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A-571-89
Pacific Press Limited, Neil Graham, John Tre- thewey, Glen Bohn et CKNW Radio (requérants)
c.
Ministre de l'Emploi et de l'Immigration; R. G. Smith, en sa qualité d'arbitre conformément à la Loi sur l'immigration (Canada) et Charles Julius McVey (intimés)
RÉPERTORIÉ: PACIFIC PRESS LTD. c. CANADA (MINISTRE DE L'EMPLOI ET DE L'IMMIGRATION) (CA.)
Cour d'appel, juges Heald, Mahoney et Desjar- dins, J.C.A.—Vancouver, 11 janvier; Ottawa, 26 janvier, 1990.
Immigration Pratique Demande fondée sur l'art. 28 en vue d'infirmer la décision de l'arbitre rendue en vertu de l'art. 29(3) de la Loi sur l'immigration de tenir une enquête à huis clos L'art. 29(3) permet à un membre du public d'assister à l'enquête s'il démontre que la tenue en public de l'enquête n'entraverait pas cette dernière et que ni l'intéressé ni les membres de sa famille ne s'en trouveraient lésés Cette dernière restriction est étrange compte tenu du fait que d'au- tres personnes pourraient être lésées Compte tenu du dos sier, il n'est pas approprié de rendre une déclaration générale quant à la validité de l'art. 29(3) L'affirmation d'un droit d'accès à une procédure judiciaire ou quasi judiciaire fondé sur l'art. 2b) de la Charte doit en soi, par déduction, répondre à ce léger fardeau que doit acquitter le membre du public à l'art. 29(3) et imposer celui-ci à la personne qui demande l'exclusion de la presse L'arbitre a commis une erreur de droit en rendant l'ordonnance sans élément de preuve pour la justifier La personne qui demande d'exclure la presse doit avoir la possibilité de présenter les éléments de preuve néces- saires dans des conditions qui empêcheront leur divulgation et leur publication Demande accueillie.
Droit constitutionnel Charte des droits Libertés fon- damentales Liberté de la presse Enquête en matière d'immigration Demande fondée sur l'art. 28 en vue d'infir- mer la décision de l'arbitre ordonnant la tenue d'une enquête à huis clos en vertu de l'art. 29(3) de la Loi sur l'immigration Il n'est pas approprié de rendre une déclaration générale pour déterminer si l'art. 29(3) est invalide parce qu'incompatible avec l'art. 2b) de la Charte La question n'a pas été nécessairement traitée par l'arbitre et des éléments de preuve pourraient être apportés à l'appui d'une justification de la tenue d'enquêtes à huis clos en vertu de l'art. I L'affirma- tion d'un droit d'accès à une procédure judiciaire ou quasi judiciaire fondée sur l'art. 2b) de la Charte doit en soi, par déduction, répondre à ce léger fardeau que doit acquitter le membre du public en vertu de l'art. 29(3) et imposer celui-ci à la personne qui demande l'exclusion de la presse L'arbitre a commis une erreur de droit en rendant l'ordonnance sans élément de preuve pour la justifier Demande accueillie.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), Appendice I1, 44], art. 1, 2b).
Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), Appendice I1, 44], art. 52(1).
Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), chap. F-7, art. 28.
Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), chap. 1-2, art. 29(3) (mod. par L.R.C. (1985), (1°' suppl.), chap. 31, art. 99).
JURISPRUDENCE
DÉCISION APPLIQUÉE:
R. v. Cameron, [1966] 58 D.L.R. (2d) 486; (1966), 4 C.C.C. 273; 49 C.R. 49 (C.A. Ont.).
DECISION CITÉE:
Edmonton Journal c. Alberta (Procureur général), [1989] 2 R.C.S. 1326.
AVOCATS:
Roger D. McConchie et Patrick G. Foy pour les requérants Pacific Press Limited, Neil Graham, John Trethewey et Glen Bohn. Daniel W. Burnett et Christopher P. Weafer pour la requérante CKNW Radio.
Mary A. Humphries pour l'intimé le ministre de l'Emploi et de l'Immigration.
Robert S. Anderson pour l'intimé Charles Julius McVey.
PROCUREURS:
Ladner Downs, Vancouver, pour les requé- rants Pacific Press Limited, Neil Graham, John Trethewey et Glen Bohn.
