A-257-89
Ferguson Bus Lines Ltd. (requérante)
c.
Syndicat uni du transport, section locale 1374
(intimé)
A-255-89
Greyhound Lines of Canada Ltd. (requérante)
c.
Conseil canadien des relations du travail, Syndicat
uni du transport, section locale 1374, Ferguson
Bus Lines Ltd. et Alberta Motor Transport Board
(intimés)
RÉPERTORIÉ: FERGUSON Bus LINES LTD. C. SYNDICAT UNI DU
TRANSPORT, SECTION LOCALE 1374 (C.A.)
Cour d'appel, juges Urie, Mahoney et Desjardins,
J.C.A.—Calgary, 7 mars; Ottawa, 26 mars 1990.
Relations du travail — Cession par une société de transport
interprovincial de deux parcours à l'intérieur de l'Alberta à un
transporteur local — L'exploitant local n'est pas syndiqué —
Il s'agit de savoir s'il est lié par la convention collective
conclue entre le syndicat et le transporteur interprovincial — Il
s'agit de savoir si l'entente constitue une vente d'une partie de
l'entreprise — Absence de lien physique ou de gestion unique
— Absence de compétence du Conseil canadien des relations
du travail.
Droit constitutionnel — Partage des pouvoirs — Relations
du travail — Les relations du travail ne relèvent pas de la
compétence du gouvernement fédéral, sauf si cette compétence
est partie intégrante de la compétence principale du Parlement
sur un autre sujet — Cession par une société de transport
interprovincial de deux parcours à l'intérieur de la province à
un transporteur local — Poursuite des activités du transpor-
teur local sous la compétence provinciale.
Contrôle judiciaire — Demandes de révision — Le Conseil
canadien des relations du travail cherche à tort à se faire
entendre lorsqu'il n'est pas question de sa compétence et qu'il
ne s'agit pas d'une question au sujet de laquelle le savoir-faire
du Conseil peut être utile à la Cour — Le Conseil n'a pas le
droit d'être entendu sur une question constitutionnelle — C'est
au procureur général, et non au Conseil, qu'il incombe repré-
senter l'intérêt public.
En 1988, Greyhound a décidé qu'il n'était plus rentable
d'assurer le service de transport par autobus à l'égard de deux
parcours en Alberta. L'Alberta Motor Transport Board a indi-
qué qu'il permettrait à Greyhound d'abandonner le service
relatif à ces parcours si un autre transporteur était prêt à
assurer le service. La requérante Ferguson, société locale non
syndiquée de transport par autobus, a obtenu un permis spécial
de l'Alberta Motor Transport Board et Greyhound a cédé les
deux parcours à Ferguson qui devait les exploiter au nom de
Greyhound et conformément aux critères d'exploitation de
celle-ci. Pour permettre à Ferguson d'assurer le service sur ces
deux parcours, Greyhound lui a vendu deux autocars qui
faisaient partie d'un groupe de véhicules dont elle voulait se
débarrasser.
Le syndicat a demandé au Conseil canadien des relations du
travail de déclarer qu'il y avait eu vente d'une partie de
l'entreprise de Greyhound à Ferguson et que la convention
collective conclue entre le syndicat et Greyhound liait
Ferguson.
Le Conseil a jugé que Ferguson relevait de la compétence
fédérale parce que son entreprise faisait partie, sur le plan
opérationnel, d'une entreprise unique selon le sens constitution-
nel, les deux parcours demeurant un élément de l'entreprise
fédérale principale de Greyhound. Le Conseil a également jugé
que le contrat était une vente d'entreprise et que, aux fins de
ces parcours, Ferguson était liée par la convention collective.
La Cour devait se prononcer sur deux questions concernant
ces demandes fondées sur l'article 28: (1) Les activités qu'a
poursuivies Ferguson au nom de Greyhound relevaient-elles de
la compétence fédérale? (2) Y a-t-il eu une vente d'entreprise
au sens de la Loi?
Arrêt: la demande de Ferguson devrait être accueillie 'et celle
de Greyhound, rejetée. -
Le juge Desjardins, J.C.A. (avec l'appui du juge Urie,
J.C.A.):
(1) Le Parlement n'a pas compétence dans le domaine des
relations du travail, sauf si cette compétence est partie inté-
grante de sa compétence principale sur un autre sujet. Ferguson
exploitait une entreprise de nature locale, soit le transport de
personnes, de: bagages et de colis à l'intérieur de l'Alberta. Le
travail des employés de Ferguson demeure intraprovincial. Fer-
guson n'assure pas un service interprovincial. L'entente conclue
entre Greyhound et Ferguson n'équivalait pas à une gestion
unique et il n'y avait aucun lien physique semblable à ceux qui
existaient dans des causes de cette nature concernant des
sociétés de chemin de fer. Ferguson, comme «entreprise en
activité*, n'a pas changé parce qu'elle a accepté les anciens
parcours de Greyhound. On ne peut dire non plus qu'elle
exploitait des entreprises distinctes, soit un service intraprovin-
cial de transport par autobus scolaire et un service interprovin-
cial de transport par autobus pour Greyhound.
(2) 11 n'est pas nécessaire d'examiner cette question, compte
tenu de la réponse à la première.
La demande de Greyhound devait être annulée, étant donné
que Greyhound n'était pas une partie «directement intéressée*
au sens du paragraphe 28(2) de la Loi sur la Cour fédérale.
Le juge Mahoney, J.C.A.: Le Conseil canadien des relations
du travail est le seul parmi les tribunaux administratifs fédé-
raux à être inconscient de l'inconvenance de sa conduite,
c'est-à-dire de chercher à se faire entendre lorsque sa compé-
tence n'est pas contestée. Le Conseil devrait reconnaître de
bonne grâce que la Cour ne désire pas entendre ses arguments
et comprendre que ses décisions seront défendues de façon
appropriée par ceux qui ont un intérêt économique à le faire.
Ce n'est que dans les cas où son savoir-faire est nécessaire que
sa participation susceptible à ce point de lui nuire devrait être
tolérée. Le Conseil ne peut aider la Cour à déterminer si une
entreprise a été vendue. En outre, le Conseil n'a pas le droit
d'être entendu au sujet d'une question constitutionnelle comme
celle qui porte sur la compétence législative du Parlement. Si
l'intérêt public doit être représenté, il appartiendra au Procu-
reur général de s'acquitter de cette responsabilité.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Code canadien du travail, L.R.C. (1985), chap. L-2, art.
4, 22, 44, 46.
Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Vict., chap. 3
(R.-U.) (mod. par la Loi de 1982 sur le Canada, 1982,
chap. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitutionnelle de
1982, n° 1) [L.R.C. (1985), Appendice I1, n° 5], art.
92(10)a).
Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), chap. F-7, art.
28.
Motor Transport Act, R.S.A. 1980, chap. M-20, art. 20.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
CAIMAW c. Paccar of Canada Ltd., [1989] 2 R.C.S.
983; (1989), 62 D.L.R. (4th) 437; [1989] 6 W.W.R. 673;
102 N.R. 1; Northwestern Utilities Ltd. et autre c. Ville
d'Edmonton, [1979] 1 R.C.S. 684; (1978), 12 A.R. 449;
89 D.L.R. (3d) 161; 7 Alta. L.R. (2d) 370; 23 N.R. 565;
B.C.G.E.U. v. Indust. Rel. Council (1978), 26 B.C.L.R.
