' A-1007-85
La Reine (intimée) (demanderesse)
c.
Wally Fries (appelant) (défendeur)
RÉPERTORIÉ: CANADA C. FRIES (C.A.)
Cour d'appel, juges Urie, Hugessen et Desjardins,
J.C.A.—Regina, 28 avril; Ottawa, 5 mai 1989.
Impôt sur le revenu — Calcul du revenu — Indemnité de
grève — Appel formé contre un jugement de première instance
statuant que les sommes reçues du syndicat constituaient un
revenu au sens de l'art. 3a) de la Loi de l'impôt sur le revenu
— L'appelant, qui était au service de la Régie des alcools,
faisait la grève pour appuyer d'autres fonctionnaires en grève
— Le syndicat versait un montant équivalant au salaire net
pendant la grève — Il existe une pratique administrative selon
laquelle on n'impose pas les sommes versées par un syndicat à
ses membres pendant une grève, à moins que ceux-ci ne
fournissent des services au syndicat en vertu d'un contrat de
travail — Le juge de première instance a décidé qu'il existait
un contrat exécutoire entre le syndicat et les employés de la
Régie — Il n'était pas nécessaire de tirer une telle conclusion
car (I) la Loi n'exempte pas expressément une indemnité de
grève de l'imposition et (2) la politique administrative n'est pas
déterminante — Il incombe à la personne qui conteste la
cotisation de prouver que les sommes reçues ne constituent pas
un revenu — Le juge de première instance a eu raison de
statuer que les sommes versées constituaient un revenu au sens
de l'art. 3a) — Les fonds provenaient du fonds de grève, qui
avait été créé à partir des cotisations déduites mensuellement
du salaire des membres — Vu que ceux-ci perdaient tout
pouvoir sur les fonds versés au syndicat, on ne se trouve pas
devant un cas analogue à celui du fonds de grève personnel
d'un particulier, dont les retraits ne seraient pas imposables
parce qu'ils constitueraient un remboursement de son propre
argent sur lequel l'impôt aurait déjà été payé.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi de l'impôt sur le revenu, S.C. 1970-71-72, chap. 63,
art. 3a), 149(1)k).
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Nowegijick c. La Reine, [1983] 1 R.C.S. 29; [1983]
C.T.C. 20; Curran v. Minister of National Revenue,
[1959] R.C.S. 850.
AVOCATS:
Jennifer L. Garvie Pritchard pour l'appelant
(défendeur).
Max J. Weder pour l'intimée (demanderesse).
PROCUREURS:
Le sous-procureur général du Canada pour
l'intimée (demanderesse).
Balfour, Moss, Milliken, Laschuk & Kyle,
Regina (Saskatchewan), pour l'appelant
(défendeur).
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
Le juge Urie, J.C.A.: Les parties en l'espèce ont
convenu que, malgré la modicité du montant en
cause, il s'agit d'un appel important car c'est une
action type pour un nombre considérable d'autres
appelants possibles dont les appels formés contre
des cotisations d'impôt sur le revenu et découlant
de faits grandement similaires dépendent de l'issue
de cet appel. Appel est interjeté d'un jugement
dans lequel le juge Collier de la Section de pre-
mière instance [[1985] 2 C.F. 378] a accueilli
l'appel formé par l'intimée contre une décision
dans laquelle la Commission de révision de l'impôt
(«la Commission>) a jugé que la cotisation établie
par le ministre du Revenu national («le ministre»),
qui imposait une somme de 880,80 $, versée à
l'appelant par un syndicat, à titre de revenu gagné
par lui au cours de l'année d'imposition 1979, était
valide et justifiée.
On ne conteste pas que le juge de première
instance ait résumé correctement les faits de la
façon suivante [aux pages 380 383]:
Le litige porte sur le versement, par un syndicat, d'une
somme de 880,80 $ au défendeur qui travaillait pour la Saska-
tchewan Liquor Board (Régie des alcools de la Saskatchewan).
Le défendeur a, tout comme ses camarades de travail, fait la
grève pour appuyer d'autres syndicalistes en grève. La somme
de 880,80 $ équivalait au salaire net habituel du défendeur au
cours de la période où il était en grève.
En 1979, en Saskatchewan, l'organisation des rapports
employeur-employé au sein du gouvernement provincial, de ses
divers ministères et d'autres entités était passablement com-
plexe. Les employés de quarante-sept ministères, offices, com
missions ou autres organismes, contrôlés ou dirigés par le
gouvernement de la Saskatchewan étaient répartis entre diver-
ses unités de négociation. La Régie des alcools était du nombre.