Owen, Bird, Vancouver, pour la requérante CKNW Radio.
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimé le ministre de l'Emploi et . de l'Immigration.
Farris, Vaughan, Wills & Murphy, Vancou- ver, pour l'intimé Charles Julius McVey.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE MAHONEY, J.C.A.: Cette demande fondée sur l'article 28 [Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), chap. F-7] a pour but d'infirmer la
décision de l'arbitre intimé de tenir une enquête à huis clos en vertu de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), chap. I-2, au sujet de l'intimé McVey. L'arbitre a fondé sa compétence sur le paragraphe 29(3) [mod. par L.R.C. (1985), (1er suppl.), chap. 31, art. 99] de la Loi.
29. (1) L'arbitre mène l'enquête, dans la mesure du possi ble, en présence de l'intéressé.
(2) À la demande ou avec l'autorisation de l'intéressé, l'arbi- tre permet la présence d'observateurs, dans la mesure elle ne risque pas d'entraver le déroulement de l'enquête.
(3) Sous réserve du paragraphe (2), l'arbitre tient son enquête à huis clos sauf si, à la demande d'un membre du public, il lui est démontré que la tenue en public de l'enquête ne compromettrait pas cette dernière et que la personne qui en fait l'objet ou les membres de sa famille ne s'en trouveraient pas lésés.
Les requérants veulent obtenir une déclaration en conformité du paragraphe 52(1) de la Loi consti- tutionnelle de 1982 [annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), Appendice II, 44]] portant que le paragraphe 29(3) est inopérant en raison de son incompatibi- lité avec leur liberté prévue en vertu de l'alinéa 2b) de la Charte canadienne des droits et libertés [qui constitue la Partie I de la Loi de constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.) [L.R.C. (1985), Appendice II, 44]].
2. Chacun a les libertés fondamentales suivantes:
b) liberté de pensée, de croyance, d'opinion et d'expression, y compris la liberté de la presse et des autres moyens de communication;
Ils prétendent également que la décision n'est pas étayée par la preuve. Le ministre a comparu seule- ment pour appuyer la validité de la Loi. L'arbitre a eu tout à fait raison de ne pas comparaître. M. McVey appuie tant la validité de la Loi que celle de l'ordonnance et demande en outre qu'on ordonne à l'arbitre, si l'affaire lui est renvoyée, qu'à la demande de M. McVey les éléments de preuve et les arguments contre la tenue en public de l'enquête soient entendus à huis clos.
Compte tenu du dossier, j'estime qu'il n'est pas approprié de rendre une déclaration générale quant à la validité du paragraphe 29(3) même si
l'arbitre s'est prononcé en faveur de sa validité. Premièrement, après avoir soigneusement lu la transcription, je conclus qu'aucune demande n'a été présentée à l'arbitre pour qu'il rende cette déclaration. L'inclusion d'une telle demande dans l'avis introductif d'instance en vertu de l'article 28 ne nous justifie pas, à mon avis, de rendre une telle déclaration lorsque l'arbitre n'en a pas nécessaire- ment traité. Deuxièmement, et sans égard à la prééminance que l'on prétend avoir été accordée à l'alinéa 2b) par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Edmonton Journal c. Alberta (Procureur général), [1989] 2 R.C.S. 1326, cette Cour ne peut ignorer sa propre jurisprudence dans l'examen des questions d'immigration. Il nous paraît évident que des éléments de preuve pourraient être apportés à l'appui d'une justification de la disposition relative à la tenue d'enquêtes à huis clos en vertu de l'article premier. Nous avons été avisé que la Section de première instance a mis en délibéré sa décision dans une action en déclaration portant sur cette question dans le cas d'un revendicateur du statut de réfugié. Il est évidemment préférable que cette Cour intervienne le moins possible à cette étape-ci. On a laissé entendre que si nous n'exami- nions pas cette demande et si l'affaire était ren- voyée à l'arbitre, ce ne serait peut-être qu'une question de temps avant que l'affaire se retrouve inévitablement devant nous. Cela se peut mais, le cas échéant, l'affaire comportera alors un dossier d'éléments de preuve fondés sur l'article premier.
