A-621-88
Mount Royal/Walsh Inc. (demanderesse)
c.
Le navire Jensen Star, Jensen Shipping Limited,
et les propriétaires et toutes les autres personnes
ayant un droit sur le navire Jensen Star
(défendeurs)
RÉPERTORIÉ: MOUNT ROYAL/WALSH INC. C. JENSEN STAR
(LE) (CA.)
Cour d'appel, juges Marceau, MacGuigan et Des-
jardins, J.C.A.—Montréal, 4 avril; Ottawa, 23 mai
1989.
Compétence de la Cour fédérale — Section de première
instance — Droit maritime — Appel interjeté contre un juge-
ment accueillant une action en matière réelle pour matériaux
fournis et réparations d'un navire — Propriété du navire
transférée avant l'introduction de l'action — Les nouveaux
propriétaires ont cédé le navire affrété aux propriétaires avant
le transfert proprement dit — L'art. 43(3) de la Loi sur la
Cour fédérale exige qu'il y ait continuité quant à la propriété
pour que la Cour puisse exercer sa compétence en matière
réelle relativement à une demande fondée sur l'art. 22(2)m) et
n) de la Loi — L'expression «beneficial owner» de l'art. 43(3)
ne comprend pas l'affréteur par voie de cession à bail — On ne
peut opposer une fin de non-recevoir pour conférer au tribunal
une compétence que la loi lui refuse expressément — La
réclamation antérieure au transfert ne peut être accueillie
puisque la condition de l'art. 43(3) n'a pas été remplie — La
réclamation postérieure au transfert est accueillie.
Droit maritime — Action en matière réelle — Compétence
— Appel interjeté contre un jugement accueillant une action en
matière réelle pour réparations et matériaux fournis à un
navire — Transfert de la propriété du navire avant l'introduc-
tion de l'action — L'art. 43(3) de la Loi sur la Cour fédérale
exige qu'il y ait continuité quant à la propriété pour que la
Cour puisse exercer sa compétence en matière réelle — La
condition n'est satisfaite qu'en ce qui concerne la réclamation
postérieure au transfert de la propriété — Une telle réclama-
tion soulève la question de la nature et de l'étendue de la
participation de propriétaire pour que le droit in rem puisse
exister en vertu de l'art. 43(3) de la Loi — La participation
doit être complète et directe au point d'entraîner la responsa-
bilité personnelle du propriétaire — Les actes du propriétaire
constituent une autorisation tacite accordée à l'affréteur de
tirer du crédit du navire — La réclamation postérieure au
transfert est accueillie.
Droit maritime — Pratique — L'expression «aux proprié-
taires et à toutes les autres personnes ayant un droit sur» le
navire (Règle 1002) indique la façon d'introduire l'action in
rem — Pour qu'un jugement puisse être rendu en matière
personnelle, une partie doit être poursuivie personnellement.
Il s'agit d'un appel interjeté contre un jugement de la Section
de première instance qui a accueilli une action intentée par
Mount Royal/Walsh Inc., pour réparations et matériaux four-
nis au navire Jensen Star. La réclamation était fondée sur les
alinéas 22(2)m) et y) de la Loi sur la Cour fédérale. Même si
le jugement contesté a été prononcé, à la fois, en matière réelle
contre le navire, et en matière personnelle contre Jensen Ship
ping Ltd., seule la portion du jugement prononcé en matière
réelle est contestée.
Il a été établi en première instance qu'antérieurement à
l'introduction de l'action, Jensen Shipping avait transféré la
propriété du navire à Jensen Marine Holdings Ltd. Cette
dernière a remis le navire à Jensen Shipping en vertu d'un
contrat d'affrètement coque nue. En se fondant sur le paragra-
phe 43(3) de la Loi, les appelants prétendent que la Cour ne
peut exercer sa compétence en matière réelle puisque, au
moment où l'action a été intentée, le navire n'appartenait pas à
la personne qui était le véritable propriétaire au moment où la
cause d'action a pris naissance. Le juge de première instance a
confirmé la compétence de la Cour en matière réelle lorsqu'il a
déclaré que, pour les fins du paragraphe 43(3), Jensen Shipping
était en tout temps demeurée la véritable propriétaire du navire
ou, subsidiairement, que Jensen Shipping et Jensen Marine
Holdings étaient empêchées de prétendre que Jensen Shipping
n'était pas le véritable propriétaire du navire au moment où la
cause d'action a pris naissance.
Arrêt: le jugement de la Section de première instance devrait
être modifié de manière à limiter la réclamation de l'intimée
aux services et aux matériaux fournis au navire à la suite du
transfert de la propriété.
Ni l'une ni l'autre propositions invoquées par le juge de
première instance n'étaient exactes en droit. L'expression
«beneficial owner» qui figure au paragraphe 43(3) n'inclut pas
l'affréteur par voie de cession à bail. Quel que soit le sens du
qualificatif «beneficial», le terme «owner» est normalement uti-
lisé uniquement pour désigner celui qui possède un titre dans la
chose elle-même, titre qui comporte principalement le droit
d'aliéner la chose. Le terme français correspondant «proprié-
taire» est clair à cet égard.
On ne pouvait non plus statuer que les défendeurs étaient
empêchés de prétendre que Jensen Shipping n'était pas la
véritable propriétaire au moment où l'action a été intentée. Les
faits essentiels justifiant l'estoppel ne semblaient pas exister en
l'espèce puisque personne n'a modifié sa position à son détri-
ment par suite d'une promesse ou d'une garantie qui aurait été
faite. De toute manière, le paragraphe 43(3) exige qu'il y ait
continuité quant à la propriété du navire pour donner lieu à une
action in rem et permettre à la Cour d'exercer sa compétence,
et aucune fin de non-recevoir ne peut donner à un tribunal une
compétence que la loi lui refuse expressément.
L'action in rem relative à la réclamation de l'intimée qui a
pris naissance antérieurement au transfert de la propriété du
navire ne peut être accueillie. La condition prévue au paragra-
phe 43(3) n'a pas été remplie. Le droit in rem que l'intimée
aurait pu exercer pour se faire rembourser les sommes dues
était éteint par suite du transfert de la propriété du navire.
La question soulevée à propos des services et matériaux
fournis au navire par suite de son transfert de propriété n'a rien
à voir avec la compétence de la Cour, puisque la condition
prévue au paragraphe 43(3) pour que la Cour puisse exercer sa
compétence relativement aux comptes postérieurs au transfert a
été clairement remplie. La question est de savoir si la nature et
l'étendue du lien entre le propriétaire du navire et le fournisseur
d'approvisionnements sont telles qu'elles justifient l'exercice
d'un droit in rem.
Le principe qui sous-tend le paragraphe 43(3) est que le
propriétaire doit, dans tous les cas, participer au contrat en
vertu duquel les services ont été rendus pour que le droit in rem
puisse exister. Cette condition est particulière au droit canadien
et on ne saurait définir cette exigence en fonction du droit
anglais.
