T-1138-89
Ray B. Love, Safecool Incorporated et Numor
Systems Company (requérants)
c.
Marcel Claveau, Numor Coolant Technologies
Ltd., et le commissaire des brevets (intimés)
RÉPERTORIÉ: LOVE c. CLAVEAU (1' s INST.)
Section de première instance, juge Dubé—Mont-
réal, 10 octobre; Ottawa, 18 octobre 1989.
Compétence de la Cour fédérale — Section de première
instance — L'art. 52 de la Loi sur les brevets permet à la Cour
d'ordonner la radiation de «toute inscription dans les registres
du Bureau des brevets concernant le titre à un brevet» — Ces
mots sont suffisamment larges pour comprendre une inscrip
tion visant le titre à un brevet, que le brevet soit délivré ou non
— Ils comprennent la cession du droit à l'obtention d'un
brevet.
Brevets — Pratique — La requête introductive d'instance
constitue la démarche appropriée pour obtenir, en vertu de
l'art. 52 de la Loi sur les brevets, la radiation de l'inscription,
dans les registres du Bureau des brevets, désignant l'intimée en
qualité de cessionnaire de la demande de brevet — Selon la
Règle 603, les procédures prévues par l'art. 18, l'exception
des procédures visant à obtenir un jugement déclaratoire,
peuvent aussi être engagées par voie de requête introductive
d'instance.
Les intimés ont déposé un acte de comparution conditionnelle
en vue de soulever une objection relativement à la compétence
de la Cour et à une irrégularité commise dans l'introduction de
la procédure. Dans leur requête introductive d'instance, les
requérants demandaient, en vertu de l'article 52 de la Loi sur
les brevets, la radiation de l'inscription dans les registres du
Bureau des brevets désignant l'intimée Numor Coolant Techno
logies Ltd. en qualité de cessionnaire de la demande de brevet
canadien n° 552,339. Subsidiairement, les requérants deman-
daient un bref de certiorari visant l'annulation de la décision du
commissaire des brevets qui enregistrait la cession de la
demande de brevet. Les requérants allèguent que la cession est
un faux et que par conséquent les intimés ne sont pas cession-
naires de la demande de brevet. L'article 52 prévoit que la Cour
fédérale est compétente pour ordonner que «toute inscription
dans les registres du Bureau des brevets concernant le titre à un
brevet» soit radiée. La question consiste à savoir si l'article 52
limite la compétence de la Cour à un brevet qui a été délivré ou
s'il est suffisamment large pour comprendre une inscription
visant une demande de brevet en cours.
Jugement: la Cour a compétence pour ordonner la radiation
de Numor Coolant Technologies Ltd. en qualité de cessionnaire
de la demande de brevet.
L'article 52 est le dernier article sous la rubrique «Cessions et
dévolutions». L'article 52, interprété correctement compte tenu
du contexte du chapitre sur les cessions et dévolutions de la Loi
sur les brevets, signifie que la Cour peut ordonner que toute
inscription dans les registres soit modifiée ou radiée pourvu
qu'elle concerne le titre à un brevet. Cela comprend nécessaire-
ment la cession du droit à l'obtention d'un brevet. Toutes les
cessions, bien que les articles 49 et 50 en traitent de façon
distincte, sont groupées ensemble à l'article 51, et elles le
restent à l'article 52, qui marque le point culminant du sujet.
Subsidiairement, la Cour a compétence pour ordonner la
radiation de l'inscription en vertu de l'article 18 de la Loi sur la
Cour fédérale.
Selon la Règle 603, les procédures prévues par l'article 18, à
l'exception des procédures visant à obtenir un jugement décla-
ratoire, peuvent être engagées par voie de requête introductive
d'instance. Comme c'est la radiation que recherche le requé-
rant, une requête introductive d'instance constitue aussi la
démarche appropriée en vertu de l'article 52.
La question ne relève pas d'une cour supérieure d'une pro
vince, qui ne pourrait ordonner à un office fédéral de prendre
une mesure en la matière.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), chap. F-7, art.
18.
Loi sur les brevets, L.R.C. (1985), chap. P-4, art. 49, 50,
51, 52.
Loi sur les brevets, S.R.C. 1970, chap. P-4, art. 53, 54.
Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), chap.
T-13, art. 58.
Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règles
401, 603.
