chap. M225. La Loi sur l'aide sociale permet de venir en aide aux familles monoparentales, aux personnes atteintes d'une incapacité physique ou mentale de longue durée et aux personnes qui sont générale- ment incapables de subvenir à leurs besoins (en gros, a-t-on dit, aux «personnes inaptes au tra vail»). La Loi sur les municipalités permet de venir en aide aux personnes qui sont aptes au travail mais qui sont incapables d'en trouver, aux personnes atteintes d'une incapacité physique ou
mentale de courte durée et aux parents seuls qui vivent séparés de leur conjoint depuis moins de quatre-vingt-dix (90) jours.
En juillet 1980, la Loi sur l'aide sociale a été modifiée par l'ajout du paragraphe 20(3) [S.M. 1980, chap. 37, art. 10] qui autorise la retenue d'un montant pour le recouvrement des paiements en trop. Toutefois, des retenues avaient également été faites avant cette date, en vertu du paragraphe 9(1).
Les dispositions pertinentes de la Loi sur l'aide sociale sont les suivantes:
Définitions
1 Les définitions qui suivent s'appliquent à la présente loi:
«besoins essentiels» Les biens et les services visés à l'article 2. («basic necessities»)
«coût des besoins essentiels» Le coût, établi par les règlements, des besoins essentiels concernant lesquels un règlement a été pris en application de l'article 6. («cost of basic necessities»)
Fourniture des provisions, services et soins essentiels
2 Sous réserve des autres dispositions de la présente loi, le gouvernement du Manitoba et chacune des municipalités de la province peuvent prendre les mesures nécessaires dans le but d'assurer qu'il ne manque à aucun habitant du Manitoba:
a) les objets, biens et services essentiels à sa santé et à son bien-être, y compris la nourriture, les vêtements, l'héberge- ment, et les soins chirurgicaux, médicaux, dentaires et oculai- res essentiels, ainsi que les autres traitements ou soins correctifs;
b) un service funéraire convenable à son décès.
Verseraient d'allocation d'aide sociale mensuelle
3 Aux fins mentionnées à l'article 2, le gouvernement peut, par l'intermédiaire du directeur et à la discrétion de celui-ci, sur le Trésor et avec les sommes approuvées à cette fin par une loi de la Législature,, accorder ou verser à un bénéficiaire ou pour le compte de celui-ci, mensuellement ou à intervalles plus rapprochés, un montant d'argent suffisant pour couvrir le coût des besoins essentiels du bénéficiaire et des personnes à sa charge.
Calcul du montant
4 Le montant devant être versé à un bénéficiaire ou pour son compte en vertu de l'article 3 est calculé en tenant compte de ses besoins essentiels, et de ceux de ses personnes à charge, le cas échéant.
Détermination du coût des besoins essentiels
6 Le lieutenant-gouverneur en conseil peut, par règlement pris par décret, établir, aux fins de la présente loi et à compter de la date "de la prise du règlement, le coût des divers besoins essentiels, ou de ceux parmi eux dont le coût devrait, de l'avis du lieutenant-gouverneur en conseil, être établi à l'occasion.
Fixation du montant par le directeur
7(1) Lorsqu'il estime qu'un requérant devrait recevoir une allocation d'aide sociale, le directeur, conformément aux règle- ments et sous réserve du paragraphe (2), fixe par ordre écrit le montant de l'allocation d'aide sociale devant être accordée à cette personne.
Montant adéquat
7(2) Le directeur, conformément aux règlements, fixe un montant qui sera adéquat, à son avis, pour fournir au requérant un revenu suffisant pour défrayer le coût de ses besoins essentiels.
Modifications de l'allocation
9(1) Lorsque, sur la foi de l'information reçue parle direc- teur, celui-ci est d'avis que l'allocation d'aide sociale versée à un bénéficiaire devrait, selon le cas:
a) être discontinuée;
b) être diminuée;
c) être suspendue;
d) être augmentée,
il peut ordonner par écrit que l'allocation d'aide sociale soit discontinuée, diminuée, suspendue ou augmentée, en consé- quence.
Droit d'appel
9(3) Le requérant, le bénéficiaire ou la personne qui a présenté une demande d'aide municipale, ou qui reçoit ou recevait une telle aide d'une municipalité, peut interjeter appel à la Commission d'appel lorsqu'il considère qu'il a été traité injustement du fait:
a) qu'on ne lui a pas permis de présenter une demande, ou de présenter une nouvelle demande, d'allocation d'aide sociale ou d'aide municipale;
b) que la décision relative à sa demande d'allocation d'aide sociale ou d'aide municipale, ou relative à sa demande d'aug- mentation d'allocation d'aide sociale ou d'aide municipale, n'a pas été prise dans un délai raisonnable;
c) que sa demande d'allocation d'aide sociale ou d'aide municipale a été rejetée;
d) que son allocation d'aide sociale ou aide municipale a été annulée, suspendue, modifiée ou retenue;
e) que le montant d'allocation d'aide sociale ou d'aide muni- cipale accordé n'est pas suffisant pour subvenir à ses besoins.
Recouvrement de versements faits par erreur
20(1) Lorsque le gouvernement a fourni ou versé de l'aide ou une allocation d'aide sociale à une personne ou pour celle-ci
dans un cas l'aide ou l'allocation d'aide sociale, ou une partie de cette aide ou allocation, n'aurait pas été fournie ou versée si ce n'était:
a) d'une déclaration fausse ou trompeuse faite par cette personne;
b) d'une erreur,
le gouvernement peut recouvrer de la personne, de ses exécu- teurs testamentaires ou administrateurs, de son conjoint, des exécuteurs testamentaires ou administrateurs du conjoint et, si la personne en question est un mineur, de son père, de sa mère, de son tuteur ou de toute personne légalement tenue civilement de défrayer les frais relatifs à ce mineur, le montant de cette aide ou allocation d'aide sociale, ou une partie de cette aide ou allocation, à titre de créance de la Couronne envers cette personne.
Retenue faite sur le montant versé à un bénéficiaire
20(3) Par dérogation à toute autre disposition de la présente loi où' des règlements, lorsqu'une personne est un bénéficiaire alors qu'elle est redevable à la Couronne du chef du Manitoba, en vertu du paragraphe (1) ou (2), d'un montant qui lui fut versé à titre d'allocation d'aide sociale, le directeur peut autori- ser la retenue d'un montant dont la privation ne causera pas un préjudice injustifié au bénéficiaire sur chaque versement subsé- quent d'allocation d'aide sociale versé à cette personne, jusqu'à ce que le montant de la dette de cette personne soit entièrement remboursé.