D'après toutes les décisions rendues par la Section de pre-
mière instance de cette Cour, il faut que la participation du
propriétaire dans la fourniture des approvisionnements néces-
saires soit suffisamment complète et directe pour que celui-ci
engage sa responsabilité personnelle. Une action in rem est
possible seulement si le propriétaire a engagé personnellement
sa responsabilité à l'égard de la somme réclamée. Prétendre
qu'une action in rem pourrait être accueillie même en l'absence
de toute responsabilité personnelle du propriétaire serait con-
traire au principe qui sous-tend le système, c'est-à-dire la
protection du propriétaire. Le propriétaire doit avoir engagé sa
responsabilité par un comportement ou une attitude quelcon-
que, peu importe qu'il ait conclu le contrat lui-même ou qu'il
ait autorisé quelqu'un à s'engager sur son crédit personnel ou
qu'il ait autorisé expressément ou implicitement une personne
qui a la possession et le contrôle du navire à tirer du crédit du
navire (plutôt que de la totalité de ses biens personnels).
La nature et l'étendue de l'intérêt de Jensen Marine Hol
dings concernant la prestation des services par l'intimée étaient
telles qu'elles rendaient valide l'action in rem. Cet intérêt
consistait à agir par l'intermédiaire de son président de manière
à autoriser tacitement Jensen Shipping à tirer du crédit du
navire et à engager, dans cette mesure, sa responsabilité person-
nelle. Il fallait garder à l'esprit que le président de Jensen
Marine Holdings était également président de Jensen Shipping
et qu'il ne considérait pas ces entités comme étant distinctes,
bien au contraire, il n'a jamais pensé que ses droits sur le navire
avaient changé.
De toute manière, Jensen Marine Holdings ne peut contre-
dire une telle interprétation. Il est bien établi que les approvi-
sionnements nécessaires fournis à un navire sont présumés
prima fade l'avoir été sur le crédit du navire et de son
propriétaire. Aucune tentative n'a été faite pour réfuter cette
présomption.
Le juge de première instance ne pouvait faire autrement que
de rendre un jugement in personam uniquement contre Jensen
Shipping: aucun jugement in personam ne pouvait être pro-
noncé contre Jensen Marine Holdings, puisqu'il n'y avait
aucune ordonnance formelle de la Cour autorisant la modifica
tion de la déclaration et permettant de la poursuivre personnel-
lement. L'expression «aux propriétaires et à toutes les autres
personnes ayant un droit sur le navire», est simplement la façon
prévue par la Règle 1002 pour intenter une action in rem, qui
ne peut aboutir qu'à un jugement in rem.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Convention internationale pour l'unification-de certaines
règles sur la saisie conservatoire des navires de mer,
10 mai 1952, 439 R.T.N.U. 193.
Loi sur la Cour fédérale, L.R.C. (1985), chap. F-7, art.
22(2)m),n), 43(2),(3).
Loi sur la marine marchande du Canada, L.R.C. (1985),
chap. S-9, art. 654 (abrogé et remplacé par L.R.C.
(1985) (3° suppl.), chap. 6, art. 84).
Loi sur les banques, L.R.C. (1985), chap. B-1, art. 2.
Loi sur les sociétés par actions, L.R.C. (1985), chap.
C-44, art. 2.
Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règle
1002.
Supreme Court Act 1981, 1981, chap. 54, art 21(4)
JURISPRUDENCE
DÉCISION NON SUIVIE:
Thorne Riddell Inc. c. Nicolle N Enterprises Inc., [1985]
2 C.F. 31 (1r° inst.).
DECISIONS CITÉES:
I Congreso Del Partido, [1977] 1 Lloyd's Rep. 536 (Q.B.
(Adm. Ct.)); The Andrea Ursula, [1971] 1 Lloyd's Rep.
145 (Adm.); The Permina 3001, [1979] 1 Lloyd's Rep.
327 (C.A. Sing.); ITO—International Terminal Operators
Ltd. v. Miida Electronics Inc. et autre, [1986] 1 R.C.S.
752; The Mecca, [1897] A.C. 286 (H.L.); Coastal
Equipment Agencies Ltd. v. The «Comer», [1970] R.C.É.
12; The Henrich Bjtirn (1886), 11 App. Cas. 270 (H.L.);
The Castlegate, [1893] A.C. 38 (H.L.); Westcan Steve-
doring Ltd. c. Le «Armar», [1973] C.F. 1232 (1" inst.);
Sabb Inc. c. Shipping Ltd., [1976] 2 C.F. 175 (l e° inst.);
Waterside Ocean Navigation Co., Inc. c. International
Navigation Ltd., [1977] 2 C.F. 257 (1`° inst.); McCain
Produce Co. Ltd. c. Le «Rea», [1978] 1 C.F. 686 (1'°
inst.); Logistec Corp. c. Le «Sneland», [1979] 1 C.F. 497
(1" inst.); Kuhr c. Le «Friedrich Busse», [1982] 2 C.F.
709 (1r° inst.); Marlex Petroleum Inc. c. Le navire «Har
Rai», [1984] 2 C.F. 345 (1' inst.); Imperial Oil Limited
c. Navire «Expo Spirit» et Hoverwest Ferry Services Inc.
(1986), 6 F.T.R. 156 (C.F. 1' inst.); Western Stevedo-
ring Co. c. Navire «Anadolu Guney» Cargo et autres
(1988), 23 F.T.R. 117 (C.F. 1" inst.); Foong Tai & Co.
v. Buchheister & Co., [1908] A.C. 458 (P.C.); The
Banco, [1971] 1 Lloyd's Rep. 49 (C.A.); The August 8,
[1983] 2 A.C. 450 (P.C.).
DOCTRINE
Halsbury's Laws of England, 4th ed., vol. 16, no. 1515.
London: Butterworths, 1975.
Jackson, D. C. Enforcement of Maritime Claims.
London: Lloyd's of London Press Ltd., 1985.
Snell, E. H. T. Principles of Equity, 27th ed. by R.
Megarry and P. Baker. London: Sweet & Maxwell
Ltd., 1973.
Tetley, W. Maritime Liens and Claims. London: Busi
ness Law Communications Ltd., 1985.
AVOCATS:
Sean J. Harrington pour la demanderesse
[intimée].
Gerald P. Barry pour les défendeurs [appe-
lants].
PROCUREURS:
McMaster Meighen, Montréal, pour la
demanderesse.
Barry et Associés, Montréal, pour les
défendeurs.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE MARCEAU, J.C.A.: Appel est interjeté
contre un jugement de la Section de première
instance [(1988), 17 F.T.R. 289 (C.F. 1 r inst.)]
qui a accueilli l'action intentée par la demande-
resse relativement à des travaux de réparation
qu'elle a faits et à des matériaux qu'elle a fournis à
un navire. L'action a d'abord été prise en matière
réelle contre le navire pour la fourniture d'approvi-
sionnements nécessaires, mais la demanderesse a
subséquemment modifié sa déclaration afin de
poursuivre personnellement, à titre de partie
défenderesse, la société de transport maritime qui
avait requis les services en question. Le jugement
de la Section de première instance a donc été
prononcé à la fois en matière personnelle (in per-
sonam) contre la société de transport maritime et
en matière réelle (in rem) contre le navire. Toute-
fois, seule la portion du jugement qui a été pronon-
cée en matière réelle est contestée en l'espèce, ce
qui nous permet de mettre de côté certains autres
moyens de défense qui ont été soulevés au cours de
l'action prise dans son ensemble, mais que le juge
de première instance a rejetés, et d'accepter tel
quel le montant de la condamnation, soit
237 243,68 $, même si la façon dont cette somme a
été calculée pose certaines difficultés. Quoi qu'il en
soit, même ainsi délimité, l'appel soulève une ques
tion très difficile, à savoir le traitement que le droit
maritime canadien réserve à une réclamation rela
tive aux approvisionnements nécessaires fournis à
un navire, ainsi que la compétence en matière
réelle de la Cour fédérale s'agissant d'amirauté.