JURISPRUDENCE
DECISIONS EXAMINEES:
Clopay Corp. & Canadian General Tower Ltd. v. Meta-
lix Ltd. (1960), 34 C.P.R. 232; 20 Fox Pat. C. 110;
confirmée par [1962] R.C.S. viii; (1961), 39 C.P.R. 23;
22 Fox. Pat. C. 2; Cellcor Corp. of Canada Ltd. c.
Kotacka, [1977] 1 C.F. 227; (1976), 14 N.R. 204; 27
C.P.R. (2d) 68 (C.A.); Pitney Bowes Inc. v. Yale Secu
rity (Canada) Inc. et autre (1987), 15 C.P.R. (3d) 3; 11
C.I.P.R. 171; (1987), 9 F.T.R. 58 (C.F. l'° inst.); infir-
mée en partie par (1987), 80 N.R. 267; (1987), 13 F.T.R.
233 (note) (C.A.F.).
AVOCATS:
Anthony George Creber pour les requérants.
David L. Cameron pour les intimés.
PROCUREURS:
Gowling, Strathy & Henderson, Ottawa, pour
les requérants.
Clark Woods Rochefort Fortier, Montréal,
pour les intimés.
Ce qui suit est la version française des motifs
de l'ordonnance rendus par
LE JUGE DuBÉ: Avec la permission de la Cour
conformément à la Règle 401 [Règles de la Cour
fédérale, C.R.C., chap 663], les intimés ont déposé
un acte de comparution conditionnelle en vue de
soulever une objection relativement à la compé-
tence de la Cour et à une irrégularité commise
dans l'introduction de la procédure.
Dans leur requête, les requérants demandaient
une ordonnance fondée sur l'article 52 de la Loi
sur les brevets (L.R.C. (1985), chap. P-4) ordon-
nant la radiation et l'annulation de l'inscription
dans les registres du Bureau des brevets désignant
l'intimée Numor Coolant Technologies Ltd. en
qualité de cessionnaire de la demande de brevet
canadien n° 552,339. Subsidiairement, les requé-
rants demandaient un bref de certiorari conformé-
ment à l'article 18 de la Loi sur la Cour fédérale
[L.R.C. (1985), chap. F-7] visant la révision et
l'annulation de la décision du commissaire des
brevets, en date du 18 avril 1989, par laquelle ce
dernier inscrivait l'intimée, Numor Coolant Tech
nologies Ltd., en qualité de cessionnaire de ladite
demande. Les requérants soutiennent que le
Bureau des brevets a enregistré, le 18 avril 1989,
un document qui désignait l'intimée Numor Coo
lant Technologies Ltd. comme titulaire enregistrée
du brevet en question, et que le document était
appuyé d'un affidavit de l'intimé Marcel Claveau
dans lequel ce dernier alléguait que le requérant et
inventeur Ray B. Love avait cédé la demande de
brevet aux intimés.
L'inventeur Ray B. Love affirme par voie d'affi-
davit qu'il n'a jamais signé un tel document. Les
requérants allèguent par conséquent que les inti-
més ne sont pas cessionnaires de la demande de
brevet, et que l'inscription à cet effet dans les
registres du Bureau des brevets devrait être radiée
en vertu de l'article 52 de la Loi sur les brevets,
qui est libellé comme suit:
52. La Cour fédérale est compétente, sur la demande du
commissaire ou de toute personne intéressée, pour ordonner que
toute inscription dans les registres du Bureau des brevets
concernant le titre à un brevet soit modifiée ou radiée.
Dans le cadre de la présente demande les requé-
rants soutiennent, par voie de comparution condi-
tionnelle, que cette Cour n'a pas compétence pour
radier la cession du droit d'obtenir un brevet, sa
compétence se limitant en vertu de l'article 52 à la
radiation d'une inscription relative à un brevet
déjà accordé.
Il s'agit là d'une nouvelle question litigieuse. Il
ne semble y avoir aucune jurisprudence visant
précisément ce point.
Sous la rubrique «CESSIONS ET DÉVOLUTIONS»
de la Loi sur les brevets, on trouve quatre articles
dont l'article 52 est le dernier. Pour bien compren-
dre l'intention de ce chapitre, il est essentiel de
reproduire les trois articles précédents:
49. (1) Un brevet peut être concédé à toute personne à qui
un inventeur, ayant aux termes de la présente loi droit d'obtenir
un brevet, a cédé par écrit ou légué par son dernier testament
son droit de l'obtenir. En l'absence d'une telle cession ou d'un
tel legs, le brevet peut être concédé aux représentants person-
nels de la succession d'un inventeur décédé.
