A-847-87
Sa Majesté la Reine (appelante)
c.
London Life Insurance Company (intimée)
RÉPERTORIÉ: LONDON LIFE INSURANCE CO. c. CANADA (CA.)
Cour d'appel, juges Heald, Stone et Desjardins,
J.C.A.—Toronto, 2, 3, 4, 5 et 6 octobre; Ottawa,
28 novembre 1989.
Impôt sur le revenu — Calcul du revenu — Déductions —
Appel est interjeté d'un jugement de la Section de première
instance concluant que la demanderesselintimée a exploité une
entreprise d'assurance-vie dans un pays autre que le Canada
au sens de l'art. 138(9) de la Loi de l'impôt sur le revenu — Le
critère des «bénéfices générés. est satisfait puisque certains
actes ne pouvaient être posés qu'aux Bermudes (il s'agit de la
livraison des polices et de l'évaluation des changements con-
cernant l'assurabilité) — Ne sont pas déductibles les dépenses
subies par une filiale à part entière constituée en société
uniquement pour vendre la capacité informatique excédentaire
de la demanderesse au public — Elles ne sont pas liées au
commerce de l'assurance-vie mais à une entreprise entièrement
nouvelle.
Assurance — La question est celle de savoir si une société
d'assurance-vie canadienne fait affaire aux Bermudes — Le
critère des «bénéfices générés.. est satisfait puisque des actes
ayant une importance prépondérante doivent être posés aux
Bermudes (il s'agit de la livraison des polices ainsi que de
l'évaluation des changements concernant l'assurabilité) — Les
dépenses d'une filiale à part entière créée uniquement pour
vendre la capacité informatique excédentaire de la société au
public ne sont pas déductibles, puisqu'elles ne sont pas liées au
commerce de l'assurance mais à une entreprise entièrement
nouvelle.
Il s'agit d'un appel interjeté d'une décision de première
instance qui a conclu que l'intimée avait exploité une entreprise
aux Bermudes en 1976 au sens de la Loi de l'impôt sur le
revenu. En 1976, l'intimée, une société d'assurance-vie cana-
dienne, a nommé des représentants aux Bermudes. Ceux-ci y
ont obtenu un permis d'exploitation d'une entreprise d'assu-
rance-vie. Les représentants des Bermudes ont été amenés au
Canada pour y assister à des séances de formation, des systè-
mes ont été élaborés pour la facturation et le recouvrement des
primes, et le bureau chef de l'intimée, situé à London, en
Ontario, a apporté à ses méthodes de fonctionnement certaines
modifications exigées par son entrée dans le marché des Bermu-
des. De la sollicitation a été faite auprès de nombreux résidants
des Bermudes, à qui ont été fournis des barèmes de primes. Une
somme de 100 000 $ a été déposée dans un compte de banque
des Bermudes. En vertu de l'accord intitulé «Mandat de cour
tier», les «mandataires» des Bermudes étaient simplement des
entrepreneurs indépendants et n'étaient habilités à lier la
société d'aucune manière. La première question soulevée est
celle de savoir si l'intimée a exploité une entreprise d'assurance-
vie aux Bermudes. L'appelante a soutenu que le critère des
«bénéfices» ou des «bénéfices générés» énoncé dans l'arrêt
Smidth devrait être appliqué. Ce critère est le suivant: «où ont
lieu les opérations qui génèrent réellement des bénéfices?»
L'intimée a soutenu que le critère approprié consiste à savoir si
de la sollicitation a été faite pour son compte aux Bermudes en
matière d'assurance et à savoir si les contrats d'assurance-vie y
ont été conclus. Le juge de première instance n'a pas fondé sa
décision sur un seul facteur mais sur l'effet cumulatif de
l'application du critère des «bénéfices» et des «bénéfices géné-
rés» ainsi que des critères invoqués par l'intimée.
La seconde question est celle de la déductibilité d'un montant
reçu d'une filiale à part entière. Au cours des années 1975 et
1976, l'intimée possédait une capacité informatique excéden-
taire, qu'elle a vendue à une filiale à part entière afin que cette
dernière la vende au public. Les fonctions de la filiale ont été
exercées par les employés de l'intimée, à partir de ses locaux et
au moyen de son équipement. L'intimée a déclaré tous les
montants reçus de sa filiale comme un revenu, et elle a déclaré
toutes les dépenses comme des dépenses déductibles. Les déduc-
tions réclamées ont été refusées au motif que les montants
présentés comme un revenu étaient des dépenses d'exploitation
faites pour le compte de la filiale et que, même en supposant
que les montants visés constituaient un revenu découlant de la
vente de sa capacité informatique excédentaire, ces montants
étaient un revenu provenant d'une entreprise de l'intimée autre
que son entreprise d'assurance-vie. Le juge de première ins
tance a conclu que les dépenses visées avaient été faites par
l'intimée pour son propre compte pour les fins de son entreprise
d'assurance-vie parce que la capacité excédentaire de l'intimée
lui était nécessaire pour répondre aux demandes qui lui étaient
faites en période de pointe dans le cadre de ses activités
d'assurance-vie.
Arrêt: l'appel devrait être accueilli en partie.
Le juge de première instance a conclu à bon droit que
l'intimée exploitait une entreprise aux Bermudes en 1976. Le
critère de l'arrêt Smidth n'était pas applicable parce qu'il a été
a été élaboré pour déterminer si certaines activités produisaient
des bénéfices constituant «le fruit d'un commerce exercé au
Royaume-Uni». La question en l'espèce (celle de savoir si le
contribuable exploitait une entreprise dans un autre pays) est
plus large que celle examinée par les tribunaux anglais. Le fait
que le paragraphe 138(9) de la Loi de l'impôt sur le revenu
mette l'accent sur la génération d'un revenu brut de placement
à partir de biens au Canada n'implique pas que l'on doive
considérer que, selon l'intention du Parlement, la conclusion
qu'une entreprise a été exploitée ou non dans un autre pays
devrait dépendre uniquement de la question de savoir si les
profits ont réellement résulté des activités menées par le contri-
buable dans cet autre pays. Le membre de phrase «a exploité
une entreprise d'assurance ... dans un pays autre que le
Canada» a un sens large et doit être interprété comme tel.
Quoi qu'il en soit, le critère des «profits» ou des «profits
générés» est satisfait. Même si de nombreuses opérations
devaient être, et était effectivement, accomplies au Canada
pour permettre l'entrée en vigueur de polices d'assurance sur la
vie des résidants des Bermudes, il reste que d'autres actes, dont
l'importance et la signification étaient prépondérantes, devaient
être posés aux Bermudes et ne pouvaient être posés qu'aux
Bermudes, savoir (1) la livraison des polices, une condition
préalable à leur entrée en vigueur et (2) l'évaluation consistant
à vérifier si aucun changement n'était survenu dans l'assurabi-
lité des proposants entre la date de la proposition et celle de la
livraison des polices.