Les dispositions pertinentes de la Loi sur les municipalités sont les suivantes:
PARTIE VII
AIDE MUNICIPALE
SECTION I
AIDE AUX PERSONNES NÉCESSITEUSES
Loi sur l'aide sociale
449 Chaque municipalité possède les pouvoirs énoncés à l'article 2 de la Loi sur l'aide sociale.
Définitions
450(1) Sous réserve de la règle 1 figurant à l'annexe 7, les
définitions qui suivent s'appliquent à la présente section.
«aide» L'aide au sens de la Loi sur l'administration des services sociaux. («assistance»)
«aide municipale» Aide fournie par une municipalité à une personne nécessiteuse qui réside ou se trouve dans la munici- palité. («municipal assistance»)
«besoins essentiels» Choses, marchandises et services essen- tiels à la santé et au bien-être d'une personne, notamment la nourriture, les vêtements, le logement, les besoins personnels et domestiques, les traitements médicaux, hospitaliers, oph- talmologiques et dentaires et autres traitements thérapeuti- ques, les autres soins nécessaires et des funérailles décentes en cas de décès. («basic necessities»)
«personne nécessiteuse» Personne qui ne peut subvenir à ses besoins essentiels et personnes à sa charge. («person in need»)
Obligation de fournir une aide municipale
451(1) Le conseil municipal doit, par arrêté, prendre des dispositions:
a) pour fournir une aide municipale aux personnes nécessi- teuses qui résident dans la municipalité ou s'y trouvent, qui ne peuvent subvenir à leurs besoins essentiels et qui n'ont pas droit à l'aide sociale;
b) pour réglementer et fixer les conditions d'octroi de l'aide municipale afin de s'assurer que les besoins essentiels des personnes nécessiteuses sont satisfaits.
Appel en vertu de la Loi sur l'aide sociale
451(4) Lorsqu'une municipalité a adopté un arrêté en appli cation du paragraphe (1), toute personne qui a fait une demande d'aide municipale ou qui reçoit ou recevait une telle aide de la municipalité peut interjeter appel de toute décision concernant sa demande ou modifiant ou supprimant l'aide qui lui est accordée. L'appel se fait conformément à l'article 9 de la Loi sur l'aide sociale, et les dispositions de cet article s'appli- quent à la procédure d'appel et à la municipalité.
Défaut de fournir l'assistance
452 Lorsque la municipalité tenue de fournir une aide muni- cipale à une personne nécessiteuse refuse ou néglige de le faire, cette personne peut s'adresser au directeur visé par la Loi sur l'aide sociale. Ce dernier peut, en application de cette loi, lui accorder une aide pour remplacer l'aide municipale. Les mon- tants d'aide versés dans le cadre du présent article constituent une dette de la municipalité envers le gouvernement qui peut la recouvrer en déduisant des subventions qu'il verse à cette municipalité l'équivalent des montants payés en vertu du pré- sent article sous le régime de la Loi sur l'aide sociale.
L'Annexe A (article 5) du Règlement sur l'aide sociale, 404/88 R précise les coûts afférents aux besoins essentiels, en fonction du nombre de béné- ficiaires adultes, et du nombre d'enfants et de leur âge. Le taux mensuel («nourriture, vêtements, besoins particuliers des bénéficiaires adultes et services d'entretien domestique») accordé à un adulte sans personne à charge est fixé à 213,40 $. Ce montant a été cité à maintes reprises durant les plaidoiries car l'intimé correspond à cette défini- tion. Le juge de première instance a conclu que la politique de la province concernant le recouvre- ment des paiements en trop consistait à retenir cinq pour cent de l'allocation totale, ou la totalité de la portion de l'allocation destinée à subvenir aux «besoins personnels», soit le moindre des deux (Dossier d'appel, IV, à la page 684).
L'intimé est un résident du Manitoba qui est admissible à l'aide sociale en vertu de la Loi sur
l'aide sociale car l'incapacité permanente dont il souffre, qui comprend une forme aiguë d'épilepsie, ne lui permet pas de travailler pour subvenir à ses besoins. On a jugé qu'il avait reçu des paiements en trop à trois occasions; le premier paiement s'élevait à 207,70 $, le deuxième à 109 $ et le troisième à 796 $. Ce dernier paiement provenait d'une subvention qui lui avait été versée par un programme d'emploi provincial pour la mise sur pied d'une petite entreprise de maroquinerie et la poursuite d'activités connexes, mais cette subven- tion n'était nullement destinée à arrondir ses fins de mois ou à couvrir ses frais de subsistance (Dossier d'appel, IV, à la page 533). L'intimé a déclaré qu'il a déposé vingt-trois (23) appels auprès du Comité consultatif' des services sociaux conformément au paragraphe 9(3) .de la Loi sur l'aide sociale, y compris vingt (20) appels concer- nant la retenue de paiements en trop, mais tous ses appels ont été rejetés (Procédures, à la page 55). L'un de ses appels s'est rendu jusqu'à la Cour d'appel du Manitoba, qui a statué à l'unanimité que la province avait le droit de recouvrer un trop-perçu, même si la retenue ramenait l'alloca- tion du bénéficiaire à un montant inférieur au minimum nécessaire pour combler les «besoins fon- damentaux»: Re Finlay and Director of Welfare (Winnipeg South/West) (1976), 71 D.L.R. (3d) 597 (C.A. Man.). La Cour n'a pas été invitée à se prononcer sur la question de savoir si la subvention du programme d'emploi provincial pouvait .être prise en considération dans le calcul du paiement en trop, ni à examiner les modalités du Régime ou de l'Accord de 1967.
La présente action a été intentée par l'intimé en 1982, mais a été interrompue par la longue contro- verse qu'a soulevée une requête en radiation de la déclaration au motif que l'intimé n'avait pas qua- lité pour agir. Cette Cour a reconnu que l'intimé avait qualité pour agir dans l'intérêt public dans l'arrêt Finlay c. Ministre des Finances Canada, [1984] 1 C.F. 516, ce que la Cour suprême du Canada a confirmé dans l'arrêt Finlay c. Canada (Ministre des Finances), [1986] 2 R.C.S. 607.
Lorsque l'action a finalement été entendue en première instance, le juge de première instance en est arrivé à la conclusion suivante (aux pages 56 à 60):
À mon avis, une personne recevant une somme d'argent qui, tout au mieux, couvre uniquement ses besoins essentiels subirait
un préjudice injustifié si, en raison simplement de la déduction, elle ne recevait plus suffisamment de fonds pour satisfaire ses besoins essentiels.
