T-1952-87
Karl Mueller Construction Ltd. (demanderesse)
c.
La Reine (défenderesse)
RÉPERTORIÉ: KARL MUELLER CONSTRUCTION LTD. C. CANADA
(1 1e INST.)
Section de première instance, juge Joyal—Edmon-
ton, 7 avril; Ottawa, 29 août 1989.
Couronne — Pratique — Prescription des actions — Une
action en responsabilité contractuelle et délictuelle est intentée
contre la Couronne relativement à des travaux de construction
de route ayant eu lieu dans les Territoires du Nord-Ouest —
Le contrat est interprété aux fins de préciser les faits qui sont
importants — Le fardeau d'établir la prescription incombe à
la partie qui l'allègue — Règle contra proferentum — La
cause d'action n'est née qu'après le dépôt du certificat définitif
d'achèvement de l'ingénieur; c'est alors que le refus de payer
de la défenderesse a constitué une rupture de contrat — La
demande de paiement antérieure et l'exercice par la Couronne
de son droit de retirer le contrat des mains de la demanderesse
sont sans conséquence à cet égard — L'art. 39 de la Loi sur la
Cour fédérale et l'art. 32 de la Loi sur la responsabilité de
l'État établissent une prescription de six ans en ce qui concerne
une cause d'action dont le fait générateur n'est pas survenu
dans une province, que la responsabilité visée soit d'ordre
contractuel ou délictuel — Les dispositions législatives alber-
taines régissant la prescription des actions ne sont pas applica-
bles puisque le fait générateur de l'action n'est pas survenu en
Alberta — L'ordonnance des Territoires du Nord-Ouest est
inapplicable puisque ceux-ci ne constituent pas une province.
Couronne — Contrats — L'action, fondée sur un contrat, est
intentée à l'égard de travaux impayés — Les travaux de
construction d'une route ont été retirés des mains de la deman-
deresse en octobre 1980 — Une demande formelle a été
déposée immédiatement — Le certificat définitif d'achèvement
n'a été déposé qu'en juin 1985 — L'action a été entamée en
1987 — L'action fondée sur le contrat n'est pas prescrite — Le
fait générateur d'action est survenu lors du dépôt du certificat
définitif d'achèvement, lorsque le refus de payer est devenu
une rupture de contrat donnant ouverture à une action — Une
demande fondée sur le contrat n'est qu'une demande fondée
sur la violation de l'engagement de faire des paiements —
L'exercice par la Couronne de son droit de retirer le contrat
des mains de la demanderesse ne constitue pas une rupture.
Couronne — Responsabilité délictuelle — Projets de cons
truction de routes — Le rejet de six soumissions peu élevées
qui a eu lieu sur une période de plusieurs années est-il
malicieux, empreint de négligence? — Il ne s'agit pas d'un
délit continu — Sauf celle concernant le projet de 1980, les
différentes demandes ont été présentées dans le délai applica
ble — La demande subsidiaire fondée sur la négligence et la
fausse représentation est prescrite.
Dans la présente espèce, des questions de droit doivent être
tranchées sur le fondement d'un exposé conjoint des faits. Ces
questions sont les suivantes: (1) l'action de la demanderesse
est-elle prescrite par l'application de dispositions législatives
provinciales ou fédérales? et (2) quelles dispositions législatives
lui sont applicables? Le 1C octobre 1980, des travaux prévus à
un contrat de construction de route ont été retirés des mains de
la demanderesse avant leur achèvement pour des motifs de
retard et de manque de diligence. Le contrat stipulait que, dans
de telles circonstances, l'ingénieur établirait le montant dû à
l'entrepreneur. La demanderesse a déposé une demande for-
melle le 15 octobre 1980. La défenderesse n'a déposé un
certificat définitif d'achèvement des travaux que le 24 juin
1985. Le 18 septembre 1987, la demanderesse a intenté une
action fondée sur le contrat qui alléguait des travaux impayés
ainsi qu'une action en responsabilité délictuelle demandant
l'adjudication de dommages-intérêts pour fausses représenta-
tions dans les appels d'offres et la négligence qui aurait été
démontrée dans l'administration du contrat. Elle réclame égale-
ment des dommages-intérêts pour le rejet malicieux, empreint
de négligence ou injuste de plusieurs des offres les moins
élevées qu'elle aurait présentées en 1980, 1983, 1985, 1986 et
1987. La Couronne a soutenu que, en vertu de l'article 4 de la
Limitation of Actions Act de l'Alberta, l'action fondée sur le
contrat était devenue prescrite six ans après sa rupture (c.-à-d.
en octobre 1986). La demanderesse a soutenu que le fait
générateur de sa demande n'est survenu qu'une fois déposé le
certificat définitif d'achèvement de l'ingénieur. La question
soulevée est celle de savoir si la rupture alléguée de l'obligation
de payer que faisait le contrat à la Couronne est survenue
lorsque celle-ci a retiré le contrat des mains de la demanderesse
ou à une date subséquente. La Couronne a également prétendu
que l'action délictuelle était analogue à l'action en discrédit de
titre—une variété de l'action en diffamation—et se trouvait
prescrite après l'écoulement de deux ans en vertu de l'article 51
de la Loi albertaine. La demanderesse a soutenu que les actions
posées par la Couronne relativement aux différents contrats
constituaient un délit continu. Subsidiairement, dans l'éventua-
lité où chaque rejet constituait une cause d'action distincte et
où la règle des six ans était applicable, seul le rejet survenu en
1980 était prescrit.