(2d) 145 (C.A.); Construction Montcalm Inc. c. Com
mission du salaire minimum, [1979] 1 R.C.S. 754;
(1978), 93 D.L.R. (3d) 641; 79 C.L.L.C. 14,190; 25 N.R.
1; Northern Telecom Ltée c. Travailleurs en communica
tion du Canada, [1980] 1 R.C.S. 115; (1979), 79
C.L.L.C. 14,211; 28 N.R. 107; Alberta Government
Telephones c. Canada (Conseil de la radiodiffusion et
des télécommunications canadiennes), [1989] 2 R.C.S.
225; [1989] 5 W.W.R. 385; 26 C.P.R. (3d) 289; 98 N.R.
161; Canadian Air Line Employees' Association c. War-
dair Canada (1975) Ltd., [1979] 2 C.F. 91; (1979), 25
N.R. 613.
DISTINCTION FAITE AVEC:
General Teamsters, section locale 362 et Byers Transport
Limited et autre (1986), 65 di 127; 12 CLRBR (NS) 236
(C.L.R.B. 571); The Queen in the Right of the Province
of Ontario v. Board of Transport Commissioners, [1968]
R.C.S. 118; (1967), 65 D.L.R. (2d) 425; Luscar
Collieries Ltd. v. McDonald, [1925] R.C.S. 460;
Northern Telecom Canada Ltée et autre c. Travailleurs
en communication du Canada et autre, [1983] 1 R.C.S.
733; (1983), 147 D.L.R. (3d) 1; 48 N.R. 161.
DÉCISIONS EXAMINÉES:
Bernshine Mobile Maintenance Ltd. c. Conseil canadien
des relations du travail, [1986] 1 C.F. 422; (1985), 22
D.L.R. (4th) 748; 85 C.L.L.C. 14,060; 62 N.R. 209
(C.A.); Montreal City v. Montreal Street Railway Com
pany, [1912] A.C. 333 (P.C.).
DÉCISIONS CITÉES:
Highway Truck Service Ltd. c. Conseil canadien des
relations du travail (1985), 62 N.R. 218 (C.A.F.); Capi
tal Cities Communications Inc. et autre c. Conseil de la
Radio-télévision canadienne, [1978] 2 R.C.S. 141;
(1977), 81 D.L.R. (3d) 609; 36 C.P.R. (2d) 1; 18 N.R.
181; Canadian Pacific Railway Company v. Attorney -
General for British Columbia and Attorney -General for
Canada, [1950] A.C. 122 (P.C.); Canada (Société cana-
dienne des postes) c. Syndicat des postiers du Canada,
A-762-87, juge Pratte, J.C.A., jugement en date du
28-1-88, C.A.F., non publié.
AVOCATS:
William J. Armstrong pour la requérante.
W. J. Johnson pour l'intimé.
David J. Corry pour Greyhound Lines.
Graham Clarke pour le Conseil canadien des
relations du travail.
PROCUREURS:
Laird, Armstrong, Calgary, pour la requé-
rante.
McGown, Johnson, Calgary, pour l'intimé.
Fenerty, Robertson, Fraser & Hatch, Cal-
gary, pour Greyhound Lines.
Service du contentieux du Conseil canadien
des relations du travail, Ottawa, pour le Con-
seil canadien des relations du travail.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE MAHONEY, J.C.A.: J'ai eu l'avantage
de lire le projet des motifs de jugement proposés
par M me le juge Desjardins et je souscris entière-
ment à ceux-ci et aux décisions qu'elle propose à
l'égard des présentes demandes. J'aimerais simple-
ment ajouter quelques commentaires personnels,
comme je l'ai promis aux avocats, au sujet de
l'insistance inexplicable avec laquelle le Conseil
canadien des relations du travail a demandé à
notre Cour de l'entendre, alors que sa compétence
n'est aucunement contestée et qu'il n'y a pas «de
considérations, enracinées dans [sa] compétence
ou [ses] connaissances spécialisées ... , qui peu-
vent rendre raisonnable ce qui, autrement, paraî-
trait déraisonnable à quelqu'un qui n'est pas versé
dans les complexités de ce domaine spécialisé», voir
CAIMAW c. Paccar of Canada Ltd.'.
1 [1989] 2 R.C.S. 983, la p. 1016.
Le Conseil semble inconscient de l'inconvenance
de cette conduite. C'est la première fois que je
remarque une telle insistance de la part des tribu-
naux administratifs fédéraux, qui sont pourtant
nombreux. Bien que certains cherchent à l'occa-
sion à se faire entendre sans raison valable, aucun
ne le fait avec autant d'acharnement et la plupart
acceptent de bonne grâce les raisons pour lesquel-
les nous refusons de les entendre. Mais pas le
Conseil en l'espèce. Même un tribunal comme
l'Office national des transports, qui a le droit
d'être entendu en vertu d'un texte législatif 2 , a
utilisé jusqu'à maintenant ce droit avec ménage-
ment. On pourrait penser que, armé de sa clause
restrictive', le Conseil canadien des relations du
travail aurait été davantage enclin à s'en remettre
aux parties ayant un intérêt habituellement écono-
mique pour défendre de façon appropriée le bien-
fondé de ses décisions.
La raison fondamentale pour laquelle la con-
duite du Conseil est répréhensible a été énoncée de
façon succincte dans Northwestern Utilities Ltd. et
autre c. Ville d'Edmonton. Elle se lit comme suit:
Une participation aussi active ne peut que jeter le discrédit sur
l'impartialité d'un tribunal administratif lorsque l'affaire lui est
renvoyée ou lorsqu'il est saisi d'autres procédures concernant
des intérêts et des questions semblables ou impliquant les
mêmes parties 4 .
À mon avis, la décision de la Cour suprême du
Canada dans l'arrêt Paccar ne donne pas au Con-
seil une excuse raisonnable pour demander d'être
entendu dans tous les cas où l'on soutient que l'une
de ses décisions est manifestement déraisonnable.
Comme la Cour l'a dit dans l'arrêt Paccar, ce n'est
que lorsque les connaissances de l'organisme en
question peuvent ajouter des éléments autrement
imperceptibles pour un profane dans le domaine
qu'une participation susceptible à ce point de lui
nuire devrait être tolérée. C'est dans cette mesure
restreinte que l'on a repris, dans l'arrêt Paccar, les
critères établis de façon concluante dans North
western Utilities. En outre, l'existence d'une con-
troverse de cette nature ne permet pas au Conseil
de soulever des questions autres que des questions
portant véritablement sur sa compétence.
2 Loi de 1987 sur les transports nationaux, L.R.C. (1985)
(3C suppl.), chap. 28, art. 65(4).
3 Code canadien du travail, L.R.C. (1985), chap. L-2,
art. 22.
4 [1979] 1 R.C.S. 684, la p. 709.
Aucun élément du dossier ou des plaidoiries ne
me permet de dire que le savoir-faire du Conseil
canadien des relations du travail lui confère un
pouvoir particulier lorsque vient le moment de
décider si la vente d'une entreprise est survenue.
D'ailleurs, lorsqu'il a été invité à formuler des
observations sur cette question, étant donné qu'on
faisait allusion au caractère manifestement dérai-
sonnable de sa décision, le Conseil n'avait rien à
dire.
Enfin, et il n'aurait pas été nécessaire que je le
dise, n'eût été de l'argument du Conseil, une con-
testation de la compétence législative du Parle-
ment n'est pas une contestation de la compétence
du Conseil au sens de l'arrêt Northwestern Utili
ties. Le Conseil n'avait pas le droit d'être entendu
au sujet de la question constitutionnelle. Si l'inté-
rêt public nécessite une représentation dans ce
cas-là, il appartiendra au procureur général, et non
au Conseil, de se prévaloir de ce droit et de
s'acquitter de cette responsabilité.
