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T-5768-81
Flexi-Coil Ltd. (demanderesse) c.
Rite Way Manufacturing Co. Ltd. et Leslie Hulicsko (défendeurs)
RÉPERTORIÉ: FLEXI-COIL LTD. C. RITE WAY MANUFACTURING LTD. (1" INST.)
Section de première instance, juge Rouleau— Toronto, 27 novembre 1989; Ottawa, ler février 1990.
Compétence de la Cour fédérale Section de première instance Appel contre une ordonnance qui a radié des parties d'une demande reconventionnelle à une action en viola tion de brevet fondée sur la Statute of Monopolies Appel rejeté La Statute of Monopolies ne relève pas de la compé- tence de la Cour fédérale car elle n'est pas une loi fédérale valide et applicable Discussion sur l'objet et l'effet de la Statute of Monopolies Ne s'applique pas aux brevets valides Dans la mesure elle est en vigueur au Canada, elle relève de la compétence provinciale.
Droit constitutionnel Partage des pouvoirs La Cour fédérale est-elle compétente pour entendre les demandes reconventionnelles qui invoquent la Statute of Monopolies? Les recours qui existaient en Angleterre prévus par la loi dans le domaine du droit des biens et du droit civil peuvent être déterminés devant les tribunaux de common law Au moment de la Confédération, ce domaine a été conféré aux assemblées législatives provinciales Les brevets en matière d'invention constituent une exception Les recours de la Statute of Monopolies ne sont pas compris dans la Loi sur les brevets canadienne Ce qui n'est pas dans la loi ne relève pas de la compétence de la Cour fédérale.
Brevets Contrefaçon Appel contre une ordonnance qui a radié des parties d'une demande reconventionnelle fondée sur la Statute of Monopolies Appel rejeté La Statute of Monopolies ne s'applique pas à des brevets valides.
11 s'agissait d'un appel interjeté contre une ordonnance dans une action en matière de violation de brevets qui a maintenu une ordonnance précédente radiant des parties de la demande reconventionnelle fondée sur la Statute of Monopolies. Ces parties ont été radiées en se fondant sur la «duplicité», parce que la réparation demandée en vertu de la Statute of Monopo lies serait semblable avec les allégations des mêmes plaidoiries. L'alinéa a été radié sans autorisation de modification parce que la Statute of Monopolies ne s'appliquerait pas si un brevet était en cause et la Cour n'aurait pas compétence si un brevet n'était pas en cause. On a ordonné au protonotaire-chef adjoint d'exa- miner de nouveau son ordonnance en se fondant sur l'affaire Burnaby Machine & Mill Equipment Ltd. c. Berglund Indus trial Supply Co. Ltd. Dans cette affaire, une demande de radiation d'une demande de réparation fondée sur la Statute of Monopolies a été rejetée pour le motif qu'une plaidoirie ne devrait être radiée que s'il est clair et manifeste que la radiation est justifiée. On a conclu que le statut de la Statute of Monopolies ne devrait pas être déterminé dans une requête
préliminaire. Le protonotaire-chef adjoint Giles a refusé de modifier l'ordonnance, sur le fondement de la duplicité. Il a soutenu que la Statute of Monopolies ne faisait pas partie du droit du Canada et par conséquent ne relevait pas de la compétence de la Cour fédérale. Etant donné qu'il avait déjà décidé de cette question, on pouvait établir une distinction d'avec l'affaire Burnaby. La question était de savoir si la Statute of Monopolies constituait une loi fédérale valide et applicable.
Jugement: l'appel devrait être rejeté.
La Cour fédérale est un tribunal créé par la loi dont la compétence se limite «à améliorer l'application du droit cana- dien» soit aux termes de la Loi sur la Cour fédérale ou d'autres lois du Parlement. Elle est compétente en matière de brevet en vertu des articles 20 (recours sous le régime d'une loi fédérale ou de toute autre règle de droit relativement à un brevet d'invention) et 26 (compétence ressortissant aux termes d'une loi fédérale à la Cour fédérale) de la Loi sur la Cour fédérale. Les recours prévus par la Statute of Monopolies tels qu'ils existaient en Angleterre s'inscrivaient dans le domaine du droit des biens et du droit civil et pouvaient être déterminés devant les tribunaux de common law particuliers de ce pays. Au moment de la Confédération, une grande partie de ce domaine de compétence a été conféré aux assemblées législatives provin- ciales à l'exception de la compétencé exclusive pour traiter des «brevets en matière d'invention» qui a été conférée au Parle- ment du Canada aux termes du paragraphe 91(22) de la Loi constitutionnelle de 1867. Par l'adoption de la Loi sur les brevets, le Parlement a choisi de ne pas inclure les versements du triple des dommages-intérêts et du double des frais. Ce qui n'est pas contenu dans la Loi sur les brevets ne peut relever de la compétence de la Cour fédérale du Canada. La Statute of Monopolies, dans la mesure elle est en vigueur au Canada, s'inscrit dans le cadre de la propriété et des droits civils et relève de la compétence provinciale.
