T-1708-84
Joen Pauli Rasmussen et S/LF Bordoyarvik
(demandeurs)
c.
Ministre des Pêches et des Océans du Canada et
Sa Majesté la Reine (défendeurs)
RÉPERTORIÉ: RASMUSSEN c. CANADA ('MINISTRE DES PÊCHES
ET DES OCÉANS)
Division de première instance, juge Muldoon—St.
John's (Terre-Neuve), 23, 24 et 25 février;
Ottawa, 24 novembre 1988.
Pêches — Demande d'indemnité pour la saisie de 70 tonnes
métriques de poisson salé en application de l'art. 6(1)b) de la
Loi sur la protection des pêcheries côtières — Des fonctionnai-
res des Pêches sont montés à bord d'un navire étranger,
alléguant la perpétration de l'infraction prévue à l'art. 8(/)a)
— Les fonctionnaires ont refusé l'offre de cautionnement et
l'offre de racheter le poisson — Le capitaine du navire a été
acquitté — La Couronne a vendu le poisson à elle-même — La
Couronne était fiduciaire du poisson salé jusqu'à concurrence
de sa pleine valeur, et est possible de restitution.
Couronne — Délits — Appropriation illégale — La Cou-
ronne a saisi le poisson salé à bord d'un navire étranger parce
qu'une infraction à la Loi sur la protection des pêcheries
côtières aurait été commise — L'offre de racheter le poisson
saisi ou de donner un cautionnement au lieu des biens a été
refusée — Le capitaine du navire a été acquitté — La Cou-
ronne a vendu le poisson à une société d'État — Une demande
fondée sur la responsabilité délictuelle, qui vise à l'obtention
d'une indemnité excédant celle prévue à l'art. 6(9) de la Loi,
exige qu'il soit prouvé que cette disposition est insuffisante
pour accorder un dédommagement complet et que la responsa-
bilité de la Couronne a été établie au sens de l'art. 3(l) de la
Loi sur la responsabilité de la Couronne — La Couronne est
responsable du délit d'appropriation illégale dans la mesure
où l'art. 6(9) porte remise d'une somme inférieure à la pleine
valeur vénale du poisson — Le refus de la Couronne de verser
la pleine valeur vénale du poisson lui procure un enrichisse-
ment sans cause.
Droit constitutionnel — Charte des droits — Procédures
criminelles et pénales — La saisie du poisson salé à bord d'un
navire étranger et la vente de ce poisson ne violent pas l'art. 8
de la Charte — Les fonctionnaires des Pêches avaient des
motifs raisonnables et probables de saisir le navire et de
déposer l'inculpation — Le pouvoir de saisir le poisson en
vertu de la Loi sur la protection des pêcheries côtières n'était
pas abusif ni contraire à la Charte.
En novembre 1982, un navire des îles Féroé a été arrêté par
des fonctionnaires des Pêches au large de Terre-Neuve parce
qu'il aurait pêché sans autorisation dans les eaux canadiennes.
Les fonctionnaires ont saisi 70 tonnes métriques de poisson salé
en conformité avec l'article 6(1)b) de la Loi sur la protection
des pêcheries côtières. Le capitaine du navire a offert, avant la
saisie, de déposer un cautionnement ou de racheter le poisson,
mais son offre a été refusée. La Cour provinciale a acquitté le
capitaine à l'égard de l'accusation d'avoir pêché sans autorisa-
tion, le juge décidant qu'on ne pouvait ajouter foi aux témoi-
gnages relatifs à la position du navire. La Couronne a vendu le
poisson à elle-même et les demandeurs ont touché une indem-
nité de 51 394,57 $. Dans cette action, les demandeurs cher-
chent à recouvrer la différence entre l'indemnité versée et la
juste valeur vénale.
Jugement: l'action devrait être accueillie.
La saisie d'une partie du poisson salé à bord du navire n'était
pas abusive et le pouvoir d'effectuer la saisie ne viole pas
l'article 8 de la Charte. En outre, il est indéniable qu'exiger un
cautionnement susceptible de confiscation au lieu de saisir le
poisson aurait été un moyen d'action plus raisonnable.
La loi et la justice exigent que les demandeurs soient dédom-
magés entièrement de leur perte. Toutefois, pour que soit
accordée une indemnité excédant la réparation prévue au para-
graphe 6(9) de la Loi sur la protection des pêcheries côtières, il
doit être démontré que cette disposition est en soi insuffisante
pour dédommager complètement les demandeurs de leur perte
et que la responsabilité de la Couronne a été établie au sens du
paragraphe 3(l) de la Loi sur la responsabilité de la Couronne.
En vendant à elle-même le poisson salé sans faire d'appel
d'offres sur le marché libre, la Couronne a joué en quelque
sorte le rôle d'un fiduciaire. Le délit d'appropriation illégale
pouvait être reproché à la Couronne dans la mesure où l'indem-
nité versée en application du paragraphe 6(9) de la Loi était
inférieure à la valeur vénale.
Cette action est de nature délictuelle et, pour plusieurs
raisons, l'argument des défendeurs (selon lequel le seul recours
des demandeurs était celui prévu par la loi) ne pouvait pas être
accepté: (I) la loi elle-même ne dispose pas que le recours est
exclusif de tout autre; (2) comme le produit peut ne pas être
suffisant pour indemniser de sa perte la personne touchée,
celle-ci pourrait se voir injustement infliger la perte; (3) quand,
par l'effet de la loi, la Couronne s'approprie les biens saisis, le
Parlement ne peut pas permettre à la Couronne d'obtenir un
enrichissement sans cause sans avoir à en rendre compte; (4) la
Couronne, par l'effet de la Loi sur la responsabilité de la
Couronne, est civilement responsable des délits civils commis
par ses préposés.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la
Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B,
Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.),
art. 8, I 1 d),e), 24.
Code criminel, S.R.C. 1970, chap. C-34, art. 25.
Déclaration canadienne des droits, S.R.C. 1970, Appen-
dice Ill, art. la), 2.
Loi sur la Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap.
10, art. 35, 40.
Loi sur la protection des pêcheries côtières, S.R.C. 1970,
chap. C-21, art. 5 (mod. par S.C. 1985, chap. 26, art.
5), 6(1)b),(3),(4),(6),(9).
Loi sur la responsabilité de la Couronne, S.C. 1952-53,
chap. 30.
Loi sur la responsabilité de la Couronne, S.R.C. 1970,
chap. C-38, art. 3(1 )a),b), 4(4).
Loi sur le poisson salé, S.R.C. 1970 (l" Supp.), chap. 37,
art. 14(3).
Loi sur les pêcheries, S.R.C. 1970, chap. F-14, art.
58(1),(3),(6), 59.
Loi sur l'intérêt, S.R.C. 1970, chap. 1-18, art. 3.
Newfoundland Regulation 63/84.
Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règle
337(2)b).
The Judgment Interest Act, S.N. 1983, chap. 81, art.
3(1),4(1), 10.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Re Milton et al. and The Queen (1986), 32 C.C.C. (3d)
159 (C.A.C: B.); Miller v. The King, [ 1950] R.C.S. 168;
Guerin et autres c. La Reine et autre, [1984] 2 R.C.S.
335; R. v. McRae (1980), 115 D.L.R. (3d) 420
(C.S.C.-B.); Marshall c. Canada (1985), 60 N.R. 180
(C.A.F.); Leblanc et autre c. Curbera, [1983] 2 R.C.S.
28.
DÉCISION EXAMINÉE:
Rasmussen c. Breau, [1986] 2 C.F. 500 (C.A.).
DÉCISION CITÉE:
Rasmussen c. Breau, [ 1985] 2 C.F. 445 (I M inst.).
AVOCATS:
John R. Sinnott pour les demandeurs.
Robert P. Pittman pour les défendeurs.
PROCUREURS:
Lewis, Sinnott & Heneghan, St. John's
(Terre-Neuve), pour les demandeurs.
Aylward, Morris & Pittman, St. John's
(Terre-Neuve), pour les défendeurs.
Ce qui suit est la version française des motifs
du jugement rendus par
LE JUGE MULDOON: Les demandeurs deman-
dent une indemnité pour la perte de la valeur
vénale du poisson salé confisqué à bord du navire
Bordoyarnes par les préposés et fonctionnaires des
défendeurs entre le 12 et le 14 novembre 1982. Les
préposés des défendeurs ont saisi soixante-dix
tonnes métriques de poisson salé en application de
l'alinéa 6(1)b) de la Loi sur la protection des
pêcheries côtières, S.R.C. 1970, chap. C-21.
Cette action a été initialement intentée contre
trois défendeurs, le troisième étant l'Office cana-
dien du poisson salé. Ce troisième défendeur a
présenté une requête visant à faire radier à titre de
défendeur l'Office canadien du poisson salé (ci-
après appelé l'Office). M. le juge Strayer a rejeté
la requête de l'Office: [Rasmussen c. Breau]
[1985] 2 C.F. 445 (1" inst.). L'Office a cependant
porté en appel le rejet de sa requête et, dans
Rasmussen c. Breau, [1986] 2 C.F. 500, la Divi
sion d'appel de cette Cour a fait droit à son appel à
l'unanimité. Par conséquent, l'action intentée
contre l'Office a été rejetée avec dépens et ce
dernier n'est plus partie à la présente action.
Le demandeur, Joen Pauli Rasmussen (ci-après
appelé le capitaine Rasmussen) réside aux îles
Féroé. A l'époque en cause, il était le capitaine du
navire Bordoyarnes (ci-après appelé le bateau de
pêche ou le navire), palangrier à coque d'acier de
45,1 m de long, jaugeant 181 tonnes, et apparte-
nant à la société S/LF Bordoyarvik, constituée
sous le régime des lois des îles Féroé et dont le
siège social est sis à Klakksvik. La société deman-
deresse était auparavant appelée S/LF Boreas.