(2) Si le demandeur d'un brevet a, après le dépôt de sa
demande, cédé son droit d'obtenir le brevet, ou s'il a, soit avant,
soit après le dépôt de sa demande, cédé par écrit la totalité ou
une partie de sa propriété de l'invention ou de son intérêt dans
l'invention, le cessionnaire peut faire enregistrer cette cession
au Bureau des brevets, de la manière prescrite par le commis-
saire, et aucune demande de brevet ne peut être retirée sans le
consentement par écrit de ce cessionnaire enregistré.
(3) La cession ne peut être enregistrée au Bureau des brevets
à moins d'être accompagnée de l'affidavit d'un témoin attes-
tant, ou à moins qu'il ne soit établi par une autre preuve à la
satisfaction du commissaire, que cette cession a été signée et
souscrite par le cédant.
50. (1) Tout brevet délivré pour une invention est cessible en
droit, soit pour la totalité, soit pour une partie de l'intérêt, au
moyen d'un acte par écrit.
(2) L'acte de cession, ainsi que tout acte de concession et
tout acte translatif du droit exclusif d'exécuter et d'exploiter, et
de concéder à des tiers le droit d'exécuter et d'exploiter,
l'invention brevetée au Canada est enregistré au Bureau des
brevets, de la manière prescrite par le commissaire.
(3) L'acte de cession, de concession ou de transport ne peut
être enregistré au Bureau des brevets à moins d'être accompa-
gné de l'affidavit d'un témoin attestant, ou à moins qu'il ne soit
I établi par une autre preuve à la satisfaction du commissaire,
qu'un tel acte de cession, de concession ou de transport a été
signé et souscrit par le cédant et aussi par chacune des autres
parties à l'acte.
51. Toute cession en vertu des articles 49 ou 50 est nulle et
de nul effet à l'égard d'un cessionnaire subséquent, à moins que
l'acte de cession n'ait été enregistré, aux termes de ces articles,
avant l'enregistrement de l'acte sur lequel ce cessionnaire sub-
séquent fonde sa réclamation.
La lecture de ces articles montre que l'article 49
traite de la cession du droit d'obtenir un brevet
avant que ce brevet n'ait été concédé. L'article 50
porte sur la cession d'un brevet qui a été délivré.
L'article 51 vise toute cession «en vertu des articles
49 ou 50». L'article 52 précité établit la compé-
tence de la Cour fédérale pour ordonner la radia
tion de «toute inscription dans les registres du
Bureau des brevets concernant le titre à un
brevet».
La principale question consiste à savoir si ces
mots limitent la compétence de la Cour à un
brevet qui a été délivré ou s'ils sont suffisamment
larges pour comprendre une inscription visant une
demande de brevet en cours. Trois décisions nous
aident particulièrement à résoudre le problème.
Tout d'abord, la décision rendue en 1960 par la
Cour de l'Échiquier du Canada, dans l'affaire
Clopay Corp. & Canadian General Tower Ltd. v.
Metalix Ltd'. Il s'agissait d'une action en contre-
façon de brevet dans laquelle la défenderesse a
contesté le titre des demanderesses par voie de
modificatiion de sa défense. Les demanderesses ont
alors présenté une requête pour obtenir une ordon-
nance portant modification de l'inscription dans les
registres du Bureau des brevets. Le juge Cameron
a statué que les pouvoirs conférés à la Cour par
l'article 54 (l'article 52 actuel) de la Loi sur les
brevets étaient [TRADUCTION] «très étendus, bien
qu'ils devraient être exercés avec un grand
discernement».
Les avocats des deux parties se sont appuyés sur
les deux paragraphes suivants (à la page 235) pour
montrer que cette Cour a, ou n'a pas, compétence
en l'espèce:
[TRADUCTION] L'avocat de la défenderesse a soulevé une
objection préliminaire, à savoir que cette Cour n'a pas la
compétence nécessaire pour être saisie de la requête. Il soutient
principalement que la requête est mal conçue et ne peut être
présentée dans le cadre d'une action en contrefaçon, mais
qu'elle devrait être présentée en qualité d'acte de procédure
totalement distinct par voie de pétition ou d'avis introductif de
requête adressé à la Cour. Je n'ai aucun doute qu'une demande
fondée sur l'art. 54 pourrait être présentée de la sorte. De fait,
on m'a avisé que la seule ordonnance rendue jusqu'à mainte-
nant en vertu de l'art. 54 (B.F. Goodrich Co. v. Com'r of
Patents, Dossier n° 158,034 [(1960) 32 C.P.R. 122 (Sec. I)])
trouve sa source dans une pétition, mais dans cette affaire
aucune instance en contrefaçon n'était pendante et la seule
partie qui avait été avisée était le commissaire des brevets.
