A-219-89
Joseph (Giuseppe) Chiarelli (appelant)
c.
Ministre de l'Emploi et de l'Immigration (intimé)
RÉPERTORIÉ: CHIARELLI C. CANADA (MINISTRE DE L'EMPLOI
ET DE L'IMMIGRATION) (CA.)
Cour d'appel, juges Pratte, Urie et Stone J.C.A.—
Toronto, 16 et 17 octobre 1989; Ottawa, 23 février
1990.
Immigration — Expulsion — Renvoi en vertu de l'art. 28(4)
de la Loi sur la Cour fédérale — Résident permanent reconnu
coupable d'un crime grave — Considéré comme étant impliqué
dans des activités criminelles organisées — Audience du
comité de surveillance des activités de renseignement de sécu-
rité — Il s'agit de savoir si les art. 27(1)d)(ii), 32(2), 82.1 et 83
de la Loi sur l'immigration de 1976 violent les art. 7, 12 et 15
de la Charte — La mesure d'exclusion est libellée de façon si
vague qu'elle ne respecte pas la règle de la proportionnalité
exigée pour qu'une telle limite puisse se justifier en vertu de
l'art. 1 de la Charte.
Droit constitutionnel — Charte des droits — Procédures
criminelles et pénales — Résident permanent reconnu coupable
d'un acte criminel — Les art. 27(1)d)(ii) et 32(2) de la Loi sur
l'immigration de 1976 exigent la délivrance d'une ordonnance
d'expulsion — Ce n'est pas une peine cruelle et inusitée —
L'art. 32(2) n'inflige pas de peine — C'est un corollaire aux
limites imposées par l'art. 4 — Le Parlement a le pouvoir
d'imposer des limites au droit d'un résident permanent de
demeurer au Canada.
Droit constitutionnel — Charte des droits — Droits à
l'égalité — L'expulsion d'un résident permanent reconnu cou-
pable d'une infraction grave est prévue par les art. 27(1)d)(ii)
et 32(2) de la Loi sur l'immigration de 1976 — Il n'y a pas de
discrimination — Le Parlement a le pouvoir de faire une
distinction entre les citoyens canadiens et les résidents perma
nents en ce qui concerne la possibilité de demeurer au Canada
— Les résidents permanents qui ont été reconnus coupables
d'infractions graves ne font pas partie d'une catégorie analo
gue à celles énumérées à l'art. 15 — Les art. 82.1 et 83(1) qui
décrivent la procédure qui mène à la délivrance d'une attesta
tion exigeant le rejet d'un appel interjeté pour des motifs
humanitaires en vertu de l'art. 72(1)b) ne créent pas de discri
mination au sens de l'art. 15 — La perte du droit d'appel est
fondée sur la participation à des activités criminelles, non pas
sur le statut de résident.
Droit constitutionnel — Charte des droits — Vie, liberté et
sécurité — Il n'est pas injuste que les art. 27(1)d)(ii) et 32(2)
de la Loi sur l'immigration de 1976 prévoient la perte du droit
de demeurer au pays et l'expulsion si un résident permanent
est reconnu coupable d'une infraction grave — Le comité de
surveillance des activités de renseignement de sécurité a exclu
l'appelant de la salle d'audience afin de protéger les sources de
renseignement de la police conformément à la procédure
prévue aux art. 82.1 et 83 — Comme la Commission n'a pas
établi que la procédure suivie ne respectait pas les exigences de
la justice naturelle, la question de savoir si l'art. 83 contrevient
à l'art. 7 ne relève pas de la compétence de la Cour — Le refus
de faire connaître les renseignements présentés devant le
comité et les sources de renseignement constitue un manque-
ment au principe de la justice fondamentale.
Droit constitutionnel — Charte des droits — Clause limita-
tive — L'exclusion de l'appelant de l'audience tenue par le
comité de surveillance des activités de renseignement de sécu-
rité afin de protéger les techniques d'enquête de la police
contrevenait à l'art. 7 de la Charte — Cette mesure ne pouvait
pas se justifier en vertu de l'art. I (dissidence du juge Pratte,
J.C.A.) — La règle de la proportionnalité n'a pas été respectée
— Annulation complète des droits de la personne au profit de
l'intérêt de l'État.
Renseignement de sécurité — L'art. 48(2) de la Loi sur le
Service canadien du renseignement de sécurité dénie le droit de
prendre connaissance de la preuve présentée par d'autres
devant le comité de surveillance — Il s'applique, compte tenu
des adaptations de circonstance, à une enquête tenue en vertu
de l'art. 82.1(3) de la Loi sur l'immigration afin de déterminer
s'il existe des motifs sérieux de soupçonner qu'un résident
permanent participe à des activités criminelles organisées —
Le comité a refusé de donner à l'appelant les détails de
l'information obtenue de la GRC afin de protéger les sources
de renseignement de la police — Il y a eu violation de l'art. 7
de la Charte — Elle ne pouvait pas se justifier en vertu de
l'art. I de la Charte (dissidence du juge Pratte, J.C.A.).
Compétence de la Cour fédérale — Section d'appel — La
Commission d'appel de l'immigration a renvoyé à la Cour la
question de la constitutionnalité de l'art. 83 de la Loi sur
l'immigration — Comme il n'a pas été établi que la procédure
suivie pour délivrer l'attestation prévue à l'art. 83 ne respectait
pas les exigences de la justice naturelle, il s'agit d'une question
théorique et hors de la compétence tant de la Commission que
de la Cour.
L'affaire portait sur le renvoi par la Commission d'appel de
l'immigration, en vertu du paragraphe 28(4) de la Loi sur la
Cour fédérale, de certaines questions constitutionnelles qui se
sont posées durant l'audition d'un appel d'une ordonnance
d'expulsion. L'appelant, qui est résident permanent, a été
reconnu coupable d'un acte criminel punissable par l'emprison-
nement à perpétuité. Dans les cas de ce genre, le sous-alinéa
27(1)d)(ii) et le paragraphe 32(2) de la Loi sur l'immigration
de 1976 exigent que soit rendue une ordonnance d'expulsion.
L'appelant a interjeté appel de l'ordonnance d'expulsion devant
la Commission, mais, avant l'audition de l'appel, le solliciteur
général et le ministre de l'Emploi et de l'Immigration ont
présenté un rapport conjoint au comité de surveillance des
activités de renseignement de sécurité en vertu du paragraphe
82.1(2) de la Loi sur l'immigration de 1976, selon lequel
l'appelant était une personne soupçonnée de se livrer à des
activités criminelles organisées. Dans le cadre de son enquête, le
comité de surveillance a tenu une audience. Dans le but de
protéger les sources de renseignement de la police, l'appelant a
été exclu de la salle d'audience pendant l'audition du témoi-
gnage présenté par la GRC. On lui a remis plus tard un
sommaire de ce témoignage. À la suite de l'enquête et du
rapport du comité de surveillance, une attestation selon laquelle
l'appelant était une personne appartenant à l'une des catégories
visées au sous-alinéa 19(1)d)(ii) a été délivrée et déposée
devant la Commission conformément au paragraphe 83(1).
L'article 82.1 et le paragraphe 83(1) décrivent la procédure qui
mène à la délivrance de l'attestation du ministre. Le paragra-
phe 83(2) prévoit que la Commission doit rejeter tout appel fait
en vertu de l'alinéa 72(1)b) si une telle attestation a été
déposée. Avant la reprise de l'audition de l'appel, la Commis
sion a soumis les questions de droit suivantes à la Cour:
(1) Est-ce que le sous-alinéa 27(1)d)(ii) et le paragraphe
32(2) de la Loi sur l'immigration de /976 violent les droits
garantis par les articles 7, 12 et 15 de la Charte en ce qu'ils
prévoient l'expulsion de certains criminels sans égard aux cir-
constances entourant l'infraction ou à la situation de
l'infracteur?
(2) Est-ce que les articles 82.1 et 83 de la Loi sur l'immi-
gration de 1976 violent les droits garantis par les articles 7, 12
et 15 de la Charte?
(3)a) Est-ce que le fait de se fonder sur l'attestation autori-
sée par l'article 83 de la Loi sur l'immigration de 1976 donne
lieu à une violation des droits de l'appelant en vertu de la
Charte, parce que le processus suivi par le comité de surveil
lance des activités de renseignement de sécurité n'a pas satisfait
aux exigences de l'article 7?
b) Si oui, est-ce justifié par l'article premier?
Arrêt: (1) Non.
(2) Les articles 82.1 et 83 ne violent pas les articles 12 ou 15
de la Charte. Les questions de savoir si ces articles violent
l'article 7 de la Charte n'auraient pas dû être soumises à la
Cour en vertu du paragraphe 28(4).
(3)a) Oui.
b) Non.
Le juge Pratte, J.C.A. (dissident quant à la question (3)b)):
Le sous-alinéa 27(1)d)(ii) et le paragraphe 32(2) ne violent pas
le droit à la protection contre tous traitements ou peines cruels
et inusités garanti par l'article 12 de la Charte. Le paragraphe
32(2) n'inflige pas de peine; c'est le corollaire nécessaire des
limites imposées par l'article 4 de la Loi au droit des résidents
permanents d'entrer au Canada et d'y demeurer. Lorsqu'il est
établi qu'un résident permanent est une personne appartenant à
l'une des catégories visées au paragraphe 27(1), il n'a plus le
droit de demeurer au pays. Il n'est donc pas exagéré d'exiger
qu'une ordonnance d'expulsion soit rendue contre cette per-
sonne. De plus, le Parlement peut imposer des limites au droit
qu'ont les résidents permanents de demeurer au pays.
