T-2080-88
David Paul, chef de la bande indienne Tsartlip,
Louis Claxton, chef de la bande indienne Tsawout,
Tom Harry, chef de la bande indienne Malahat,
Ed Mitchell, chef de la bande Pauquachin, David
Bill, chef de la bande indienne Tseycum, en leur
propre nom et au nom de chacun des membres de
leur bande respective (demandeurs)
c.
La fondation du saumon du Pacifique, Sa Majesté
la Reine du chef du Canada, le ministre des
Pêches et des Océans (défendeurs)
RÉPERTORIE: BANDE INDIENNE TSARTLIP C. FONDATION DU
SAUMON DU PACIFIQUE (I re INST.)
Section de première instance, juge Muldoon—
Vancouver, 5 et 21 juin 1989.
Pratique — Parties — Intervention — La requête présentée
demande qu'une association non constituée en société soit
jointe à l'action en qualité de partie ou d'intervenante — Les
membres de cette association pratiquent la pêche commerciale
— Les bandes indiennes en l'espèce recherchent un jugement
déclaratoire reconnaissant leur droit d'exploiter une pêcherie
— La qualité d'intervenante est accordée conformément à la
tendance manifestée lorsque des questions d'intérêt public ou
des questions constitutionnelles sont soulevées — L'interven-
tion est autorisée par analogie avec les Règles 1310 et
1717(2)6) et en vertu de la compétence inhérente de la Cour de
régir sa propre procédure — La qualité de défenderesse est
refusée parce que l'association visée ne peut être poursuivie.
Compétence de la Cour fédérale — Section de première
instance — Il s'agit d'une requête présentée par une associa
tion non constituée en société pour être ajoutée comme partie
ou comme intervenante dans une action sollicitant un jugement
déclaratoire qui reconnaîtrait le droit de bandes indiennes
d'exploiter une pêcherie — La qualité d'intervenante est
accordée — En vertu de l'art. 101 de la Loi constitutionnelle
de 1867, la Cour possède la compétence inhérente de régir sa
propre procédure — La qualité de partie défenderesse est
refusée — La Cour ne serait pas compétente à entendre une
demande entre les demandeurs et la requérante même dans
l'hypothèse où il existerait entre eux un litige.
Il 's'agit d'une requête présentée par la Pacific Fishermen's
Alliance (PFA) pour obtenir une ordonnance la joignant en
qualité de partie ou d'intervenante à une action sollicitant un
redressement déclaratoire et un redressement par voie d'injonc-
tion. PFA est une association non constituée en société dont les
membres pratiquent la pêche commerciale à partir de la côte
ouest. Les demandeurs soutiennent que la délivrance d'un
permis d'exploitation de la pêcherie de saumon nuirait à leur
droit d'exploiter cette pêcherie pour la satisfaction de leurs
propres besoins et à des fins commerciales, et ils prétendent que
cette mesure serait incompatible avec les droits de pêche que
leur accordent les traités.
Jugement: la qualité d'intervenante devrait être accordée à la
requérante.
La Pacific Fishermen's Alliance ne peut être ajoutée au
groupe des défendeurs. Avec ou sans son consentement, PFA ne
peut être poursuivie devant cette Cour. La Cour ne serait pas
compétente à entendre une telle demande même dans l'hypo-
thèse où il existerait un véritable litige entre les demandeurs et
la requérante.
PFA devrait toutefois, à certaines conditions précises, se voir
accorder la qualité pour agir comme partie intervenante. Son
intérêt dans le résultat de l'action est important et irrésistible:
un jugement déclaratoire qui reconnaîtrait des droits étendus,
sinon exclusifs, de pêche au saumon toucherait les moyens de
subsistance de ses membres si ces droits étaient exercés. Les
tribunaux ont de plus en plus tendance à accorder aux intéres-
sés la qualité voulue pour intervenir dans les litiges concernant
à un haut point l'intérêt public de même que dans les litiges à
caractère constitutionnel.
La Règle 5 de la Cour fédérale est le fondement sur lequel
doit s'apprécier le pouvoir de la Cour d'autoriser l'intervention.
La Règle 5a) prévoit que la Cour déterminera la pratique et la
procédure à suivre par analogie avec les autres dispositions des
Règles de la Cour. Les Règles 1310 et 1716(2)b) fournissent
une analogie utile. La compétence inhérente de la Cour de régir
sa propre pratique et sa propre procédure, qui découle de
l'article 101 de la Loi constitutionnelle de 1867, constitue un
autre motif permettant d'accorder la qualité d'intervenante.
L'article 101 suffit à habiliter la Cour à autoriser une interven
tion en vue de »la meilleure administration des lois du Canada».
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Vict., chap. 3
(R.-U.) (mod. par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982,
chap. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de
1982, n° 1) [L.R.C. (1985), Appendice II, n° 5], art.
91(12), (24), 92, 96, 101.
Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règles 5,
1010, 1310, 1716(2)b).
Rules of Court, B.C. Reg. 310/76, Règle 15(5)a).
JURISPRUDENCE
DECISIONS APPLIQUÉES:
Alda Enterprises Ltd. c. R., [1978] 2 C.F. 106; (1977),
80 D.L.R. (3d) 551 (1f 0 inst.); La Nation dénée c. La
Reine, [1983] 1 C.F. 146 (1' 0 inst.); Attorney General of
Canada, The v. The Canadian Pacific Railway Company
and Canadian National Railways, [1958] R.C.S. 285;
(1958), 12 D.L.R. (2d) 625; 76 C.R.T.C. 241; Can. Lab.