Cette unité de négociation se composait d'environ 500 mem-
bres. La Public Service Bargaining Unit (l'Unité de négociation
de la Fonction publique), avec à peu près 12 000 membres,
constituait la plus grande unité de négociation de l'organisme
représentant les employés du gouvernement de la Saskatche-
wan. La Public Service Commission (Commission de la Fonc-
tion publique) était leur employeur.
Tous les employés appartenant aux diverses unités de négo-
ciation faisaient partie du Saskatchewan Government
Employees' Union (S.G.E.U.) (Syndicat des employés du gou-
vernement de la Saskatchewan). Ce syndicat avait une direc
tion provinciale formée de vingt-huit membres provenant de
vingt divisions du syndicat.
La direction provinciale n'a pas participé au processus de
négociation entre les diverses unités de négociation et leur
employeur particulier. C'est le comité de négociation de cha-
cune des unités de négociation qui s'est acquitté de cette tâche.
La convention collective entre la Commission de la Fonction
publique et l'Unité de négociation de la Fonction publique avait
pris fin le I»' octobre 1979. Le 17 novembre 1979, cette unité
s'est mise en grève légale.
La convention collective liant la Régie des alcools n'est venue
à renouvellement qu'en mars 1980.
Il ressort de la preuve que tout contrat, conclu avec l'Unité
de négociation de la Fonction publique, devenait habituelle-
ment un contrat type, servant d'exemple à d'autres ententes
avec d'autres unités de négociation et d'autres employeurs.
D'après la preuve, les négociations, dans ce que j'appellerai
la grève dans la Fonction publique, ne se déroulaient pas de
façon satisfaisante du point de vue syndical. On a donc décidé
de faire pression sur l'employeur pour accélérer les négociations
et pour essayer d'obtenir de meilleures offres. Des rencontres
ont eu lieu entre les représentants de la direction provinciale du
S.G.E.U. et ceux de l'unité de négociation de la Régie des
alcools de la Saskatchewan. Le défendeur Fries était président
de la division «Régie des alcools» du syndicat. Au cours de la
première réunion, on a discuté de [TRADUCTION] »la question
de la mise en grève des membres de la division "... Régie des
alcools" pour intensifier la grève Fonction publique/Emploi
gouvernemental». Lors d'une réunion ultérieure avec le Tier I
Committee, appelé aussi Advisory Committee (comité consul-
tatif) de la direction provinciale, Fries aurait dit qu'il était
disposé
[TRADUCTION] ... à tenir un vote auprès des membres de la
division «Régie des alcools» le 24 novembre sur la question de
l'appui à la grève du Public Service/Government Employ
ment Agreement Group, sous réserve d'une garantie que les
membres seraient indemnisés pour les jours où ils ne travail-
leraient pas et de l'approbation de la direction de la division
«Régie des alcools».
L'extrait ci-dessus provient du procès-verbal joint à l'exposé
conjoint des faits (pièce 2). A ce stade, le comité consultatif de
la direction provinciale a recommandé d'accorder, s'ils ces-
saient de travailler pour appuyer la grève, aux membres du
syndicat de la Régie des alcools [TRADUCTION] «une indemnité
de grève pendant la durée de leur cessation de travail». La
direction provinciale a adopté le procès-verbal du comité
consultatif.
Les employés de la division «Régie des alcools» ont voté en
faveur d'une grève de solidarité. Les membres savaient qu'on
recommanderait le remboursement intégral de leur perte de
salaire. Voici le texte d'une lettre datée du 23 novembre 1979
qu'a adressée la direction provinciale au défendeur, en sa
qualité de «président», et à tous les membres de la Division
«Régie des alcools»:
[TRADUCTION] La présente a pour but de confirmer que le
comité consultatif de la direction provinciale, au nom de
cette dernière, a accepté, au cas où les employés de la Régie
des alcools s'engageraient à appuyer les grévistes du Public
Service/Government Employment Agreement, de leur verser
intégralement la rémunération perdue de façon à ce qu'ils ne
subissent aucune perte pécuniaire, y compris une perte de
prestations de pension, etc.»
Du 26 novembre au 17 décembre 1979, un grand nombre
d'employés de la Régie des alcools, dont le défendeur, se sont
mis en grève pour appuyer l'Unité de négociation de la Fonc-
tion publique. Voici l'aveu fait dans les plaidoiries:
[TRADUCTION] 7. Le défendeur a cessé de travailler pour
son employeur, la Régie des alcools de la Saskatchewan,
pendant la période allant du 26 novembre au 17 novembre
1979.