À mon sens, les pouvoirs conférés à la Cour par l'art. 54 sont
très étendus, bien qu'ils devraient être exercés avec un grand
discernement. L'art. 54 est le dernier d'un groupe de trois
1 (1960), 34 C.P.R. 232; 20 Fox Pat. C. 110; confirmée par
[1962] R.C.S. viii; (1961), 39 C.P.R. 23; 22 Fox Pat. C. 2.
articles intitulés «Cessions et Dévolutions». Les art. 52 et 53
traitent respectivement des cessions et dévolutions antérieures
et postérieures à la délivrance. Je crois, par conséquent, que
l'art. 54 a été édicté dans le but de permettre à la Cour de
rectifier les registres du Bureau des brevets ayant trait au titre
de façon à ce que les droits de la ou des parties ayant droit à la
délivrance du brevet ou le droit d'être enregistrées en qualité de
cessionnaires du brevet, puissent être régulièrement inscrits. [Je
souligne.]
La seconde décision qui nous est utile dans la
solution du litige est la décision que la Cour
d'appel fédérale a rendue en 1977 dans l'affaire
Cellcor Corp. of Canada Ltd. c. Kotacka 2 . Cet
appel concernait une action visant à faire déclarer
inventeur le demandeur plutôt que les défendeurs.
Aucun brevet n'avait été délivré et aucune
demande de brevet n'avait été déposée. La Cour a
conclu que dans les circonstances, elle n'avait pas
compétence pour accorder une telle réparation, et
que l'on ne pouvait pas invoquer l'article 54. Les
deux parties se sont appuyées sur les deux paragra-
phes suivants de la décision du juge Pratte (à la
page 232) pour étayer leurs points de vue
respectifs:
Le principal argument de l'intimé fut que l'article 20 de la
Loi sur la Cour fédérale accorde à la Cour jurisdiction en cette
affaire. Le principal redressement demandé, a-t-il dit, est une
déclaration que le demandeur, étant le propriétaire de l'inven-
tion, est la personne autorisée par la Loi sur les brevets à faire
une demande de brevet. Ce redressement, a-t-il ajouté, est
clairement un redressement «relativement à un brevet d'inven-
tion» au sens de l'article 20 et n'est également un-sedressement
autorisé par la loi puisque la Cour a le pouvoir de prononcer des
jugements déclaratoires (voir Règle 1723).
À mon avis, la prétention de l'intimé n'est pas fondée.
Prenant pour acquis que la déclaration recherchée par les
défendeurs soit un redressement relatif à un brevet d'invention
au sens de l'article 20, je suis néanmoins d'opinion que, dans les
circonstances de cette affaire, ce n'est pas un redressement que
la Cour fédérale a le pouvoir d'accorder, car, à mon avis, les
appelants ont eu raison de soutenir que l'octroi de ce redresse-
ment n'est pas autorisé par la loi. Suivant la Loi sur les brevets,
c'est le commissaire qui doit d'abord décider si un requérant a
droit à un brevet. La loi n'autorise pas les tribunaux à lui
donner des directives sur la décision qu'il doit prendre; c'est
seulement si on prétend qu'il a rendu une mauvaise décision
que, suivant la loi, la question peut être soumise aux tribunaux.
A mon avis, il serait contraire à l'esprit de la Loi sur les brevets
que les tribunaux s'arrogent le pouvoir, dans un cas comme
celui-ci, de prononcer un jugement déclaratoire comme celui
qu'on demande. Je pense que le pouvoir de la Cour de pronon-
cer des jugements déclaratoires en vertu de la Règle 1723 ne
peut pas être exercé en matière de brevet d'invention quand cet
exercice n'est pas autorisé au moins implicitement par la Loi
2 [1977] 1 C.F. 227; (1976), 14 N.R. 204; 27 C.P.R. (2d) 68
(C.A.).
sur les brevets ou une autre loi validement adoptée par le
Parlement. [Je souligne.]