Congress v. Bhindi (1985), 61 B.C.L.R. 85 (C.A.); Fis
hing Vessel Owners' Assn. of B.C. c. P.G. Can. (1985), 1
C.P.C. (2d) 312; 57 N.R. 376 (C.A.F.); Société cana-
dienne de la Croix-Rouge c. Simpson Limited, [1983] 2
C.F. 372; (1983), 70 C.P.R. (2d) 19 (1f 0 inst.).
DECISIONS EXAMINÉES:
Bande indienne Tsartlip et autres c. Fondation du
Saumon du Pacifique et autres (1988), 24 F.T.R. 304
(C.F. 1" inst.); R. v. Sparrow (1986), 36 D.L.R. (4th)
246; [1987] 2 W.W.R. 577; 9 B.C.L.R. (2d) 300; 32
C.C.C. (3d) 65 (C.A.); British Columbia Packers Ltd. c.
Le Conseil canadien des relations du travail, [1974] 2
C.F. 913; (1974), 50 D.L.R. (3d) 602 (1" inst.); conf. par
[1976] 1 C.F. 375; (1975), 64 D.L.R. (3d) 522; 75 CLLC
14,307 (C.A.).
DECISIONS CITÉES:
British Columbia Packers Limited c. Le Conseil cana-
dien des relations du travail, [1973] C.F. 1194 (1' inst.);
B.C. Fed, of Lab. v. B.C. (W.C.B.) (1988), 29 B.C.L.R.
(2d) 325 (C.S.).
DOCTRINE
Oxford English Dictionary, vol. I, Compact ed. Oxford:
Clarendon Press, 1971, «analogy».
Petit Larousse illustré. Montréal: Editions françaises,
1984, «analogie».
AVOCATS:
C. Harvey pour la requérante se proposant
d'intervenir.
Lewis F. Harvey pour les demandeurs.
J. R. Haig pour Sa Majesté la Reine du, chef
du Canada, défenderesse.
PROCUREURS:
Russell & DuMoulin, Vancouver, pour la
requérante se proposant d'intervenir.
Davis & Company, Vancouver, pour les
demandeurs.
Le sous-procureur général du Canada pour
Sa Majesté la Reine du chef du Canada,
défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs
de l'ordonnance rendus par
LE JUGE MULDOON: La requérante, qui n'est
pas partie à l'espèce, a déposé la présente requête
datée du 24 mai 1989 pour obtenir une ordonnance
portant que la Pacific Fishermen's Alliance soit
jointe à la présente action en qualité de partie ou
d'intervenante conformément aux Règles 5, 1010
et 1716(2)b) [Règles de la Cour fédérale, C.R.C.,
chap. 663], afin d'y agir pour le compte de la
Pacific Gillnetters Association, de la Gulf Trollers
Association, de la Pacific Trollers Association, de
la Prince Rupert Fishing Vessel Owners Associa
tion, de la Fishing Vessel Owners Association of
British Columbia, de la Pacific Coast Fishing
Vessel Owners Guild, de la Northern Trollers
Association, de la Prince Rupert Fishermen's Coo
perative Association, de la Co-op of Fishermen's
Guild, de la Underwater Harvesters' Association
et de la Deep Sea Trawlers Association of B.C.
La requérante, la Pacific Fishermen's Alliance
(ci-après appelée la PFA), est une association non
constituée en société qui est formée des organisa
tions pour le compte desquelles elle présente la
requête en l'espèce, organisations qui, pour la plu-
part, sinon toutes, sont des entités constituées en
sociétés. Elles pratiquent toutes la pêche commer-
ciale à partir de la côte ouest. Une partie, appa-
remment restreinte, de leurs membres est formée
d'Indiens inscrits au registre qui partagent égale-
ment certains intérêts raciaux supplémentaires
avec les demandeurs. La requête est appuyée par
les affidavits de Lawrence Patrick Greene, qui ont
été signés respectivement le 5 novembre 1988 et le
23 mai 1989.
Le meilleur moyen de prendre connaissance de
la nature de la présente action est la consultation
de la déclaration, qui, après tout, parle par elle-
même. En voici certains passages:
[TRADUCTION] 21. Les demandeurs disent que leur droit d'ex-
ploiter la pêcherie de Goldstream dans le canal Satellite et
l'inlet Saanich ou autour de ces endroits a préexisté aux traités
et se trouvait réservé lors de leur conclusion; les traités ont
reconnu ces droits, qui continuent d'exister. Ces droits com-
prennent celui des membres des bandes d'exploiter la pêcherie
de Goldstream dans le canal Satellite ou autour de celui-ci pour
les fins qu'ils considèrent appropriées, dont la satisfaction de
leurs propres besoins alimentaires et le commerce.
22. Au cours des années 1984, 1985, 1986, 1987 et 1988, le
ministre des Pêches et des Océans a illégalement porté atteinte
au droit des demandeurs d'exploiter la pêcherie de Goldstream
dans le canal Satellite et autour de ce canal, les privant de la
sorte de leurs privilèges. De plus, le ministre des Pêches et des
Océans a omis de protéger adéquatement les droits détenus par
les demandeurs dans leurs pêcheries, notamment dans celle de
Goldstream. De ce fait, la vie économique et culturelle des
bandes a subi, et continue de subir, un préjudice. Les domma-
ges causés aux bandes demanderesses comprennent une diminu
tion de leurs revenus et une réduction de leurs possibilités
commerciales qui ont entraîné un taux de chômage de 85 %
chez leurs membres. Cette situation a eu un effet désastreux sur
la trame sociale et culturelle des bandes demanderesses.
23. En raison des actions du ministre des Pêches et des Océans
mentionnées au paragraphe 22 de la présente déclaration, Sa
Majesté et le ministre ont manqué à leur obligation fiduciaire
de protéger les droits des bandes des demandeurs dans la
pêcherie de Goldstream ainsi qu'à leur devoir de ne pas porter
atteinte aux droits des demandeurs qui sont reconnus et confir
més par les traités, et de ne pas les diminuer. Ces actions ont
causé aux bandes le préjudice et les dommages mentionnés au
paragraphe 22 de la présente déclaration.
