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T-777-87
Labrador Offshore Shipping Company Limited (demanderesse)
c.
Sa Majesté la Reine (défenderesse)
RÉPERTORIÉ: LABRADOR OFFSHORE SHIPPING CO. C. CANADA (1" INST.)
Section de première instance, juge Martin—Hali- fax, 13 décembre 1989; Ottawa, 11 janvier 1990.
Impôt sur le revenu Calcul du revenu Crédit d'impôt à l'investissement Sens de bien acquis «pour être utilisé principalement en ... Nouvelle-Écosse» prévu à l'art. 127(9)a.1) de la Loi de l'impôt sur le revenu La demande- resse a acquis un navire de soutien de plongée qu'elle a donné en location à Petro -Canada Bail exécuté en Nouvelle- Écosse Navire exploité au large des côtes de l'Est du Canada Il a été convenu que le navire n'a pas été utilisé pour l'exploration et le forage en Nouvelle-Écosse L'art. 127(9)a.1) envisage l'utilisation physique du bien Le bail ne constitue pas une utilisation du bien par le propriétaire Navire utilisé par le locataire But de la Loi.
Il s'agissait d'un appel formé contre la décision rendue par le ministre au sujet du crédit d'impôt à l'investissement rembour- sable de la demanderesse relativement à son navire de soutien de plongée conçu pour le forage et l'exploration en vue de la découverte de pétrole et de gaz au large des côtes. La définition de crédit d'impôt à l'investissement prévue à l'alinéa 127(9)a.1) de la Loi de l'impôt sur le revenu exige l'acquisition d'un bien admissible «pour l'utiliser principalement en ... Nouvelle- Écosse». La demanderesse a donné le navire en location à Petro -Canada pour une période de quatre ans aussitôt après sa construction. Sauf pendant les quelques mois il a été exploité au large des côtes de l'Afrique orientale, le navire a été utilisé au large des côtes de l'Est du Canada jusqu'en décembre 1986. L'équipage du navire provenait des Provinces maritimes, et les réparations ont été effectuées dans ces provinces. Il a été convenu que le navire constituait un «bien admissible» au sens des alinéas 127(10)b) et d), qui exigent qu'on puisse raisonna- blement s'attendre à ce que le navire soit utilisé eau Canada», et que le navire n'avait pas été utilisé en Nouvelle-Écosse. La demanderesse a soutenu que le fait de donner le navire en location à Petro -Canada, lequel bail a été exécuté en Nouvelle- Écosse, constituait une utilisation du navire par la demande- resse en Nouvelle-Écosse. La question était de savoir si la demanderesse a acquis le navire pour l'utiliser principalement en Nouvelle-Écosse, au sens de l'alinéa 127(9)a.1). La deman- deresse a allégué qu'il y avait deux sens possibles aux disposi tions relatives au crédit d'impôt à l'investissement et qu'il fallait appliquer celui qui lui était le plus favorable.
Jugement: l'appel doit être rejeté.
La faiblesse grave de l'argument de la demanderesse est qu'il était fondé sur l'hypothèse selon laquelle l'expression «bien admissible acquis principalement pour être utilisé en Nouvelle- Écosse» n'est pas claire. L'utilisation envisagée à l'alinéa 127(9)a.1) est l'utilisation physique du bien. Cela ne comprend pas la location du navire par la demanderesse. La location d'un bien ou d'un navire accorde l'utilisation du bien au locataire.
En louant le bien, le propriétaire renonce à son utilisation. Ce n'est pas le locateur mais le locataire qui a utilisé le navire. Les mesures législatives concernant le crédit d'impôt à l'investisse- ment visait à accorder des avantages aux régions la reprise économique se fait lentement et règne un taux de chômage élevé. Comme le navire n'a pas été utilisé en Nouvelle-Écosse, ou dans une autre région mentionnée à l'alinéa 127(9)a.1), la demanderesse n'avait pas le droit de se prévaloir des avantages de cet alinéa.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, chap. 63, art. 127(9)a.1) (mod. par S.C. 1977-78, chap. 1, art. 61), (10) (mod. par S.C. 1974-75-76, chap. 71, art. 9; 1977-78, chap. 1, art. 61; 1980-81-82-83, chap. 48, art. 73; chap. 140, art. 89), 165 (mod. par S.C. 1984, chap. 45, art. 68; 1988, chap. 61, art. 14), 255 (mod. par S.C. 1980-81-82-83, chap. 48, art. 111).
