A-9-89
Neil H. Keenan et Kimberly Monteith (appelants)
c.
Commission de la Fonction publique (intimée)
RÉPERTORIE: KEENAN C. CANADA (COMMISSION DE LA FONC-
TION PUBLIQUE) (CA.)
Cour d'appel, juges Heald, Mahoney et Stone,
J.C.A.—Ottawa, 30 mai et ler juin 1989.
Fonction publique — Procédure de sélection — Chances
d'avancement amoindries — Employé détaché d'un autre
ministère — Appelants sollicitant la permission d'interjeter
appel en vertu de l'art. 21 de la Loi sur l'emploi dans la
Fonction publique — Prérequis au droit d'appel: (1) une
personne doit avoir été nommée et (2) en l'absence de concours,
les chances d'avancement de l'appelant potentiel doivent, de
l'avis de la Commission, avoir été amoindries — La Commis
sion a refusé de donner son avis au motif que le détachement
ne constituait pas une nomination — Le juge de première
instance a refusé de délivrer un bref de certiorari annulant la
décision de la Commission ainsi qu'un bref de mandamus lui
ordonnant de donner son avis — Aux termes de l'art. 40 du
Règlement sur l'emploi dans la Fonction publique, avis public
doit être donné de la nomination et du droit de toute personne
de demander l'avis de la Commission â savoir si ses chances
d'avancement ont été amoindries — Il n'appartient pas à la
Commission de déterminer si un détachement ou une affecta
tion constitue une nomination — Cette question relève du
comité d'appel — L'art. 21 ne confère à la Commission que le
pouvoir de donner son avis sur la question de savoir si une
mesure de dotation en personnel a amoindri les chances
d'avancement de la personne qui demande l'autorisation d'en
appeler — Appel accueilli.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), chap. F-7, art.
52b)(1).
Loi sur l'emploi dans la Fonction publique, S.R.C. 1970,
chap. P-32, art. 21, 33.
Règlement sur l'emploi dans la Fonction publique,
C.R.C., chap. 1337, art. 40 (mod. par DORS/86-286,
art. 1), 41 (mod., idem).
JURISPRUDENCE
DÉCISION INFIRMÉE:
Keenan c. Canada (Commission de la Fonction publi-
que), [1989] 2 C.F. 117 (1"e inst.).
DÉCISIONS CITÉES:
Canada (Procureur général) c. Brault, [1987] 2 R.C.S.
489; Doré c. Canada, [1987] 2 R.C.S. 503; Lucas c.
Canada (Comité d'appel de la Commission de la Fonc-
tion publique), [1987] 3 C.F. 354 (C.A.).
AVOCATS:
Andrew J. Raven, pour les appelants.
Robert Hynes et Marie-Claude Turgeon,
pour l'intimée.
PROCUREURS:
Soloway, Wright, Houston, Greenberg,
O'Grady, Morin, Ottawa, pour les appelants.
Le sous-procureur général du Canada, pour
l'intimée.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE MAHONEY, J.C.A.: Il s'agit d'un pour-
voi contre le refus, par la Section de première
instance [[1989] 2 C.F. 117], de délivrer un bref
de certiorari annulant la décision de l'intimée qui
avait refusé de donner son avis, demandé par les
appelants, sur la question de savoir si leurs chances
d'avancement avaient été amoindries par la nomi
nation d'un tiers à un poste dans la Fonction
publique, ainsi qu'un bref de mandamus ordon-
nant à l'intimée de donner son avis sur cette
question. L'affaire fait suite au détachement d'un
employé de Revenu Canada, Douanes et Accise, à
un poste de la Commission de l'Emploi et de
l'Immigration du Canada après que le titulaire de
ce poste eut obtenu un congé de quinze mois. Les
appelants ont interjeté appel de cette décision en
vertu de l'article 21 de la Loi sur l'emploi dans la
Fonction publique, S.R.C. 1970, chap. P-32.
21. Lorsque, en vertu de la présente loi, une personne est
nommée ou est sur le point de l'être et qu'elle est choisie à cette
fin au sein de la Fonction publique
a) à la suite d'un concours restreint, chaque candidat non
reçu, ou
b) sans concours, chaque personne dont les chances d'avan-
cement, de l'avis de la Commission, sont ainsi amoindries,
peut, dans le délai que fixe la Commission, en appeler de la
nomination à un comité établi par la Commission pour faire
une enquête au cours de laquelle il est donné à l'appelant et au
sous-chef en cause, ou à leurs représentants, l'occasion de se
faire entendre. La Commission doit, après avoir été informée de
la décision du comité par suite de l'enquête,
c) si la nomination a été faite, la confirmer ou la révoquer,
ou
d) si la nomination n'a pas été faite, la faire ou ne pas la
faire,
selon ce que requiert la décision du comité.
