T-443-85
Terrill Ross McCabe (appelant)
c.
Yamamoto & Co. (America) Inc. (intimée)
T-444-85
Terrill Ross McCabe (appelant)
c.
T -Line Golf Corporation (intimée)
RÉPERTORIÉ: MCCABE C. YAMAMOTO & CO. (AMERICA) INC.
(1" INST.)
Section de première instance, juge Joyal—Ottawa,
12 octobre 1988; 24 janvier 1989.
Marques de commerce — Enregistrement — Appel du refus
d'enregistrer la marque de commerce «T -Line» pour être
utilisée en liaison avec des clubs de golf — Demande fondée
sur l'emploi au Canada depuis 1975 et sur l'emploi antérieur
et l'enregistrement aux É.-U. — L'agent instructeur a conclu
que l'utilisation antérieure au Canada alléguée par les oppo-
santes empêchait l'enregistrement — Erreur de droit — L'uti-
lisation par les opposantes constituait une violation des res
trictions territoriales prévues dans des contrats de distribution
— Puisque la Loi sur les marques de commerce vise à pro-
mouvoir et à réglementer l'utilisation licite des marques de
commerce, elle prévoit, à titre de condition implicite, que
l'utilisation invoquée pour faire échec à une demande d'enre-
gistrement doit être licite — L'art. 7e) de la Loi sur les
marques de commerce s'applique dans des cas limités malgré
que l'arrêt MacDonald et autre c. Vapor Canada Ltd. a conclu
à son anticonstitutionnalité — L'utilisation illicite ne saurait
servir de fondement à une demande d'enregistrement — L'ap-
pelant a droit à l'enregistrement puisque toutes les conditions
légales, compte tenu de l'utilisation et de l'enregistrement à
l'étranger, ont été observées.
Il s'agit d'un appel du refus d'enregistrer la marque de
commerce «T -Line» de l'appelant pour être employée en liaison
avec des clubs de golf et des housses de clubs de golf, la
demande d'enregistrement étant fondée sur l'emploi au Canada
depuis 1975 et également sur l'emploi antérieur et l'enregistre-
ment aux États-Unis. Les intimées se sont opposées à la
demande, invoquant l'inobservation des dispositions de la Loi
sur les marques des commerce, savoir les alinéas 29b) (qui
exige que le requérant fasse figurer dans sa demande la date de
premier emploi au Canada), et i) (qui exige que le requérant
dépose une déclaration selon laquelle il est convaincu qu'il a
droit à l'utilisation de la marque de commerce), et l'allégation
que la marque n'aurait pas été employée au Canada depuis
1975.
En 1970, McCabe obtint un brevet pour un nouveau putter,
et a commencé à le vendre aux États-Unis sous le nom de
«T -Line». En 1973, il a conclu un contrat de distribution avec
Yamamoto, qui exploitait son entreprise sous le nom de Rain
bow Sales, mais le territoire de distribution ne comprenait pas
le Canada. En 1974, T -Line Golf Corporation se vit accorder la
licence de fabrication et de vente des clubs de golf T -Line.
T -Line fit de Yamamoto/Rainbow Sales son distributeur, mais,
encore une fois, le territoire réservé au distributeur ne compre-
nait pas le Canada. La marque de commerce fut enregistrée
aux Etats-Unis en 1976. À la même époque, les contrats entre
McCabe et T -Line, et entre T -Line et Yamamoto furent rési-
liés. Yamamoto continua de vendre des clubs de golf T -Line
jusqu'en 1978. Dans la demande de marque de commerce,
McCabe a fait figurer la date de premier emploi et il a fixé
cette date à «juin 1975 au moins». Des ventes de clubs de golf
T -Line au Canada en 1974 et en 1975 ont été effectuées par
Rainbow Sales. L'agent instructeur a conclu que l'utilisation
antérieure alléguée par les opposantes faisait échec à la
demande de McCabe. Il y a à déterminer 1) si une utilisation
illicite peut constituer une utilisation valable et 2) si McCabe a
droit à l'enregistrement sous le régime du paragraphe 16(2),
qui permet l'enregistrement d'une marque fondé sur l'enregis-
trement dans le pays d'origine du requérant.
Jugement: l'appel devrait être accueilli.
L'agent instructeur a eu tort de conclure que l'utilisation
antérieure, revendiquée par les opposantes, faisait échec à la
demande de McCabe. Lorsque la Loi sur les marques de
commerce dispose qu'un opposant peut invoquer l'«utilisation»
de sa part pour contester la demande d'enregistrement du
propriétaire, elle prévoit, à titre de condition implicite, que
cette utilisation, opposée au propriétaire, doit être licite. On
peut conclure, en règle générale, que lorsqu'une loi a pour objet
de protéger les propriétaires de marques de commerce, enregis-
trées ou non enregistrées, on ne saurait invoquer cette même loi
pour en légitimer l'utilisation illicite. Cette idée est étayée par
les causes touchant des distributeurs, où l'enregistrement a été
refusé lorsqu'on a constaté que les requérants tentaient de
s'approprier la propriété de quelqu'un d'autre dans un territoire
où cette propriété n'a pas encore reçu la pleine protection que la
loi prévoit pour les marques déposées; on peut également
invoquer à l'appui de cette idée l'article 8 et l'alinéa 7e). Bien
que cet alinéa ait été déclaré anticonstitutionnel dans l'arrêt
MacDonald et autre c. Vapor Canada Ltd., il peut continuer de
s'appliquer de façon restreinte à l'égard des matières qui ne
peuvent être prévues aux autres alinéas de l'article 7, et pourvu
qu'il soit strictement limité aux violations en matière de pro-
priété intellectuelle. L'acte interdit doit donc être du même
genre que les actes interdits par les autres alinéas de l'article 7.