JURISPRUDENCE
DISTINCTION FAITE AVEC:
Funtronix Amusements Ltd. c. M.R.N., [1989] 2 C.T.C. 2296; (1989), 89 DTC 545 (C.C.I.).
DÉCISION EXAMINÉE:
Stubart Investments Ltd. c. La Reine, [1984] 1 R.C.S. 536; [1984] CTC 294; (1984), 84 DTC 6305; 53 N.R. 241.
DÉCISIONS CITÉES:
Johns -Manville Canada Inc. c. La Reine, [1985] 2 R.C.S. 46; (1985), 21 D.L.R. (4th) 210; [1985] 2 CTC 111; 85 DTC 5373; 60 N.R. 244; Mother's Pizza Parlour (London) Limited c. La Reine, [1985] 2 C.F. 403; [1985] 1 CTC 361; (1985), 85 DTC 5271 (P° inst.).
AVOCATS:
W. Wylie Spicer et Dug Richardson pour la demanderesse.
Robert W. McMechan et Michael J. Butler pour la défenderesse.
PROCUREURS:
McInnes Cooper & Robertson, Halifax, pour la demanderesse.
Le sous-procureur général du Canada pour la défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE MARTIN: La demanderesse interjette appel, avec le consentement du ministre du Revenu national, au moyen d'un avis d'opposition confor-
mément à l'article 165 de la Loi de l'impôt sur le revenu [S.C. 1970-71-72, chap. 63 (mod. par S.C. 1984, chap. 45, art. 68; 1988, chap. 61, art. 14)], de la décision rendue par le ministre au sujet du crédit d'impôt à l'investissement remboursable de la demanderesse relativement à son navire de sou- tien de plongée le Balder Challenger. La demande- resse soutient que le crédit d'impôt à l'investisse- ment (CII) devrait être égal à 20 % du prix de 22 022 711 $ du navire ou 4 404 542 $, tandis que la défenderesse prétend qu'il devrait être égal à 7 % du prix du navire ou 1 541 590 $.
Comme les parties ont pu déposer un exposé conjoint des faits, la preuve produite au procès a été réduite au maximum et, par conséquent, il ne me restait qu'une question à trancher. Il s'agit de savoir si, au sens de l'alinéa 127(9)a.1) [mod. par S.C. 1977-78, chap. 1, art. 61] de la Loi, la demanderesse a acquis le navire dans le but de l'utiliser principalement en Nouvelle-Écosse. Le passage pertinent du paragraphe 127(9) est libellé ainsi:
127.(9)...
a.l) lorsque le contribuable a acquis après le 31 mars 1977 un bien admissible pour l'utiliser principalement dans les pro vinces de Terre-Neuve, de l'Île-du-Prince-Édouard, de la Nou- velle-Écosse ou du Nouveau-Brunswick ou dans la péninsule de Gaspé, ou qu'il a fait une dépense admissible au titre d'une recherche scientifique qui doit être effectuée dans ces régions, d'un montant égal à 5% du total de tous les montants dont chacun est le coût en capital, pour lui, de ce bien admissible acquis par lui au cours de l'année ou le montant de cette dépense admissible faite par lui au cours de l'année, calculé sans égard au paragraphe 13(7.1),
L'alinéa cité utilise l'expression «bien admissi ble», qui a un sens bien défini aux fins du paragra- phe 127(9) et formulé au paragraphe 127(10) [mod. par S.C. 1974-75-76, chap. 71, art. 9; 1977-78, chap. 1, art. 61; 1980-81-82-83, chap. 48, art. 73; chap. 140, art. 89] dont le passage perti nent, aux fins de la présente question, se lit comme suit:
127. (10) Aux fins du paragraphe (9), «biens admissibles» d'un contribuable désigne un bien (autre qu'un bien certifié) qui est
a) un bâtiment prescrit dans la mesure il est acquis par le contribuable après le 23 juin 1975, ou
b) les machines et matériels prescrits, acquis par le contri- buable après le 23 juin 1975,
qui n'ont jamais été employés ou acquis pour être employés ou être loués, à quelque fin que ce soit, avant leur acquisition par le contribuable et qui
c) doivent être employés par lui au Canada surtout pour
(i) la fabrication ou la transformation de marchandises en vue de la vente ou de la location,
(ii) l'exploitation d'un puits de pétrole ou de gaz ou le traitement du pétrole lourd, extrait d'un réservoir naturel situé au Canada, jusqu'à un stade qui ne dépasse pas celui de pétrole brut ou de son équivalent,