LE JUGE URIE, J.C.A.: Je souscris aux motifs du
juge Mahoney.
* * *
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE DESJARDINS, J.C.A.: Il s'agit de deux
demandes fondées sur l'article 28 de la Loi sur la
Cour fédérale, L.R.C. (1985), chap. F-7, soit une
entre Ferguson Bus Lines Ltd. c. Syndicat uni du
transport, section locale 1374, dossier A-257-89,
et une autre entre Greyhound Lines of Canada
Ltd. c. Conseil canadien des relations du travail,
le Syndicat uni du transport, section locale 1374,
Ferguson Bus Lines Ltd. et l'Alberta Motor
Transport Board, dossier A-255-89. Les deux
demandes ont été entendues ensemble. Elles por
tent sur une décision par laquelle le Conseil cana-
dien des relations du travail (le «Conseil») a conclu
que les relations de travail d'une partie des activi-
tés de Ferguson Bus Lines Ltd. (*Ferguson»)
étaient de nature fédérale en raison d'une entente
conclue entre Ferguson et Greyhound Lines
Canada Ltd. («Greyhound») et imposée par l'Al-
berta Motor Transport Board.
À la fin de 1988, Greyhound a décidé qu'il
n'était plus rentable d'assurer le service relatif à
deux itinéraires et d'utiliser son propre équipement
et ses propres chauffeurs à l'égard dudit service,
soit le trajet aller-retour entre Calgary (Alberta)
et Oyen (Alberta) et le trajet aller-retour entre
Red Deer (Alberta) et Consort (Alberta). Agis-
sant sous l'autorité du Motor Transport Act 5 ,
l'Alberta Motor Transport Board a refusé d'annu-
ler le permis de Greyhound, mais il a précisé qu'il
permettrait à celle-ci d'abandonner le service, en
autant qu'une autre société de transport l'offrirait
sous le nom et suivant les normes d'exploitation de
Greyhound.
Ferguson a acheté de Greyhound deux autocars
1975 M.C.I., modèle MC -8, pour les trajets en
question. Ces autocars faisaient partie d'un groupe
de 22 véhicules que Greyhound avait décidé de
vendre 6 . A la date pertinente, Ferguson était pro-
priétaire de cent quatre autobus, soit quatre-vingt-
dix-sept autobus scolaires et sept autocars'. Elle
comptait environ quatre-vingts employés et aucun
d'eux n'était syndiqué. Ferguson a affecté deux de
ses chauffeurs aux nouveaux trajets et en a nommé
un troisième comme remplaçant. Pendant que le
permis de Greyhound demeurait en vigueur', l'Al-
berta Motor Transport Board a approuvé, le 1°'
décembre 1988, la délivrance d'un permis spécial 9
sous le régime de l'article 20 en faveur de Fergu-
son selon les conditions suivantes:
[TRADUCTION] ALBERTA
MOTOR TRANSPORT BOARD
PERMIS D'EXPLOITATION
ARTICLE 20
ARTICLE 20
Permis autorisant l'exploitation des véhicules immatriculés sous
le nom de Ferguson Bus Lines Ltd. conformément aux articles
19 et 26 du certificat de transport public intraprovincial
numéro 00-0360412 délivré à Greyhound Lines of Canada Ltd.
5 R.S.A. 1980, chap. M-20.
6 Dossier d'appel, à la p. 54.
'Dossier d'appel, à la p. 20.
a Dossier d'appel, aux p. 73, 74 et 75.
9 L'article 20 du Motor Transport Act, R.S.A. 1980, chap.
M-20, se lit comme suit:
[TRADUCTION] 20. La Commission peut délivrer un
permis spécial autorisant l'exploitation d'un véhicule public
dans tous les cas où l'exploitation d'un véhicule public est par
ailleurs interdite en vertu de la présente loi ou en vertu d'une
ordonnance rendue sous l'autorité de celle-ci, et peut préciser
a) la durée du permis spécial et
b) les conditions auxquelles le permis spécial est assujetti.
CONDITIONS:
Une copie du certificat de transport public de Greyhound Lines
of Canada Ltd. se rapportant au présent permis sera conservée
dans les véhicules.
Le présent permis n'est valide que tant et aussi longtemps que
Greyhound Lines of Canada Ltd. et Ferguson Bus Lines Ltd.
demeurent liées par leur entente contractuelle. [Dossier d'appel,
aux p. 77 et 82.]
Selon l'entente de services conclue entre Grey
hound et Ferguson en date du 1 e janvier 1989 et
mentionnée dans le permis spécial, Ferguson s'en-
gage à exploiter les itinéraires en question pour le
compte de Greyhound et celle-ci retient les services
de Ferguson à cette fin (article 2.00). Greyhound
fixe les horaires et les tarifs (article 3.00). Les
cueillettes et les départs se font depuis les endroits
précisés par Greyhound et sont effectués de, façon
à assurer la correspondance avec les services des
autobus Greyhound (article 3.02). Les chauffeurs,
qui sont fournis par Ferguson, sont tenus de se
conformer aux normes de sécurité des autorités
gouvernementales et de Greyhound. Greyhound
conserve le droit de donner des directives en ce
sens aux chauffeurs et peut forcer Ferguson à
congédier et remplacer tout chauffeur fautif (arti-
cle 5.00). Greyhound a le droit d'examiner les
véhicules pour assurer la sécurité des voyageurs,
des bagages et des colis (article 6.07). La publicité
relative au service est faite par Ferguson aux frais
de Greyhound et est assujettie à l'approbation de
cette dernière. Greyhound a le droit d'apposer des
enseignes et des décalcomanies amovibles sur les
autocars (article 7.00). Greyhound fournit toutes
les installations nécessaires de cueillette et de
réception, les agents de terminus, les billets d'auto-
bus, les connaissements, les reçus pour le service
express, les rapports des chauffeurs, les horaires et
tarifs imprimés et les autres documents de Grey
hound (article 9.01). Ferguson conserve une assu
rance dans laquelle Greyhound est nommée assu
rée selon les limites de son intérêt (article 11.02).
L'entente peut être résiliée d'un commun accord
ou à la suite de la violation du contrat, de la
négligence lors de l'exécution de celle-ci ou d'une
faillite (article 13.00). Ferguson ne peut, sans le
consentement de Greyhound, demander directe-
ment à l'Alberta Motor Transport Board l'autori-
sation de fournir d'autres services à l'égard des
deux itinéraires ou faire concurrence à Greyhound
pendant deux ans suivant la fin de l'entente (arti-
cle 17.00).
Greyhound a cessé d'exploiter ses autocars le 16
janvier 1989. Ferguson a commencé à offrir le
service le même jour 10 . Les trajets représentent de
10 % à 15 % du revenu brut de Ferguson ".
Le syndicat de l'intimée a présenté au Conseil
canadien des relations du travail' 2 une demande
fondée sur l'article 44 du Code canadien du
travail 13 en vue de déclarer qu'il y avait eu une
vente d'une partie de l'entreprise de Greyhound à
Ferguson et que la convention collective conclue
entre le Syndicat uni du transport, section locale
1374, et Greyhound liait Ferguson.
Le Conseil a décidé que Ferguson relevait de la
compétence fédérale et qu'une vente au sens du
Code avait eu lieu entre Greyhound et Ferguson.