À l'époque, dans la province de la Saskatchewan, la grève des
employés de la Régie des alcools était, dans les circonstances,
parfaitement légale, même si leur convention n'a expiré qu'en
mars 1980.
On a versé au défendeur la somme de 880,80 $ à même le
fonds de défense, ou «fonds de grève», établi dans les comptes
du S.G.E.U. Ce fonds ainsi que d'autres provenaient des cotisa-
tions des syndiqués, dont le défendeur.
La «strike stipend» (allocation de grève) habituelle, suivant
l'expression utilisée par le syndicat, versée à tout membre en
grève, s'élevait ordinairement à 10 $ par semaine.
La décision concernant le paiement d'une allocation de grève
et les sommes à verser relevait uniquement de la direction
provinciale. Il ressort de la preuve produite que, dans d'autres
cas, elle avait autorisé le paiement d'allocation de grève attei-
gnant quatre-vingts pour cent du salaire brut. En l'espèce, elle a
autorisé une allocation de grève équivalant au salaire net total.
La preuve a démontré que dans d'autres cas, le ministre du
Revenu national n'avait jamais frappé d'impôt les allocations
de grève reçues par les syndiqués.
Au procès, le juge de première instance a admis
l'argument de l'avocat de Sa Majesté selon lequel
il existait un contrat exécutoire entre le S.G.E.U.
et ses membres pris individuellement qui étaient à
l'emploi de la Régie des alcools. Il a déclaré [à la
page 387]:
Dès que le S.G.E.U. eut offert aux employés de la Régie des
alcools de leur verser leur salaire net en contrepartie de leur
cessation de travail à la Régie et que ceux-ci se furent exécutés,
le S.G.E.U. a eu l'obligation de payer cette somme à chacun
des employés qui, dès lors, pouvait légalement exiger du
S.G.E.U. qu'il exécute cette obligation. Ce qui ne constituait au
départ qu'un arrangement ou un accord non exécutoire entre le
S.G.E.U. et le Liquor Board Employees Agreement Group est
devenu, une fois conclu et communiqué aux employés eux-
mêmes, une offre de paiement en contrepartie d'un service
rendu'.
' Dossier d'appel, vol. 2, p. 212 et 213.
L'appelant a, par l'intermédiaire de son avocate,
contesté vigoureusement cette conclusion. Toute-
fois, nous n'estimons pas nécessaire d'être en
accord ou non avec celle-ci étant donné que nous
sommes d'avis qu'il ne peut être statué sur l'appel
que relativement à la question plus fondamentale
de savoir si le versement que l'appelant a reçu de
son syndicat constituait un revenu entre ses mains.
Il semblerait que le juge Collier en est venu à sa
conclusion quant à l'existence du contrat principa-
lement parce que c'était ainsi que l'affaire avait
été plaidée devant lui pour le motif qui sera men-
tionné sous peu. De façon plus importante, il a
décidé que les montants versés constituaient en soi
un revenu au sens de l'alinéa 3a) de la Loi de
l'impôt sur le revenu [S.C. 1970-71-72, chap. 63]
(«la Loi») qui est libellé ainsi:
3. Le revenu d'un contribuable pour une année d'imposition,
aux fins de la présente Partie, est son revenu pour l'année,
déterminé selon les règles suivantes:
a) en calculant le total des sommes qui constituent chacune
le revenu du contribuable pour l'année (autre qu'un gain en
capital imposable résultant de la disposition d'un bien), dont
la source se situe à l'intérieur ou à l'extérieur du Canada, y
compris, sans restreindre la portée générale de ce qui pré-
cède, le revenu tiré de chaque charge, emploi, entreprise et
bien;
L'avocate de l'appelant a d'abord prétendu que
le montant versé à l'appelant était une indemnité
de grève et que les indemnités de grève versées par
un syndicat à ses membres ne constituent pas un
revenu aux fins de la Loi et ne sont donc pas
imposables. Elle a admis que rien dans la Loi ne
les exempte d'être incluses dans le revenu imposa-
ble, mais elle a signalé que le Bulletin d'interpréta-
tion IT-334R indiquait la position du ministre sur
le plan administratif en ce qui a trait aux indemni-
tés de grève. Le paragraphe 3 du Bulletin est ainsi
rédigé:
Paiements reçus par les membres d'un syndicat
3. L'aide financière qu'un syndicat accorde à l'un de ses
membres au cours d'une grève ne constitue pas nécessairement
un revenu de cette personne aux fins de la Loi. Les sommes
ainsi reçues par le contribuable sont imposables si elles lui sont
versées comme employé du syndicat. Si les sommes versées par
le syndicat à l'un de ses membres proviennent, ou proviendront,
de l'exploitation d'une entreprise par le syndicat, ces sommes
seront considérées comme un revenu imposable, que le bénéfi-
ciaire participe ou non à l'entreprise. De même, sont imposa-
bles, toutes les sommes reçues par un contribuable qui est
employé ou conseiller d'un syndicat à titre permanent ou
comme membre d'un comité provisoire et celles reçues par un
contribuable qui a quitté son employeur et qui a accepté de
fournir des services au syndicat en vertu d'un contrat de travail.