Eu égard aux stipulations territoriales restrictives des contrats
de distribution, T -Line Golf et Rainbow Sales ont l'une ou
l'autre violé leurs obligations contractuelles en vendant des
clubs de golf au Canada sous la marque de commerce de
McCabe. Les agissements illicites des opposantes sont suffisam-
ment proches de actes interdits par les alinéas 7a) à d) pour
tomber sous le coup de l'interdiction de l'alinéa 7e) et, à tout le
moins, pour les priver, du fait de leur action fautive, d'un
argument convaincant contre la demande de McCabe. L'oppo-
sition fondée sur l'inobservation de l'alinéa 29b) doit être
rejetée. Doit également l'être une demande d'enregistrement
fondée sur l'utilisation illicite.
McCabe a également conclu à son droit à l'enregistrement en
vertu du paragraphe 16(2). À part l'exigence d'une preuve
d'enregistrement à l'étranger, le paragraphe 16(2) prescrit que
la marque de commerce ne doive pas créer de confusion avec
une marque de commerce antérieurement employée au Canada.
L'utilisation illicite par les opposantes ne saurait être invoquée
pour prouver l'inobservation du paragraphe 16(2). McCabe a
droit à l'enregistrement demandé puisqu'il a prouvé l'observa-
tion de toutes les conditions légales par l'utilisation et l'enregis-
trement à l'étranger, et qu'il n'y a aucun motif d'opposition
défendable.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi sur la concurrence déloyale, S.R.C. 1952, chap. 274.
Loi sur les marques de commerce, S.R.C. 1970, chap.
T-10, art. 5, 7, 8, 16(1)a),(2), 29b),î), 30(1), 33.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Asbjorn Horgard AIS c. Gibbs/Nortac Industries Ltd.,
[1987] 3 C.F. 544 (C.A.); Balinte et autre v. DeCloet
Bros. Ltd. et autre (1978), 40 C.P.R. (2d) 157 (C.F. I re
inst.); confirmé par [1980] 2 C.F. 384 (C.A.); Flexi-Coil
Ltd. c. Smith -Roles Ltd., [ 1982] 1 C.F. 827; (1981), 59
C.P.R. (2d) 46 (I" inst.); Argenti Inc. c. Exode Importa
tions Inc. (1986), 8 C.P.R. (3d) l74 (C.F. I' inst.);
Waxoyl AG c. Waxoyl Canada Ltd. (1984), 3 C.P.R.
(3d) 105 (C.F. 1" inst.); Wilhelm Layher GmbH v.
Anthes Industries Inc. (1986), 8 C.P.R. (3d) 187 (C.F.
I« inst.); Aktiebolaget Manus v. Fullwood & Bland Ld.
(1948), 66 R.P.C. 71 (C.A.).
DÉCISION EXAMINÉE:
MacDonald et autre c. Vapor Canada Ltd., [1977] 2
R.C.S. 134.
DÉCISIONS CITÉES:
Manhattan Industries Inc. c. Princeton Manufacturing
Ltd. (1971), 4 C.P.R. (2d) 6 (C.F. Ife inst.); Saxon
Industries, Inc. v. Aldo Ippolito & Co. Ltd. (1982), 66
C.P.R. (2d) 79 (C.F. I« inst.); Lin Trading Co. Ltd. c.
CBM Kabushiki Kaisha, [1987] 2 C.F. 352 (Ire inst.);
confirmé par (1988), 20 C.I.P.R. 1 (C.A.F.).
AVOCATS:
Robert D. Gould pour l'appelant.
H. Roger Hart pour les intimées.
PROCUREURS:
Smart & Biggar, Ottawa, pour l'appelant.
Rogers, Bereskin & Parr, Toronto, pour les
intimées.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE JOUAL: Le litige dont la Cour est saisie
découle d'une demande, faite par l'appelant Terrill
Ross McCabe, d'enregistrement au Canada de la
marque de commerce «T -Line» pour des clubs de
golf et des housses de clubs de golf.
La demande de M. McCabe, en date du 8 juin
1976, est fondée sur l'emploi au Canada depuis
juin 1975 au moins, et sur l'emploi antérieur et
l'enregistrement aux États-Unis sous le numéro
1 044 969.
Après que l'annonce de la demande de M.
McCabe eut paru dans le Journal des marques de
commerce du 3 mai 1978, les intimées Yamamoto
& Co. (America) Inc. (Yamamoto) et T -Line Golf
Corporation (T -Line Golf) ont déposé leurs avis
d'opposition. L'une et l'autre opposantes ont fait
valoir que M. McCabe ne s'était pas conformé aux
alinéas 29b) et 29i) de la Loi sur les marques de
commerce [S.R.C. 1970, chap T-10], et ont nié
que M. McCabe eût employé la marque au
Canada depuis juin 1975.
En prétendant en outre que M. McCabe était au
courant de l'emploi antérieur de la marque au
Canada par T -Line Golf et son distributeur Yama-
moto, elles ont invoqué l'alinéa 16(1)a) de la Loi
sur les marques de commerce.
Les procédures d'opposition ont duré longtemps.
Mémoires et affidavits contradictoires ont été
déposés par toutes les trois parties, et ont donné
lieu à de longs contre-interrogatoires. Ce n'est que
le 11 janvier 1985 que l'agent instructeur, au nom
du registraire des marques de commerce, a rendu
sa décision rejetant la demande, faite par M.
McCabe, d'enregistrement de la marque «T -Line».