Le navire était muni, à titre de bâtiment de
pêche étranger, d'une licence délivrée par le minis-
tre conformément à la Loi précitée, à l'égard de
l'année 1982, et portant le n° 1-21-004, en date du
7 avril 1982, St. John's (Terre-Neuve). Une
copie de cette licence a été versée au dossier à
l'instruction sous la pièce 1. Aux termes de la
licence, le navire était autorisé à pêcher entre le 12
août et le 30 novembre 1982 dans les secteurs 2G
et 2H délimités sur la pièce 2.
Vers le 5 novembre 1982, le capitaine Rasmus-
sen, à bord du bateau de pêche, pêchait dans la
mer du Labrador. Le navire avait été observé
quelques jours plus tôt, le ler novembre, par une
patrouille aérienne des Forces armées canadiennes
qui en avait communiqué les coordonnées aux
préposés et fonctionnaires des défendeurs à St.
John's. Le patrouilleur des pêcheries Terra Nova
est donc parti en toute hâte de St. John's et les
fonctionnaires des Pêches ont arrêté le Bordoyar-
nes en montant à bord de celui-ci et en ordonnant
au capitaine Rasmussen de se diriger vers St.
John's, ce à quoi il s'est plié. Le 9 novembre 1982,
un fonctionnaire des Pêches a déposé sous serment
une dénonciation devant la Cour provinciale de
Terre-Neuve, pièce 3, dans laquelle le capitaine
Rasmussen est inculpé de ce qui suit:
[TRADUCTION] A, vers le 5 novembre 1982, pendant qu'il était
à bord d'un bâtiment de pêche étranger dans les eaux des
pêcheries canadiennes, pêché sans autorisation en contravention
de l'alinéa 3(2)a) de la Loi sur la protection des pêcheries
côtières ... , commettant par là l'infraction prévue à l'alinéa
8(1)a) de ladite Loi.
Au paragraphe 6 de leur déclaration, que les
défendeurs reconnaissent, les demandeurs ajoutent
ce qui suit:
[TRADUCTION] Le 10 novembre 1982, ledit [capitaine] Ras-
mussen a comparu devant la Cour provinciale de Terre-Neuve,
à St. John's, relativement à l'inculpation et, le 12 novembre
1982, a de nouveau comparu et a choisi d'être jugé par un juge
de la Cour de district sans jury, et l'enquête préliminaire a été
fixée aux 23 et ... 24 février 1983.
Voici le texte du paragraphe 7 de la déclaration:
[TRADUCTION] Vers le 10 novembre 1982, avant que ne soient
inscrits le choix et le plaidoyer et que ne soit instruit le procès,
les représentants des ... défendeurs ont informé ... le [capi-
taine] Rasmussen qu'ils avaient l'intention de décharger 70
tonnes de poisson salé du Bordoyarnes à partir du vendredi 12
novembre 1982, et que le poisson salé serait vendu. Le [capi-
taine] Rasmussen a été informé que la garantie d'un cautionne-
ment n'était pas jugée acceptable par les fonctionnaires des
Pêches canadiennes des ... défendeurs. Le [capitaine] Rasmus-
sen a en outre été informé par ... [lesdits] fonctionnaires que le
poisson salé ne pouvait pas être vendu au capitaine Rasmussen
afin d'éviter le déchargement pour la raison que le décharge-
ment du poisson salé était un moyen de dissuader d'autres
navires de pêche. Les fonctionnaires des Pêches canadiennes
ont au surplus refusé de ne décharger que 30 ou 40 tonnes de
poisson salé.
Au paragraphe 4 de la défense, les défendeurs
reconnaissent tout ce qui précède, mais ajoutent
que les préposés des défendeurs [TRADUCTION] «à
ce moment-là, avaient compris que la loi ne leur
permettait pas d'accepter de cautionnement».
Le sort des 70 tonnes de poisson salé sera exa-
miné plus loin mais il importe d'abord de faire état
de l'issue de l'inculpation portée contre le capitaine
Rasmussen. Il a subi son procès non pas devant la
Cour de district mais devant la Cour provinciale,
le 27 mai 1983. Le procès, qui a duré cinq jours, a
été présidé par M. le juge Seabright qui a pro-
noncé ses motifs de jugement à l'audience (trans-
cription, pièce 5) le 20 juin 1983. Le juge Sea-
bright a décidé qu'on ne pouvait ajouter foi aux
témoignages au sujet de la position du Bordoyar-
nes et [TRADUCTION] «qu'aucun de ceux-ci n'indi-
que précisément à quel endroit ils ont traversé la
frontière et à quel moment ils ont pêché». Il a
également décidé que le capitaine Rasmussen
[TRADUCTION] «a fait preuve de toute la diligence
qui était requise, autant que [je] puisse voir, pour
prouver qu'il n'a pas été négligent en l'espèce». Le
juge Seabright conclut: [TRADUCTION] «il me
semble que, vu tous ces éléments il a le droit d'être
acquitté dans cette affaire et c'est la décision que
je vais maintenant rendre». (Pièce 5, à la page
416.)
À la suite de cet acquittement, la Couronne a
produit un avis d'appel (pièce 6), daté du 12 juillet
1983, suivi d'un avis de désistement de l'appel
(pièce 7) le 22 mars 1984. Résultat, le capitaine
Rasmussen a été déclaré judiciairement innocent
de l'infraction dont on l'avait accusé.
Pour ce qui est de la saisie du poisson salé par
les défendeurs, leurs fonctionnaires chargés de la
protection des pêcheries s'appuyaient de toute évi-
dence sur les dispositions du paragraphe 6(1) de la
Loi sur la protection des pêcheries côtières, préci-
tée. Voici le libellé de cette disposition:
6. (1) Lorsqu'un préposé à la protection a raisonnablement
lieu de soupçonner qu'une infraction à la présente loi a été
commise, il peut saisir
a) tout bâtiment de pêche au moyen ou à l'égard duquel il
croit raisonnablement que l'infraction a été commise;
b) tout effet à bord du bâtiment de pêche, y compris le
poisson, les agrès, le grément, les apparaux, les meubles, les
fournitures et la cargaison; ou
c) le bâtiment de pêche et l'un quelconque des effets men-
tionnés à l'alinéa b).
Les paragraphes qui suivent revêtent également de
l'importance à la lumière des circonstances du cas
qui nous occupe:
6....
(3) Sous réserve du présent article, le bâtiment de pêche et
les effets saisis sous le régime du paragraphe (I) doivent rester
sous la garde du préposé à la protection qui en fait la saisie ou
être remis à la protection de la personne que désigne le
Ministre.
(4) Lorsque du poisson ou d'autres articles périssables sont
saisis sous le régime du paragraphe (I), le préposé à la protec
tion ou autre personne qui en a la garde peut les vendre, et le
produit de la vente doit être versé au receveur général ou être
déposé à son compte dans une banque à charte.
(6) Lorsqu'un bâtiment de pêche ou des effets ont été saisis
sous le régime du paragraphe (I) et que des procédures à
l'égard de l'infraction ont été intentées, la cour ou le juge peut,
du consentement du préposé à la protection qui a opéré la
saisie, en ordonner la remise à l'accusé contre le dépôt entre les
mains de Sa Majesté d'une garantie au moyen d'un cautionne-
ment appuyé par deux cautions, au montant et selon la forme
que le Ministre juge satisfaisants.
(9) Lorsqu'un bâtiment de pêche ou des effets ont été saisis
sous le régime du paragraphe (I) et que des procédures à
l'égard de l'infraction ont été intentées, mais que celles-ci ne se
terminent pas par une ordonnance portant confiscation du
bâtiment ou des effets ou du produit provenant de leur vente
sous l'autorité du paragraphe (4), ils doivent être remis, ou le
produit de la vente doit être versé, à la personne de qui le
bâtiment ou les effets ont été pris, ... [Non souligné dans le
texte original.]
Tenant compte du paragraphe 6(6) précité, on
doit se demander pourquoi les défendeurs allè-
guent au paragraphe 4 de leur défense que leurs
«préposés à ce moment-là, avaient compris que la
loi ne leur permettait pas d'accepter de cautionne-
ment». La réponse est fournie par le témoignage
des témoins cités par les défendeurs, Lawrence
Wilfred Penney et Ernest William Collins. En
1980, le capitaine du bateau de pêche français
Joseph Roty II a été inculpé d'une infraction
prévue au règlement sur la pêche, mais remis en
liberté contre un cautionnement de 25 000 $ et un
engagement. Comme le capitaine s'est présenté à
son procès, l'engagement et le cautionnement ont
été annulés, mais les préposés des défendeurs dans
cette instance ont cru que le cautionnement du
capitaine constituait un cautionnement tenant lieu
du poisson qu'ils auraient pu saisir et ont été
étonnés d'apprendre que ce n'était bien sûr pas le
cas. Si les préposés des défendeurs ont consulté un
avocat, il semble que même ce dernier ait dû faire
preuve de négligence pour leur donner l'avis qui les
a portés à croire qu'ils ne pouvaient pas accepter
un cautionnement au lieu de saisir le poisson. Si
cela était nécessaire, cette négligence pourrait être
reprochée aux défendeurs en l'espèce et elle leur
serait reprochée, étant donné les dispositions clai-
res du paragraphe 6(6) de la Loi.