24. Le ministre des Pêches et des Océans a délivré ou projette
de délivrer un permis à la Fondation du saumon du Pacifique
conformément à la Loi sur les pêcheries pour lui permettre
d'exploiter la pêcherie de Goldstream dans la région du canal
Satellite ou autour de cette région pour l'année 1988. Ce
permis serait délivré par le ministre en excluant les membres
des bandes demanderesses contrairement aux droits que leur
reconnaissent les traités et contrairement au devoir fiduciaire
liant le ministre envers les membres des bandes.
25. Les actions du ministre mentionnées aux paragraphes 22 et
24 de la présente déclaration ont causé et continuent de causer
un préjudice aux demandeurs, notamment par la perte de
revenus et de possibilités commerciales. De plus, l'exploitation
de la pêcherie de Goldstream par la Fondation du saumon du
Pacifique dans la région du canal Satellite causera un préjudice
irréparable aux demandeurs dans la mesure où ces derniers se
verront empêchés d'y pratiquer de la pêche.
26. Les droits susmentionnés des demandeurs sont protégés par
les articles 25, 35 et 52 de la Loi constitutionnelle de 1982, et
les demandeurs s'appuient sur les dispositions de la Loi
constitutionnelle.
C'EST POURQUOI LES DEMANDEURS RÉCLAMENT CONTRE LES
DÉFENDEURS
(a) une déclaration portant que les demandeurs ont le droit
d'exploiter la pêcherie de Goldstream dans la région du canal
Satellite et autour de cette région;
(b) une déclaration portant que le permis délivré par le
ministre des Pêches et des Océans à la Fondation du saumon
du Pacifique est nul et inopérant dans la mesure où il est
incompatible avec les droits des demandeurs d'exercer leurs
activités de pêche;
(c) une déclaration portant que le ministre des Pêches et des
Océans n'est pas légalement autorisé en vertu de la Loi sur
les pêcheries à agir d'une façon qui soit incompatible de
quelque manière avec les droits des demandeurs de pratiquer
la pêche de la manière décrite aux présentes;
(d) une injonction interlocutoire interdisant à la Fondation
du saumon du Pacifique, à ses préposés, à ses employés et à
ses mandataires d'exploiter la pêcherie de Goldstream pour
l'année 1988;
(e) une injonction interlocutoire interdisant au ministre des
pêches, à ses cadres, à ses fonctionnaires, à ses mandataires
ou à ses préposés d'entraver l'exercice par les demandeurs de
leur droit d'exploiter la pêcherie de Goldstream pour l'année
1988;
(f) une injonction permanente interdisant au ministre des
Pêches et des Océans ainsi qu'à ses cadres, à ses fonctionnai-
res, à ses mandataires ou à ses préposés d'entraver l'exercice
du droit des demandeurs d'exploiter la pêcherie de
Goldstream;
(g) des dommages-intérêts;
(h) des intérêts;
(i) des dépens;
(j) les autres redressements que cette Cour pourra considérer
nécessaires.
Comme l'avocat des demandeurs l'a reconnu à
l'audition de la requête, la déclaration est quelque
peu ambiguë, puisque les demandeurs réclament
un jugement déclaratoire faisant pleinement état
de leurs droits sans toutefois préciser l'étendue
exacte de l'ensemble de ceux-ci. Ainsi espèrent-ils
obtenir une définition exhaustive de leurs droits
qui non seulement engloberait la pêche pratiquée
pour leur propre subsistance, mais encore prévoi-
rait, si possible, un droit illimité, et peut-être
exclusif, de pratiquer la pêche commerciale indé-
pendamment de toute autorisation ou de tout
permis du ministre. L'avocat des demandeurs s'est
montré totalement candide à cet égard dans sa
plaidoirie orale.
Les avocats des parties ont reconnu que, dans
l'hypothèse où le ministre aurait effectivement
délivré un permis à la Fondation du saumon du
Pacifique (ci-après désignée comme la Fondation)
pour l'année 1988 ainsi que l'allègue le paragraphe
24 de la déclaration, la Fondation n'a utilisé ce
permis d'aucune manière que ce soit. La Fondation
n'a pas non plus déposé de défense, fort probable-
ment en raison de la non-utilisation de tout permis,
et du fait que les allégations de la déclaration qui
concernent la Fondation et qui sont limitées dans
le temps, sont à présent caduques, comme est
caduque toute possibilité de démontrer la nécessité
d'une injonction. Des mesures devraient être prises
pour rationaliser le rôle tenu par la Fondation, si
tant est qu'elle en joue un en ce qui concerne le
fond de la présente affaire. Quoi qu'il en soit, la
Fondation ne sera pas autorisée à entraver ou à
retarder le déroulement de la présente instance par
son inaction.
La requête de la requérante est contestée par les
demandeurs mais ne l'est pas par les défendeurs.
La requérante s'est déjà vu accorder la qualité
d'intervenante dans le cadre de procédures anté-
rieures s'inscrivant dans la présente action, lorsque
les demandeurs ont sollicité une injonction interlo-
cutoire contre les défendeurs. M. le juge Joyal, qui
a jugé cette demande d'injonction, a accordé cette
qualité à la requérante; il aurait observé que cette
intervention lui avait été utile. Le juge Joyal a
rejeté cette demande sans adjuger de dépens, dans
des motifs portant la date du 5 décembre 1988
[Bande indienne Tsartlip et autres c. Fondation
du saumon du Pacifique et autres (1988), 24
F.T.R. 304 (C.F. l re inst.)]. Le dossier de la Cour
ne comporte aucune ordonnance formelle à cet
égard.
