T-1878-86
Elizabeth C. Symes (demanderesse)
c.
Sa Majesté la Reine (défenderesse)
RÉPERTORIÉ: SYMES c. CANADA (1' e INST.)
Section de première instance, juge Cullen—
Toronto, 21 février et 27 avril; Ottawa, 11 mai
1989.
Impôt sur le revenu — Calcul du revenu — Déductions —
Frais de garde d'enfants engagés par une mère mariée ayant
deux enfants — L'associée d'un cabinet d'avocats peut récla-
mer, à titre de dépense engagée pour tirer un revenu d'une
entreprise ou pour faire produire un revenu à une entreprise au
sens de l'art. 18(1)a), une déduction pour le salaire versé à une
bonne d'enfants — Interprétation libérale de l'art. 18(1)a) à la
lumière des réalités sociales et économiques actuelles — Le
raisonnement adopté dans la décision de 1891 Bowers v.
Harding est suranné — La contribuable a l'obligation légale
de s'occuper de ses enfants — Les droits à l'égalité des
femmes et des parents garantis par l'art. 15 de la Charte
exigent d'interpréter la Loi comme permettant une déduction
des frais de garde d'enfants à titre de dépenses d'entreprises.
Droit constitutionnel — Charte des droits — Droits à
l'égalité — Frais de garde d'enfants — Déductions fiscales
Ces frais sont-il susceptibles de déduction, à titre de dépense
d'entreprise, pour l'associée d'un cabinet d'avocats? — Compte
tenu des responsabilités des femmes et des parents en matière
de garde d'enfants et des désavantages fiscaux en découlant,
l'art. 15 de la Charte exige d'interpréter la Loi de l'impôt sur
le revenu comme permettant la déduction de frais de garde
d'enfants à titre de dépenses d'entreprise.
Droit constitutionnel — Charte des droits — Clause restric
tive — Déduction, en matière d'impôt sur le revenu, des frais
de garde d'enfants engagés pour tirer un revenu d'une entre-
prise — Droits à l'égalité des femmes et des parents —
Absence d'objectif «réel et urgent» justifiant le recours à la
clause restrictive.
La demanderesse, mère mariée de deux enfants d'âge présco-
laire, était associée dans un cabinet d'avocats de Toronto. Dans
ses années d'imposition 1982 à 1985, elle a engagé une bonne
d'enfants. La demanderese a délivré des feuillets T-4, a retenu
l'impôt, des cotisations au RPC et - des primes d'A-C. La
question se pose de savoir si le salaire de la bonne d'enfants—
qui s'élève à 47 000 $—est déductible à titre de dépenses
d'entreprise sous le régime de l'alinéa 18(1)a) de la Loi ou si la
contribuable a seulement le droit de déduire une somme de
9 000 $, soit les montants accordés pour des frais de garde
d'enfants en vertu du paragraphe 63(1) de la Loi. Il s'agit de
déterminer, en premier lieu, si on devrait interpréter la Loi
comme permettant ou refusant la déduction et, en deuxième
lieu, si rejeter la déduction viole les droits à l'égalité garantis
par l'article 15 de la Charte.
Jugement: l'action devrait être accueillie.
L'approche appropriée à adopter lorsqu'il s'agit de savoir
quelles dépenses doivent être considérées comme des dépenses
d'entreprise dans le calcul des bénéfices d'entreprise consiste à
se demander si la dépense ou le débours était conforme aux
principes ordinaires des affaires commerciales ou aux principes
bien reconnus de la pratique courante des affaires. Les princi-
pes comptables sont utiles à cet égard, mais ils ne sont pas
déterminants. La dépense doit également avoir été engagée en
vue de tirer un revenu d'une entreprise ou de faire produire un
revenu à une entreprise. A ce sujet, on a de plus en plus
tendance à interpréter l'alinéa 18(1)a) de façon plus libérale.
Le raisonnement qui sous-tend les décisions des années 1950 et
1960 qui ont rejeté les dépenses relatives à l'engagement de
bonnes d'enfants provient de celui adopté dans l'affaire Bowers
v. Harding, [1918] 1 Q.B. 560, maintenant désuète. Cette
affaire provenait d'un autre âge où on imposait de sévères
restrictions aux femmes et où elles occupaient une position
subalterne dans la société et sous le régime de la loi.
Compte tenu des faits de l'espèce, la demanderesse a fait
preuve de bon sens commercial en décidant de consacrer une
partie des ses ressources tirées de la pratique du droit au soin de
ses enfants. De plus, on peut dire qu'il existe un rapport de
cause à effet entre la consécration des ressources provenant de
l'exercice de sa profession au soin des enfants et la production
de ces ressources. Et il importe peu que la demanderesse ait
déclaré les dépenses liéesà l'engagement d'une bonne d'enfants
sur sa formule personnelle de déclaration d'impôt sur le revenu
plutôt que sur l'état financier de la société, pourvu qu'il s'agisse
d'une déduction appropriée.
Ce qui rend ce cas unique est que la demanderesse a l'obliga-
tion légale de s'occuper de ses enfants, et que c'est cette
obligation légale qui distingue le coût du soin des enfants
d'autres types de dépenses qui ont été qualifiés de frais de
subsistance personnels.
L'argument de la demanderesse fondé sur l'article 15 de la
Charte ne saurait être invoqué qu'en ce qui concerne le reste de
l'année d'imposition 1985 ultérieur au 15 avril, date de l'entrée
en vigueur de l'article 15, et les années d'imposition ultérieures.
Si dans notre société nous devons favoriser l'égalité des femmes,
ce que vise clairement l'article 15, alors une interprétation de la
Loi de l'impôt sur le revenu qui permet aux femmes entrepre
neurs (dans les circonstances appropriées) de déduire leurs frais
de garde d'enfants pour qu'elles s'engagent dans une entreprise
est clairement dans les règles. La demanderesse a, compte tenu
de l'arrêt Andrews de la Cour suprême du Canada, établi l'effet
particulier de la loi ainsi que la discrimination requise fondée
sur ses caractéristiques personnelles que sont le sexe et l'état
familial ou parental. À la lumière de l'arrêt Andrews, une
interprétation de la Loi de l'impôt sur le revenu qui ne tient pas
compte du fait que les femmes sont principalement responsa-
bles du soin des enfants et que les frais de garde d'enfants
constituent un obstacle important à la participation des femmes
violerait l'article 15 de la Charte.
Il ressort d'un examen de la preuve produite par la défende-
resse qu'il n'existait aucun objectif «réel et urgent» pour justi-
fier, sous le régime de l'article premier de la Charte, le refus de
la déductibilité, à titre de dépense d'entreprise, des dépenses
faites par la demanderesse pour l'engagement d'une bonne
d'enfants.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la
Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B,
Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.),
art. 1, 15.
Child Welfare Act, R.S.O. 1980, chap. 66, art.
19(1)b)(ii),(iii).
Code criminel, S.R.C. 1970, chap. C-34, art. 197, 234.1
(édicté par S.C. 1974-75-76, chap. 93, art. 15).
Employment Standards Act, L.R.O. 1980, chap. i 37.
Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C. 1952, chap. 148, art.
12(1)a), 27(1)a).
Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, chap. 63,
art. 9, 18(1)a) (mod. par S.C. 1985, chap. 45, art. 126,
ann. III, art. 26), h), 63(1) (mod. par S.C. 1984, chap.
1, art. 25; chap. 45, art. 22), 67.
O. Reg. 75/84, art. 1.
O. Reg. 39/85, art. 1.
R.R.O. 1980, Règ. 283 (Employment Standards Act).
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Royal Trust Co. v. M.N.R. (1957), 57 DTC 1055 (C. de
l'E.); Neonex International Ltd. c. Sa Majesté la Reine
(1978), 78 DTC 6339 (C.A.F.); Mattabi Mines Ltd. c.
Ontario (Ministre du Revenu), [1988] 2 R.C.S. 175;
Premium Iron Ores Ltd. v. Minister of National Reve
nue, [1966] R.C.S. 685; 66 DTC 5280; Olympia Floor &
Wall Tile (Quebec) Ltd. v. M.N.R. (1970), 70 DTC 6085
(C.de l'É); Aluminium Company of Canada Ltd. c. La
Reine, [1974] 1 C.F. 387; 74 DTC 6408 (1" inst.);
Holmes c. La Reine, [1974] 1 C.F. 353; 74 DTC 6143
(l'e inst.); Imperial Oil Ltd. v. Minister of National
Revenue, [1947] R.C.É. 527; 3 DTC 1090; Parkinson v.
M.N.R. (1951), 51 DTC 323 (CAI); Andrews c. Law
Society of British Columbia, [1989] 1 R.C.S. 143; La
Reine c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103; R. v. Seo (1986),
54 O.R. (2nd) 293 (C.A.)
DÉCISION REJETÉE:
Bowers v. Harding, [1891] 1 Q.B. 560.
DISTINCTION FAITE AVEC:
Associated Investors of Canada Ltd. v. Minister of
National Revenue, [1967] 2 R.C.É. 96; Mandel c. La
Reine, [1977] I C.F. 673; (1976), 76 DTC 6316 (1"
inst.); confirmé par [1979] 1 C.F. 560; (1978) 78 DTC
6518 (C.A.); La Banque de Nouvelle-Écosse c. R.,
[1980] 2 C.F. 545; (1979), 80 DTC 6009 (1" inst.);
confirmé par [1982] 1 C.F. 311; (1981), 81 DTC 5115
(C.A.); Canadian General Electric Company v. The
Minister of National Revenue, [ 1962] R.C.S. 3; Minister
of National Revenue v. Anaconda American Brass Ltd.,
[ 1956] A.C. 85 (P.C.).