Ces dispositions ne violent pas le droit à la vie, à la liberté et
à la sécurité de sa personne, droit garanti par l'article 7 de la
Charte et auquel il ne peut être porté atteinte qu'en conformité
avec les principes de justice fondamentale. Il n'était nullement
injuste d'exiger l'expulsion d'une personne qui a perdu le droit
de demeurer au pays, ni non plus de prescrire qu'un étranger
admis chez nous comme résident permanent perdra le droit d'y
demeurer s'il est déclaré coupable d'une infraction que le
Parlement juge grave.
Le paragraphe 32(2) ne viole pas le droit à l'égalité garanti
par l'article 15 de la Charte. Le paragraphe 32(2) n'exerce pas
de discrimination contre les résidents permanents en exigeant
d'eux qu'ils soient expulsés, tandis que dans des circonstances
semblables les citoyens canadiens peuvent demeurer au pays.
La Charte elle-même établit une distinction entre les droits des
citoyens canadiens et des résidents permanents à cet égard. Elle
garantit aux citoyens canadiens le droit de demeurer au
Canada, mais elle ne garantit pas ce même droit aux résidents
permanents. Elle reconnaît donc implicitement le pouvoir du
Parlement d'établir une distinction entre les citoyens canadiens
et les résidents permanents en ce qui concerne le droit de
demeurer au Canada. En exerçant ce pouvoir, le Parlement
n'est pas coupable de discrimination au sens de l'article 15. Le
fait d'établir une distinction entre les résidents permanents qui
ont été reconnus coupables d'une infraction grave et d'autres
résidents permanents ne peut pas être assimilé à une discrimi
nation au sens de l'article 15, car les résidents permanents qui
ont été reconnus coupables d'actes criminels graves n'entrent
pas dans une catégorie analogue à celles qui y sont énumérées
de façon précise.
Les articles 82.1 et 83 ne privent pas les résidents perma
nents d'un droit d'appel pour le motif qu'ils sont des résidents
permanents mais parce que l'on croit qu'ils se livrent à des
activités criminelles. Il ne s'agit donc pas d'une discrimination
au sens de l'article 15.
Le seul motif pour lequel on peut dire que les articles 82.1 et
83 contreviennent à l'article 7 est qu'ils prévoient clairement
qu'une attestation peut être délivrée à l'égard d'une personne
qui n'a pas obtenu toute la possibilité de réfuter les allégations
faites contre elle. La question de savoir si ces dispositions
contreviennent à l'article 7 se pose uniquement lorsqu'une
attestation en vertu de l'article 83 a été délivrée sans que la
personne visée ait eu une possibilité suffisante d'être entendue.
Sinon, la question est théorique. La Commission ne s'est pas
préoccupée de cette question et ne pouvait pas en saisir la Cour,
car elle n'avait pas établi que la procédure suivie pour délivrer
l'attestation prévue par l'article 83 dérogeait aux exigences de
la justice naturelle.
Le droit d'appel dont l'appelant a été privé par suite du dépôt
de l'attestation est de la nature d'un appel de clémence. La
justice fondamentale n'exige pas que ce droit d'appel soit
accordé aux résidents permanents qui sont soupçonnés d'avoir
participé à des activités criminelles.
La procédure suivie par le comité de surveillance n'a pas
satisfait aux exigences de la justice fondamentale. Aucune
décision ne devrait être prise au sujet des droits d'une personne
sans donner à cette dernière une occasion valable d'être enten-
due, ce qui en l'espèce signifiait que l'appelant se devait de
connaître le contenu des renseignements présentés au comité
ainsi que les sources de ces renseignements.
Le dépôt de l'attestation prévue à l'article 83 contrevenait à
l'article 7. Même s'il ne touchait pas directement le droit à la
vie, à la liberté et à la sécurité de l'appelant, il faut, pour être
réaliste, reconnaître que le dépôt de l'attestation entraîne l'ex-
pulsion, qui entrave nécessairement la liberté de la personne.
Cette violation de l'article 7 était toutefois raisonnable et
justifiée en vertu de l'article premier de la Charte, notamment
parce que l'enquête avait été tenue non pour statuer sur la
culpabilité de l'appelant, mais pour déterminer s'il pouvait
avoir droit à un appel pour des motifs purement humanitaires.
La décision du comité de surveillance de ne pas divulguer à
l'appelant les détails du témoignage obtenu de la GRC était
permise par le paragraphe 48(2) de la Loi sur le Service
canadien du renseignement de sécurité. La divulgation de
renseignements précis obtenus par la police dans le cadre d'une
enquête en cours pourrait en miner grandement les résultats.
Le juge Stone, J.C.A. (motifs concourants du juge Urie,
J.C.A.): La violation des droits de l'appelant garantis par
l'article 7 de la Charte, violation entraînée par le dépôt de
l'attestation prévue à l'article 83, n'était pas justifiée par
l'article premier de la Charte. Il s'agissait de savoir si la
confiance accordée à l'attestation était justifiée, compte tenu du
processus régissant sa délivrance. Le problème provenait du fait
que la loi n'excluait pas simplement l'appelant de l'audience
dans le seul but de sauvegarder les techniques d'enquête de la
Gendarmerie royale. Le paragraphe 48(2) de la Loi sur le
Service canadien du renseignement de sécurité est une disposi
tion à la formulation très large qui nie à l'appelant le droit
d'être présent lorsqu'une autre personne présente des observa
tions au comité. Bien que la disposition fût juste, rationnelle et
non arbitraire, les autres exigences relatives à la règle de la
proportionnalité n'ont pas été respectées. Plutôt que d'équili-
brer les intérêts de l'État et ceux de la personne, la disposition
annulait complètement les droits de cette dernière au profit de
ceux de l'État. On ne pouvait pas dire que la disposition portait
le moins possible atteinte aux droits de l'appelant.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la
Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B,
Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.),
art. 1, 6(1),(2), 7, 12, 15.
Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), chap. F-7, art.
28(4).
Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité,
S.C. 1984, chap. 21, art. 39(2),(3), 43, 44, 48, 49,
50, 51.
Loi sur les stupéfiants, S.R.C. 1970, chap. N-1, art. 4(2).
Loi sur l'immigration de 1976, S.C. 1976-77, chap. 52,
art. 4, 19(1)d)(ii), 27(1)d)(ii) (mod. par S.C. 1984,
chap. 40, art. 79(2), n° 12), 32(2), 72(1) (mod. par
S.C. 1984, chap. 21, art. 81), 82.1 (mod., idem, art.
84), 83(1) (mod., idem), (2) (mod., idem).
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Prata c. Ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigra-
tion, [1976] 1 R.C.S. 376; (1975), 52 D.L.R. (3d) 383; 3
N.R. 484; R. c. Morgentaler, [1988] 1 R.C.S. 30; (1988),
63 O.R. (2d) 281; 44 D.L.R. (4th) 385; 37 C.C.C. (3d)
449; 62 C.R. (3d) 1; 31 C.R.R. 1; 82 N.R. 1; 26 O.A.C.
1; Law c. Solliciteur général du Canada, [1985] 1 C.F.
62; (1984), 11 D.L.R. (4th) 608; 57 N.R. 45 (C.A.).
DISTINCTION FAITE AVEC:
R. c. Smith (Edward Dewey), [1987] 1 R.C.S. 1045;
(1987), 40 D.L.R. (4th) 435; [1987] 5 W.W.R. 1; 15
B.C.L.R. (2d) 273; 34 C.C.C. (3d) 97; 58 C.R. (3d) 193;
31 C.R.R. 193; 75 N.R. 321; Andrews c. Law Society of
British Columbia, [1989] 1 R.C.S. 143; (1989), 56
D.L.R. (4th) 1; [1989] 2 W.W.R. 289; 34 B.C.L.R. (2d)
273; 36 C.R.R. 193; 91 N.R. 255.
DÉCISIONS CITÉES:
R. c. Turpin, [1989] 1 R.C.S. 1296; (1989), 48 C.C.C.
(3d) 8; 69 C.R. (3d) 97; 96 N.R. 115; In re la Loi sur les
relations de travail dans la Fonction publique, [1973]
C.F. 604; (1973), 38 D.L.R. (3d) 437 (C.A.); Martin
Service Station Ltd. c. Le ministre du Revenu national,
[1974] C.F. 398; (1974), 44 D.L.R. (3d) 99; 1 N.R. 464
(C.A.); R. v. Wooten (1983), 5 D.L.R. (4th) 371; 9
C.C.C. (3d) 513 (C.S.C.-B.); In re Gittens, [1983] 1 C.F.
152; (1982), 137 D.L.R. (3d) 687; 68 C.C.C. (2d) 438; 1
C.R.R. 346 (1rc inst.); R. v. Parmar et al., (1987), 34
C.C.C. (3d) 260 (H.C. Ont.); R. v. Playford (1987), 63
O.R. (2d) 289; 40 C.C.C. (3d) 142; 61 C.R. (3d) 101; 24
O.A.C. 161 (C.A. Ont.); R. v. Rowbotham (1988), 41
C.C.C. (3d) 1; 63 C.R. (3d) 113; 25 O.A.C. 321 (C.A.
Ont.).
AVOCATS:
Irwin Koziebrocki et D. Shermbrucker pour
l'appelant.
David Sgayias et Geraldine Sparrow pour
l'intimé.
PROCUREURS:
Irwin Koziebrocki, Toronto, pour l'appelant.
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimé.