Ce n'est toutefois pas par négligence que les
préposés des défendeurs ont refusé l'offre de cau-
tionnement du capitaine Rasmussen, ou son offre
de racheter le poisson qu'ils s'apprêtaient à saisir.
Certes, les défendeurs et leur avocat ont été atter-
rés de l'ignorance, chez les préposés des pêcheries,
de la loi qu'ils étaient chargés d'appliquer, mais
accepter un cautionnement n'était que l'un des
deux moyens que la loi met à la disposition des
préposés. La saisie du poisson qu'ils ont effectuée
était le second moyen, et l'on pourrait dire qu'un
troisième moyen aurait consisté à ne rien faire.
C'est pour une raison maintenant devenue obscure
que les procureurs des défendeurs ont plaidé
l'ignorance de la loi.
En vertu du paragraphe 6(1) de la Loi sur la
protection des pêcheries côtières, les préposés des
défendeurs auraient pu saisir légalement non seu-
lement tout le poisson pris, mais également le
bâtiment lui-même. Le regret exprimé par les
défendeurs au sujet de l'ignorance chez leurs pré-
posés du paragraphe 6(6) est éclipsé par leur
détermination avouée de faire un exemple en
punissant le capitaine Rasmussen, afin de dissua-
der d'autres capitaines de bateaux de pêche de
violer la loi.
Vu les circonstances mises en lumière dans le
cas présent, les demandeurs ont affirmé que les
défendeurs avaient contrevenu à [TRADUCTION]
«la Charte canadienne des droits et libertés, en
particulier à l'article 8 ... qui garantit le droit à la
protection contre les saisies abusives, à l'alinéa
11d) ... qui reconnaît à l'inculpé le droit d'être
présumé innocent tant qu'il n'est pas déclaré cou-
pable, conformément à la loi, et à l'alinéa 11e) ..
qui protège le droit de ne pas être privé sans juste
cause d'une mise en liberté assortie d'un caution-
nement», et qu'ils avaient ainsi causé un préjudice
aux demandeurs. D'autre part, les défendeurs
invoquent [TRADUCTION] «la Loi sur les pêche-
ries, S.R.C. 1970, chap. F-14, en particulier le
paragraphe 58(3) ... et le Code criminel du
Canada, S.R.C. 1970, chap. C-34, en particulier
l'article 25 de celui-ci». Il convient d'examiner ces
allégations dans l'ordre inverse.
L'article 25 du Code criminel [S.R.C. 1970,
chap. C-34] porte essentiellement que quiconque
est, par la loi (fédérale ou provinciale) obligé ou
autorisé à faire quoi que soit dans l'application ou
l'exécution de la loi est, s'il agit en s'appuyant sur
des motifs raisonnables et probables, fondé à
accomplir ce qu'il lui est enjoint ou permis de
faire, et fondé à employer la force nécessaire (mais
seulement la force nécessaire) pour cette fin. Il va
sans dire qu'une personne se trouverait dans une
situation impossible si une disposition de la loi
l'obligeait à faire une chose alors qu'une autre le
lui interdirait. L'article 25, et en particulier le
paragraphe 25(1), sont inclus dans le Code crimi-
nel afin d'éviter que la loi ne soit en contradiction
avec elle-même. C'est pourquoi la justification, si
elle s'accorde avec les prescriptions de la loi, exo-
nère de responsabilité pénale la personne qui
accomplit un acte qu'elle est obligée ou autorisée à
accomplir. Elle diffère de l'excuse en ce que l'acte
justifié est par définition dépourvu de caractère
illégal, tandis que l'acte excusé est une infraction,
mais est commis par une personne poussée à bout
dans des circonstances telles que la loi ne con-
damne ni ne dénonce son auteur. La justification
ne permet pas nécessairement de régler la question
de savoir si l'acte accompli constitue néanmoins un
délit civil ou un quasi-délit. De toute évidence, le
rôle joué par les préposés des défendeurs dans les
circonstances de l'espèce n'aurait pas engagé leur
responsabilité pénale. Les articles 5 [mod. par S.C.
1985, chap. 26, art. 5] et 6 de la Loi sur la
protection des pêcheries côtières semblent mani-
festement, abstraction faite de l'effet des articles 8
et 24 de la Charte [Charte canadienne des droits
et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi
constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982
sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.)], étant
donné les circonstances dont il est fait état en
l'espèce, écarter la responsabilité pénale des prépo-
sés des défendeurs. Cette observation ne met toute-
fois pas un point final au litige entre les parties.
Le deuxième jour du procès, l'avocat des défen-
deurs a déclaré qu'après avoir conféré avec l'avo-
cat des demandeurs, il renonçait à l'allégation
selon laquelle les défendeurs invoquaient la Loi sur
les pêcheries [S.R.C. 1970, chap. F-14] et en
particulier le paragraphe 58(3) de celle-ci. Soit!
Il convient de noter que la preuve montre indu-
bitablement que le poisson salé saisi à bord du
Bordoyarnes ne risquait de pourrir ou de s'avarier
que parce que les préposés des défendeurs l'avaient
eux-mêmes retiré de la cale du navire où se faisait
la salaison. Il n'y avait, et il n'y aurait eu, aucun
risque d'avarie si les 70 tonnes de poisson salé
avaient été laissées à bord. C'est uniquement aux
défendeurs qu'est imputable la situation d'urgence.
L'allégation des demandeurs selon laquelle ils
ont été privés sans juste cause d'une mise en liberté
assortie d'un cautionnement raisonnable en contra
vention de l'alinéa 11e) de la Charte n'est fondée
sur aucun élément de preuve. La dénonciation et la
sommation ont été remplies le 9 novembre 1982.
Le capitaine Rasmussen a comparu devant la Cour
provinciale de Terre-Neuve les 10 et 12 novembre.
Il a plaidé non coupable et été renvoyé à son
procès en février 1983, lequel a été ensuite remis à
mai 1983. Les 70 tonnes de poisson ont été déchar-
gées entre le 12 et le 14 novembre pendant que le
capitaine Rasmussen séjournait à l'hôtel à St.
John's ou à proximité. On lui a accordé une pro
longation de sa licence de pêche pour lui permettre
de pêcher jusqu'à la fin de novembre 1982 et le
capitaine et l'équipage ont repris la mer à bord du
Bordoyarnes pour continuer de pêcher. Ils ont pris
presque 70 tonnes et, avec une pleine cargaison
d'environ 388 390 tonnes, ils ont accosté aux îles
Féroé vers le 8 décembre 1982. Il n'y a pas eu de
violation ni de négation des droits garantis par
l'alinéa 11e) de la Charte.
Il n'y a pas eu non plus de négation ou de
violation de l'alinéa 11d) de la Charte, qui garantit
la présomption d'innocence de tout inculpé tant
qu'il n'est pas déclaré coupable, conformément à la
loi. Le capitaine Rasmussen n'a pas été déclaré
coupable, au contraire, il a été acquitté. La saisie
du poisson ne peut pas être tenue pour une viola
tion ou une négation de la présomption et, de toute
façon, l'avocat des demandeurs a tenu à préciser
au procès que les demandeurs ne prétendent pas
maintenant que les fonctionnaires des Pêches, pré-
posés des défendeurs, n'avaient pas de motifs rai-
sonnables et probables de saisir le navire et de
déposer l'inculpation. Il a de fait affirmé qu'ils
avaient de tels motifs et il a nié toute allégation de
mauvaise foi. Par surcroît, l'avocat des deman-
deurs a reconnu que ceux-ci n'allèguent pas que la
saisie ou même le refus de cautionnement étaient
illégaux, mais plutôt seulement que la vente du
poisson était illégale. Ces aveux de l'avocat sont
consignés aux pages 113 117 de la transcription
de la première journée des débats.
Ces aveux, si l'on prend en considération les
motifs du juge Craig qui a rendu la décision
unanime de la Cour d'appel de la Colombie-Bri-
tannique dans Re Milton et al. and The Queen
(1986), 32 C.C.C. (3d) 159, permettent de tirer
une conclusion au sujet de l'allégation de violation
de l'article 8 de la Charte. Les faits dans cette
affaire-là étaient tout à fait différents de ceux du
cas qui nous occupe, mais pourtant les questions de
droit sont assez semblables. Dans cette affaire-là,
les filets de pêche des requérants avaient été saisis
par les fonctionnaires des Pêches conformément au
paragraphe 58(1) de la Loi sur les pêcheries,
S.R.C. 1970, chap. F-14, quoique les requérants
n'aient été inculpés d'aucune infraction par suite
de la saisie de leurs filets. En application du
paragraphe 58(6) de cette Loi, les filets avaient été
confisqués sous réserve de la décision du juge de la
Cour de comté ou de district saisi d'une demande
en vertu de l'article 59 de la Loi.
Voici les passages pertinents des motifs écrits du
juge d'appel Craig dans l'affaire Milton:
[TRADUCTION] La prémisse de la décision du juge était la
suivante: lorsque la Couronne a saisi des effets en vertu du par.
58(I) et a invoqué le par. 58(6) pour les confisquer, cette saisie
a été faite «en vue de la confiscation». Arguant du critère
énoncé par le juge Dickson dans Hunier et autres c. Southam
Inc. (1984), 14 C.C.C. (3d) 97, 1 I D.L.R. (4th) 641, [1984] 2
R.C.S. 145; relativement au caractère raisonnable des fouilles,
perquisitions et saisies, le juge de première instance a dit que ce
critère «doit être apprécié en fonction de l'effet sur l'objet de la
saisie et non en fonction de sa rationalité dans la poursuite de
quelque objectif gouvernemental valable». Le juge de première
instance a également conclu que la décision dans Southam
n'était «pas restreinte aux questions touchant les atteintes à la
vie privée». [À la page 163.]