La décision de l'agent instructeur était méticu-
leusement motivée et je n'ai guère à redire à ses
conclusions sur les faits. Il se trouve cependant que
les points litigieux dont il était saisi soulevaient
certaines questions épineuses quant à l'interpréta-
tion de la Loi sur les marques de commerce prise
dans son ensemble, à son objet et à l'intention du
législateur au moment de son adoption. Ces ques
tions méritent une analyse plus approfondie.
LES FAITS
Le litige remonte à 1970, année où M. McCabe
conçut un nouveau putter, qu'il a fait breveter,
qu'il a baptisé du nom de T -Line et qu'il a com-
mencé à vendre aux États-Unis.
En août 1971, M. McCabe et d'autres personnes
ont constitué la McCabe Golf Company, à laquelle
il a concédé une licence de fabrication et de vente
des clubs de golf T -Line.
Quelque deux ans et demi plus tard, en décem-
bre 1973, la McCabe Golf Company conclut un
contrat de distribution avec Yamamoto, qui
exploitait son entreprise sous le nom de Rainbow
Sales. Cette distribution était exclusive dans cer-
tains territoires, dont le Japon et les États-Unis,
mais ne comprenait pas le Canada.
En août 1974, une autre compagnie fut fondée,
T -Line Golf Corporation, dont M. McCabe et M.
Yamamoto étaient associés à part égale. La licence
accordée à McCabe Golf Company fut résiliée et
M. McCabe accorda à T -Line Golf la licence de
fabrication et de vente des clubs T -Line. De son
côté, T -Line Golf fit de Yamamoto/Rainbow Sales
son distributeur. Cette fois encore, le territoire
réservé au distributeur ne comprenait pas le
Canada.
Un an plus tard, le 13 août 1975, M. McCabe
demanda l'enregistrement aux États-Unis de sa
marque de commerce «T -Line)). La demande fut
approuvée et la marque enregistrée le 17 juillet
1976 sous le numéro 1 044 964.
En janvier 1976, au moment où la demande
d'enregistrement de la marque de commerce aux
États-Unis était pendante, T -Line Golf fut liquidée
et les contrats entre M. McCabe et T -Line Golf
d'une part, et entre T -Line Golf et Yamamoto
d'autre part, résiliés. M. McCabe et d'autres per-
sonnes ont constitué alors McRim Inc., à laquelle
il a accordé la licence de fabrication et de vente de
ses clubs de golf. À son tour, McRim Inc. accorda
les droits de distribution mondiale à Rainbow
Sales.
Ce dernier contrat ne dura pas longtemps. Six
mois plus tard, en juin 1976, McRim Inc. déclara
Rainbow Sales en défaut de paiement et mit fin à
tous ses droits et obligations. Deux jours après,
McRim accorda à Victor Golf Division la licence
de fabrication et de vente des clubs de golf T -Line
aux États-Unis, au Canada et ailleurs.
Yamamoto continua cependant, par Rainbow
Sales, à vendre des clubs de golf sous la marque
T -Line jusqu'à ce que, par suite d'une action en
contrefaçon, la Cour de district des États-Unis
pour le district central de Californie eût conclu, le
15 décembre 1978, que la marque «T -Line» de
McCabe était une marque de commerce valide et
avait été contrefaite par Yamamoto.
LES CONCLUSIONS DE L'AGENT INSTRUCTEUR
Les dispositions de la Loi sur les marques de
commerce qu'invoquent les opposantes en l'espèce
sont l'article 29 et l'article 16.
L'article 29 énumère les neuf indications qui
doivent figurer sur la demande d'enregistrement de
toute marque de commerce, dont la date à laquelle
cette dernière a été utilisée pour la première fois
au Canada, si elle y a été utilisée antérieurement.
En l'espèce, M. McCabe fixe cette date à «juin
1975 au moins».
Par ailleurs, l'alinéa 29i) fait au demandeur
l'obligation de joindre à sa demande une déclara-
tion, selon laquelle il est convaincu qu'il a droit à
l'utilisation de la marque de commerce au Canada
pour les marchandises ou services visés par la
demande.
Enfin, l'alinéa 16(1)a) prévoit que le demandeur
a droit à l'enregistrement d'une marque de com
merce enregistrable qu'il a utilisée ou fait connaî-
tre au Canada, à moins que la date où il l'a
employée ou fait connaître en premier lieu ne crée
une confusion avec une autre marque de commerce
antérieurement utilisée ou révélée au Canada par
quelqu'un d'autre.
L'agent instructeur a conclu que des clubs de
golf T -Line avaient été vendus au Canada vers la
fin de 1974 et le début de 1975. La preuve en la
matière concernait Rainbow Sales ou portait sur la
compagnie T -Line Golf. Il a conclu que la preuve
des ventes ou de l'utilisation de la marque par
Rainbow Sales au Canada était en faveur de
T -Line Golf, et que M. McCabe, faute de partici
pation directe, ne pouvait s'en prévaloir. L'agent
instructeur en a conclu que M. McCabe ne satis-
faisait pas à l'impératif de l'alinéa 29b) de la Loi
mais que, ayant invoqué l'utilisation et l'enregis-
trement aux Etats-Unis, il s'était conformé à l'ali-
néa 29i) de la même Loi.
Il n'est bien entendu guère important que je me
penche en l'espèce sur la conclusion tirée par
l'agent instructeur, selon laquelle Yamamoto n'a
pas fait la preuve de l'utilisation de la marque au
Canada ou T -Line Golf n'a pas fait la preuve d'un
droit antérieur en vertu de l'alinéa 16(1)a).
L'agent instructeur s'est contenté de noter que
T -Line Golf avait effectivement abandonné la
marque dès l'annonce de la demande d'enregistre-
ment, savoir le 3 mai 1978.