Les motifs pour lesquels M. le juge Joyal a
rejeté la demande d'injonction comprennent deux
passages pertinents, qui sont manifestement exacts
[aux pages 305 et 306]:
La question à trancher à l'instruction est la suivante: selon
l'interprétation correcte des dispositions des traités et, j'ajoute-
rai, des droits ancestraux qui y sont reconnus, les demandeurs
jouissent-ils du droit de pêcher sans entrave, et peut-être même
du droit exclusif de pêcher, les saumons kéta qui remontent la
rivière Gold Stream pour assurer leur subsistance et pour en
faire le commerce?
Les demandeurs allèguent, dans leur déclaration ainsi que
dans les affidavits qu'ils ont présentés à l'appui de la requête
dont je suis saisi, que leurs droits soulèvent des questions
constitutionnelles d'une certaine ampleur qui, j'en suis per-
suadé, entraîneront à l'instruction un long et très profond
débat.
La Cour, en - l'espèce, ratifie et adopte ces
observations.
L'avocat des demandeurs s'oppose catégorique-
ment à ce que la PFA ou quelqu'une des organisa
tions qui en sont membres soit ajoutée au gtoupe
des défendeurs; il cite à cet égard les décisions
Alda Enterprises Ltd. c. R., [1978] 2 C.F. 106;
(1977), 80 D.L.R. (3d) 551 (1 r0 inst.), aux pages
110 et 111 (C.F.), et La Nation dénée c. La Reine,
[1983] 1 C.F. 146 (i re inst.), à la page 148, deux
décisions de la Division de première instance de
cette Cour. Il a cité d'autres jugements statuant
dans le même sens. Il est clair que la PFA, avec ou
sans son consentement, ne peut être poursuivie par
les demandeurs en l'espèce devant cette Cour; en
effet, la Cour ne serait pas compétente à entendre
une telle demande même dans l'hypothèse où il
existerait entre eux un véritable litige. En consé-
quence, la demande de la PFA d'être ajoutée à la
liste des défendeurs doit être et est rejetée.
Si un jugement déclaratoire devait porter que les
demandeurs possèdent, comme ils l'allèguent, des
droits de pêche étendus leur permettant d'exploiter
la pêcherie de Goldstream, ne serait-ce que dans le
canal Satellite ou autour de celui-ci, pour les fins
qui leur apparaissent appropriées, il est évident
que l'exercice de tels droits, exclusifs ou non,
toucherait les attentes légitimes et les moyens de
subsistance des membres de la PFA, et influerait
sur les droits de pêche qu'ils détiennent présente-
ment en vertu de permis. Les membres de la PFA
possèdent un intérêt évident et direct dans l'issue
du présent litige. Il vaut de noter que la Cour
suprême du Canada a permis leur intervention
dans le pourvoi interjeté du jugement rendu par la
Cour d'appel de la Colombie-Britannique dans
l'affaire R. v. Sparrow (1986), 36 D.L.R. (4th)
246; [1987] 2 W.W.R. 577; 9 B.C.L.R. (2d) 300;
32 C.C.C. (3d) 65 (C.A.), où les questions soule-
vées étaient similaires à celles en l'espèce. La
décision de la Cour suprême n'a pas encore été
rendue publique.
Les propos qui précèdent concernent un des
arguments des demandeurs qui ont été énoncés
dans les plaidoiries écrites soumises par leur avocat
lors de l'audition de la présente affaire. Cet avocat
soutient subsidiairement que, dans l'hypothèse où
cette Cour serait compétente à autoriser l'interven-
tion de la PFA, l'exercice de cette compétence est
discrétionnaire. La Cour considère que l'intérêt de
la PFA est incontestable et est à tel point impor
tant et irrésistible que, à supposer que son inter
vention puisse être permise, cette discrétion serait
exercée en sa faveur.
Si légitime qu'il soit, l'intérêt crucial de la PFA
dans l'issue de la présente affaire n'est pas le seul
facteur en jeu: la position quelque peu incommode
des défendeurs dans ce type précis de litige entre
également en ligne de compte. L'avocat de la
Couronne et du ministre concède que la requérante
possède [TRADUCTION] «un intérêt réel et direct
dans la présente instance», et il ajoute que la
Couronne se trouve en fait [TRADUCTION] «coin-
cée» entre les Indiens et les pêcheurs commerciaux.
Il laisse également entendre que le point de vue de
la PFA sur les faits et le droit peut différer de celui
de la Couronne. De plus, il a fait valoir que la PFA
devait se voir conférer la qualité voulue pour pré-
senter des éléments de preuve au motif que la
Couronne n'était peut-être pas en mesure de
recueillir et de présenter tous ces éléments. En
effet, la PFA ne partage aucunement le point de
vue du ministre sur la situation et les activités de la
Fondation; en ce qui concerne cette question, ses
arguments vont dans le sens de ceux des deman-
deurs. En tout état de cause, la Couronne, parce
qu'elle est, pour ainsi dire, «coincée» entre les
parties, apparaît se trouver, et risque fort de se
trouver réellement, confrontée à un dilemme dans
sa façon d'aborder les pouvoirs fédéraux énoncés
aux rubriques 12 (les pêcheries) et 24 (les Indiens)
de l'article 91 de la Loi constitutionnelle de 1867
[30 & 31 Vict., chap. 3 (R.-U.) (mod. par la Loi
de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.),
annexe de la Loi constitutionnelle de 1982, n° 1)
[L.R.C. (1985), Appendice II, n° 5]].