Ce qui suit est la version française des motifs
de la décision rendus par
LE JUGE PRATTE, J.C.A. (dissident en ce qui
concerne la question 3b)): La présente porte sur le
renvoi par la Commission d'appel de l'immigra-
tion, en vertu du paragraphe 28(4) sur la Loi sur
la Cour fédérale [L.R.C. (1985), chap. F-7], de
certaines questions constitutionnelles nées durant
l'audition d'un appel d'une ordonnance d'expulsion
rendue contre l'appelant, Joseph (Giuseppe) Chia-
relli', en vertu de la Loi sur l'immigration de 1976
[S.C. 1976-77, chap. 52] .
L'appelant est né en Italie en 1960. Il est rési-
dent permanent du Canada depuis son arrivée au
pays, en 1975. Le 5 novembre 1984, il a comparu
devant la Cour provinciale à Hamilton, Ontario, et
' L'intitulé de la cause désigne M. Chiarelli comme l'eappe-
lant». Je vais aussi le désigner par ce terme même si M.
Chiarelli, qui est un appelant devant la Commission, n'en est
pas un devant la Cour.
a plaidé coupable à l'accusation de «possession de
stupéfiant en vue d'en faire le trafic» (Loi sur les
stupéfiants, S.R.C. 1970, chap. N-1, paragraphe
4(2)), acte criminel punissable par l'emprisonne-
ment à perpétuité. Il a été condamné à une peine
de six mois de prison. Le 17 janvier 1986, un agent
de l'immigration a établi un rapport en vertu de
l'article 27 de la Loi sur l'immigration de 1976 2
identifiant l'appelant comme un résident perma
nent décrit au sous-alinéa 27(1)d)(ii) [mod. par
S.C. 1984, chap. 40, art. 79(2), n° 12] en ce qu'il
avait été «déclaré coupable d'une infraction prévue
par une loi du Parlement [et] ... punissable d'au
moins cinq ans de prison». A la suite d'une
enquête, conclue le 7 mai 1986, l'arbitre a établi
que l'appelant était effectivement résident perma
nent décrit au sous-alinéa 27(1)d)(ii). Conformé-
ment aux exigences du paragraphe 32(2) 3 , l'arbitre
a prononcé l'expulsion de l'appelant.
L'appelant a immédiatement porté en appel
cette ordonnance d'expulsion devant la Commis-
2 Voici un extrait de l'article 27:
27. (1) Tout agent d'immigration ou agent de la paix, en
possession de renseignements indiquant qu'un résident
permanent
d) a été déclaré coupable d'une infraction prévue par une
loi du Parlement
(ii) punissable d'au moins cinq ans de prison,
doit adresser un rapport écrit et circonstancié au sous-
ministre à ce sujet.
(3) Sous réserve des instructions ou directives du Ministre,
le sous-ministre saisi d'un rapport visé aux paragraphes (1)
... doit, au cas où il estime que la tenue d'une enquête
s'impose, adresser à un agent d'immigration supérieur une
copie de ce rapport et une directive prévoyant la tenue d'une
enquête.
(4) L'agent d'immigration supérieur qui reçoit le rapport
et la directive visés au paragraphe (3), doit, dès que les
circonstances le permettent, faire tenir une enquête sur la
personne en question.
3 Voici un extrait du paragraphe 32(2):
32....
(2) L'arbitre, après avoir conclu que la personne faisant
l'objet d'une enquête est un résident permanent visé au
paragraphe 27(1), doit ... en prononcer l'expulsion.
sion d'appel de l'immigration 4 . Cet appel de la
Commission devait être entendu le 12 février 1987.
Cependant, le 10 février 1987, le solliciteur géné-
ral et le ministre de l'Emploi et de l'Immigration
ont présenté un rapport conjoint au comité de
surveillance des activités de renseignement de
sécurité en vertu du paragraphe 82.1(2) [mod. par
S.C. 1984, chap. 21, art. 84] de la Loi sur l'immi-
gration de 1976 5 , selon lequel, à leur avis, l'appe-
lant était une personne appartenant à l'une des
catégories visées au sous-alinéa 19(1)d)(ii) de la
Loi, soit, une des personnes «au sujet desquelles il
existe de bonnes raisons de croire qu'elles ... se
livreront à des activités faisant partie d'un plan
d'activités criminelles organisées par plusieurs per-
sonnes agissant de concert pour commettre une
infraction qui peut être punissable par voie de mise
en accusation en vertu d'une loi du Parlement».
Le 12 février 1987, la Commission d'appel de
l'immigration a été informée que les deux minis-
tres avaient rédigé ce rapport à la Commission et,
en conformité des dispositions du paragraphe
82.1(5), a suspendu l'audition de l'appel.
Par la suite, le comité de surveillance a effectué
l'enquête nécessaire. Dans le cadre de cette
enquête, il a entendu l'appelant qui, cependant, ne
semble pas avoir eu la possibilité de contester les
allégations faites contre lui. Le comité a finale-
ment déclaré au gouverneur en conseil que l'appe-
lant était une personne appartenant à l'une des
catégories visées au sous-alinéa 19(1)d)(ii) de la
^ L'appel a été formé en vertu du paragraphe 72(1) [mod.
par S.C. 1984, chap. 21, art. 81] qui se lisait en partie comme
suit:
72. (1) Sous réserve du paragraphe (3), toute personne
frappée d'une ordonnance de renvoi qui est ... un résident
permanent ... peut interjeter appel devant la Commission en
invoyant l'un des deux motifs suivants, ou les deux:
a) un moyen d'appel comportant une question de droit ou
de fait ou une question mixte de droit et de fait;
b) le fait que, compte tenu des circonstances de l'espèce,
elle ne devrait pas être renvoyée du Canada.
Le pragraphe 72(3), qui ne s'appliquait pas à l'appelant,
prévoyait que le droit d'appel des personnes ayant fait l'objet
d'une attestation visée par le paragraphe 40(1) était limité
aux motifs d'appel comportant une question de droit ou de
fait, ou une question mixte de droit et de fait.
5 Le texte des articles 82.1 et 83 de la Loi sur l'immigration
de 1976 est reproduit en annexe aux présents motifs avec les
paragraphes 39(2) et (3) et les articles 43, 44, et 48 51 de la
Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité.
Loi sur l'immigration de 1976 et qu'une attesta
tion devrait être délivrée en vertu du paragraphe
83(1) [mod. par S.C. 1984, chap. 21, art. 84] à
l'égard de son appel de l'ordonnance d'expulsion.
Le 14 octobre 1987, le gouverneur en conseil a
adopté la conclusion du comité de surveillance et a
ordonné au ministre de l'Emploi et de l'Immigra-
tion de délivrer l'attestation. Cette dernière a été
délivrée le 17 novembre 1987 et déposée devant la
Commission d'appel de l'immigration le 3 décem-
bre 1987. Par conséquent, la Commission, en con-
formité du paragraphe 83(2), devait rejeter l'appel
puisque ce dernier avait été formé en vertu de
l'alinéa 72(1)b).
L'audition de l'appel devait reprendre le 19
février 1988. Cependant, quelques jours avant
cette date, l'appelant a déclaré qu'il avait l'inten-
tion de soulever quelques questions constitutionnel-
les devant la Commission. Par conséquent, l'audi-
tion de l'appel a été suspendue jusqu'au 1°r février
1989, date à laquelle la Commission, avec l'accord
de toutes les parties, s'est appuyée sur le paragra-
phe 28(4) de la Loi sur la Cour fédérale pour
soumettre les questions de droit suivantes à la
Cour:
1. a) Est-ce que le sous-alinéa 27(1)d)(ii) et le paragraphe
32(2) de la Loi sur l'immigration de 1976, S.C. 1976-77,
chap. 52, telle que modifiée par S.C. 1984, chap. 21, art.
84 (maintenant sous-alinéa 27(1)d)(ii) et paragraphe
32(2) de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985), chap.
I-2) violent ou nient les droits garantis par les articles 7,
12 et 15 de la Charte canadienne des droits et libertés en
ce qu'ils prévoient l'expulsion de personnes déclarées
coupables d'une infraction punissable d'au moins cinq
ans d'emprisonnement, sans égard aux circonstances
entourant l'infraction ou à la situation de l'infracteur?
b) Si le sous-alinéa et le paragraphe visés ci-dessus violent
ou nient les droits' , garantis par les articles 7, 12 et 15 de
la Charte, sont-ils justifiés par l'article 1 de la Charte?
2. a) Est-ce que les articles 82.1 et 83 de la Loi sur l'immigra-
tion de 1976, S.C. 1976-77, chap. 52, tels que modifiés
par S.C. 1984, chap. 21, art. 84 (maintenant les articles
81 et 82 de la Loi sur l'immigration, L.R.C. (1985),
chap. 1-2) violent ou nient les droits garantis par les
articles 7, 12 et 15 de la Charte dans la mesure où ces
dispositions:
(i) privent des particuliers du droit à la vie, à la liberté
et à la sécurité de leur personne en violation des principes
de justice fondamentale, et ou
(ii) soumettent des particuliers à des peines cruelles et
inusitées, et ou
(iii) s'opposent à ce que la loi ne fasse acception de
personne et qu'elle s'applique également à tous?
b) Si les articles visés ci-dessus violent ou nient les droits
garantis par les articles 7, 12 et 15 de la Charte, sont-ils
justifiés par l'article 1 de la Charte?
3. a) Est-ce que le fait de se fonder sur l'attestation autorisée
par l'article 83 de la Loi sur l'immigration de 1976, S.C.
1976-77, chap. 52, telle que modifiée par S.C. 1984,
chap. 21, art. 84 (maintenant l'article 82 de la Loi sur
l'immigration, L.R.C. (1985), chap. 1-2) déposée dans le
dossier de M. Chiarelli donne lieu à une violation de ses
droits en vertu de l'article 7 de la Charte, parce que le
processus suivi par le comité de surveillance des activités
de renseignements de sécurité n'a pas satisfait aux exi-
gences de l'article 7?
b) Si le fait de se fonder sur l'attestation viole ou nie le droit
garanti par l'article 7 de la Charte, est-il justifié par
l'article I de la Charte?