DÉCISION EXAMINÉE:
Smith, Kline & French Laboratories Ltd. c. Canada
(Procureur Général), [1987] 2 C.F. 359 (C.A.).
DÉCISION CITÉE:
Bailey et al. v. Minister of National Revenue (1980), 1
C.H.R.R. D/193 (T.C.D.P.).
AVOCATS:
Mary Eberts et Wendy M. Matheson pour la
demanderesse.
John R. Power, c.r. et Sandra E. Phillips
pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Tory, Tory, DesLauriers & Binnington,
Toronto, pour la demanderesse.
Le sous-procureur général du Canada pour la
défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE CULLEN: Appel est interjeté des nou-
velles cotisations établies pour les années d'imposi-
tion 1982, 1983, 1984 et 1985 de la demanderesse.
Dans ces nouvelles cotisations, le ministre du
Revenu national (MRN) a refusé la déduction des
sommes de 10 075 $, de 11 200 $, de 13 173 $ et de
13 359 $ versées à l'égard du salaire d'une certaine
Mme Simpson (Simpson), déduction faite à titre
de dépense d'entreprise pour les années d'imposi-
tion 1982, 1983, 1984 et 1985 respectivement, et il
a, à la place, accueilli une déduction révisée, pour
frais de garde d'enfants, de 1 000 $ à l'égard des
dépenses de 1982, une déduction de 2 000 $ à
l'égard des dépenses de 1983 et 1984 et une déduc-
tion de 4 000 $ à l'égard des dépenses de 1985.
À l'époque en cause, la demanderesse était une
avocate exerçant sa profession à temps plein et
associée dans un cabinet d'avocats de Toronto.
Dans les années d'imposition 1982, 1983 et 1984,
la demanderesse était la mère d'une fille et en
1985, de deux filles. Les deux enfants sont d'âge
préscolaire. La demanderesse est mariée. Comme
elle pratiquait le droit à temps plein, elle a engagé
Simpson comme bonne d'enfants pour que ses
filles reçoivent des soins appropriés à la maison.
On ne conteste pas que les fonctions de Simpson
consistaient uniquement et entièrement dans le
soin des filles de la demanderese.
Dans chacune des années d'imposition, la
demanderesse a délivré un feuillet T-4 à Simpson
qui a payé l'impôt sur la somme qu'elle a reçue à
titre de salaire. La demanderesse a également
déduit du salaire de Simpson et remis à Revenu
Canada des versements à titre de revenu, des
cotisations au Régime de pensions du Canada
[RPC] et des primes d'assurance-chômage [A-C].
Au moment de la production de sa déclaration
d'impôt sur le revenu, elle a déduit, à titre de
dépense d'entreprise, les sommes versées à Simp-
son pour son salaire.
Par avis de cotisations pour les années d'imposi-
tion 1983 et 1984, Revenu Canada a accepté la
déduction, à titre de dépense d'entreprise, du
salaire de Simpson faite par la demanderesse. Tou-
tefois, par avis de nouvelles cotisations datées du 9
décembre 1985 et du 7 novembre 1986, on a avisé
la demanderesse que les déductions réclamées pour
le salaire de Simpson avaient été rejetées et que: 1)
une déduction révisée de 1 000 $ pour frais de
garde d'enfants avait été accordée pour l'année
d'imposition 1982; 2) une déduction révisée de
2 000 $ pour frais de garde d'enfants avait été
accordée pour les années d'imposition 1983 et
1984; et 3) une déduction révisée de 4 000 $ pour
frais de garde d'enfants avait été accuellie pour
l'année d'imposition 1985.
Le rejet des déductions reposait sur le fait que
les salaires versés à Simpson n'étaient pas des
débours ou des dépenses faites ou engagées en vue
de tirer un revenu d'une entreprise, mais qu'ils
étaient des frais personnels ou des frais de subsis-
tance. Les sommes accordées l'ont été pour les
frais de garde d'enfants prévus au paragraphe
63(1) de la Loi de l'impôt sur le revenu [S.C.
1970-71-72, chap. 63 (mod. par S.C. 1984, chap.
1, art. 25; chap. 45, art. 22)] (la Loi).
La demanderesse s'est opposée au rejet des
déductions pour toutes les quatre années d'imposi-
tion au moyen d'avis d'opposition datés du 7 mars
1986 et du 23 décembre 1986. Les nouvelles coti-
sations ont été confirmées par un avis de confirma
tion en date du 20 mai 1986.
LA POSITION DE LA DEMANDERESSE:
La demanderesse fait valoir que les dépenses
que représentent les salaires réclamées pour
chaque année d'imposition en question étaient
régulièrement déductibles puisque ces dépenses
faisaient partie du calcul du son revenu tiré d'une
entreprise en vertu de l'article 9 de la Loi, et
qu'elles ont été engagées en vue de tirer un revenu
de l'entreprise au sens de l'alinéa 18(1)a) [mod.
par S.C. 1985, chap. 45, art. 126, ann. III, art. 26]
de la Loi. Selon la demanderesse, si Simpson ne
s'était pas occupée de ses deux filles, elle n'aurait
pas pu pratiquer le droit et n'aurait tiré aucun
revenu de cette entreprise (c.-à-d. le cabinet d'avo-
cats) au cours des années d'imposition en question.
En conséquence, il était raisonnable pour la
demanderesse d'engager Simpson pour s'assurer
que ses filles recevaient des soins appropriés pen
dant qu'elle tirait un revenu de l'entreprise. De
plus, en le faisant, la demanderesse s'est acquittée
de son obligation légale, celle de prendre soin de
ses enfants, comme l'exigent l'article 197 du Code
criminel, S.R.C. 1970, chap. C-34, modifié, et les
sous-alinéas 19(1)b)(ii) et (iii) de la Child Welfare
Act, R.S.O. 1980, chap. 66, modifiée.
La demanderesse soutient que l'article 63 de la
Loi (la disposition relative à la déduction pour
frais de garde d'enfants) ne porte pas atteinte à sa
réclamation parce que: 1) la déduction d'une
dépense dans le calcul du bénéfice tiré d'une entre-
prise conformément aux articles 9 et 18 de la Loi
est un poste distinct pour une déduction fondée sur
l'article 63; et 2) l'article 67 de la Loi autorise le
contribuable à faire une déduction pour un
débours ou une dépense à l'égard de laquelle une
somme est par ailleurs déductible «dans la mesure
où ce débours ou cette dépense était raisonnable eu
égard aux circonstances.»
La demanderesse prétend que, en rejetant la
déduction des dépenses réclamées, le MRN a violé
la garantie de l'égalité prévue au paragraphe 15(1)
de la Charte canadienne des droits et libertés [qui
constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de
1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982,
chap. 11 (R.-U.)] (la Charte) pour les motifs
suivants: 1) le rejet de la déduction, à titre de
dépense d'entreprise, des frais de garde d'enfants
engagés pour permettre à un parent de tirer un
revenu d'une entreprise, tout en exigeant qu'un
parent/employeur fasse des déductions de revenu à
la source, fournisse un T-4 et effectue des verse-
ments de la partie des primes d'assurance-chômage
et des cotisations au Régime de pensions du
Canada que contribuent l'employé et l'employeur,
équivaut à une disctinction injuste entre le parent/
employeur et les autres employeurs, qui peuvent
déduire du revenu d'entreprise les salaires payés
aux employés, ainsi que la part des cotisations à
l'assurance-chômage et au Régime de pensions du
Canada qui revient à l'employeur. En conséquence,
ce rejet constitue un déni du même bénéfice de la
loi; et 2) le rejet de la déduction, à titre de dépense
d'entreprise, des frais de garde d'enfants engagés
pour permettre à un parent de tirer un revenu
d'une entreprise a un effet disproportionné sur les
femmes, à qui incombe la tâche principale de la
garde d'enfants dans notre société, et constitue
donc un déni du même bénéfice de la loi fondé sur
le sexe.
La demanderesse soutient également que les
restrictions de ses droits à l'égalité notées ci-dessus
ne constituent pas des limites raisonnables impo
sées par la loi dont la justification puisse se démon-
trer dans le cadre d'une société libre et démocrati-
que (c.-à-d. l'article premier de la Charte).
LA POSITION DE LA DÉFENDERESSE:
La défenderesse soutient que le MRN a à juste
titre refusé la déduction, à titre de dépense d'entre-
prise, du salaire payé à Simpson, parce que les
sommes en question n'étaient pas des débours ou
des dépenses faites ou engagées par la demande-
resse en vue de tirer un revenu d'une entreprise, au
sens de l'alinéa 18(1)a) de la Loi, mais qu'elles
étaient des frais personnels ou des frais de subsis-
tance au sens de l'alinéa 18(1)h) et du paragraphe
248(1) de la Loi. De plus, le MRN a correctement
fixé de nouveau l'impôt à payer par la demande-
resse, et il a accordé les déductions de 1 000 $, de
2 000 $ et de 4 000 $ pour les années d'imposition
1982, 1983, 1984 et 1985 respectivement, à titre
de frais de garde d'enfants, conformément au
paragraphe 63(1) de la Loi.
La défenderesse fait valoir que le rejet de la
déduction, réclamée par la demanderesse, des
sommes en question en vertu des alinéas 18(1)a) et
18(1)h) n'est pas incompatible avec l'une quelcon-
que des dispositions de la Charte. Toujours selon la
défenderesse, les dispositions de l'article 15 de la
Charte ne s'appliquent pas aux années d'imposi-
tion 1982, 1983 et 1984.
En conséquence, ce qu'il faut essentiellement
déterminer en l'espèce est la caractérisation appro-
priée des paiements faits par la demanderesse à
Simpson.