Les faits mis en preuve devant le juge de pre-
mière instance sont assez compliqués, mais il n'est
évidemment pas nécessaire de réexaminer ceux qui
se rapportent aux moyens de défense qui ont, de
façon définitive, été rejetés, par exemple l'affirma-
tion de la société de transport maritime voulant
que les sommes réclamées par la demanderesse
étaient trop élevées ou qu'une partie de ces
sommes avait été payée ou ne concernait pas la
prestation de services maritimes. Tout compte fait,
les éléments qu'il convient de retenir de la preuve
aux fins du présent appel sont assez simples.
L'intimée (demanderesse en première instance),
Mount Royal/Walsh Inc. (ci-après appelée Mount
Royal), est une société qui s'occupe de réparations
navales et industrielles à Montréal. Durant la
période d'août 1982 juin 1984, elle a effectué, à
la demande de Niels Jorgensen, président et prin
cipal actionnaire de Jensen Shipping Limited,
société également située à Montréal (ci-après
appelée Jensen Shipping), quelque vingt-cinq tra-
vaux sur cinq navires différents, dont le Jensen
Star, qu'exploitait la société. Le Jensen Star a
bénéficié de dix-sept de ces vingt-cinq travaux,
dont le coût s'est élevé à 264 036,66 $, comme
l'attestent des factures dont la première remonte
au 30 août 1982 et la dernière, au 21 mai 1984.
Durant toute cette période, la demanderesse a
effectué ces travaux à crédit, bien qu'elle ait reçu
des paiements partiels à deux occasions (il en sera
question plus loin). L'octroi d'une période de crédit
aussi longue à une société commerciale peut sur-
prendre, mais il ne faut pas oublier que Jorgensen
et le président et principal actionnaire de Mount
Royal, John Hynes, entretenaient des rapports très
particuliers. En effet, Jorgensen et Hynes étaient,
jusqu'en 1982, les actionnaires d'une entreprise qui
s'occupait de réparations navales et de transport
maritime. En 1982, les deux associés, qui étaient
en bons termes, ont décidé de se séparer: Hynes est
devenu l'actionnaire principal de la société deman-
deresse, qu'il a rebaptisée, et a continué de s'occu-
per de réparations navales, tandis que Jorgensen a
conservé les activités de transport maritime et a
constitué une nouvelle société appelé Jensen Ship
ping, à qui a été transférée la propriété du navire
Jensen Star, qui appartenait à l'ancienne société.
Dans ces circonstances, il est naturel que la
demanderesse ait accepté de patienter. Toutefois,
comme la défenderesse a dépassé les bornes, la
demanderesse a dû se résoudre à intenter une
poursuite contre elle.
Comme on l'a mentionné au début, l'action
intentée le 9 août 1984 était une action in rem
contre le navire Jensen Star, et dans l'intitulé de la
déclaration, le navire défendeur a été décrit de la
façon prévue à la Règle 1002 des Règles de cette
Cour [Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap.
663], savoir les propriétaires et toutes les autres
personnes ayant un droit sur le navire Jensen Star.
L'action était fondée sur les alinéas 22(2)m) et n)
et le paragraphe 43(2) de la Loi sur la Cour
fédérale [S.R.C. 1970 (2 e Supp.), chap. 10]. Ces
dispositions donnent à la Cour compétence relati-
vement à toute demande portant sur des matériaux
et des services fournis à un navire et précisent que
cette compétence peut être exercée en matière
réelle contre le navire'. Un cautionnement a immé-
diatement été versé afin d'éviter la saisie du navire,
et c'est le nom de Jorgensen qui figure dans les
documents de la Cour comme personne responsa-
ble de la défense au nom des propriétaires. Dans
l'exposé de la défense et la demande reconvention-
nelle déposés le 18 octobre 1984 au nom des
«défendeurs», appelés «Jensen», on a prétendu que
les comptes étaient excessifs, qu'une partie de ces
comptes avait été payée et que la demanderesse
devait par ailleurs des sommes aux «défendeurs».
Le 29 avril 1985, la demanderesse a demandé et
obtenu la permission de modifier sa déclaration
afin de poursuivre personnellement Jensen Ship
ping à titre de partie défenderesse et de prier la
Cour de prononcer contre cette dernière un juge-
ment en matière personnelle pour la totalité des
sommes dues, outre la condamnation en matière
réelle contre le navire pour les comptes s'y rappor-
tant directement.
' Les alinéas 22(2)m) et n) et le paragraphe 43(2) sont ainsi
libellés:
22....
(2) Sans restreindre la portée générale du paragraphe (I),
il est déclaré pour plus de certitude que la Division de
première instance a compétence relativement à toute
demande ou à tout litige de la nature de ceux qui sont
ci-après mentionnés:
m) toute demande relative à des marchandises, fournitu-
res ou services fournis à un navire, où que ce soit, pour son
exploitation ou son entretien, et notamment, sans restrein-
dre la portée générale de ce qui précède, les demandes
relatives à l'aconage ou gabarage;
n) toute demande née d'un contrat relatif à la construc
tion, à la réparation ou à l'équipement d'un navire;
43....
(2) Sous réserve du paragraphe (3), la compétence confé-
rée à la Cour par l'article 22 peut être exercée en matière
réelle pour toute demande relative à un navire, à un aéronef,
à d'autres biens ou à tout produit de leur vente qui a été
consigné au tribunal.
La modification de la déclaration a naturelle-
ment entraîné celle l'exposé de la défense. Un
nouvel exposé a été déposé le 12 juillet 1985 par un
avocat nouvellement constitué. On y a reproduit
toutes les allégations du premier exposé, y compris
celles relatives à la demande reconventionnelle et
on s'est à nouveau contenté de demander dans les
conclusions le rejet de l'action. L'exposé contenait
cependant une allégation tout à fait nouvelle à
l'alinéa 4: «Le droit de propriété en equity du
navire défendeur a été vendu par la défenderesse
[Jensen Shipping] à Jensen Marine Holdings le 24
novembre 1983.» Aucune autre précision n'était
fournie à propos de Jensen Marine Holdings Ltd.,
mais il ne faisait aucun doute que cette mention
allait être lourde de conséquences pour l'action in
rem si elle s'avérait exacte.
L'allégation était exacte. La défenderesse a fait
la preuve que le droit de propriété du navire avait
effectivement été transféré en 1983 dans le cadre
d'un plan de refinancement rendu nécessaire à
cause de la situation précaire de Jorgensen et de
son entreprise de transport maritime. Par acte de
vente légal en date du 24 novembre 1983 qui a été
dûment enregistré, le Jensen Star a été cédé à la
nouvelle société Jensen Marine Holdings Ltd.,
dont les actions étaient réparties également entre
Jorgensen et deux personnes qui avaient accepté de
fournir les capitaux nécessaires. Jensen Marine
Holdings Ltd. a aussitôt signé le 8 décembre 1983
un contrat d'affrètement coque nue faisant de
Jensen Shipping l'affréteur du navire pour une
période de douze ans.