Chaque partie a cité une abondance de jurispru
dence. La jurisprudence la plus récente révèle
l'existence d'une tendance croissante à accorder
aux parties ou aux groupes intéressés la qualité
voulue pour intervenir dans les litiges concernant à
un haut point l'intérêt public de même que dans
tous les types de litiges à caractère constitutionnel,
y compris, évidemment, les affaires mettant en jeu
l'interprétation de la Charte canadienne des droits
et libertés [qui constitue la Partie I de la Loi
constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982
sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.)]. Cepen-
dant, comme l'a souligné l'avocat de la requérante,
dès 1958, la Cour suprême du Canada disait ne
pas se sentir apte à faire des déclarations relatives
aux pouvoirs en se fondant sur le partage des
compétences législatives lorsque la résolution de
telles questions d'intérêt public risquait de [TRA-
DUCTION] «porter atteinte à des droits dont des
personnes prétendent être titulaires, en l'absence
de celles-ci». Tels furent les propos tenus par le
juge Rand au nom de la majorité de la Cour, qui
s'est montrée unanime quant à l'issue de l'instance,
dans le renvoi constitutionnel Attorney General of
Canada, The v. The Canadian Pacific Railway
Company and Canadian National Railways,
[1958] R.C.S. 285; (1958), 12 D.L.R. (2d) 625; 76
C.R.T.C. 241, la page 294 (R.C.S.). Il semble
qu'il n'y ait pas eu suffisamment d'intervenants
dans cette instance puisque, malgré l'intervention
de Imperial Oil Limited, la majorité est demeurée
réticente à se prononcer sur l'action de la législa-
tion fédérale sur les cessions de titres immobiliers
manitobains sans avoir entendu les particuliers
dont les droits seraient modifiés. Aux pages 294 et
295 (R.C.S.), le juge Rand a cité des décisions
encore plus anciennes du Comité judiciaire du
Conseil privé et de la Cour suprême du Canada
pour justifier l'inaptitude à se prononcer qu'il avait
exprimée en son propre nom et en celui des cinq
juges qui avaient souscrit à son opinion.
Les actes posés par les tribunaux peuvent être
tout aussi révélateurs que leurs déclarations. Dans
l'affaire British Columbia Packers Ltd. c. Le Con-
seil canadien des relations du travail, [1974] 2
C.F. 913; (1974), 50 D.L.R. (3d) 602 (1 re inst.),
qui a été jugée par le juge Addy, qui siège à cette
Cour, le C.C.R.T. a tenté sans succès d'exercer
une compétence sur les équipages de navires de
pêche en se fondant sur la rubrique 12 de l'article
91 de la Loi constitutionnelle de 1867. L'intitulé
de cette cause révèle la présence de la Native
Brotherhood of British Columbia, de la Fishing
Vessel Owners Association of British Columbia, de
la Pacific Trollers Association (ces deux dernières
organisations sont membres de la PFA, la requé-
rante en l'espèce) et des procureurs généraux de la
Colombie-Britannique, de Terre-Neuve et de la
Nouvelle-Écosse. En effet, le juge Addy, aux pages
916 à 918 (C.F.), tient les propos suivants:
Par une ordonnance rendue le 9 septembre 1974, mon collè-
gue le juge Walsh a autorisé les trois premiers intervenants
mentionnés dans l'intitulé de la cause à prendre part aux
procédures à ce titre. Cette ordonnance autorisait en outre les
trois derniers intervenants, savoir, les procureurs généraux de la
Colombie-Britannique, de Terre-Neuve et de la Nouvelle-
Écosse, à intervenir s'ils le souhaitaient.... De toute façon, ils
n'ont pas estimé nécessaire par la suite de prendre une part
active aux présentes procédures et s'en sont simplement tenus à
leur rôle d'observateurs.
L'un des intervenants, Native Brotherhood of British Colum-
bia (ci-après appelé «l'association d'autochtones») représente
environ un millier d'Indiens autochtones qui forment une large
proportion des équipages des navires de pêche visés par la
demande d'accréditation du syndicat intimé. Cette association
comprend des Indiens vivant dans des réserves, d'autres vivant
hors des réserves et enfin des Indiens émancipés. Rien dans la
preuve ne permet de déterminer les proportions relatives de
chacun de ces trois groupes dans l'association, ni le nombre de
membres réellement engagés dans l'industrie de la pêche. Il
semble que ces Indiens fassent tantôt partie de l'équipage d'un
navire de pêche exploité par une entreprise familiale ou tantôt
d'équipages mixtes d'autres navires de pêche. A l'audience,
l'association s'opposa à la demande, adopta les arguments
avancés au nom des intimés et fit aussi valoir d'autres argu
ments fondés sur le statut et les droits spéciaux de ses membres
en tant qu'Indiens autochtones.
Les deux autres intervenants, savoir Fishing Vessel Owners
Association of British Columbia et Pacific Trollers Association,
représentent des propriétaires de navires indépendants ou des
membres d'équipage ayant un droit de propriété sur ces navires
de pêche, qui, en règle générale, vendent chaque prise à diffé-
rents fabricants de produits à base de poisson, sans aucune
entente spéciale avec ces derniers quant au décompte ou au
partage des profits et pertes de chaque prise. Ces deux associa
tions ne sont pas directement concernées par les demandes
d'accréditation présentées par le syndicat intimé devant le
conseil intimé, mais l'issue des procédures pourrait les toucher,
vu la probabilité d'une action future ou d'une nouvelle législa-
tion dans ce domaine. Elles soutiennent la demande de bref de
prohibition et ont entièrement adopté la théorie et les argu
ments avancés par les fabricants.
Bien que les motifs rapportés ne l'indiquent pas, il
semble très probable que les interventions en ques
tion aient été autorisées en vertu de la Règle 1310,
compte tenu de l'échec de la procédure originale
fondée sur l'article 28, qui a été prononcé dans une
décision rapportée à [1973] C.F. 1194 (1 r» inst.)