En ce qui a trait aux déductions faites pour le recouvrement des paiements en trop, M. Sexsmith [directeur des opérations régionales du programme d'aide sociale de la province du Manitoba] admet qu'en raison de ces déductions, il y a des gens au Manitoba qui ne reçoivent pas une partie de ce qui est calculé comme montant correspondant à leurs besoins totaux, l'ensemble des besoins essentiels. Le témoin admet qu'en fai- sant ces déductions, la province du Manitoba cause un préju- dice au bénéficiaire, mais il soutient qu'elle tente d'éviter de causer un préjudice injustifié. Il ne suffit pas que la province tente d'éviter de causer ce préjudice injustifié. Elle doit le faire. Je l'ai dit et je le répète, il m'est difficile de faire la distinction entre le préjudice et le préjudice injustifié lorsque les besoins fondamentaux comme l'alimentation, le logement ou les vête- ments sont touchés. Je suis convaincu que, lorsque les besoins fondamentaux ne sont pas comblés, un préjudice injustifié est causé au bénéficiaire. Un montant insuffisant au titre des besoins matériels, c'est-à-dire les traitements dans une maison pour soins spéciaux, le déplacement, le transport ou les autres éléments mentionnés aux alinéas 2b) à h) du RAPC, peut être considéré comme un préjudice et non comme un préjudice injustifié. L'insuffisance touchant les éléments mentionnés à l'alinéa 2a) cause un préjudice injustifié:
[TRADUCTION]
«Q. Il est donc probable qu'il y a des gens dans cette province qui ne reçoivent pas à l'heure actuelle leur allocation pour leurs besoins personnels en raison de ces déductions et qui n'ont aucune façon de compenser cette perte?
R. Ils ne reçoivent pas une partie du montant calculé comme le montant correspondant à leurs besoins totaux.
Q. L'ensemble des besoins essentiels?
R. Oui.
Q. Et vous ne pouvez pas dire que ces gens, dont les besoins essentiels ne sont pas comblés en entier, sont en mesure de compenser cette perte d'une façon ou d'une autre?
R. Non, je ne peux pas dire ça.
Q. Parce qu'il n'y a aucune politique écrite qui permet de faire ces déductions uniquement lorsqu'il y a des élé- ments d'actif ou des revenus excédentaires?
R. Non, nous n'avons pas ce genre de politique. La seule politique que nous avons, c'est celle qui permet de recouvrer un montant inférieur, au gré du directeur, si le recouvrement du montant plus élevé est susceptible de causer un préjudice.
Q. En fait, vous permettez le préjudice, n'est-ce pas, Mon sieur? C'est le préjudice injustifié que vous ne permettez pas. C'est ça?
R. C'est exact,
Q. Ou que vous essayez de ne pas permettre, c'est çà?
R. C'est exact.»
(Questions et réponses 301, 302, 303, 304, 305 et 306, aux pages 145 et 146 de la transcription)
La question à trancher à la lumière de la preuve présentée est celle de savoir si la province du Manitoba a violé l'entente ...
qu'elle a conclue avec le gouvernement du Canada en ne fournissant pas aux bénéficiaires une partie du montant calculé comme étant le montant correspondant à l'ensemble de leurs besoins essentiels. Il faut également déterminer si la province du Manitoba viole l'entente du simple fait qu'elle permet aux municipalités de fixer leurs propres taux pour les éléments considérés comme les besoins essentiels.
À la lumière de la preuve, je suis convaincu qu'en déduisant une somme pouvant atteindre 5 % des besoins essentiels d'une allocation d'aide sociale ou des paiements d'assistance sociale d'un bénéficiaire, la province du Manitoba prive ce dernier de ses besoins essentiels, ce qui constitue une violation de l'entente conclue entre cette province et le gouvernement du Canada. Je comprends fort bien qu'il soit nécessaire de s'assurer que les bénéficiaires comme le demandeur en l'espèce n'utilisent pas le système de façon abusive et pour obtenir des paiements en trop. La solution à ce problème est de nature politique et il appar- tient à l'assemblée législative de la province et au Parlement de la proposer.
Le témoignage de M. Sexsmith me semble très clair; en effet, lorsque je l'ai interrogé, il a fini par admettre, bien qu'avec réticence, qu'en déduisant une partie du paiement en trop de la somme mensuelle versée au bénéficiaire, la province privait ce dernier ou pouvait fort bien le priver d'une partie de ses besoins essentiels. Cela me semble assez évident. Un bénéficiaire comme le demandeur reçoit une somme mensuelle de 213,40 $ pour ses besoins fondamentaux. Lorsqu'une partie de ce mon- tant lui est refusée au cours d'un mois donné, ses besoins essentiels ne seront pas satisfaits pour ce mois-là, s'il n'a pas d'autres ressources financières. Toute la preuve indique que, lorsque les déductions ont été faites, Finlay n'avait pas d'autres ressources financières.
Je suis d'avis que, lorsqu'une personne reçoit le montant minimum d'aide pour couvrir ses besoins essentiels et qu'une partie de ce montant est retenue pour rembourser un paiement en trop, cette personne subit davantage qu'un simple préjudice. Elle subit un préjudice injustifié, puisqu'elle n'a peut-être pas suffisamment de fonds pour se nourrir ou, du moins, pour subvenir à ses besoins essentiels. Lorsque les besoins fondamen- taux d'un bénéficiaire d'aide sociale ou de prestations d'assis- tance sociale ne sont pas comblés, il n'y a pas vraiment de différence entre le préjudice et le préjudice injustifié.
L'avocat du demandeur soutient que la province du Mani- toba viole le Régime d'assistance publique du Canada en permettant à ses municipalités de fixer leurs propres taux d'aide. Je ne suis pas d'accord avec l'avocat sur ce point. Lorsqu'une municipalité fixe un taux qui permet de répondre aux besoins fondamentaux des prestataires dans cette munici- palité, il n'y a pas de violation. Je suis convaincu que la province n'est pas tenue, que ce soit en vertu du RAPC ... [ou de] l'entente conclue entre le Manitoba et le Canada, de fixer le taux de prestations d'assistance sociale versées par une munici- palité et qu'elle n'est pas tenue d'approuver expressément ce taux. Tant et aussi longtemps que le test servant à déterminer les besoins essentiels dans une municipalité équivaut à celui qui est énoncé dans la Loi sur l'aide sociale, il ne peut y avoir de violation du RAPC ou de l'entente conclue entre la province et le Canada. C'est ce qui ressort de la Loi sur les municipalités adoptée par la province du Manitoba et notamment des défini- tions suivantes que l'on trouve sous la Partie VII, Aide munici-
pale, plus précisément à la section I, Aide aux personnes nécessiteuses:
«450(1) Sous réserve de la règle 1 figurant à l'annexe 7, les définitions qui suivent s'appliquent à la présente section.