Les fonctionnaires des Pêches ont saisi les filets parce qu'ils
croyaient en se fondant sur des motifs raisonnables qu'ils
avaient été utilisés relativement à la perpétration d'une infrac
tion à la Loi ou au règlement. La confiscation pouvait être la
conséquence de la saisie, mais pas nécessairement; il n'est donc
pas exact de dire que la saisie a été faite en vue de la
confiscation. La confiscation de l'intérêt du requérant dépend
de l'issue de la demande présentée conformément aux par.
59(2) et (5)b).
Je crois que le juge de première instance a également commis
une erreur en affirmant que le «critère du caractère raisonnable
doit être apprécié en fonction de l'effet sur l'objet de la saisie et
non en fonction de sa rationalité dans la poursuite de quelque
objectif gouvernemental valable». [Aux pages 167 et 168.]
Le juge de première instance a semblé croire qu'un seul
élément devait être apprécié, à savoir l'effet sur l'objet de la
saisie, mais il ressort manifestement du jugement du juge
Dickson que la cour doit prendre deux facteurs en considéra-
tion: (I) l'effet sur l'objet de la saisie; (2) la rationalité de la
saisie dans la poursuite de quelque objectif gouvernemental
valable. [À la page 168.]
Pour trancher cette question, je tiens compte de ce qu'a dit le
juge Dickson: « .., la garantie de protection contre les saisies
abusives ... ne vise qu'une attente raisonnable». Faute de droit
spécial, nul ne peut commettre impunément une infraction à la
Loi sur les pêcheries ou aux règlements ni avoir le droit de
s'attendre à ce que toute chose utilisée pour commettre l'infrac-
tion — en l'espèce, des filets de pêche — soit exempte de saisie
et éventuellement de confiscation. Ce à quoi il peut à juste titre
s'attendre — et le ministère public le reconnaît — c'est qu'a-
vant l'audience relative à la demande présentée conformément
au par. 59(5), il connaîtra la nature de l'infraction qui lui est
reprochée et qui a entraîné la saisie. Quand on examine la
question sous ce jour-là, on ne peut que conclure que la saisie
n'était pas abusive dans le cas présent. Le pouvoir dont est
investi un agent de la paix ou une autre personne chargée de
l'application de la loi, de saisir toute chose au moyen de
laquelle il croit, en se fondant sur des motifs raisonnables,
qu'une infraction a été commise n'est certes pas abusif. L'avo-
cat du ministère public s'est référé à un certain nombre de
causes qui selon lui étayent son argument selon lequel la saisie
en l'espèce n'est pas abusive, notamment quelques décisions de
la Cour suprême des États-Unis concernant la saisie de bâti-
ments qui étaient utilisés pour la perpétration d'une infraction
criminelle. Je n'ai pas l'intention de m'y reporter parce que
j'estime que la décision qui fait jurisprudence pour nous est
Hunter c. Southam. Vu l'ensemble des circonstances, je suis
convaincu que les dispositions du par. 58(6) et des alinéas
59(5)b) et c) ne sont pas incompatibles avec l'article 8 de la
Charte. [Aux pages 169 et 170.]
En l'espèce, le capitaine Rasmussen a de fait été
inculpé d'une infraction à la Loi sur la protection
des pêcheries côtières, mais il a été acquitté après
un long procès. Par comparaison à l'atteinte à la
vie privée que constitue la saisie des documents
personnels d'une personne sur elle, à son domicile
ou à son bureau, pour donner un exemple patent,
la saisie de poisson salé dans la cale du navire de la
société demanderesse ne représente pas une
atteinte importante à la vie privée, si tant est
qu'elle y porte atteinte. Tenant compte de l'objec-
tif poursuivi par le Parlement en adoptant les
dispositions pertinentes de la Loi sur la protection
des pêcheries côtières, soit la conservation et la
valorisation des ressources halieutiques du pays,
l'on doit convenir avec le juge d'appel Craig et ses
collègues que la seule conclusion possible, c'est que
la saisie d'une partie du poisson salé se trouvant à
bord du navire n'était pas, et n'est pas, abusive. Le
pouvoir d'effectuer la saisie ainsi que la saisie
elle-même ne violent pas l'article 8 de la Charte.
En outre, il est indéniable qu'exiger un cautionne-
ment susceptible de confiscation au lieu de saisir le
poisson, mesure que le Parlement a également
autorisée, aurait été, et demeure, un moyen d'ac-
tion encore plus raisonnable.
En réalité, les préposés des défendeurs ont donc
saisi les 70 tonnes de poisson des demandeurs et
ces derniers ont vu les tribunaux déclarer qu'ils
n'avaient commis aucune infraction. Par la suite,
les défendeurs se sont abstenus de contester cette
décision judiciaire et ont abandonné leur appel.
Tant du point de vue du droit que selon la justice,
les demandeurs doivent être indemnisés complète-
ment de cette perte qui a été occasionnée par les
défendeurs, sans qu'aucune faute ne puisse être
imputée aux demandeurs. Si, comme allèguent les
demandeurs, les défendeurs ne les ont pas dédom-
magés entièrement, sont-ils tenus d'accepter le
compte du produit de la vente de leur poisson
établi par les défendeurs et obligés de limiter leur
demande d'indemnité pour se conformer aux
termes du paragraphe 6(9) de la Loi sur la protec
tion des pêcheries côtières? S'il est décidé que la
somme de 51 394,57 $ versée par les défendeurs
constitue une indemnité complète à l'égard du
poisson saisi, elle équivaudra certainement au
«produit de la vente [devant] être versé, à la
personne de qui ... [le poisson] ... a été pris».
Mais que se passe-t-il si la somme calculée en
application du paragraphe 6(9) est insuffisante
pour dédommager les demandeurs de leur perte
imméritée? Est-ce que la demande fondée sur la
Loi est subsumée sous une demande plus générale
en responsabilité délictuelle contre les défendeurs?
Ou le paragraphe 6(9) a-t-il pour effet d'exclure
tout recours de nature délictuelle? La Division
d'appel de la présente Cour semble être d'avis, en
obiter dictum, que la demande n'est pas fondée sur
un délit. Dans l'affaire Rasmussen c. Breau préci-
tée, les juges, dont les motifs du jugement ont été
rendus par le juge en chef, écrivent ce qui suit:
Le juge Martland [dans Conseil des Ports Nationaux v. Lan-
gelier et al., [1969] R.C.S. 60] a résumé la situation comme
suit [aux pages 74 et 75]:
[TRADUCTION] Cependant, comme je l'ai déjà dit, un
recours a toujours existé devant les tribunaux ordinaires à
l'égard des actes faits, sans justification légale, par un man-
dataire de la Couronne; à la lumière de ce principe, le
Conseil est responsable s'il commet lui-même un acte fait
sans justification légale ou qu'il ordonne ou permette à ses
préposés de le faire.
Il s'agit là, à mon avis, de la seule règle de droit en vertu de
laquelle l'appelant [la Canadian Saltfish Corporation] peut être
tenu responsable de l'appropriation reprochée dans la déclara-
tion. Il s'agit d'une loi de la province de Terre-Neuve et non
d'une loi fédérale. La loi applicable à la Couronne fédérale ne
s'applique pas. De plus, bien que la Couronne pourrait être
tenue responsable du délit reproché à l'appelant en vertu de la
Loi sur la responsabilité de la Couronne, l'appelant ne pourrait
être responsable, que ce soit en vertu de cette Loi, de l'article
14 de la Loi sur le poisson salé ou de toute autre disposition
similaire. Il s'ensuit donc, à mon avis, qu'il n'existe aucune loi
quée par la Cour à l'égard du recours contre l'appelant et que
la Cour ne peut recevoir cette demande. Voir les arrêts Quebec
North Shore Paper Co. et autre c. Canadien Pacifique Liée et
autre ([1977] 2 R.C.S. 1054) et McNamara Construction
(Western) Ltd. et autre c. La Reine ([1977] 2 R.C.S. 654).
Dans la mesure où la demande d'indemnité relative au
produit de la vente du poisson peut être fondée sur le paragra-
phe 6(9) de la Loi sur la protection des pêcheries côtières
(S.R.C. 1970, chap. C-21), il me semble qu'il existe une loi
fédérale permettant à la Cour d'entendre ce litige; cependant, à
mon avis, il ne s'agit pas d'un recours de nature délictuelle. Il
s'agit simplement d'un cas où des biens d'une personne se
trouvent entre les mains de la Couronne et le seul article
permettant à cette Cour de recevoir une demande visant à
recouvrer ces biens est l'article 17 de la Loi sur la Cour
fédérale qui, comme je l'ai déjà dit, ne permet pas d'intenter
une action contre un mandataire de la Couronne, mais seule-
ment contre la Couronne elle-même.
Le juge en chef Thurlow écrit que les défendeurs
ne peuvent être tenus responsables que de l'appro-
priation illégale visée par la loi de la province de
Terre-Neuve. D'après lui, la Couronne pourrait
être tenue responsable du délit reproché à l'Office
canadien du poisson salé en vertu de la Loi sur la
responsabilité de la Couronne [S.C. 1952-53,
chap. 30]. Mais si le juge en chef ajoute que la
demande d'indemnité peut être fondée sur le para-
graphe 6(9) de la Loi sur la protection des pêche-
ries côtières, il ne s'agit cependant pas, à son avis,
d'un recours de nature délictuelle.