Sur le premier point, le Conseil a cité les principes
qu'il avait énoncés dans la décision antérieure qu'il
avait rendue dans General Teamsters, section
10 Dossier d'appel, à la p. 54.
Il Dossier d'appel, à la p. 55.
12 Dossier d'appel, à la p. 55.
13 L.R.C. (1985), chap. L-2.
44. (1) Les définitions qui suivent s'appliquent au présent
article et aux articles 45 et 46.
«entreprise» Entreprise fédérale, y compris toute partie de
celle-ci.
«vente» S'entend notamment, relativement à une entreprise,
de la location, du transfert et de toute autre forme de
disposition de celle-ci.
(2) Sous réserve des paragraphes 45(1) à (3), les disposi
tions suivantes s'appliquent dans les cas où l'employeur vend
son entreprise:
a) l'agent négociateur des employés travaillant dans l'en-
treprise reste le même;
b) le syndicat qui, avant la date de la vente, avait présenté
une demande d'accréditation pour des employés travaillant
dans l'entreprise peut, sous réserve des autres dispositions
de la présente partie, être accrédité par le Conseil à titre
d'agent négociateur de ceux-ci;
c) toute convention collective applicable, à la date de la
vente, aux employés travaillant dans l'entreprise lie
l'acquéreur;
d) l'acquéreur devient partie à toute procédure engagée
dans le cadre de la présente partie et en cours à la date de
la vente, et touchant les employés travaillant dans l'entre-
prise ou leur agent négociateur.
L'article 46 du Code se lit comme suit:
46. Il appartient au Conseil de trancher, pour l'application
des articles 44 ou 45, toute question qui se pose quant à la
survenance d'une vente d'entreprise et à l'identité de
l'acquéreur.
locale 362 et Byers Transport Limited et autre 14
et, soulignant que les circonstances dans cette
cause-là étaient différentes, il a dit ce qui suit 15 :
[TRADUCTION] Essentiellement, il ne s'agit pas de savoir si
l'entreprise de Ferguson est «nécessairement accessoire» à l'en-
treprise fédérale principale de Greyhound (le test traditionnel à
appliquer pour les entreprises locales qui fournissent un service
à l'entreprise fédérale principale). Il faut plutôt se demander si
l'entreprise de Ferguson fait partie, sur le plan opérationnel,
d'une entreprise unique selon le sens constitutionnel. Ferguson
n'est pas une entreprise fédérale en soi, mais elle fait partie de
l'entreprise de Greyhound. Les dispositions de l'entente déjà
citées indiquent à quel point les deux itinéraires que Ferguson
exploite maintenant font encore partie de l'entreprise fédérale
principale. [C'est moi qui souligne.]
En ce qui a trait au deuxième point, soit la vente
de l'entreprise, le Conseil a décidé [TRADUCTION]
«qu'une partie de l'entreprise avait été transférée
et que Ferguson remplaçait Greyhound aux fins
des deux parcours» I6
L'ordonnance suivante a été rendue 17 :
EN CONSÉQUENCE, le Conseil canadien des relations du travail
déclare par les présentes que ladite entente entre Greyhound
Lines of Canada Ltd. et Ferguson Bus Lines , Ltd. constitue une
vente d'entreprise au sens du Code et que Ferguson Bus Lines
Ltd. est liée par la convention collective conclue entre Grey
hound Lines of Canada Ltd. et Syndicat uni du transport,
section locale 1374 pour les fins de l'exploitation de ,ces deux
parcours.
Les avocats des requérants et du syndicat ont été
entendus, bien que l'on ait exprimé des doutes sur
la question de savoir si Greyhound avait l'intérêt
voulu pour présenter sa propre demande fondée sur
l'article 28, étant donné qu'elle n'est pas nommée
dans l'ordonnance, en regard de la demande d'au-
torisation d'intervenir dans la demande de Fergu-
son fondée sur l'article 28. Pour sa part, le Conseil
a été tenu de formuler ses observations en se
conformant aux limites imposées par la Cour
suprême du Canada dans une longue série d'arrêts,
dont le plus récent est CAIMAW c. Paccar of
Canada Ltd. 18 . Dans cette cause-là, le juge La
Forest, qui s'exprimait au nom de la majorité, a
décrit comme suit le rôle restreint d'une commis
sion devant un tribunal judiciaire ":
14 (1986), 65 di 127 et 12 CLRBR (NS) 236 (CLRB 571).
15 Dossier d'appel, à la p. 167.
16 Dossier d'appel, à la p. 169.
17 Dossier d'appel, à la p. 171.
18 11989] 2 R.C.S. 983.
19 A la p. 1014.
... le Conseil a qualité pour agir devant notre Cour afin d'y
présenter des arguments non seulement pour lui expliquer le
dossier dont elle est saisie, mais également pour montrer qu'il
avait compétence pour ouvrir l'enquête et qu'il n'a pas perdu
cette compétence en raison d'une interprétation manifestement
déraisonnable de ses pouvoirs.
Le juge La Forest a cité une cause antérieure,
soit l'arrêt Northwestern Utilities Ltd. et autre c.
Ville d'Edmonton 20 , où le juge Estey, qui a pro-
noncé le jugement unanime de la Cour, a dit ce qui
suit aux pages 708 et 709:
La Commission a un rôle limité devant la Cour et elle ne peut
pas être considérée comme une partie, au sens plein du terme,
dans les procédures d'appel de ses propres décisions. J'estime
cette restriction tout à fait justifiée. Le législateur l'a sans
aucun doute consciemment imposée dans le but d'éviter de
mettre un fardeau injuste sur les épaules d'un appelant qui, par
la nature des choses, devra éventuellement retourner devant la
Commission et se soumettre de nouveau à ses procédures de
détermination des tarifs. Cette restriction offre également une
protection contre les défaillances humaines qui entrent en jeu
lorsque des personnes ou des organismes se retrouvent ainsi en
situation de conflit.
Le juge La Forest a ensuite poursuivi en ces
termes 21 :
Dans cette affaire, la Commission avait présenté «une argumen
tation
détaillée et approfondie» à l'appui du bien-fondé de sa
décision. Le juge Estey fait observer ceci, à la p. 709:
Une participation aussi active ne peut que jeter le discrédit
sur l'impartialité d'un tribunal administratif lorsque l'affaire
lui est renvoyée ou lorsqu'il est saisi d'autres procédures
concernant des intérêts et des questions semblables ou impli-
quant les mêmes parties. La Commission a tout le loisir de
s'expliquer dans ses motifs de jugement et elle a enfreint de
façon inacceptable la réserve dont elle aurait dû faire preuve
lorsqu'elle a participé aux procédures comme partie à part
entière, en opposition directe à une partie au litige dont elle
avait eu à connaître en première instance.
Dans ces circonstances, le rôle du tribunal administratif se
limite à la présentation d'explications et «à la seule question de
la compétence pour rendre l'ordonnance contestée».
Le juge Estey a toutefois limité le sens de la notion de
compétence en précisant que celle-ci «n'inclut pas la transgres
sion du pouvoir d'un tribunal par l'inobservation des règles de
justice naturelle». Il ajoute, à la p. 710:
Dans un tel cas, lorsqu'une partie aux procédures devant ce
tribunal est également partie aux procédures de révision,
c'est le tribunal lui-même qui fait l'objet de l'examen. Accor-
der au tribunal administratif la possibilité de défendre sa
conduite et en fait de se justifier donnerait lieu à un spectacle
auquel nos traditions judiciaires ne nous ont pas habitués.
20 [1979 ] 1 R.C.S. 684.