"aide municipale" Aide fournie par une municipalité à une personne nécessiteuse qui réside ou se trouve dans la munici- palité. ("municipal assistance")
"besoins essentiels" Choses, marchandises et services essen- tiels à la santé et au bien-être d'une personne, notamment la nourriture, les vêtements, le logement, les besoins personnels et domestiques, les traitements médicaux, hospitaliers, oph- talmologiques et dentaires et autres traitements thérapeuti- ques, les autres soins nécessaires et des funérailles décentes en cas de décès. ("basic necessities")
"personne nécessiteuse" Personne qui ne peut subvenir à ses besoins essentiels et personnes à sa charge. ("person in need")»
En outre, je suis convaincu que, étant donné que les services d'administration du RAPC sont confiés à la province,,celle-ci peut permettre à une municipalité de fixer ses propres' taux de prestations d'aide sociale, pourvu que le test approprié , concer- nant les besoins soit appliqué. La preuve ne tend nullement à démontrer que les municipalités n'appliquent pas un test appro- prié à cet égard.
Comme dernier argument, l'avocat du gouvernement du Canada fait valoir que le concept des «besoins fondamentaux» en vertu du RAPC et celui des «besoins essentiels» prévu,dans la Loi sur l'aide sociale sont différents. Selon l'avocat,., les élé- ments énumérés comme «besoins essentiels» à l'annexe «A» de la Loi sur l'aide sociale vont au-delà de la définition des «besoins fondamentaux» du RAPC. Il soutient donc que, même si un bénéficiaire peut être privé de ses «besoins essentiels» en vertu de la Loi sur l'aide sociale (comme l'admet M. Sexsmith), il n'est pas nécessairement privé pour autant de ses «besoins fondamentaux» en vertu du RAPC.
Il est peut-être vrai qu'une personne «ne sera pas nécessaire- ment» privée de ses «besoins fondamentaux» en vertu du RAPC, mais il m'apparaît évident, à la lumière du témoignage de M. Sexsmith, qu'il y a déni d'une partie des «besoins essentiels» lorsqu'une partie d'un paiement en trop est recouvrée. À la lecture du témoignage de M. Sexsmith, je suis portée à croire que les éléments qui sont énumérés dans la définition des «besoins essentiels» de la Loi sur l'aide sociale et qui ne sont pas compris dans les «besoins essentiels» sont habituellement des éléments dont la province paie directement le coût à un tiers. Ce paiement n'est pas versé au bénéficiaire. En conséquence, si ce dernier reçoit une somme au comptant inférieure en raison d'un paiement en trop, il est privé de certains «besoins fonda- mentaux» mentionnés dans le RAPC.
Les avocats du gouvernement du Canada et de la province se sont attardés sur «l'équité du système». Selon eux, la Loi sur l'aide sociale permet d'en appeler de toute déduction au titre d'un paiement en trop. D'après la preuve, il est bien évident que Finlay s'est prévalu de ce recours.
Je ne suis pas en désaccord avec les avocats lorsqu'ils disent que le système est équitable, puisqu'il permet le recours sus- mentionné de l'appel. Cependant, telle n'est pas la question en litige. Le débat porte sur la décision de retenir des sommes d'argent de l'allocation mensuelle à la suite d'un paiement en trop, décision à la suite de laquelle le bénéficiaire ne reçoit pas suffisamment de fonds pour combler ses «besoins fondamen- taux». C'est une décision qui n'a pas nécessairement été prise après que le prestataire a déposé un appel, mais elle a été prise par un travailleur social qui n'a pas le pouvoir de déterminer si un montant inférieur devrait être déduit à l'égard du paiement en trop.
Le bénéficiaire qui, par sa propre faute, que ce soit en omettant de dire la vérité ou pour une autre raison, reçoit un paiement en trop devrait être pénalisé. L'article 22 de la Loi sur l'aide sociale permet clairement d'imposer cette pénalité.
Conclusion
Je suis donc d'avis que le recouvrement des paiements en trop versés au demandeur en l'espèce constituait une violation de l'entente conclue entre la province du Manitoba et le gouverne- ment du Canada. Je comprends que la province du Manitoba a cessé cette pratique à l'égard de Finlay, de sorte qu'un solde est encore exigible, mais la province a renoncé à ce solde.
Je suis également convaincu que le recouvrement d'une partie d'un paiement en trop d'un bénéficiaire qui n'a pas d'autre source de revenu que l'allocation d'aide sociale provin- ciale ou municipale, est contraire à l'entente existante, sauf s'il est fait conformément à l'article 22 de la Loi sur l'aide sociale.
En conclusion, je suis d'avis que les contributions versées par le ministre des Finances et les certificats délivrés par le ministre de la Santé nationale et du Bien-être social à la province du Manitoba conformément au paragraphe 7(1) du Régime d'as- sistance publique du Canada (RAPC) sont illégaux, tant que la Loi sur l'aide sociale permet de réduire une allocation à un montant inférieur au seuil des besoins fondamentaux pour recouvrer des créances relatives à des paiements en trop, et j'ordonne au ministre des Finances de s'abstenir de verser d'autres paiements à la province du Manitoba conformément au Régime d'assistance publique du Canada ou à son entente déposée comme pièce 1-4, tant et aussi longtemps que la Loi sur l'aide sociale continue à autoriser cette. réduction.
Le présent jugement ne deviendra exécutoire qu'après l'expi- ration de 31 jours suivant la date des présentes; s'il y a appel, il ne deviendra exécutoire que lors du jugement final de la Cour d'appel fédérale.
Comme je l'ai mentionné, le paiement en trop versé à M. Finlay est clairement le résultat de ses propres actions délibé- rées. Il a reçu, à trois occasions différentes, des sommes d'ar- gent qu'il n'aurait pas recevoir. Il a été l'auteur de son propre malheur.
Pour ces motifs, je ne suis pas prêt à accorder de dépens à Finlay. Il n'y a aucune ordonnance concernant les dépens.