La Statute of Monopolies a été adoptée pour contrôler les abus en matière de prérogative royale qui accordait des mono- poles dont l'effet était de gêner le cours normal des affaires. Elle déclarait que tous les monopoles étaient nuls et exigeait la confirmation de la propriété des brevets. Elle prévoyait le versement du triple des dommages-intérêts et du double des frais à toute partie qui avait été [TRADUCTION] «gênée, lésée, troublée ou inquiétée» en raison d'un brevet. Les motifs dans l'affaire Peck v. Hindes établissent clairement que la Statute of Monopolies ne s'appliquait pas aux brevets correctement déli- vrés. Même si la Statute of Monopolies faisait partie du droit du Canada, la défenderesse ne pourrait invoquer les réparations qu'elle prévoit étant donné que le brevet est valide et en vigueur.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi constitutionnelle de 1867, 30 & 31 Vict., chap. 3
(R.-U.) [S.R.C. 1970, Appendice 11, 5], art. 91(22).
Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), chap. F-7,
art. 20.
Loi sur les brevets, L.R.C. (1985), chap. P-4.
Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règle
419.
Statute of Monopolies, 21 Jac. 1, chap. 3.
The Patent Act of 1869, 32 & 33 Vict., chap. 11 (R.-U.).
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Peck & Co v. Hindes, Ld. (1898), 15 R.P.C. 113 (Q.B.).
DÉCISIONS EXAMINÉES:
Aca Joe International c. 147255 Canada Inc. et autres
(1986), 10 C.P.R. (3d) 301; 4 F.T.R. 311 (C.F. 1" inst.); Safematic Inc. c. Sensodec Oy (1988), 20 C.I.P.R. 143; 21 C.P.R. (3d) 12; 20 F.T.R. 132 (C.F. 1" inst.); Bur- naby Machine & Mill Equipment Ltd. c. Berglund Industrial Supply Co. Ltd. et autres (1982), 64 C.P.R. (2d) 206 (C.F. 1' inst.).
DOCTRINE
Fox, Harold G. The Canadian Patent Law and Practice relating to Letters Patent for Inventions, éd. Toronto: Carswell Co. Ltd., 1969.
AVOCATS:
Gordon S. Clarke pour la demanderesse. Timothy J. Sinnott pour les défendeurs.
PROCUREURS:
Gordon S. Clarke, Toronto, pour la demande- resse.
Barrigar & Oyen, Toronto, pour les défen- deurs.
Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par
LE JUGE ROULEAU: Il s'agit d'un appel interjeté par la défenderesse contre l'ordonnance du proto- notaire-chef adjoint Giles, datée du 27 octobre 1989 [[1990] 1 C.F. 108 (i re inst.)] par laquelle il a maintenu son ordonnance précédente qui a radié de la demande reconventionnelle une plaidoirie fondée sur la Statute of Monopolies, 21 Jac. 1, chap. 3. Avant d'aller plus loin, il est nécessaire d'établir une brève chronologie des événements.
La déclaration, déposée en 1981, allègue que les défendeurs ont porté atteinte au brevet de la demanderesse 1 099 566 relativement à une «Multiple Section Draw Bar» destinée à un usage agricole. Il en a découlé diverses modifications aux plaidoiries et aux arguments. La défense a finale- ment été modifiée de manière à inclure une demande reconventionnelle qui cherche à obtenir au paragraphe 16 une ordonnance visant à empê- cher la demanderesse de faire des déclarations
fausses et trompeuses; réclame des dommages- intérêts pour perte d'achalandage, etc.; ainsi qu'au paragraphe 17, la réparation fondée sur la Statute of Monopolies du triple des dommages-intérêts et le double des dépens advenant la preuve qu'elle a été [TRADUCTION] «gênée, lésée, troublée ou inquiétée ... en raison d'un monopole, ou d'une
. lettre patente». Le protonotaire-chef adjoint Giles a notamment ordonné le 16 janvier 1989 la présentation de précisions relatives à ces alléga- tions. Une autre défense et demande reconvention- nelle modifiées ainsi que des détails modifiés de celle-ci ont été déposés par suite de cette ordonnance.