Le moyen de défense que le procureur a invoqué
à partir de ces faits avait directement trait à la
restriction que le paragraphe 43(3) de la Loi sur la
Cour fédérale impose à la compétence en matière
réelle de la Cour pour ce qui touche les questions
maritimes. Ce paragraphe est libellé ainsi:
43....
(3) Nonobstant le paragraphe (2), la compétence conférée à
la Cour par l'article 22 ne peut être exercée en matière réelle
relativement à une demande dont il est fait mention aux alinéas
22(2)e), J), g), h), i), k), m), n), p) ou r) à moins que, au
moment où l'action est intentée, le navire, l'aéronef ou les
autres biens qui font l'objet de l'action n'aient pour propriétaire
en equity celui qui en était propriétaire en equity au moment où
la cause d'action a pris naissance.
La défense a donc soutenu que la Cour n'avait pas
la compétence voulue pour être saisie de la pour-
suite contre le navire parce que le droit de pro-
priété du Jensen Star avait été transféré entre le
moment où la cause d'action a pris naissance et le
moment où la poursuite a été intentée.
Le juge de première instance a rejeté cette
prétention et a fondé sa compétence sur les deux
propositions suivantes qu'il a résumées ainsi dans
ses motifs:
À mon avis, cette Cour a le droit d'exercer sa compétence en
matière réelle malgré le transfert, parce que, pour les besoins
du paragraphe 43(3), Jensen Shipping est demeurée la véritable
propriétaire du navire ou, subsidiairement, Jensen Shipping et
Jensen Holdings sont empêchées de prétendre que Jensen Ship
ping n'était pas la propriétaire véritable du navire au moment
où l'action a été intentée.
Les appelants font de nouveau valoir devant
cette Cour que le juge de première instance n'avait
pas la compétence voulue pour condamner le
navire et demandent que cette partie du jugement
soit infirmée.
Je veux tout d'abord dire que j'ai de la difficulté
à comprendre le raisonnement sur la base duquel
le juge de première instance a pu en arriver à sa
conclusion. A mon avis, ni l'une ni l'autre proposi
tions invoquées par lui ne sont exactes en droit.
1. Il me semble impossible d'affirmer que
Jensen Shipping a pu demeurer la véritable pro-
priétaire du navire pour les fins du paragraphe
43(3) de la Loi sur la Cour fédérale, à moins de
considérer la transaction du 24 novembre 1983
entre Jensen Shipping et Jensen Marine Holdings
Ltd. comme un subterfuge destiné à dissimuler le
vrai propriétaire et ainsi mettre le navire à l'abri
d'une saisie à titre de garantie. Or, le juge de
première instance a rejeté cette hypothèse.
Pour en arriver à la conclusion que Jensen Ship
ping est demeurée la propriétaire véritable du
navire, le juge de première instance a souscrit à
l'opinion incidente qu'a exprimée le juge Addy
dans une cause antérieure 2 , selon laquelle on
devrait considérer que l'affrètement par voie de
cession à bail d'un navire confère un droit de
propriété suffisant pour justifier une action in rem.
2 Thorne Riddell Inc. c. Nicolle N Enterprises Inc., [1985] 2
C.F. 31 (1" inst.).
Selon le juge Addy, c'est une position que nos
tribunaux devraient adopter même s'il faut pour
cela s'écarter de certaines décisions anglaises dans
lesquelles les tribunaux ont refusé de considérer
qu'un affréteur par voie de cession à bail pouvait
être le propriétaire véritable visé par des disposi
tions législatives anglaises semblables à celles du
paragraphe 43(3) de la Loi sur la Cour fédérale.
Il est bien évident qu'il faut consulter avec
prudence ces décisions des tribunaux anglais car
elles s'inscrivent dans un contexte législatif fort
différent du nôtre. A l'époque où le législateur
canadien a adopté l'article 43 de la Loi sur la
Cour fédérale, il y avait en Angleterre des disposi
tions correspondantes qui conféraient à la Haute
Cour une compétence en matière d'amirauté; elles
figuraient au paragraphe 3(4) de l'Administration
of Justice Act, 1956, 4 & 5 Eliz. 2, 1956, chap. 46
(R.-U.) 3 . Ces dispositions découlaient de la ratifi
cation par la Grande-Bretagne de la Convention
internationale pour l'unification de certaines
règles sur la saisie conservatoire des navires de
mer, Bruxelles, le 10 mai 1952 [439 R.T.N.U.
193] et visaient principalement à assujettir à la
compétence en matière réelle de la Cour non seule-
ment le navire qui faisait l'objet d'une réclamation,
mais aussi tout autre navire-jumeau, c'est-à-dire
qui appartenait au même propriétaire. D'ailleurs,
on désignait ce dernier comme le [TRADUCTION]
«véritable propriétaire de la totalité» du navire. Le
Canada n'a pas adhéré à la Convention de
Bruxelles de 1952. La compétence en matière
réelle que le paragraphe 43(3) confère à la Cour se
limite donc au navire à l'égard duquel des services
'II était ainsi libellé:
[TRADUCTION] 3. ...
(4) Dans le cas des réclamations mentionnées aux alinéas
d) à r) du paragraphe (1) de l'article premier de la présente
Loi, si la réclamation se rapporte à un navire et que la
personne qui serait tenue responsable dans une action person-
nelle était, au moment où la cause d'action a pris naissance,
le propriétaire ou l'affréteur du navire, ou encore la personne
qui en avait la possession ou le contrôle, la Haute Cour ...
peut ... exercer sa compétence en matière d'amirauté dans
une action réelle contre—
a) ce navire si ladite personne était la véritable proprié-
taire de la totalité du navire au moment où la pour-
suite a été intentée, ou
b) tout autre navire dont ladite personne était la vérita-
ble propriétaire en totalité au moment où la poursuite
a été intentée.
ont été rendus, et on parle du «propriétaire en
equity du navire» sans faire allusion à la portion
qu'il détient. Il ne serait certainement pas justifié
d'introduire passivement dans notre droit la juris
prudence anglaise. Quant aux craintes exprimées
par le juge Addy et le juge de première instance,
qui voudraient bien assurer une meilleure protec
tion au fournisseur d'approvisionnements nécessai-
res lorsque rien ne lui permet de savoir, au
moment où ses sevices sont requis, que celui qui a
la possession ou le contrôle du navire n'est ni le
propriétaire ni le préposé de ce propriétaire, nul ne
peut douter de leur légitimité".