(iii) l'extraction de minéraux d'une ressource minérale,
(iv) le traitement, jusqu'au stade du métal primaire ou son équivalent, des minerais (autres que le minerai de fer) provenant d'une ressource minérale,
(iv.1) le traitement, jusqu'au stade de la boulette ou son équivalent, du minerai de fer provenant d'une ressource minérale,
(v) l'exploration ou le forage faits en vue de la découverte de pétrole ou de gaz naturel,
(vi) la prospection ou l'exploration en vue de la découverte de minéraux ou l'aménagement d'une ressource minérale,
(vii) l'exploitation forestière,
(viii) l'exploitation agricole ou la pêche,
(ix) l'entreposage du grain, ou
(x) la production de minéraux industriels, ou
d) doivent être donnés en location par le contribuable à un locataire (autre qu'une personne exonérée d'impôt en vertu de l'article 149) qu'on peut raisonnablement s'attendre à voir utiliser ce bien au Canada principalement à l'une ou l'autre des fins visées aux sous-alinéas c)(i) à (x) .. .
Comme l'exposé conjoint des faits se rapporte presque exclusivement aux passages cités de l'arti- cle 127, je vais le reproduire en entier:
[TRADUCTION] Les parties, par la voie de leurs avocats respectifs, admettent les faits énoncés ci-dessous. Ceux-ci sont admis aux fins de la présente instance seulement et ne peuvent servir contre l'une ou l'autre partie en aucune autre occasion. Les parties peuvent produire d'autres éléments de preuve rela- tifs à la question qui ne sont pas incompatibles avec la présente entente:
1. À toutes les époques concernées, le «Balder Challenger» constituait un «bien admissible» au sens des alinéas 127(10)b) et d) de la Loi de l'impôt sur le revenu en raison de son utilisation par Petro -Canada principalement pour l'exploration et le forage faits en vue de la découverte de pétrole ou de gaz naturel.
2. À aucune des époques concernées, le «Balder Challenger» n'a été utilisé pour l'exploration ou le forage faits en vue de la découverte de pétrole ou de gaz naturel dans les provinces de Terre-Neuve, de l'Île-du-Prince-Édouard, de la Nouvelle- Écosse ou du Nouveau-Brunswick ou dans la péninsule de Gaspé.
3. La demanderesse a présumé qu'à toutes les époques concer- nées, le «Balder Challenger» était utilisé au Canada par Petro - Canada pour l'exploration ou le forage faits en vue de la découverte de pétrole ou de gaz naturel mais n'était pas utilisé à cette fin dans les provinces de Terre-Neuve, de l'Ile-du- Prince-Édouard, de la Nouvelle-Écosse ou du Nouveau-Bruns- wick ou dans la péninsule de Gaspé.
La preuve que la demanderesse a produite, en plus de l'exposé conjoint des faits, consistait essen- tiellement en un bref historique du navire, dont son acquisition par la demanderesse, sa location à Petro -Canada Inc. (Petro -Canada) au moyen d'un contrat d'affrètement, sa gestion et son exploita tion par une compagnie associée avec la demande- resse et sa vente éventuelle. Je vais résumer briève- ment la preuve produite.
Le navire, qui a une longueur d'environ 226 pieds et un tonnage brut de 2 508,73 tonnes, a été construit par la société Marystown Shipyards Limited de Marystown (Terre-Neuve) et spéciale- ment conçu pour servir de navire de soutien de plongée pour le forage et l'exploration en vue de la découverte de pétrole et de gaz au large des côtes. Il avait été armé à l'origine par Petro -Canada, mais avant son parachèvement cette compagnie a transféré ses droits dans le navire à la demande- resse. Celui-ci a été inscrit au nom de la demande- resse sur le registre du Port de Halifax le 19 août 1983 après avoir été acquis du chantier naval pour le prix total de 22 022 711 $.
