T-1029-88
Cactus Machinery Inc. (demanderesse)
c.
Mapro Inc. (défenderesse)
RÉPERTORIÉ: CACTUS MACHINERY INC. C. MAPRO INC.
Section de première instance, juge Teitelbaum—
Toronto, 11 janvier; Ottawa, 19 janvier 1989.
Brevets — Pratique — Requête concluant à une décision, à
titre interlocutoire, que Mapro a droit au brevet — Le com-
missaire des brevets a conclu à l'existence de revendications
concurrentes, mais il a accordé la priorité à Mapro — Cactus
a introduit une action auprès de la Cour fédérale en vertu de
l'art. 45(8) de la Loi sur les brevets en vue de la détermination
des droits respectifs des parties — Mapro conclut à un préju-
dice irréparable puisque, selon la loi existante, elle est incapa
ble de réclamer des dommages-intérêts pour contrefaçon de
brevet avant la délivrance d'un brevet — Il n'y aura pas
délivrance de brevet tant que l'appel n'aura pas été décidé —
L'art. 45(8) n'autorise pas de décisions temporaires — Nulle
part est-il fait mention des mots «interlocutoire» ou «tempo-
raire» — Le droit au brevet doit être décidé par le juge de
première instance, saisi de l'appel par voie de procès de novo,
et non par le juge des requêtes, de façon sommaire et tempo-
raire — Le retard délibéré des procédures n'a pas été établi.
Pratique — Préservation temporaire d'un bien — Demande
de détermination interlocutoire des droits des parties en appli
cation de l'art. 45(8) de la Loi sur les brevets — Le brevet n'est
pas encore délivré — La Règle 470 ne peut servir à préserver
des droits qui n'existent pas encore.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Loi sur les brevets, S.R.C. 1970, chap. P-4, art. 10 (mod.
par S.C. 1987, chap. 41, art. 2), 45(3),(8) (mod. par
S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10, art. 64), 57 (mod.
par S.C. 1987, chap. 41, art. 21).
Règles de la Cour fédérale, C.R.C., chap. 663, Règles
419(1)c), 470.
JURISPRUDENCE
DÉCISION APPLIQUÉE:
Sankey c. Ministre des Transports, [1979] 1 C.F. 134
(1' inst.).
DÉCISION CITÉE:
Scott Paper Co. c. Minnesota Mining and Manufacturing
Co. (1981), 53 C.P.R. (2d) 26 (C.F. ]re inst.).
AVOCATS:
Stephen M. Lane pour la demanderesse.
Daniel Hitchcock pour la défenderesse.
PROCUREURS:
Sim, Hughes, Dimock, Toronto, pour la
demanderesse.
Riches, McKenzie & Herbert, Toronto, pour
la défenderesse.
Ce qui suit est la version française des motifs
de l'ordonnance rendus par
LE JUGE TEITELBAUM: Le 3 juin 1988 la
demanderesse, Cactus Machinery Inc. (Cactus) a
déposé au greffe de la Cour fédérale du Canada la
déclaration dans laquelle elle sollicite:
[TRADUCTION] (A) une ordonnance portant que, entre les
parties, la demanderesse a le droit à la délivrance d'un brevet
comprenant les revendications concurrentes Cl à C18, comme
elle en a fait la demande, et qu'un brevet comprenant les
revendications concurrentes Cl à C18 soit délivré à la
demanderesse;
(B) subsidiairement, une ordonnance portant que la défende-
resse n'a pas droit à la délivrance d'un brevet comprenant les
revendications concurrentes Cl à C18;
(C) toute autre réparation que cette Cour peut estimer équita-
ble en vue de la détermination des droits respectifs des parties;
(D) ses dépens dans la présente action.
Le dépôt de cette déclaration a eu lieu après que
le commissaire des brevets eut statué sur les
«revendications concurrentes» qui opposent Cactus
et la défenderesse Mapro Inc. (Mapro). Après le
dépôt de la déclaration, Mapro a déposé une
défense, le 5 juillet 1988.