Examinons d'abord les questions relatives à la
constitutionnalité du sous-alinéa 27(1)d)(ii) et du
paragraphe 32(2) de la Loi sur l'immigration de
1976. Selon ces dispositions, une ordonnance d'ex-
pulsion doit être rendue contre un résident perma
nent qui, comme l'appelant, a été déclaré coupable
d'une infraction prévue par une loi du Parlement
et est passible d'une peine d'au moins cinq ans de
prison. L'appelant soutient que cette exigence est
contraire aux dispositions des articles 7, 12 et 15
de la Charte canadienne des droits et libertés [qui
constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de
1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982,
chap. 11 (R.-U.)].
À l'égard de l'article 12 de la Charte, l'appelant
soutient que l'expulsion d'un résident permanent
pour le seul motif qu'il a commis une infraction
décrite au sous-alinéa 27(1)d)(ii) sans que l'on
tienne compte des circonstances dans lesquelles
l'infraction a été commise constitue un traitement
cruel et inusité au sens de l'article 12 de la Charte.
Selon l'appelant, il s'ensuit donc que le paragraphe
32(2) prive les résidents permanents de leurs
droits, garantis par l'article 12 de la Charte, «à la
protection contre tous traitements ou peines cruels
et inusités». Selon l'appelant, cette situation est
semblable à celle que la Cour suprême du Canada
a examinée dans R. c. Smith (Edward Dewey) 6 ; en
effet, la Cour suprême a statué que la peine obli-
gatoire de sept ans d'emprisonnement prévue par
le paragraphe 5(2) de la Loi sur les stupéfiants
[S.R.C. 1970, chap. N-1] pouvait être «exagéré-
ment disproportionnée» par rapport à l'infraction
commise et qu'elle était, pour ce motif, une peine
cruelle et inusitée. De la même façon, l'appelant
soutient qu'en l'espèce l'expulsion peut être exagé-
6 [1987] 1 R.C.S. 1045.
rément disproportionnée par rapport à l'infraction
commise.
Mais nous ne traitons pas ici d'une disposition
exigeant l'imposition d'une peine sévère pour une
infraction donnée. En effet, le paragraphe 32(2)
n'impose pas de peine. Cette disposition est le
corollaire nécessaire des limites imposées par l'ar-
ticle 4 de la Loi au droit des résidents permanents
d'entrer au Canada et d'y demeurer'. Lorsqu'il est
établi qu'un résident permanent est une personne
appartenant à l'une des catégories visées au para-
graphe 27(1), cette personne n'a plus le droit de
demeurer au pays. Il n'est donc pas exagéré ni
déraisonnable d'exiger qu'une ordonnance d'expul-
sion soit rendue contre cette personne. L'expulsion
est en effet le seul moyen pratique de forcer un
étranger qui se trouve illégalement au Canada à
quitter le pays. De plus, le Parlement peut et doit
imposer des limites aux droits qu'ont les résidents
permanents de demeurer au pays. Et, à mon avis,
on ne peut soutenir sérieusement qu'il est cruel,
inusité ou déraisonnable de prescrire que les rési-
dents permanents perdront le droit de demeurer au
pays s'ils sont déclarés coupables d'une infraction
que le Parlement juge en elle-même une infraction
grave.
À mon avis, le sous-alinéa 27(1)d)(ii) et le
paragraphe 32(2) de la Loi sur l'immigration de
1976 ne violent pas les dispositions de l'article 12
de la Charte.
Cependant, est-ce que ces dispositions violent
l'article 7 de la Charte? C'est ce que soutient
l'appelant. Selon ce dernier, l'ordonnance d'expul-
sion contre un résident permanent enfreint le
«droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa
personne», dont chacun a le droit de jouir et cette
violation est contraire aux principes de la justice
fondamentale (sur le plan du fond plutôt que sur
celui de la procédure) lorsque la loi exige que
' Voici un extrait de l'article 4 de la Loi sur l'immigration de
1976:
4. (1) Tout citoyen canadien, ainsi que les résidents per
manents non visés au paragraphe 27(1), ont le droit d'entrer
au Canada.
(2) Sous réserve des lois du Parlement le citoyen canadien
[a] le droit d'y demeurer à l'exception
a) du résident perment visé au paragraphe 27(1);
l'expulsion soit imposée pour le seul motif qu'une
infraction criminelle a été commise, sans tenir
compte des circonstances entourant la perpétration
de cette infraction. Cette prétention n'est pas
fondée. En effet, il n'est nullement injuste d'exiger
l'expulsion d'une personne qui a perdu le droit de
demeurer au pays. Il n'est pas injuste non plus de
prescrire qu'un étranger admis chez nous comme
résident permanent perdra le droit d'y demeurer
s'il est déclaré coupable d'une infraction que le
Parlement juge grave en elle-même.
L'appelant a finalement soutenu que le paragra-
phe 32(2) viole le droit à l'égalité garanti par
l'article 15 de la Charte. 11 a présenté deux argu
ments sur ce point. Voici le premier. Le paragra-
phe 32(2) contrevient à l'article 15 parce qu'il
exerce une discrimination contre des résidents per
manents en exigeant d'eux qu'ils soient déportés
alors que dans des circonstances semblables, les
citoyens canadiens peuvent demeurer au pays. Cet
argument n'est pas fondé. S'il était accepté, cela
signifierait que la Charte garantit aux résidents
permanents un droit égal à celui des citoyens
canadiens de demeurer au pays. Ce n'est pas le
cas. La Charte elle-même, aux paragraphes 6(1) et
6(2) 8 , établit une distinction entre les droits des
citoyens canadiens et des résidents permanents à
cet égard. Il est clair que, sous réserve de l'article
1, la Charte garantit aux citoyens canadiens le
droit de demeurer au Canada. Il est tout aussi clair
que la Charte ne garantit pas ce même droit aux
résidents permanents. La Charte reconnaît donc
implicitement le pouvoir du Parlement d'établir
une distinction entre les citoyens canadiens et les
résidents permanents en imposant des limites aux
droits des résidents permanents de résider au
Canada. En exerçant ce pouvoir, le gouvernement
n'est pas coupable de discrimination au sens de
l'article 15. La situation serait différente si le
Parlement ou une assemblée législative provinciale
voulait établir une distinction entre les résidents
permanents et les citoyens à un autre niveau qu'à
8 Ces paragraphes se lisent comme suit:
6. (1) Tout citoyen canadien a le droit de demeurer au
Canada, d'y entrer ou d'en sortir.
(2) Tout citoyen canadien et toute personne ayant le
statut de résident permanent au Canada on le droit:
a) de se déplacer dans tout le pays et d'établir leur
résidence dans toute province;
b) de gagner leur vie dans toute province.
celui de la détermination des limites des droits des
résidents à demeurer au pays. C'était notamment
le cas dans l'affaire Andrews c. Law Society of
British Columbia 9 , dans laquelle la Cour suprême
du Canada a statué qu'une loi interdisant aux
résidents permanents le droit de pratiquer le droit
était discriminatoire et contraire aux dispositions
de l'article 15 de la Charte.
Le second argument de l'appelant est que le
paragraphe 32(2) viole l'article 15 de la Charte en
établissant une distinction injustifiée entre rési-
dents permanents déclarés coupables d'actions
décrites au sous-alinéa 27(1)d)(ii) et les autres
résidents permanents. Cependant, à mon avis,
cette distinction, qu'elle soit justifiée ou injustifiée,
ne peut être assimilée à une discrimination au sens
de l'article 15. Aucune analogie ne peut être éta-
blie entre les motifs de discrimination définis à
l'article 15 et le fait que certains résidents perma
nents ont été déclarés coupables d'infractions
graves. Les résidents permanents qui ont été recon-
nus coupables d'actes criminels graves ne tombent
pas dans une catégorie analogue à celles qui sont
énumérées à l'article 15 10 .
Ma réponse à la première série de questions
soumises par la Commission est donc que l'exi-
gence du paragraphe 32(2) de la Loi sur l'immi-
gration de 1976 relative à une ordonnance d'expul-
sion rendue contre les résidents permanents qui
correspondent à l'une des catégories décrites au
sous-alinéa 27(1)d)(ii) ne contrevient pas aux arti
cles 7, 12 et 15 de la Charte.
Les autres questions soumises par la Commis
sion ont trait aux articles 82.1 et 83 de la Loi sur
l'immigration de 1976. Ces articles s'appliquent
lorsqu'un résident permanent a fait l'objet d'une
ordonnance d'expulsion et qu'il en a appelé de
cette ordonnance devant la Commission d'appel de
l'immigration en vertu du paragraphe 72(1). Dans
ce cas, l'appelant peut interjeter appel de l'ordon-
nance d'expulsion en vertu de l'alinéa 72(1)a) sur
la base d'«un moyen d'appel comportant une ques
tion de droit ou de fait ou une question mixte de
droit et de fait» et, en vertu de l'alinéa 72(1)b), du
«fait que, compte tenu des circonstances de l'es-
pèce, elle ne devrait pas être renvoyée du Canada».
9 [1989] 1 R.C.S. 143.
10 Voir: Andrews c. Law Society of British Columbia, supra,
et R. c. Turpin, [1989] 1 R.C.S. 1296.