En ce qui concerne la seconde question, l'intimée a à la fois
ceuvré dans l'assurance-vie et pratiqué des activités liées à sa
capacité informatique excédentaire. Les dépenses dont la
déduction est demandée ne sont pas reliées au commerce de
l'assurance-vie mais à une entreprise entièrement nouvelle. Les
dépenses réclamées n'étaient pas déductibles en vertu de la
Partie I lors du calcul du revenu que l'intimée a tiré, pour
l'année, de l'exploitation au Canada de son commerce d'assu-
rance-vie au sens du paragraphe 209(2).
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, chap. 148, art.
138(9) (mod. par S.C. 1970-71-72, chap. 63, art. 1;
1973-74, chap. 14, art. 47), 208(1), 209(l),(2), (3),
248(1), 253.
Loi sur les compagnies d'assurance canadiennes et bri-
tanniques, S.R.C. 1970, chap. I-15, art. 2(1).
The Non -Residents Insurance Act, 1967 (Bermudes).
JURISPRUDENCE
DISTINCTION FAITE AVEC:
Smidth & Co. v. Greenwood, [1921] 3 K.B. 583 (C.A.);
confirmé par [1922] 1 A.C. 417 (H.L.); Excelsior (The)
Life Insurance Co v The Queen, [1985] 1 CTC 213; 85
DTC 5164 (C.F. 1" inst.).
DÉCISIONS CITÉES:
Grainger & Son v. Gough, [1896] A.C. 325 (H.L.);
Firestone Tyre & Rubber Co., Ltd. (as agents for Fire-
stone Tire & Rubber Co. of Akron, Ohio, U.S.A.) v.
Lewellan (1957), 37 T.C. 111 (H.L.).
AVOCATS:
L. P. Chambers, c.r. et J. Humphrey pour
l'appelante.
David A. Ward, c.r. et Colin Campbell pour
l'intimée.
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour
l'appelante.
Davies, Ward & Beck, Toronto, pour l'inti-
mée.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE STONE, J.C.A.: Le présent appel, inter-
jeté d'une décision de la Section de première ins
tance en date du 28 juillet 1987 [[1988] 1 C.F.
46], soulève la question de savoir si l'intimée, qui
exploitait une entreprise d'assurance-vie au
Canada au cours de l'année d'imposition 1976,
exploitait également, au sens du paragraphe
138(9) de la Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C.
1952, chap. 148, et ses modifications [S.C. 1970-
71-72, chap. 63, art. 1; 1973-74, chap. 14, art. 47]
(«la Loi»), une entreprise d'assurance-vie dans un
pays autre que le Canada, en l'occurence, les
Bermudes, au cours de cette même année; il met
également en jeu la déductibilité de certains mon-
tants sous le régime de la Partie XII de la Loi pour
l'année d'imposition 1976. Il a été entendu en
même temps que l'appel interjeté dans le dossier n°
A-846-87 à l'encontre d'un autre jugement que le
même juge de première instance avait prononcé le
même jour à l'égard des mêmes parties. Ce dernier
appel vise uniquement la déductibilité sous le
régime de la Partie XII, pour l'année d'imposition
1975, de montants reçus par l'intimée d'une filiale
à cent pour cent. J'ai l'intention de régler toutes
ces questions dans les présents motifs et de déposer
une copie de ceux-ci au dossier de l'appel n°
A-846-87, afin qu'ils en constituent les motifs du
jugement dans la mesure où ils seront applicables.
Pour plus de commodité, j'aborderai d'abord la
question de l'entreprise des Bermudes qui a été
soulevée dans le présent appel, pour ensuite exami
ner les questions visant la Partie XII de la Loi qui
ont été soulevées dans le cadre des deux appels
relativement aux deux années d'imposition concer-
nées.
La question de l'entreprise des Bermudes
Dans le calcul de son revenu de placement pour
l'année d'imposition 1976, l'intimée a tenté de se
prévaloir du choix prévu au paragraphe 138(9) de
la Loi:
138....
(9) Lorsque, pendant une année d'imposition, un assureur
(autre qu'un résident du Canada qui n'exploite pas une entre-
prise d'assurance-vie) a exploité une entreprise d'assurance au
Canada et dans un autre pays que le Canada, il faut inclure
dans le calcul du revenu qu'il tire, pour l'année, de l'exploita-
tion de cette entreprise au Canada,
a) si l'assureur a, de la manière prescrite et conformément
aux conditions prescrites, fait un choix, en vertu du présent
paragraphe, quant à l'année, la partie de son revenu brut de
placements pour l'année qui provient de biens lui ayant servi
dans l'année ou qu'il a détenus dans l'année dans le cadre de
l'exploitation de cette entreprise d'assurance au Canada, et
b) dans tous les autres cas, la partie de son revenu brut de
placements pour l'année, qui est déterminée, conformément
aux règles prescrites, comme se rapportant à son exploitation
au Canada de cette entreprise,
et si l'assureur n'a pas fait ce choix relativement à l'année, les
sommes déductibles en vertu des alinéas (3)b), c) et d) lors du
calcul de son revenu pour l'année, les sommes dont les alinéas
(4)b) et c) exigent l'inclusion dans le calcul de ce revenu et les
sommes déterminées en vertu des sous-alinéas (12)o)(ii) et (iv)
pour la période se terminant avec l'année doivent être calculées
conformément aux règles prescrites et le total des dividendes
imposables aux fins de chacun des alinéas 138(6)a), 138(6)b)
et 208(2)b) doit être calculé conformément aux règles prescri-
tes aux fins de chacun de ces alinéas respectivement.
L'intimée prétendait que, au cours de cette
année-là, elle avait non seulement exploité une
entreprise d'assurance-vie au Canada, mais encore
«exploité une entreprise d'assurance ... dans un
pays autre que le Canada». Le refus d'un tel choix
par le ministre du Revenu national et la nouvelle
cotisation relative au revenu de l'intimée qui y a
fait suite ont conduit au dépôt d'une action en
Section de première instance et au jugement qui se
trouve présentement contesté dans le premier
appel.