Naturellement, la Couronne doit répondre, en
matière de responsabilité civile délictuelle, des
délits commis par ses préposés; c'est la volonté du
Parlement exprimée à l'alinéa 3(1)a) de la Loi sur
la responsabilité de la Couronne, S.R.C. 1970,
chap. C-38, modifiée. L'alinéa 3(1)b) de cette Loi
porte aussi que la Couronne doit répondre, en
matière de responsabilité civile délictuelle, «à
l'égard d'un manquement au devoir afférent à la
propriété, ... la possession ou la garde d'un bien»,
ce qui pousse sûrement tout lecteur à se demander
pourquoi la Cour d'appel a décidé que le délit
d'appropriation illégale de biens n'est prévu que
par la loi de la province, alors que le Parlement a
déclaré que la Couronne peut être tenue responsa-
ble de ce délit. Selon la définition donnée dans la
Loi, pour les litiges surgissant au Québec, «délit
civil» s'entend d'un délit ou quasi-délit, ce qui
montre que le législateur avait en vue le droit
provincial. Le paragraphe 4(4) de la Loi sur la
responsabilité de la Couronne n'a pas pour effet
d'écarter la responsabilité de la Couronne prévue à
l'article 3 de cette Loi, mais il dispose que l'«On ne
peut exercer de recours contre la Couronne en
vertu de l'alinéa 3(1)b) sauf si, dans les sept jours
après que la réclamation a pris naissance, un avis
écrit de la réclamation et du préjudice subi» est
signifié à certains préposés et fonctionnaires de la
Couronne, et sans exception au sous-procureur
général du Canada. Les défendeurs ne nient pas
dans leur défense la signification de cet avis; et les
demandeurs n'affirment pas dans leurs plaidoiries
s'être conformés aux dispositions du paragraphe
4(4). Aucun élément de preuve n'a été produit qui,
soit établisse l'observation de celles-ci, soit la
réfute. En pareil cas, lorsque la loi est claire et
qu'il est prouvé qu'il ne s'y trouve aucun défaut
statutaire qui aurait pu empêcher les demandeurs
de s'y conformer, la maxime omnia praesumuntur
rite et solemniter esse acta ne s'applique pas. Elle
n'a pas été plaidée.
Par voie de conséquence, les demandeurs doi-
vent, pour étayer leur demande fondée sur la res-
ponsabilité délictuelle, en plus d'invoquer les dispo
sitions du paragraphe 6(9) de la Loi sur la
protection des pêcheries côtières, démontrer que le
paragraphe 6(9) est en soi insuffisant pour les
dédommager complètement de leur perte et que la
responsabilité de la Couronne a été établie au sens
du paragraphe 3(1) de la Loi sur la responsabilité
de la Couronne.
Le poisson salé saisi a été vendu par l'entremise
du Centre de distribution des biens de la Couronne
à l'Office canadien du poisson salé. Voici le texte
en vigueur à l'époque du paragraphe 14(3) de la
Loi sur le poisson salé, S.R.C. 1970 (1e" Supp.),
chap. 37:
14....
(3) Les biens acquis par l'Office appartiennent à Sa Majesté
et le titre peut en être dévolu soit au nom de Sa Majesté, soit au
nom de l'Office.
Puisque le paragraphe 14(3) n'est pas limité aux
biens immobiliers et que le mot «biens» n'y est pas
défini ainsi dans cette Loi, il vise forcément les
biens mobiliers, soit le poisson saisi. Il a donc été
établi qu'en réalité, la Couronne a vendu à la
Couronne le poisson des demandeurs. La vente n'a
pas été conclue de gré à gré à la suite d'un appel
d'offres. Il ressort clairement du texte de la Loi sur
le poisson salé que l'on n'aurait pas eu besoin de
recourir aux services de l'Office si le poisson avait
été vendu sur le marché local, car son droit exclu-
sif concerne les opérations interprovinciales et
internationales. De toute façon, c'est à elle-même
que la Couronne a vendu le poisson. La nature de
la transaction dont les biens des demandeurs ont
fait l'objet a, en quelque sorte, fait de la Couronne
un fiduciaire, peut-être un fiduciaire de son tort,
des biens des demandeurs et de leur pleine valeur
vénale. Les arrêts qui font jurisprudence quant à
l'obligation à titre de fiduciaire faite à la Cou-
ronne, encore qu'ils portent sur des revendications
foncières en équité, sont Miller v. The King,
[ 1950] R.C.S. 168, aux pages 177 et 178, et
Guerin et autres c. La Reine et autre, [ 1984] 2
R.C.S. 335. En ce qui a trait aux obligations en
équité de la Couronne, les principes qui se déga-
gent de ces précédents qui font autorité sont tout à
fait applicables aux circonstances de l'espèce, du
moins en ce sens qu'il est loin d'être impensable
que la Couronne puisse de fait commettre au
moyen d'une vente le délit d'appropriation illégale
des biens des demandeurs.
Par conséquent, dans la mesure où la Couronne
soutient que le paragraphe 6(9) de la Loi sur la
protection des pêcheries côtières exige la remise
aux demandeurs d'une somme inférieure à la
pleine valeur vénale du poisson saisi, dans cette
mesure la Couronne est responsable du délit d'ap-
propriation illégale, comme le Parlement l'a pres-
crit à l'alinéa 3(1)a) de la Loi sur la responsabilité
de la Couronne. La preuve démontre que les pré-
posés de la Couronne, par l'entremise de l'Office,
en fait la Couronne eo nomine, se sont approprié le
poisson des demandeurs.
En conséquence, la Cour décide ce qui suit: ou le
paragraphe 6(9) de la Loi sur la protection des
pêcheries côtières enjoint à la Couronne de resti-
tuer intégralement le produit de la vente, soit la
pleine valeur vénale du poisson vendu; ou cette
restitution est subsumée sous le dédommagement
qui sera attribué pour le délit d'appropriation illé-
gale commis par la Couronne. La Couronne
affirme avoir déjà versé tout ce qui était dû aux
demandeurs. Il reste à déterminer l'exactitude de
cette affirmation.
Le produit de la vente peut ne pas constituer, en
droit ou en équité, une indemnité suffisante au
sens de la loi en cause. La décision rendue par le
juge Wallace de la Cour suprême de la Colombie-
Britannique dans R. v. McRae (1980), 115 D.L.R.
(3d) 420 portait sur la vente de 74 saumons rouges
saisis et vendus conformément au paragraphe
58(3) de la Loi sur les pêcheries. Encore une fois,
les faits diffèrent quelque peu mais les points de
droit sont très semblables. Soixante-quatorze des
soixante-seize poissons de Mme McRae qui avaient
été saisis ont été vendus à l'Armée du Salut
moyennant la somme d'un dollar et les deux autres
ont été retenus à titre de preuve. Après que le
ministère public eut retiré et arrêté toutes les
procédures, le juge de première instance a ordonné
[à la page 22] [TRADUCTION] «que l'équivalent de
76 ... saumons soit remis à RITA McRAE ...».
Présentant une demande de certiorari qui visait
à faire annuler cette ordonnance du juge, le minis-
tère public a invoqué les dispositions du paragra-
phe 58(3) selon lesquelles la personne qui a la
garde de poisson saisi qui va se gâter, peut vendre
ce poisson «de la manière et au prix qu'elle déter-
mine». L'avocat du ministère public a également
prétendu que la Loi sur les pêcheries et en particu-
lier l'article 58 constituent un code complet régis-
sant la saisie et la remise des biens par les fonc-
tionnaires des Pêches. Il a en outre soutenu que
Mme McRae n'avait le droit de toucher que la
somme d'un dollar — «le produit de la vente» —
reçue par suite de la vente du saumon. De toute
évidence, le pouvoir d'accomplir des actes d'admi-
nistration à l'égard des biens d'une personne com-
porte l'obligation d'agir avec équité. Voici quel-
ques extraits des motifs du jugement du juge
Wallace dans l'affaire McRae:
[TRADUCTION] Le fait que le Parlement a jugé bon de
déléguer au fonctionnaire le pouvoir discrétionnaire de fixer les
conditions appropriées de la vente du poisson saisi n'écarte pas
l'obligation d'équité. Il se rattache cependant à la nature de la
garantie de procédure qui convient dans ce cas particulier.
Au minimum, cette «obligation d'équité» oblige le fonction-
naire à faire tout son possible pour obtenir le prix de vente qui
se rapproche le plus possible de la valeur marchande du bien
vendu, si celui-ci a une valeur marchande, et dans le cas
contraire, le meilleur prix possible dans les circonstances. Natu-
rellement, il ne s'agissait pas en l'espèce d'une «vente» mais du
don d'articles, dont la valeur atteignait plusieurs centaines de
dollars, à un organisme communautaire, façon de procéder non
prévue, ni autorisée à l'art. 58 de la Loi sur les pêcheries. [A la
page 425.]
Le fonctionnaire des Pêches ... a saisi tout le poisson
appartenant à Rita McRae, alors que pour remplir l'objet de la
saisie prévu par la loi, il aurait suffi de saisir seulement deux
poissons; le fonctionnaire des Pêches, suivant ce que j'estime
être une politique ministérielle injustifiée, a privé Mme McRae
de ses biens, en les donnant de façon illégitime, et en ne lui
offrant qu'un dédommagement d'un dollar; Mme McRae a
donc été irrégulièrement privée de ses biens pendant deux ans
en violation de son droit à l'application régulière de la loi. Rien
n'autorise à penser qu'elle ait commis une infraction.