Cependant, le paragraphe 83(2) prévoit que la
Commission doit rejeter tout appel fait en vertu de
l'alinéa 72(1)b) si le ministre de l'Emploi et de
l'Immigration est notamment une personne visée
au sous-alinéa 19(1)d)(ii), c'est-à-dire une des per-
sonnes «au sujet desquelles il existe de bonnes
raisons de croire qu'elles ... se livreront à des
activités faisant partie d'un plan d'activités crimi-
nelles organisées par plusieurs personnes agissant
de concert pour commettre une infraction qui peut
être punissable par voie de mise en accusation en
vertu d'une loi du Parlement». Il faut rappeler que
cette attestation a été déposée à l'égard de
l'appelant.
L'article 82.1 et le paragraphe 83(1) décrivent
la procédure qui mène à la délivrance de l'attesta-
tion du ministre. Le processus est déclenché par le
solliciteur général et le ministre de l'Emploi et de
l'Immigration qui font un rapport au comité de
surveillance des activités de renseignement de
sécurité créé en vertu de la Loi sur le Service
canadien du renseignement de sécurité [S.C. 1984,
chap. 21 ] dans lequel ils expriment l'opinion qu'un
résident permanent qui a présenté un appel devant
la Commission en vertu de l'alinéa 72(1)b) est une
personne visée au sous-alinéa 19(1)d)(ii). Sur
réception de ce rapport, le comité de surveillance
mène une enquête dans le cadre de laquelle il doit
donner à la personne visée la possibilité d'être
entendue à certaines conditions. Après l'enquête, il
envoie un rapport au gouverneur en conseil. Le
gouverneur en conseil peut alors, comme il l'a fait
en l'espèce, ordonner au ministre de l'Emploi et de
l'Immigration de remettre une attestation à la
Commission, ce qui obligera cette dernière à reje-
ter l'appel de la personne visée dans la mesure où
l'appel est fondé sur «les circonstances en l'espèce».
La Commission demande si ces dispositions con-
treviennent aux articles 7, 12 ou 15 de la Charte.
Cependant, c'est probablement par erreur que l'ar-
ticle 12 a été mentionné dans la question car on
sait bien que rien dans ces dispositions n'évoque
des traitements ou peines cruels ou inusités. Les
seules questions qui peuvent créer des difficultés
sont celles qui ont trait aux articles 7 et 15.
L'appelant a soutenu que les articles 82.1 et 83
violent l'article 15 parce qu'ils ont pour consé-
quence de priver des appelants visés par leurs
dispositions du bénéfice d'une audience sur le fond
de leur appel pour le motif qu'ils sont des résidents
permanents. Cet argument n'est pas fondé. En
effet, ces articles ne privent pas les résidents per
manents d'un droit d'appel pour le motif qu'ils
sont des résidents permanents mais bien parce que
l'on croit qu'ils se livrent à des activités criminel-
les. Il ne s'agit donc pas de discrimination au sens
de l'article 15.
La question relative à l'article 7 de la Charte est
plus difficile.
Le seul motif sérieux pour lequel on peut dire
que les articles 82.1 et 83 contreviennent à l'article
7 est qu'ils prévoient clairement qu'une attestation
peut être délivrée à l'égard d'une personne qui n'a
pas obtenu toute la possibilité de réfuter les alléga-
tions faites contre elle. On peut donc se demander
si les dispositions autorisant un tel écart de la règle
audi alteram partem sont nulles en ce qu'elles
violent les dispositions de l'article 7 de la Charte.
Cependant, la question se pose uniquement lors-
qu'une attestation en vertu de l'article 83 a été
délivrée sans que la personne visée ait eu une
possibilité suffisante d'être entendue. Sinon, la
question est purement théorique. Il s'ensuit donc
que la Commission ne pouvait pas se préoccuper
de cette question et en saisir la Cour, car elle
n'avait pas établi que la procédure suivie pour
délivrer l'attestation prévue par l'article 83 et
visant l'appelant avait dérogé au principe de jus
tice fondamentale. La Commission d'appel de l'im-
migration peut, comme il a été statué dans l'arrêt
Law c. Solliciteur général du Canada", avoir le
pouvoir de trancher des questions relatives à la
Charte portant sur la validité d'une attestation
délivrée en vertu de l'article 83, mais elle ne peut
pas répondre à ces questions sur un plan purement
théorique lorsqu'il n'est pas nécessaire que des
réponses soient fournies pour trancher une affaire
dont la Commission est saisie, et cette dernière ne
peut pas non plus, dans les mêmes circonstances,
soumettre ces questions à la Cour 12 . J'estime donc
que la question dont je traite maintenant n'aurait
pas dû être soumise à la Cour. Pour ce motif, la
Cour ne devrait pas y répondre.
" [1985] 1 C.F. 62 (C.A.).
I2 Voir: In re la Loi sur les relations de travail dans la
Fonction publique, [1973] C.F. 604 (C.A.), à la p. 615 et
Martin Service Station Ltd. c. Le ministre du Revenu national,
[1974] 1 C.F. 398 (C.A.).
Le même problème ne se pose pas à l'égard de la
dernière question posée par la Commission car
cette question a trait à la procédure suivie pour
délivrer une attestation en vertu de l'article 83 à
l'égard de l'appelant.
Cette dernière question, comme je la comprends,
en contient trois:
1. Est-ce que la procédure suivie pour délivrer
l'attestation en vertu de l'article 83 à l'égard de
l'appelant contrevient aux exigences de la jus
tice fondamentale?
2. Est-ce que l'appelant, par suite du dépôt de
l'attestation, serait privé de son droit à la vie, à
la liberté et à la sécurité?
3. Si la réponse aux deux questions précédentes
est affirmative, est-ce que cette violation de
l'article 7 de la Charte est justifiée en vertu de
l'article 1?
Avant d'aborder la première de ces trois ques
tions, il faut remarquer que l'appelant n'a pas
soutenu et, à mon avis, ne pouvait raisonnablement
soutenir, que la privation de son droit d'appel en
vertu de l'alinéa 72(1)b), par suite du dépôt de
l'attestation en vertu de l'article 83 est, en elle-
même, contraire aux principes de justice fonda-
mentale au sens du droit positif. Malgré le dépôt
de l'attestation, l'appelant conserve un droit d'ap-
pel en vertu de l'alinéa 72(1)a). Si l'ordonnance
d'expulsion prononcée contre lui a été rendue à
tort, elle sera annulée. Le droit d'appel dont l'ap-
pelant est privé par suite du dépôt de l'attestation
est simplement son droit de demander à la Com
mission d'appel de l'immigration la permission de
demeurer au pays, même si une ordonnance d'ex-
pulsion valide a été rendue contre lui en confor-
mité des principes de justice fondamentale. Il
s'agit plutôt ici d'un appel de clémence. En effet,
la justice fondamentale n'exige certainement pas
que ce droit d'appel soit accordé à tous les rési-
dents permanents, y compris à ceux qui sont
sérieusement soupçonnés d'avoir participé à des
activités criminelles.
Ce qui est en jeu ici, c'est la procédure suivie
pour aboutir à la délivrance de l'attestation. Il est
dit que cette procédure était déficiente parce que
l'appelant n'a pas eu une chance raisonnable de
répondre aux allégations faites contre lui.
C'est le 10 février 1987 que le solliciteur général
et le ministre de l'Emploi et de l'Immigration ont
présenté un rapport conjoint au comité de surveil
lance des activités de renseignement de sécurité à
l'égard de l'appelant, qui a été avisé de cette
procédure dans une lettre datée du 13 février 1987.
Le 27 mai 1987, le secrétaire exécutif du comité de
surveillance a écrit à l'appelant pour l'informer
que le comité avait reçu le rapport des deux minis-
tres et qu'une enquête aurait lieu. La lettre était
accompagnée du document suivant:
[TRADUCTION]
ÉNONCÉ DES CIRCONSTANCES AYANT DONNÉ
LIEU
À LA PRÉSENTATION D'UN RAPPORT PAR LE
SOLLICITEUR GÉNÉRAL DU CANADA ET LE
MINISTRE DE L'EMPLOI ET DE L'IMMIGRATION
AU COMITÉ DE SURVEILLANCE DES ACTIVITÉS
DE RENSEIGNEMENT DE SÉCURITÉ
Selon les informations remises au comité de surveillance des
activités de renseignement de sécurité par le solliciteur général
du Canada et le ministre de l'Emploi et de l'Immigration, M.
Giuseppe Chiarelli:
1. est membre d'une organisation qui se livre à un plan d'acti-
vités criminelles;
2. s'est engagé dans un plan d'activités criminelles, y compris
la participation à un meurtre et à divers aspects du trafic des
stupéfiants;
3. a été déclaré coupable:
a) d'avoir proféré des menaces par téléphone; et
b) d'avoir été en possession de stupéfiants dans le but d'en
faire le trafic;
4. Même s'il n'a pas été accusé de l'homicide de Domenic
Racco, la preuve révèle qu'il y a participé;
5. depuis 1982, il est associé à:
a) des personnes que l'on croit liées au crime organisé; et/ou
b) des personnes ayant des dossiers judiciaires; et/ou
c) des personnes soupçonnées de se livrer à des activités
relatives au trafic des stupéfiants.
L'appelant a par la suite été avisé que le comité
de surveillance tiendrait une audience à Ottawa à
partir du 25 juin 1987 et qu'il aurait le droit d'y
assister avec son avocat. La date de l'audience a
par la suite été ajournée au 2 septembre 1987.
Le 14 juillet 1987, le comité de surveillance a
envoyé à l'avocat de l'appelant deux longs docu-
ments intitulés «Suite de renseignements et de faits
relatifs à Giuseppe Chiarelli» et «Sommaire de
l'interprétation de l'interception de communica
tions privées relatives au meurtre de Domenic
Racco». Ces deux documents contenaient des ren-
seignements selon lesquels l'appelant, depuis un
certain temps, était associé à des gens soupçonnés
de se livrer à des activités criminelles.