21 Alap.1015.
Le juge La Forest a cité avec approbation les
commentaires suivants du juge Taggart, J.C.A.,
dans B.C.G.E.U. v. Indust. Rel. Council [(1988),
26 B.C.L.R. (2d) 145 (C.A.), à la page 153] 22:
[TRADUCTION] Le fondement traditionnel dé la notion selon
laquelle un tribunal administratif ne devrait pas comparaître
pour défendre le bien-fondé de sa décision est l'impression qu'il
serait malséant et déplacé pour lui de se mettre dans cette
position. Mais lorsque le point en litige devient, notamment en
relation avec le critère de l'interprétation manifestement dérai-
sonnable, la question de savoir si la décision était raisonnable, il
existe une raison de principe impérieuse de permettre au tribu
nal de présenter des arguments. En effet, le tribunal est le
mieux placé pour attirer l'attention de la cour sur les considéra-
tions, enracinées dans la compétence ou les connaissances spé-
cialisées du tribunal, qui peuvent rendre raisonnable ce qui
autrement paraîtrait déraisonnable à quelqu'un qui n'est pas
versé dans les complexités de ce domaine spécialisé. Il peut
arriver, dans certains cas, que les parties au différend ne
présentent pas adéquatement ces considérations à la cour, soit
parce qu'elles n'en perçoivent pas l'importance, soit parce qu'el-
les estiment ne pas avoir intérêt à le faire.
Aucune des parties n'a contesté le fait que le
Conseil avait la compétence voulue pour détermi-
ner si les activités de Ferguson étaient du ressort
fédéral ou provincia1 23 . Le Conseil n'a pas été
entendu sur le fond de la question constitution-
nelle, puisqu'il avait eu toute la latitude voulue de
s'exprimer dans sa décision. Il n'a été entendu
qu'au sujet de la question de savoir s'il avait perdu
sa compétence par une interprétation manifeste-
ment déraisonnable de ses pouvoirs.
L'Alberta Motor Transport Board n'était pas
représenté.
Les questions en litige en l'espèce sont celles que le
Conseil canadien des relations du travail devait
trancher, soit les questions suivantes:
a) les activités que Ferguson poursuit au nom
de Greyhound relèvent-elles de la compé-
tence fédérale?
b) Y a-t-il eu une vente d'entreprise au sens du
Code entre Greyhound et Ferguson?
22 Précité, à la p. 1016.
23 Code canadien du travail, L.R.C. (1985), chap. L-2, art. 4,
44, 46.
a) Les activités que Ferguson poursuit au nom de
Greyhound relèvent-elles de la compétence
fédérale?
Le point de départ pour déterminer la compé-
tence constitutionnelle à l'égard d'une question liée
aux relations de travail est la décision que la Cour
suprême a rendue dans Construction Montcalm
Inc. c. Commission du salaire minimum 24 , où le
juge Beetz, au nom de la majorité, a résumé les
principes à suivre:
Cette question doit être tranchée selon les principes établis, le
premier étant que les relations de travail comme telles et les
termes d'un contrat de travail ne relèvent pas de la compétence
du Parlement; les provinces ont une compétence exclusive dans
ce domaine: Toronto Electric Commissioners v. Snider ([1925]
A.C. 396). Cependant, par dérogation à ce principe, le Parle-
ment peut faire valoir une compétence exclusive dans ces
domaines s'il est établi que cette compétence est partie inté-
grante de sa compétence principale sur un autre sujet: In re la
validité de la Loi sur les relations industrielles et sur les
enquêtes visant les différends du travail ([1955] R.C.S. 529)
(l'arrêt Stevedoring). Il s'ensuit que la compétence principale
du fédéral sur un sujet donné peut empêcher l'application des
lois provinciales relatives aux relations de travail et aux condi
tions de travail, mais uniquement s'il est démontré que la
compétence du fédéral sur ces matières fait intégralement
partie de cette compétence fédérale. Ainsi, la réglementation
des salaires que doit verser une entreprise, un service ou une
affaire et la réglementation de ses relations de travail, toutes
choses qui sont étroitement liées à l'exploitation d'une entre-
prise, d'un service ou d'une affaire, ne relèvent plus de la
compétence provinciale et ne sont plus assujetties aux lois
provinciales s'il s'agit d'une entreprise, d'un service ou d'une
affaire fédérale; In re l'application de la loi du salaire mini
mum de la Saskatchewan à un employé d'un bureau de poste à
commission ([1948] R.C.S. 248) (l'arrêt Bureau de poste à
commission); Commission du salaire minimum c. Bell Canada
([1966] R.C.S. 767) (l'arrêt Salaire minimum chez Bell
Canada); Union des facteurs du Canada c. Syndicat des pos-
tiers du Canada ([1975] 1 R.C.S. 178) (l'arrêt Facteurs). La
question de savoir si une entreprise, un service ou une affaire
relève de la compétence fédérale dépend de la nature de
l'exploitation: le juge Pigeon, dans l'arrêt Conseil canadien des
relations du travail c. La ville de Yellowknife ([1977] 2 R.C.S.
729), à la p. 736. Mais pour déterminer la nature de l'exploita-
tion, il faut considérer les activités normales ou habituelles de
l'affaire en tant qu'aentreprise active» (le juge Martland dans
l'arrêt Salaire minimum chez Bell Canada, à la p. 772), sans
tenir compte de facteurs exceptionnels ou occasionnels; autre-
ment, la Constitution ne pourrait être appliquée de façon
continue et régulière: Agence Maritime Inc. c. Conseil canadien
des relations ouvrières ([1969] R.C.S. 851) (l'arrêt Agence
Maritime); l'arrêt Facteurs.
24 [1979] 1 R.C.S. 754, aux p. 768 et 769.
Plus tard, dans Northern Telecom Ltée c. Tra-
vailleurs en communication du Canada 25 , le juge
Dickson, juge en chef, a résumé ces principes que
le juge Beetz avait énoncés:
(1) Les relations de travail comme telles et les termes d'un
contrat de travail ne relèvent pas de la compétence du Parle-
ment; les provinces ont une compétence exclusive dans ce
domaine.
(2) Cependant, par dérogation à ce principe, le Parlement peut
faire valoir une compétence exclusive dans ces domaines s'il est
établi que cette compétence est partie intégrante de sa compé-
tence principale sur un autre sujet.
(3) La compétence principale du fédéral sur un sujet donné
peut empêcher l'application des lois provinciales relatives aux
relations de travail et aux conditions de travail, mais unique-
ment s'il est démontré que la compétence du fédéral sur ces
matières fait intégralement partie de cette compétence fédérale.
(4) Ainsi, la réglementation des salaires que doit verser une
entreprise, un service ou une affaire et la réglementation de ses
relations de travail, toutes choses qui sont étroitement liées à
l'exploitation d'une entreprise, d'un service ou d'une affaire, ne
relèvent plus de la compétence provinciale et ne sont plus
assujetties aux lois provinciales s'il s'agit d'une entreprise, d'un
service ou d'une affaire fédérale.
(5) La question de savoir si une entreprise, un service ou une
affaire relève de la compétence fédérale dépend de la nature de
l'exploitation.
(6) Pour déterminer la nature de l'exploitation, il faut considé-
rer les activités normales ou habituelles de l'affaire en tant
qu'aentreprise active», sans tenir compte de facteurs exception-
nels ou occasionnels; autrement, la Constitution ne pourrait
être appliquée de façon continue et régulière.»