LES POINTS LITIGIEUX
Il échet donc d'examiner deux questions très
importantes qui découlent de la décision susmen-
tionnée. La première tient à ce que dans ses motifs
de décision, l'agent instructeur s'est attaché à
«l'utilisation au Canada» sans se préoccuper de ce
que cette utilisation était licite ou non. La seconde
tient à ce qu'il n'a pas considéré la prétention à
l'enregistrement de M. McCabe, fondée sur le
paragraphe 16(2) de la Loi, c'est-à-dire sur l'enre-
gistrement antérieur de la marque au États-Unis
par ce dernier.
a) La question de l'«utilisation»
Si l'on considère la règle normalement applica
ble en matière d'«utilisation», les preuves dont
l'agent instructeur était saisi justifiaient sa conclu
sion que l'utilisation par Rainbow Sales au Canada
s'inscrivait au crédit de T -Line Golf. Ce raisonne-
ment est apparemment fondé à la lumière des
nombreuses décisions relatives à l'utilisation d'une
marque de commerce étrangère par un distribu-
teur au Canada, par exemple Manhattan Indus
tries Inc. c. Princeton Manufacturing Ltd. (1971),
4 C.P.R. (2d) 6 (C.F. ire inst.); Saxon Industries,
Inc. c. Aldo Ippolito & Co. Ltd. (1982), 66 C.P.R.
(2d) 79 (C.F. ire inst.); et Lin Trading Co. Ltd. c.
CBM Kabushiki Kaisha, [1987] 2 C.F. 352 (ire
inst.), confirmé en appel, (1988), 20 C.I.P.R. 1
(C.A.F.).
Ce que signifie cette jurisprudence à mon avis,
c'est que la loi interdit au distributeur de s'appro-
prier et d'enregistrer la marque de commerce de
quelqu'un d'autre, habituellement le fabricant, qui
en est le propriétaire dans le pays d'origine. En
l'espèce, T -Line Golf était un fabricant avec
licence d'utilisation de la marque de commerce. Il
s'ensuit que toute utilisation au Canada par le
distributeur ne pouvait s'inscrire au crédit que du
propriétaire de la marque ou de la personne qui en
avait la licence d'utilisation. Dans ce contexte, la
conclusion de l'agent instructeur semble parfaite-
ment fondée.
Un thème constant ressort cependant des juris-
prudences susmentionnées, à savoir que la fabrica
tion et la distribution des articles en cause, de
même que l'utilisation de toute marque de com
merce y afférente, étaient licites. La justice était
saisie seulement de la question de savoir qui pou-
vait se prévaloir du bénéfice de l'utilisation licite
de ces marques de commerce.
Il appert que l'agent instructeur n'a pas été saisi
ni ne s'est saisi lui-même de la question de savoir si
l'utilisation de la marque de commerce au Canada
était licite ou non. Selon les preuves produites, la
licence de T -Line Golf visait la fabrication de
clubs de golf T -Line destinés à la vente aux États-
Unis et dans certains pays, mais non au Canada.
De même, Yamamoto s'est vu accorder, sous son
nom commercial, des droits de distribution pour
les États-Unis et certains autres pays, mais non
pour le Canada. Eu égard à ces stipulations terri-
toriales restrictives, T -Line Golf et Rainbow Sales
ont violé l'une et l'autre leurs obligations contrac-
tuelles en vendant, par l'intermédiaire de Rainbow
Sales, des clubs de golf T -Line au Canada, sous la
marque de commerce de M. McCabe. Je dois
conclure des preuves versées au dossier que cette
violation n'était pas connue de M. McCabe à
l'époque et qu'il ne l'a pas sanctionnée.
La question peut donc se poser de savoir si
pareille utilisation illicite d'une marque de com
merce peut constituer l'«utilisation» de cette der-
nière au Canada, au sens de la Loi sur les marques
de commerce, ou encore une utilisation qui neutra-
liserait les droits de son propriétaire apparent.
Cette situation aberrante peut s'expliquer par
une application mécanique de l'article 29 de la
Loi, qui met trop l'accent sur la question de savoir
qui a utilisé la marque au Canada, sans s'attacher
suffisamment à celle de savoir qui est le proprié-
taire de la marque utilisée'. Il est évident à mes
yeux que la marque de commerce utilisée au
' La source de cette approche plus ou moins séduisante se
trouve dans un commentaire de la décision Manhattan Indus
tries (op. cit.).
Canada par Yamamoto ou par T -Line Golf est
celle de M. McCabe et de personne d'autre.
C'est peut-être sous cette optique qu'on peut
interpréter correctement la Loi dont il s'agit et
appliquer correctement ses nombreuses disposi
tions aux cas d'espèce.
J'interprète la Loi sur les marques de commerce
comme ayant pour objet de continuer la politique
et le but poursuivis par celle qui la précède, savoir
la Loi sur la concurrence déloyale [S.R.C. 1952,
chap. 274], pour assurer un certain ordre dans le
commerce et consacrer ou organiser, par voir légis-
lative, les droits, obligations et privilèges que con-
naissaient en common law les détenteurs de pro-
priété intellectuelle. Cette Loi a pour objet de
promouvoir et de réglementer l'utilisation licite des
marques de commerce. Si les conditions nécessai-
res sont réunies, une personne peut se voir attri-
buer un monopole légal pour l'utilisation exclusive
d'une marque de commerce relative à des biens ou
services déterminés. Le cas échéant, peut-on soute-
nir sérieusement que la loi n'interdirait pas,
expressément ou implicitement, l'utilisation illi-
cite? À première vue, la réponse à cette question
paraît évidente.