Le 25 août 1987, l'avocat de l'appelant a appris
que, le premier jour de l'audience, soit le 2 septem-
bre, le comité siégerait à huis clos et que ni lui ni
son client ne pourrait assister aux travaux du
comité. C'est donc en l'absence de l'appelant et de
son avocat que, le 2 septembre 1987, le comité de
surveillance a entendu le témoignage de membres
de la GRC. Le jour suivant, un résumé de ces
témoignages a été remis à l'avocat de l'appelant
lorsque celui-ci s'est présenté avec son client à la
reprise de l'audience. Voici ce document:
[TRADUCTION]
SOMMAIRE DES
TÉMOIGNAGES À HUIS CLOS
LE 2 SEPTEMBRE 1987
DANS L'AFFAIRE DE L'AUDIENCE
DE M. CHIARELLI
Le 2 septembre 1987, au cours de la première journée des
audiences, le comité de surveillance des activités de renseigne-
ment de sécurité a appris de source policière que Giuseppe
Chiarelli participe à un plan d'activités criminelles. En effet:
1. M. Chiarelli est un membre respecté d'une organisation qui
se livre à un plan d'activités criminelles et depuis environ 1979,
il est associé à Domenic Musitano, Anthony Musitano, Pas-
quale Musitano, Giuseppe Avignone et d'autres personnes, dont
certaines possèdent des dossiers judiciaires, et qui participent à
des activités criminelles permanentes, notamment en relation
avec de l'extorsion et le trafic des stupéfiants.
2. À plusieurs reprises, M. Chiarelli, seul ou avec une autre
personne, est entré en contact avec des hommes d'affaires de la
région à Hamilton afin de leur extorquer de l'argent. Lorsque
ces personnes refusaient de verser l'argent demandé, M. Chia-
relli menaçait de nouveau ces personnes, leur famille ou leurs
biens. M. Chiarelli proférait ces menaces lui-même ou accom-
pagnait la personne qui le faisait.
3. Depuis 1979, M. Chiarelli s'est livré à diverses activités
illégales relatives au trafic des stupéfiants pour le compte de
Domenic Musitano. En particulier, M. Chiarelli a travaillé
comme messager et distributeur de cocaïne et a tenté de
recouvrer des sommes dues à Domenic Musitano en marge du
trafic des stupéfiants.
Le deuxième jour de l'audience, le président du
comité de surveillance a déclaré à l'appelant et à
son avocat que le sommaire contenait tous les
renseignements qui pouvaient être divulgués au
sujet du témoignage des membres de la GRC le
jour précédent. Il a déclaré ce qui suit:
[TRADUCTION] Je ne suis pas très satisfait des procédures
que nous impose la Loi qui a créé le comité et je pense
particulièrement à l'audition de témoignages en l'absence du
requérant ou de son avocat. Nous avons contesté cette procé-
dure dans de nombreuses affaires au cours des dernières
années. C'est la première fois que la GRC y participe. Les
principes qui se sont appliqués à l'exclusion du requérant et de
son avocat sont les mêmes. Ils ont trait aux techniques utilisées
par les agences d'enquête. Jusqu'à présent, ce sont des membres
du Service canadien du renseignement de sécurité qui ont été
visés par ces dispositions et, en particulier, des agents ouvrant
dans le domaine de la lutte au terrorisme et du contre-espion-
nage. L'argument est le suivant: si des renseignements sur les
informateurs ou des techniques étaient rendus publics, la capa-
cité de continuer à utiliser ces techniques disparaîtrait
rapidement.
Je veux que vous sachiez qu'hier je me suis défendu âprement
pour que le requérant et son avocat obtiennent le plus de
renseignements possible. J'estime que, en m'acquittant de mes
responsabilités bien au-delà de la lettre de la Loi et des Règles
de procédure, dont vous avez obtenu une copie, j'estime que
nous avons fait le maximum et que vous avez reçu toute
l'information qu'il était possible de fournir dans les circons-
tances.
Les documents envoyés à l'avocat de l'appelant le
14 juillet 1987 ont par la suite été classés avec les
casiers judiciaires de l'appelant et de ses prétendus
associés. L'avocat de la GRC a déclaré qu'il ne
souhaitait pas présenter d'autres éléments de
preuve ni faire d'autres observations. L'avocat de
l'appelant a refusé de participer à cette audience,
sinon pour contester l'équité et la constitutionna-
lité de la procédure suivie par le comité. Enfin, le
président du comité a pris l'affaire en délibéré
mais a indiqué que le plaignant aurait un mois
pour présenter des documents ou des informations
écrites au comité. Le 7 octobre 1987, l'avocat de
l'appelant a saisi cette occasion et a envoyé un
argument écrit au comité de même que des décla-
rations solennelles de membres de la famille de
l'appelant attestant la moralité de ce dernier. L'ap-
pelant lui-même n'a présenté ni déclaration sous
serment ni déclaration solennelle.
Le 21 octobre 1987, le comité de surveillance a
informé l'appelant qu'il avait envoyé au gouver-
neur en conseil un rapport concluant qu'il était une
personne se trouvant dans l'une des situations
visées au sous-alinéa 19(1)d)(ii) de la Loi sur
l'immigration de 1976 et qu'une attestation
devrait être délivrée en vertu de l'article 83 à
l'égard de son appel de l'ordonnance d'expulsion.
Quelques jours plus tard, l'appelant a été informé
que, par suite d'une ordonnance du gouverneur en
conseil, le ministre de l'Emploi et de l'Immigration
avait délivré une attestation en vertu de l'article 83
et que cette dernière avait été déposée devant la
Commission d'appel de l'immigration.
À mon avis, la justice fondamentale exige qu'au-
cune décision soit prise au sujet des droits d'une
personne sans donner à cette dernière une occasion
valable d'être entendue. En l'espèce, le comité de
surveillance devait déterminer si l'information
dont il disposait lui donnait des motifs raisonnables
de croire que l'appelant était une personne se
trouvant dans l'une des situations décrites au sous-
alinéa 19(1)d)(ii) de la Loi sur l'immigration de
1976. Pour obtenir une occasion valable d'être
entendu, l'appelant se devait d'être informé non
seulement du contenu exact des renseignements
présentés au comité (pour être capable de les
contredire), mais aussi des sources de ces rensei-
gnements (afin d'être en mesure de contester leur
sérieux). Puisque l'appelant n'a pas eu la possibi-
lité d'obtenir tous les renseignements de même que
les sources de ces renseignements, je suis d'avis
que la procédure suivie en l'espèce n'a pas satisfait
aux exigences de la justice fondamentale.
Cependant, est-ce que le dépôt d'une attestation
en vertu de l'article 83 a enfreint le droit à la vie, à
la liberté et à la sécurité de l'appelant? Le dépôt
de l'attestation a eu pour effet d'enlever à la
Commission d'appel de l'immigration le pouvoir
d'accueillir l'appel de l'appelant pour des motifs
humanitaires. Ce dernier point, en lui-même, ne
touchait pas directement le droit à la vie, à la
liberté et à la sécurité de l'appelant ". Cependant,
pour être réaliste, il faut reconnaître que par suite
du dépôt de l'attestation, l'appelant sera expulsé en
Italie alors que, sans le dépôt de cette attestation,
il aurait pu être autorisé à demeurer au pays.
Puisque, à mon avis, l'expulsion entrave nécessai-
13 Prata c. Ministre de la Main-d'oeuvre et de l'Immigration,
[1976] 1 R.C.S. 376.
rement la liberté de la personne 14 , je dirais qu'il y
a eu violation de l'article 7 de la Charte.
La question suivante est de savoir si cette viola
tion a été autorisée par l'article 1 de la Charte. En
d'autres termes, est-ce que la limite imposée aux
droits de l'appelant de connaître les allégations
faites contre lui était raisonnable? A-t-elle été
prescrite par une règle de droit et pouvait-elle se
justifier dans le cadre d'une société démocratique?
En vertu du paragraphe 82.1(3) de la Loi sur
l'immigration de 1976, le paragraphe 48(2) de la
Loi sur le Service canadien du renseignement de
sécurité s'applique, avec les adaptations nécessai-
res, aux enquêtes effectuées par le comité de sur
veillance en vertu de ce paragraphe de la Loi sur
l'immigration de 1976. Le paragraphe 48(2) pré-
voit notamment ce qui suit:
48....
(2) Au cours d'une enquête ... [toutes les parties intéres-
sées] doivent avoir la possibilité de présenter des observations et
des éléments de preuve au comité de surveillance ainsi que
d'être entendu en personne ou par l'intermédiaire d'un avocat;
toutefois, nul n'a le droit absolu d'être présent lorsqu'une autre
personne présente des observations au comité, ni d'en recevoir
communication ou de faire des commentaires à leur sujet.
Cette disposition, si on la comprend littéralement,
enlèverait seulement à chaque personne compa-
raissant devant le comité le droit d'être informée
des «observations» faites par les autres; mais elle ne
restreindrait pas leur droit d'être informées des
éléments de preuve présentés devant le comité.
Cette interprétation littérale, à mon avis, serait
absurde. Il faut donc interpréter l'article de la
façon suivante: chaque personne qui comparaît
devant le comité n'a le droit de connaître ni les
observations ni les éléments de preuve présentés
par les autres témoins.
La décision du comité de surveillance de ne pas
divulguer à l'appelant les détails du témoignage de
la GRC était donc tout à fait légale. Selon moi,
elle était aussi raisonnable et justifiée.