Presque une année après que le ministère public eut déposé
l'inculpation, il a arrêté les procédures et le ministère des
Pêches a offert 1 $ à Mme McRae à titre de dédommagement
complet de la perte de ses biens, infligeant par là une peine non
autorisée à une citoyenne contre laquelle il n'avait pas l'inten-
tion de poursuivre les accusations.
L'avocat du ministère public a prétendu que si Rita McRae
n'était pas satisfaite de l'indemnité d'un dollar, elle devait
demander à la Cour fédérale de lui accorder l'indemnité supplé-
mentaire à laquelle elle estimait avoir droit et devait donc
engager des frais et continuer d'être privée de ses biens pendant
plusieurs mois.
Comme seules justifications de l'action du fonctionnaire des
Pêches qui a donné les biens de Mme McRae et du refus de
verser une indemnité, on a invoqué la «politique» énoncée par le
ministère des Pêches et l'interprétation donnée par ce ministère
aux dispositions du par. 58(3) de la Loi sur les pêcheries. [À la
page 427.]
En conséquence, le juge Wallace a refusé d'annu-
ler l'ordonnance du juge de la Cour provinciale
portant restitution en nature. On peut sûrement
dégager de la décision la proposition, que cette
Cour adopte, que le fait pour la Couronne de
remettre un «produit» qui est insuffisant ne prive
pas du tout le propriétaire du poisson du droit de
demander la valeur intégrale, équitable de son
poisson que se sont approprié les défendeurs par
une vente. En pareil cas, le versement d'une
somme inférieure à la valeur intégrale procurerait
à la Couronne un enrichissement sans cause.
Si le poisson n'avait pas été saisi, le Bordoyarnes
aurait regagné son port d'attache aux Féroé avec
les 70 tonnes de poisson salé correctement et en
état d'être commercialisé. (D'après le témoin Law-
rence Wilfred Penney, le poids approximatif de la
pêche a été fixé à environ 70 tonnes d'après le livre
de bord des demandeurs après le 15 octobre 1982,
date à laquelle un observateur du ministère est
monté à bord pour la dernière fois, jusqu'au 5
novembre, moment où le navire a été saisi. Ce
raisonnement semble laisser supposer que le capi-
taine Rasmussen a, de l'avis des défendeurs, com-
mencer à pêcher illégalement dès que l'inspecteur
eut le dos tourné, sans même que le navire ait eu le
temps de revenir aux eaux censément interdites.)
La Cour ne dispose d'aucun élément lui permet-
tant de conclure que les demandeurs n'auraient
pas obtenu le plein prix normal pour leur prise, y
compris les 70 tonnes, si la saisie n'avait pas eu
lieu.
Selon la déclaration de l'Office canadien du
poisson salé, pièce 10, en date du 30 novembre
1982, l'Office a déchargé du navire 153 800 livres
de «poisson salé en arrimes». Un kilogramme vaut
2,2046 livres. Une tonne métrique, soit 1 000 kg,
vaut 2 204,6 livres. 70 tonnes valent donc 154 322
livres, soit 522 livres (environ 1/4 de tonne) de plus
que ce que la pièce 10 indique. On trouve au
paragraphe 5 de la défense l'aveu suivant: [TRA-
DUCTION] «que 70 tonnes métriques de poisson
salé ont été déchargées». Comme la pièce 10 a été
présentée par le témoin cité par les demandeurs,
Carl Wheeler, l'explication des demandeurs,
donnée par écrit après le procès, est acceptée:
[TRADUCTION] «la légère diminution se serait pro-
bablement produite par suite de la perte de sel et
d'eau au cours du déchargement, conséquence nor-
male du déplacement du poisson salé partiellement
préparé». Aux fins du calcul, on peut fixer l'équi-
valent dans le système métrique à 69,763 tonnes.
Au cours du contre-interrogatoire, M. Wheeler
a dit que le «produit» versé aux demandeurs a été
établi d'après les prix d'achat du poisson salé en
vert, destiné à être salé-séché, non étêté et éviscéré,
qui figurent à la page 26 du rapport annuel de
1982 de l'Office, pièce 13. Le témoignage de M.
Wheeler consigné aux pages 35, 36 et 38 ainsi
qu'aux pages 73 75 de la transcription des débats
du deuxième jour du procès révèle que c'est sur
cette base qu'a été calculé le paiement. Ce n'est
pas sur cette base qu'il convient d'établir l'indem-
nité à laquelle ont droit les demandeurs pour la
pleine valeur vénale de leur poisson. Leur poisson
était étêté avant d'être salé. La valeur marchande
de leur poisson, qu'ils auraient touchée si la saisie
par les défendeurs n'était pas venue les gêner, est
le critère approprié pour le calcul du dédommage-
ment.
Le Centre de distribution des biens de la Cou-
ronne qui s'est chargé de vendre le poisson des
demandeurs à l'Office du poisson salé fait état à la
première page de la pièce 12 des prix minimums
pour les diverses catégories de poisson des deman-
deurs. On a demandé à M. Wheeler de calculer la
valeur de la prise qui figure sur la pièce 10 — les
153 800 livres déchargées du Bordoyarnes, selon
les prix minimums indiqués par le Centre de distri
bution des biens de la Couronne à la première page
de la pièce 12. Le résultat de son calcul, dont
l'exactitude n'a pas été contestée par l'avocat des
demandeurs, a été de 111 365,84 $. Le Centre de
distribution entendait également faire supporter
par l'Office du poisson salé les frais de décharge-
ment et de transport, de sorte que suivant ces
critères, la somme de 111 365,84 $ aurait corres-
pondu au produit brut de la vente aux prix
minimums.
L'avocat des demandeurs fait valoir que d'après
la preuve, une indemnité pécuniaire plus impor-
tante, équivalant à la pleine valeur du poisson, doit
être accordée aux demandeurs. Le capitaine Ras-
mussen a témoigné qu'à l'époque en cause, en
1982, le cours du change du dollar canadien était
de sept couronnes. La Cour ne dispose d'aucun
autre élément de preuve là-dessus. Aucune des
parties n'a cité de témoin ou produit de preuve
provenant du service des changes d'une institution
bancaire ou autre, qui permette d'établir le cours
de façon indépendante. L'avocat des défendeurs a
souligné l'absence de preuve indépendante, mais il
n'a rien fait pour combler cette lacune. Toutefois,
le capitaine Rasmussen, en dépit de sa difficulté à
s'exprimer en anglais, était sans aucun doute un
témoin tout à fait digne de foi. Son témoignage au
sujet du cours du change n'a pas été contredit et
c'est le seul que la Cour ait entendu. Il a en outre
témoigné (à la page 48 de la transcription du
premier jour) que [TRADUCTION] «le prix chez
[lui] était de 14,5 couronnes le kilo». C'était le prix
moyen pour les différentes tailles et qualités. (Page
57). Ces 69 tonnes et trois quarts de poisson qui
ont été saisies, si les défendeurs les avaient laissées
à bord, auraient par conséquent rapporté aux
demandeurs, au prix moyen de 2,07143 $ can le
kilo, pour 69,763 tonnes, 144 509,17 $ au total.
C'est la valeur vénale totale que la Couronne s'est
appropriée au prix moyen global pour les 69,763
tonnes. Le capitaine Rasmussen a témoigné au
sujet des tailles et des qualités spécifiques et au
sujet des prix correspondants fixés par un comité
du «gouvernement national», qui semble établir un
prix plancher initial pour le poisson débarqué au
pays par les bateaux de pêche des Féroé. Il a
énuméré les prix respectifs pour la première qua-
lité de diverses tailles, la deuxième qualité de
diverses tailles et la troisième qualité de diverses
tailles. Il a ensuite appliqué les poids et les catégo-
ries (il n'y avait pas de troisième qualité) établis
par l'inspecteur canadien et qui figurent sur la
pièce A, qui est devenue la pièce 10. Selon ce
compte plus précis, le résultat du calcul fait par le
capitaine Rasmussen était au total de 1 020 470,17
couronnes. (Ce témoignage est consigné aux
pages 79 85 de la transcription du premier jour.)
Si le cours du change est de 7 couronnes pour 1 $
can, la valeur du poisson saisi est de 145 781,45 $.
Ce résultat dépasse de 1 272,28 $ le résultat cal-
culé ci-dessus au prix moyen suivant la qualité et
la taille. Ces deux résultats sont inférieurs de
37 200 $ à 38 500 $ à la somme demandée dans la
déclaration des demandeurs.
La pièce 11 consiste dans des factures datées du
ler novembre 1982 et du 31 janvier 1983 sur
lesquelles figurent les prix effectivement versés à
l'Office. Il s'agit certainement de la meilleure
preuve des prix commerciaux de la «morue salée en
vert, destinée à être salée-séchée» déchargée de
navires portugais à divers ports de Terre-Neuve, à
l'époque en cause. C'est M. Wheeler de l'Office du
poisson salé qui a inscrit les prix à l'encre rouge
sur ces factures formant la pièce 11. Le poisson
provenant du Bordoyarnes était, au moment de
son déchargement, de la «morue salée, non séchée»
du genre indiqué dans la pièce 11. D'après le
rapport d'inspection, pièce 12, confirmé par l'ins-
pecteur Ralph Randell, qui a déposé, la cargaison
de poisson des demandeurs a été classée comme
suit: 12 % de première qualité et 88 % de qualité
normale. Ces pourcentages ne concordent pas avec
ceux qu'indique la pièce 10, soit le compte rendu
présenté par l'Office canadien du poisson salé au
Centre de distribution des biens de la Couronne:
18 584 livres de première qualité et 135 216 livres
de qualité normale. Toutefois, comme la pièce 10
indique les tailles en détail, elle est acceptée
comme étant la meilleure preuve sur la base de
laquelle des calculs peuvent être faits.