Jugement: l'action fondée sur le contrat n'est pas prescrite
sous le régime de la législation applicable-la Loi sur la Cour
fédérale ou la Loi sur la responsabilité de l'État. Sauf en ce
qui concerne la soumission relative au projet de construction de
1980, l'action en responsabilité délictuelle a également été
intentée en temps opportun. La demande subsidiaire fondée sur
la négligence et les fausses représentations est prescrite depuis
octobre 1986.
Une cause d'action prend naissance, aux fins de la prescrip
tion, lorsque les faits importants sur lesquels repose cette cause
ont été découverts. Aux fins de déterminer lesquels des faits
sont importants, la Cour doit scruter les diverses stipulations du
contrat en gardant à l'esprit que le fardeau d'établir la prescrip
tion est imposé à la partie qui l'allègue et que, le contrat ayant
été rédigé par la Couronne, l'interprétation qui en est choisie
doit être celle qui est la plus favorable à la demanderesse (la
règle contra proferentum). Le fait que le contrat ait été retiré
des mains de la demanderesse et que cette dernière ait immé-
diatement réclamé d'être payée à son égard n'a aucune consé-
quence juridique sur la naissance de la cause d'action. Une
demande fondée sur le contrat est une demande fondée sur
l'engagement d'effectuer les paiements conformément aux con
ditions qui s'y trouvent stipulées. L'exercice par Sa Majesté de
son droit de retirer le contrat des mains de l'entrepreneur ne
constituait pas en soi une rupture. La cause d'action fondée sur
le contrat n'a pris naissance qu'une fois que Sa Majesté a
refusé de payer lors du dépôt du certificat définitif d'achève-
ment. Un bon nombre des dispositions du contrat relèvent de
l'ingénieur, et, jusqu'à ce que le certificat définitif d'achève-
ment ait été délivré et que Sa Majesté ait refusé de payer, il n'a
existé aucune rupture de contrat donnant ouverture à une
action.
Les agissements de Sa Majesté ne constituent pas un délit
continu. Une série d'actes indépendants et séparés, qui ont
peut-être été posés par des personnes différentes à des moments
différents, et qui entraînent un préjudice d'un type particulier,
ne constituent pas un délit continu. La demande subsidiaire
fondée sur la négligence et les fausses représentations est
devenue prescrite en octobre 1986, mais les réclamations dis-
tinctes fondées sur la responsabilité délictuelle (sauf celle ayant
trait au projet de construction de route de 1980) ont été
présentées dans le délai applicable.
L'action a été intentée contre la Couronne fédérale, et la
Cour fédérale connaît de celle-ci de façon exclusive. L'article
39 de la Loi sur la Cour fédérale et l'article 32 de la Loi sur la
responsabilité de l'État prévoient que les règles de droit d'une
province en matière de prescription s'appliquent à toute ins
tance dont le fait générateur d'action est survenu dans cette
province, mais que le délai de prescription est de six ans à
compter du fait générateur lorsque celui-ci n'est pas survenu
dans une province. La Limitation of Actions Act de l'Alberta
n'est pas applicable puisque le fait générateur de l'action est
survenu dans les Territoires du Nord-Ouest. La Limitation of
Actions Ordinance des Territoires du Nord-Ouest n'est pas
applicable puisque les Territoires du Nord-Ouest ne constituent
pas une province. Sous le régime de la Loi sur la Cour fédérale
comme sous celui de la Loi sur la responsabilité de l'État, la
période de prescription est dé six ans, que l'action soit fondée
sur un contrat ou sur un délit.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Limitation of Actions Act, R.S.A. 1980, chap. L-15, art.
4, 51.
Limitation of Actions Ordinance, R.O.N.W.T. 1974,
chap. L-6, art. 3.
Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), chap. F-7, art.
39.
Loi sur la responsabilité de l'État, L.R.C. (1985), chap.
C-50, art. 32.
Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règle
474.
JURISPRUDENCE
DÉCISION APPLIQUÉE:
Rittinger Construction Ltd. v. Clark Roofing (Sask.) Ltd.
(1967), 65 D.L.R. (2d) 158 (B.R. Sask.); confirmée par
(1968), 68 D.L.R. (2d) 670 (C.A. Sask.).
DÉCISIONS EXAMINÉES:
Kamloops (ville de) c. Nielsen et autres, [1984] 2 R.C.S.
2; Central Trust Co. c. Rafuse, [1986] 2 R.C.S. 147.
DÉCISIONS CITÉES:
Mott v. Trott, [1943] R.C.S. 256; McBride v. Vacher &
Vacher, [1951] 2 D.L.R. 274 (C.A. Ont.); Power v.
Halley (1981), 124 D.L.R. (3d) 350 (C.A.T.-N.).
DOCTRINE
Fleming, John G. The Law of Torts, 7 0 éd. Sydney: Law
Book Company, 1987.
Halsbury's Laws of England, 4 ° éd. Londres: Butter-
worths, 1987.