La troisième décision' pertinente a été rendue
par cette Cour en 1987 (modifiée par la Cour
d'appel fédérale quant à d'autres aspects mais
maintenue en ce qui concerne les principes perti-
nents). Il s'agissait d'une action en violation de
deux droits conférés par un brevet. La défende-
resse avait demandé la radiation de la déclaration.
La Cour a discuté de la modification des brevets
en vertu des articles 53 et 54 de la Loi sur les
brevets [S.R.C. 1970, chap. P-4]. La Cour a statué
que selon la Loi, elle n'était pas compétente à
ordonner d'apporter des modifications aux brevets
tant qu'une demande n'avait pas été faite, à
laquelle le commissaire des brevets devait donner
suite. Les extraits suivants de la décision du juge
Strayer (aux pages 353 et 354 C.P.R.; 62 F.T.R.)
ont été examinés favorablement par les deux
parties:
Les défenderesses soutiennent également que la cour n'a pas
compétence pour rendre une ordonnance sous le régime de l'art.
54 de la Loi sur les brevets, ainsi que l'a demandé la demande-
resse dans ses conclusions, pour exiger que les registres du
Bureau des brevets soient modifiés pour enregistrer la licence
que la demanderesse tient du brevet n° 1167131. En l'espèce, la
demanderesse s'appuie sur l'art. 54 de la Loi sur les brevets,
lequel porte:
La demanderesse prétend être la personne intéressée, et elle
demande que l'inscription du brevet n° 1167131 soit modifiée.
A supposer que les allégations faites dans la déclaration soient
véridiques, je suis persuadé que la demanderesse est la personne
intéressée. Mais les défenderesses ont soulevé deux autres
objections. L'une repose essentiellement sur l'affaire Cellcor où,
dans le passage précité, le juge Pratte déclare que c'est le
commissaire des brevets qui doit d'abord décider si un requé-
rant a droit à un brevet, et que la cour ne saurait lui donner des
directives sur la décision qu'il doit prendre. Bien qu'il existe des
doutes à cet égard, je ne crois pas que cette déclaration
s'applique à la présente situation. En l'espèce, le brevet est déjà
enregistré, et l'art. 54 prévoit la possibilité que la Cour ordonne
au commissaire de modifier l'inscription d'un titre déjà enregis-
tré. J'estime que l'autre argument soulevé par les défenderesses
est toutefois plus solide. Elles invoquent le paragraphe 53(3)
qui porte:
Il convient de souligner également que les articles 86 à 90 des
Règles sur les brevets prévoient des procédures visant à obtenir
l'enregistrement d'une cession. Rien dans le dossier ne permet
de dire qu'une demande appropriée a été faite au commissaire
avec l'affidavit requis et tout autre document exigé par les
' Pitney Bowes Inc. c. Yale Security (Canada) Inc. et al.
(1987), 15 C.P.R. (3d) 3; 11 C.I.P.R. 171; (1987), 9 F.T.R. 58
(C.F. P' inst.); infirmée en partie par (1987), 80 N.R. 267;
(1987), 13 F.T.R. 233 (note) (C.A.F.).
Règles. J'estime que le même raisonnement, tel qu'il a été
exposé par le juge Pratte dans l'affaire Cellcor, devrait s'appli-
quer: savoir que lorsque la Loi sur les brevets prévoit une
procédure particulière que le commissaire doit suivre pour
recevoir des demandes et rendre des décisions, et précise certai-
nes exigences relatives à la preuve, le Parlement n'a pas voulu
habiliter la Cour à assumer le pouvoir de décider qu'une cession
donnée devrait être enregistrée. Si une demande est faite au
commissaire et qu'il la rejette, il est alors loisible au demandeur
d'obtenir de cette Cour une ordonnance. Pour des décisions
analogues portant sur la modification du registre de la marque
de commerce, voir Friendly Ice Cream Corp. c. Friendly Ice
Cream Shops Ltd. (1972), 7 C.P.R. (2d) 35, à la p. 40, [1972]
C.F. 712; Royal Doulton Tableware Ltd. et autre c. Cassidy's
Ltd.—Cassidy's Ltée (1984), 1 C.P.R. (3d) 214, la p. 227,
[1986] 1 C.F. 357; 5 C.I.P.R. 10. [Je souligne.]