La demanderesse a, par la suite, présenté une requête en vue d'obtenir une ordonnance visant à radier certaines allégations dans la demande reconventionnelle, sur le fondement que les détails fournis par suite de l'ordonnance du 16 janvier 1989, ne précisaient pas suffisamment les' fausses représentations qui étaient alléguées; plus particu- lièrement le fait de [TRADUCTION] «gêner, léser, troubler ou inquiéter» relativement à ces fausses déclarations ou la perte d'achalandage, etc.; et aussi que les défendeurs n'ont pas fait valoir une cause raisonnable d'action qui relève de la compé- tence de la Cour fédérale, fondée sur la Statute of Monopolies.
Par suite de cette requête, le protonotaire-chef adjoint Giles a rendu une ordonnance en date du 8 septembre 1989, radiant le paragraphe 17 de la défense et la demande reconventionnelle modifiées, l'alinéa d) de la demande de réparation et le paragraphe 3 des précisions modifiées, qui trai- taient tous de la Statute of Monopolies. Il l'a fait en se fondant sur la «duplicité». La réparation demandée en vertu de la Statute of Monopolies serait semblable sinon identique à l'allégation des fausses déclarations du paragraphe 16 des mêmes plaidoiries. Il a en outre statué qu'il devait y avoir radiation sans autorisation de modification. Son raisonnement sur cet aspect est le suivant:
. parce que, comme le juge Matthew l'a souligné dans la décision Peck & Co. v. Hindes, Ld. (1898), 15 R.P.C. 113 (Q.B.), lorsqu'un présumé brevet est en cause, la Statute of Monopolies ne s'applique pas. Si un brevet n'est pas en cause, notre Cour n'a pas compétence pour juger l'affaire, ainsi que l'a souligné le juge Collier dans le jugement Aca Joe International c. 147255 Canada Inc. et autres (1986), 10 C.P.R. (3d) 301 (C.F. 1` 0 inst.).
Si j'ai tort de conclure que les décisions Peck v. Hindes et Aca Joe s'appliquent, je conclus que la Statute of Monopolies ne s'applique pas, parce que, comme il ressort des précisions produites, les actes reprochés ont eu lieu dans les Prairies.
La défenderesse a interjeté appel de cette déci- sion devant le juge Muldoon, soutenant que le protonotaire avait commis une erreur dans son évaluation du principe de droit selon lequel un tribunal ne devait pas radier une plaidoirie aux termes de la Règle 419 [Règles de la Cour fédé- rale, C.R.C., chap. 663] moins qu'il ne soit «clair et manifeste» que la radiation est justifiée. L'avo- cat a soutenu que la question de savoir si la Statute of Monopolies relevait de la compétence de la Cour fédérale était toujours posée sur le fondement de l'affaire Burnaby Machine & Mill Equipment Ltd. c. Berglund Industrial Supply Co. Ltd. et autres (1982), 64 C.P.R. (2d) 206 (C.F. 1f° inst.) et que c'est le juge de première instance qui devrait trancher la question. Dans l'affaire Bur- naby c. Berglund, une action en violation de droit d'auteur, la demanderesse cherchait à obtenir la radiation de certains paragraphes de la demande reconventionnelle qui comprenait une demande de réparation fondée sur la Statute of Monopolies. On a soutenu que la Cour fédérale n'était pas compétente pour entendre un tel argument. Le juge Dubé a rejeté la demande en soulignant que la Cour ne radierait pas une plaidoirie aux termes de la Règle 419(1) moins qu'elle ne fût claire et manifeste. En outre, il était d'avis que le statut de la Statute of Monopolies ne devait pas être déter- miné dans une requête préliminaire comme une requête en radiation, mais devrait être déterminée par le juge de première instance.
Le juge Muldoon, après avoir entendu l'appel, a ordonné que le protonotaire examine de nouveau son ordonnance de radiation contestée et modifie ou confirme cette ordonnance en tenant compte des motifs du juge Dubé dans l'affaire Burnaby c. Berglund, précitée.