Heuston, R. F. V. et Buckley R.A. Salmond et Heuston,
The Law of Torts, 19 ° éd. Londres: Sweet & Maxwell,
1977.
Linden, Allen M. Canadian Tort Law, 4 0 éd. Toronto:
Butterworths, 1988.
AVOCATS:
Bruce E. Mintz pour la demanderesse.
Kirk Lambrecht pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Lefsrud, Coulter & Kerby, Edmonton, pour la
demanderesse.
Le sous-procureur général du Canada pour la
défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE JOYAL: Le 18 septembre 1987, la
demanderesse a déposé à cette Cour une déclara-
tion dans laquelle elle réclamait des dommages-
intérêts sous plusieurs chefs contre la Couronne
défenderesse.
La demande découle d'un contrat de construc
tion de route qui a été adjugé à la demanderesse
par le ministère des Travaux publics le 10 janvier
1979 et qui se rapportait au projet de la route
Liard des Territoires du Nord-Ouest. Au cours de
l'exécution de ce contrat, l'ouvrage a été retiré des
mains de la demanderesse pour des motifs de
retard et de manque de diligence. La demande-
resse soutient que cette mesure était injustifiée et
que la faute en cause était imputable à l'État, qui
avait fait de fausses représentations et s'était
montré négligeant en ce qui concernait la nature
de l'ouvrage à accomplir. La demanderesse
réclame un montant de quelque 500 000 $ pour le
travail à l'égard duquel elle n'a pas été rémunérée
et à titre de dommages-intérêts.
De plus, la demanderesse soutient que, ayant
déposé plusieurs fois l'offre la plus basse relative-
ment à d'autres travaux de construction routière
au cours de la période allant de 1980 à 1987, elle a
vu ses offres rejetées de façon malicieuse, capri-
cieuse, négligente ou injuste par la défenderesse.
La demanderesse réclame à cet égard des domma-
ges-intérêts généraux de 300 000 $ et des domma-
ges punitifs de 100 000 $.
Dans sa défense, la Couronne allègue, entre
autres, que la cause d'action fondée sur le contrat
comme la cause d'action délictuelle sont prescrites
par le jeu des articles 4 et 51 de la Limitation of
Actions Act, R.S.A. 1980, chap. L-15. L'article 4
prévoit une prescription de six ans à l'égard d'une
action en responsabilité contractuelle tandis que
l'article 51 attache une prescription de deux ans
aux actions en responsabilité délictuelle.
Subséquemment, les parties ont convenu de sou-
mettre la question de la prescription à cette Cour
pour qu'elle la tranche conformément à la Règle
474 des Règles de la Cour fédérale [C.R.C., chap.
663]. Les parties se sont entendues sur un exposé
des faits, et elles ont énoncé la question de droit de
la manière suivante:
L'action de la demanderesse est-elle prescrite en
tout ou en partie par l'application de l'une des
lois suivantes ou de toutes les lois suivantes:
(a) la Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985),
chap. F-7, article 39;
(b) Limitation of Actions Act, R.S.A. 1980,
chap. L-15, articles 4 et 51;
(c) Limitation of Actions Ordinance,
R.O.N.W.T. 1974, chap. L-6, article 3; et
(d) la Loi sur la responsabilité de l'État,
L.R.C. (1985), chap. C-50, article 32?
LES FAITS
Le contrat conclu entre la demanderesse et Sa
Majesté concernait un tronçon de trois milles de la
route Liard des Territoires du Nord-Ouest. La
demanderesse a oeuvré à l'exécution du contrat à
partir du 10 janvier 1979, la date à laquelle il lui a
été adjugé, jusqu'au ler octobre 1980, la date à
laquelle l'ouvrage lui a été retiré des mains en
vertu de la clause numéro 16 des Conditions Géné-
rales «C» du contrat. Dans cette clause, Sa Majesté
se réserve le droit de prendre charge d'un contrat
lorsqu'il existe un retard, un défaut ou un manque
de diligence et qu'il n'y est pas remédié après
l'écoulement d'un certain délai de préavis. Après
avoir prévu l'adoption d'une telle mesure par Sa
Majesté, la clause numéro 16 poursuit:
16....
(2) Lorsque la totalité ou quelque partie des travaux a été
retirée des mains de l'Entrepreneur en vertu du paragraphe (1),
l'Entrepreneur n'aura droit, sauf dispositions du paragraphe
(3), à aucun autre paiement, y compris les paiements alors dus
et exigibles mais non effectués; l'obligation de Sa Majesté de
faire des paiements, aux termes des Modalités de paiement,
cessera dès lors et l'Entrepreneur sera tenu de payer et paiera à
sa Majesté, sur mise en demeure, un montant égal à la totalité
des pertes et dommages que Sa Majesté aura subis en raison du
non-achèvement des travaux par l'Entrepreneur.
(3) Lorsque la totalité ou quelque partie des travaux a été
retirée des mains de l'Entrepreneur en vertu du paragraphe (1),
et que l'achèvement en a été assuré plus tard par Sa Majesté,
l'Ingénieur doit établir le montant, s'il en est, de la retenue et
des demandes de paiement sur évaluation provisoire de l'Entre-
preneur, qui étaient impayées au moment où les travaux ont été
retirés de ses mains, dont, selon l'Ingénieur, Sa Majesté n'a pas
besoin aux fins du contrat et le Ministre doit, s'il est d'avis que
Sa Majesté n'en subira pas de préjudice financier, autoriser le
paiement dudit montant à l'Entrepreneur.