Le Procureur général du Manitoba («Mani- toba») et l'Organisation nationale anti -pauvreté («ONAP») sont intervenus dans l'appel et dans
l'appel incident. Le Procureur général de la Saska- tchewan («Saskatchewan»), le ministère des Servi ces sociaux . et communautaires de l'Ontario («Ontario») et le Procureur général du Québec («Québec») sont intervenus dans l'appel seulement.
* * *
La première question en litige a porté sur l'objet du Régime d'assistance publique du Canada, tel qu'il est énoncé dans le préambule. L'intimé et l'ONAP ont mis l'accent sur la première partie du préambule: «reconnaissant que l'instauration de mesures convenables d'assistance publique pour les personnes nécessiteuses et que la prévention et l'élimination des causes de pauvreté et de dépen- dance de l'assistance publique intéressent tous les Canadiens» [C'est moi qui souligne] , C'est l'ONAP qui a le mieux exprimé l'objet de la loi, c'est-à-dire l'instauration de mesures suffisantes pour venir en aide aux personnes nécessiteuses, en appliquant le principe d'interprétation suivant au Régime: [TRADUCTION] «devant un libellé général ou des interprétations divergentes attribuables à l'ambiguïté du texte de loi, la Cour doit retenir l'interprétation la plus susceptible de garantir le caractère suffisant des mesures d'aide aux person- nes nécessiteuses» (Mémoire, paragraphes 15 et 37). En réalité, l'ONAP était prête à qualifier le Régime de [TRADUCTION] «document analogue à une Charte énonçant les droits fondamentaux des personnes nécessiteuses» (Mémoire, paragraphe 78).
De leur côté, l'appelant et le Manitoba ont mis en lumière la deuxième partie du préambule: «le Parlement du Canada ... désire encourager l'amé- lioration et l'élargissement des régimes d'assis- tance publique et des services de protection sociale dans tout le Canada en partageant dans une plus large mesure avec les provinces les frais de ces programmes» [C'est moi qui souligne.] Dans cette optique, le gouvernement fédéral avait seulement douze clients: les dix provinces et les deux territoires.
À mon avis, l'examen des compétences de cha- cune des parties permet de clore assez rapidement le débat sur l'objet du Régime. On s'est accordé à dire que la question des régimes d'assistance publi- que et des services de protection sociale relève de
la compétence des provinces. Le seul rôle que la Constitution permet au gouvernement fédéral de jouer consiste à verser des contributions aux pro vinces pour les aider à s'acquitter de leurs respon- sabilités. Comme l'a mentionné le juge Culliton, J.C.S., dans l'affaire Re Lofstrom and Murphy et al. (1971), 22 D.L.R. (3d) 120 (C.A. Sask.), à la page 122, le Régime [TRADUCTION] «né restreint aucunement la compétence législative d'une légis- lature provinciale dans le domaine de l'assistance sociale». Il est fort possible que le Parlement ait eu l'intention d'instaurer des mesures convenables d'assistance publique pour les personnes nécessi- teuses, mais le Régime avait un objectif plus modeste, soit celui de partager avec les provinces les coûts de cette assistance. Cette loi ne concerne donc pas l'assistance publique; c'est une «Loi auto- risant le Canada à contribuer aux frais des régimes visant à fournir une assistance publique et des services de protection sociale aux personnes néces- siteuses et à leur égard», comme son titre complet l'indique.
Quoi qu'il en soit, même si les provinces demeu- rent responsables au premier chef de tout ce qui concerne l'assistance publique, il reste que l'article 6 du Régime énonce clairement certaines condi tions auxquelles sont assujetties les contributions du gouvernement fédéral, comme le précise l'arti- cle 7 du Régime. Le paragraphe 6(1) énonce les dispositions à inclure dans les accords fédéraux- provinciaux, et le paragraphe 6(2) énumère les sept engagements que doivent prendre les provin ces dans leurs accords respectifs. Les alinéas 6(2)a) et b) sont au cœur de la controverse dans le cas qui nous occupe. Selon l'alinéa a), une pro vince doit s'engager à fournir une aide financière à toute personne nécessiteuse «dans une mesure ou d'une manière compatibles avec ses besoins fondamentaux».
Les expressions «besoins fondamentaux» et «per- sonnes nécessiteuses» sont définies à l'article des définitions, mais comme les termes qui y sont employés sont plutôt vagues, c'est à chaque pro vince qu'il revient de définir plus concrètement quels sont les besoins fondamentaux d'une per- sonne nécessiteuse. Selon moi, l'article 6 respecte aussi la compétence constitutionnelle des provin ces.
La locution verbale anglaise «take into account» (tenir compte) mérite toutefois d'être précisée, car elle peut avoir le sens de «consider» (prendre en considération) ou de «meet» (satisfaire). La version française «dans une mesure ou d'une manière com patibles avec ses besoins fondamentaux» n'est d'au- cune aide. Le terme «compatible», qui a à peu près le même sens que le terme anglais «compatible», n'est certainement pas l'équivalent approprié. En outre, l'alinéa b) qui suit immédiatement com mence par les mots «will ... take into account» qui sont rendus en français par l'expression «tiendra compte». Cette variation des expressions utilisées dans la version française ne nous aide pas à com- prendre le sens exact de la locution verbale anglaise.
Une personne peut certainement tenir compte de quelque chose sans l'adopter dans sa totalité. Appliquée à une personne, cette locution pourrait bien ne vouloir signifier que la prise en considéra- tion, sans plus. Mais la version anglaise de l'alinéa a) parle de «amount or manner that takes into account his basic requirements» (mesure ou ... manière compatibles avec ses besoins fondamen- taux). Selon moi, cet extrait a plutôt le sens de «fulfil» (remplir) ou «meet» (satisfaire), car il est difficile de voir comment un montant, contraire- ment à une personne, pourrait tenir compte de quelque chose sans plus ou moins y satisfaire. Dans ce contexte, je serais donc enclin à penser que le montant de l'aide financière doit être suffisant pour permettre à celui ou celle qui en bénéficie de combler ses besoins fondamentaux (le montant exact de l'aide dépend évidemment des revenus et des ressources de la personne).