Il a été notamment convenu entre Petro -Canada et la demanderesse que, au moment de l'acquisi- tion des droits de la compagnie pétrolière.. dans le navire et de la livraison du navire terminé à la demanderesse depuis le chantier naval, celle-ci donnerait le navire en location à la compagnie pétrolière pour une durée de quatre ans. Par consé- quent, le 19 août 1983, la demanderesse a conclu un contrat d'affrètement avec Petro -Canada pour une période de quatre ans qui pourrait prendre fin à certaines conditions, notamment si la compagnie pétrolière cessait de faire de l'exploration au large des côtes de l'Est du Canada.
Le navire a été mis en service au large des côtes du Labrador immédiatement après avoir été donné en location à Petro -Canada et a continué d'être utilisé dans cette région et dans d'autres régions au large des côtes de Terre-Neuve et de la Nouvelle- Écosse jusqu'en novembre 1983. Du 5 novembre 1983 au 4 juin 1984, le navire a été utilisé au large des côtes de l'Afrique orientale, à la suite de quoi il est retourné travailler de nouveau au large des côtes de l'Est du Canada. Le 24 décembre 1986, soit environ six mois avant la fin de l'affrètement de quatre ans, Petro -Canada a mis fin au contrat d'affrètement, après quoi le navire a été exploité
selon des contrats d'affrètement à court terme ou d'affrètement spot jusqu'à ce que la demanderesse le vende à des intérêts norvégiens en 1988.
On a insisté énormément sur le fait que l'équi- page du navire était composé de Néo-Ecossais et de Terre-Neuviens dont deux étaient des Inuit du Labrador. Les avocats de la demanderesse avaient également la preuve que les dépenses de répara- tion, d'entretien et d'approvisionnement du navire ont été engagées presque exclusivement dans les provinces de l'Atlantique. J'admets que la cons truction, l'exploitation, la réparation, l'entretien et l'approvisionnement du Balder Challenger ont engendré des avantages économiques très impor- tants pour la région de l'Atlantique.
La principale force motrice derrière la demande- resse est H.I. Mathers & Sons Ltd., une vieille compagnie de la Nouvelle-Écosse qui s'est d'abord lancée en 1981 dans l'exploration en vue de la découverte de pétrole et de gaz au large des côtes. En 1983, elle a fait constituer en compagnie la demanderesse, une autre société de la Nouvelle- Écosse, à la seule fin d'être propriétaire du Balder Challenger et de le donner en location. Le capital- actions émis de la demanderesse était détenu à 70 % par la compagnie Balder Offshore Canada Inc., à 20 % par la société Scotia Energy et à 10 % par la Labrador Inuit Development Corporation. La compagnie Balder Offshore Canada Inc. était, à son tour, la propriété exclusive à 100 % de H.I. Mathers & Sons Ltd.
La compagnie demanderesse n'avait ni employés ni bureaux. Son siège social se trouvait à Halifax, et la majorité de ses administrateurs ainsi que la totalité de ses dirigeants venaient de la Nouvelle- Écosse. Une fois que la demanderesse eut donné le navire en location à Petro -Canada, elle a transféré la gestion du contrat d'affrètement à la compagnie Balder Offshore Canada Inc. Suivant cette entente, cette dernière compagnie a, moyennant des honoraires, exploité le navire pour l'usage de Petro -Canada, et la demanderesse l'a remboursée de toutes les dépenses engagées à cet égard. Les revenus tirés de la compagnie pétrolière en vertu des modalités du contrat d'affrètement, soit envi- ron 20 000 $ par jour, ont été versés à la, demanderesse.
Dans l'exposé conjoint des faits, les parties déclarent que le navire constituait un «bien admis sible» au sens des alinéas 127(10)b) et d) de la Loi de l'impôt sur le revenu, c'est-à-dire qu'il repré- sentait des machines et du matériel prescrits loués par la demanderesse à Petro -Canada dont on aurait pu raisonnablement s'attendre à ce qu'elle utilise le navire principalement au Canada pour l'exploration ou le forage en vue de la découverte de pétrole ou de gaz naturel. Pour désigner le navire comme bien admissible au sens des alinéas 127(10)b) et d), le propriétaire doit prouver l'ex- pectative raisonnable selon laquelle le navire sera utilisé «au Canada» aux fins mentionnées.