En 1976, après avoir exploité une entreprise
d'assurance au Canada à partir de son bureau de
London, en Ontario, pendant de nombreuses
années, l'intimée a décidé d'étendre ses activités
aux Bermudes. Dans cette perspective, elle s'est
enquise des règles pertinentes du droit des Bermu-
des auprès d'avocats de ce pays, elle a effectué une
étude des possibilités du marché des Bermudes et,
au mois de mai de cette année-là, elle a fait appel
à la firme Harnett & Richardson Limited, de
Hamilton, pour la représenter aux Bermudes, en
lui accordant le pouvoir de demander un permis
d'exploitation d'une entreprise d'assurance-vie
dans ce pays. Ce permis a effectivement été délivré
le 24 juin 1976. Entretemps, à peu près au même
moment, les procureurs canadiens de l'intimée ren-
contraient des banquiers et des avocats des Bermu-
des ainsi que les mandataires désignés par l'inti-
mée. Au Canada, les chefs des différents services
de l'intimée ont étudié les changements dans les
procédures d'exploitation que nécessitait son
entrée dans le marché des Bermudes. Les formules
des polices et des propositions ont été révisées et
adaptées. L'intimée a fait venir les représentants
des Bermudes au Canada pour des séances de
formation. Un système de contrôle de la factura-
tion et du recouvrement des primes a été élaboré
pour les Bermudes. Cherchant à développer une
clientèle, la firme Harnett & Richardson a fait de
la sollicitation auprès de nombreux résidants des
Bermudes, en plus de fournir des barèmes de
primes. Un compte de banque a été ouvert aux
Bermudes, et une somme de 100 000 $ y a été
déposée. Vers la fin de l'année, en décembre, un
des agents de commercialisation de l'intimée a été
envoyé aux Bermudes pour y conclure un accord
de représentation officiel avec MM. Harnett et
Richardson; par la même occasion, ils ont remis à
cette firme les polices d'assurance-vie de deux
résidants des Bermudes.
L'accord de représentation est intitulé [TRADUC-
TION] «Mandat de courtier» et, bien que l'intimée
y soit désignée sous le nom de [TRADUCTION]
«Mandataire», la toute première clause établit clai-
rement que les liens créés par le contrat sont des
liens entre [TRADUCTION] «entrepreneurs indépen-
dants». Les obligations du mandataire se trouvent
énoncées à la clause numéro 2:
[TRADUCTION] 2. Obligations—À la condition qu'il obtienne
le permis requis à cet égard, le Mandataire est autorisé, et
s'engage, par les présentes, à solliciter des demandes et à
recevoir les primes pour la Compagnie en respectant les condi
tions, les limites ainsi que les directives, les règles et les
règlements de la Compagnie.
Le Mandataire, dans ses rapports avec la Compagnie et dans
les opérations qu'il effectue pour le compte de celle-ci, s'engage
à se conformer aux directives, aux règles et aux règlements de
la Compagnie, quelle que soit la forme sous laquelle ils se
trouvent publiés ou communiqués, ainsi qu'aux dispositions qui,
à différents moments, modifient ces directives, ces règles ou ces
règlements, ou s'y ajoutent.
La clause numéro 4 assortit le pouvoir conféré au
mandataire d'un certain nombre de restrictions:
[TRADUCTION] Restrictions attachées aux pouvoirs conférés—
Le Mandataire reconnaît que le mandat qu'il détient de la
Compagnie ne l'autorise pas à:
a) lier la Compagnie de quelque manière que ce soit;
b) interpréter un contrat d'assurance de manière à lier la
Compagnie;
c) conclure, modifier ou annuler un contrat;
d) proroger le délai de paiement d'une prime;
e) renoncer à la déchéance d'un droit ou accorder un permis;
f) s'engager au nom de la Compagnie;
g) délivrer ou permettre que soit délivrée une police qui n'a pas
été établie en vertu d'une quittance obligatoire, à moins que le
proposant ne soit à l'époque en bonne santé et que la première
prime n'ait été acquittée;
h) percevoir une prime sur une police ou toucher une avance
sur police, à moins qu'il ne soit autorisé à cet égard par le
présent Accord;
i) donner quittance d'une prime ou d'un paiement, à moins que
la formule imprimée de la quittance ne soit fournie par la
Compagnie à cette fin;
j) modifier l'une ou l'autre des conditions figurant dans un
imprimé ou dans une quittance;
k) ester en justice dans une cause se rapportant aux opérations
de l'entreprise de la Compagnie;
I) publier une annonce se rapportant de quelque façon que ce
soit à l'entreprise de la Compagnie, à moins qu'une copie de
cette annonce n'ait été soumise à l'approbation de la
Compagnie.
La question de savoir si l'intimée a exploité une
entreprise d'assurance aux Bermudes en 1976 est
une question de fait et d'interprétation de la Loi
qui doit être tranchée à la lumière des principes de
droit établis. L'appelante soutient que le critère
juridique applicable en l'espèce est celui qui ressort
d'une suite de décisions anglaises commençant par
l'arrêt Grainger & Son v. Gough, [1896] A.C. 325
(H.L.), appliqué dans l'arrêt Smidth & Co. v.
Greenwood, [1921] 3 K.B. 583 (C.A.); confirmé
par [1922] 1 A.C. 417 (H.L.), et, plus récemment,
dans l'arrêt Firestone Tyre & Rubber Co., Ltd. (as
Agents for Firestone Tire & Rubber Co. of Akron,
Ohio, U.S.A.) v. Lewellan (1957), 37 T.C. 111
(H.L.). Ce critère veut que l'on détermine l'endroit
ou le pays dans lequel se déroulent les opérations
qui génèrent réellement les bénéfices. Son applica
tion est bien illustrée dans l'affaire Smidth. Dans
cette espèce, la Chambre des lords était appelée à
décider si une firme de fabricants et de commer-
çants danois de machinerie était visée par les
termes d'une loi fiscale britannique au motif que
les activités qu'ils avaient pratiquées au Royaume-
Uni leur avaient procuré des bénéfices constituant
[TRADUCTION] «le fruit d'un commerce exercé ...
au Royaume-Uni». Ces activités étaient exercées à
partir d'un bureau situé à Londres et confié à un
employé à temps plein qui devait vérifier les
besoins des acheteurs éventuels, inspecter les lieux
où seraient effectuées les installations de machines
projetées et prélever des échantillons de sol, pré-
senter un rapport à la firme et lui faire parvenir
ces échantillons pour analyse, et surveiller les ins
tallations importantes des produits de la firme. Les
négociations reliées aux contrats entre les fabri-
cants danois et leurs clients du Royaume-Uni étant
menées directement à partir de Copenhague, le
lieu de conclusion des contrats et le point à partir
duquel les marchandises étaient livrées franco de
bord.
À chacun des paliers auxquels est parvenue cette
affaire—c'est-à-dire au procès, devant la Cour
d'appel et devant la Chambre des lords—il a été
conclu que les activités exercées au Royaume-Uni
n'étaient pas visées par les termes de la loi. Aux
pages 593 et 594, le lord juge Atkin, de la Cour
d'appel, a énoncé le critère sur lequel s'appuie
maintenant l'appelante:
[TRADUCTION] Il s'agit de déterminer si les bénéfices en cause
sont le «fruit d'un commerce exercé» par les intimés «au
Royaume-Uni», au sens de l'annexe D de la Income Tax Act de
1853. Il ne s'agit pas de savoir si les intimés exploitent une
entreprise dans ce pays, mais s'ils y exercent un commerce, de
telle sorte qu'il leur rapporte des bénéfices.