Le rapport de M. Randell, pièce 9, en date du 7
décembre 1982, montre clairement l'état du pois-
son des demandeurs au moment où il a été enlevé
prématurément de la cale du Bordoyarnes, puis-
qu'il n'était salé que depuis peu, qu'il n'était pas
salé à coeur, et qu'il était naturellement mou,
flasque et contenait de l'eau. Ce n'est pas la faute
des demandeurs si le poisson était dans cet état,
car eux, ils n'y auraient pas touché au début de
novembre 1982. Quoique la question de savoir si
chaque poisson a été fendu du côté droit ou du côté
gauche ait fait l'objet de témoignages très confus,
en dernière analyse, cela n'a aucune importance.
Les demandeurs ont le droit de récupérer à l'égard
de chaque qualité et de chaque taille les meilleurs
prix que Sa Majesté a obtenus sur le marché à
l'époque en cause. Par l'effet de la loi, leur poisson
est devenu le bien de Sa Majesté et par consé-
quent, les meilleurs prix obtenus pour ce bien,
doivent, conformément à l'obligation en équité de
la Couronne envers les demandeurs, être crédités
aux demandeurs.
Dans son mémoire, l'avocat des demandeurs a
établi les meilleurs prix par livre d'après les factu-
res de la pièce 11:
gros, première qualité ... 1,26 $
moyens, première
qualité ... 1,04 $
petits, première qualité ... 0,86 $
gros, qualité normale ... 1,16 $
moyens, qualité normale ... 0,94 $
petits, qualité normale ... 0,75 $
En appliquant les poids indiqués dans la pièce 10
aux meilleurs prix par livre figurant sur les factu-
res de la pièce 11, on obtient les résultats suivants:
gros, première
qualité ... 2 125 lbs x 1,26... 2 677,50 $
moyens, première
qualité ... 13 912 lbs x 1,04... 14 468,48 $
petits, première
qualité ... 2 547 lbs x 0,86... 2 190,42 $
gros, qualité
normale ... 12 594 lbs x 1,16... 14 609,04 $
moyens, qualité
normale ... 94 455 lbs x 0,94... 88 787,70 $
petits, qualité
normale ... 28 167 lbs x 0,75... 21 125,25 $
TOTAL 153 800 lbs 143 858,39 $
La Cour conclut que la somme totale de
143 858,39 $ représente la pleine valeur vénale du
poisson salé tel qu'il a été enlevé du navire des
demandeurs. C'est l'indemnité correcte à laquelle
ils ont droit pour l'appropriation par vente de leur
poisson. De cette somme ils ont déjà perçu
51 394,57 $, le solde de ce qui leur est dû s'élevant
à 92 463,82 $.
Comme les défendeurs ont refusé de verser le
plein montant, le solde de 92 463,82 $ correspond
exactement aux dommages spéciaux subis par les
demandeurs par suite du délit des défendeurs qui
ont retenu le solde.
Cette action, après tout, semble être de nature
délictuelle. Les défendeurs soutiennent que le
recours des demandeurs est prévu au paragraphe
6(9) de la Loi et, puisqu'il s'agit d'un recours
prévu par la Loi et auquel ils se sont accommodés
par leur observation présumée de la Loi, il ne peut
être question de responsabilité délictuelle. Cette
position des défendeurs n'est pas valable pour plu-
sieurs raisons.
La première raison, c'est que la Loi elle-même
ne dispose pas que le recours est exclusif de tout
autre: «le produit de la vente doit être versé, à la
personne de qui ... les effets ont été pris».
La deuxième raison souligne la pertinence et
l'objet de la première. Comme le produit peut ne
pas être suffisant pour indemniser de sa perte la
personne qui y a droit, voire être dérisoire (comme
dans l'affaire McRae précitée), la personne tou-
chée pourrait se voir injustement infliger une perte
importante ou une perte quelconque, si elle devait
accepter tout «produit» perçu, sans avoir droit à un
dédommagement complet. Faute de disposition
précise et pertinente tendant à produire un résultat
aussi injuste, on ne peut pas prêter au Parlement
l'intention de commettre une telle injustice envers
les personnes dont les biens ont été saisis. De fait,
à la lumière de l'alinéa l a) de la Déclaration
canadienne des droits, S.R.C. 1970, Appendice
III, il faut interpréter le paragraphe 6(9) de la Loi
sur la protection des pêcheries côtières comme
accordant au demandeur Rasmussen au moins «le
droit ... à la jouissance de ses biens, et le droit de
ne s'en voir privé que par l'application régulière de
la loi». Le délit d'appropriation illégale de biens
consiste précisément dans le fait de priver illégiti-
mement une personne de la jouissance de ses biens
et l'appropriation par vente donne droit à une
indemnité complète et équitable pour les biens qui
ne peuvent plus être retrouvés et restitués. Quand
l'état s'approprie des biens par vente conformé-
ment à la loi, il ne s'agit plus d'une question
d'intérêts purement privés et la Déclaration des
droits entre en jeu. Aucune loi du Parlement ne
déclare que le paragraphe 6(9) de la Loi sur la
protection des pêcheries côtières s'appliquera
nonobstant la Déclaration canadienne des droits
au sens de l'article 2 de celle-ci.
La troisième raison, surtout quand la Couronne
s'approprie les biens saisis par l'effet de la loi, en
l'occurrence la Loi sur le poisson salé, c'est que le
Parlement ne saurait avoir eu l'intention de per-
mettre à la Couronne d'obtenir un enrichissement
sans cause sans avoir à en rendre compte. La
quatrième raison réside dans l'adoption même de
la Loi sur la responsabilité de la Couronne, aux
termes de laquelle la Couronne, source de justice,
est civilement responsable des délits civils commis
par ses préposés, sans que soient requis une péti-
tion de droit ou un fiat.
Pour ces raisons, il est manifeste que les deman-
deurs ne sont pas tenus de se contenter de la
somme que la Couronne juge bon de leur verser au
titre du produit de la vente, en application du
paragraphe 6(9) de la Loi sur la protection des
pêcheries côtières. Pour avoir refusé de recourir à
un appel d'offres pour vendre le poisson des
demandeurs, pour s'être approprié le poisson elle-
même, pour avoir vendu le poisson à son profit,
pour avoir refusé d'indemniser les demandeurs en
leur versant la pleine valeur marchande du poisson
et pour s'être enrichie sans cause grâce à ce profit,
la Couronne est responsable du délit d'appropria-
tion illégale par la vente des biens des demandeurs.
Des dommages-intérêts spéciaux ont été établis
ci-dessus. Les demandeurs ont également demandé
des dommages-intérêts généraux mais leur
demande n'est étayée par aucune preuve. Le fait
pour le capitaine et l'équipage du Bordoyarnes de
continuer de pêcher en novembre dans la mer du
Labrador au moment où les jours sont plus courts,
afin de regagner leur port avec une cale pleine, a
peut-être présenté des inconvénients, mais ceux-ci
ne peuvent certainement pas donner lieu à des
dommages-intérêts généraux si aucune preuve ne
permet de les établir. Sans aucun doute, des frais
supplémentaires ont dû être engagés pour l'appro-
visionnement en nourriture, carburant et sel, qui
auraient pu être inclus dans des dommages-intérêts
spéciaux, si le montant en avait été établi. Par
conséquent, aucuns dommages-intérêts généraux
ne seront accordés.
Les demandeurs demandent également des dom-
mages-intérêts exemplaires. Toutefois, puisqu'ils
ont restreint leur demande au délit d'appropriation
par vente, les dommages-intérêts spéciaux qui leur
sont accordés constituent une réparation suffisante
du préjudice subi. Après tout, les défendeurs n'ont
pas fait preuve d'arbitraire ou de malveillance, et
ils ne les ont pas dépouillés. Il a été souligné plus
haut que les demandeurs ont reconnu la bonne foi
des préposés des défendeurs; il faut en tenir
compte. La Loi autorise la saisie non seulement de
tout le poisson pris mais également du navire
lui-même. Les défendeurs s'en sont abstenus sage-
ment. Au surplus, les défendeurs ont prorogé la
licence des demandeurs pour leur permettre de
récupérer la perte du poisson saisi en continuant de
pêcher pendant un laps de temps plus long. Ce
geste ne peut certainement pas être qualifié d'op-
pressif. Aucun argument valable n'a été avancé en
l'espèce qui justifie des dommages-intérêts exem-
plaires.
Les demandeurs demandent également des
intérêts:
[TRADUCTION) ... sur la somme de 51 394,57 $ du 12 novem-
bre 1982 au 24 mai 1984, ainsi que des intérêts sur la somme
que cette Cour accordera à compter du 12 novembre 1982.
Cette demande porte sur des intérêts courus avant
jugement. Les articles 35 et 40 de la Loi sur la
Cour fédérale, S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10,
traitent de l'intérêt sur les jugements. L'article 35
interdit d'accorder des intérêts dans le cas d'une
demande contre la Couronne, «à moins qu'il n'exis-
te un contrat stipulant le paiement d'un tel intérêt
ou une loi prévoyant, en pareil cas, le paiement
d'intérêt par la Couronne». Il n'est question d'au-
cun contrat dans le cas qui nous occupe. Toutefois,
aux termes du paragraphe 3(1) de la Loi sur la
responsabilité de la Couronne, «La Couronne est
responsable des dommages dont elle serait respon-
sable, si elle était un particulier majeur et capable»
[Soulignements ajoutés.]. C'est une loi applicable.