Je reconnais cependant que ce qui pourrait être
illicite à certains égards, comme en cas de rupture
de contrat de concession ou de distribution don-
nant lieu à recours civils ordinaires, ne tomberait
pas sous le coup de la Loi sur les marques de
commerce sauf violation de l'une quelconque de ses
dispositions expresses ou implicites. Si pareille vio
lation se produit, l'utilisation illicite d'une marque
de commerce ne pourrait être invoquée par un
opposant pour faire échec aux droits du proprié-
taire.
On peut conclure, en règle générale, que lors-
qu'une loi a pour objet de protéger les propriétai-
res de marques de commerce, enregistrées ou non
enregistrées, on ne saurait invoquer cette même loi
pour en légitimer l'utilisation illicite. Qui plus est,
toujours à titre de règle générale, le fait de priver
un utilisateur illicite de cette possibilité ne fait pas
échec à l'objectif global de la Loi. Si la protection
publique est l'un de ses objets, l'expression «anté-
rieurement employé au Canada» pourrait s'inter-
préter comme signifiant «antérieurement employé
de façon licite au Canada».
Les causes touchant des distributeurs, que j'ai
citées, offrent un cadre pour l'adoption des règles
générales ci-dessus. Dans ces causes, des personnes
qui auraient pu prétendre à l'enregistrement d'une
marque de commerce parce qu'elles ont pu en
prouver l'utilisation valide, se sont vu refuser ce
privilège pour le motif qu'elles essayaient de s'ap-
proprier la propriété de quelqu'un d'autre dans un
territoire où cette propriété n'a pas encore reçu la
pleine protection que la loi prévoit pour les mar-
ques déposées.
On peut aussi citer à l'appui les dispositions de
l'article 8 de la Loi sur les marques de commerce,
que voici:
8. Quiconque, dans la pratique du commerce, transfère la
propriété ou la possession de marchandises portant une marque
de commerce ou un nom commercial, ou dans des colis portant
une telle marque ou un nom de ce genre, est censé, à moins
d'avoir, par écrit, expressément déclaré le contraire avant le
transfert, garantir à la personne à qui la propriété ou la
possession est transférée que cette marque de fabrique ou de
commerce ou ce nom commercial a été et peut être licitement
employé à l'égard de ces marchandises. [C'est moi qui
souligne.]
Par son libellé même, l'article 8 semble prévoir
pour le cessionnaire un recours contre le cédant
qui a violé sa garantie d'utilisation licite. J'admets
qu'à lui seul, cet article, qu'incidemment l'agent
instructeur n'a, de son propre chef, ni relevé ni
contesté sur le plan constitutionnel, n'offre pas une
réponse concluante à la question. Il traduit cepen-
dant l'esprit de la loi, savoir que l'utilisation illicite
ne saurait être permise.
Une autre expression, bien plus catégorique, de
l'interdiction de l'utilisation illicite des marques de
commerce se trouve à l'alinéa 7e) de la Loi sur les
marques de commerce. L'article 7 porte:
7. Nul ne doit
a) faire une déclaration fausse ou trompeuse tendant à discré-
diter l'entreprise, les marchandises ou les services d'un
concurrent;
b) appeler l'attention du public sur ses marchandises, ses servi
ces ou son entreprise de manière à causer ou à vraisemblable-
ment causer de la confusion au Canada, lorsqu'il a commencé à
y appeler ainsi l'attention, entre ses marchandises, ses services
ou son entreprise et ceux d'un autre;
c) faire passer d'autres marchandises ou services pour ceux qui
sont commandés ou demandés;
d) utiliser, en liaison avec des marchandises ou services, une
désignation qui est fausse sous un rapport essentiel et de nature
à tromper le public en ce qui regarde
(i) les caractéristiques, la qualité, la quantité ou la
composition,
(ii) l'origine géographique, ou
(iii) le mode de fabrication, de production ou d'exécution
de ces marchandises ou services; ni
e) faire un autre acte ou adopter une autre méthode d'affaires
contraire aux honnêtes usages industriels ou commerciaux
ayant cours au Canada.
Il me paraît évident que le fait pour les deux
opposantes d'effectuer des ventes non autorisées au
Canada constitue une infraction à l'alinéa 7e)
puisqu'il est contraire aux honnêtes usages indus-
triels ou commerciaux au Canada. Je sais, à ce
propos, que par son arrêt MacDonald et autre c.
Vapor Canada Ltd., [ 1977] 2 R.C.S 134, la Cour
suprême du Canada a conclu à l'anticonstitution-
nalité de l'alinéa 7e). Il semble cependant que le
raisonnement tenu en cette espèce permet toujours
une application limitée de cet alinéa.
Il y a lieu de rappeler que dans l'affaire Mac-
Donald et autre c. Vapor Canada Ltd., le litige
portait sur la violation, reprochée à un ancien
employé, de son engagement contractuel de garder
confidentiels certains renseignements portés à sa
connaissance au cours de son emploi. Cette affaire
n'avait aucun rapport avec les marques de com
merce, mais l'alinéa 7e) de la Loi a été invoqué à
l'appui de la demande de réparation.
Après avoir passé en revue d'autres causes où
l'alinéa 7e) a été considéré et analysé, le juge en
chef Laskin s'est prononcé en ces termes, page
156:
... le Parlement du Canada a, par une loi, embrassé ou élargi
des droits d'action reconnus en matière civile relevant de la
juridiction des tribunaux provinciaux et touchant des questions
de compétence législative provinciale ... je ne puis rien trouver
dans les pouvoirs fédéraux qui fournisse un fondement incontes
table à l'art. 7 dans son ensemble ou à l'al. e) considéré
isolément ... [C'est moi qui souligne.]