Aux fins de la Loi de l'impôt sur le revenu, le mot «Canada» est décrit ainsi à l'article 255 [mod. par S.C. 1980-81-82-83, chap. 48, art. 111]:
255. Aux fins de la présente loi, le présent article porte que «Canada» comprend et a toujours compris
a) le fond et le sous-sol de la mer dans les régions sous-mari nes adjacentes aux côtes du Canada relativement auxquels le gouvernement du Canada ou d'une province accorde un droit, une licence ou un privilège portant sur l'exploration ou le forage pour la découverte de minéraux, du pétrole, de gaz naturel ou de tout hydrocarbure apparenté, ou visant leur extraction; et
b) les mers et l'espace aérien au-dessus des régions sous- marines mentionnées à l'alinéa a), à l'égard de toute activité poursuivie en rapport avec l'exploration pour la découverte des minéraux, du pétrole, du gaz naturel ou des hydrocarbu- res mentionnés à cet alinéa, ou leur exploitation.
C'était donc parce que Petro -Canada utilisait le navire dans ses opérations d'exploration et de forage dans le fond de la mer au large des côtes et à l'extérieur des provinces de Terre-Neuve et de la Nouvelle-Écosse, pour lesquelles le gouvernement du Canada avait délivré des licences, que ledit navire était utilisé «au Canada» au sens des alinéas 127(10)b) et d).
Le fait d'être en soi un «bien admissible» ne fait pas entrer le navire dans la catégorie visée à l'alinéa 127(9)a.1). Pour entrer dans la catégorie visée à cet alinéa, le navire doit avoir été acquis en vue d'être utilisé non au Canada mais dans une des provinces ou dans la région nommées, c'est-à-dire à l'intérieur des zones géographiques qui compren- nent ces provinces ou cette région. A cet égard, il est mentionné au paragraphe 2 de l'exposé conjoint des faits que le navire n'était pas utilisé dans les provinces de Terre-Neuve, de l'Île-du-Prince-
Édouard, de la Nouvelle-Écosse, du Nouveau- Brunswick ou dans la péninsule de Gaspé. Non seulement le navire n'était pas utilisé dans ces provinces ou dans cette région, mais il ne fut pas acquis en vue d'être utilisé par Petro -Canada dans l'une quelconque de ces zones. Il a été acquis afin d'être utilisé par Petro -Canada au large des côtes par opposition à son utilisation dans l'une quelcon- que des provinces nommées.
La demanderesse ne cherche pas à entrer dans la catégorie visée à l'alinéa 127(9)a.1) en se fon dant sur l'utilisation du navire par Petro -Canada. L'utilisation du navire par Petro -Canada au large des côtes de l'Est du Canada (au Canada) repré- sente la base sur laquelle les parties se sont enten- dues pour dire que le navire est désigné comme un bien admissible au sens du paragraphe 127(10).
Ce que soutient la demanderesse, c'est qu'elle a acquis le navire pour son usage, par opposition à celui de Petro -Canada, qu'elle a acquis le navire pour l'utiliser en Nouvelle-Écosse et que le fait de louer le navire à Petro -Canada, bail qui a été exécuté en Nouvelle-Écosse, constituait une utili sation du navire par la demanderesse en Nouvelle- Écosse. Comme le bail a été exécuté entièrement en Nouvelle-Écosse, la demanderesse prétend qu'elle a utilisé le navire principalement en Nouvelle-Écosse.
À l'appui de cette thèse, l'avocat de la demande- resse rapporte la citation bien connue du juge Estey et tirée de l'arrêt Stubart Investments Ltd. c. La Reine, [1984] 1 R.C.S. 536; [1984] CTC 294; (1984) 84 DTC 6305; 53 N.R. 241, aux pages 575 à 579 R.C.S., selon laquelle il faudrait inter- préter la Loi de l'impôt sur le revenu de façon plus large afin de permettre le comportement du contri- buable qui relève de l'esprit et de l'économie de la Loi et qui ne vise pas à contrecarrer l'intention exprimée par le législateur fédéral.
L'avocat a également cité des extraits de dis- cours du budget afin de prouver que les mesures législatives concernant le CII ont été adoptées pour encourager l'investissement dans les machines et le matériel utilisés en vue de produire du pétrole, mesures qui visaient à créer des emplois, à favori- ser le développement régional et à aider les entre- prises à risque. Lorsque le taux du CII est passé en 1978 à celui de 20 % que la demanderesse tente
maintenant de faire appliquer, le ministre des Finances de l'époque a déclaré que c'était dans le but d'appuyer davantage le développement régio- nal.