La clause numéro 17 prévoit pour sa part que:
17.(1) Le retrait de la totalité ou d'une partie des travaux des
mains de l'Entrepreneur, en conformité de l'article 16 des
Conditions générales, n'a pas pour effet de libérer l'Entrepre-
neur d'une obligation quelconque en vertu du contrat ou que la
loi lui impose, si ce n'est de l'obligation d'achever l'exécution
matérielle de la partie des travaux ainsi retirée de ses mains.
Le 15 octobre 1980, la demanderesse a présenté
une demande formelle au montant de 575 000 $ à
la défenderesse. Quelques mois plus tard, le 31
janvier 1981, la demanderesse a déposé une
demande complémentaire au montant de 67 000 $.
Entre 1981 et 1985, la demanderesse a tenté
sans succès d'obtenir le paiement des sommes qui
précèdent de la défenderesse.
Ce n'est que le 24 juin 1985 que la défenderesse
a déposé un certificat définitif d'achèvement du
contrat. Ensuite, le 29 octobre 1985, la défende-
resse a offert un montant de 19 090,06 $ à la
demanderesse en paiement final des sommes dues
en vertu du contrat. Cette offre n'a pas été accep-
tée par la demanderesse, qui, quelque deux ans
plus tard, le 18 septembre 1987, a intenté son
action fondée sur le contrat. À cette action a
évidemment été jointe l'action en responsabilité
délictuelle que j'ai déjà mentionnée. Les prescrip-
tions applicables aux contrats et aux délits ris-
quant d'être différentes, j'examinerai cette der-
nière action séparément un peu plus loin.
L'ACTION FONDÉE SUR LE CONTRAT
I. La position de Sa Majesté
Sa Majesté prétend que la demande de la
demanderesse peut être divisée en trois parties. Il y
a l'action relative au contrat qui a été retiré des
mains de la demanderesse le 1 e ' octobre 1980 et
sur lequel est fondée une demande de dommages-
intérêts alléguant que ce contrat a été rompu, que
les documents de l'offre étaient entachés de fausses
représentations et que l'administration de ce con-
trat a été faite avec négligence. Sa Majesté sou-
tient que, dans l'hypothèse où il y aurait eu rup
ture du contrat, les prescriptions auraient
commencé à courir à la date même de cette rup
ture et l'action serait devenue prescrite quelque six
ans plus tard, soit vers octobre 1986.
Sa Majesté reconnaît toutefois que la seconde
demande fondée sur le contrat, qui procède du
litige relatif à l'appréciation finale par Sa Majesté
des sommes d'argent dues en vertu de son certifi-
cat final d'achèvement en date du 24 juin 1985,
n'est pas prescrite.
II. La position de la demanderesse concernant le
contrat
Le point de vue de la demanderesse est fondé
avant tout sur la nature du contrat conclu par Sa
Majesté et sur les différentes stipulations de
celui-ci ayant trait à la méthode de calcul et au
paiement des coûts qui s'y rapportent.
La demanderesse affirme que le contrat stipulait
un prix unitaire mettant en jeu à la fois les quanti-
tés visées et les différentes conditions de sol. Une
erreur de calcul commise par Sa Majesté à cet
égard serait à l'origine des dépassements de coûts
considérables de la demanderesse qui ont donné
lieu à une action de type quantum meruit. Les
conditions du paiement de cet ouvrage à prix
unitaire sont établies à l'article II des articles de
Convention. L'évaluation du montant du paiement
lui-même est fondée sur une formule qui prévoit
des additions ou des modifications ou l'application
de l'article 46 des Conditions Générales «C». La
clause numéro 2 de cet article énonce une formule
détaillée servant à déterminer tout montant dû; à
l'analyse, cette formule n'applique ni plus ni moins
que le principe du quantum meruit.
La demanderesse souligne également que l'ingé-
nieur nommé en vertu du contrat est investi d'un
pouvoir discrétionnaire en ce qui concerne les
mesures à prendre face aux changements dans les
conditions du sol et en ce qui concerne l'apprécia-
tion des demandes relatives aux extras; selon la
demanderesse, l'ingénieur doit ainsi s'assurer que
le [TRADUCTION] «fardeau résultant d'une aug
mentation importante des coûts ne soit pas imposé
à l'entrepreneur».
Selon l'interprétation que fait la demanderesse
des liens contractuels existant entre les parties, ses
demandes du 15 octobre 1980 et du 31 janvier
1981 sont demeurées impayées et en suspens jus-
qu'à ce que le certificat final d'achèvement de
l'ingénieur soit déposé le 24 juin 1985. Ce certifi-
cat déclare:
[TRADUCTION] Prix unitaires révisés établis par l'ingénieur
pour permettre un règlement équitable et raisonnable entre les
parties conformément à l'article II(2)(e) de la Convention.