Il me semble que cette interprétation donne plus de sens au tout que forment les alinéas a) et b). L'alinéa a) prévoit le versement d'une aide finan- cière dans une mesure compatible avec les «besoins fondamentaux»; l'alinéa b) établit un critère pour déterminer ces besoins, qui consiste à soustraire des «besoins matériels» d'une personne les revenus et les ressources dont elle dispose. Or comme le paragraphe 2(2) du Règlement du Régime d'as- sistance publique du Canada précise que l'expres- sion «besoins matériels» désigne les «besoins fonda- mentaux» d'une personne et d'autres articles et services qui sont «essentiels» de l'avis de l'autorité provinciale, l'alinéa b) a une porté plus vaste que l'alinéa a); il me semble que cet alinéa a) serait superflu si on l'interprétait autrement.
Je tiens également à faire remarquer que ce que je viens de qualifier de «soustraction» à l'alinéa b) est exprimé dans le texte par les 'mots «take into account» (tenir compte). Il me semble encore une fois que pour «tenir compte» de quelque chose, il faut accorder leur pleine valeur à la fois aux «besoins matériels» d'une personne et aux «revenus et ressources dont elle dispose pour les satisfaire».
Selon cette interprétation, l'alinéa b) précise comment faire pour calculer le montant de l'aide financière à laquelle une personne nécessiteuse a droit selon l'alinéa a), c'est-à-dire en soustrayant des besoins matériels d'une personne les revenus et les ressources dont elle dispose.
Comme je l'ai souligné, l'interprétation que je retiens ne diminue en aucune façon la compétence fondamentale qu'a chacune des provinces de déter- miner comment mesurer les «besoins fondamen- taux» d'une personne nécessiteuse. À l'Annexe A (article 5) du Règlement sur l'aide sociale, le Manitoba a dressé un tableau des coûts afférents aux «besoins essentiels», calculés en fonction du nombre de bénéficiaires adultes à charge, ainsi que du nombre d'enfants et de leur âge. Sans doute que ce tableau diffère d'une province à l'autre, car rien n'empêche les provinces de déterminer selon leurs propres critères ce dont a besoin une personne nécessiteuse. Une seule condition leur est imposée par le Régime: une fois que le niveau d'aide finan- cière a été fixé, les provinces ne peuvent plus ramener cette aide à un montant inférieur au niveau minimal des besoins fondamentaux d'une personne.
Au Manitoba, la question du recouvrement des paiements en trop est embrouillée par le fait que la Loi sur l'aide sociale n'utilise pas les expressions «besoins fondamentaux» (basic requirements) et «besoins matériels» (budgetary requirements) qui figurent dans la loi fédérale, mais parle plutôt de «besoins essentiels» (basic necessities), tels qu'on les définit aux articles 1 et 2. On a fait valoir que comme la Loi sur l'aide sociale prévoit que la province doit subvenir aux «besoins essentiels» des personnes nécessiteuses, lesquels comprendraient plus de choses que les «besoins fondamentaux», on peut utiliser la différence entre le minimum prévu dans le Régime et le montant garanti par la loi manitobaine pour recouvrer les paiements en trop, sans empiéter sur ce minimum. En d'autres
termes, le trop-perçu viendrait simplement réduire les montants destinés à combler les besoins non essentiels. Je dois cependant dire que la loi manito- baine ne m'apparaît contenir aucune norme supé- rieure à celle de la loi fédérale surtout si j'associe la condition relative aux «besoins fondamentaux» énoncée à l'alinéa 6(2)a) du Régime à la condition qu'impose l'alinéa 6(2)b) du Régime relativement aux «besoins matériels». Tant les «besoins maté- riels» de la loi fédérale que les «besoins essentiels» de la loi manitobaine comprennent la nourriture, les vêtements, le logement, les services de soins de santé, les frais funéraires et les «besoins person- nels»'. De fait, la notion fédérale est un peu plus large puisqu'elle inclut «les articles réglementaires, accessoires à l'exercice d'un métier ou autre emploi, ainsi que les services répondant aux autres besoins spéciaux réglementaires de toute nature», de même que «les déplacements et moyens de transport». Une province n'est évidemment pas tenue de subvenir à tous ces besoins matériels puisque ce qu'elle peut considérer comme des besoins essentiels est laissé à sa discrétion selon le paragraphe 2(2) du Règlement du Régime d'as- sistance publique du Canada. Néanmoins, comme le Manitoba a incorporé dans sa définition des besoins essentiels des éléments comme «les; soins chirurgicaux, médicaux, dentaires et oculaires essentiels, ainsi que les autres traitements ou soins correctifs», je vois mal se trouve l'excédent duquel on voudrait soustraire des retenues qui ne feraient pas chuter les paiements à un niveau inférieur au minimum garanti par le Régime. La définition que donne la loi manitobaine des «besoins essentiels» ne fait que respecter l'exigence fédérale relative aux «besoins matériels». Par con- séquent, le versement d'une allocation inférieure au montant requis pour combler les besoins essen- tiels d'une personne nécessiteuse constitue une vio lation de l'alinéa 6(2)b).
' Les «besoins personnels», qui sont mentionnés dans la défi- nition des «besoins fondamentaux» à l'article 2 du Régime, sont définis au paragraphe 2(2) du Règlement du Régime- d'assis- tance publique du Canada comme étant «les articles de moin- dre importance ... [qui] dans la vie quotidienne, sont nécessai- res à la santé et au bien-être d'une personne». On peut présumer que les mots «les objets, biens, services essentiels à sa santé et à son bien-être» mentionnés à l'article 2 de la Loi sur l'aide sociale englobent les besoins personnels. [C'est moi qui souligne.]
Dans le cas particulier de l'intimé, la somme de 213,40 $ ne vise même pas à subvenir à tous ses besoins fondamentaux; en effet, elle sert unique- ment, comme on l'a indiqué ci-dessus, à payer «la nourriture, les vêtements, les besoins personnels et les fournitures ménagères». Cela correspond très exactement à quatre des sept catégories de besoins fondamentaux du Régime; sont exclus le logement, le combustible et les services d'utilité publique. Par conséquent, du moins en ce qui concerne cette somme, le Manitoba ne saurait prétendre qu'il respecterait ses engagements en vertu du Régime en versant une somme inférieure à 213,40 $.
Dès lors, l'alinéa 20(3) de la Loi sur l'aide sociale contrevient aux dispositions du Régime qui imposent un niveau minimal, puisqu'il autorise la retenue d'un montant «dont la privation ne causera pas un préjudice injustifié au bénéficiaire». Comme le juge de première instance l'a dit (aux pages 56 et 57):
... il m'est difficile de faire la distinction entre le préjudice et le préjudice injustifié lorsque les besoins fondamentaux comme l'alimentation, le logement ou les vêtements sont touchés. Je suis convaincu que, lorsque les besoins fondamentaux ne sont pas comblés, un préjudice injustifié est causé au bénéficiaire. Un montant insuffisant au titre des besoins matériels, c'est-à- dire les traitements dans une maison pour soins spéciaux, le déplacement, le transport ou les autres éléments mentionnés aux alinéas 26)à h) du RAPC, peut être considéré comme un préjudice qui n'est pas un préjudice injustifié. L'insuffisance touchant les éléments mentionnés à l'alinéa 2a) cause un préjudice injustifié.