Il existe deux prérequis au droit d'appel: première-
ment, une personne doit avoir été nommée ou être
sur le point de l'être et deuxièmement, en l'absence
de concours, comme en l'espèce, l'appelant poten-
tiel doit être une personne dont les chances d'avan-
cement, de l'avis de la Commission, sont ainsi
amoindries.
La Loi dispose:
33. Sous réserve de la présente loi, la Commission peut
établir les règlements qu'elle juge nécessaires à l'application et
à la mise en œuvre de la présente loi.
Le Règlement sur l'emploi dans la Fonction
publique, C.R.C., chap. 1337, a été adopté en
vertu de cette disposition. Les extraits suivants,
entrés en vigueur le 5 mars 1986, (DORS/86-286),
sont pertinents en l'espèce.
40. Lorsqu'une personne est nommée ou est sur le point de
l'être en vertu de la Loi et qu'elle a été choisie sans concours
parmi les employés de la Fonction publique, un avis public est
donné:
a) du nom de la personne nommée ou sur le point de l'être;
b) précisant que toute personne peut, dans un délai de 14
jours suivant la date de l'avis public, demander l'avis de la
Commission visé à l'alinéa 21b) de la Loi à savoir si ses
chances d'avancement ont été amoindries.
41. (1) La personne qui a demandé l'avis de la Commission
en conformité avec l'alinéa 40b) doit recevoir une réponse par
avis écrit.
Dans les circonstances, on pourrait inférer que
l'avis public prévu à l'article 40 du Règlement n'a
pas été donné mais que les appelants, étant sur
place et au courant du détachement, ont néan-
moins présenté la demande permise par l'alinéa
40b). La réponse de la Commission, que les appe-
lants cherchent à faire annuler, prévoyait notam-
ment ce qui suit:
[TRADUCTION] Afin que la Commission puisse donner son avis,
une personne doit avoir été nommée ou être sur le point de
l'être, sans concours. L'enquête tenue sur cette affaire nous
mène à conclure que le détachement de M. Thornton ne
constitue pas une nomination au sens de la Loi sur l'emploi
dans la Fonction publique. Par conséquent, la Commission n'a
pas compétence pour donner son avis dans cette affaire.
Aux fins des présentes, il n'est pas nécessaire de
définir les expressions «détachement», «affectation»
et «nomination» de façon exhaustive. La différence
importante entre les deux premiers concepts porte
que le détachement vise 1'«installation», pour
employer des termes neutres, d'une personne d'un
autre ministère ou organisme dans un poste donné,
tandis que l'affectation concerne une personne déjà
en poste au sein du même ministère ou organisme.
La jurisprudence est claire à ce sujet: tous deux
peuvent constituer ou non une nomination, selon
les circonstances; voir notamment Canada (Procu-
reur général) c. Brault, [1987] 2 R.C.S. 489; Doré
c. Canada, [1987] 2 R.C.S. 503; et Lucas c.
Canada (Comité d'appel de la Commission de la
Fonction publique), [ 1987] 3 C.F. 354 (C.A.). Je
n'évoque ces décisions que pour illustrer que la
question n'est pas réglée et qu'elle dépend grande-
ment des circonstances de chaque cas.
J'estime, avec égards, que la Loi ne permet pas
à la Commission de prendre cette décision. Dans
les circonstances, l'article 21 ne confère à la Com
mission que le pouvoir de former et d'exprimer un
avis sur la question de savoir si la mesure de
dotation en personnel qui a été prise ou est sur le
point de l'être a amoindri les chances d'avance-
ment de la personne qui interjette appel. Si elle
fait l'objet du litige, la question de savoir si la
mesure de dotation était ou sera une nomination
relève du comité d'appel. Si celui-ci estime que la
mesure ne constituait pas une nomination, il con-
clura qu'il n'a pas compétence pour entendre l'ap-
pel, mais c'est au comité de rendre cette décision
après audition de l'affaire et non à la Commission,
après enquête.
Je suis d'avis d'accueillir l'appel avec dépens, en
appel et en première instance. Conformément au
sous-alinéa 52b)(i) de la Loi sur la Cour fédérale
[L.R.C. (1985), chap. F-7], je suis d'avis d'annuler
la décision rendue par la Commission de la Fonc-
tion publique en date du 29 avril 1988 et de
renvoyer l'affaire à la Commission, lui enjoignant
de former et d'exprimer son avis sur la question de
savoir si le détachement en cause a amoindri les
chances d'avancement des appelants.
LE JUGE HEALD, J.C.A.: J'y souscris.
LE JUGE STONE, J.C.A.: J'y soucris.
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