Le paragraphe 29(3) confère à l'arbitre un pou- voir discrétionnaire. Il impose au membre du public intéressé le fardeau d'établir deux condi tions négatives: que la tenue en public de l'enquête n'entraverait pas cette dernière et que ni l'intéressé ni les membres de sa famille ne s'en trouveraient lésés. Cette dernière restriction est étrange. Qu'en est-il par exemple du gardien de prison, du policier ou du soldat qui par amitié, corruption ou sympa- thie a facilité la fuite d'un revendicateur du statut de réfugié, et qu'en est-il des résidents étrangers, peut-être des missionnaires ou des gens d'affaires, qui n'acceptent de témoigner que si leur possibilité de retour n'est pas compromise?
On peut prétendre que le fardeau est mal placé. Encore une fois, je pense qu'il est préférable dans les circonstances de ne pas exprimer une opinion
définitive sur cet aspect de la disposition. Compte tenu de ma façon d'aborder la question, j'estime que les conséquences pratiques ne sont pas particu- lièrement importantes puisque la norme que l'arbi- tre a correctement appliquée est celle formulée par le juge Aylesworth de la Cour d'appel dans l'arrêt R. v. Cameron, [1966] 58 D.L.R. (2d) 486; (1966), 4 C.C.C. 273; 49 C.R. 49 (C.A. Ont.), à la page 498 D.L.R.:
[TRADUCTION] Cependant, lorsque la Couronne a le fardeau d'établir une condition négative comme élément de l'accusation, il suffit souvent que peu d'éléments de preuve soient apportés. Ces éléments de preuve doivent souvent être déduits des autres faits prouvés.
Il me semble que l'affirmation d'un droit d'accès à une procédure judiciaire ou quasi judiciaire fondé sur l'alinéa 2b) de la Charte doive en soi, par déduction, répondre à ce léger fardeau et imposer celui-ci par inversion à la personne qui demande que la presse soit exclue.
L'arbitre n'a pas retenu cette façon de faire. Au contraire, il a conclu:
[TRADUCTION] Je suis donc convaincu que le fardeau de convaincre l'arbitre en vertu du paragraphe 29(3) de la Loi sur l'immigration incombe au requérant et, de plus, qu'il n'appar- tient pas à l'avocat de l'intéressé de produire des éléments de preuve indépendants en soi mais que tout argument peut encore être examiné.
Sa raison de conclure à la tenue d'une enquête à huis clos était fondée uniquement sur des argu ments non contestés, et non pas des éléments de preuve, selon lesquels l'épouse de M. McVey, rési- dant quelque part aux Etats-Unis, [TRADUCTION] «souffre d'un cancer en phase terminale et que la publicité découlant d'une enquête pourrait avoir un grave effet préjudiciable sur sa santé». Rien n'a été dit des autres mesures qui pourraient raisonna- blement être prises pour l'empêcher de prendre connaissance de l'enquête. À mon avis, cela ne constituait pas un fondement approprié justifiant l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire en faveur de la tenue d'une enquête à huis clos. Peu importe ce que comporte la liberté de la presse, il doit certai- nement y avoir des éléments de preuve pour justi- fier qu'on y porte atteinte dans une instance judi- ciaire ou quasi judiciaire. L'arbitre a commis une erreur de droit en rendant l'ordonnance sans élé- ment de preuve pour la justifier.
Le problème de l'arbitre découlait directement de son refus de tenir l'enquête à huis clos à la suite
de la demande des requérants qu'elle soit tenue publiquement. Par conséquent, M. McVey a refusé de produire des éléments de preuve. Si l'on suppose que la tenue d'une enquête à huis clos en vertu de la Loi sur l'immigration peut être justifiée sans égard à l'alinéa 2b) de la Charte, il semble évident que la personne qui demande d'exclure la presse puisse avoir la possibilité de présenter les éléments de preuve nécessaires dans des conditions qui empêcheront leur divulgation et leur publication. Les avocats expérimentés vont pouvoir proposer diverses mesures acceptables pour conserver la confidentialité tout en permettant que les éléments de preuve soient évalués par les parties opposées.
J'accueillerais cette demande fondée sur l'article 28, j'infirmerais la décision de l'arbitre de tenir l'enquête à huis clos et je lui renverrais l'affaire pour qu'elle soit examinée à nouveau en confor- mité avec ces motifs.
LE JUGE HEALD, J.C.A.: Je souscris aux motifs.
LE JUGE DESJARDINS, J.C.A.: Je souscris aux motifs.
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