Après la présentation des arguments, M. Giles a examiné de nouveau sa décision et le 27 octobre 1989, a refusé de modifier sa décision précédente en établissant une distinction avec l'affaire Bur- naby. Il était d'avis que compte tenu de l'ordon- nance du juge Muldoon, il n'était pas nécessaire dans sa nouvelle décision de déterminer si la Sta tute of Monopolies faisait partie du droit du
Canada. Il était convaincu que la plaidoirie ne pouvait être maintenue sur le fondement de la «duplicité». Il a soutenu sa position selon laquelle les paragraphes contestés devaient être radiés sans autorisation de modification, sur le fondement des affaires Aca Joe [Aca Joe International c. 147255 Canada Inc. et autres (1986), 10 C.P.R. (3d) 301; 4 F.T.R. 311 (C.F. inst.)] et Peck [Peck & Co. v. Hindes, Ld. (1898), 15 R.P.C. 113 (Q.B.)], précitées, selon lesquelles la Statute of Monopolies ne relevait pas de la compétence de la Cour fédé- rale. À son avis, son attention ne devait porter que sur la décision dans l'affaire Burnaby et que cel- le-ci ne correspondait pas tout à fait à sa situation; étant donné qu'il avait déjà décidé que la Statute of Monopolies ne faisait pas partie du droit du Canada et que, par conséquent, il ne devrait pas être nécessaire de laisser au juge de première instance le soin de rendre la décision. Selon lui c'est ce que le juge Muldoon lui a ordonné de faire.
L'espèce est un autre appel contre l'ordonnance du protonotaire-chef adjoint Giles datée du 27 octobre 1989 fondé sur les moyens suivants:
[TRADUCTION] (1) Le protonotaire a commis une erreur lors- qu'il n'a pas infirmé ni modifié son ordonnance datée du 8 septembre 1989 après avoir examiné de nouveau l'affaire Bur- naby c. Berglund 64 C.P.R. (2d) 206.
(2) Le protonotaire a commis une erreur lorsqu'il 'n'a pas accordé aux défendeurs l'autorisation de modifier le paragra- phe de leur plaidoirie invoquant la Statute of Monopolies, compte tenu du principe de droit établi dans l'affaire Burnaby c. Berglund selon lequel une plaidoirie ne devrait pas être radiée en application de la Règle 419 moins qu'il ne soit clair et manifeste qu'il n'existe aucune cause d'action.
(3) Le protonotaire a commis une erreur lorsqu'il a établi une distinction d'avec l'affaire Burnaby c. Berglund.
(4) Le protonotaire a commis une erreur dans son évaluation de l'affaire Aca Joe International c. 147255 Canada Inc. 10 C.P.R. (3d) 301.
(5) Le protonotaire a commis une erreur dans son interpréta- tion de l'ordonnance du juge Muldoon en date du 16 octobre 1989.
L'ordonnance de radiation de M. Giles est-elle invalide compte tenu du principe énoncé dans l'af- faire Burnaby c. Berglund? Le juge Dubé n'était pas convaincu qu'il était «clair et manifeste» qu'il n'existait aucune cause d'action et par conséquent, il a laissé au juge de première instance le soin de rendre une décision. Toutefois, s'il peut être établi que la Statute of Monopolies n'est pas valide et ne constitue pas une loi fédérale applicable, une plai- doirie fondée sur celle-ci ne devrait-elle pas être
radiée parce qu'elle ne révèle aucune cause d'ac- tion raisonnable qui relève de la compétence de la Cour fédérale?
La Cour fédérale est compétente en matière de brevet en vertu de l'article 20 de la Loi sur la Cour fédérale [L.R.C. (1985), chap. F-7] dans les cas de demande de réparation fondée sur une loi du Parlement; et aux termes de l'article 26 de la Loi sur la Cour fédérale lorsque la compétence a été précisément conférée à cette Cour.
Deux affaires qui ont été réglées depuis l'affaire Burnaby c. Berglund, sans élaborer, ont conclu que la Statute of Monopolies ne confère pas une com- pétence à cette Cour pour accorder réparation aux termes de celle-ci et que cette Cour ne peut con- naître des réparations qu'elle prévoit.