La demanderesse conclut que les dépassements
de coûts reliés au contrat se trouvent déterminés
conformément au principe du quantum meruit
suivant l'appréciation de l'ingénieur. Lorsqu'il
exerce le pouvoir qu'il détient à cet égard, l'ingé-
nieur doit décider quelles obligations sont imposées
quoi qu'il en soit à l'entrepreneur en vertu du
contrat et déterminer la nature et la mesure des
conditions du sol qui entraînent une augmentation
importante des coûts de l'entrepreneur.
En conséquence, la demande de la demanderesse
ne peut naître avant que le certificat définitif
d'achèvement n'ait été déposé par l'ingénieur.
C'est à ce moment-là que la demande de la deman-
deresse se crystallise et que la cause d'action prend
naissance. Finalement, ce n'est qu'alors que le
défaut de payer de Sa Majesté devient une rupture
de contrat donnant ouverture à une action en
justice.
LES CONCLUSIONS RELATIVES À L'ACTION
FONDÉE SUR LE CONTRAT
La règle de base déterminant le commencement
du délai de prescription applicable à toute cause
d'action a été énoncée dans l'arrêt Kamloops (ville
de) c. Nielsen et autres, [1984] 2 R.C.S. 2, et
répétée par le juge Le Dain dans l'arrêt Central
Trust Co. c. Rafuse, [1986] 2 R.C.S. 147, lorsqu'il
a dit à la page 224:
Je suis donc d'avis que le jugement de la Cour à la majorité
dans l'affaire Kamloops pose une règle générale selon laquelle
une cause d'action prend naissance, aux fins de la prescription,
lorsque les faits importants sur lesquels repose cette cause
d'action ont été découverts par le demandeur ou auraient dû
l'être s'il avait fait preuve de diligence raisonnable; ...
Le libellé de cette règle générale est assez
simple. Son application est toutefois plus difficile,
puisqu'elle exige de la Cour qu'elle décide lesquels
parmi les faits sont suffisamment importants pour
que le délai de prescription applicable commence à
courir.
De façon générale, dans les affaires mettant en
jeu un contrat, il a été décidé que la prescription
commençait à courir à partir de la rupture de
contrat. Les arrêts Mott v. Trott, [1943] R.C.S.
256; McBride v. Vacher & Vacher, [1951] 2
D.L.R. 274 (C.A. Ont.); Power v. Halley (1981),
124 D.L.R. (3d) 350 (C.A.T.-N.), confirment tous
cette proposition. La question soulevée devant moi
est donc celle de savoir si la violation par Sa
Majesté de l'obligation de payer que lui faisait le
contrat est survenue au moment où Sa Majesté a
unilatéralement retiré le contrat des mains de la
demanderesse pour ensuite omettre de satisfaire
aux demandes de paiement présentées au cours des
années 1980 1985, ou si la rupture du contrat
pour défaut de payer est survenue à une date
subséquente.
Pour quiconque est familier avec les contrats de
construction auxquels Sa Majesté est partie, il va
sans dire que leurs stipulations et conditions ont
été élaborées en s'ajoutant les unes aux autres
pièce à pièce pendant de nombreuses années et
n'ont pas toujours un sens clair ou une cohérence
évidente.
Les articles de convention déposés au dossier
comportent six pages imprimées en petits caractè-
res. Ce document est suivi de l'annexe «B», qui
s'intitule «modalités de paiement» et comprend
quatre pages imprimées en petits caractères. Ces
documents sont suivis des Conditions Générales
«C», qui comportent 48 articles s'étendant sur 18
pages, également imprimées en petits caractères. Il
existe également d'autres appendices ayant trait à
la Catégorie de travail, d'outillage et de maté-
riaux, à la Quantité estimative et au prix unitaire,
ainsi qu'aux Conditions de travail et à la Classifi
cation de la main d'oeuvre, y compris les taux de
rémunération applicables à 67 différents corps de
métiers ou occupations. J'ajouterais que toutes les
stipulations de fond de ces documents contractuels
se trouvent rédigées ou imprimées par Sa Majesté.
Elles constituent ce que le droit civil appelle des
«contrats d'adhésion», et la règle contra proferen-
tum (contre le rédacteur) joue en faveur de la
demanderesse.
Quoi qu'il en soit, il incombe à la Cour de
scruter les diverses stipulations interactives de tels
contrats en gardant à l'esprit deux préceptes fon-
damentaux, qui veulent que le fardeau d'établir
l'effet d'une prescription soit imposé à la partie qui
l'allègue et que, dans le cas où cette démonstration
implique l'interprétation de certaines stipulations
ambiguës des documents contractuels eux-mêmes,
l'interprétation choisie, pour les motifs énoncés
ci-haut, doive être celle qui est la plus favorable à
la demanderesse.
Par exemple, dans l'arrêt Rittinger Construction
Ltd. v. Clark Roofing (Sask.) Ltd. (1967), 65
D.L.R. (2d) 158 (B.R. Sask.); confirmé par
(1968), 68 D.L.R. (2d) 670 (C.A. Sask.), la Cour
se trouvait confrontée à un problème d'interpréta-
tion de contrat dont la solution devait déterminer
le début du délai de la prescription. Ce contrat, qui
prévoyait la construction d'un toit, stipulait que
l'entrepreneur corrigerait les défauts de celui-ci
dans l'année de son achèvement. Des défauts se
sont manifestés, et les efforts qui ont été entrepris
afin d'y remédier pendant les quatre années qui
ont suivi se sont avérés vains. La prescription de
six ans a été soulevée, mais la Cour a conclu que le
délai n'avait pas commencé à courir à partir de la
date de l'achèvement mais à compter de la der-
nière tentative de remédier aux défauts constatés
ou, à tout le moins, à partir d'une année à compter
de la date à laquelle le contrat avait été effective-
ment achevé.