Déductibilité du salaire de Simpson sous le régime
de la Loi de l'impôt sur le revenu:
En abordant l'aspect imposition de l'espèce, il
faut se demander tout d'abord si la salaire payé à
Simpson peut être déduit à titre de dépense en
vertu de l'article 9 et des alinéas 18(1)a) et
18(1)h) de la Loi. Le paragraphe 9(1) dit que le
revenu tiré par un contribuable d'une entreprise ou
d'un bien pour une année d'imposition est le béné-
fice qu'il en tire pour cette année. L'alinéa 18(1)a)
de la Loi prévoit une restriction générale des
déductions permises dans le calcul du revenu qu'un
contribuable tire d'une entreprise ou d'un bien en
interdisant la déduction des débours ou des dépen-
ses sauf dans la mesure où elles ont été faites ou
engagées par le contribubale en vue de tirer ou
faire produire un revenu. L'alinéa 18(1)h) contient
une autre restriction en ce qu'il interdit la déduc-
tion des frais personnels ou des frais de
susbsistance.
La détermination du bénéfice et la question de
savoir si une dépense est une véritable dépense
d'entreprise qui doit être incluse dans le calcul du
bénéfice sont des questions de droit:
Il n'est nullement nécessaire, pour calculer les bénéfices de
façon à représenter fidèlement le revenu imposable d'un contri-
buable, de fonder le rapprochement des recettes et des dépenses
sur les principes comptables généralement reconnus. Que le
rapprochement soit fondé ou non sur ces principes, voilà une
question de droit qu'il appartient à la Cour de trancher eu
égard à ces derniers (voir M.N.R. v. Anaconda Brass Ltd.
(1956), A.C. 85; voir aussi Associated Investories of Canada
Ltd. v. M.N.R. (1967), 2 R.C.É. 96, aux pages 101 et 102).
Il s'agit là des propos tenus par le juge Urie dans
l'affaire Neonex International Ltd. c. Sa Majesté
la Reine (1978), 78 DTC 6339 (C.A.F.) à la
page 6348.
Après avoir examiné la jurisprudence, je con-
viens avec l'avocate de la demanderesse que l'ap-
proche appropriée à adopter lorsqu'il s'agit de
savoir quelles dépenses doivent être considérées
comme des dépenses d'entreprise dans le calcul des
bénéfices d'entreprise consiste à se demander si la
dépense ou le débours était conforme aux principes
ordinaires des affaires commerciales ou aux princi-
pes bien reconnus de la pratique courante des
affaires. (Royal Trust Co. v. M.N.R. (1957), 57
DTC 1055 (C. de l'É.); Neonex, précité; Mattabi
Mines Ltd. c. Ontario (Ministre du Revenu),
[1988] 2 R.C.S. 175).
À l'appui de l'idée qu'on ne peut déterminer la
«pratique courante des affaires» qu'au moyen d'élé-
ments de preuve comptables, la défenderesse a cité
de la jusrisprudence suivante (Associated Inves
tors of Canada Ltd. v. Minister of National Reve
nue, [1967] 2 R.C.É. 96; Mandel c. La Reine,
[1977] 1 C.F. 673; (1976), 76 DTC 6316 (1"
inst.), portée en appel [1979] 1 C.F. 560; (1978),
78 DTC 6518 (C.A.); La Banque de Nouvelle-
Écosse c. R., [1980] 2 C.F. 545; (1979), 80 DTC
6009 (l" inst.), portée en appel [1982] 1 C.F. 311;
(1981), 81 DTC 5115 (C.A.); Canadian General
Electric Company v. The Minister of National
Revenue, [1962] R.C.S. 3; Minister of National
Revenue v. Anaconda American Brass Ltd.,
[1956] A.C. 85 (P.C.)). En général, ces affaires
portent sur la tentative par un contribuable d'utili-
ser une méthode comptable particulière pour se
soustraire à l'obligation fiscale et, pour cette
raison, l'accent est mis sur le critère des «principes
comptables» plutôt que sur le critère de la pratique
courante des affaires. En conséquence, je suis con-
vaincu que le critère est un critère des affaires et
non un critère comptable. Toutefois, cela ne signi-
fie nécessairement pas que les éléments de preuve
comptables, s'ils sont produits, ne devraient pas
entrer en ligne de compte, seulement qu'ils ne
devraient pas trancher la question.
Ainsi donc, les bénéfices tirés d'une entreprise,
sous réserve d'une directive spéciale dans la loi,
doivent être déterminés conformément aux princi-
pes ordinaires des affaires commerciales et à la
pratique courante des affaires, compte tenu de
toutes les circonstances de chaque cas d'espèce. De
plus, pour que la dépense en question soit déducti-
ble, elle doit également être faite ou engagée en
vue de tirer un revenu de l'entreprise ou de faire
produire un revenu à l'entreprise.
La question de savoir si un débours ou une
dépense a été faite ou engagée en vue de tirer un
revenu a fait l'objet d'une jurisprudence abon-
dante. Il n'y a pas lieu d'examiner toute la juris
prudence portant sur ce sujet; au lieu de cela, je
me propose de souligner qu'on a de plus en plus
tendance à interpréter l'alinéa 18(1)a) de la Loi de
façon plus libérale. Dans l'affaire Royal Trust Co.
v. M.N.R., précitée, la Cour de l'Échiquier a
conclu que la cotisation à un club versée pour ses
cadres par la société étaient déductibles. Le prési-
dent Thorson s'est prononcé en ces termes à la
page 1060:
[TRADUCTION] Ainsi donc, on peut dire catégoriquement que
dans une affaire sous le régime de la Loi de l'impôt sur le
revenu, la première question à trancher pour déterminer si un
débours ou une dépense n'est pas visée par l'interdiction de
l'alinéa 12(1)a) de la Loi est de savoir si elle a été faite ou
engagée par le contribuable conformément aux principes ordi-
naires des affaires commerciales ou aux principes bien reconnus
de la pratique courante des affaires. Dans la négative, la
question est vidée. Mais dans l'affirmative, le débours ou la
dépense est alors régulièrement déductible à moins qu'elle ne
soit pas visée par l'exception prévue à l'article 12(1)a) et tombe
donc sous le coup de son interdiction.
Il a ajouté à la page 1062:
[TRADUCTION] La limitation essentielle aux exceptions pré-
vues à l'article 12(1)a) est que la dépense ou débours doit avoir
été consenti par le contribuable «dans le but» de gagner ou de
produire un revenu «dérivé de l'entreprise». C'est le but de la
dépense ou du débours qui est important. Le but doit être de
gagner ou de produire un revenu «dérivé d'une entreprise» à
laquelle le contribuable se consacre. Si de telles conditions sont
réunies, le fait qu'il peut ne pas en résulter de profit n'empêche
nullement la déductibilité du montant du débours ou de la
dépense. Ainsi, dans une affaire jugée en vertu de la Loi de
l'impôt sur le revenu, si une dépense ou un débours est consenti
ou subi par un contribuable conformément aux principes des
affaires commerciales ou de la pratique courante des affaires et
s'il est consenti ou subi dans le but de gagner ou de produire un
revenu dérivé de son entreprise, son montant est déductible aux
fins de la Loi de l'impôt sur le revenu.
L'espèce est importante en raison du caractère
indirect relatif entre la dépense et son but et de
l'accent mis sur le but plutôt que sur le résultat.
De plus, dans l'arrêt Premium Iron Ores Ltd. v.
Minister of National Revenue, [1966] R.C.S. 685;
66 DTC 5280, la Cour a accueilli la déduction des
frais de justice engagés pour protéger un revenu
déjà gagné. Les frais en question ont été engagés
en vue de prendre des dispositions pour contester
une réclamation qui avait été faite par le Internai
Revenue Service des États-Unis.
Dans l'affaire Olympia Floor & Wall Tile
(Quebec) Ltd. y. M.N.R. (1970), 70 DTC 6085 (C.
de l'E.), le président Jackett a statué que toutes les
contributions de l'appelante qui dépassaient 100 $
étaient déductibles, sous le régime de l'alinéa
12(1)a) [Loi de l'impôt sur le revenu, S.R.C.
1952], dans le calcul de son revenu; le reste des
contributions était déductible en vertu de l'alinéa
27(1)a) à titre de dons de charité. Ces contribu
tions plus grandes faites à des organisations de
charité (environ 8 000 $ en 1962 et 10 000 $ en
1963) étaient des dépenses engagées par la société
surtout (pour ne pas dire entièrement) aux fins
d'accroître ou de maintenir ses ventes et seulement
à tire subsidiaire, si tant est, aux fins de charité. À
la page 6089 de son jugement, le président Jackett
s'est exprimé en ces termes:
[TRADUCTION] À mon avis, lorsque un contribuable engage
une dépense en vue de produire un revenu—c.-à-d. afin de
réaliser des bénéfices—même si cette dépense se présente sous
la forme d'un «don» à une organisation de charité, il ne s'agit
pas d'un «don» au sens que donne à ce terme l'article 27(1)a),
qui, d'après le rôle qu'il joue dans la méthode de calcul du
revenu imposable, avait certainement pour but de conférer un
avantage aux personnes qui ont fait des contributions en les
retirant de leur revenu, et non de permettre de déduire des
débours engagés en vue de gagner un revenu.
Dans l'affaire Aluminium Company of Canada
Ltd. c. La Reine, [1974] 1 C.F. 387; 77 DTC 6408
(1r 2 inst), des paiements effectués par la contribua-
ble à sa filiale jamaïquaine par suite d'une pression
exercée par le gouvernement de la Jamaïque ont
été acceptés comme des dépenses déductibles parce
que ces paiements s'imposaient, sur le plan prati-
que et commercial, si la contribuable devait jouir
des relations amicales avec le gouvernement de la
Jamaïque.