L'avocat a alors ajouté que, parce que les dispo sitions de la Loi relatives au CII ne sont pas claires et qu'il y a deux significations possibles, je devrais appliquer celle qui est la plus favorable à la demanderesse (Johns -Manville Canada Inc. c. La Reine, [1985] 2 R.C.S. 46; (1985), 21 D.L.R. (4th) 210; [1985] 2 CTC 111; 85 DTC 5373; 60 N.R. 244, aux pages 66 68 R.C.S. et Mother's Pizza Parlour (London) Limited c. La Reine, [1985] 2 C.F. 403; [1985] 1 CTC 361; (1985), 85 DTC 5271 (ire inst.), aux pages 413 et 414 C.F.).
L'avocat a conclu que l'acquisition et la location du Balder Challenger créaient le genre d'activités régionales pour lesquelles les mesures législatives relatives au CII avaient été adoptées et que, vu l'interprétation large de la Loi en vue d'encourager les activités que le législateur fédéral cherchait à favoriser, il n'y avait pas de raison que l'alinéa 127(9)a.1) ne puisse pas être interprété de façon à conclure que la location du navire à Petro -Canada à Halifax constituait une utilisation du navire principalement en Nouvelle-Écosse.
L'argument avancé par l'avocat est presque con- vaincant. Sa faiblesse grave, à mon avis, est que, pour l'accepter sur ce point, il me faudrait con- clure que l'expression «bien admissible acquis prin- cipalement pour être utilisé en Nouvelle-Écosse» n'est pas claire et peut s'entendre de deux maniè- res dont l'une comprendrait la location du navire à Petro -Canada.
Je prends note de la remarque du juge Rouleau dans l'affaire Mother's Pizza Parlour, précitée, selon laquelle le paragraphe 127(10) est une dispo sition dont on ne peut pas dire que le sens soit clair. Cependant, la présente affaire ne soulève pas de difficulté en ce qui concerne le paragraphe 127(10). Les parties s'entendent pour dire que le navire constitue un «bien admissible» au sens de ce paragraphe. Ce qu'il faut interpréter dans la pré- sente action, c'est le sens de l'expression «bien acquis principalement pour être utilisé en Nou- velle-Écosse».
Selon moi, l'utilisation envisagée par les disposi tions de l'alinéa 127(9)a.1) ne comprend pas la
location du navire par la demanderesse. La loca tion d'un bien ou d'un navire accorde au locataire l'usage du bien, habituellement son usage exclusif. Du fait de la location, le propriétaire ou locateur renonce à l'usage du bien ou du matériel en ques tion ou au droit de les utiliser. Il est vrai, mais imprécis, pour le locateur de dire qu'il a utilisé son navire en vue d'en tirer un loyer quand il le loue. De fait, dans des cas de ce genre, ce n'est pas le locateur qui utilise le navire, mais c'est le locataire qui l'utilise à ses propres fins. Le locateur accorde au locataire le droit d'utiliser le navire en contre- partie du loyer que ledit locataire doit payer au locateur.
Ce n'est que le principe suivi dans l'imposition des taxes d'affaires municipales qui sont fondées sur la valeur imposable du bien utilisé dans l'entre- prise du contribuable. Le propriétaire exerce le commerce de louage de biens et, au sens large, utilise ces biens pour exercer son commerce. Tou- tefois, au moins dans le territoire avec lequel je suis familier, la taxe d'affaires du propriétaire ne repose pas sur la valeur imposable du bien qu'il loue parce que, au sens juste du terme sur le plan juridique, le bien est utilisé par le locataire et non pas par le propriétaire et que c'est le locataire, s'il exerce un commerce utilisant ce bien, qui sera tenu de payer la taxe d'affaires.
L'avocat a pu trouver une décision dans laquelle un tribunal a jugé que le locateur utilisait le bien même si celui-ci était loué. Dans Funtronix Amu sements Ltd. c. M.R.N., [1989] 2 C.T.C. 2296; (1989), 89 DTC 545, le juge Garon de la Cour canadienne de l'impôt a statué que celui qui utili- sait les machines pour en tirer un revenu, c'était le contribuable propriétaire de jeux vidéo électroni- ques qui avaient été installés dans des salles de jeux appartenant à d'autres et avaient été utilisés et exploités par des personnes fréquentant lesdites salles. Revenu Canada avait soutenu que c'étaient les clients qui jouaient à l'occasion qui étaient les utilisateurs des jeux vidéo.