L'entreprise de Ferguson est surtout locale. La
seule question en litige est celle de savoir si, par
exception, la partie de son entreprise qui consiste à
fournir les services se rapportant aux deux par-
cours qu'exploitait précédemment Greyhound, est
fédérale. Le fait que les activités de Greyhound
relèvent de la compétence fédérale n'est pas con
testé, puisqu'il s'agit d'une entreprise «reliant la
province à une autre ou à d'autres provinces ou
s'étendant au-delà des limites de la province» 26 .
Pour appliquer les principes de droit, il faut se
rappeler qu'il est essentiel d'examiner les faits pour
classifier de façon appropriée les activités poursui-
vies. Les remarques suivantes qu'a formulées le
juge en chef Dickson, au nom de la majorité, dans
Alberta Government Telephones c. Canada (Con-
25 [1980] 1 R.C.S. 115, à la p. 132.
u Alinéa 92(10)a) de la Loi constitutionnelle de 1867, 30 &
31 Vict., chap. 3 (R.-U.) (mod. par la Loi de 1982 sur le
Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.), annexe de la Loi constitution-
nelle de /982, n° 1) [L.R.C. (1985), Appendice 11, n° 5].
seil de la radiodiffusion et des télécommunica-
tions canadiennes) 27 , sont très pertinentes:
À mon avis, il est impossible de formuler en l'absence de
contexte un seul critère qui soit complet et utile dans tous les
cas relatifs à l'al. 92(10)a). Le dénominateur commun de ces
arrêts est simplement que ce sont les faits particuliers de
chaque cas qui doivent guider le tribunal, une méthode dictée
par l'arrêt de cette Cour Northern Telecom, 1980, précité. Il
est possible de trouver des analogies utiles dans la jurispru
dence, mais dans chaque cas, la réponse à cette question
constitutionnelle variera selon les faits qui doivent être exami-
nés soigneusement comme l'a fait le juge de première instance
en l'espèce.
La décision que le Conseil a citée dans ses
motifs et qu'il a distinguée en raison de la diffé-
rence sur le plan des faits est l'arrêt General
Teamsters, section locale 362 et Byers Transport
Limited et autre 28 . Bien que les faits soient diffé-
rents de ceux dont nous sommes actuellement
saisis, cette cause a l'avantage de représenter un
côté du spectre constitutionnel, celui de la compé-
tence provinciale. Byers était une société de
camionnage commercial transportant des mar-
chandises générales entre des points situés dans les
trois provinces les plus à l'ouest du pays et dans les
Territoires du Nord-Ouest. Elle exploitait un ter
minus à Lethbridge, ce qui nécessitait le transport
par camion des marchandises entre Calgary et
Lethbridge ainsi que la cueillette, la livraison, le
chargement et le déchargement à Lethbridge. Elle
a décidé de fermer son terminus de Lethbridge.
Deux ex-employés de Byers ont repris, sous le nom
de Stern, les activités de cueillette, livraison, char-
gement et déchargement à Lethbridge. Un exploi-
tant local, R & K Transportation Enterprises Ltd.,
faisait le transport entre Lethbridge et Calgary.
Byers n'a fourni que deux remorques aux fins de la
nouvelle entente. Environ 75 % des activités de
Stern consistaient à assurer le transport des mar-
chandises en provenance et à destination de l'éta-
blissement de Byers. Le reste des opérations con-
sistaient en des activités de trafic avec R & K. Il
n'y avait aucun lien commun entre les entreprises
sur le plan du droit de propriété, du contrôle ou de
la direction. Afin d'assurer l'acheminement appro-
prié des marchandises, Stern, R & K et Byers ont
conclu une entente de coordination. Byers produi-
sait le connaissement ainsi que la facture qui
27 [1989] 2 R.C.S. 225, à la p. 258.
28 (1986), 65 di 127; 12 CLRBR (NS) 236 (C.L.R.B. 571).
indiquait le total des frais et, habituellement, la
ventilation des frais de connexion. Suivant la prati-
que de l'industrie, lorsque des marchandises
étaient acheminées par diverses entreprises, un
seul connaissement et une seule facture étaient
établis. Selon une autre pratique en usage dans
l'industrie, les remorques d'une entreprise étaient
utilisées par une autre. Les frais étaient répartis
selon une entente précise conclue entre Byers et
Stern. La facturation entre Byers et Stern était
faite par l'entremise de R & K. Le Conseil a
décidé qu'il y avait coordination, mais absence
d'intégration entre Byers et Stern. À son avis, la
coordination n'équivalait pas à l'intégration 29:
La coordination des opérations de compagnies de transport ne
suffit pas pour en faire une entreprise unique au sens constitu-
tionnel (voir In re Cannet Freight Cartage Limited, [1976] I
C.F. 174 (C.A.); Metrans (Western) Inc., supra). Du point de
vue constitutionnel, il n'est pas nécessaire que les entreprises
soient conformes en tous points aux accords entre les sociétés
(Bernshine Mobile Maintenance Ltd. (1984), 56 di 83; 7
CLRBR (NS) 21; et 84 CLLC 16,036 (CCRT n° 465), déci-
sion confirmée par la Cour d'appel fédérale, Bernshine Mobile
Maintenance Ltd. c. Conseil canadien des relations du travail,
[1986] 1 C.F. 422; (1985), 62 N.R. 209; et 85 CLLC 14,060),
mais il reste que, dans les présentes circonstances, l'indépen-
dance des sociétés en cause se manifeste sur le plan opération-
nel, et c'est ce qui est vraiment important du point de vue
constitutionnel.
Nous croyons que la présente affaire n'est en rien centrée sur le
pourcentage de marchandises manutentionnées par Stern et
qui, à un moment ou l'autre, ont une origine ou une destination
extra-provinciale. Nous croyons plutôt qu'il faut retenir que
Stern ou, en fait R & K, ne s'occupe pas des marchandises qui
franchissent les limites provinciales. Pour déterminer ce qu'est
une entreprise de transport selon la constitution, il faut exami
ner les activités exercées et non pas l'itinéraire des personnes ou
des marchandises transportées (Winner et al., supra; Cannet
Freight Cartage Limited, supra; Metrans (Western) Inc.,
supra). Si la compétence constitutionnelle dépendait de l'itiné-
raire des personnes ou des marchandises, presque toutes les
entreprises de transport de caractère pourtant local relèveraient
de l'administration fédérale car, à un moment ou l'autre, il y a
une origine ou une destination extra-provinciale. Il ne faut pas
considérer l'itinéraire des personnes ou des marchandises parce
que nous ne cherchons pas à déterminer le fondement constitu-
tionnel de la réglementation qui s'y applique, mais plutôt celui
de l'entreprise de transport.
Ceci explique aussi pourquoi une simple coordination des acti-
vités de diverses entreprises de transport ne transforme pas
celles-ci en une entreprise unique selon la constitution. Les
itinéraires des personnes et des marchandises ne sont pas
planifiés en fonction de l'organisation des sociétés commercia-
les. Pour que ces personnes et marchandises atteignent leur
destination, il doit y avoir une coordination des opérations de
diverses entreprises, mais il ne doit pas en résulter une entre-
29 Précité, aux p. 132 et 133.
prise de transport unique et gigantesque du point de vue
constitutionnel. [C'est moi qui souligne.]
Par ailleurs, les arrêts Bernshine Mobile Main
tenance Ltd. c. Conseil canadien des relations du
travail 30 , Northern Telecom Canada Ltée et autre
c. Travailleurs en communication du Canada et
autre 31 et Alberta Government Telephones c.