Une autre affaire qui mérite d'être invoquée est
l'affaire Holmes c. La Reine, [1974] 1 C.F. 353;
74 DTC 6143 (1f» inst.). Dans cette cause, les
contribuables s'associaient dans un cabinet d'avo-
cats. Les épouses des associés ont constitué une
compagnie de gestion pour s'occuper des fonctions
administratives de ce cabinet. En vertu de l'entente
entre le cabinet et la compagnie, celle-ci paierait
les dépenses engagées par le cabinet d'avocats pour
ses services, et ce dernier les lui remboursait et lui
versait une commission de gestion de 15 %. La
Cour a statué que chacun des contribuables (asso-
ciés) était en droit de déduire sa part des commis
sions. La Cour était convaincue que, selon la
preuve, la mise sur pied d'une compagnie de ges-
tion a considérablement augmenté l'efficacité des
activités du cabinet d'avocats. Le juge Cattanach
s'est prononcé en ces termes aux pages 371 C.F.;
6151 DTC:
Il ressort de la preuve qu'une commission s'élevant à 15% des
dépenses faites au nom d'un client correspond au taux normal
courant pour des services de ce genre. Pour cette raison, le
versement d'une commission de cet ordre ne réduit pas indû-
ment le revenu du payeur si la dépense a été engagée pour des
raisons commerciales légitimes.
A mon avis, pour déterminer s'il est approprié de déduire les
commissions, il faut décider d'abord si le paiement desdites
commissions en vertu de ce contrat est motivé par des raisons
commerciales admissibles.
En décidant que les paiements des commissions constituaient
une dépense engagée en vue de produire ou de gagner un revenu
provenant de l'entreprise du demandeur, j'ai conclu en même
temps qu'il existait une motivation commerciale réelle impli-
quant des avantages commerciaux.
Il n'est pas contesté que les salaires payés aux
employés sont déductibles à titre de dépenses d'en-
treprise, pourvu qu'ils le soient dans le but de tirer
un revenu et qu'ils soient raisonnables. De plus,
dans certaines circonstances, des salaires versés à
des conjoints ou à des enfants sont également
déductibles à titre de dépenses d'entreprise. S'il en
est ainsi, selon la demanderesse, pourquoi les salai-
res versés à sa bonne d'enfants ne devraient-ils pas
être déductibles à titre de dépenses d'entreprise?
Certainement, si la demanderesse engageait un
avocat en second ou un stagiaire dont les fonctions
consistaient également à s'occuper des enfants de
l'associé (si par hasard le cabinet fournissait une
garderie), il n'y aurait pas contestation du fait que
les salaires de l'avocat en second et du stagiaire
seraient déductibles à titre de dépense d'entreprise.
Dans son argumentation, l'avocat de la défende-
resse a introduit le concept du [TRADUCTION]
«cercle des affaires ou de la production de revenu»,
prétendant que les dépenses qui font que le contri-
buable approche du cercle, mais qu'il se trouve
encore en dehors de ce dernier, ne sont pas des
déductions d'entreprise appropriées et que, en con-
séquence, on peut dire que seules celles qui ont été
faites «à l'intérieur» du cercle de la production de
revenu sont à proprement parler déductibles.
L'avocat a qualifié le paiment du salaire de la
bonne d'enfants de dépense qui permettait à la
demanderesse de sortir et d'exercer sa profession,
mais qui n'a pas été faite dans l'exercice de sa
profession. Le concept proposé par l'avocat sem-
blerait laisser entendre que le cercle des affaires et
de la production de revenu a un contenu fixe,
c'est-à-dire qu'il se limite à ces articles qui se
trouvent à l'intérieur du cercle et qu'on ne saurait
y ajouter les autres dépenses.
À mon avis, l'idée d'un cercle à «contenu fixe» va
à l'encontre du texte des dispositions pertinentes de
la Loi et des tendances dans la jurisprudence qui
interprètent ces dispositions. Aucune définition du
mot «bénéfice» ne figure dans la Loi. Au lieu de
cela, le législateur, en ne définissant pas le terme
«bénéfice» ou en ne fixant pas le contenu de ce
terme, a voulu que l'interprétation judiciaire
dégage du terme le sens qui reflète les réalités de
l'époque. De plus, ainsi que je l'ai indiqué plus
haut, il ressort de la jurisprudence que les tribu-
naux ont donné une interprétation plus progres-
siste du texte de l'alinéa 18(1)a) de la Loi. Après
les décisions Imperial Oil Ltd. v. Minister of
National Revenue, [1947] R.C.É. 527; 3 DTC
1090; Royal Trust (précitée); Parkinson v.
M.N.R. (1951), 51 DTC 323 (CAI); Olympia
Floor (précitée), des dommages-intérêts, des coti-
sations à un club, des dépenses de conférence et
des dons de charité respectivement ont été considé-
rés comme des déductions acceptables et légitimes
du revenu d'entreprise. C'est ainsi que les concepts
de «bénéfice» et de ce qui est considéré comme une
déduction d'entreprise appropriée ont été adaptés
pour refléter la pratique changeante des affaires.
En fait, si le législateur n'avait pas permis que le
concept fasse l'objet d'une interprétation et d'une
nouvelle interprétation de la part des tribunaux, les
déductions seraient gelées là où elles étaient au
moment de la l'adoption du prédécesseur de l'ali-
néa 18(1)a) de la Loi.
Le D' Patricia Armstrong (Armstrong) a été
cité comme témoin d'expert, et je l'ai traitée
comme telle après avoir entendu la preuve, suivie
des plaidoiries des avocats. L'avocat de la défende-
resse a alors adopté la position suivante (page 214
de la transcription):
[TRADUCTION] M. POWER: Monsieur le juge, à la lumière de
votre dernière décision et en consultation avec mon collègue
pendant la pause, je désire soumettre ce qui suit à votre
attention. J'en ai parlé à mon collègue.
Au lieu de me déclarer au nom de la Couronne et de
m'opposer à la pertinence de chaque paragraphe, à commencer
par le paragraphe n° 5 de l'affidavit du D' Armstrong, qui va du
paragraphe n° 5 au paragraphe n° 22, je vais, avec la permission
de sa Seigneuirie, à cet état du dossier, m'opposer à la perti
nence de chacun de ces paragraphes selon qu'il se rapporte aux
circonstances de l'espèce comme je l'avais noté par suite de la
question constitutionnelle énoncée par mon collègue.
En conséquence, Monsieur le juge, si on peut considérer que
la Couronne s'est opposée à chacun de ces paragraphes, je ne
vais pas me déclarer à moins que d'autres objections survien-
nent quant à la question de la pertinence parce que l'objection
va être notée maintenant et que cela va faciliter la déposition de
ce témoin.
Il ressort du témoignage d'Armstrong que le fait
qu'un grand nombre de femmes en âge d'avoir des
enfants font preuve d'esprit d'entreprise et se trou-
vent en milieu de travail, particulièrement dans les
années 1970 et après, a modifié considérablement
le paysage et la gestion même des affaires. C'est
ainsi que la question de la déductibilité du salaire
de Simpson doit être interprétée en tenant compte
des réalités sociales et économiques de l'époque.
L'avocat de la défenderesse a cité des décisions
rendues dans les années 1950 et 1960 où les tribu-
naux ont rejeté les dépenses relatives à l'engage-
ment de bonnes d'enfants à titre de déduction
d'entreprise légitime. Ces dépenses étaient considé-
rées comme des frais personnels ou des frais de
subsistance au sens de l'alinéa 18(1)h) (de fait, son
prédécesseur) de la Loi. Après avoir examiné ces
décisions, je souscris aux commentaires de l'avo-
cate de la demanderesse selon lesquels le raisonne-
ment qui sous-tend ces décisions provient de celui
adopté dans l'affaire de 1891 Bowers v. Harding,
[1891] 1 Q.B. 560. L'affaire Bowers a eu lieu à
une époque où on imposait de très sévères restric
tions aux femmes et où il existait des idées très
fixes sur ce qui convenait aux femmes et ce qu'é-
tait la position des hommes, en matière d'emploi et
de revenu. L'affaire provenait d'un autre âge, d'un
autre système portant sur une question fiscale qui
était reliée à l'emploi plutôt qu'aux bénéfices tirés
d'une entreprise. De plus, l'affaire est pleine
d'exemples de la position subalterne des femmes
dans cette société et dans cette loi.
Comme le montre le témoignage d'Armstrong,
la fin des années 1970 et le début des années 1980
ont connu un changement social important avec
l'afflux des femmes en âge d'avoir des enfants dans
les affaires et en milieu de travail. Ce changement
survient après les causes antérieures qui avaient
rejeté les dépenses liées à l'engagement de bonnes
d'enfants à titre de déduction d'entreprise légitime
et, en conséquence, il ne s'ensuit pas nécessaire-
ment que les conditions qui prévalaient dans la
société de l'époque de ces décisions antérieures
vont s'imposer maintenant. Pour cette raison, je ne
vois pas comment je devrais être limité, dans mon
interprétation de ce qui est une dépense d'entre-
prise appropriée quant à son rapport avec les
dépenses liées à l'engagement de bonnes d'enfants,
par un groupe de décisions tranchées dans les
anneées 1950 et 1960 sur la base du raisonnement
adopté dans une décision rendue en 1891.