Dans l'affaire Aca Joe, précitée, voici ce que le juge Collier a dit en ce qui a trait à la Statute of Monopolies, en rejetant une demande d'injonction interlocutoire [aux pages 308 et 309 C.P.R.]:
[TRADUCTION] Je ne suis pas convaincu que ce soit une loi en vigueur et applicable, fédérale ou autre. Cependant, en supposant qu'elle le soit, je n'y trouve aucune disposition qui habilite la Cour à entendre les actions fondées sur elle. La loi initiale parle de tribunaux qui existaient en Angleterre à l'épo- que elle a été votée et c'était des tribunaux de la common law: King's Bench, Common Pleas et Exchequer. Ces tribunaux n'étaient pas habilités en equity à accorder des injonctions. Le redressement prévu dans la loi anglaise est l'octroi de dommages-intérêts.
J'ai auparavant examiné la Statute of Monopo lies dans l'affaire Safematic Inc. c. Sensodec Oy (1988), 20 C.I.P.R. 143; 21 C.P.R. (3d) 12; 20 F.T.R. 132 (C.F. P ° inst.) dans une demande de radiation d'une déclaration parce qu'elle ne révé- lait aucune cause raisonnable d'action relevant de la compétence de la Cour fédérale.
La partie pertinente de ces motifs est la suivante [aux pages 154 et 155 C.I.P.R.]:
Les allégations des demanderesses reposant sur la Statute of Monopolies (précitée) doivent également être rejetées. Après avoir examiné les faits de l'espèce, je suis convaincu que je ne peux conclure que la Cour fédérale a compétence pour connaî- tre de la présente action que si les demanderesses prouvent tout au moins que le redressement qu'elles sollicitent est visé par:
a) l'article 20 de la Loi sur la Cour fédérale qui concerne les cas l'on cherche à obtenir un redressement en vertu d'une loi du Parlement du Canada, ou de toute autre règle de droit relativement à un brevet d'invention, un droit d'auteur, une marque de commerce ou un dessin industriel;
b) l'article 26 de la Loi sur la Cour fédérale qui concerne la compétence conférée expressément à la Cour fédérale par une loi du Parlement.
La Statute of Monopolies n'indique pas, pour des raisons historiques évidentes, que les recours qu'elle prévoit peuvent être entendus par la Cour fédérale. L'objet du monopole dont il est question en l'espèce n'a pas été conféré par des lettres patentes au sens de l'article 20. Le droit à une invention qui ne fait pas l'objet de lettres patentes relève du champ de compé- tence provinciale et, par conséquent, la Cour fédérale n'est pas habilitée, compte tenu des faits de l'espèce, à entendre toute demande de redressement fondée sur cette disposition législative.
Contrairement à l'espèce, dans l'affaire Safe- matic aucun brevet n'avait été délivré et par consé- quent, je n'avais pas à trancher la question de savoir si la Statute of Monopolies et les répara- tions qu'elle prévoit font partie du droit du Canada.
Dans les affaires Aca Joe et Safematic, il n'était pas nécessaire de déterminer si la Statute of Monopolies constituait une loi fédérale valide, en vigueur et applicable. Toutefois cette question est maintenant directement posée à la Cour.
Avant de traiter de la question, il convient d'examiner l'objet et l'effet de l'ancienne Statute of Monopolies. Elle a été examinée d'une manière approfondie dans l'affaire Peck v. Hindes, préci- tée. En 1610, le roi Jacques l er a prononcé une déclaration royale selon laquelle il s'abstiendrait désormais d'accorder des monopoles ou toute sub- vention ou commission qui pourraient gêner le cours normal des affaires. Dans son préambule, la Statute of Monopolies, adoptée en 1623, rappelle au Souverain sa déclaration précédente et par l'adoption de la nouvelle loi, il avait la ferme intention de corriger la situation. L'article premier de la loi déclare que désormais tous les monopoles, subventions, lettres patentes etc., qui tendent à créer ou à protéger des monopoles et gênent le cours normal des affaires, sont contraires aux lois du pays, nuls et sans effet. L'article 2 exige que tous les monopoles, etc., soient examinés par un tribunal et réglé selon la common law. Par consé- quent, la loi exige du titulaire d'un brevet qui allègue le droit à un monopole de se présenter devant un tribunal et de faire confirmer la pro- priété de ses lettres patentes ou de ses monopoles. L'article 4, invoqué par les défendeurs en l'espèce, prévoit le versement du triple des dommages-inté- rêts et du double des frais à toute partie qui a été
[TRADUCTION] «gênée, lésée, troublée ou inquiétée en raison d'un monopole ou d'une lettre patente ...». L'article 6 excluait de l'application de la loi tous les brevets de nouvelles inventions qui avaient par la suite été accordés. Les demandeurs dans Peck, précitée, ont soutenu que la réserve de l'article 6 ne s'appliquait pas à un brevet qui était imparfait. La Cour a rejeté cet argument en met- tant l'accent sur le fait que la loi [TRADUCTION] «s'appliquait aux exercices non valides et incor- rects de la prérogative royale et non aux lettres patentes qui étaient parfaitement légitimes et pro- tégées par la loi.»