L'objet de l'enquête menée par le comité était
d'établir si le solliciteur général et le ministre de
l'Emploi et de l'Immigration avaient des motifs
sérieux de soupçonner l'appelant d'être mêlé à ce
14 Voir: R. v. Wooten (1983), 5 D.L.R. (4th) 371
(C.S.C.-B.), à la p. 476; contre: In re Gittens, [1983] 1 C.F.
152 (1" inst.), à la p. 159.
qu'on appelle communément le «crime organisé».
Les éléments de preuve qui nous ont été soumis
révèlent qu'il faut protéger tout autant le secret
des enquêtes policières sur les activités du crime
organisé que celui des enquêtes en matière d'es-
pionnage. Dans les deux cas, la divulgation de
renseignements précis obtenus par la police dans le
cadre d'une enquête en cours pourrait en miner
grandement les résultats. Dans ces circonstances, il
était à mon avis à la fois raisonnable et justifié de
limiter le droit de l'appelant à connaître les alléga-
tions qu'il devait réfuter, particulièrement à la
lumière du fait que l'enquête du comité de surveil
lance avait été tenue non pour statuer sur sa
culpabilité, mais pour déterminer s'il pouvait avoir
droit à un appel pour des motifs purement
humanitaires.
Je répond donc comme suit aux questions soumi-
ses par la Commission:
1. Le sous-alinéa 27 (1)d) (ii) et le paragraphe
32(2) de la Loi sur l'immigration de 1976 ne
violent pas les articles 7, 12 ou 15 de la Charte
canadienne des droits et libertés.
2. Les articles 82.1 et 83 de la Loi sur l'immigra-
tion de 1976 ne violent pas les articles 12 ou 15
de la Charte canadienne des droits et libertés.
La question de savoir si ces articles violent
l'article 7 de la Charte n'est pas une question
que la Commission peut soumettre à la Cour en
vertu du paragraphe 28(4) de la Loi sur la
Cour fédérale.
3. a) La Commission, en se fondant sur l'attesta-
tion délivrée en vertu de l'article 83 l'égard
de M. Chiarelli, enfreindrait les droits de M.
Chiarelli en vertu de l'article 7 de la Charte.
b) Cette violation de l'article 7 est justifiée par
l'article 1, de la Charte.
ANNEXE
Articles 82.1 et 83 de la Loi sur l'immigration de
1976:
82.1 (1) Au présent article et à l'article 83, »comité de
surveillance» s'entend au sens de la Loi sur le Service canadien
du renseignement de sécurité.
(2) Dans le cas où le Ministre et le solliciteur général sont
d'avis, à la lumière des rapports secrets qu'ils détiennent en
matière de sécurité ou de criminalité:
a) qu'une personne qui a fait ou qui, en vertu du paragraphe
75(3), est réputée avoir fait appel en vertu des alinéas
72(1)b) ou (2)d), ou
b) - une personne appartenant à la catégorie de la famille dont
la demande de droit d'établissement fait l'objet d'un appel
interjeté par le répondant en vertu du paragraphe 79(2)
est une personne visée
c) dans le cas d'un résident permanent, au sous-alinéa
19(1)d)(ii) ou à l'un des alinéas 19(1)e) ou g), ou 27(1)c), ou
d) dans les autres cas, à l'un des alinéas 19(1)d) à g) ou
27(2)c),
ils peuvent faire un rapport au comité de surveillance et doi-
vent, dans les dix jours suivant le rapport, faire envoyer un avis
pour informer l'appelant du rapport et lui indiquer qu'à la suite
d'une enquête sur ce rapport, l'appel peut être rejeté.
(3) Lorsqu'un rapport lui est transmis en conformité avec le
paragraphe (2), le comité de surveillance fait enquête sur les
motifs sur lesquels il est fondé et, à cette fin, les paragraphes
39(2) et (3) et les articles 43, 44 et 48 à 51 de la Loi sur le
Service canadien de renseignement de sécurité s'appliquent
compte tenu des adaptations de circonstance, à l'enquête
comme s'il s'agissait d'une enquête relative à une plainte pré-
sentée en vertu de l'article 42 de cette loi, sauf
a) qu'un renvoi, dans l'une de ces dispositions, à l'adminis-
trateur général vaut renvoi au Ministre et au solliciteur
général;
b) que l'alinéa 50a) de cette loi ne s'applique pas à la
personne que vise le rapport.
(4) Afin de permettre à l'appelant d'être informé de la façon
la plus complète possible des circonstances qui ont donné lieu
au rapport, le comité de surveillance lui envoie, dans les plus
brefs délais possible après réception du rapport, un résumé des
informations dont il dispose à ce sujet.
(5) Par dérogation aux autres dispositions de la présente loi,
lorsqu'un rapport est transmis au comité de surveillance en
vertu du paragraphe (2), l'audition d'un appel concernant la
personne que vise le rapport fait ou réputé, en vertu du paragra-
phe 75(3), avoir été fait en vertu des alinéas 72(1)b) ou (2)d)
ou en vertu de l'article 79 ne peut commencer ou, si elle a
commencé, doit être suspendue jusqu'à ce qu'un rapport à ce
sujet ait été remis par le comité de surveillance au gouverneur
en conseil en vertu du paragraphe (6) et que celui-ci ait pris
une décision à cet égard.
(6) Le comité de surveillance
a) à l'issue d'une enquête sur un rapport qui lui est transmis
en vertu du paragraphe (2), envoie au gouverneur en conseil
un rapport contenant ses conclusions sur le fait de savoir si
une attestation devrait ou non être délivrée en vertu du
paragraphe 83(1) et les motifs sur lesquels elles s'appuient;
b) en même temps ou plus tard, envoie à l'appelant un
rapport contenant les conclusions visées à l'alinéa a).
83. (1) Dans le cas où il est d'avis, après étude du rapport
du comité de surveillance visé à l'alinéa 82.1(6)a), qu'une
personne mentionnée à l'alinéa 82.1(2)a) ou qu'une personne
appartenant à la catégorie de la famille mentionnée à l'alinéa
82.1(2)b) est une personne visée
a) dans le cas d'un résident permanent, au sous-alinéa
19(1)d)(ii) ou à l'un des alinéas 19(1)e) ou g) ou 27(1)c), ou
b) dans les autres cas, à l'un des alinéas 19(1)d) à g) ou
27(2)c),
le gouverneur en conseil peut ordonner au Ministre de délivrer
une attestation à cet effet.
(2) Par dérogation aux autres dispositions de la présente loi,
la Commission doit rejeter tout appel fait ou réputé, en vertu
du paragraphe 75(3), avoir été fait en vertu des alinéas 72(1)b)
ou (2)d) ou en vertu de l'article 79 si une attestation visée au
paragraphe (1), signée par le Ministre, lui est remise.
(3) Dans toute poursuite ou procédure intentée sous le
régime de la présente loi, une attestation délivrée en vertu du
paragraphe (1) fait foi de son contenu devant la Commission,
l'authenticité de la signature et la qualité officielle du signa-
taire ne pouvant être contestées que par le Ministre.
Les paragraphes 39(2) et (3) et les articles 43, 44
et 48 51 de la Loi sur le Service canadien du
renseignement de sécurité:
39....
(2) Par dérogation à toute autre loi fédérale ou toute immu-
nité reconnue par le droit de la preuve, mais sous réserve du
paragraphe (3), le comité de surveillance:
a) est autorisé à avoir accès aux informations qui se ratta-
chent à l'exercice de ses fonctions et qui relèvent du Service
ou de l'inspecteur général et à recevoir de l'inspecteur géné-
ral, du directeur et des employés les informations, rapports et
explications dont il juge avoir besoin dans cet exercice;
b) au cours des enquêtes visées à l'alinéa 38c), est autorisé à
avoir accès aux informations qui se rapportent à ces enquêtes
et qui relèvent de l'administrateur général concerné.
(3) À l'exception des renseignements confidentiels du Con-
seil privé de la Reine pour le Canada visés par le paragraphe
36.3(1) de la Loi sur la preuve au Canada, aucune des infor
mation visées au paragraphe (2) ne peut, pour quelque motifs
que ce soit, être refusée au comité.
43. Un membre du comité de surveillance peut, à l'égard des
plaintes dont celui-ci est saisi, exercer les pouvoirs et fonctions
que la présente partie confère au comité.
44. Le comité de surveillance peut recevoir les plaintes visées
aux articles 41 et 42 par l'intermédiaire d'un représentant du
plaignant. Dans les autres articles de la présente loi, les disposi
tions qui concernent le plaignant concernent également son
représentant.
48. (1) Les enquêtes sur les plaintes présentées en vertu de
la présente partie sont tenues en secret.
(2) Au cours d'une enquête relative à une plainte présentée
en vertu de la présente partie, le plaignant, le directeur et
l'administrateur général concerné doivent avoir la possibilité de
présenter des observations et des éléments de preuve au comité
de surveillance ainsi que d'être entendu en personne ou par
l'intermédiaire d'un avocat; toutefois, nul n'a le droit absolu
d'être présent lorsqu'une autre personne présente des observa
tions au comité, ni d'en recevoir communication ou de faire des
commentaires à leur sujet.
49. Au cours d'une enquête relative à une plainte présentée
en vertu de la présente partie, le comité de surveillance
demande, si cela est opportun, à la Commission canadienne des
droits de la personne de lui donner son avis ou ses commentai-
res sur la plainte.
50. Le comité de surveillance a, dans ses enquêtes sur les
plaintes présentées en vertu de la présente partie, le pouvoir:
a) d'assigner et de contraindre des témoins à comparaître
devant lui, à déposer verbalement ou par écrit sous serment
et à produire les pièces qu'il juge indispensables pour ins-
truire et examiner à fond les plaintes, de la même façon et
dans la même mesure qu'une cour supérieure d'archives;
b) de faire prêter serment;
c) de recevoir des éléments de preuve ou des informations
par déclaration verbale ou écrite sous serment ou par tout
autre moyen qu'il estime indiqué, indépendamment de leur
recevabilité devant les tribunaux.