Les faits de l'espèce me convainquent que la
demanderesse a fait preuve de bon sens commer
cial en décidant de consacrer une partie de ses
ressources tirées de la pratique du droit au soin de
ses enfants. Cette décision est acceptable selon les
principes commerciaux qui incluent le développe-
ment du capital intellectuel, l'amélioration de la
productivité, la fourniture des services aux clients
et la disponibilité de la ressource qu'elle vend,
c'est-à-dire son temps.
De plus, le témoignage d'Armstrong étaye l'idée
que la disponibilité du soin des enfants augmente
la productivité en ce sens qu'elle accroît la tran-
quillité d'esprit des employés. Augmenter la pro-
ductivité est quelque chose qui correspond parfai-
tement à la pratique bien établie des affaires. Son
témoignage fait voir en outre que l'absence de soin
des enfants est un obstacle à la participation des
femmes à l'économie, pour ce qui est du travail
rémunéré et du travail générateur de revenus, et
que, en conséquence, lever l'obstacle en arrivant à
un moyen satisfaisant de faire face au coût du soin
des enfants serait logique sur le plan commercial.
La demanderesse soutient que le travail de
Simpson à sa maison a rendu possible son exercice
de la profession d'avocat. Il semblerait que se
mettre dans la position d'un professionnel pour
générer un revenu est conforme aux bons principes
commerciaux. Selon la demanderesse, son entre-
prise consiste essentiellement dans la vente de son
temps et de sa compétence à ses clients. Elle a
maximisé le bénéfice provenant de son temps et de
sa compétence en pouvant consacrer ce temps et
cette compétence à son travail à temps plein. Elle
pouvait également respecter son emploi du temps
quotidien en adaptant les exigences de son travail,
parce que Simpson s'occupait de ses enfants. Par
conséquent, on peut dire qu'il existe un rapport de
cause à effet entre la consécration des ressources
provenant de l'exercice de sa profession au soin des
enfants et la production de ces ressources.
Pour ce qui est de la façon dont la demanderesse
a déclaré les dépenses liées à l'engagement de la
bonne d'enfants, c'est-à-dire comme un poste sur
sa formule personnelle de déclaration de son impôt
sur le revenu plutôt que sur l'état financier de la
société, je souscris à l'argument de la demande-
resse selon lequel, dans les cas d'association, l'en-
droit où on réclame une dépense importe peu,
pourvu qu'il s'agisse d'une déduction appropriée
(voir Parkinson v. M.N.R. (1951), 51 DTC 323
(CAI)). À mon avis, pour trancher de façon appro-
priée la question de savoir si un poste est déducti-
ble, il faudrait se fonder sur la nature de la
dépense et non sur le morceau de papier sur lequel
elle est ou a été réclamée.
De plus, ainsi que je l'ai indiqué plus haut, il
ressort de la jurisprudence qu'on n'a pas nécessai-
rement à tenir compte des principes comptables
pour déterminer le bénéfice en vertu des principes
des affaires commerciales. Il en est particulière-
ment ainsi dans l'affaire dont je suis saisi, puis-
qu'aucun témoignage d'expert comptable n'a été
rendu.
Aux termes de l'argument selon lequel la
dépense liée à l'engagement d'une bonne d'enfants
est visée par l'alinéa 18(1)h) de la Loi, il me
semble que, compte tenu des faits de l'espèce, une
distinction s'impose entre le soin des enfants qui
permet de participer à l'économie et de générer un
revenu et le soin des enfants qui permet une vie
mondaine ou l'engagement d'une servante pour se
rendre la vie plus facile. Ces deux dernières dépen-
ses sont clairement des frais de subsistance person-
nels et facultatifs.
La défenderesse soutient que les frais engagés
par la demanderesse pour avoir les services d'une
bonne d'enfants équivalent à n'importe laquelle
des dépenses d'entretien personnelles qu'un homme
d'affaires doit payer pour travailler, et que les frais
liés à l'engagement d'une bonne d'enfants équiva-
lent à l'équipement utilisé par un handicapé pour
travailler et ne sont donc pas déductibles. Avec
égards, je ne souscris pas à ces analogies. Ce qui
rend ce cas unique est que, en vertu de la loi, la
demanderesse a l'obligation légale de s'occuper de
ses enfants, et que c'est cette obligation légale qui
distingue le coût du soin des enfants d'autres types
de dépenses qui ont été ou pourraient être qualifiés
de frais de subsistance personnels.
En conséquence, compte tenu de ce qui précède
et des faits particuliers de l'espèce, je conclus que
le salaire payé à la bonne d'enfants a le carcatère
d'une dépense engagée en vue de tirer un revenu
d'une entreprise ou de faire produire un revenu à
une entreprise, au sens de l'alinéa 18(1)a) de la
Loi.
Pour ce qui est de l'article 63 de la Loi, j'aime-
rais souligner à ce point dans mes motifs que la
défenderesse a reconnu que si la dépense liée à
l'engagement d'une bonne d'enfants est une
dépense d'entreprise appropriée en vertu des arti
cles 3, 9 et 18 de la Loi, alors l'article 63 ne
saurait l'empêcher d'être accueillie comme telle.
Le caractère raisonnable (l'article 67 de la Loi):
L'article 67 de la Loi impose une restriction au
montant d'un débours ou d'une dépense qui peut
être déduite. Le critère est ce qui est «raisonnable
eu égard aux circonstances». Dans l'affaire dont je
suis saisi, il ne fait pas de doute que les salaires
versés à Simpson étaient raisonnables. A cet égard,
je note que le Règlement [R.R.O. 1980, Reg. 283]
pris en vertu de la Employment Standards Act
[R.S.O. 1980, chap. 137] de l'Ontario exige
qu'une bonne d'enfants travaillant pour une
maison privée reçoive un minimum de 757 $ par
mois ou 9 084 $ par an (art. 1 du O. Reg. 75/84 et
art. 1 du O. Reg. 39/85). Les salaires de Simpson
ne pouvaient être considérés comme déraisonna-
bles étant donné ce minimum et le fait qu'elle s'est
occupée de deux enfants. (En utilisant le terme
«raisonnable», j'affirme bien entendu que la somme
réclamée n'était pas excessive, mais du point de
vue d'une bonne d'enfants ou d'un éducateur dans
une garderie, les salaires ne sont pas, dans presque
tous les cas, réellement suffisants.)
Les frais de garde d'enfants—l'article 63 de la Loi:
Avant 1972, les frais de garde d'enfants étaient
considérés comme des dépenses personnelles non
déductibles aux fins de l'impôt sur le revenu. En
1972, dans le cadre d'une réforme fiscale, le Parle-
ment a abordé la question de prévoir dans la Loi
une disposition portant sur la déductibilité des
frais de garde d'enfants en adoptant l'article 63 de
la Loi. L'adoption de l'article 63 visait à faciliter
l'entrée des femmes dans la population active,
favorisant par là l'égalité économique entre les
sexes et soulageant les familles à faible revenu
(Livre blanc sur la réforme fiscale, (1969)).
Au début, on a considéré que la garde d'enfants
incombait principalement à la mère, et, par consé-
quent, la déduction de frais de garde d'enfants
était destinée uniquement aux femmes (à moins
qu'on ne puisse démontrer que la mère, à cause de
la maladie ou de l'emprisonnement, ne pouvait
s'occuper de l'enfant ou des enfants). Toutefois, en
réponse à la décision du Tribunal canadien des
droits de la personne dans Bailey et al. v. Minister
of National Revenue (1980), 1 C.H.R.R. D193,
l'article 63 a été modifié, pour ce qui est de l'année
d'imposition 1983 et des années d'imposition ulté-
rieures, pour qu'il s' applique également aux con-
tribuables du sexe féminin et du sexe masculin.
L'article 63, dans sa version de 1985, permettait à
un contribuable de déduire du revenu jusqu'à
2 000 $ par enfant (maximum de quatre enfants) à
l'égard des frais de garde d'enfants pour l'année.
Lorsque les frais ont été engagés par un couple, le
conjoint ayant un revenu inférieur devait réclamer
la déduction.
L'interprétation du paragraphe 15(1) de la Charte:
La demanderesse s'appuie sur ce paragraphe qui
est ainsi rédigé:
15. (1) La loi ne fait acception de personne et s'applique
également à tous, et tous ont droit à la même protection et au
même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimina
tion, notamment des discriminations fondées sur la race, l'ori-
gine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l'âge
ou les déficiences mentales ou physiques.
En fait, le moyen invoqué par la demanderesse
réside dans le refus du même bénéfice de la loi.
Cet article n'est pas entré en vigueur avant le 17
avril 1985. La jurisprudence est constante sur ce
point: le paragraphe 15(1) de la Charte n'a pas
d'effet rétroactif.
Dans l'affaire R. v. Seo (1986), 54 O.R. (2d)
293, la Cour d'appel de l'Ontario a fait remarquer
que, à l'évidence, l'ajournement de l'application de
l'article 15 visait à permettre au Parlement et aux
législatures de rendre leur législation conforme à
la Charte. Ce n'est qu'après cette période de tran
sition que la législation pourrait être contestée en
invoquant le motif de la violation de cet article.
Ainsi donc, il n'était pas loisible à l'accusé dans
cette affaire de contester la validité d'une condam-
nation sous le régime de l'article 234.1 [ajouté par
S.C. 1974-75-76, chap. 93, art. 15] du Code cri-
minel en alléguant que l'omission de proclamer
l'entrée en vigueur de l'article dans tout le Canada
créait une inégalité, lorsque l'accusation provenait
d'un événement de 1983.
De même, en l'espèce, le motif de défense fondé
sur la Charte ne saurait être invoqué pour les
années d'imposition 1982, 1983, 1984 et les trois
premiers mois et demi de 1985. Les avis de nouvel-
les cotisation envoyés par la poste après le 17 avril
1985 n'ont pas pour effet, comme le prétend la
demanderesse, de rendre la Charte applicable à ces
années. Toutefois, la demanderesse est en droit
d'invoquer la Charte pour le reste de l'année d'im-
position 1985 et pour les années d'imposition
ultérieures.