Le problème, toutefois, c'est que je ne com-
prends tout simplement pas comment un juge
pourrait supposer que le législateur a pu vouloir
inclure l'affréteur par voie de cession à bail dans
l'expression «beneficial owner» qui figure au para-
graphe 43(3). Quel que soit le sens du qualificatif
«beneficial», le terme «owner» est normalement
utilisé uniquement pour désigner celui qui possède
un titre dans la chose elle-même, titre qui com-
porte principalement le droit d'aliéner la chose. Le
terme français correspondant «propriétaire» est
tout aussi clair. Ces mots ne sauraient désigner la
possession d'un affréteur par voie de cession à
° Le juge Addy aurait difficilement pu être plus catégorique
sur cette question [aux p. 37 et 38]:
Lorsqu'un propriétaire livre un navire à une autre personne
en vertu d'un affrètement coque nue, sachant parfaitement
que ce navire mouillera dans des ports étrangers et que, de
temps à autre, il devra se procurer du carburant et d'autres
provisions, il serait, à première vue en tout cas, peu réaliste et
ce serait restreindre inutilement le commerce et la mobilité
des navires si l'on s'attendait à ce que les fournisseurs soient,
dans tous ces cas, tenus d'être payés d'avance en espèces ou
de vérifier auprès des véritables propriétaires inscrits au port
d'immatriculation pouvant se trouver dans n'importe quel
coin du monde ou par l'entremise de ce port pour savoir si
une autorisation appropriée a été accordée avant de fournir
au navire les approvisionnements nécessaires pour qu'il conti
nue son voyage. Que ce soit en vertu d'un pouvoir présumé ou
implicite ou autrement, à moins que le fournisseur ne soit
avisé ou n'ait des raisons de soupçonner que le véritable
propriétaire a interdit l'engagement du crédit du navire, il
semble qu'une action en recouvrement de ces approvisionne-
ments nécessaires puisse très bien être intentée in rem contre
le navire lorsque son propriétaire pro tempore, c'est-à-dire
l'affréteur par voie de cession à bail, est en droit responsable
de ces approvisionnements.
bail'. À mon avis, l'expression «beneficial owners a
été choisie pour indiquer que dans un système
d'enregistrement des droits de propriété, il faut
regarder au-delà du nom inscrit dans le registre.
On ne saurait cependant remonter jusqu'à l'affré-
teur par voie de cession à bail, qui n'a aucun droit
en equity ou à titre de propriétaire susceptible de
grever le titre du propriétaire inscrit. Selon moi,
cette expression permet d'inclure celui qui se dissi-
mule derrière le propriétaire inscrit lorsque celui-ci
sert purement d'intermédiaire, par exemple un
fiduciaire, un ayant droit ou un mandataire.
L'équivalent français «véritable propriétaires (qui
figure dans la refonte de 1985, L.R.C. (1985),
chap. F-7) ne laisse subsister aucun doute à cet
égard 6 .
Seul le législateur peut, à mon sens, adoucir les
contraintes du paragraphe 43(3) en plaçant l'affré-
teur par voie de cession à bail sur le même pied
que le véritable propriétaire. Les tribunaux n'ont
pas ce pouvoir.
2. Il m'apparaît tout aussi impensable d'affir-
mer que les défendeurs-appelants pourraient être
empêchés de prétendre que Jensen Shipping n'était
pas la véritable propriétaire du navire au moment
où l'action a été intentée.
Il ressort clairement de la preuve qu'à aucun
moment Jorgensen n'a avisé Mount Royal du
transfert de propriété du navire, ni agi de manière
5 Voir les remarques du juge Goff dans l'arrêt I Congreso Del
Partido, [1977] I Lloyd's Rep. 536 (Q.B., Adm. Ct.), aux p.
560 et suivantes; il conteste vigoureusement la possibilité d'at-
tribuer à un affréteur par voie de cession à bail les caractéristi-
ques d'un propriétaire véritable et refuse de souscrire à ce
propos à la décision du juge Brandon dans l'arrêt The Andrea
Ursula, [1971] 1 Lloyd's Rep. 145 (Adm.). Voir aussi The
Permina 3001, [1979] 1 Lloyd's Rep. 327 (C.A. Sing.).
6 Dans la Loi sur les sociétés par actions, L.R.C. (1985),
chap. C-44, article 2 et dans la Loi sur les banques, L.R.C.
(1985), chap. B-I, article 2, l'expression «véritable propriétaire»
est également l'équivalent français du «beneficial ownership»
dont parle le législateur, et il est évident qu'elle est employée
dans le sens que je lui donne.
Dans la partie de la Loi sur la marine marchande du Canada
qui porte sur la prévention et le contrôle de la pollution, le
législateur a préféré donner une définition particulière au terme
«propriétaire» au lieu d'y ajouter le qualificatif «véritable» pour
désigner «la personne qui, au moment considéré, a, en vertu de
la loi ou d'un contrat, les droits du propriétaire du navire en ce
qui a trait à l'usage et à la possession de celui-ci» (S.R.C. 1970,
chap. S-9, art. 727 (abrogé et remplacé par L.C. 1987, chap. 7,
art. 81)) [maintenant L.R.C. (1985), chap. S-9, art. 654
(abrogé et remplacé par L.R.C. (1985) (3' suppl.), chap. 6,
art. 84)].
à laisser croire que le pouvoir qu'il avait de grever
le navire avait changé. Il est par ailleurs étonnant
de constater que Jensen Shipping s'est identifiée
comme propriétaire du navire dans les actes de
procédure jusqu'au moment du dépôt de l'exposé
de la défense modifié, dans lequel le transfert de
propriété a été révélé. Quoi qu'il en soit, je ne vois
pas comment on pourrait appliquer en l'espèce la
doctrine de l'estoppel (fin de non-recevoir) de
manière à effacer toute répercussion découlant du
fait que le navire avait cessé d'appartenir à Jensen
Shipping et était devenu la propriété de Jensen
Marine Holdings.
Il faudrait supposer que les conditions nécessai-
res pour donner lieu à une fin de non-recevoir sont
réunies, ce dont je doute fort car il n'y a pas eu de
promesse ni de garantie qui aurait amené quel-
qu'un à modifier sa position à son détriment. Il
faudrait aussi supposer qu'une telle fin de non-
recevoir peut jouer contre la propriétaire inscrite,
Jensen Marine Holdings Ltd., ce que j'ai de la
difficulté à accepter car celle-ci n'a jamais expres-
sément nié son titre de propriété. Malgré cela, le
paragraphe 43(3) exige qu'il y ait continuité quant
à la propriété pour donner lieu à une action in rem
et permettre à la Cour d'exercer sa compétence, et
aucune fin de non-recevoir ne peut donner à un
tribunal une compétence que la loi lui refuse
expressément (Halsbury's Laws of England, vol.
16, n° 1515, note 3; Snell's Principles of Equity,
27 éd., page 563).
J'en arrive donc à la conclusion que les motifs
sur lesquels le juge de première instance s'est
fondé pour rejeter l'argument relatif à la compé-
tence de la Cour invoqué par les défendeurs pour
contester l'action in rem ne sont pas valables.
Cette décision est-elle entièrement mal fondée
pour autant? Je ne le pense pas et je vais tenter
d'expliquer pourquoi.
On se souviendra que Mount Royal a réclamé
dans son action in rem la totalité des sommes qui
lui étaient dues pour dix-sept travaux effectués sur
le Jensen Star entre le 30 août 1982 et le 21 mai
1984. Six de ces dix-sept travaux ont été effectués
avant le 24 novembre 1983, date,à laquelle Jensen
Shipping a vendu le navire à Jensen Marine Hol
dings Ltd. Comme je ne pense pas, vu ce qui
précède, que Jensen Shipping soit demeurée la
véritable propriétaire du navire après le 24 novem-
bre 1983, j'en conclus que l'action in rem visant les
comptes relatifs aux six travaux antérieurs à la
vente du navire ne peut être accueillie. En effet, il
n'y a pas de doute que la condition prévue au
paragraphe 43(3), à savoir l'existence d'un même
propriétaire, n'a pas été remplie. Le transfert du
navire à un nouveau propriétaire a définitivement
éteint le droit in rem prévu dans la loi que Mount
Royal aurait pu exercer afin de se faire rembour-
ser les sommes dues pour les six premiers travaux
faits sur le Jensen Star. Le jugement in rem dont il
est interjeté appel ne peut être confirmé en ce qui
concerne ces six travaux, dont le montant s'élève à
102 875,66 $.