Comme l'a dit le protonotaire, les motifs dans l'affaire Peck v. Hindes établissent clairement que la Statute of Monopolies ne s'appliquait pas au [TRADUCTION] «brevet relativement à de nouvelles inventions» correctement délivré; même si l'on pré- sume qu'elle faisait partie du droit du Canada, aucune réparation que prévoit la Statute of Mono polies ne peut être invoquée par la défenderesse étant donné que le brevet est valide et en vigueur. Bien que la défenderesse ait soutenu qu'il était possible d'établir une distinction avec l'affaire Peck et que cette Cour n'était peut-être pas liée par cette décision étant donné qu'elle a été rendue après la Confédération, elle paraît néanmoins constituer une explication claire du sens de la Statute of Monopolies.
Pour déterminer toute question de compétence, il est nécessaire de se rappeler que la Cour fédérale du Canada est un tribunal créé par la loi dont la compétence se limite «à améliorer l'application du droit canadien» soit aux termes de la Loi sur la Cour fédérale ou d'autre loi du Parlement du Canada. A mon avis, les recours prévus par la Statute of Monopolies tels qu'ils existaient en Angleterre s'inscrivaient dans le domaine du droit des biens et du droit civil et pouvaient être déter- minés devant les tribunaux de common law parti- culiers de ce pays. Au moment de la Confédéra- tion, une grande partie de ce domaine particulier de compétence a été conféré aux assemblées légis- latives provinciales de ce pays. Par voie d'excep- tion, la compétence exclusive pour traiter des «bre- vets d'invention» a été conférée au Parlement du Canada aux termes du paragraphe 91(22) de la Loi constitutionnelle de 1867 [30 & 31 Vict.,
chap. 3 (R.-U.) [S.R.C. 1970, Appendice II, 5]]. Le Parlement a alors exercé ce pouvoir par l'adoption de la première loi sur les brevets en 1869 [The Patent Act of 1869] (32 & 33 Vict., chap. 11 (R.-U.)), maintenant la Loi sur les bre- vets, L.R.C. (1985), chap. P-4.
La Statute of Monopolies n'était pas fondamen- talement une loi portant sur les brevets en soi, mais plutôt une loi traitant des monopoles qui existaient à l'époque. Elle a été adoptée pour con- trôler les abus en matière de prérogative royale. Les tribunaux qui exerçaient cette compétence étaient des tribunaux de common law qui exis- taient à l'époque. Il ne s'agissait pas de tribunaux d'equity. Avant la Confédération, les tribunaux des provinces exerçaient une compétence sembla- ble aux tribunaux de common law d'Angleterre. Au moment de l'Union, les provinces ont obtenu la compétence exclusive dans le domaine des biens et des droits civils avec certaines exceptions notam- ment le paragraphe 91(22) de la Loi constitution- nelle de 1867; de toute évidence la compétence législative en matière de brevets a été conférée au Parlement du Canada. Le Parlement, dans l'exer- cice de son pouvoir constitutionnel en matière de brevets, a adopté la Loi sur les brevets; il a choisi de ne pas inclure les versements du triple des dommages-intérêts ni du double des frais. Ce qui n'est pas contenu dans la Loi sur les brevets ne peut relever de la compétence de la Cour fédérale du Canada.