À ce sujet, nous pouvons consulter la décision rendue par la
Chambre des lords dans Grainger v. Gough ([1896] A.C. 325,
336). Après avoir souligné que commercer dans un autre pays
n'est pas la même chose que commercer avec un pays, lord
Herschell a déclaré: «Comment le négociant en vins exerce-t-il
son commerce? Il le fait, selon moi, en fabriquant ou en
achetant du vin, puis en le vendant dans le but de réaliser un
profit». De la même manière, un fabriquant de machinerie
exerce son commerce en fabriquant de la marchandise et en la
vendant dans le but de retirer un profit. Il ressort de l'affaire
citée, ainsi que d'autres, qu'il suffit de tenir compte uniquement
de l'endroit où sont conclus les contrats de vente générateurs de
profit. C'est un critère qui, de toute évidence, est très important
dans l'instruction; s'il s'agit du seul critère à appliquer, alors les
cotisations sont manifestement erronées. En l'espèce, les con-
trats ont été conclus à l'étranger. Je ne suis toutefois pas
disposé à tenir ce critère pour décisif. Il peut y avoir des cas où
le contrat de vente est conclu à l'étranger, mais où la fabrica
tion des marchandises, une partie de la négociation des condi
tions du contrat et l'exécution de ce dernier ont lieu ici de telle
manière que le commerce, en fait, a été exercé ici. Je crois que
la question à poser est la suivante: où ont lieu les opérations qui
génèrent réellement les bénéfices? À mon sens, aucun des
éléments de preuve présentés en l'espèce ne désigne un autre
endroit que le Danemark. Il ne fait aucun doute que des
opérations importantes se déroulent ici: l'on y sollicite des
commandes et l'on y supervise l'adaptation des marchandises
acheminées aux fins des entreprises des acheteurs. Mais comme
le dit lord Watson dans l'arrêt précité, ([1896] A.C. 340):
«Selon moi, il peut exister des transactions effectuées par un
marchand étranger ou pour son compte dans ce pays qui, tout
en étant si étroitement liées à une entreprise menée à l'étranger
que, sans elles, cette entreprise ne pourrait être poursuivie, sont
néanmoins insuffisantes pour constituer un exercice de ses
activités commerciales dans notre pays au sens de l'annexe D».
Lord Watson en donne pour exemple l'achat de marchandises
dans ce pays pour leur revente à l'extérieur. À l'égard du
second point, je devrai faire référence à l'arrêt Sully v. Attor-
ney -General (5 H. & N. 711). Comme le dit lord Herschell
([1896] A.C. 325, 336): «Ce qui se fait ici», c'est-à-dire la
sollicitation de commandes, «est seulement accessoire à l'exer-
cice de son commerce dans le pays où il achète ou fabrique,
entrepose et vend ses marchandises». En ce qui concerne cet
aspect de l'affaire, je considère que le juge a pris la conclusion
de droit appropriée.
L'intimée s'oppose à l'application de ce critère
et maintient que le juge de première instance a eu
raison de prendre les conclusions qu'il a prises
considérant les activités exercées aux Bermudes,
les définitions de la législation canadienne et de la
législation des Bermudes', ainsi que l'économie
générale de la Loi. Selon l'intimée, un bon critère
pour trancher la question de savoir si une entre-
prise d'assurance a été exploitée aux Bermudes en
1976 consisterait à vérifier si de la sollicitation y a
été faite pour son compte en matière d'assurance
et, également, si les contrats d'assurance-vie y ont
été conclus. Il est évident que le juge de première
instance n'a pas fondé sa conclusion sur un seul
facteur mais, comme il l'a dit lui-même à la page
62 de ses motifs de jugement, sur «l'effet cumula-
tif» de l'application du critère des «bénéfices» ou
des «bénéfices générés» et des critères invoqués par
l'intimée. Le juge poursuit à cette dernière page
(aux pages 62 et 63):
' Le paragraphe 248(1) de la Loi a défini le terme «entreprise
ou affaire» de la manière suivante:
248. (1) Dans la présente loi,
«entreprise ou affaire» comprend une profession, un métier,
un commerce, une manufacture ou une activité de quelque
genre que ce soit, y compris un projet comportant un
risque ou une affaire de caractère commercial, mais ne
comprend pas une charge ni un emploi;
L'article 253, d'autre part, veut qu'une personne soit réputée
exploiter une entreprise au Canada dans les circonstances
suivantes:
253. Lorsque, dans une année d'imposition, une personne
non résidante a
a) produit, cultivé, miné, créé, manufacturé, fabriqué,
amélioré, empaqueté, conservé ou construit, en totalité ou
en partie, quoi que ce soit au Canada, qu'elle l'ait ou non
exporté sans le vendre avant l'exportation, ou
b) sollicité des commandes ou offert en vente quoi que ce
soit au Canada par l'entremise d'un mandataire ou pré-
posé, que le contrat ou l'opération ait dû être parachevée
au Canada ou hors du Canada, ou en partie au Canada et
en partie hors du Canada,
elle est réputée, aux fins de la présente loi, avoir exploité une
entreprise au Canada pendant l'année.
Les termes «opérations d'assurance», «affaires d'assurance» ou
«entreprise d'assurance» signifient, suivant le paragraphe 2(1)
de la Loi sur les compagnies d'assurance canadiennes et bri-
tanniques, S.R.C. 1970, chap. I-15, et ses modifications:
... la conclusion d'un contrat d'assurance, et comprend tout
acte ou tous actes d'incitation à conclure un pareil contrat, et
tout acte ou tous actes relatifs à l'exécution du contrat, ou
l'action de rendre service à cet égard;
(Suite à la page suivante)
Les contrats d'assurance délivrés en 1976 ont été conclus aux
Bermudes, une partie essentielle de l'entreprise de la compa-
gnie, ses ventes, a été effectuée aux Bermudes par l'entremise
de son agent, et le fait d'inciter des résidents des Bermudes à
conclure des contrats d'assurance-vie correspond précisément à
ce que l'on entend ordinairement par l'exploitation d'une entre-
prise d'assurance et à la définition qu'en donnent les textes
législatifs. Ces faits, ainsi que les autres activités exercées par
l'agent de la demanderesse aux Bermudes, dont j'ai déjà fait
mention, m'ont convaincu que, en 1976, celle-ci a effectivement
exploité son entreprise aux Bermudes.