L'avis de requête dont je suis maintenant saisi a
été déposé le 7 septembre 1988. Dans l'avis de
requête qu'elle a déposé, Mapro sollicite:
[TRADUCTION] 1. la décision, à titre interlocutoire, portant
que la défenderesse a droit à la délivrance d'un brevet compre-
nant les revendications concurrentes Cl à C18, comme elle en a
fait la demande et comme en a déjà statué le commissaire des
brevets, et qu'un brevet comprenant les revendications concur-
rentes Cl à C18 soit délivré à la défenderesse; [C'est moi qui
souligne.]
2. qu'il soit ordonné au commissaire des brevets de prendre
immédiatement et avec célérité toutes les mesures nécessaires
pour qu'il soit fait droit à la demande de brevet de la défende-
resse portant le numéro d'ordre 398,389 et comprenant les
demandes concurrentes Cl à C18;
3. subsidiairement, qu'il soit permis au commissaire des brevets
de prendre immédiatement et avec célérité toutes les mesures
nécessaires pour qu'il soit fait droit à la demande de brevet de
la défenderesse portant le numéro d'ordre 398,389 et compre-
nant les demandes concurrentes Cl à C18;
4. les dépens de cette requête; et
5. toute autre réparation que cette Cour peut estimer
équitable.
Les moyens dont fait état la requête sont les
suivants:
[TRADUCTION] a) Selon les affidavits de la demanderesse et de
la défenderesse, le commissaire des brevets a déjà statué que la
défenderesse a droit aux revendications concurrentes Cl à C18;
b) la demanderesse retarde délibérément et avec l'intention de
nuire l'aboutissement de la demande de brevet de la défende-
resse de façon à éviter non seulement le paiement de domma-
ges-intérêts pour contrefaçon mais encore le risque même
d'avoir à en payer;
c) l'appareil de séchage de la demanderesse est visé par les
revendications concurrentes Cl à C18 et il constituerait la
violation des droits sur tout brevet devant être délivré à l'égard
des revendications concurrentes Cl à C18;
d) en retardant la délivrance du brevet à la défenderesse, la
demanderesse prolonge le temps pendant lequel il lui est possi
ble de fabriquer et de vendre au Canada son appareil de
séchage sans l'obligation, ni même le risque de l'obligation, de
payer des dommages-intérêts pour violation de brevet;
e) il n'existe aucun droit rétroactif associé aux brevets qui
permette au breveté de recouvrer des dommages-intérêts pour
des actes antérieurs à la délivrance d'un brevet;
f) n'était-ce de la demanderesse dont les actions retardent la
délivrance d'un brevet à la défenderesse, celui-ci aurait été
délivré à cette dernière, et il serait alors loisible à la demande-
resse [sic] de poursuivre la demanderesse pour violation des
droits attachés au brevet, et de réclamer des dommages-intérêts
à compter de la date de délivrance du brevet et de recouvrer ces
dommages-intérêts une fois l'affaire finalement réglée par un
tribunal;
g) du fait de la demanderesse, la défenderesse ne peut réclamer
des dommages-intérêts tant que le brevet n'a pas été délivré, ce
qui ne se produira pas d'ici plusieurs années si la demanderesse
maintient cette action; et
h) si l'ordonnance recherchée n'est pas accordée, la défende-
resse subira un préjudice irréparable parce qu'elle ne peut pas
être dédommagée à l'égard des dommages-intérêts perdus
qu'elle ne peut recouvrer de la demanderesse.
Comme l'a souligné l'avocat de Mapro, la pré-
sente requête est quelque chose de nouveau car,
pour autant qu'il le sache, il n'a jamais été fait une
requête semblable en délivrance de brevet à titre
interlocutoire.
Le dépôt de la déclaration par Cactus, le 3 juin
1988, constitue un appel par voie de nouveau
procès (voir l'arrêt Scott Paper Co. c. Minnesota
Mining and Manufacturing Co. (1981), 53 C.P.R.
(2d) 26 (C.F. ire inst.)) contre la décision du
commissaire des brevets dans une procédure de
conflit engagée sous le régime du paragraphe
45(8) de la Loi sur les brevets [S.R.C. 1970, chap.
P-4 (mod. par S.R.C. 1970 (2e Supp.), chap. 10,
art. 64)].