La plus récente décision judiciaire sur l'article
15 de la Charte est l'arrêt Andrews c. Law Society
of British Columbia, [1989] 1 R.C.S. 143. Les
questions que la Cour devait trancher étaient de
savoir si l'obligation d'être citoyen canadien por-
taient atteinte aux droits à l'égalité garantis par le
paragraphe 15(1) de la Charte et, dans l'affirma-
tive, si cette atteinte était justifiée par l'article
premier de la Charte. La Cour a, à l'unanimité,
conclu que cette obligation violait le paragraphe
15(1), et une majorité a statué qu'elle n'était pas
soutenable sous le régime de l'article premier de la
Charte. Bien que l'arrêt ne soit pas pertinent, il est
intéressant pour ses commentaires sur le paragra-
phe 15(1) et l'interaction de l'article premier et du
paragraphe 15 (1) de la Charte. Ce qu'il convient
de noter au début est le fait que la Cour suprême
du Canada a rejeté le «critère de la situation
identique», savoir que les personnes qui se trouvent
dans une situation identique sont traités de façon
identique et que les personnes qui se trouvent dans
des situations différentes sont traitées différem-
ment, et a, au lieu de cela, choisi les motifs «sem-
blables ou énumérés» pour déterminer si des indivi-
dus ont fait l'objet d'une discrimination pour les
motifs mentionnés au paragraphe 15(1) de la
Charte.
Le juge McIntyre, qui rédigeait l'arrêt de la
Cour sur la question du paragraphe 15(1) et de
l'interaction de ce dernier et de l'article premier, a
tout d'abord examiné le concept d'égalité et a fait
remarquer aux pages 163 et 164 que le paragraphe
15(1) de la Charte prévoit que la loi ne fait
acception de personne et s'applique également à
tous, et que tous ont droit à la même protection et
au même bénéfice de la loi, indépendamment de
toute discrimination. [A la page 144]: «Il ne s'agit
pas d'une garantie générale d'égalité; la disposition
porte sur l'application de la loi.» (C'est moi qui
souligne.)
Dans l'affaire dont je suis saisi, il n'existe
aucune difficulté quant au mot «loi» puisque c'est
une loi du Parlement qui est en cause. Pour ce qui
du concept d'égalité, le juge McIntyre a noté ce
qui suit à la page 165:
Pour s'approcher de l'idéal d'une égalité complète et entière
devant la loi et dans la loi—et dans les affaires humaines une
approche est tout ce à quoi on peut s'attendre—la principale
considération doit être l'effet de la loi sur l'individu ou le
groupe concerné. Tout en reconnaissant qu'il y aura toujours
une variété infinie de caractéristiques personnelles, d'aptitudes,
de droits et de mérites chez ceux qui sont assujettis à une loi, il
faut atteindre le plus possible l'égalité de bénéfice et de protec
tion et éviter d'imposer plus de restrictions, de sanctions ou de
fardeaux à l'un qu'à l'autre. En d'autres termes, selon cet idéal
qui est certes impossible à atteindre, une loi destinée à s'appli-
quer à tous ne devrait pas, en raison de différences personnelles
non pertinentes, avoir un effet plus contraignant ou moins
favorable sur l'un que sur l'autre.
Le juge McIntyre a continué d'examiner le critère
de la situation identique et a conclu à la page 168
que le critère ne peut être accepté comme règle ou
formule figée applicable en vue de trancher les
questions d'égalité soulevées en vertu de la Charte:
Il faut tenir compte du contenu de la loi, de son objet et de son
effet sur ceux qu'elle vise, de même que sur ceux qu'elle exclut
de son champ d'application. Les questions qui seront soulevées
d'un cas à l'autre sont telles que ce serait une erreur que de
tenter de restreindre ces considérations à une formule limitée et
figée.
Aux pages 174 et 175, il a décrit la discrimination
en ces termes:
J'affirmerais alors que la discrimination peut se décrire comme
une distinction, intentionnelle ou non, mais fondée sur des
motifs relatifs à des caractéristiques personnelles d'un individu
ou d'un groupe d'individus, qui a pour effet d'imposer à cet
individu ou à ce groupe des fardeaux, des obligations ou des
désavantages non imposés à d'autres ou d'empêcher ou de
restreindre l'accès aux possibilités, aux bénéfices et aux avanta-
ges offerts à d'autres membres de la société. Les distinctions
fondées sur des caractéristiques personnelles attribuées à un
seul individu en raison de son association avec un groupe sont
presque toujours taxées de discriminatoires, alors que celles
fondées sur les mérites et capacités d'un individu le sont
rarement.
Bien entendu, la Cour doit aborder la question de
la discrimination en examinant le terme tel qu'il
figure au paragraphe 15(1). Le juge McIntyre a
ajouté à la page 175:
Les motifs énumérés au par. 15(1) ne sont pas exclusifs et les
restrictions, le cas échéant, que la jurisprudence pourra appor-
ter aux motifs de discrimination ne sont pas encore précisées.
Les motifs énumérés traduisent cependant les pratiques de
discrimination les plus courantes, les plus classiques et vraisem-
blablement les plus destructrices socialement, et ils doivent,
selon le par. 15(1), recevoir une attention particulière. Les
motifs énumérés eux-mêmes et les autres motifs possibles de
discrimination reconnus au par. 15(1) doivent, dans les deux
cas, recevoir une interprétation large et libérale de manière à
refléter le fait qu'il s'agit de dispositions constitutionnelles qu'il
n'est pas facile d'abroger ou de modifier, mais qui visent à
fournir un «cadre permanent à l'exercice légitime de l'autorité
gouvernementale» et, par la même occasion, à «la protection
constante» des droits à l'égalité: voir Hunter c. Southam Inc.,
[ 1984] 2 R.C.S. 145, à la p. 155.
Le juge McIntyre a examiné les trois points de vue
principaux dont les tribunaux ont tenu compte
pour déterminer le rôle du paragraphe 15(1) de la
Charte, le sens du terme discrimination contenu
dans cet article et le rapport entre le paragraphe
15(1) et l'article premier de la Charte, et il a
conclu que le «point de vue, celui des «motifs
énumérés et analogues», correspond davantage aux
fins de l'art. 15 et à la définition de la discrimina
tion exposée auparavant et renvoie à l'article pre
mier les questions de justification» (page 182). À
la page 180 de ses motifs, le juge McIntyre a
inclus l'extrait suivant de l'arrêt rendu par le juge
de la Cour d'appel Hugessen dans l'affaire Smith,
Kline & French Laboratories Ltd. c. Canada (Pro-
cureur Général), [1987] 2 C.F. 359 (C.A.), aux
pages 368 et 369:
Dans la mesure où le texte de l'article 15 lui-même est visé,
on peut voir s'il y a ou non de la «discrimination», au sens
péjoratif de ce terme et si les catégories sont fondées ou non sur
des motifs énumérés ou des motifs analogues à ceux-ci. L'exa-
men porte en fait sur les caractéristiques personnelles de ceux
qui prétendent avoir été traités de manière inégale. L'examen
porte principalement sur les questions de stéréotype, de désa-
vantage historique, en un mot, de préjudice et l'on peut même
reconnaître que pour certaines personnes le terme égalité a un
sens différent de ce qu'il a pour d'autres personnes.
Le juge McIntyre a alors ajouté le commentaire
suivant à la page 182:
Cependant, pour vérifier s'il y a eu atteinte aux droits que le
par. 15(1) reconnaît au plaignant, il ne suffit pas de se concen-
trer uniquement sur le motif allégué de discrimination et de
décider s'il s'agit d'un motif énuméré ou analogue. L'examen
doit également porter sur l'effet de la distinction ou de la
classification attaquée sur le plaignant. Dès qu'on accepte que
ce ne sont pas toutes les distinctions et différenciations créées
par la loi qui sont discriminatoires, on doit alors attribuer au
par. 15(1) un rôle qui va au-delà de la simple reconnaissance
d'une distinction légale. Un plaignant en vertu du par. 15(1)
doit démontrer non seulement qu'il ne bénéficie pas d'un traite-
ment égal devant la loi et dans la loi, ou encore que la loi a un
effet particulier sur lui en ce qui concerne la protection ou le
bénéfice qu'elle offre, mais encore que la loi a un effet discrimi-
natoire sur le plan législatif. [C'est moi qui souligne.]
Ainsi donc, la détermination d'une violation pos
sible implique un processus à deux étapes: en
premier lieu, la personne qui prétend qu'il y a
violation du paragraphe 15(1) devra démontrer
que la loi s'applique inégalement et, en deuxième
lieu, cette personne devra prouver que l'effet de la
loi est discriminatoire. Le juge McIntyre a dit en
outre à la page 182:
Lorsqu'il y a discrimination, il y a violation du par. 15(1) et,
lorsque le par. 15(2) ne s'applique pas, toute justification, tout
examen du caractère raisonnable de la mesure législative et, en
fait, tout examen des facteurs qui pourraient justifier la discri
mination et appuyer la constitutionnalité de la mesure législa-
tive attaquée devraient se faire en vertu de l'article premier. Ce
point de vue serait conforme aux directives données par cette
Cour dans des arrêts antérieurs portant sur l'aplication de
l'article premier et permettrait en même temps d'écarter les
revendications manifestement futiles et vexatoires. À cet égard,
il constituerait une façon pratique d'aborder le problème.