Les stipulations suivantes des documents con-
tractuels qui me sont soumis valent d'être
soulignées:
(1) en vertu de la clause numéro 6 des Modali-
tés de paiement «B», le retard par Sa Majesté à
faire un paiement lorsqu'il devient dû et exigible
«est censé ne pas être une rupture du contrat»;
(2) lorsque la clause numéro 4 des Modalités de
paiement «B» est combinée au paragraphe 16(3)
des Conditions Générales «C», Sa Majesté ne
devient légalement tenue au paiement des mon-
tants impayés qui sont dus à la demanderesse
qu'à l'expiration de 60 jours suivant la déli-
vrance d'un certificat définitif d'achèvement;
(3) en vertu de la clause numéro 5 des Modali-
tés de paiement «B», une clause qui reflète la
formule du report de paiement prévue à la
clause numéro 4, ni un rapport sur l'état des
travaux ni un paiement effectué par Sa Majesté
ne doivent être interprétés comme une preuve
que les travaux et les matériaux sont, en tout ou
en partie, complets, satisfaisants ou conformes
au contrat.
Mon interprétation de ces clauses, qui ne tient
pas compte de la question de savoir si elles ont été
insérées dans le contrat par Sa Majesté aux fins
d'accorder des périodes de prescription généreuses
aux entrepreneurs insatisfaits—ce dont je doute
fort—est qu'elles prévoient qu'une cause d'action
fondée sur un défaut de respecter l'engagement de
payer ne peut prendre naissance avant que Sa
Majesté ne soit juridiquement obligée de payer la
demanderesse mais refuse de le faire. À mon sens,
le fait que le contrat ait été retiré des mains de la
demanderesse et que cette dernière ait immédiate-
ment réclamé d'être payée à son égard n'aurait
aucune conséquence juridique sur le report de la
cause d'action de la demanderesse. Dans l'hypo-
thèse où la demanderesse aurait agi dès que le
contrat a été retiré de ses mains, Sa Majesté, en se
fondant sur ces mêmes stipulations, aurait pu sou-
tenir que les paiements n'étaient pas encore dus
aux termes du contrat.
À mon point de vue, une demande fondée sur ce
contrat est une demande fondée sur la violation
par Sa Majesté de son engagement de faire ses
paiements conformément aux conditions qui s'y
trouvent stipulées. L'exercice par Sa Majesté de
son droit de retirer le contrat des mains de l'entre-
preneur en vertu de la clause numéro 16 des
Conditions Générales «C» ne me semble pas en soi
constituer une rupture. En fait, la clause numéro
17 stipule que, dans un tel cas, la demanderesse
demeure contractuellement liée par toutes les con
ditions et obligations stipulées à l'exception de
celles voulant qu'il achève la partie des travaux qui
a été retirée de ses mains.
Je dois observer qu'il me serait difficile de con-
clure qu'un contrat pris en charge, d'une part,
subsiste aux fins d'obliger une partie à satisfaire à
ses obligations, mais, d'autre part, ne survit pas
dans les engagements qu'il prévoit à l'égard du
paiement.
Je dois donc souscrire au point de vue de la
demanderesse voulant que la cause d'action fondée
sur le contrat ne prenne naissance qu'une fois que
Sa Majesté a refusé de payer lors du dépôt du
certificat définitif d'achèvement. Ce n'est qu'à
partir de cette date que la demanderesse est cer-
taine que Sa Majesté refuse effectivement de lui
payer ce que la demanderesse considère être son
dû et que Sa Majesté, en conséquence, a rompu le
contrat. En raison de la nature du contrat, bon
nombre de ses autres dispositions (parmi lesquelles
figurent celles qui ont trait à l'appréciation de ce
qui constitue une quantité conforme aux exigences
du contrat et à la fixation des prix unitaires paya-
bles en fonction de la nature des conditions de sol
prévues, ou, de façon générale, la question de
savoir quels dépassements de coûts doivent être
imputés à la demanderesse et quels dépassements
de coûts doivent être imputés à Sa Majesté) relè-
vent de l'ingénieur en vertu de la clause 34 et de la
clause 12 des Conditions Générales «C» ou en vertu
de paragraphe (2) de l'Article II des Articles de
convention. Jusqu'à ce que toutes ces questions
aient été réglées (de manière à permettre la déli-
vrance d'un certificat définitif d'achèvement) et
que Sa Majesté ait refusé de payer, il n'existe
aucune rupture de contrat donnant ouverture à
une action. En conséquence, si l'on présume que la
prescription applicable est de six ans, la demande
présentée par la demanderesse sous ce chef n'est
pas prescrite.