En d'autres termes, la norme que la province est tenue de respecter n'est pas celle du préjudice injustifié énoncée au paragraphe 20(3). Quel qu'en soit le sens, cette notion de «préjudice injustifié» n'est pas directement- pertinente en l'espèce. C'est plutôt la norme que le Régime impose sous forme de condition, c'est-à-dire la satisfaction des besoins fondamentaux, qu'il faut respecter.
Dans le cas présent, la preuve qui a été faite ne permet pas de dire dans quelle mesure le Manitoba a effectivement fait des retenues en vue de recou- vrer des paiements en trop qui ont fait tomber les allocations sous le niveau minimal; du reste, il n'est pas nécessaire que je me prononce là-dessus. La seule question à trancher est celle de savoir si le critère appliqué par le Manitoba à cet égard res- pecte les conditions du Régime. À mon avis, il ne les respecte pas.
La Saskatchewan, l'Ontario et le Québec ont prétendu qu'il n'était pas opportun d'évaluer la pertinence de la norme prévue au paragraphe 20(3) relativement aux retenues en se fondant sur un mois seulement. Après tout, ont-ils ajouté, lors- que les retenues sont réparties sur une longue période, elles permettent simplement de recouvrer le montant exact des allocations qu'un bénéficiaire a reçues en trop. Autrement dit, l'équilibre est rétabli, mais à plus long terme. Il ne faut toutefois pas s'imaginer qu'il reste aux personnes nécessiteu- ses un excédent de revenu après qu'elles ont comblé leurs besoins fondamentaux car, selon l'ali- néa 6(2)b) du Régime, on doit tenir compte uni- quement des «revenus et ressources» dont ces per- sonnes disposent. Non seulement les besoins humains ne sont pas aussi aisément catégorisables et restreignables, mais les calculs imprévisibles, voire arbitraires, du trop-perçu dans le cas en l'espèce montrent à quel point il serait difficile pour un bénéficiaire de planifier rationnellement son budget dans des circonstances aussi fortuites. Qui plus est, c'est le Manitoba lui-même qui a adopté une unité mensuelle pour le calcul des allocations. Pourquoi devrait-il pouvoir recouvrer, disons sur une période de dix ans, ce qu'un bénéfi- ciaire a reçu en trop dans un seul mois?
La Saskatchewan, l'Ontario et le Québec ont également soutenu qu'il serait illogique d'interdire à une province de recouvrer des paiements en trop puisqu'on pourrait arriver au même résultat sim- plement en diminuant de moitié, ou dans une autre proportion, l'évaluation des besoins fondamentaux faite par cette province. Cependant, quels que soient les pouvoirs d'une province à cet égard, celle-ci doit les exercer globalement, et non par rapport à un bénéficiaire en particulier. On peut difficilement concevoir qu'une province abaisserait son taux général pour pénaliser un bénéficiaire en particulier ou plusieurs bénéficiaires, ou pour atteindre un objectif qui ne serait pas général et de bonne foi.
Il faut cependant reconnaître qu'une province qui n'aurait pas le droit de recouvrer auprès des bénéficiaires des paiements en trop en vertu du paragraphe 20(3) de la Loi sur l'aide sociale ou d'autres dispositions qui ne respectent pas les con ditions prévues dans le Régime d'assistance publi- que du Canada pourrait difficilement recouvrer le
trop-perçu, opération qui est en réalité imposée à la province par le gouvernement fédérale. Bien entendu, une province aura toujours un recours en cas de fraude', ou si le bénéficiaire a d'autres sources de revenu ou d'autres ressources. Il ne faut cependant pas être assez naïf pour croire qu'il est nécessairement dans l'intérêt public de soutirer de l'argent à ceux qui vivent à la limite du seuil de la pauvreté ou sous ce seuil pour assainir la société, même- si les sommes retenues sont peu élevés et réparties sur plusieurs mois. De tels efforts de dissuasion pourraient bien faire autant de tort à la société que la situation qu'on veut corriger.
Sous un aspect, je crois devoir, en tant que tribunal d'appel, empiéter sur le pouvoir discré- tionnaire du juge de première instance, en m'ap- puyant sur le principe énoncé dans l'affaire Osen- ton (Charles) & Co. v. Johnston, [ 1942] A.C. 130 (H.L.). Si le gouvernement fédéral s'abstenait de verser au Manitoba les contributions prévues par le Régime, non seulement cela menacerait l'ensem- ble du programme d'allocations d'aide sociale de la province, mais cela tarirait la source des crédits fédéraux destinés à tous les programmes à coûts partagés relevant du Régime d'assistance publique du Canada, y compris les services de protection de l'enfance. À mon sens, une telle conséquence serait tout à fait hors de proportion compte tenu de la situation à laquelle l'intimé voudrait que l'on remédie. De plus, comme les gouvernements res- pectent invariablement les jugements déclaratoi- res, je ne vois pas l'utilité d'accorder un autre redressement.
Par conséquent, je rejetterais l'appel quant au jugement déclaratoire et je l'accueillerais quant à l'injonction. Il faudrait donc modifier le jugement du juge Teitelbaum pour qu'il se lise ainsi: les contributions versées par le ministre des Finances et les certificats délivrés par le ministre de la Santé nationale et du Bien-être social à la province du Manitoba conformément à l'article 7 du Régime d'assistance publique du Canada sont illégaux tant et aussi longtemps que la Loi sur l'aide sociale du Manitoba permettra de ramener les
2 Les modalités du recouvrement des paiements en trop du Manitoba ont été approuvées par le gouvernement fédéral et incorporées dans l'Accord de 1967.
3 Je pense aux accusations de fraude en vertu du Code criminel ou aux accusations de nature quasi-criminelle en vertu de la Loi sur l'aide sociale.
allocations d'aide sociale à un montant inférieur au niveau minimal des besoins fondamentaux et que le Manitoba permettra aux municipalités de fixer leurs propres taux d'aide, indépendamment de l'autorité provinciale.
* * *
L'appel incident a trait à la fixation des taux d'aide sociale par les municipalités du Manitoba et aux dépens.