La distinction ci-dessus est importante (comme l'a
souligné le juge McIntyre), parce que c'est à la
contribuable dans l'affaire dont je suis saisi d'éta-
blir que son droit prévu par la Charte a été violé et
que, dans ce cas, c'est à l'État de justifier la
violation.
Le traitement différent en cause en l'espèce
réside dans le refus par le MRN de permettre à la
demanderese de déduire ses frais de garde d'en-
fants (c'est-à-dire le salaire de Simpson) à titre de
dépense d'entreprise pour les années d'imposition
en question. La demanderesse tire un revenu de
son entreprise et, conformément au bon sens com
mercial ou à la pratique des affaires valable, elle a
engagé une bonne d'enfants pour pouvoir générer
un revenu. En refusant à la demanderesse sa
déduction, le MRN lui réserve un traitement diffé-
rent de celui destiné aux autres contribuables pour
ce qui est des dépenses qui sont considérées comme
nécessaires à la production d'un revenu d'entre-
prise.
Ce traitement différent se traduit encore par le
fait que le MRN applique au cas de la demande-
resse des principes dégagés dans la jurisprudence
qui porte sur la déductibilité des dépenses d'entre-
prise telles qu'elles se rapportent à la garde d'en-
fants, mais que l'application à cette demanderesse
particulière de ces vieux principes a un effet diffé-
rent sur celle-ci (page 413 de la transcription).
Ainsi que l'a souligné la demanderesse, on ne la
traite pas comme une personne sérieuse qui s'en-
gage dans des affaires et qui fait une dépense
sérieuse en vue d'une fin légitime. Au lieu de cela,
elle est traitée [TRADUCTION] «comme une per-
sonne frivole qui engage une servante ou qui va se
faire faire les ongles», et c'est ce traitement qui va
à l'encontre de la protection contre un traitement
inégal et un effet particulier (page 414 de la
transcription).
La demanderesse doit payer plus d'impôts
qu'elle ne le ferait si elle obtenait une déduction,
ce qui constitue une injustice qui la touche. De
plus, elle doit faire toutes les déductions pour son
employée Simpson, c'est-à-dire elle doit déduire à
la source le montant de l'impôt, des contributions à
l'A-C et au RPC; et elle doit verser ses contribu
tions à l'A-C et au RPC en tant qu'employeuse. À
cet égard, elle est traitée comme n'importe quel
employeur qui engage une dépense d'entreprise et,
pourtant, elle n'est pas autorisée à déduire cette
dépense. Donc, non seulement elle a un supplé-
ment d'impôt, mais elle a aussi des paperasseries et
des responsabilités supplémentaires. Selon la
demanderesse, il est clair qu'il existe une distinc
tion entre le traitement qu'elle reçoit et celui
réservé aux autres employeurs, et cette distinction
repose sur des motifs afférents aux caractérisques
personnelles de cette demanderesse, savoir qu'elle
est une femme et une mère. A l'appui de la
première distinction alléguée, la demandereresse
fait état du témoignage d'Armstrong selon lequel
les femmes portent de loin le plus grand fardeau de
la garde d'enfants. Ce sont les femmes faisant
partie de la population active avec ces responsabili-
tés de garde d'enfants qui se trouvent touchées par
ce genre de distinction.
Le second aspect de l'argument afférent à la
caractéristique personnelle réside dans le fait que
la demanderesse est mère. Il est clair que les
tribunaux sont disposés à examiner les caractéristi-
ques ou catégories autres que celles énumérées à
l'article 15 de la Charte pour statuer sur une
question de discrimination sous le régime de l'arti-
cle 15. Dans l'arrêt Andrews précité, la Cour
suprême a fait connaître sa volonté de donner la
réplique en déterminant quel type de caractéristi-
ques personnelles constitue un fondement inconsti-
tutionnel de la dérogation à la législation sur les
droits de la personne. Le témoignage d'Armstrong
a indiqué que le sexe de la personne pour laquelle
on travaille et la discrimination fondée sur l'état
familial, bien que ce ne soit pas universel au
Canada, constituent également un motif de discri
mination noté dans plusieurs codes des droits de la
personne au Canada.
En conséquence, je conviens avec l'avocate de la
demanderesse qu'il existe une distinction dans ce
cas particulier et une discrimination à l'égard de la
demanderesse, relativement aux caractéristiques
personnelles telles que le sexe, l'état parental, et
ceci fait qu'elle a des charges, des obligations et
des désavantages qu'on n'impose pas aux autres.
La demanderesse a l'obligation financière de
payer presque tous ses frais de garde d'enfants
(étant donné la déduction prévue à l'article 63)
avec ce qui lui reste après impôt. Il s'agit d'un
fardeau financier, pourtant il n'est pas imposé
pour ce qui est d'autres types de dépenses d'entre-
prise; et selon le MRN, ce n'est pas un fardeau
financier imposé aux employeurs qui offrent des
services de garde d'enfants à leurs employés. Ainsi,
la demanderesse doit porter le fardeau financier de
cette dépense, alors que ce n'est pas le cas des
autres générateurs de revenus d'entreprise. Comme
d'autres employeurs, elle doit également s'occuper
de la même paperasserie, c'est-à-dire remplir les
formules, faire des remises et verser les cotisations
de RPC et d'A-C en tant qu'employeuse.
Pour ce qui est de la seconde partie du critère de
la discrimination, les restrictions imposées à la
demanderesse écartent ou limitent l'accès aux
chances et aux avantages dont bénéficient d'autres
membres de la société. Ainsi qu'il a été indiqué
plus haut, on refuse à la demanderesse l'avantage
d'une déduction fiscale que reçoivent d'autres per-
sonnes qui ont ces obligations. Elle paye l'argent et
remplit les exigences administratives, alors que
d'autres employeurs n'ont pas à payer l'argent
avec ce qui leur reste après impôt et reçoivent
l'avantage de la déduction (page 419 de la
transcription).
J'estime que, à ce stade, il convient de souligner
l'objet véritable de l'article 15 de la Charte, tel
qu'il a été énoncé par le juge McIntyre à la page
171 des motifs qu'il a prononcés dans l'arrêt
Andrews:
Il est clair que l'art. 15 a pour objet de garantir l'égalité dans
la formulation et l'application de la loi. Favoriser l'égalité
emporte favoriser l'existence d'une société où tous ont la certi
tude que la loi les reconnaît comme des êtres humains qui
méritent le même respect, la même déférence et la même
considération. Il comporte un aspect réparateur important.
J'estime donc que, si dans notre société nous
devons favoriser l'égalité des femmes, ce que vise
clairement l'article 15, alors une interprétation de
la Loi de l'impôt sur le revenu qui permet aux
femmes entrepreneurs (dans les circonstances
appropriées) de déduire leurs frais de garde d'en-
fants pour qu'elles s'engagent dans une entreprise
est clairement dans les règles.
D'après la défenderesse, que quelque chose soit
ou ne soit pas une déduction d'entreprise relative-
ment aux concepts fondamentaux de la détermina-
tion du revenu ne constitue pas une distinction qui
est discriminatoire selon l'un quelconque des
motifs énumérés à l'article 15 ou des motifs analo
gues. Toujours selon la défenderesse, la distinction
de ce qui se trouve dans le «cercle des affaires» n'a
rien à voir avec les caractéristiques personnelles.
Elle se rapporte à la réponse aux questions: «a-
t-elle eu lieu au cours de l'exploitation de l'entre-
prise?» La distinction n'est donc pas péjorative,
c'est une distinction fondée sur les pratiques com-
merciales économiques relativement à ce qui cons-
titue une déduction d'entreprise. Essentiellement,
l'argument porte sur le fait que les dispositions de
la Loi concernant le bénéfice sont [TRADUCTION]
«neutres d'après leur formulation». Elles s'appli-
quent à tous également, que le contribuable
réclame des dépenses liées à l'engagement d'une
bonne d'enfants ou des dépenses de conférence. En
conséquence, elles ne sont pas discriminatoires au
sens de l'article 15 de la Charte. En outre, le
prétendu «fardeau» que représentent des impôts
plus élevés et l'obligation, pour ce qui est de la
paperasserie, de faire des déductions, des remises
et des paiements s'imposent à tous les Canadiens
qui exercent des activités commerciales, et, dans ce
sens, on ne saurait dire que la demanderesse fait
l'objet d'une discrimination.
À propos des arguments de la défenderesse, je
renverrais encore une fois à l'arrêt Andrews de la
Cour suprême du Canada, qui a insisté sur l'effet
de la loi sur l'individu ou le groupe concerné. Ainsi
donc, une loi qui est neutre d'après sa formulation
peut être jugée incompatible avec l'article 15 de la
Charte si, dans son application, elle impose des
obligations additionnelles à une catégorie ou la
soustrait aux avantages dont bénéficient d'autres
personnes. Je suis convaincu que, en l'espèce, la
demanderesse a, compte tenu de l'arrêt Andrews,
établi l'effet particulier de la loi ainsi que la
discrimination requise fondée sur ses caractéristi-
ques personnelles que sont le sexe et l'état familial
ou parental.
La défenderesse a également fait valoir que le
législateur, en adoptant l'article 63 de la Loi de
l'impôt sur le revenu, a expressément autorisé les
déductions de frais de garde d'enfants sous réserve
des conditions prévues par la loi. En le faisant, il a
de façon appropriée exercé sa fonction législative
dans le domaine socio-économique et n'a violé
aucun des droits de la demanderesse qui sont
prévus à l'article 15. Au lieu de cela, l'article (63)
est un article accessoire, et selon la défenderesse, il
aborde le problème de la garde d'enfants et aide à
le résoudre. Toutefois, le témoignage d'Armstrong
semble indiquer que quelque chose «ne vas pas» et
que, selon des rapports gouvernementaux, le pré-
sent système ne fournit pas des services de garde
d'enfants en quantités suffisantes pour les femmes
canadiennes. La coût de la garde d'enfants prend
une partie considérable du revenu des femmes
(environ un cinquième) et est considéré comme un
poste coûteux. En tant que poste coûteux, il consti-
tue un obstacle à l'accès des femmes à l'économie.