Je devrais tout d'abord exposer mes conceptions
sur l'approche qui doit servir à décider si l'intimée
a exploité une entreprise d'assurance aux Bermu-
des en 1976 au sens du paragraphe 138(9) de la
Loi. A ce point-ci, je dois avouer ne pas être
certain que le critère des [TRADUCTION] «bénéfi-
ces» ou des [TRADUCTION] «bénéfices générés» qui
a été énoncé par le lord juge Atkin dans l'arrêt
Smidth soit le critère applicable. Comme l'a
observé le juge de première instance, ce critère a
été élaboré pour déterminer si certaines activités
exercées au Royaume-Uni produisaient des bénéfi-
ces constituant [TRADUCTION] «le fruit d'un com
merce exercé ... au Royaume-Uni». De plus, le
lord juge Atkin lui-même a pris soin de souligner
que la question n'était pas de savoir si [TRADUC-
TION] «les intimés exploitent une entreprise dans
ce pays». Je suis d'accord avec le juge de première
instance pour dire que cette dernière question, qui
est soulevée en vertu du paragraphe visé, a certes
une portée plus grande que la question à laquelle
devaient répondre les tribunaux anglais sous le
régime des dispositions législatives du Royaume-
Uni.
Selon l'appelante, l'objet même du paragraphe
138(9) est d'identifier et d'isoler, chez l'assureur,
«le revenu brut de placements .. . qui provient de
biens lui ayant servi ... ou qu'il a détenus ... dans
le cadre de l'exploitation de cette entreprise d'assu-
rance au Canada», et donc, par implication, de
soustraire à l'impôt canadien les revenus provenant
de biens utilisés ou détenus par l'assureur dans
l'exploitation d'une entreprise d'assurance à l'exté-
rieur du Canada. L'appelante enchaîne en soute-
nant que la question visée au paragraphe qui pré-
cède se limite à découvrir si les profits dont elle
recherche l'imposition provenaient d'une entreprise
(Suite de la page précédente)
Dans The Non -Residents Insurance Act, 1967 (des Bermudes),
l'expression .insurance Business» ([TRADUCTION] «entreprise
d'assurance») est dite comprendre [TRADUCTION] «l'établisse-
ment ou l'exécution de polices d'assurance».
exploitée aux Bermudes, ce qui rendrait le critère
des [TRADUCTION] «profits» ou des [TRADUC-
TION] «profits générés» pertinent et applicable. Je
ne crois pas que, du fait que la loi, à un certain
égard, met l'accent sur la génération d'un revenu
brut de placements à partir de biens au Canada, il
faille considérer que le Parlement a eu l'intention
que la conclusion qu'une entreprise a été exploitée
ou non au cours de cette même année dans un pays
autre que le Canada doive dépendre uniquement
de la question de savoir si des profits ont réelle-
ment résulté des activités menées par le contribua-
ble dans cet autre pays. En fait, j'ai tendance à
penser que le membre de phrase «a exploité une
entreprise d'assurance ... dans un autre pays que
le Canada» ne doit pas être limité par des considé-
rations pouvant ou non déterminer si une telle
entreprise était exploitée au Canada. Ces mots ont
un sens large et doivent être interprétés comme
tels. De façon générale, je suis d'avis que le juge de
première instance a eu raison de prendre la conclu
sion qu'il a prise concernant cet aspect de la
présente affaire.
Pour le cas où mon opinion sur cette question
serait erronée, je considérerai à présent la question
de savoir si les activités exercées par l'intimée aux
Bermudes pendant- l'année 1976 satisfont au cri-
tère des [TRADUCTION] «profits» Ou des [TRADUC-
TION] «profits générés» énoncé par la jurispru
dence. Ces activités, suivant l'avocat de
l'appelante, n'étaient que [TRADUCTION] «prélimi-
naires» ou [TRADUCTION] «préparatoires» ou, selon
les termes de lord Herschell cités par le lord juge
Atkin, [TRADUCTION] «accessoires» à l'exploita-
tion d'une entreprise; en soi, elles ne constitue-
raient pas une telle exploitation. Cette affirmation,
dit-il, s'applique tout particulièrement à la sollici-
tation de contrats d'assurance par l'intermédiaire
d'agents aux Bermudes, une activité qui, plus tard,
conduirait à la conclusion de contrats d'assurance
sur la vie de résidants des Bermudes. Il prétend
que les activités substantielles (c'est-à-dire celles
influençant les décisions qui généraient un revenu
ou qui suscitent une expectative raisonnable de
revenu) se sont toutes déroulées au bureau chef de
l'intimée au Canada. Il répartit ces activités selon
les catégories suivantes:
[TRADUCTION]
a) la décision sur la question de savoir si la Compagnie
acceptera certains risques ou y souscrira;
b) la décision sur la prime à charger qui est prise à la suite de
l'évaluation d'un risque particulier;
c) la préparation et la délivrance des polices destinées à être
livrées aux proposants des Bermudes;
d) la décision de payer ou non les demandes d'indemnité
présentées;
e) le contrôle des affaires financières de l'appelante et l'expé-
dition aux Bermudes de fonds destinés aux réclamants;
f) les autres mesures permettant un contrôle serré des ren-
trées et des sorties de fonds, à la fois en ce qui concerne ses
polices et en ce qui concerne les investissements qu'elle a
effectués avec le montant des primes qu'elle a recueillies
aux Bermudes.
L'avocat de l'appelante a également contesté
certaines conclusions que le juge a prises et consi-
dérées comme pertinentes à sa décision que l'inti-
mée avait effectivement exploité une entreprise
d'assurance aux Bermudes en 1976. Ces conclu
sions voulaient que les agents:
a) aient pris des arrangements en vue des examens médicaux
des proposants de polices d'assurance;
b) aient engagé la responsabilité de la compagnie quant à la
protection provisoire;
c) aient évalué le [TRADUCTION] «degré de continuité» des
proposants de polices d'assurance;
d) se soient assurés que les proposants continuent de présenter
les apparences d'une bonne santé à la date de la livraison
de leur police; et
e) aient conclu le contrat d'assurance en livrant la police.
Je ne puis trouver d'erreur matérielle dans l'une
ou l'autre de ces conclusions. L'examen du dossier
suggère que la pratique acceptée ou les conditions
du mandat des agents leur imposaient effective-
ment l'obligation de prendre les arrangements
relatifs aux examens médicaux et de s'assurer lors
de la livraison de la police aux Bermudes que les
proposants continuaient de présenter les apparen-
ces d'une bonne santé. Le fait que l'exigence de
l'examen médical semble avoir été levée en ce qui
concerne les deux vies assurées ne me semble
aucunement pertinent. Les éléments de preuve
figurant effectivement au dossier établissent de
façon assez claire que les agents se sont véritable;
ment assurés que les proposants continuaient
d'être en bonne santé au moment où ils leur ont
livré les polices aux Bermudes le 30 décembre
1976. Il semble également clair, même à l'examen
des stipulations des polices elles-mêmes, que ces
dernières devaient seulement entrer en vigueur au
moment de leur livraison. Dans ce sens, certaines
des [TRADUCTION] «Stipulations et conditions
générales» (Dossier d'appel, annexe conjointe,
volume 1, à la page 179) prévoient expressément
que:
[TRADUCTION] Les contrats n'entreront en vigueur que si les
conditions suivantes sont réalisées:
2) cette police a été livrée à son titulaire, à son mandataire ou
à son ayant droit, ou au bénéficiaire et
3) depuis que la police a été complétée, aucun changement
n'est intervenu en ce qui concerne l'assurabilité de la vie
assurée ...