[British Columbia Packers Limited c. Le Conseil
canadien des relations du travail], ou à tout le
moins par analogie avec cette Règle. L'instance ne
constituait pas en soi un procès mais une demande
de bref de prohibition, qui a été accueillie. L'appel
interjeté de cette décision a été rejeté par la Divi
sion d'appel ainsi qu'il ressort du jugement rap
porté à [1976] 1 C.F. 375; (1975), 64 D.L.R. (3d)
522; 75 CLLC 14,307 (C.A.).
Il est souvent dit que la recherche de disposi
tions autorisant une intervention doit commencer
par l'examen de la Règle 5; cette Règle est ainsi
libellée:
Règle 5. Dans toute procédure devant la Cour, lorsque se pose
une question non autrement visée par une disposition d'une loi
du Parlement du Canada ni par une règle ou ordonnance
générale de la Cour (hormis la présente Règle), la Cour
déterminera (soit sur requête préliminaire sollicitant des ins
tructions, soit après la survenance de l'événement si aucune
requête de ce genre n'a été formulée) la pratique et la procé-
dure à suivre pour cette question par analogie
(a) avec les autres dispositions des présentes Règles, ou
(b) avec la pratique et la procédure en vigueur pour des
procédures semblables devant les tribunaux de la province à
laquelle se rapporte plus particulièrement l'objet des
procédures,
selon ce qui, de l'avis de la Cour, convient le mieux en l'espèce.
Le terme «analogie» constitue un mot clef de cette
Règle; voici les sens pertinents attribués à cette
expression par le Oxford English Dictionnary,
Compact Edition:
[TRADUCTION] analogie ... 2. Proportionnalité; correspon-
dance ou adaptation d'une chose à une autre.
3. Équivalence ou similitude des rapports entretenus; 'res-
semblance de choses en ce qui concerne certaines circonstances
ou certains effets» (J.).
4. De façon moins précise, Accord entre certaines choses,
similitude.
Dans le Petit Larousse illustré de 1984, la défini-
tion pertinente du terme «analogie» est ainsi
libellée:
Rapport de ressemblance établi entre deux ou plusieurs choses
ou personnes: analogie de forme, de goûts. Par analogie,
d'après les rapports de ressemblance qui existent entre les
choses.
Il est important de comprendre que l'expression
«par analogie» n'implique pas le choix d'une règle
identique; en effet, ce terme pose nécessairement
l'existence d'une certaine différence ou l'existence
d'une simple similitude.
La présente action a pris naissance en Colom-
bie-Britannique, et, si l'on devait appliquer la
Règle 5b), il faudrait tenter de trouver une règle
de la Cour suprême de cette province qui se rap-
porterait aux interventions ou les autoriserait. S'il
ne fait aucun doute que l'on puisse prendre appui
sur la décision rendue récemment par la Cour
d'appel de cette province dans l'affaire Can. Lab.
Congress v. Bhindi (1985), 61 B.C.L.R. 85 (C.A.),
la Règle 15(5)a) de la Cour suprême [Rules of
Court, B.C. Reg. 310/76] n'est pas adéquate lors-
qu'il s'agit d'accorder la qualité d'intervenant.
Toutefois, comme l'a noté le juge Anderson, de la
Cour d'appel, dans les motifs qu'il a prononcés au
nom de la majorité (à la page 94), la Cour
suprême n'est pas limitée par ses règles de pratique
et de procédure, et elle peut invoquer sa compé-
tence inhérente lorsque ces règles sont silencieuses.
Cette proposition énonçait encore correctement le
droit le 6 juillet 1988 lorsque M. le juge Legg, de
cette même Cour, a prononcé ses motifs dans
l'affaire B.C. Fed. of Lab. v. B.C. (W.C.B.) (1988),
29 B.C.L.R. (2d) 325 (C.S.).
Il ne fait aucun doute que, à titre de cour
supérieure d'archives établie sous la puissante
égide de l'article 101 de la Loi constitutionnelle de
1867, chargée d'appliquer le droit et l'équité, et
compétente en matière d'amirauté, cette Cour
jouit d'une compétence inhérente de régir, de con-
trôler ou de réglementer sa pratique et sa procé-
dure qui n'est pas moindre que celle de la Cour
suprême de la Colombie-Britannique, une cour
supérieure qui, fondamentalement, est également
établie par une loi. Dans la mesure où le Parle-
ment en manifeste la volonté, les pouvoirs détenus
par notre Cour ont la même plénitude que ceux qui
sont considérés comme conférés aux cours supé-
rieures provinciales en vertu de leur compétence
inhérente et de leur compétence de common law
aux termes de la rubrique 14 de l'article 92 de la
Loi constitutionnelle de 1867; en effet, la Cour
fédérale détient sa compétence «nonobstant toute
disposition contraire énoncée dans la présente loi»,
selon les termes de l'article 101, ce qui signifie
évidemment qu'elle la détient nonobstant toute
disposition de l'article 91, 92, 96 ou de tout autre
article. Si le membre de phrase portant cette
exclusion a suffi à mettre fin à des appels interjetés
devant le Comité judiciaire du Conseil privé
malgré toutes les objections soulevées, il a certai-
nement suffi à assurer à cette Cour la compétence
voulue pour contrôler sa propre pratique et sa
propre procédure de façon à admettre un interve-
nant, en vue, en l'espèce, de «la meilleure adminis
tration des lois du Canada».
Selon le cheminement qui précède, la Règle 5b)
mène par une analogie directe à la conclusion que
la Cour possède la compétence inhérente pour
accorder la qualité d'intervenante à la requérante.