Le juge en chef a tiré ensuite cette conclusion,
page 172:
En l'espèce, j'en viens à la conclusion suivante. Ni l'art. 7
dans son ensemble, ni l'al. e) considéré seul ou en relation avec
l'art. 53, n'est une loi fédérale valide relative à la réglementa-
tion des échanges et du commerce ou une autre rubrique de
compétence fédérale. Il y a empiètement sur la compétence
législative provinciale dans la situation comme elle se présente.
Toutefois l'art. 7 comprend des dispositions visant les fins de la
loi fédérale dans la mesure où l'on peut les considérer comme
un complément des systèmes de réglementation établis par le
Parlement dans l'exercice de sa compétence à l'égard des
brevets, du droit d'auteur, des marques de commerce et des
noms commerciaux. Si les alinéas de l'art. 7 se limitaient à cela,
ils seraient valides et, si l'al. e) qui est le seul dont la constitu-
tionnalité soit contestée en l'espèce, pouvait être ainsi restreint,
je serais certainement prêt à maintenir dans cette mesure sa
validité. Je suis toutefois d'avis (et ici je m'inspire de l'étude de
l'al. e) dans l'affaire Eldon Industries), que l'al. e) n'a plus
d'objet à l'égard des brevets, du droit d'auteur, des marques de
commerce et des noms commerciaux après que ces rubriques du
pouvoir législatif ont été appliquées aux alinéas précédents. De
toute façon, en l'espèce, les faits ne soulèvent aucune question
de contre-façon de brevet ou d'usurpation de droit d'auteur ou
de marque de commerce ni aucun délit relié à ces matières ou à
un nom commercial. Il n'y a rien d'autre que l'allégation d'une
violation de contrat par un ex-employé, un abus de confiance et
d'une appropriation frauduleuse de renseignements confiden-
tiels. Une législation ayant pour objet un droit d'action statu-
taire à cet égard n'est pas de compétence fédérale.
Il ressort d'une lecture attentive du passage
ci-dessus que le juge en chef a adopté une appro-
che délibérément réservée dans sa décision sur la
constitutionnalité de l'alinéa 7e). Il reconnaît que
l'article 7 renferme des dispositions visant les fins
de la loi fédérale pour servir de complément aux
systèmes de réglementation établis par le Parle-
ment en matière de brevets, de marques de com
merce et de droit d'auteur. Il admet en outre que
si, à l'instar des autres alinéas de l'article 7, l'ali-
néa 7e) était limité à la même rubrique de compé-
tence législative fédérale, il serait valide au même
titre que ces derniers. Enfin, le juge en chef a noté
que l'affaire en instance n'avait rien à voir avec les
brevets, les marques de commerce ou le droit
d'auteur. Il s'agissait d'une affaire d'abus de con-
fiance ou de violation de contrat, dans laquelle
l'alinéa 7e) ne saurait être invoqué pour justifier
un droit d'action.
On pourrait soutenir que cette conclusion n'in-
terdit pas l'argument selon lequel l'alinéa 7e) peut
être néanmoins valide à l'égard des matières qui ne
peuvent être prévues aux autres alinéas de l'article
7, dans la mesure où il ne s'applique qu'aux bre-
vets, aux marques de commerce et au droit
d'auteur.
La Cour d'appel fédérale a adopté à peu près la
même position dans Asbjorn Horgard AIS c.
Gibbs/Nortac Industries Ltd., [1987] 3 C.F. 544,
en concluant que l'article 7 est un texte de loi
fédéral valide dans la mesure où il prévoit la
protection des marques enregistrées aussi bien que
non enregistrées.
Dans Balinte et autre c. DeCloet Bros. Ltd. et
autre (1978), 40 C.P.R. (2d) 157 (C.F. 1`° inst.),
le juge Dubé a refusé de déclarer non recevable
une action en contrefaçon de brevet fondée sur
l'alinéa 7e) par ce motif qu'à son avis, la Cour
suprême du Canada avait jugé cette disposition
anticonstitutionnelle, non pas de façon absolue,
mais seulement dans la mesure où l'affaire dont
elle était saisie ne portait pas sur les brevets ou
marques de commerce ou autres matières relevant
de la compétence législative fédérale. Sa conclu
sion a été confirmée par la Cour d'appel fédérale
([1980] 2 C.F. 384) et adoptée par le juge Maho-
ney dans Flexi-Coil Ltd. c. Smith -Roles Ltd.,
[1982] 1 C.F. 827; (1981), 59 C.P.R. (2d) 46 (1-
inst.).
En conséquence, l'interdiction prévue à l'alinéa
7e) doit être strictement limitée aux violations en
matière de propriété intellectuelle. En outre, l'acte
interdit doit être du même genre que les actes
interdits par les autres alinéas de l'article 7,
c'est-à-dire des actes malhonnêtes tendant à causer
un préjudice à une personne qui, à tous autres
égards, semble être investie, du moins vis-à-vis des
opposants, des droits sur cette propriété intellec-
tuelle.
Il serait futile d'essayer de qualifier les agisse-
ments des opposantes en l'espèce comme tombant
sous le coup des alinéas a) à d) de l'article 7. Leurs
agissements illicites sont cependant suffisamment
proches des actes interdits par ces alinéas pour
tomber sous le coup de l'interdiction de l'alinéa 7e)
et, à tout le moins, pour les priver, du fait de leur
action fautive, d'un argument convaincant contre
la demande de M. McCabe. Toute conclusion
contraire ne ferait que discréditer la règle du droit
en général, et l'application correcte de la Loi sur
les marques de commerce en particulier.