Canada (Conseil de la radiodiffusion et des télé-
communications canadiennes) 32 représentent l'au-
tre côté du spectre, celui de l'intégration avec une
entreprise fédérale. Dans l'arrêt Bernshine, les
activités de lavage des camions (y compris le com-
partiment de réfrigération) et d'entretien des
pneus des camions qui franchissaient régulière-
ment les frontières provinciales ont été considérées
comme des activités relevant de la compétence
fédérale, en raison d'une intégration des opérations
avec les activités de camionnage, même si les
travaux d'entretien étaient exécutés par une entre-
prise locale distincte de l'entreprise interprovin-
ciale principale. Bernshine (l'entreprise de lavage
et de réparation des camions) avait un client,
Reimer. Le travail fait par Bernshine avait une
importance primordiale pour le succès de l'entre-
prise de Reimer. Sans camions bien entretenus,
Reimer n'aurait pu exploiter son entreprise
interprovinciale 33
Dans Northern Telecom Canada Ltée et autre c.
Travailleurs en communication du Canada et
autre, la majorité des juges ont décidé que les
relations de travail des installateurs de Telecom
relevaient de la compétence fédérale. S'exprimant
au nom de la majorité, le juge Estey a dit, aux
pages 766 et 767, que «[1]'intégration presque
totale du travail quotidien des installateurs aux
tâches d'établissement et d'exploitation du réseau
de télécommunications fait du travail d'installation
un élément intégral de l'entreprise fédérale». Pour
conclure comme il l'avait fait [à la page 767] «avec
beaucoup d'hésitations et après avoir bien examiné
3° [1986] 1 C.F. 422 (C.A.).
31 [1983] 1 R.C.S. 733.
32 [1989] 2 R.C.S. 225.
33 Voir également Highway Truck Service Ltd. c. Conseil
canadien des relations du travail (1985), 62 N.R. 218
(C.A.F.).
les arguments proposés à l'appui de leur
conclusion» 34 , il a dit ce qui suit aux pages 767
et 768:
Plusieurs facteurs me paraissent cependant déterminants. Selon
moi, l'attribution de ces relations de travail au domaine fédéral
correspond à la nature du travail' des employés en cause, au
rapport entre leurs services et l'entreprise fédérale, aux réalités
géographiques de la portée interprovinciale du travail de ces
employés puisqu'elles traversent plusieurs limites provinciales, à
l'intégration complète du travail de ces employés et à l'expan-
sion, la rénovation et la modernisation quotidiennes de cette
grande entreprise de télécommunication. [C'est moi qui
souligne.]
Dans l'arrêt Alberta Government Telephones, la
Cour suprême du Canada a jugé que l'Alberta
Government Telephones (AGT) était, grâce à
diverses ententes commerciales de nature bilaté-
rale et multilatérale, organisée d'une façon qui lui
permettait de jouer un rôle crucial dans le système
national des télécommunications. «C'est par l'in-
termédiaire des mécanismes organisationnels»
décrit dans cette cause-là qu'AGT pouvait offrir à
«ses abonnés locaux des services de nature inter-
provinciale et internationale» 35
Ce qui distingue l'arrêt Byers, sur le plan des
faits, du présent litige, c'est le permis délivré à
Ferguson en vertu de l'article 20 et l'entente de
services conclue entre Ferguson et Greyhound. Ces
mesures, qui visent à assurer une liaison étroite
entre les deux entreprises, changent-elles la nature
de cette partie de l'entreprise de Ferguson au point
d'en faire une partie intégrante de celle de
Greyhound?
En ce qui a trait aux facteurs que le juge Estey a
mentionnés dans l'arrêt Northern Telecom, il
semble que la nature du travail de Ferguson, tant
avant qu'après le 1 " janvier 1989, demeure la
même, c'est-à-dire le transport de personnes, de
bagages et de colis entre certains points de l'Al-
berta. Les réalités géographiques du travail des
employés de Ferguson qui font les parcours en
question sont encore purement intraprovinciales.
Le lien entre les services de Ferguson et ceux de
Greyhound est davantage un lien par lequel Grey
hound a confié en sous-traitance l'exploitation de
deux parcours à Ferguson qui doit les exploiter
34 Le conflit de nature juridictionnelle concernant les
employés de Northern Telecom est un conflit de vieille date
dont l'histoire est relatée aux p. 745 et 749 du jugement
majoritaire.
35 Alberta Government Telephones, précité, à la p. 262.
sous le nom et selon les normes d'exploitation de
Greyhound. Ce lien est comparable à ce qu'a dit le
juge en chef Jackett dans Canadian Air Line
Employees' Association c. Wardair Canada (1975)
Ltd., [1979] 2 C.F. 91, aux pages 96 et 97:
Une activité déterminée peut être raisonnablement accessoire à
l'exploitation d'une entreprise fédérale sans en constituer un
élément essentiel. Par exemple, une compagnie de chemins de
fer interprovinciaux peut, soit avoir ses propres installations de
blanchissage ou son propre service de restaurant pour ses
passagers, soit envoyer son linge sale à une blanchisserie exté-
rieure ou acheter des aliments cuisinés. D'une manière géné-
rale, lorsque cette activité est assurée par l'exploitant de l'entre-
prise fédérale au même titre qu'une partie intégrante de
l'exploitation, elle fait alors partie de cette exploitation. Cepen-
dant, si l'exploitant de l'entreprise fédérale l'exploite en payant
des commerçants ordinaires locaux pour qu'ils fournissent ces
services ou ces produits, l'entreprise du fournisseur de ces
services ou de ces produits ne se transforme pas pour autant en
une entreprise soumise à la réglementation fédérale ...
Bref ... et selon mon interprétation de la loi, lorsqu'une
activité constitue une partie intégrante de l'exploitation d'une
entreprise fédérale et est raisonnablement accessoire à cette
exploitation, le Parlement peut la réglementer dans le cadre de
la réglementation régisssant cette entreprise même si elle n'est
pas essentielle à l'exploitation de cette dernière; mais lors-
qu'elle est assurée par une ou plusieurs entreprises locales
distinctes, elle ne peut être réglementée par,. le Parlement du
seul fait qu'elle aurait pu l'être si elle avait été assurée au
même titre qu'une partie intégrante de l'exploitation d'une
entreprise fédérale.
Ferguson n'est pas une entreprise qui fournit un
service interprovincial au public de la façon dont
AGT a mis à la disposition un service interprovin-
cial et international de communications téléphoni-
ques. Non seulement les installations matérielles
de télécommunications d'AGT sont-elles raccor-
dées à la frontière par la transmission et la récep-
tion de signaux électroniques au sens de l'arrêt
Capital Cities 36 , mais l'intégration du service télé-
phonique d'AGT est encore plus complète, puisque
les mêmes appareils, lignes et réseaux micro-ondes
téléphoniques servaient à des fins locales, interpro-
vinciales et même internationales 37 . Le juge en
chef Dickson a convenu avec le juge Reed qu'AGT
ne pouvait se séparer de Telecom Canada sans
36 Capital Cities Communications Inc. et autre c. Conseil de
la Radio-télévision canadienne, [1978] 2 R.C.S. 141.
37 Alberta Government Telephones c. C.R.T.C., précité, à la
p. 260.
modifier la nature fondamentale de son
entreprise". Dans le présent litige, si l'Alberta
Motor Transport Board n'était pas intervenu,
Greyhound aurait pu abandonner le service au
profit de Ferguson. La nature fondamentale des
activités de cette dernière n'aurait pas été modi-
fiée, soit un service d'autobus exploité entièrement
par Ferguson et appartenant en totalité à cette
dernière, bien qu'elle offrait des services de coordi
nation avec une entreprise fédérale.