Le juge Garon de la Cour canadienne de l'impôt a terminé ainsi ses observations la page 2298 C.T.C.]:
Selon le texte de la Loi, dans un contexte de location, le locateur utilise le bien en question pour en tirer un revenu, encore qu'au cours de la période de location ce soit le locataire qui jouisse habituellement dudit bien. De la même façon, le
locataire peut aussi «utiliser» le bien loué dans certaines circons- tances dans le but d'en tirer un revenu.
Pour étayer sa conclusion, le juge s'est reporté aux articles 13 et 45 de la Loi de l'impôt sur le revenu, qui établissent des règles particulières pour le calcul du revenu aux fins de cette section de la Loi. Ils ne s'appliquent pas à l'alinéa 127(9)a.1).
Dans l'affaire Funtronix, les faits étaient très différents de ceux de l'espèce. En effet, il n'y avait pas eu location de matériel à quelqu'un. Le contri- buable propriétaire gardait la maîtrise complète du matériel. Les joueurs ou les utilisateurs temporai- res du matériel avaient la simple autorisation de l'utiliser pendant quelques instants moyennant le versement d'une pièce de monnaie. Le juge a semblé l'admettre en ajoutant les observations sui- vantes à la conclusion citée ci-dessus [aux pages 2298 et 2299 C.T.C.]:
On peut aussi examiner la question sous un angle différent. En fait, la preuve montre clairement que l'appelante était l'utilisateur des biens, en ce sens qu'elle avait accès au matériel en tout temps et qu'elle pouvait modifier les programmes d'informatique qui y étaient enregistrés. Il a été établi que ces jeux vidéo déprécient très rapidement et que, pour en tirer un revenu, l'appelante était tenue de changer ou de modifier de temps à autre les programmes d'informatique. Il n'est pas contesté que l'appelante pouvait modifier les programmes d'in- formatique en changeant simplement ce que l'on appelle le dispositif EPROM (le sigle EPROM veut dire erasable pro grammable read only memory ou, en français, mémoire morte programmable effaçable). Selon moi, il s'agissait certainement d'un usage important que le propriétaire faisait de son matériel.
J'en conclus donc que l'appelante tombe sous le coup de l'alinéa b) de la définition du «matériel électronique universel de traitement de l'information», qui figure au paragraphe 1104(2) du Règlement de l'impôt sur le revenu, à titre d'«utili- sateur» du matériel en question.
Je ne crois pas que la décision Funtronix puisse étayer la proposition selon laquelle l'utilisation envisagée à l'alinéa 127(9)a.1) s'entende ou puisse s'entendre de la location du navire à Petro - Canada. À mon avis, l'utilisation envisagée à l'ali- néa 127(9)a.1) s'entend de l'utilisation physique du bien, en l'espèce le navire Balder Challenger. Comme le navire n'a pas été utilisé en Nouvelle- Écosse ou dans une autre région nommée à l'alinéa 127(9)a.1), la demanderesse n'a pas le droit de se prévaloir des avantages de cet alinéa.
En adoptant les mesures relatives au CII, le législateur fédéral visait à conférer des avantages
aux régions la reprise économique se fait lente- ment et règne un taux de chômage élevé. Il a, au moyen de l'alinéa 127(9)a.1), désigné les pro vinces et la région y mentionnées comme étant les zones géographiques qui auraient droit au taux le plus élevé d'avantages en accordant les CII sur des biens admissibles utilisés dans ces provinces et dans cette région. Le fait qu'un navire qui n'a pas été utilisé principalement dans l'une de ces provin ces ou dans cette région aurait rempli les condi tions requises pour l'avantage accru s'il avait été utilisé ainsi ne suffit pas pour étendre le sens ordinaire des termes de l'alinéa 127(9)a.1) pour conclure que la location du Balder Challenger à Petro -Canada pour son utilisation à l'extérieur des zones mentionnées dans cet alinéa constitue une utilisation du navire dans l'une quelconque de ces zones.
Pour ces motifs, la réclamation de la demande- resse sera rejetée avec dépens.
 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.