C'est apparemment dans le but de contrecarrer
l'effet de ce bulletin que l'avocat de l'intimée a
tenté, avec succès, de convaincre le juge de pre-
mière instance que l'appelant et son syndicat
avaient conclu un contrat en vertu duquel M. Fries
rendrait un certain genre de services au nom du
syndicat et qui rendrait imposable entre ses mains
le montant reçu pour ces services. Il n'était pas
nécessaire, à notre avis, de tirer une telle conclu
sion pour deux raisons. En premier lieu, comme il
a déjà été mentionné, rien dans la Loi n'exempte
une indemnité de grève, dans son sens le plus
strict, de l'imposition. En second lieu, bien que la
politique administrative énoncée dans les bulletins
d'interprétation «[aient] une certaine valeur et en
cas de doute sur le sens de la législation, elles
[puissent] être un "facteur important"» 2 , elle ne
peut pas être déterminante. Il ne peut exister un
tel doute en l'espèce car il n'y a aucune loi applica
ble qui puisse susciter le doute. La Loi ne prévoit
pas expressément que les indemnités de grève ne
sont pas assujetties à l'imposition bien que sur le
plan administratif le ministre, semble-t-il, n'éta-
blisse pas de cotisation à cet égard. Il n'en résulte
pas que l'indemnité de grève ne soit pas imposable.
Si, comme dans le cas présent, le ministre décide
d'établir une cotisation, la personne qui conteste
cette cotisation doit prouver que les indemnités ou
la rémunération de grève qu'elle reçoit ne consti
tuent pas un revenu entre ses mains selon le sens
que la Loi donne à ce mot. Elle ne peut pas
invoquer uniquement la pratique administrative
qui existait par le passé pour fonder sa demande
d'exemption d'impôt dans le cas d'indemnités de ce
genre.
Dans l'arrêt Curran v. Minister of National
Revenue 3 , la Cour suprême du Canada, comme le
signale le juge Collier, s'est penchée sur la nature
du mot «revenu» utilisé dans la Loi et trois des
juges qui ont participé au jugement ont déclaré:
[TRADUCTION] Ce mot doit être pris dans son acception cou-
rante en ayant à l'esprit la distinction entre capital et revenu et
les concepts et usages universellement reconnus.
2 Nowegijick c. La Reine, [1983] I R.C.S. 29, la p. 37;
[1983] C.T.C. 20, la p. 24.
3 [1959] R.C.S. 850, la p. 854.
Le juge de première instance a, sur ce fonde-
ment, abouti à la conclusion suivante [à la
page 389]:
À mon avis, lorsqu'une personne reçoit des sommes, en
l'occurrence des sommes d'argent, pour son propre avantage,
celles-ci doivent, en général, être considérées soit comme un
gain de nature capitale soit comme un revenu. Je ne connais
aucune autre catégorie; toutes les affaires fiscales semblent
classer de tels gains dans l'une ou l'autre de ces catégories, à
moins que, peut-être, les sommes en question ne soient qu'une
sorte de simple remboursement. Il est possible que les dons
appartiennent à une catégorie distincte—à une sorte de zone
mal définie.
Compte tenu des faits de l'espèce, si j'applique le concept et
l'usage courants du mot «revenu», je ne peux voir dans les
sommes reçues autre chose qu'un revenu par opposition à un
paiement de nature capitale. Elles ne constituaient ni un don, ni
une aubaine, ni un paiement à l'égard d'un bien ou d'un
avantage de nature permanente ou semi -permanente. Au con-
traire, elles se rapportaient directement et exclusivement à la
période au cours de laquelle le bénéficiaire défendeur a agi (ou
refusé d'agir) et à la période où le payeur a tiré profit de ce que
le bénéficiaire a accepté de faire.