L'entente entre Ferguson et Greyhound est fon-
damentalement différente de celle qui équivaut à
une gestion unique comme c'était le cas dans The
Queen in the Right of the Province of Ontario v.
Board of Transport Commissioners 39 , (l'arrêt du
Train de banlieue) et dans Luscar Collieries Ltd.
v. McDonald 40 . Dans l'affaire du Train de ban-
lieue, la société Chemins de fer nationaux du
Canada (le «CN») a demandé à la Commission des
transports du Canada l'autorisation de mettre fin à
un service de quatre trains voyageurs assurant la
liaison entre Toronto et Hamilton. Le ministère de
la voirie de l'Ontario a décidé d'exploiter un ser
vice de navette, vers l'ouest, de Toronto à Hamil-
ton et vers l'est, de Toronto à Pickering, en utili-
sant les voies du CN tout au long. Les parties
devaient conclure une entente prévoyant que les
employés affectés au service de navette seraient
ceux du CN agissant pour le gouvernement de
l'Ontario, comme mandataires. Le matériel rou-
lant devait appartenir au gouvernement de l'Onta-
rio. La Cour suprême du Canada a décidé que la
compétence constitutionnelle dépendait de la
nature de la ligne de chemin de fer et non de la
nature d'un service donné assuré sur cette ligne.
Du point de vue physique, les trains du service de
navette faisaient partie de l'ensemble de l'exploita-
tion de la ligne utilisée pour le service. La compé-
tence fédérale était admise pour des éléments
comme les signaux, la sécurité et les relations de
travail. La Cour a décidé que les tarifs du service
de navette relevaient de la compétence fédérale.
Dans Luscar Collieries, trois lignes secondaires (la
ligne Luscar, la ligne Mountain Park et la ligne
Coal) ont été construites par des sociétés houillè-
38 Alberta Government Telephones c. C.R.T.C., précité, à la
p. 265.
39 [1968] R.C.S. 118.
4° [1925] R.C.S. 460.
res, mais exploitées par l'entreprise qui est devenue
plus tard le CN. Les sociétés houillères devaient
être remboursées graduellement grâce à un rabais
sur les frais du transport du charbon. Selon l'en-
tente, l'entreprise fédérale devait devenir éventuel-
lement propriétaire des lignes secondaires. La
Cour a décidé majoritairement que, puisque les
lignes secondaires ont été construites comme partie
de l'entreprise fédérale, elles faisaient partie du
même réseau ferroviaire. Même si l'entreprise
fédérale n'était pas encore devenue propriétaire
des lignes en question, ce facteur ne suffisait pas
en soi à séparer les lignes secondaires de la ligne
principale aux fins de déterminer la compétence
législative'. Dans un sens, en l'espèce, Ferguson
poursuit ses activités en se servant du privilège
d'exploitation de Greyhound (le permis découlant
de l'article 20) et elle utilise les terminus et les
documents de celle-ci. Mais il n'y a pas de «voie»
commune ou lien physique qui ressemble d'une
façon ou d'une autre à ceux qui sont décrits dans
les arrêts concernant les sociétés ferroviaires, et il
n'y a pas de gestion unique. Bien que, pour cette
partie de ses activités, Ferguson, à l'instar de
Bernshine, ait une entente avec un seul client,
Ferguson, comme «entreprise en activité», n'a pas
changé parce qu'elle a accepté les anciens parcours
de Greyhound; elle gère sa propre entreprise en se
servant d'autobus qui lui appartiennent et assure
des services de transport à l'intérieur de l'Alberta.
L'entente conclue entre Ferguson et Greyhound
ne s'apparente même pas à celle qui est décrite
dans l'arrêt du Through Traffic 42 , où la compé-
tence provinciale a été maintenue. Dans cette cau-
se-là, l'entreprise fédérale (le chemin de fer du
Parc) était physiquement raccordée à plusieurs
endroits à un service local de tramway (la compa-
gnie de transport de Montréal). Selon l'entente qui
avait été conclue, les wagons de chacune des socié-
tés ferroviaires emprunteraient les lignes de l'au-
tre. Les voyageurs étaient transportés depuis des
points d'un réseau à des points de l'autre sur les
voies permanentes des deux sociétés. Pourtant, il a
été décidé que la Commission des chemins de fer
du Canada n'avait pas la compétence voulue pour
rendre une ordonnance contre le service local à
41 Voir plus haut, p.475-476.
42 Montreal City v. Montreal Street Railway Company,
[1912] A.C. 333 (P.C.).
l'égard du trafic en transit. Le Comité judiciaire
du Conseil privé a dit [TRADUCTION] «qu'il serait
très difficile et très embarrassant» 43 qu'une ligne
locale soit assujettie à la compétence provinciale
pour son trafic local et à lâ compétence du Parle-
ment du Canada pour son trafic en transit.
En dernier lieu, j'ajouterais que le présent litige
est loin d'être un cas où Ferguson, comme dans
l'arrêt Empress Hote1 44 , ou comme dans le cas
d'une entreprise pharmaceutique offrant des servi
ces postaux selon une entente de franchisage 45 ,
peut être considérée comme une société qui
exploite deux entreprises distinctes, soit un service
intraprovincial de transport par autobus scolaire et
un service interprovincial de transport par autobus
pour Greyhound. Comme l'a dit le juge Dickson
dans l'arrêt Alberta Government Telephones 46 , «il
ressort clairement de la jurisprudence que si un
ouvrage ou une entreprise relève de l'alinéa
92(10)a), la province perd compétence à son égard
et le Parlement fédéral exerce une compétence
exclusive».
Pour ces motifs, j'en viens à la conclusion que la
partie de l'entreprise de Ferguson qui est exploitée
conformément au permis spécial découlant de l'ar-
ticle 20 et à l'entente de services conclue avec
Greyhound est du ressort provincial.
En conséquence, le Conseil n'a pas la compé-
tence voulue pour statuer sur les activités de
Ferguson.
b) Y a-t-il eu une vente d'entreprise au sens de la
Loi entre Greyhound et Ferguson?
Compte tenu de la conclusion à laquelle j'en suis
arrivé pour la première question, il n'est pas néces-
saire que je me prononce sur la seconde.
J'accueillerais la demande de Ferguson fondée
sur l'article 28, dossier numéro A-257-89 et, con
43 Précité, aux p. 340 et 341.
44 Canadian Pacific Railway Company v. Attorney -General
for British Columbia and Attorney -General for Canada,
[1950] A.C. 122 (P.C.).
45 Canada (Société canadienne des postes) c. Syndicat des
postiers du Canada (28 janvier 1988), A-762-87 (C.A.F.) [non
publié].
46 Précité, à la p. 257.
formément à l'alinéa 28(1)a) de la Loi sur la Cour
fédérale 47 , j'annulerais l'ordonnance du Conseil
canadien des relations du travail en date du 2 mai
1989. Je rejetterais la demande de Greyhound
fondée sur l'article 28, dossier numéro A-255-89,
étant donné que Greyhound n'est pas une partie
«directement intéressée par la décision ou l'ordon-
nance» au sens du paragraphe 28(2) de la Loi sur
la Cour fédérale.
LE JUGE URIE, J.C.A.: Je souscris aux motifs
exprimés par le juge Desjardins.
47 Voir le Code canadien du travail, L.R.C. (1985), chap.
L-2, art. 22.
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