D'une manière générale, il ressort du sens des
articles 7 et 8 de la Loi sur les marques de
commerce que, avec ou sans disposition expresse à
cet effet, «utilisation», en cas de prétentions contra-
dictoires, s'entend de l'«utilisation» licite par les
parties. Cela veut dire, en application d'un ancien
principe de common law, que la personne qui
s'oppose aux prétentions du propriétaire apparent,
ne serait pas recevable à invoquer l'utilisation
antérieure d'une marque de commerce donnée s'il
était établi que cette utilisation était illicite en
premier lieu.
Le principe qui veut que la Loi sur les marques
de commerce ne soit pas interprétée de façon à
permettre l'utilisation illicite est indirectement
consacré par un certain nombre de jurisprudences.
Dans Argenti Inc. c. Exode Importations Inc.
(1986), 8 C.P.R. (3d) 174 (C.F. 1 r inst.), le juge
Pinard a radié une marque de commerce du regis-
tre après avoir conclu que le propriétaire inscrit,
qui était un nouveau distributeur de la marchan-
dise, l'avait enregistrée au détriment du proprié-
taire légitime.
Dans Waxoyl AG c. Waxoyl Canada Ltd.
(1984), 3 C.P.R, (3d) 105 (C.F. 1rE inst.), Mme le
juge Reed a donné tort à un distributeur qui, ayant
obtenu du propriétaire la cession de ses droits sur
une marque de commerce en vue de la distribution
au Canada des marchandises de ce propriétaire,
s'était mis à utiliser cette marque à d'autres fins.
Une décision du même genre a été rendue par le
juge McNair dans Wilhelm Layher GmbH c.
Anthes Industries Inc. (1986), 8 C.P.R. (3d) 187
(C.F. 1`e inst.). Dans cette affaire aussi, le distri-
buteur avait essayé de s'approprier la marque de
commerce du propriétaire tout en sachant parfai-
tement qu'elle appartenait au fabricant. L'enregis-
trement au profit du distributeur a été radié.
Dans une cause anglaise, Aktiebolaget Manus v.
Fullwood & Bland Ld. (1948), 66 R.P.C. 71, la
Cour d'appel a jugé qu'une partie n'était pas rece-
vable à se prévaloir de son utilisation illicite d'une
marque. Le lord juge Evershed s'est prononcé en
ces termes, page 75:
[TRADUCTION] ... on ne saurait, à mon avis, réfuter l'argu-
ment des demanderesses ni la conclusion du juge, à savoir que
les défenderesses ne peuvent invoquer les actes qu'elles ont
accomplis depuis septembre 1941—et comme l'a constaté le
juge, à l'insu des demanderesses—pour s'approprier ce qui avait
été la propriété de ces dernières ou pour anéantir le caractère
distinctif de leur nom commercial et, partant, mettre fin à leur
droit de propriété sur ce nom dans ce pays.
Les décisions ci-dessus, bien que parvenant aux
mêmes conclusions à travers différentes lois que
requérait la considération de tous les faits de la
cause dans chaque cas, consacrent toutes, à mon
avis, le principe de la légalité dans tous les cas
d'affirmation ou de défense de droits sous le
régime de la Loi sur les marques de commerce.
La conclusion qui se dégage de cette longue
digression sur le sens du terme «utilisation» qui
figure dans la Loi sur les marques de commerce
est que l'opposition fondée sur l'inobservation par
le demandeur de l'alinéa 29b), ne saurait être
accueillie. Vu les restrictions territoriales imposées
par les contrats de distribution, toute utilisation
que faisaient les opposantes de la marque de com
merce «T -Line» au Canada était illicite. Le recours
civil contre pareille rupture de contrat échappe
certes à la compétence de la Cour, mais la Loi sur
les marques de commerce l'habilite effectivement
à empêcher que pareille utilisation illicite puisse
servir à frustrer l'exercice légitime des droits de
propriété intellectuelle par le propriétaire légitime
de la marque de commerce. Les opposantes se sont
prévalues d'une application mécanique de la Loi
pour promouvoir leur dessein tortueux, de façon
que la question de la légalité de leur utilisation ou
la question de la propriété de la marque utilisée fût
laissée de côté. Par ailleurs, l'argument des oppo-
santes selon lequel la marque du demandeur
n'avait pas un caractère distinctif, doit également
être rejeté, vu qu'il est fondé sur l'utilisation illi-
cite. Mais si l'utilisation illicite ne peut servir de
fondement à l'opposition dans les actions de ce
genre, elle ne peut pas servir non plus de fonde-
ment pour la demande de M. McCabe. Donc, si la
prétention du demandeur doit être accueillie, il
faut qu'elle le soit sur une autre base.
b) Demande fondée sur le paragraphe 16(2)
Tout au long de l'instance, M. McCabe a
conclu, à titre subsidiaire, à son droit à l'enregis-
trement en vertu du paragraphe 16(2) de la Loi
sur les marques de commerce. L'agent instructeur,
ayant accueilli l'argument de l'utilisation anté-
rieure des opposantes, n'a pas choisi de se pencher
sur cette prétention subsidiaire. À la lumière
cependant de l'analyse ci-dessus, il échet d'exami-
ner cette dernière.
Une demande fondée sur le paragraphe 16(2)
requiert l'examen de plusieurs dispositions con-
nexes de la Loi, qu'il serait utile de citer en détail.
PERSONNES ADMISES À L'ENREGISTREMENT
DES MARQUES DE COMMERCE
16....