Ce raisonnement a effectivement été suivi par le
juge Addy, agissant en qualité de juge ex officio
pour la Division d'appel, dans l'arrêt Fishing
Vessel Owners' Assn. of B.C. c. P.G. Can. (1985),
1 C.P.C. (2d) 312; 57 N.R. 376 (C.A.F.).
La Règle 5a) prévoit aussi un fondement pour
l'octroi de la qualité d'intervenant. Il a été beau-
coup insisté sur les analogies présentées entre la
situation en l'espèce et celle visée à la Règle
1716(2)b), et ces analogies sont probablement
valables même si cette disposition prévoit l'addi-
tion d'une personne en qualité de partie. Un inter-
venant est après tout une partie intervenante à qui
est épargné le poids attaché aux désignations de
«demandeur» et de «défendeur». La similitude en
cause n'est évidemment pas précise ou exacte, mais
l'idée même d'analogie implique nécessairement
l'existence de certaines différences. La Règle 1010
semblerait idoine, prévoyant, comme elle le fait,
une autorisation à intervenir qui présente une ana-
logie avec la situation en l'espèce, mais cette ana-
logie a déjà été rejetée par M. le juge Mahoney
dans la décision Société canadienne de la Croix-
Rouge c. Simpson Limited, [1983] 2 C.F. 372;
(1983), 70 C.P.R. (2d) 19 (1'e inst.), apparemment
au motif que la Règle 1010 est une règle d'ami-
rauté qui ne peut s'appliquer que si une action in
rem a été intentée.
Celui qui cherche un moyen de permettre une
intervention en Section de première instance peut
certainement trouver une analogie utile dans une
des règles de la Section d'appel; il respectera ainsi
la Règle 5a). La Partie V des Règles, qui s'intitule
«Règles de la Cour d'appel fédérale», commence
par la Règle 1100. Le Chapitre C de la Partie V
est intitulé «Appels des décisions de tribunaux,
administrations ou autorités autres que la Division
de première instance». Sous le titre Parties du
chapitre C figure la Règle 1310. Cette Règle est
ainsi libellée:
Règle 1310. (1) La Cour peut, à sa discrétion, sur demande
faite avant l'audition ou au cours d'une audition, décider
quelles sont les personnes qui seront entendues lors du débat sur
un appel.
(2) La permission de se faire entendre ne doit être refusée en
vertu de l'alinéa (1) à aucune personne qui a déposé un avis en
vertu de la Règle 1303 sans qu'on lui ait donné la possibilité de
se faire entendre sur la question de savoir si elle doit être
entendue.
La Règle qui précède est une règle appropriée et
analogue qui fait partie des «autres dispositions des
présentes Règles» et qui permet à la Cour d'accor-
der la qualité d'intervenants aux requérants dans
la réglementation de sa pratique et de sa procédure
si elle considère une telle mesure justifiée.
En conséquence,
— par analogie avec les dispositions de la Règle
1310,
— par analogie avec les dispositions de la Règle
1716(2)b), et
— en s'appuyant sur la compétence inhérente de la
Cour de régir sa propre pratique et sa propre
procédure,
ou pour l'un quelconque ou chacun des motifs qui
précèdent, la Cour accorde à la requérante, sous
réserve des conditions ci-après énoncées, la qualité
voulue pour être une partie intervenante ou une
intervenante, ou le statut d'intervenante.
Finalement, l'avocat des demandeurs soutient
que la cause plaidée dans le cadre de la présente
instance est celle des demandeurs et que ceux-ci
veulent la faire valoir seuls contre la Couronne; en
conséquence, soutiennent-ils, l'appréciation des
droits aborigènes qu'ils détiennent de leurs ancê-
tres ne devrait pas avoir à tenir compte de l'inter-
vention de la requérante, qui est étrangère à l'ins-
tance relative à cette appréciation.
L'argumentation des demandeurs est attrayante
par sa simplicité. Cependant, elle se heurte à l'im-
possibilité évidente pour les demandeurs comme
pour la Cour de revenir, ou de prétendre aveuglé-
ment revenir, à l'époque des ancêtres des deman-
deurs, ou, de fait, à l'époque des ancêtres des
membres de la requérante. La population des
pêcheurs était alors relativement petite, et les
stocks de poisson semblaient surabondants, sinon
illimités en permanence. Depuis lors, le monde,
notre pays et les conditions des pêcheries ont tous
énormément changé. Pour autant que l'on sache,
et en l'absence de quelque cataclysme imprévu,
celui qui croit à la possibilité d'un retour au sein
ancestral et aux conditions qui y régnaient caresse
une douce illusion.
Les demandeurs vivent aux côtés des membres
de la requérante et partagent avec eux les ressour-
ces des pêcheries. De la même manière qu'ils ne
peuvent nier l'existence de ces personnes dans le
monde matériel, les demandeurs ne peuvent écar-
ter l'intérêt vital que possède la requérante dans la
détermination judiciaire de leurs propres droits, en
regard de l'intérêt public dans les questions consti-
tutionnelles qu'ils soulèvent dans le cadre de la
présente instance. Cette idée a été exprimée par la
Cour d'appel de la Colombie-Britannique dans
l'arrêt R. v. Sparrow précité. À la page 272
(D.L.R.), la Cour a écrit:
[TRADUCTION] La reconnaissance constitutionnelle du droit de
pêche ne peut impliquer le rétablissement des rapports qui
existaient entre les Indiens et le saumon il y a 150 ans. Le
monde a changé. Ce droit doit maintenant exister dans le
contexte d'un régime de gouvernement parlementaire et d'un
partage des pouvoirs de type fédératif. Il ne peut être défini de
la même façon qu'il l'aurait été si la bande de Musqueam avait
continué d'être une entité autonome ou si les membres de cette
bande n'étaient point des citoyens du Canada et des résidants
de la Colombie-Britannique. Toute définition du droit existant
doit tenir compte du fait qu'il s'inscrit dans le contexte d'une
société industrielle, avec toute la complexité et tous les intérêts
concurrents qui caractérisent une telle réalité.