Durant les plaidoiries, il a été dit que le Mani- toba est l'une des trois provinces dotées d'un régime d'assistance publique et de protection sociale à deux niveaux, et que c'est la seule pro vince qui n'exige pas d'approuver les taux fixés par les municipalités. Parmi ces dernières, la ville de Brandon est apparemment la seule dont le taux soit aussi élevé que celui de la province.
Le juge de première instance a déclaré au sujet de la fixation des taux par les municipalités la page 58):
Je suis convaincu que la province n'est pas tenue, que ce soit en vertu du RAPC ou ... [de] l'entente conclue entre le Manitoba et le Canada, de fixer le taux de prestations d'assistance sociale versées par une municipalité et qu'elle n'est pas tenue d'approu- ver expressément ce taux. Tant et aussi longtemps que le test servant à déterminer les besoins essentiels dans une, municipa- lité équivaut à celui qui est énoncé dans la Loi sur l'aide sociale, il ne peut y avoir de violation du RAPC ou de l'entente conclue entre la province et le Canada.
En outre, je suis convaincu que, étant donné que les services d'administration du RAPC sont confiés à la province, celle-ci peut permettre à une municipalité de fixer ses propres taux de prestations d'aide sociale, pourvu que le test approprié concer- nant les besoins soit appliqué.
En principe, il n'y a peut-être pas de raison pour que les taux ne varient pas d'une municipalité à l'autre, ni pour que la province ne délègue pas aux municipalités le pouvoir de fixer ces taux, pourvu que le niveau des besoins fondamentaux soit res pecté. Les nombreuses références qui sont faites aux municipalités dans le Régime montrent qu'on voulait qu'elles fassent partie du système.
Toutefois, l'appelant dans l'appel incident a sou- levé une question beaucoup plus restreinte, à savoir que la fixation des taux par les municipalités cons- tituait un manquement grave à l'engagement qu'a pris la province de subvenir aux besoins fondamen-
taux, tels qu'ils auront été définis par l'autorité provinciale compétente, de toutes les personnes nécessiteuses de la province.
La définition de l'expression «personnes nécessi- teuse» qui figure à l'article 2 du Régime prévoit que c'est l'autorité provinciale qui établit le critère servant à décider si une personne est nécessiteuse. On définit aussi dans cet article l'«autorité provin- ciale» comme étant «le ministre provincial ou une autorité ou un organisme autre spécifié par la province» dans l'accord approprié. On précise à l'alinéa l b) de l'Accord de 1967 que [TRADUC- TION] «le ministre du Bien-être social est le minis- tre provincial chargé de l'application de la loi provinciale».
L'intimé dans l'appel incident et le Manitoba ont rétorqué que le Régime confiait effectivement la désignation de l'autorité provinciale à la pro vince, et que cette désignation avait été faite en conformité de l'Accord de 1967. Ils n'ont pas nié le fait que le ministre du Bien-être social n'avait ni fixé ni approuvé les taux des municipalités, et ont reconnu que la détermination de ces taux reposait sur des critères différents de ceux de la province. Ils ont cependant souligné que même les taux de la province n'étaient pas fixés par le Ministre, comme l'exige l'Accord, mais l'étaient plutôt par le lieute- nant-gouverneur en conseil sur la recommandation du Ministre. En bref, une violation en vaut bien une autre. En effet, ont-ils soutenu, il s'agit d'une question d'ordre contractuel et comme les deux parties contractantes sont satisfaites, personne d'autre n'a le droit de se plaindre. On a cité comme argument d'autorité l'opinion incidente prononcée par le juge Spence pour la majorité dans l'arrêt LeBlanc c. Ville de Transcona, [1974] R.C.S. 1261, la page 1268, relatif à une pour- suite intentée contre une municipalité du Mani- toba en vue d'obtenir une demande de bien-être supplémentaire:
On peut faire valoir que la province du Manitoba, en contri- buant à une partie de l'assistance municipale payée par la Ville de Transcona, ne subvient pas aux besoins de personnes nécessi- teuses conformément à cette exigence que contient le Régime d'assistance publique du Canada étant donné que le pro gramme appliqué n'est pas un programme établi par la pro vince. A mon avis, il s'agit d'une question qui doit être réglée entre la province du Manitoba et le gouvernement du Canada, et qui ne peut avoir aucune application dans un appel interjeté par le présent appelant d'un refus de la Ville de Transcona de lui octroyer une allocation municipale.
Il me semble toutefois que, dans le cas en l'es- pèce, la question de savoir si le contre-appelant a le droit de contester même des question d'ordre con- tractuel entre le gouvernement fédéral et la pro vince a déjà été tranchée par la Cour suprême du Canada, qui a reconnu que le contre-appelant avait qualité pour agir dans l'intérêt public dans le présent litige: Finlay c. Canada (Ministre des Finances), supra.
Subsidiairement, l'ONAP a soutenu qu'il fallait annuler la décision rendue dans l'arrêt LeBlanc, selon laquelle on ne peut obliger les municipalités du Manitoba à payer le taux d'aide de la province lorsqu'il est plus élevé que le leur. J'estime cepen- dant que cette Cour n'a pas le pouvoir de le faire, et il n'y a pas lieu d'étudier plus longuement cette question.
Je tiens toutefois à déclarer que tous les taux d'aide sociale dont il est question dans le Régime d'assistance publique du Canada et dans l'Accord Canada-Manitoba de 1967 doivent être établis par l'autorité provinciale désignée à cette fin. Les arguments qui militent contre l'injonction et le jugement déclaratoire sont les mêmes que ceux qui s'appliquent à l'appel principal.
Contrairement au juge de première instance, je ne suis pas d'avis que les sommes versées en trop à l'intimé/contre-appelant sont le résultat de ses pro- pres actions délibérées; je lui accorderais donc les dépens tant pour l'action en première instance que pour l'appel et l'appel incident. De plus, comme on a reconnu qu'il avait qualité pour agir dans l'inté- rêt public, je lui accorderais ces dépens sur une base procureur-client. La moitié de ces dépens devra être payée par les appelants, l'autre moitié par le procureur général du Manitoba.
L'effet du présent jugement est suspendu jus- qu'à l'issue de l'appel conformément à la Règle 341A(4) [Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663 (édictée par DORS/79-57, art. 8)].
LE JUGE PRATTE, J.C.A.: Je souscris à ces motifs.
LE JUGE HUGESSEN, J.C.A.: Je souscris à ces motifs.
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