Je me permets ici d'ouvrir une parenthèse au
sujet d'un autre moyen d'appel qu'ont invoqué les
appelants dans leur mémoire et dont je n'ai pas
encore parlé. Dans l'exposé des faits qui figure au
début, j'ai fait état des paiements partiels que
Jensen Shipping a versés à Mount Royal à l'égard
des comptes en souffrance relatifs à tous les tra-
vaux effectués sur plusieurs navires exploités par
Jensen Shipping. Lorsqu'elle a fait ces paiements
partiels le 31 décembre 1983 et le 23 avril 1984,
Jensen Shipping n'a pas précisé à quel compte ils
devaient être imputés. Le 20 juin 1984, Mount
Royal a fait parvenir à Jensen Shipping un relevé
de compte dans lequel les factures étaient présen-
tées par ordre chronologique et dans lequel on
avait défalqué du total de la dette à l'époque les
paiements partiels en question aux dates précitées.
La demanderesse semble donc avoir imputé ces
sommes aux factures les plus anciennes, et aucune
déclaration expresse n'a été faite par l'une ou
l'autre partie quant à l'imputation de ces sommes.
Toutefois, lorsqu'elle a intenté l'action in rem
devant la Cour, Mount Royal a prétendu avoir
imputé ces paiements aux comptes relatifs aux
travaux effectués sur des navires autres que le
Jensen Star, ce qui lui a permis de saisir ce navire
pour la plupart des factures qui s'y rapportaient,
indépendamment de leur date (237 243,68 $). Les
défendeurs se sont opposés à une telle répartition
des paiements et ont surtout fait valoir que la
demanderesse les avait déjà répartis dans son
relevé de juin 1984, de sorte que les comptes plus
anciens, y compris les six premiers comptes relatifs
aux travaux effectués sur le Jensen Star, avaient
été acquittés. Le juge de première instance a rejeté
cette objection en déclarant que les principes de
common law concernant la répartition des paie-
ments entre débiteur et créancier s'appliquaient et
que ces principes étaient illustrés dans l'arrêt The
Mecca, [1897] A.C. 286 (H.L.). La Chambre des
lords a statué dans cette cause que si le débiteur ne
donnait aucune précision quant à l'imputation des
sommes dues, le créancier pouvait alors exercer
n'importe quand le droit de répartition, même au
moment d'intenter l'action.
Le juge de première instance a sans doute eu
raison de se référer aux principes de common law
qui s'appliquent en matière d'amirauté (ITO—
International Terminal Operators Ltd. c. Miida
Electronics Inc. et autre, [1986] 1 R.C.S. 752),
mais je ne suis pas convaincu que le raisonnement
formulé dans l'arrêt The Mecca permette nécessai-
rement d'en arriver à la même conclusion que lui
et, en particulier, d'affirmer que le relevé du 20
juin 1984 ne doit pas être considéré comme l'ex-
pression claire et irrévocable d'une intention à
laquelle il faut donner effet. Quoi qu'il en soit, on
constatera que cette question devient sans impor
tance vu la conclusion à laquelle j'arrive quant à
l'absence de compétence en matière réelle de la
Cour au sujet des comptes relatifs aux travaux
antérieurs à la vente (ce qui comprend tous les
comptes qui, selon les appelants, ont été payés à la
suite de la première imputation).
Je ferme cette parenthèse et je poursuis mon
analyse.
Il faut bien faire la distinction entre les comptes
relatifs aux travaux effectués après la vente, qui
s'élèvent à 145 582 $, et ceux qui concernent les
travaux antérieurs à la vente. Les premiers n'ont
rien à voir avec la compétence de la Cour. De fait,
la condition prévue au paragraphe 43(3) de la Loi
sur la Cour fédérale quant à l'exercice de la
compétence en matière réelle de cette Cour est
remplie. Les difficultés que ces comptes posent
sont d'un tout autre ordre.
Le problème avec les comptes relatifs aux tra-
vaux effectués après la vente, c'est qu'il doit y
avoir un lien entre le fournisseur d'approvisionne-
ments nécessaires et le propriétaire du navire pour
que le droit in rem accordé par la loi finisse par
être reconnu et appliqué. Voici ce que je veux dire.
Comme on le sait très bien, le droit in rem
accordé par le droit canadien aux fournisseurs
d'approvisionnements nécessaires n'est pas du tout
un privilège maritime, lequel est un avantage qui
s'exerce sur le navire. Le privilège maritime con-
fère à son titulaire un droit de préférence par le
seul effet de la loi et lui permet de suivre le navire
où qu'il soit et entre les mains de quelque personne
qu'il passe. (Voir: William Tetley, Maritime Liens
and Claims, 1985, chap. 1, en particulier la page
40). En revanche, le droit in rem prévu par la loi
permet simplement à son titulaire d'intenter une
action contre le navire comme tel pour se faire
payer. Comme le fait remarquer le juge Noël dans
l'arrêt Coastal Equipment Agencies Ltd. v. The
«Comer», [1970] R.C.É. 12, l'action in rem est
une procédure qui a pris naissance en Angleterre
dans le but d'accorder au créancier une garantie
avant jugement et de protéger, par le fait même, la
compétence de la Cour d'amirauté contre l'ingé-
rence des tribunaux de common law. Elle a finale-
ment été introduite au Canada et elle est devenue
une caractéristique fondamentale de notre droit
maritime.
Jusque-là, c'est assez clair. Toutefois, une ques
tion surgit immédiatement. Est-ce que ce droit
d'intenter une action in rem existe du seul fait que
des approvisionnements nécessaires ont été four-
nis? La distinction qui a été faite dans les arrêts
The Henrich BOrn (1886), 11 App. Cas 270
(H.L.) et The Castlegate, [1893] A.C. 38 (H.L.)
entre un droit in rem prévu par la loi et un
privilège maritime ne permet pas de répondre par
l'affirmative. On a en effet considéré que la pro
tection des propriétaires était plus importante que
celle des fournisseurs. À première vue, le paragra-
phe 43(3) de la Loi sur la Cour fédérale peut
sembler ne se soucier que de la protection d'un
nouveau propriétaire, mais il est clair, d'après la
théorie qui le sous-tend, que le propriétaire doit,
chaque fois, participer directement à la création de
la cause d'action. Par conséquent, la réponse en
termes généraux à la question formulée ci-dessus
est que le fournisseur d'approvisionnements néces-
saires pourra intenter une action in rem si le
propriétaire du navire était partie au contrat en
vertu duquel lesdits approvisionnements ont été
fournis. Il convient cependant d'étoffer cette
réponse, qui manque de précision quant à la nature
et à l'étendue de cette participation.