Bien qu'aucune évaluation du [TRADUCTION]
«degré de continuité» ne semble avoir été pratiquée
par les agents des Bermudes suivant les méthodes
appliquées par l'intimée au Canada, il existait des
éléments de preuve voulant que les agents aient
effectivement procédé à une certaine évaluation du
degré de continuité des titulaires de police des
Bermudes. Finalement, bien que la preuve appuie
la conclusion qu'aucune assurance provisoire
n'était véritablement établie en 1976, elle veut
néanmoins que cette situation soit due au fait que
les agents avaient manqué de recueillir les primes
au moment de la présentation des propositions
d'assurance parce qu'ils n'avaient pas compris que
cette pratique constituait une condition préalable à
l'entrée en vigueur de l'assurance provisoire. Il
semble toutefois ne faire aucun doute que les
agents étaient réellement habilités à établir une
assurance provisoire et que, n'eût été ce malen-
tendu, ils auraient conclu de tels arrangements en
1976.
Si les activités exercées par l'intimée aux Ber-
mudes s'étaient limitées à y solliciter des proposi
tions qui seraient acceptées au Canada, l'on pour-
rait soutenir sur le fondement de certains propos
tenus dans l'arrêt Grainger & Son v. Gough que,
pour reprendre les termes de lord Herschell, les
opérations qui se déroulaient aux Bermudes étaient
seulement [TRADUCTION] «accessoires» à l'exploi-
tation d'une entreprise au Canada. Bien que, ainsi
que l'a démontré l'appelante, de nombreuses opé-
rations devaient être, et étaient effectivement,
accomplies au Canada pour permettre l'entrée en
vigueur de polices d'assurance sur la vie de cer-
tains résidants des Bermudes, il reste que d'autres
actes, dont l'importance et la signification étaient
prépondérantes, devaient être posés aux Bermudes
et ne pouvaient être posés qu'aux Bermudes. La
sollicitation initiale était une de ces opérations,
mais il y en avait d'autres. L'on doit y ajouter les
autres activités des agents qui ont été identifiées
dans le jugement porté en appel, deux desquelles
au moins étaient absolument nécessaires à l'entrée
en vigueur de polices d'assurance aux Bermudes.
Je veux parler de l'exigence selon laquelle les
polices doivent avoir été livrées à cet endroit pour
produire des effets juridiques et de l'exigence sup-
plémentaire que les agents, dans les faits, effec-
tuent, avant cette livraison, l'évaluation subjective
mais fondamentale consistant à vérifier si aucun
changement n'est survenu dans l'assurabilité de la
vie des proposants entre la date de leur proposition
et celle de la livraison des polices. Ces activités
n'auraient-elles pas eu lieu aux Bermudes, aucune
police d'assurance-vie génératrice de bénéfices n'y
aurait été délivrée. Tout compte fait, je suis con-
vaincu que le critère des [TRADUCTION] «profits»
et des «profits générés», en supposant qu'il soit
applicable, est satisfait. L'intimée soumet égale-
ment que, considérant l'économie de la Loi, la
seule conclusion possible est que la délivrance à
l'assureur d'un permis autorisant l'exploitation
d'une entreprise aux Bermudes sous le régime de
sa législation, avec la délivrance effective de poli
ces d'assurances en cet endroit, constituaient l'ex-
ploitation d'une entreprise au sens du paragraphe
138(9). Je ne considère pas qu'il soit nécessaire
d'examiner le bien-fondé de cette prétention pour
être convaincu, comme je le suis, que l'intimée a
effectivement exploité une entreprise d'assurance
aux Bermudes en 1976 au sens de ce paragraphe.
La question du service informatique
La deuxième question soulevée dans le présent
appel, et la seule soulevée dans le second appel,
découle de la conclusion de fait du juge de pre-
mière instance selon laquelle, au cours des années
d'imposition 1975 et 1976, l'intimée possédait une
capacité informatique excédentaire qui lui était
uniquement nécessaire pour satisfaire à la
demande présentée à son entreprise d'assurance-
vie en période de pointe. Ces services consistaient à
préparer des chèques ou des déclarations compta-
bles ou à traiter des données ou à faire de la
programmation—tout ce que permet de faire un
ordinateur. L'entreprise de l'intimée étant assujet-
tie aux dispositions de la Loi sur les compagnies
d'assurance canadiennes et britanniques, S.R.C.
1970, chap. I-15, il lui était interdit d'offrir sa
capacité excédentaire directement au grand public
moyennant une certaine rétribution.
Au cours des années d'imposition visées, le para-
graphe 208 (1) de la Loi, qui fait partie de la Partie
XII de celle-ci, prélevait sur le «revenu imposable
tiré ... de placements relatifs à l'assurance-vie au
Canada» un impôt de 15 %. Ce revenu se trouvait
défini au paragraphe 209(3) comme la fraction du
«revenu net tiré ... de placements relatifs à l'assu-
rance-vie au Canada» qui est en sus du total de
certains montants déterminés. Le «revenu net d'un
assureur sur la vie ... tiré de placements relatifs à
l'assurance-vie au Canada» était son «revenu brut
... tiré ... de placements relatifs à l'assurance-vie
au Canada» prévu au paragraphe 209(1), diminué
de certains montants qui se trouvaient précisés. Au
cours des années d'imposition 1975 et 1976, l'ali-
néa 209(2)d) de la Loi était ainsi libellé:
209... .
(2) Le revenu net d'un assureur sur la vie, pour une année
d'imposition, tiré de placements relatifs à l'assurance-vie au
Canada, est constitué par son revenu brut tiré, pour l'année, de
placements relatifs à l'assurance-vie au Canada, diminué du
total des montants suivants:
d) 50% du total des sommes déductibles, en vertu de la
Partie I, lors du calcul du revenu que l'assureur a tiré, pour
l'année, de l'exploitation au Canada de son commerce d'assu-
rance-vie, sauf dans la mesure où chacune de ces sommes
(i) est incluse dans l'un quelconque des montants détermi-
nés pour l'année, en ce qui concerne l'assureur, conformé-
ment aux dispositions des alinéas a), b) ou c),
(ii) est déductible, en vertu du paragraphe 138(3), lors du
calcul de son revenu tiré, pour l'année, de l'exploitation au
Canada de son commerce d'assurance-vie,
(iii) été payée ou était payable, par l'assureur, en vertu
d'une police d'assurance-vie, avant la fin de l'année,
(iv) représentait des frais ou débours qu'il a engagés ou
faits dans le but de gagner un revenu avec "son commerce
d'assurance-vie collective, ou
(v) était payable à une province par l'assureur, à titre
d'impôt sur les primes qu'il a perçues pendant l'année, en
vertu de polices d'assurance-vie.