51. Sauf les cas où une personne est poursuivie pour une
infraction à l'article 122 du Code criminel (fausses déclarations
dans des procédures extrajudiciaires) se rapportant à une décla-
ration faite en vertu de la présente loi, les dépositions faites au
cours de procédures prévues par la présente partie ou le fait de
l'existence de ces procédures ne sont pas recevables contre le
déposant devant les tribunaux ni dans aucune autre procédure.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs
de la décision rendus par
LE JUGE STONE, J.C.A.: J'ai lu les motifs du
jugement proposés par mon collègue le juge Pratte
et je suis d'accord avec lui sur tous les points à
l'exception de la réponse à la question 3b).
Même si je suis d'accord avec les motifs qui lui
ont permis de conclure que l'attestation autorisée
par l'article 83 de la Loi sur l'immigration de
1976, S.C. 1976-77, chap. 52 (maintenant l'article
82 des L.R.C. (1985), chap. I-2) avait entraîné
une violation des droits de l'appelant garantis par
l'article 7 de la Charte, parce que la procédure
suivie par le comité de surveillance des activités de
renseignement de sécurité ne satisfaisait pas aux
exigences de cet article, je soutiens aussi que la
négation des droits garantis par l'article 7 n'est pas
justifiée par l'article 1 de la Charte. Cette dernière
question découle clairement de la question 3a) qui
met en cause la validité constitutionnelle du pro-
cessus autorisé à l'égard de l'enquête à mener en
vertu de l'article 82.1, avant la délivrance et le
dépôt de l'attestation.
Le pouvoir de mener l'enquête découle du para-
graphe 82.1(3) de la Loi (maintenant 81(4)):
82.1.. .
(3) Lorsqu'un rapport lui est transmis en conformité avec le
paragraphe (2), le comité de surveillance fait enquête sur les
motifs sur lesquels il est fondé et, à cette fin, les paragraphes
39(2) et (3) et les articles 43, 44 et 48 à 51 de la Loi sur le
Service canadien du renseignement de sécurité s'appliquent,
compte tenu des adaptations de circonstance, à l'enquête
comme s'il s'agissait d'une enquête relative à une plainte pré-
sentée en vertu de l'article 42 de cette loi ...
Voici le texte du paragraphe 48(2) de la Loi sur le
Service canadien du renseignement de sécurité,
S.C. 1984, chap. 21 (maintenant L.R.C. (1985),
chap. C-23):
48....
(2) Au cours d'une enquête relative à une plainte présentée
en vertu de la présente partie, le plaignant, le directeur et
l'administrateur général concerné doivent avoir la possibilité de
présenter des observations et des éléments de preuve au comité
de surveillance ainsi que d'être entendu en personne ou par
l'intermédiaire d'un avocat; toutefois nul n'a le droit absolu
d'être présent lorsqu'une autre personne présente des observa
tions au comité, ni d'en recevoir communication ou de faire des
commentaires à leur sujet.
Les paragraphes 83(1) et (2) (mod. par S.C. 1984,
chap. 21, art. 84) de la Loi prévoient respective-
ment la délivrance et le dépôt de l'attestation
établie après enquête. Il s'agit donc de savoir si la
confiance accordée à l'attestation exigée par le
paragraphe 83(2) est justifiée, compte tenu du
processus régissant sa délivrance en conformité du
paragraphe 82.1(3) de la Loi et du paragraphe
48(2) de la Loi sur le Service canadien du rensei-
gnement de sécurité.
Comme le souligne mon collègue, le président
du comité de surveillance a révélé qu'il n'était pas
satisfait des procédures qui lui étaient imposées
par la Loi, mais il a ajouté que les principes
s'appliquant à l'exclusion de l'appelant pendant la
déposition de témoins de la GRC avaient trait aux
«techniques utilisées par les organismes d'enquête»
car, a-t-il ajouté, «si des renseignements sur les
informateurs ou des techniques étaient rendus
publics, la capacité de continuer à utiliser ces
techniques disparaîtrait rapidement.»
À mon sens, la difficulté ne provient pas du fait
que ce motif ne pourrait jamais justifier l'exclusion
de l'appelant des procédures, mais que les disposi
tions législatives sur lesquelles l'exclusion est
fondée ne se limitent d'aucune façon à une exclu
sion fondée sur ce seul motif. Le paragraphe 48(2)
de la Loi sur le Service canadien du renseignement
de sécurité est une disposition de fond à la formu
lation très large qui nie expressément à un appe-
lant le droit «d'être présent lorsqu'une autre per-
sonne présente des observations au comité». C'est
tout cet empiètement possible sur les droits confé-
rée par l'article 7 qui m'amène à me demander si
les dispositions législatives en vertu desquelles
cette ingérence est autorisée peuvent se justifier en
vertu de l'article 1 de la Charte qui prévoit:
1. La Charte canadienne des droits et libertés garantit les
droits et libertés qui y sont énoncés. Ils ne peuvent être res-
treints que par une règle de droit, dans des limites qui soient
raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le
cadre d'une société libre et démocratique.
Le juge en chef Dickson, dans l'affaire R. c.
Morgentaler, [1988] 1 R.C.S. 30, aux pages 73 et
74, a résumé récemment les principes qui doivent
s'appliquer à une analyse de l'article premier:
L'article premier de la Charte peut potentiellement servir à
«sauvegarder» une disposition législative qui enfreint l'art. 7:
Renvoi: Motor Vehicle Act de la C.-B., le juge Lamer, à la p.
520. Les principes régissant l'analyse requise aux termes de
l'article premier ont été énoncés dans l'arrêt R. c. Big M Drug
Mart Ltd. et, de façon plus précise encore, dans l'arrêt R. c.
Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103. Une disposition législative qui
enfreint un article de la Charte ne peut être sauvegardée en
vertu de l'article premier que si la partie qui en soutient la
validité peut démontrer, en premier lieu, que l'objectif de la
disposition est «suffisamment important pour justifier la sup
pression d'un droit ou d'une liberté garantis par la Constitu
tion» (arrêt R. c. Big M Drug Mart Ltd., à la p. 352) et, en
second lieu, que les moyens choisis pour l'emporter sur le droit
ou la liberté sont raisonnables et que leur justification peut se
démontrer dans une société libre et démocratique. Ce second
aspect fait en sorte que les moyens législatifs soient proportion-
nels aux fins législatives (Oakes, aux pp. 139-140). Dans l'arrêt
Oakes, à la p. 139, la Cour se réfère à trois facteurs particuliè-
rement utiles à l'évaluation de la proportionnalité entre les
moyens et les fins. En premier lieu, les moyens choisis pour
atteindre un objectif important doivent être rationnels, justes et
non arbitraires. En second lieu, les moyens législatifs doivent
être de nature à porter le moins possible atteinte au droit ou à
la liberté en cause. En troisième lieu, les effets de la restriction
du droit ou de la liberté en cause ne doivent pas être dispropor-
tionnés par rapport à l'objectif recherché.
Je suis convaincu que l'intérêt de l'État à l'égard
de la protection des sources et des techniques
confidentielles de la police est un objectif suffisam-
ment important pour justifier la suppression des
droits protégés par l'article 7 de la Charte. J'es-
time aussi que la non-divulgation de renseigne-
ments prévue dans la procédure établie par le
paragraphe 82.1(3) est une méthode rationnelle,
juste et non arbitraire pour atteindre cet objectif.
Cependant, je crois aussi que la règle de la propor-
tionnalité n'est pas respectée. Plutôt que de prévoir
des mécanismes permettant d'équilibrer l'intérêt
de l'État, qui cherche à protéger les sources et les
techniques policières, et les intérêts de la personne
en matière de justice fondamentale, comme les
tribunaux l'ont fait en common law 15 , la disposi
tion choisit d'annuler complètement les droits de la
personne au profit des intérêts de l'État. La dispo
sition aurait pu atteindre ses objectifs en enfrei-
gnant beaucoup moins gravement les droits de
l'appelant, soit au moyen de mécanismes de con-
trepoids plutôt que par une négation totale des
droits de l'appelant. Par conséquent, on ne peut
pas dire que la disposition «porte le moins possible
atteinte» aux droits de l'appelant. De plus, il existe
probablement des circonstances dans lesquelles la
divulgation de l'information est absolument néces-
saire pour établir l'innocence de la personne contre
laquelle les allégations ont été faites; dans ces
circonstances, la violation du droit visé, à mon
avis, serait disproportionnée par rapport à l'objec-
tif recherché. Je conclus donc que le paragraphe
82.1(3) de la Loi, qui prescrit une limite en vertu
du paragraphe 48(2) de la Loi sur le Service
canadien du renseignement de sécurité, n'est pas
justifié en vertu de l'article 1 de la Charte.
Pour ces motifs, je répondrais de la façon sui-
vante à la question 3b): la violation des droits de
l'appelant en vertu de l'article 7 de la Charte n'est
pas justifiée par l'article 1 de la Charte.
LE JUGE URIE, J.C.A.: Je souscris aux motifs.
15 Voir p. ex., R. v. Parmar et al. (1987), 34 C.C.C. (3d) 260
(H.C. Ont.); R. v. Playford (1987), 63 O.R. (2d) 289 (C.A.);
R. v. Rowbotham et al. (1988), 41 C.C.C. (3d) 1 (C.A. Ont.),
aux p. 38à 44.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.