Il est vrai que la demanderésse présente sous le
même chef une demande subsidiaire qui, par ses
allégations voulant que Sa Majesté ait fait montre
de négligence ou ait fait de fausses représentations,
présente les caractéristiques d'une action fondée
sur un délit. Dans un tel cas, une prescription
différente pourrait s'appliquer et il pourrait être
soutenu que les faits importants sur lesquels repose
la présente demande ont été connus de la deman-
deresse dès 1980. L'avocat de la demanderesse
reconnaît que la déclaration peut devoir être modi-
fiée aux fins de mieux clarifier ces deux causes
d'action. Considérant la_ souplesse qui caractérise
la modification des actes de procédure, je devrais
laisser l'initiative en cette matière à l'avocat de la
demanderesse et confier le soin de décider de cette
question au juge qui présidera le procès.
L'ACTION DÉLICTUELLE
I. La position de Sa Majesté
L'avocat de Sa Majesté considère la présente
action comme analogue à l'action en discrédit de
titre. Cette dernière est une variété de l'action en
diffamation. L'avocat de Sa Majesté soutient
qu'une telle action est régie par la prescription de
deux ans, et donc que toute demande relative à un
préjudice survenu avant le 18 septembre 1985 est
prescrite.
II. La position de la demanderesse
Comme le dit l'exposé conjoint des faits, des
offres peu élevées ont été soumises par la deman-
deresse relativement à divers projets de Sa Majesté
au cours des années 1980, 1983, 1985, 1986 et
1987. Six offres au total ont été rejetées par Sa
Majesté, et la demanderesse considère ce compor-
tement comme malicieux, non fondé, capricieux,
empreint de négligence et injuste. La demande-
resse réclame un montant total de 565,000 $ au
titre de la perte des profits qu'elle aurait réalisés
grâce à ces contrats.
La demanderesse soutient que ces événements,
qui se situent entre 1980 et 1987, se sont déroulés
de façon continue. Subsidiairement, dans l'éven-
tualité où chaque rejet constitue une cause d'action
distincte, seul le rejet survenu en 1980 serait pres-
crit s'il était décidé que la règle des six ans est
applicable.
LES CONCLUSIONS RELATIVES À L'ACTION DÉLIC-
TUELLE
Il n'est pas facile de déterminer si les actes posés
par Sa Majesté à l'égard de tous ces contrats
constituent un délit continu ou une cause d'action
continue. Les auteurs Fleming, dans The Law of
Torts, Salmond et Heuston, dans The Law of
Torts ou Linden, dans Canadian Tort Law et
l'ouvrage Halbury's Laws of England ne semblent
pas définir ce qui constitue un délit continu ou, à
tout le moins, ne sembleraient pas mentionner
d'affaire comportant des faits aussi singuliers et
aussi particuliers que ceux de l'espèce.
L'on pourrait dire qu'un demandeur subissant
un premier rejet n'en attribue pas nécessairement
la cause à un délit. Cette possibilité pourrait même
ne pas lui venir à l'esprit lors d'un second rejet. Il
est donc nécessaire qu'une certaine période se soit
écoulée pour que l'accumulation des rejets four-
nisse les faits importants sur lesquels pourrait
reposer une demande fondée sur un délit. Dans un
tel cas, les différents rejets pourraient conduire à
une conclusion qu'il existe un délit continu.
D'autre part, d'aucuns pourraient soutenir que,
pour pouvoir être considéré comme continu, un
délit doit provenir d'une conduite entraînant un
préjudice ou des conséquences qui se poursuivent
sur une certaine période. L'élément qui est néces-
saire n'est donc pas la répétition du délit lui-même
mais les conséquences qui découlent de ce délit ou
se poursuivent par le fait d'une volonté arrêtée ou
en raison des circonstances. Tel pourrait être le cas
d'une intrusion continue.
Je dois conclure que les agissements de Sa
Majesté ne peuvent s'interpréter comme consti-
tuant un délit continu. Une série d'actes indépen-
dants ou séparés, qui ont peut-être été posés par
des personnes différentes à des moments différents,
et qui entraînent un préjudice d'un type particu-
lier, ne peuvent être qualifiés de délit continu.
Illustrons notre propos par un exemple. Si un
pamphlet diffamatoire était rédigé et distribué par
une personne, et que certains extraits de ce pamp
hlet étaient par la suite publiés par une revue ou
un journal, il y aurait peut-être délit continu don-
nant lieu à une seule cause d'action. Toutefois,
dans l'hypothèse où une série de pamphlets diffa-
matoires différents seraient rédigés et distribués
par différentes personnes à plusieurs dates diffé-
rentes, la responsabilité reliée à ces actes devrait
être considérée cas par cas et non dans le cadre
d'une seule cause d'action.
Qui plus est, sur le fondement de l'exposé con
joint des faits, je suis malheureusement incapable
d'ajouter quoi que ce soit à ce sujet. Si, dans une
action délictuelle normale, ainsi qu'il est déclaré
dans l'arrêt Kamloops (susmentionné), une cause
d'action prend naissance, aux fins de la prescrip-
tion, lorsque les faits importants sur lesquels
repose cette cause d'action ont été ou auraient dû
être découverts par le demandeur, je ne dispose
d'aucune preuve me permettant de tirer une con
clusion concernant cette question. Je dois laisser
aussi ce point à l'appréciation du juge du procès.