Cette proposition, à tout le moins, semble entière-
ment réaliste; la Cour suprême du Canada a toute-
fois encore à statuer sur ce litige.
L'avocat de la PFA dit que, lors de l'instruction
de la présente action, il espère faire valoir certains
éléments de preuve d'ordre anthropologique et his-
torique du type de ceux qui ont été présentés dans
l'affidavit de Barbara Lane signé le 26 octobre
1988 et versé au présent dossier, ou de ceux qui
ont accompagné cet Affidavit. Si la participation
de la PFA au procès semble juste et appropriée,
cette participation constituera, après tout, une
intervention au litige opposant les parties. Cette
intervention devrait être raisonnablement mesurée
et non sans limites. Les conditions esquissées dans
les paragraphes suivants devraient figurer dans
l'ordonnance de la Cour. Quoi qu'il advienne, les
stipulations de l'ordonnance doivent prévaloir.
En premier lieu, la requérante étant une associa
tion non constituée en société, elle devrait apaiser
la crainte de l'avocat des demandeurs selon
laquelle son intervention ferait grimper les frais du
litige. La requérante fait donc face à l'alternative
suivante: soit (1) que la requérante dépose un
cautionnement au montant net exigible de 8 500 $
qui garantirait les dépens des demandeurs et des
défendeurs et qui serait maintenu tout au long du
litige; soit (2) que chaque membre dûment consti-
tué en société de la PFA participe à l'intervention
en son propre nom, en désignant conformément
aux Règles de cette Cour ses procureurs au dos
sier, qui, présumément, seraient dans chaque cas
les procureurs de la requérante. Une fois ces enti-
tés constituées en sociétés dûment inscrites au
dossier, elles pourraient demander que l'intitulé de
la cause soit abrégé par la désignation de chacune
des sociétés membres, globalement, comme la
Pacific Fishermen's Alliance, sans qu'aucune d'en-
tre elles ne perde pour autant son identité comme
société. Leurs intérêts respectifs dans le présent
litige sont présumément identiques. Il n'est pas
certain que des dépens soient adjugés contre la
PFA, mais cette décision sera celle du juge chargé
du procès.
La PFA, sous le nom qui conviendra alors, aura
le droit de déposer son acte de procédure écrit au
plus tard le 31 juillet 1989. Celui-ci sera intitulé
«déclaration de l'intervention de la PFA». Si elle
choisit la seconde des possibilités qui lui sont offer-
tes, la requérante est autorisée à présenter une
requête visant à abréger l'intitulé de la cause en
tout temps avant ou après le dépôt de sa déclara-
tion d'intervention; le cautionnement garantissant
les dépens des parties doit cependant être versé
avant le dépôt de son acte de procédure écrit.
L'intervenante n'aura pas le droit d'exiger un
interrogatoire préalable ou une communication de
documents des demandeurs ou des défendeurs,
mais ses procureurs auront le droit d'être avisés de
tels interrogatoires ou de telles communications
des parties, et ils pourront y assister, de même
qu'examiner et copier tous les documents et toutes
les transcriptions.
L'intervenante pourra être soumise à un interro-
gatoire préalable et à une communication de docu
ments à la demande des demandeurs ou des défen-
deurs de la même manière que si elle était une
partie. En conséquence, la PFA verra à ce que soit
disponible à cet égard, à son choix, soit un de ses
cadres, soit une personne dont elle prévoit qu'elle
témoignera pour son compte à titre d'expert lors
du procès. Il va sans dire que cette personne doit,
dans la mesure des possibilités de la PFA, prendre
entièrement connaissance de toutes les questions
pertinentes qui doivent être débattues. Les répon-
ses données par cette personne lors de l'interroga-
toire préalable et de la communication de docu
ments lieront la PFA dans cette action de la même
manière que les engagements pris par ses avocats.
L'intervenante sera assujettie à toutes les obliga
tions auxquelles sont soumises les parties, et elle
risquera ultimement de voir son acte de procédure
radié avec dépens.
L'intervenante aura le droit d'être entendue lors
du procès et dans le cadre de toute requête interlo-
cutoire si elle en fait la demande et que le juge
présidant l'ordonne. De plus, lors du procès, l'in-
tervenante aura le droit de présenter des éléments
de preuve, y compris des témoignages d'experts,
ainsi que peut le faire à tous égards chacune des
parties, et elle pourra présenter oralement ou par
écrit des arguments à la Cour. Il va de soi qu'en
plus d'être assujettie à toutes les conditions sus-
mentionnées, l'intervenante sera soumise aux
directives que le juge pourra prononcer ainsi
qu'aux contrôles et au paiement des dépens qu'il
pourra ordonner dans l'exercice de sa compétence
discrétionnaire. Avant le début du procès, l'inter-
venante peut, suivant le mode habituel, solliciter
par avis de requête des directives de la Cour; ainsi
peut-elle notamment demander de participer à la
requête conjointe de fixation d'un lieu et d'une
date pour le procès lui-même. Il semblerait que
l'intervenante n'aurait pas elle-même le droit d'in-
terjeter appel du jugement prononcé au procès;
cependant, elle aurait le droit de participer à tout
appel pouvant être entamé. À ce stade des procé-
dures, la PFA devrait demander à la Section d'ap-
pel des indications et des directives additionnelles.
Les dépens relatifs à la présente procédure sui-
vront l'issue du litige.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.