Fox, dans The Canadian Patent Law and Prac tice relating to Letters Patent for Inventions (4 e éd.; Carswell, 1969, pages 12 et 13), a dit:
[TRADUCTION] On peut se demander si la Statute of Mono polies est toujours en vigueur au Canada et si la loi de l'Ontario relève de la compétence de l'Assemblée législative de cette province compte tenu du fait que le Dominion a agi en applica tion de la compétence exclusive qui lui a été conférée par le par. 91(22) de L'acte de l'Amérique du Nord britannique, 1867, pour adopter une loi relative aux brevets d'invention. Pour répondre à ces questions il convient d'examiner le but pour lequel la Statute of Monopolies a initialement été adoptée en 1624. Elle n'a absolument pas été adoptée à titre de loi en matière de brevets dont l'objet principal serait la création d'un système en vertu duquel les lettres patentes pouvaient être obtenues relativement à des inventions méritoires. Elle a été adoptée par suite d'une longue et turbulente agitation contre l'abus de monopoles de tout genre ainsi que d'autres griefs qui ont été énoncés dans le préambule de la loi qui est maintenant inscrit à l'art. 1 de la loi de l'Ontario. Ces griefs visaient un grand nombre de choses autres que les lettres patentes, compor- tant le fait de rendre les lois pénales superflues, l'arrangement
des confiscations, ainsi qu'un grand nombre de monopoles et de permis de tout genre. Une lecture attentive de la déclaration contenue dans le Book of Bounty de 1610 du roi Jacques, que Coke a souligné comme l'un des facteurs importants qui ont contribué à l'adoption de la Statute of Monopolies, indiquera que la loi avait essentiellement pour but principal et essentiel de définir les règles de common law visant l'attribution abusive de monopoles illégaux ainsi que d'autres pouvoirs et permis qui ne se rapportaient pas aux inventions et aux nouvelles fabriques, et d'y mettre fin. L'article 6 exemptait simplement les brevets de nouvelles fabrications de l'interdiction dans la déclaration de l'article premier. D'après ces faits, la Statute of Monopolies, telle qu'elle a été adoptée de nouveau par l'Assemblée législa- tive de l'Ontario, ne peut être interprétée intégralement comme une loi concernant les «brevets d'invention et de découverte» mais doit être considérée comme une loi concernant «les droits civils dans la province» et ainsi comme relevant de la compé- tence d'une assemblée législative provinciale. Toute disposition inscrite dans l'article de réserve qui est contraire aux modalités de l'Acte des brevets de 1869 du Dominion, comme par exem- ple, la prescription applicable à l'octroi de monopoles valides quant aux nouvelles fabriques, doit céder devant la Loi sur «les brevets d'invention et de découverte» qui relève de la compé- tence exclusive du Parlement fédéral. Sous réserve de cette qualification, le reste de la Statute of Monopolies porte soit sur les droits civils dans la province ou sur «l'administration de la justice dans la province» et ainsi relève de la compétence d'une assemblée législative provinciale comme le prévoit le par. 92(14) de L'acte de l'Amérique du Nord britannique, 1867. [J'ai omis les notes en bas de page.]
Avec égards, je suis d'accord avec cette position. La Statute of Monopolies, dans la mesure elle est en vigueur au Canada, s'inscrit dans le cadre de la propriété et des droits civils et relève de la compétence provinciale. La défenderesse tente de me convaincre qu'elle devrait pouvoir obtenir le versement du triple des dommages-intérêts et du double des frais. Comme je l'ai dit précédemment, la Loi de 1623 est claire, le recours ne s'applique pas aux brevets délivrés à bon droit. Il convient de dire que la défenderesse dans son argumentation laisse entendre qu'un «recours accessoire» est ana logue à une «compétence accessoire» ou en est le synonyme; à mon avis ce ne peut être le cas sans une mention précise dans la Loi sur les brevets canadienne. En fait, il en ressort que l'article 129 de la Loi constitutionnelle de 1867, s'applique dans de telles circonstances pour exclure la validité de la Statute of Monopolies du domaine de la compétence législative du Parlement, parce que la Loi sur les brevets exclut ces recours.
Je suis convaincu que le protonotaire a, à bon droit, radié le paragraphe contesté de la demande reconventionnelle et des détails concernant la Sta tute of Monopolies sans autoriser les modifications sur le fondement que cette Cour n'est pas compétente.
En ce qui a trait à la question de savoir si elle constituait une loi des Prairies au moment de la Confédération et si elle s'applique dans le domaine provincial, sans qu'une loi précise n'ait été adop- tée, il convient d'y répondre à un autre moment.
Je ne suis pas prêt à discuter de la question de savoir si M. Giles était compétent pour examiner de nouveau son ordonnance étant donné que cette décision rend la question théorique.
Le présent appel est rejeté avec dépens.
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