Comme je l'ai déjà mentionné, le Royaume-Uni
a adopté en 1956 des dispositions législatives por-
tant spécifiquement sur le droit in rem du créan-
cier en droit maritime. Conformément à ces dispo
sitions (qui figurent maintenant au paragraphe
21(4) de la Supreme Court Act 1981, 1981,
chap. 54 (R.-U.)), l'action in rem n'est recevable
que si «le propriétaire de la totalité du navire» ou
(ce qui constitue une modification importante)
l'affréteur par voie de cession à bail du navire
peuvent, au moment où l'action est intentée, «être
tenus responsables dans une action in personam».
Autrement dit, que les services aient été rendus sur
l'ordre du propriétaire, de l'affréteur ou du simple
possesseur du navire, l'action in rem est possible si
cette personne est le propriétaire ou l'affréteur par
voie de cession à bail au moment où la poursuite
est intentée. Ces dispositions mettent presque
exclusivement l'accent sur la responsabilité person-
nelle du propriétaire ou de l'affréteur par voie de
cession à bail au moment où l'action est intentée,
ce qui est tout à fait compréhensible car, comme je
l'ai mentionné, le droit qu'a le fournisseur d'inten-
ter une action in rem existe non seulement à
l'égard du navire au profit duquel les — services ont
été rendus, mais aussi à l'égard de tout autre
navire-jumeau. Comme il est donc tout à. fait
particulier à notre droit d'exiger que le proprié-
taire du navire soit partie au contrat de fourniture
des approvisionnements nécessaires pour que le
droit in rem puisse exister, on ne saurait en aucune
façon définir cette exigence en fonction du droit
anglais.
J'ai déjà cité le texte du paragraphe 3(4) de l'Administra-
tion of Justice Act, 1956. Voici le texte du paragraphe 21(4) de
la Supreme Court Act 1981.
[TRADUCTION] 21. ...
(4) Lorsqu'il s'agit d'une réclamation mentionnée aux ali-
néas 20(2)e) à r), et que—
a) la réclamation concerne un navire,
b) la personne qui peut être tenue responsable dans une
action in personam («la personne concernée») était, au
moment où la cause d'action a pris naissance, la
propriétaire ou l'affréteur du navire, ou la personne
qui en avait la possession ou le contrôle,
une action in rem peut être intentée (indépendamment de
l'existence d'un privilège maritime sur ce navire) devant la
Haute Cour contre
(i) ce navire si, au moment où l'action est inten-
tée, la personne concernée est la véritable proprié-
taire de la totalité du navire ou en est l'affréteur
par voie de cession à bail; ou
(Suite à la page suivante)
D'après la plupart des décisions rendues par la
Section de première instance de cette Cour depuis
1970, il faut que la participation du propriétaire
dans la fourniture des approvisionnements néces-
saires soit suffisamment complète et directe pour
que celui-ci engage sa responsabilité personnelle.
Ces décisions confirment en fait qu'une action in
rem est possible seulement si le propriétaire a
engagé personnellement sa responsabilité à l'égard
de la somme réclamée. (Voir: Westcan Stevedoring
Ltd. c. Le «Armar», [1973] C.F. 1232 (l re inst.);
Sabb Inc. c. Shipping Ltd., [1976] 2 C.F. 175 (1"
inst.); Waterside Ocean Navigation Co., Inc. c.
International Navigation Ltd., [1977] 2 C.F. 257
(i re inst.); McCain Produce Co. Ltd. c. Le «Rea»,
[1978] 1 C.F. 686 (l re inst.); Logistec Corp. c. Le
«Sneland», [1979] 1 C.F. 497 (1 r` inst.); Kuhr c.
Le «Friedrich Busse», [1982] 2 C.F. 709 (1re
inst.); Marlex Petroleum Inc. c. Le navire «Har
Rai», [1984] 2 C.F. 345 (i re inst.); Thorne Riddell
Inc. c. Nicolle N Enterprises Inc., [1985] 2 C.F.
31 (i re inst.); Imperial Oil Limited c. Navire
«Expo Spirit» et Hoverwest Ferry Services Inc.
(1986), 6 F.T.R. 156 (C.F. lre inst.). Le bien-fondé
de ce point de vue est parfois mis en doute (par
exemple dans Thorne Riddell Inc. précité, dans
Western Stevedoring Co. c. Navire «Anadolu
Guney» Cargo et autres (1988), 23 F.T.R. 117
(C.F. 1 re inst.) et, bien entendu, dans la décision
dont on interjette appel en l'espèce), mais sa jus-
tesse m'apparaît indiscutable. Le fait de prétendre
qu'une action in rem pourrait être accueillie même
en l'absence de toute responsabilité personnelle du
propriétaire serait contraire au principe qui sous-
tend le système, c'est-à-dire la protection du pro-
priétaire. Une réclamation contre un navire ne
peut être dissociée du propriétaire de ce navire;
c'est avant tout une réclamation contre le proprié-
taire. C'est possible que ce principe ait été énoncé
en des termes trop généraux dans bon nombre de
décisions. À mon sens, cette responsabilité person-
nelle du propriétaire ne pourrait exister qu'en rap
port avec le navire, c'est-à-dire seulement dans la
mesure où le produit de la vente pourrait être
affecté au paiement de la réclamation. En d'autres
termes, c'est une responsabilité qui se limiterait
strictement à la chose (voir à cet égard la décision
(Suite de la page précédente)
(ii) tout autre navire dont la personne concernée
est, au moment où l'action est intentée, la véritable
propriétaire en totalité.
intéressante du Conseil privé dans Foong Tai &
Co. v. Buchheister & Co., [1908] A.C. 458
(P.C.)). N'y a-t-il pas trois possibilités dont il faut
tenir compte: le propriétaire peut avoir conclu le
contrat lui-même, il peut avoir autorisé quelqu'un
à s'engager sur son crédit personnel ou il peut
avoir autorisé expressément ou implicitement une
personne qui a la possession et le contrôle du
navire à tirer du crédit du navire (plutôt que de la
totalité de ses biens personnels). J'admets parfaite-
ment que le propriétaire doit avoir engagé sa res-
ponsabilité par un comportement ou une attitude
quelconque. Mais faut-il en conclure qu'un tribu
nal ne peut rendre un jugement in rem contre le
propriétaire sans obligatoirement prononcer un
jugement in personam? Dans l'affirmative, il me
semble que l'action in rem perdrait tout à fait son
caractère distinct; à ma connaissance, nul n'a
jamais prétendu que tel pourrait être le cas (comp.
D. C. Jackson, Enforcement of Maritime Claims,
1985, à la page 59).
Interprétant ainsi notre droit, j'en conclus que
dans les circonstances de l'espèce, il faut accueillir
l'action in rem à l'égard de tous les comptes rela-
tifs aux travaux postérieurs à la vente. Il convient
de rappeler que Jensen Marine Holdings Ltd. a été
constituée en société à des fins de financement
seulement; que Jorgensen, qui dirigeait Jensen
Shipping, était également président de Jensen
Marine Holdings Ltd.; que Jorgensen lui-même ne
considérait pas Jensen Shipping et Jensen Marine
Holdings Ltd. comme deux entités distinctes, bien
au contraire, car d'après sa conduite à l'époque où
les contrats ont été exécutés et son attitude durant
l'instance, il n'a jamais pensé que ses droits sur le
navire avaient changé. Je n'ai aucune hésitation à
conclure que Jensen Marine Holdings Ltd., lors-
qu'elle a demandé à Mount Royal de fournir les
services en question, possédait l'intérêt requis pour
que l'action in rem soit valide, cet intérêt consis-
tant à agir par l'intermédiaire de son président de
manière à autoriser tacitement Jensen Shipping à
tirer du crédit du navire et à engager, dans cette
mesure, sa responsabilité personnelle. Il importe
peu que les clauses de la charte-partie qui régis-
saient les rapports contractuels entre les deux
sociétés confirment ou non cette interprétation de
la situation.