Le défendeur et ses compagnons de travail ont reçu des
sommes correspondant à celles qu'ils recevaient habituellement
de leur employeur. Le calcul de la somme était fonction de leur
traitement habituel. Durant la période en cause, les sommes
versées au titre des allocations provenaient d'une nouvelle
source, autre que l'employeur. Les employés de la Régie des
alcools ont exercé le droit qu'ils avaient alors de fournir ou non
leurs services à leur employeur, pour des fins tactiques, dans le
cadre des stratégies syndicales-patronales.
Bien que le critère ne revienne pas à dire: si ce n'est pas un
gain de nature capitale, c'est donc inévitablement un revenu, les
sommes reçues en l'espèce se rapprochent plus d'un revenu que
d'autre chose.
Nous reconnaissons que le juge Collier a établi
de façon précise et concise que les sommes versées
à l'appelant et à ses collègues de travail par son
syndicat constituent en soi un revenu au sens de
l'alinéa 3a) de la Loi, pourvu que ce revenu pro-
vienne d'une source située à l'intérieur ou à l'exté-
rieur du Canada. Parmi les sources possibles, il y a
le revenu provenant de chaque charge, emploi,
entreprise ou bien, mais il est évident que cette
source ne se limite pas à celles qui sont énumérées
précisément.
Dans la présente affaire, les sommes versées
provenaient du «fonds de défense» ou du fonds de
grève créé par le syndicat à partir des cotisations
versées par ses membres. Ces cotisations, qui, selon
la preuve, étaient déduites mensuellement du
salaire des membres, étaient versées à raison de
1,2 % par mois. L'argent reçu était alors divisé en
trois fonds distincts, à savoir a) un compte d'opé-
ration pour les affaires courantes du syndicat, b)
un fonds de défense qui était constitué en dédui-
sant la somme de 1,50 $ des cotisations mensuelles
versées par chacun et c) un fonds de prévoyance.
Les cotisations annuelles versées par chaque
membre sont déductibles dans le calcul de son
revenu imposable. Le revenu brut provenant de ces
fonds n'est pas imposable entre les mains du syndi-
cat en vertu de l'alinéa 149(1)k) de la Loi.
L'appelant a soutenu que les fonds pouvant être
utilisés pour le versement d'indemnités de grève
proviennent du revenu que les membres tirent de
leur emploi. Il ne s'agit pas là, selon la thèse de
l'avocate, d'une nouvelle source. Elle a assimilé ce
cas à celui où chaque membre pris individuelle-
ment pourrait créer, au moyen des sommes dédui-
tes de son revenu, son propre fonds de grève. Dans
un tel cas, disait-elle, les retraits effectués par
cette personne pendant une grève ne seraient pas
imposables parce qu'ils constitueraient simplement
un remboursement du propre argent de cette per-
sonne sur lequel elle a déjà payé de l'impôt.
Nous n'admettons pas que ce soit analogue en
quelque sorte à ce qui s'est produit en l'espèce, ne
serait-ce que parce que les indemnités de grève
amassées personnellement ne seraient versées qu'a-
près épuisement du fonds spécial tandis que, dans
le cas des versements provenant du fonds de grève
d'un syndicat, ils seraient faits pendant la durée de
la grève ou jusqu'à ce que l'exécutif du syndicat
décide de mettre fin aux versements pour quelque
raison que ce soit. Toutefois, la véritable diffé-
rence, comme il ressort clairement de la preuve,
réside dans le fait que, aussitôt que les cotisations
sont perçues par le syndicat, elles sont versées dans
un fonds commun qui est partagé de la façon
susmentionnée et les membres cotisants n'ont nul-
lement le droit d'effectuer des retraits. Les fonds
provenant de ces cotisations ont perdu complète-
ment leur identité propre dans la mesure où
chaque cotisant est concerné. Les membres ont
perdu tout pouvoir sur ces fonds et seul le syndicat
peut, probablement par la voie de son exécutif,
décider comment il en sera disposé. Ils sont ainsi à
la source de l'indemnité de grève versée à l'appe-
lant, comme l'a conclu le juge de première ins
tance. Il s'agit, encore une fois, d'une conclusion
avec laquelle nous sommes d'accord. Vu que, en
vertu de la Loi, ces versements constituent un
revenu, ils deviennent assujettis à l'impôt et à la
cotisation du ministre. Il n'existe donc aucune base
sur laquelle l'appelant puisse fonder son appel.
Par conséquent, l'appel sera rejeté avec dépens.
LE JUGE HUGESSEN, J.C.A.: Je souscris aux
présent motifs.
LE JUGE DESJARDINS, J.C.A.: Je souscris aux
présents motifs.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.