Il convient de noter que parce que le commis-
saire des brevets a enregistré la cession du droit à
la demande, les requérants sont désormais privés
du droit qu'ils avaient de pousser plus avant leur
demande. Dans l'éventualité où ceux qui seraient
cessionnaires de la demande, soit les intimés, négli-
geraient de voir à ce qu'il lui soit donné suite, le
brevet pourrait ne pas être délivré. S'ils retiraient
la demande, le brevet ne sera pas concédé. À mon
avis, si la prétendue cession est un faux, comme le
soutiennent les requérants, ils ont droit à répara-
tion pour le préjudice qui leur a été causé.
Les intimés affirment qu'il s'agit là d'une ques
tion qui relève d'une cour supérieure provinciale,
probablement une cour de l'Ontario puisque le
document en cause aurait été signé à Toronto.
Cependant, je ne vois pas comment un tribunal de
l'Ontario pourrait ordonner à un office fédéral, ce
qu'est clairement le Bureau des brevets, de modi
fier ou de radier une inscription ou de prendre une
autre mesure à cet égard. Il est évident que ce
problème demande une solution beaucoup plus
appropriée.
À mon sens, la solution se trouve dans les pou-
voirs étendus conférés à la Cour par l'article 52 de
la Loi sur les brevets. Cet article, interprété cor-
rectement compte tenu du contexte du chapitre sur
les cessions et dévolutions de la Loi sur les brevets,
signifie que la Cour peut ordonner que toute ins
cription dans les registres soit modifiée ou radiée
pourvu que l'inscription concerne le titre à un
brevet. Ce libellé comprend nécessairement la ces
sion du droit à l'obtention d'un brevet. Toutes les
cessions, bien que les articles 49 et 50 en traitent
de façon distincte, sont groupées ensemble à l'arti-
cle 51, et elles le restent à l'article 52, qui marque
le point culminant du sujet.
Dans l'arrêt Clopay, le juge Cameron, de la
Cour de l'Échiquier, a trouvé à cet article une
portée «très étendue». Il a dit qu'il avait été édicté
[TRADUCTION] «dans le but de permettre à la
Cour de rectifier les registres du Bureau des bre-
vets ayant trait au titre». Dans l'arrêt Cellcor le
juge Pratte, après avoir souligné que la Cour ne
peut donner des directives au commissaire sur la
décision qu'il doit prendre, a ajouté «c'est seule-
ment si on prétend qu'il a rendu une mauvaise
décision que, suivant la loi, la question peut être
soumise aux tribunaux». Dans l'arrêt Pitney Bowes
Inc., le juge Strayer a souligné que «si une
demande est faite au commissaire et qu'il la
rejette, il est alors loisible au demandeur d'obtenir
de cette cour une ordonnance».
Le corollaire évident est que si le commissaire
accepte un document qu'il aurait dû rejeter, il est
alors loisible à la partie lésée de demander une
ordonnance à cette Cour (la Cour fédérale, Section
de première instance).
Si j'avais tort sur ce point, et que l'article 52 ne
permettait pas à cette Cour d'ordonner au com-
missaire de radier l'inscription litigieuse, j'estime
alors que ce pouvoir découle de l'article 18 de la
Loi sur la Cour fédérale, et qu'il y a ouverture à
un bref de certiorari à l'encontre d'une décision
administrative rendue par le commissaire des bre-
vets, qui est un office fédéral. Il est clair que seule
la Cour peut accorder cette réparation.
Selon la Règle 603, les procédures prévues par
l'article 18, à l'exception des procédures visant à
obtenir un jugement déclaratoire, peuvent être
engagées par voie de requête introductive d'ins-
tance. Comme le requérant ne recherche pas un
jugement déclaratoire, mais la radiation, une
requête introductive d'instance constitue aussi la
démarche appropriée en vertu de l'article 52 de la
Loi sur les brevets, dans lequel la «demande» est
assimilable à une demande faite en vertu de l'arti-
cle 58 de la Loi sur les marques de commerce
[L.R.C. (1985), chap. T-13]. Dans l'arrêt Clopay,
le juge Cameron a dit «je n'ai aucun doute qu'une
demande fondée sur l'article 54 pourrait être pré-
sentée de la sorte» (par pétition ou par avis de
requête adressé introductive d'instance à la Cour).
Conséquemment, je conclus que cette Cour a
compétence, en vertu de l'article 52 de la Loi sur
les brevets, pour ordonner la radiation, dans les
registres du Bureau des brevets, de l'inscription qui
désigne l'intimée Numor Coolant Technologies
Ltd. en qualité de cessionnaire de la demande de
brevet canadien n° 552,339.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.