Toutefois, comme on le verra, même en adoptant
le scénario le plus favorable à Sa Majesté, la
plupart des demandes distinctes, sinon toutes ces
demandes, pourraient encore être présentées dans
le délai de prescription fixé.
LA LOI APPLICABLE
Il a été demandé à la Cour de trancher le point
de droit consistant à savoir quelle loi sur la pres
cription s'applique à la présente espèce. Elle doit à
présent étudier cette question.
Les actes de procédure mentionnent quatre lois,
savoir la Loi sur la Cour fédérale, la Loi sur la
responsabilité de l'État, la Limitation of Actions
Act de l'Alberta et la Limitation of Actions Ordi
nance des Territoires du Nord-Ouest.
Il est un fait que l'action intentée par la deman-
deresse a pour défenderesse la Couronne fédérale
et que la Cour fédérale du Canada connaît de
celle-ci de façon exclusive. Il est également avéré
que la demanderesse est constituée en société dans
les Territoires du Nord-Ouest et que l'exécution
du contrat avait lieu dans ce ressort. Le fait addi-
tionnel que l'action a été intentée au greffe d'Ed-
monton n'est toutefois pas pertinent, à mon sens, à
une décision à laquelle les lois qui précèdent sont
applicables.
Les prescriptions régissant les instances se
déroulant devant la Cour fédérale sont prévues à
l'article 39 de la Loi sur la Cour fédérale, qui est
ainsi libellé:
39. (1) Sauf disposition contraire d'une autre loi, les règles
de droit en matière de prescription qui, dans une province,
régissent les rapports entre particuliers s'appliquent à toute
instance devant la Cour dont le fait générateur est survenu dans
cette province.
(2) Le délai de prescription est de six ans à compter du fait
générateur lorsque celui-ci n'est pas survenu dans une province.
(3) Sauf disposition contraire d'une autre loi, les règles de
droit en matière de prescription visées aux paragraphes (1) et
(2) s'appliquent à toutes les procédures engagées par ou contre
la Couronne.
Je note que, selon les termes de la disposition
qui précède, les règles de prescription d'une pro
vince s'appliquent de façon générale à tout fait
générateur d'action qui y est survenu. Il découle
toutefois de cette disposition que, dans le cas où
aucune autre loi fédérale ne prévoit de prescription
et où le fait générateur d'une action survient ail-
leurs que dans une province canadienne, une pres
cription de six ans est applicable.
Une semblable disposition prescriptive figure
dans la Loi sur la responsabilité de l'État. Le
paragraphe 32(1) de celle-ci est ainsi libellé:
32. (1) Sauf disposition contraire de la présente loi, les
règles de droit en matière de prescription qui, dans une pro
vince, régissent les rapports entre particuliers s'appliquent aux
poursuites exercées contre l'État sous le régime de la présente
loi pour tout fait générateur survenu dans la province. Lorsque
ce dernier survient ailleurs que dans une province, la procédure
se prescrit par six ans.
La concordance entre cette disposition et celle
figurant dans la Loi sur la Cour fédérale est
évidente. Toutes deux appliquent la règle de la
prescription de six ans dès qu'un fait générateur
d'action survient ailleurs que dans une province.
En procédant par élimination, il semblerait que
la Limitation of Actions Act de l'Alberta ne puisse
s'appliquer puisque le fait générateur d'action est
survenu ailleurs qu'en Alberta. La Limitation of
Actions Ordinance des Territoires du Nord-Ouest
n'est pas applicable lorsque Sa Majesté est concer-
née puisque les Territoires du Nord-Ouest ne se
trouvent pas, à tout le moins à l'heure actuelle,
constituer une province. Il s'ensuit que la période
de prescription de l'action dont je suis saisi serait
déterminée par une règle de droit fédérale, édictée
soit en vertu de la Loi sur la Cour fédérale soit en
vertu de la Loi sur la responsabilité de l'État.
Cette prescription est de six ans, que l'action soit
fondée sur un contrat ou soit fondée sur un délit. Il
résulte également de cet état de fait que la ques
tion de savoir si l'action délictuelle de la demande-
resse est une action en dépréciation, en libelle, en
diffamation ou autre est sans importance: la règle
des six ans réagit cette action.
En conséquence, aux questions qui ont été
posées, je dois répondre que l'action de la deman-
deresse fondée sur le contrat n'est pas prescrite en
vertu des dispositions de la Loi sur la Cour fédé-
rale ou de la Loi sur la responsabilité de l'État.
L'action délictuelle de la demanderesse est égale-
ment présentée dans le délai, sauf en ce qui
regarde le refus de Sa Majesté d'accepter la sou-
mission peu élevée présentée par la demanderesse
à l'égard de la construction d'un autre tronçon de
la route Liard en 1980. Pour les motifs déjà énon-
cés, c'est au juge instruisant le procès qu'il devrait
revenir de statuer sur ce chef de la demande. Quoi
qu'il en soit, cette question est une question mixte
de fait et de droit qui ne devrait pas être tranchée
sous le régime de la Règle 474.
Je devrais également conclure que, libellée
comme elle l'est dans les actes de procédure, la
demande subsidiaire de la demanderesse alléguant
la négligence et les fausses représentations est
prescrite à compter du ler octobre 1986.
Les frais et dépens afférents à la présente procé-
dure devraient suivre l'issue du litige.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.