Aux termes d'un arrangement conclu avec le
surintendant des assurances nommé sous le régime
de la Loi susmentionnée, l'intimée a été autorisée à
fournir sa capacité excédentaire à une filiale à part
entière qui, à son tour, la vendrait au public. Une
filiale a bientôt été constituée en société sous le
nom de Lonlife Data Services Limited. Cette
société n'avait aucun employé, ne possédait aucun
équipement de traitement de données et n'occupait
pas de locaux à partir desquels elle aurait mené ses
activités commerciales. L'exécution de ses fonc-
tions était assurée par les employés de l'intimée, à
partir de ses locaux et au moyen de son équipe-
ment. Selon la conclusion du juge de première
instance (à la page 64 de ses motifs de jugement),
la filiale (qu'il appelait «L.D.S.»), «Pour utiliser
cette capacité ... payait à la demanderesse [l'inti-
mée] une somme annuelle constituant un pourcen-
tage de certaines dépenses réelles et fictives enga
gées par cette dernière [l'intimée] pour faire
fonctionner l'ordinateur» et, également, «En raison
des instructions du surintendant des assurances et
conformément à l'accord conclu avec L.D.S., la
demanderesse n'était pas autorisée à faire des
bénéfices ni à subir des pertes calculés d'après les
méthodes comptables prescrites pour les compa-
gnies d'assurance-vie.»
Aux pages 64 et 65 de ses motifs de jugement, le
juge de première instance décrit la manière dont
l'intimée s'y est prise pour surmonter ce problème
et respecter la directive du surintendant des assu
rances en ne produisant aucun bénéfice et en ne
subissant aucune perte dans son entreprise d'assu-
rance-vie, de même que les méthodes utilisées par
l'intimée pour régler cette question pour les fins de
l'impôt sur le revenu des années d'imposition 1975
et 1976:
Pour ses années d'imposition 1975 et 1976, la demanderesse
a appliqué cet accord avec sa filiale et, pour les fins de ses
exigences comptables en matière d'assurance, elle n'a fait
aucun bénéfice, ni subi aucune perte. Dans les états financiers
qu'elle a établis pour ces années et qu'elle devait soumettre au
surintendant des assurances, elle a indiqué les revenus et dépen-
ses liés à l'entreprise informatique des deux compagnies comme
des montants nets qui se compensent parfois dans les catégories
des revenus et des dépenses, et les totaux nets de chaque
catégorie se compensent intégralement. C'est ce qui devait se
faire à la satisfaction du surintendant des assurances.
En déposant ses déclarations d'impôt pour ces mêmes années,
la demanderesse n'a toutefois pas déclaré les revenus et dépen-
ses de la même manière qu'elle l'a fait pour le surintendant des
assurances. En fait, elle a déclaré à titre de revenu tous les
fonds qu'elle a reçus de L.D.S. et à titre de dépenses toutes les
dépenses qu'elle considérait comme des dépenses déductibles.
Cela a eu pour conséquence d'augmenter le revenu de la
demanderesse ainsi que ses dépenses et a également fait en
sorte que la défenderesse a établi une nouvelle cotisation à
l'égard de la demanderesse pour ces deux années. La nouvelle
cotisation établissait un impôt additionnel pour chaque année
en vertu de la Partie XII de la Loi de l'impôt sur le revenu, en
raison du fait que la défenderesse a réduit les dépenses déducti-
bles en calculant les sommes auxquelles s'appliquait l'impôt
prévu sous le régime de la Partie XII.
La Partie XII de la Loi, maintenant abrogée [S.C. 1977-78,
chap. 1, art. 91], contenait des dispositions particulières concer-
nant l'imposition du revenu de placement d'un assureur sur la
vie provenant de son entreprise d'assurance-vie au Canada. Le
paragraphe 209(2) [mod. par S.C. 1974-75-76, chap. 26, art,
117] prévoyait également la déduction des débours engagés
dans l'exploitation de son commerce d'assurance-vie. Cinquante
pour cent de tous les débours ainsi engagés pouvaient être
déduits, et le revenu imposable qui en découlait était imposé au
taux de 15 %. En ajoutant 50 % des débours bruts liés à son
revenu provenant de L.D.S. à 50 % de chacune des autres
dépenses engagées dans l'exploitation de son commerce d'assu-
rance-vie, la demanderesse a diminué son revenu imposable tiré
de ce commerce d'une somme équivalente, et son impôt de 15 %
de cette somme.
Afin de mieux comprendre les moyens auxquel-
les l'intimée a eu recours pour régler cette question
dans le calcul de son revenu pour fins d'impôt des
deux années en cause, citons à ce point-ci le para-
graphe 46 de la plaidoirie écrite de l'intimée (dont
le contenu n'est pas contesté):
[TRADUCTION] 46. Lorsqu'elle a calculé son revenu des années
d'imposition 1975 et 1976 pour les fins de la Loi, l'intimée a
concilié son revenu net figurant dans sa déclaration destinée au
surintendant des assurances et son revenu net pour fins d'impôt
sur la formule T2S(1) de ses déclarations d'impôt des années
1975 et 1976. Pour ce faire, elle a procédé aux ajustements
suivants:
a) elle a inscrit le montant reçu de Lonlife comme un revenu,
b) elle a majoré l'ensemble des différents comptes de dépen-
ses de montants totalisant le montant reçu de Lonlife,
c) elle a rajouté au revenu tous les amortissements (majorés
de la manière décrite ci-haut) inscrits au débit de ses
comptes pour les fins de ses états financiers,
d) elle a réclamé la déduction pour amortissement dans la
mesure autorisée sous le régime de la Loi et de ses
règlements d'application, et
e) elle a rajouté au revenu le montant fictif du loyer du siège
social qui avait également été majoré de la manière décrite
ci-haut...
Les déductions réclamées ont été refusées par
l'appelante, premièrement, au motif que les mon-
tants ainsi inscrits au titre du revenu ne consti-
tuaient pas un revenu de l'intimée mais des dépen-
ses d'exploitation faites par l'intimée pour le
compte de sa filiale et remboursées à l'intimée, et,
deuxièmement, au motif que, même en supposant
que les montants reçus par l'intimée de sa filiale
constituaient un revenu découlant de la vente de sa
capacité informatique excédentaire, ces montants
étaient un revenu provenant d'une entreprise de
l'intimée autre que son entreprise d'assurance-vie,
et les montants figurant au titre des dépenses
(dont 50 % du total étaient inscrites comme des
déductions) n'étaient pas déductibles suivant les
dispositions du paragraphe 209(2) de la Loi puis-
qu'ils avaient été dépensés dans le but de lui
procurer un revenu grâce à la vente de sa capacité
informatique excédentaire et non dans le but d'ex-
ploiter son «commerce d'assurance-vie».