En conséquence, je suis d'accord avec l'argu-
ment de la demanderesse selon lequel, compte tenu
de l'arrêt Andrews, une interprétation de la Loi de
l'impôt sur le revenu qui ne tient pas compte du
fait que les femmes sont principalement responsa-
bles du soin des enfants et que les frais de garde
d'enfants constituent un obstacle principal à la
participation des femmes violerait elle-même l'arti-
cle 15 de la Charte. De plus, depuis l'arrêt
Andrews, la Loi ne saurait être interprétée comme
si les parents (du sexe féminin surtout) sont au
même titre que les autres travailleurs, ou entrepre
neurs (c.-à-d. sans responsabilité de garde d'en-
fants); elle doit être interprétée d'une manière qui
reconnaît leur expérience particulière en ce sens
qu'ils sont principalement responsables de la garde
d'enfants.
Justification sous le régime de l'article premier de
la Charte:
La troisième démarche dans une réclamation
fondée sur l'article 15 consiste à se demander si
l'atteinte est justifiée par l'article premier de la
Charte. Ainsi que je l'ai indiqué plus haut, il
appartient à la partie qui cherche à soutenir la
disposition, en l'occurrence la Couronne défende-
resse, de justifier l'atteinte. De plus, la justification
devrait se faire conformément au critère dégagé
dans l'arrêt La Reine c. Oakes, [1986] 1 R.C.S.
103.
La défenderesse soutient que le refus de la
déduction des dépenses liées à l'engagement d'une
bonne d'enfants est justifié sous le régime de l'arti-
cle premier de la Charte lorsqu'on le considère
dans le contexte des responsabilités fiscales totales
du Parlement, de ses actes accomplis jusqu'à main-
tenant et des sommes dépensées. La défenderesse
soutient en outre que les tribunaux ne devraient
pas être appelés à substituer une opinion judiciaire
aux opinions législatives quant à l'endroit où tracer
des lignes de conduite précises pour la répartition
des fonds publics limités et des dépenses fiscales. À
l'appui de ces arguments, la défendresse invoque
les motifs prononcés par le juge McIntyre dans
l'arrêt Andrews (pages 183 et 184).
Toutefois, il convient de souligner que, pour ce
qui est de la partie des motifs mentionnée par la
défenderesse, le juge McIntyre était dans la mino-
rité de la Cour. Le juge Wilson (avec l'appui du
Juge en chef, des juges Lamer et L'Heureux-
Dubé) n'est pas d'accord avec le juge McIntyre
pour ce qui est de la déférence à donner au choix
législatif. Aux pages 153 à 155 de ses motifs, le
juge Wilson décrit en ces termes la méthode
d'aborder l'article premier:
Le premier obstacle à franchir en vue de supprimer un droit
garanti dans la Charte est que l'objectif visé par la mesure
législative contestée doit se rapporter à des préoccupations
«urgentes et réelles» dans une société libre et démocratique. Le
Juge en chef affirme, aux pp. 138 et 139:
Pour établir qu'une restriction est raisonnable et que sa
justification peut se démontrer dans le cadre d'une société
libre et démocratique, il faut satisfaire à deux critères fonda-
mentaux. En premier lieu, l'objectif que visent à servir les
mesures qui apportent une restriction à un droit ou à une
liberté garantis par la Charte, doit être «suffisamment impor
tant pour justifier la suppression d'un droit ou d'une liberté
garantis par la Constitution.: R. c. Big M Drug Mart Ltd.,
précité, à la p. 352. La norme doit être sévère afin que les
objectifs peu importants ou contraires aux principes qui
constituent l'essence même d'une société libre et démocrati-
que ne bénéficient pas de la protection de l'article premier. Il
faut à tout le moins qu'un objectif se rapporte à des préoccu-
pations urgentes et réelles dans une société libre et démocra-
tique, pour qu'on puisse le qualifier de suffisamment
important.
À mon avis, il s'agit toujours d'une norme appropriée lorsqu'on
reconnaît que ce ne sont pas toutes les distinctions entre des
individus et des groupes qui violent l'art. 15. Si toutes les
distinctions entre des individus et des groupes avaient pour effet
de violer l'art. 15, cette norme pourrait alors fort bien se révéler
trop stricte pour s'appliquer dans tous les cas et avoir pour effet
de priver l'ensemble de la collectivité des bénéfices liés à des
lois socio-économiques justes et souhaitables. Toutefois, cela
devient sans intérêt si l'on rejette le point de vue selon lequel
toute distinction établie par la loi constitue de la discrimination,
comme l'a fait d'ailleurs mon collègue le juge McIntyre dans
ses motifs. Étant donné que l'art. 15 est conçu pour protéger les
groupes défavorisés sur les plans social, politique et juridique
dans notre société, la responsabilité qui incombe au gouverne-
ment de justifier le type de discrimination dont sont victimes
ces groupes est à juste titre lourde.
La deuxième étape d'un examen fondé sur l'article premier
comporte l'application d'un critère de proportionnalité, en vertu
duquel la Cour doit soupeser un certain nombre de facteurs. La
Cour doit examiner la nature du droit, l'étendue de sa violation
et jusqu'à quel point la restriction permet d'atteindre l'objectif
légitime contenu dans la mesure législative. Comme l'affirme le
Juge en chef dans l'arrêt R. c. Edwards Books and Art Ltd.,
[1986] 2 R.C.S. 713, à la p. 768:
En second lieu, les moyens choisis pour atteindre ces objectifs
doivent être proportionnels ou appropriés à ces fins. La
proportionnalité requise, à son tour, comporte normalement
trois aspects: les mesures restrictives doivent être soigneuse-
ment conçues pour atteindre l'objectif en question, ou avoir
un lien rationnel avec cet objectif; elles doivent être de nature
à porter le moins possible atteinte au droit en question et
leurs effets ne doivent pas empiéter sur les droits individuels
ou collectifs au point que l'objectif législatif, si important
soit-il, soit néanmoins supplanté par l'atteinte aux droits.
Il ressort donc de l'arrêt Andrews qu'il n'est plus
possible de justifier une obligation particulière
(refus d'un avantage) simplement parce que cela
se fait conformément à un objectif fédéral valable.
Ce dernier critère a été remplacé par le critère du
caractère justifiable inclus à l'article premier et
interprété dans l'arrêt Oakes. C'est ainsi que l'ob-
jectif d'une loi qui viole la Charte doit être «réel et
urgent» pour subir avec succès l'examen sous le
régime de l'article premier.
Après avoir examiné la preuve produite par la
défenderesse, j'estime qu'elle n'a présenté aucun
objectif «réel et urgent» pour justifier le refus de la
déductibilité à titre de dépense d'entreprise des
dépenses faites par la demanderesse pour l'engage-
ment d'une bonne d'enfants.
De plus, compte tenu des faits de l'espèce, on n'a
pas établi que le législateur a fait un choix législa-
tif en interdisant la pleine déductibilité des dépen-
ses liées à l'engagement d'une bonne d'enfants
dans l'espèce présente. Au lieu de cela, on laisse
aux tribunaux le soin de décider, en conformité de
la Charte, si les concepts de bénéfice et de dépen-
ses d'entreprise permettent une telle déduction.
Cela ne veut pas dire que les dépenses liées à
l'engagement d'une bonne d'enfants vont toujours
être considérées comme des dépenses d'entreprise,
ni que l'article 63 de la Loi a été rendu inopérant
en vertu de l'article 52 de la Charte.
Selon la défenderesse, on m'a demandé de «faire
dire» à une disposition de la Loi de l'impôt sur le
revenu quelque chose qu'elle ne dit pas pour la
rendre conforme à la Charte, pour modifier la
définition de bénéfice figurant dans la Loi (qui
relève de l'interprétation judiciaire) ou pour rendre
inopérant l'article 63 de la Loi. Il n'en est pas
ainsi. Le sens à donner au terme de «bénéfice»,
ainsi que je l'ai indiqué plus haut, est question
d'interprétation judiciaire. La tradition voit dans
l'interprétation des lois le domaine des tribunaux,
dans un contexte constitutionnel ou à l'extérieur de
ce contexte. En conséquence, il m'est loisible de
donner au terme «bénéfice», tel qu'il se rapporte
aux dépenses d'entreprise déductibles (articles 9 et
18 de la Loi), une interprétation qui soit conforme
aux exigences de la Charte, sans qu'il soit besoin
de faire une «suppression», une «modification» ou
de «faire dire à un texte quelque chose qu'il ne dit
pas».
Par les motifs invoqués ci-dessus, la demande-
resse est autorisée à déduire, à titre de, dépenses
d'entreprise, les dépenses liées à l'engagement de
sa bonne d'enfants (le salaire de la bonne d'en-
fants), conformément aux dispositions applicables
de la Loi de l'impôt sur le revenu, pour les années
d'imposition 1982, 1983, 1984 et 1985.
De même, conformément à l'intention de la
Charte de favoriser l'égalité ainsi qu'aux réalités
sociales et économiques du Canada, la demande-
resse devrait être autorisée à déduire, à titre de
dépense d'entreprise, les dépenses liées à l'engage-
ment de sa bonne d'enfants (le salaire de la bonne
d'enfants) dans l'année d'imposition 1985 et les
années d'imposition ultérieures.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.