En vertu de celle-ci, des intérêts peuvent être
accordés avant jugement contre la Couronne dans
des actions en responsabilité civile délictuelle dans
le cas où ces intérêts devraient être payés par un
particulier majeur et capable, conformément à la
loi de la province qui attribue la compétence pour
connaître de ces actions. Voilà le raisonnement de
la Division d'appel de cette Cour dans Marshall c.
Canada (1985), 60 N.R. 180. En l'espèce, la res-
ponsabilité est régie par la loi de Terre-Neuve, où
le délit a été commis.
L'assemblée législative de Terre-Neuve a inséré
des dispositions relatives aux intérêts antérieurs au
jugement dans la loi intitulée The Judgment Inte
rest Act, S.N. 1983, chap. 81, qui a reçu la
sanction royale le 21 décembre 1983 et a été
proclamée en vigueur le 2 avril 1984 en application
du Règlement 63/84 de Terre-Neuve. La première
question à trancher est celle de savoir si cette Loi
s'applique dans le cas présent. À cet égard, l'arti-
cle 10 est pertinent. Voici le texte de celui-ci:
[TRADUCTION] 10. Cette Loi ne s'applique pas à une cause
d'action qui a pris naissance avant l'entrée en vigueur de la
présente Loi ni à une créance adjugée et payable avant l'entrée
en vigueur de la présente Loi. [Soulignements ajoutés.]
Quand la cause d'action des demandeurs a-t-elle
pris naissance? Comme la Cour l'a déjà décidé, le
délit d'appropriation des biens des demandeurs a
été commis lorsque les défendeurs ont refusé de
verser aux demandeurs la pleine valeur vénale de
leurs biens et se sont ainsi approprié illicitement au
profit de Sa Majesté la différence entre la somme
versée et la pleine valeur vénale. Selon le paragra-
phe 6(9) de la Loi sur la protection des pêcheries
côtières, l'obligation des défendeurs de payer cette
pleine valeur ne pouvait prendre naissance avant
que les «procédures à l'égard de l'infraction ... ne
se terminent». Les procédures ne se sont terminées
qu'à l'issue de toutes les procédures d'appel, selon
l'arrêt de la Cour suprême du Canada dans
Leblanc et autre c. Curbera, [1983] 2 R.C.S. 28,
aux pages 32 et 33.
La cause d'action des demandeurs ne pouvait
donc pas prendre naissance avant que la Couronne
n'ait abandonné son appel (pièce 7) le 22 mars
1984. Les demandeurs concèdent aux défendeurs
un délai de grâce de quelques jours, voire quelques
semaines dans lequel ils devront fixer la somme à
payer et demander l'émission d'un chèque. La
Cour ne dispose d'aucun élément de preuve quant
au moment précis où les défendeurs ont fait con-
naître leur refus de payer la pleine valeur du
poisson des demandeurs. Toutefois, la date à
laquelle les avocats des demandeurs ont reçu le
chèque de 51 394,57 $ ( pièce 8) des défendeurs est
le 25 mai 1984. Cette somme, selon les prétentions
des défendeurs, constitue le règlement complet de
la créance des demandeurs et par conséquent la
date à laquelle elle a été perçue par ces derniers est
la date où les défendeurs ont commis le délit
d'appropriation illégale par vente du poisson des
demandeurs. C'est donc le 26 mai 1984 qu'a pris
naissance la cause d'action des demandeurs.
C'est-à-dire après l'entrée en vigueur de la loi dite
The Judgment Interest Act qui s'applique en con-
séquence en l'espèce.
Au paragraphe 3(1), la Loi prescrit que la Cour
accorde des intérêts sur tout jugement [TRADUC-
TION] «ayant pour objet le paiement d'une somme
d'argent ou jugement entérinant une créance ...
sur le montant adjugé calculé conformément à la
présente Loi». L'intérêt commence à courir non
pas le jour où le demandeur notifie sa demande au
défendeur, ou la fait valoir de quelque façon, mais
plutôt, conformément aux prescriptions générales
du paragraphe 4(1), [TRADUCTION] «la cour doit
... calculer les intérêts en vertu de la présente Loi
à compter du jour où la cause d'action a pris
naissance jusqu'à la date du jugement au taux
d'intérêt moyen en vigueur pendant cette période».
Qu'il en soit ainsi. L'avocat des demandeurs sou-
tient que le taux, fixé par règlement à 9 % par
année, n'a pas varié. De toute façon, des intérêts
avant jugement sont accordés conformément aux
dispositions de la loi dite The Judgment Interest
Act et du règlement d'application de celle-ci.
Pour ce qui est de l'intérêt sur le jugement
lui-même, la loi de Terre-Neuve relative aux inté-
rêts fait cependant place à l'article 40 de la Loi sur
la Cour fédérale, aux termes duquel un jugement,
notamment un jugement contre la Couronne, porte
intérêt à compter du moment où le jugement est
rendu au taux prescrit par l'article 3 de la Loi sur
l'intérêt [S.R.C. 1970, chap. I-18].
L'avocat des demandeurs a présenté après le
procès un mémoire remarquable dont voici la
teneur:
[TRADUCTION] Du point de vue des demandeurs, ceux-ci ont
été privés de l'usage de cet argent et il en a résulté des
dommages-intérêts généraux, c'est-à-dire des dommages-inté-
rêts qui sont présumés par la loi découler naturellement d'une
action. Les demandeurs demandent la permission de modifier
leur déclaration afin de demander ces dommages-intérêts
spéciaux.
Le sens de cette demande n'est pas évident.
Comme on l'a vu plus haut, aucune preuve n'a été
produite qui permette d'établir le montant de dom-
mages-intérêts généraux ou d'accorder de tels
dommages-intérêts en l'espèce. En outre, comme
elle l'a dit plus haut, la Cour accorde en fait des
dommages-intérêts spéciaux aux demandeurs qui
s'élèvent à 92 463,82 $. La permission de modifier
la déclaration, suivant la demande présentée, ne
sera pas accordée.
Il ne reste qu'à statuer sur les dépens qui natu-
rellement suivront l'issue de la cause. L'avocat des
demandeurs demande que des dépens soient adju-
gés suivant l'échelle entre [TRADUCTION] «le pro-
cureur et son client». Il demande également la
permission de récupérer les dépens auxquels les
demandeurs ont été condamnés dans l'affaire Ras-
mussen c. Breau, précitée. Il va sans dire que
l'avocat des défendeurs s'oppose à cette demande.
Ce litige a sans aucun doute été long et difficile
mais pas excessivement. L'affaire a été _ assez
extraordinaire sous un aspect, à savoir la distance
que le demandeur, le capitaine Rasmussen a dû
parcourir. Il a dû faire appel également à son
propre avocat des Féroé non seulement pour le
conseiller sur des questions de droit mais encore
pour l'aider à faire face à un procès instruit dans
une langue dans laquelle il a de la difficulté à
s'exprimer. Les demandeurs devraient être donc
indemnisés de leurs frais de déplacement qu'ils ont
nécessairement supportés ou qui ont nécessaire-
ment été entraînés par la poursuite de leur récla-
mation. Parmi ces frais de déplacement, on compte
ceux engagés par ou pour M. Tormodur Djurhuus,
qui a assisté au procès à St. Johns. S'il est impossi
ble de retrouver et de présenter maintenant les
reçus ou les billets d'avion, les notes d'hôtel et les
reçus de taxis et de repas, les avocats des parties
ou, par la suite, l'officier taxateur peut prendre
connaissance des tarifs des compagnies d'aviation,
des hôtels, etc., qui étaient généralement en
vigueur à l'époque en cause, afin d'établir le mon-
tant de ces frais.
Les dépens seront taxés conformément au tarif
de la Cour actuellement en vigueur, sauf si les
procureurs sont tombés d'accord sur le montant de
ceux-ci. L'avocat des demandeurs n'a pas persuadé
la Cour d'inclure les dépens déjà adjugés contre les
demandeurs, ni d'adjuger les dépens suivant
l'échelle qu'il préconise. L'affaire comportait cer-
taines difficultés, c'est certain, comme l'a fait
observer la Cour à la fin du procès. Il se pourrait
donc que les procureurs et l'avocat des demandeurs
aient eu de bonnes raisons d'examiner des possibi-
lités qui ne se sont pas avérées décisives en l'es-
pèce. Par conséquent, la Cour, exerçant sa discré-
tion, accorde aux demandeurs 130 % de tous les
honoraires taxés de procureur et d'avocat indiqués
au tarif actuel de la Cour et ces honoraires, soit
accompagnés du supplément de 30 %, soit fixés à
130 %, doivent figurer sur le mémoire de frais taxé
et certifié. La Cour suggère que le paiement soit
fait en fiducie aux procureurs des demandeurs à la
condition qu'ils donnent leur décharge et la quit-
tance des demandeurs sous une forme approuvée
par les procureurs des défendeurs avant le débour-
sement par les procureurs des demandeurs.
Conformément à la Règle 337(2)b) [Règles de
la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663], la Cour
charge les procureurs des demandeurs de préparer
un projet de jugement approprié pour donner effet
à la décision de la Cour, et d'en faire approuver au
moins la forme par les procureurs des défendeurs,
avant de demander que le jugement soit prononcé.
L'inscription de l'assentiment des procureurs des
défendeurs pour ce qui est de la forme permettra
de parer à la plupart des formalités d'enregistre-
ment du jugement. Les procureurs et les .,avocats
des parties peuvent, par écrit et moyennant notifi
cation réciproque, demander que soit dissipée toute
ambiguïté relevée dans les présentes.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.