À l'appui de son opinion que l'appel devait être
accueilli et que les cotisations d'impôt des années
en cause devaient être renvoyées devant le ministre
pour qu'il en fixe de nouvelles en tenant pour
acquis que les montants reçus de la filiale ne
réduisaient pas les dépenses déductibles en vertu
de la Partie XII de la Loi qu'avait engagées l'inti-
mée, le juge de première instance a pris les conclu
sions suivantes:
1. Les montants reçus par l'intimée de sa filiale à
titre de paiement pour sa capacité informatique
excédentaire ont été qualifiés à bon droit de
revenu de l'intimée; l'accord «aucun bénéfice/
aucune perte» mis en œuvre conformément à la
directive du surintendant des assurances n'était
pas pertinent à la question soulevée; la réduc-
tion de l'ensemble des coûts de l'intimée repré-
sentait pour elle un revenu ou un profit addi-
tionnel au sens commercial et, dans cette même
perspective, l'intimée s'attendait raisonnable-
ment à tirer un profit de l'accord, de sorte que
le revenu reçu de sa filiale pouvait à juste titre
être qualifié de revenu.
2. Les dépenses engagées par l'intimée pour
gagner ce revenu ont été engagées pour son
propre compte et non pour le compte de sa
filiale; presque toutes les dépenses qui compo-
saient la somme que la filiale devait payer
chaque année à l'intimée auraient été engagées
par l'intimée sans l'existence de l'accord qu'elle
avait conclu avec sa filiale et, en conséquence,
elles étaient engagées par l'intimée pour son
propre compte et non pour le compte de sa
filiale; rien dans la preuve n'indiquait [à la page
68]:
. que les salaires du personnel de la demanderesse auraient
été réduits, pas plus que le nombre de ses employés, si elle
n'avait pas conclu l'accord avec L.D.S. De même, il aurait fallu
verser la même somme pour assurer l'entretien et les répara-
tions du matériel informatique qui se serait déprécié de la
même façon. En fournissant à L.D.S. l'excédent de la capacité
informatique, la demanderesse lui a fait payer des frais annuels
calculés conformément aux lignes directrices du surintendant
des assurances et aux pourcentages de certains coûts de la
demanderesse alloués à titre de coût sous le régime de la Loi
sur les compagnies d'assurance canadiennes et britanniques.
La demanderesse a engagé ces dépenses pour son propre
compte et non pour le compte de L.D.S. En fait, le loyer et les
coûts d'amortissement qui ont été alloués et qui représentaient
la somme de 60 000 $ sur le montant total que L.D.S. devait
payer en 1976 n'ont aucunement été engagés par la demande-
resse et, en conséquence, ne sauraient être considérés comme
des dépenses remboursées parce que la demanderesse n'a pas
fait de débours, et qu'il n'y avait donc pas lieu à
remboursement.
3. Avec la précision du juge cette question était
celle lui ayant «causé le plus de difficultés», les
dépenses en cause étaient déductibles sous le
régime de l'alinéa 209(2)d) de la Loi parce
qu'elles avaient été engagées par l'intimée pour
son propre compte et non pour celui de sa
filiale, et qu'elles avaient pour objet l'exploita-
tion du commerce d'assurance de l'intimée; l'in-
timée avait besoin de sa capacité excédentaire
pour répondre aux demandes qui lui étaient
faites en période de pointe dans le cadre de ses
activités d'assurance-vie; la décision prononcée
par la Section de première instance dans l'af-
faire Excelsior (The) Life Insurance Co y The
Queen, [1985] 1 CTC 213; 85 DTC 5164 (C.F.
ire inst.) était applicable.
Comme, avec déférence, je suis en désaccord
avec le juge de première instance en ce qui con-
cerne le troisième point, il ne m'est pas nécessaire
de me prononcer sur les deux premiers. Je ne puis
souscrire à la prétention de l'intimée que les mon-
tants qu'elle a réclamés au titre des dépenses ont
été engagés dans l'exercice de ses activités d'assu-
rance-vie en ce qu'elles étaient associées au fonc-
tionnement de son ordinateur, dont la pleine capa-
cité, selon une conclusion du juge de première
instance, était nécessaire pour répondre aux
demandes faites en période de pointe. En réalité,
l'intimée a à la fois oeuvré dans l'assurance-vie et
pratiqué des activités liées à sa capacité informati-
que excédentaire. Mécontente de voir sa capacité
inexploitée à l'extérieur des périodes de pointe,
l'intimée a choisi de la rentabiliser de la manière
constatée par le juge de première instance. Ainsi, à
mon avis, l'intimée a-t-elle franchi la limite entre
son commerce d'assurance-vie et une entreprise
entièrement nouvelle et différente, une réalité qui
semble avoir été très bien comprise par l'intimée et
le surintendant des assurances si l'on se reporte à
l'accord [TRADUCTION] «aucun bénéfice, aucune
perte». A mon avis, les dépenses visées n'étaient
pas reliées au commerce d'assurance-vie mais à
cette nouvelle entreprise. La question soumise au
juge de première instance était une question de
droit, celle de savoir si les dépenses étaient «déduc-
tibles, en vertu de la Partie I, lors du calcul ...
[du] revenu que ... [l'intimée] a tiré, pour l'année,
de l'exploitation au Canada de son commerce d'as-
surance-vie» au sens du paragraphe 209(2) figu-
rant dans la Partie XII de la Loi. Selon moi, elles
ne l'étaient pas. En tirant cette conclusion, je ne
pouvais trouver aucun appui dans la décision
rendue par la Section de première instance dans
l'affaire Excelsior Life. Comme le soutient l'appe-
lante, cet arrêt a seulement décidé que les dépenses
d'administration applicables à des «fonds réservés»
étaient néanmoins engagées dans le but de gagner
ou de produire un revenu. La question précise qui
nous est soumise en l'espèce n'a pas été soulevée
pour être tranchée dans cette affaire.
En conséquence,
1. j'accueillerais en partie le premier appel, sans
adjuger de dépens, et je modifierais, en supprimant
son paragraphe 2, le jugement rendu le 28 juillet
1987 (n° de greffe A-847-87) que cet appel con-
teste; à tous autres égards, je confirmerais le juge-
ment déposé dans ce dossier;
2. j'accueillerais le second appel avec dépens à la
fois devant cette Cour et devant la Section de
première instance, et j'annulerais le jugement
rendu le 28 juillet 1987 (no de greffe A-846-87)
que cet appel conteste.
LE JUGE HEALD, J.C.A.: Je souscris à ces
motifs.
LE JUGE DESJARDINS, J.C.A.: Je souscris à ces
motifs.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.