De fait, je ne pense pas que Jensen Marine
Holdings Ltd. puisse maintenant contredire une
telle interprétation. Il est bien établi que les appro-
visionnements nécessaires fournis à un navire sont
présumés prima fade l'avoir été sur le crédit du
navire et de son propriétaire. C'est une présomp-
tion que l'on peut réfuter mais, en l'espèce, non
seulement elle ne l'a pas été, mais aucune tentative
dans ce sens n'a été faite. Il est vrai que le juge de
première instance ne s'est pas prononcé officielle-
ment sur la question de la responsabilité person-
nelle de Jensen Marine Holdings Ltd. et a pro-
noncé un jugement in personam contre Jensen
Shipping seulement. Toutefois, il n'avait pas d'au-
tre choix, selon moi, car vu l'action dont il a été
saisi, le jugement in personam pouvait être pro-
noncé contre Jensen Shipping seulement, Jensen
Marine Holdings Ltd. n'ayant jamais été poursui-
vie personnellement.
À ce propos, je dois dire ici qu'en consultant le
dossier, j'ai constaté avec surprise que l'intitulé de
la cause dans le dossier d'appel (qui a été préparé
par le procureur des appelants) n'était pas le
même que celui qui figurait dans les documents de
la Section de première instance, y compris dans le
jugement: Jensen Marine Holdings Ltd. avait été
constituée partie défenderesse. Selon l'explication
qu'a reçue le greffe, cette modification résulterait
de l'extrait suivant du jugement [à la page 296]:
[TRADUCTION] Il reste à examiner le troisième moyen de
défense invoqué, soit que la demanderesse ne peut faire de
réclamation réelle contre le navire parce que le propriétaire en
equity du navire au moment où l'action a été intentée n'était
pas le propriétaire en equity du navire au moment où la
réclamation a pris naissance.
Avant de traiter l'argument de la défenderesse, je dois dispo-
ser d'une requête que son avocat a déposée au cours du procès
pour modifier l'exposé de la défense afin que les défenderesses
inscrites soient Jensen Shipping Limited et Jensen Marine
Holdings Limited. Il prétend que lors du dépôt de sa défense au
mois de juillet 1985, son intention était de déposer pour Jensen
Holdings autant que pour Jensen Shipping et qu'il a expliqué ce
point à l'alinéa 4 de la défense comme suit:
4. Le droit de propriété en equity du navire défendeur a été
vendu par la défenderesse à Jensen Marine Holdings le 24
novembre 1983.
L'avocat de la demanderesse s'est opposé à la demande visant
à faire inscrire Jensen Holdings comme défenderesse en soute-
nant que, puisque Jensen Shipping s'était déjà identifiée comme
propriétaire du navire, elle ne pouvait pas ultérieurement décla-
rer que Jensen Holdings en était la propriétaire. L'avocat de
Jensen Shipping semblait craindre de ne pouvoir, en sa qualité
de représentant de cette défenderesse, faire valoir que Jensen
Holdings était la propriétaire du navire, si cette dernière n'était
pas partie à l'action.
Je dois avouer que je n'ai pas compris l'importance de la
requête de l'avocat de Jensen Shipping à ce moment, pas plus
que de l'opposition à la requête soulevée par l'avocat de la
demanderesse.
Pour je ne sais quelle raison, l'avocat de Jensen Shipping a
déposé des documents tantôt comme procureur de la défende-
resse, tantôt comme procureur des défenderesses. L'exposé de
la défense déposé par les «procureurs des défenderesses» était
intitulé «Exposé de la défense de Jensen Shipping Limited». Il
semble que l'avocat préparait le terrain pour faire valoir que
Jensen Holdings était ou n'était pas partie à l'action devant
cette cour selon l'argument qui serait le plus favorable en temps
voulu.
Compte tenu des documents déposés devant la Cour attestant
le transfert du navire de Jensen Shipping à Jensen Holdings le
24 novembre 1983, du fait que l'avocat prétend avoir voulu agir
pour le compte de Jensen Holdings aussi bien que pour Jensen
Shipping, et du fait que la propriétaire est désignée comme
étant l'une des défenderesses, je suis convaincu que Jensen
Holdings est partie à l'action et qu'elle est représentée par
Barry & Associates.
Même si les derniers mots du juge de première
instance sont équivoques, il est néanmoins clair
qu'il a voulu dire que les défendeurs étaient en
droit de prétendre que le navire appartenait à
Jensen Marine Holdings Ltd. Après tout, l'expres-
sion «aux propriétaires et à toutes les autres per-
sonnes ayant un droit sur le navire» est simplement
la façon prévue dans les Règles de la Cour (Règle
1002) pour intenter une action in rem qui, par la
force des choses, ne peut aboutir qu'à un jugement
in rem. Selon moi, celui qui veut poursuivre le
propriétaire pour obtenir un jugement in personam
doit demander la permission de modifier sa décla-
ration, en particulier l'intitulé de la cause et la
demande de redressement. Par contre, si l'on
admet, comme cela semble être le cas en Angle-
terre, que le propriétaire qui, ne s'estimant pas
responsable, invoque un moyen de défense à l'en-
contre de l'action in rem puisse tomber sous la
compétence de la Cour de sorte que l'action
devient une action à la fois in personam et in rem
contre lui (voir The Banco, [1971] 1 Lloyd's Rep.
49 (C.A.) et The August 8, [1983] 2 A.C. 450
(P.C.), à la page 456), j'ai de la difficulté à
comprendre comment ce propriétaire, en dévoilant
simplement à la Cour son titre de propriété sans
soulever la question de sa responsabilité person-
nelle, comme c'est le cas en l'espèce, deviendrait
automatiquement une partie défenderesse à l'égard
de laquelle il faudrait rendre un jugement in per-
sonam, à défaut de quoi aucun jugement in rem ne
pourrait être prononcé. Quoi qu'il en soit, celui qui
a préparé le dossier d'appel devrait savoir qu'il
faut un ordre formel de la Cour pour modifier
l'intitulé d'une cause. Je répète qu'à mon sens,
aucun jugement in personam n'aurait pu être pro-
noncé contre Jensen Marine Holdings Ltd.
J'en arrive donc à la conclusion que le jugement
in rem que le juge de première instance a prononcé
ne peut être accueilli à l'égard des comptes relatifs
aux travaux qui ont précédé la vente, mais qu'il est
bien fondé en ce qui concerne les comptes relatifs
aux travaux postérieurs à la vente. Je modifierais
donc le jugement de première instance de façon à
ramener le montant de la réclamation à 145 582 $.
Je ne crois pas qu'il soit justifié dans les circons-
tances d'adjuger les dépens.
LE JUGE MACGUIGAN, J.C.A.: Je souscris à ces
motifs.
LE JUGE DESJARDINS, J.C.A.: Je souscris à ces
motifs.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.