(2) Tout requérant qui a produit une demande selon l'article
29 en vue de l'enregistrement d'une marque de commerce qui
est enregistrable et que le requérant ou son prédécesseur en
titre a employée ou fait connaître au Canada en liaison avec des
marchandises ou services, a droit, sous réserve de l'article 37,
d'en obtenir l'enregistrement à l'égard de ces marchandises ou
services à moins que, à la date où le requérant ou son prédéces-
seur en titre l'a en premier lieu ainsi employé ou révélée, elle ne
créat de la confusion avec
a) une marque de commerce antérieurement employée ou
révélée au Canada par une autre personne;
b) une marque de commerce à l'égard de laquelle une
demande d'enregistrement avait été antérieurement produite
au Canada par quelque autre personne; ou
e) un nom commercial qui avait été antérieurement employé
au Canada par une autre personne.
29. Quiconque sollicite l'enregistrement d'une marque de
commerce doit produire au bureau du registraire une demande
renfermant
d) dans le cas d'une marque de commerce qui est, dans un
autre pays de l'Union, l'objet, de la part du requérant ou de
son prédécesseur en titre, d'un enregistrement ou d'une
demande d'enregistrement sur quoi le requérant fonde son
droit à l'enregistrement, les détails de cette demande ou de
cet enregistrement et, si ladite marque n'a été ni employée ni
révélée au Canada, le nom d'un pays où le demandeur ou son
prédécesseur en titre désigné, s'il en est, l'a employée en
liaison avec chacune des catégories générales de marchandi-
ses ou services décrites dans la demande;
30. (1) Un requérant dont le droit à l'enregistrement d'une
marque de commerce est fondé sur un enregistrement de cette
marque dans un autre pays de l'Union doit, avant la date de
l'annonce de sa demande selon l'article 36, fournir une copie de
cet enregistrement, certifiée par le bureau où il a été fait, de
même qu'une traduction de cet enregistrement en anglais ou en
français, s'il est en une autre langue, et toute autre preuve que
le registraire peut requérir afin d'établir pleinement le droit du
requérant à l'enregistrement prévu par la présente loi.
À première vue, il semblerait (et c'est ce que
soutiennent les opposantes) que le droit à l'enregis-
trement prévu au paragraphe 16(2) est subordonné
à un enregistrement antérieur dans le pays d'ori-
gine. Par dérogation à cette restriction, l'alinéa
29d) permet clairement le dépôt de la demande au
Canada, dans le cas où une demande d'enregistre-
ment est pendante dans le pays d'origine. Dans ce
cas cependant, le paragraphe 30(1) interdit au
registraire de procéder à l'annonce de la demande
tant qu'il n'aura pas reçu la preuve que l'enregis-
trement a été fait à l'étranger. Cela veut dire
qu'une personne peut demander l'enregistrement
au Canada sur la foi d'une demande d'enregistre-
ment dans son pays d'origine, mais n'a pas droit à
l'approbation de sa demande avant que l'enregis-
trement n'ait été fait à l'étranger. Bien qu'il ne
présente aucun rapport avec l'affaire en instance, il
y a lieu de noter que l'article 33 de la Loi protège
entre-temps la priorité du demandeur au Canada,
à condition qu'il produise la demande d'enregistre-
ment au Canada dans les six mois qui suivent sa
demande dans le pays d'origine.
C'est justement le cas de la demande de M.
McCabe. Le registraire l'a reçue, mais ne l'a ins-
truite qu'après le dépôt de la preuve de l'enregis-
trement aux États-Unis. Outre la preuve de l'enre-
gistrement à l'étranger pour établir le droit à
l'enregistrement au Canada, le paragraphe 16(2)
prévoit cependant d'autres conditions que le
demandeur doit remplir. Seul l'alinéa a) s'applique
en l'espèce et, vu ma conclusion sur le caractère
illicite de l'utilisation de la part des opposantes,
elles ne peuvent l'invoquer pour prouver l'inobser-
vation du paragraphe 16(2) pas plus qu'elles ne
peuvent s'en prévaloir pour prouver l'inobservation
de l'alinéa 29b).
Il y a peut-être lieu de considérer maintenant un
dernier argument avancé par les opposantes. Elles
soutiennent qu'en fin de compte, T -Line Golf ou
Rainbow Sales ont fait connaître la marque de
commerce «T -Line» au Canada grâce aux annon-
ces publicitaires parues dans des magazines,
publiés aux États-Unis certes, mais qui connaissent
une certaine diffusion au Canada. Si ce fait avait
été prouvé, il aurait pu constituer un motif valable
d'opposition. Cependant, l'article 5 de la Loi pré-
voit qu'une marque doit se faire bien connaître
(well-known) au Canada au moyen de pareille
publicité. Vu les preuves insuffisantes soumises à
ce sujet, je ne saurais tirer une conclusion en ce
sens. En conséquence, ce motif d'opposition doit
être également rejeté.
CONCLUSION
L'agent instructeur a conclu que l'utilisation
antérieure, revendiquée par les opposantes, faisait
échec à la demande de M. McCabe. Il s'agit là
d'une erreur de droit qui justifie mon intervention.
Vu les faits de la cause, je dois conclure que
lorsque la Loi sur les marques de commerce dis-
pose qu'un opposant peut invoquer 1'«utilisation»
de sa part pour contester la demande d'enregistre-
ment du propriétaire, elle prévoit, à titre de condi
tion implicite, que cette utilisation, opposée au
propriétaire, doit être licite.
Attendu qu'il a prouvé l'observation de toutes
les conditions légales d'enregistrement par l'utilisa-
tion et l'enregistrement à l'étranger et qu'il n'y a
aucun motif d'opposition défendable, la demande
de M. McCabe doit être approuvée.
Par ces motifs, l'appel est accueilli avec dépens,
et la Cour ordonne au registraire d'enregistrer la
marque de commerce de l'appelant.
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