Mapro a déposé, le 15 mars 1982, une demande
de brevet portant le numéro d'ordre 398,389 par la
voie de son précurseur. Cactus a déposé, le 17
mars 1983, une demande de brevet portant le
numéro d'ordre 423,806. Le commissaire des bre-
vets, conformément au paragraphe 45(3) de la Loi
sur les brevets, a avisé les parties aux présentes
que les demandes déposées étaient concurrentes.
Par une décision en date du 3 décembre 1987, le
commissaire a avisé Cactus qu'il devait être fait
droit aux revendications concurrentes (Cl à C18)
en faveur de Mapro pour ce qui est de la demande
portant le numéro d'ordre 398,389 et être rejetées
à l'égard de la demande de Cactus ayant le
numéro de série 423,806. Conformément au para-
graphe 45(8), Cactus a déposé une déclaration par
laquelle elle contestait la décision du 3 décembre
1987.
Deux questions doivent être réglées. Tout
d'abord, il faut décider si la Cour est compétente à
déterminer, de façon interlocutoire, les droits res-
pectifs des parties dans les questions contestées, et
ensuite, si elle peut ordonner au commissaire des
brevets de délivrer, toujours de façon interlocu-
toire, le brevet demandé par Mapro.
Voici le libellé du paragraphe 45(8) de la Loi
sur les brevets:
45....
(8) Les revendications concurrentes doivent être rejetées ou
admises en conséquence, à moins que, dans un délai que fixe le
commissaire et dont avis est donné aux divers demandeurs, l'un
d'eux ne commence des procédures à la Cour fédérale en vue de
déterminer leurs droits respectifs, auquel cas le commissaire
doit suspendre toute action ultérieure sur les demandes concur-
rentes, jusqu'à ce que, dans cette action, il ait été déterminé:
a) que de fait, il n'existe aucun conflit entre les revendica-
tions en question,
b) qu'aucun des demandeurs n'a droit à la délivrance d'un
brevet contenant les revendications concurrentes, selon la
demande qu'il en a faite,
c) qu'il peut être délivré, à l'un ou à plusieurs des deman-
deurs, un brevet ou des brevets contenant des revendications
substituées, approuvées par la cour, ou
d) que l'un des demandeurs a droit à l'encontre des autres, à
la délivrance d'un brevet comprenant les revendications con-
currentes, selon la demande qu'il en faite. [C'est moi qui
souligne.]
Il est à noter que nulle part au paragraphe 45(8)
est-il fait mention du mot interlocutoire, pas plus
d'ailleurs que du mot temporaire. Ce que l'on dit,
c'est que le commissaire «doit suspendre toute
action ultérieure». J'estime que cela signifie que le
commissaire ne doit prendre aucune autre mesure
ni faire quoi que ce soit en ce qui concerne la
délivrance d'un brevet, jusqu'à ce que, «dans cette
action»—et à mon sens il faut entendre par là la
procédure d'appel de la décision du commissaire—
«il ait été déterminé [par la Cour]» que l'alinéa a),
b), c) ou d) du paragraphe 45(8) s'applique.
Mapro soutient, et je suis convaincu qu'elle a
raison, que Cactus sait que si elle interjetait appel
contre la décision du commissaire des brevets con-
formément au paragraphe 45(8) de 'la Loi sur les
brevets, Mapro n'obtiendrait pas le brevet tant
qu'il n'aurait pas été définitivement statué sur
l'appel, à supposer que la décision finale la favo-
rise, et que Cactus ne pourrait être tenue responsa-
ble d'aucun préjudice causé à Mapro en raison de
la violation du brevet tant que ce dernier n'a pas
été accordé à la défenderesse. Mapro estime
qu'elle perd actuellement des profits de 600 000 $
chaque année en raison des ventes de l'invention
faites par Cactus et à l'égard desquelles elle ne
peut même pas recouvrer des dommages-intérêts
pour contrefaçon, puisque le brevet d'invention n'a
pas été accordé.
Même si le brevet demandé était accordé à
Mapro, celle-ci ne pourrait réclamer des domma-
ges-intérêts pour les actions (les ventes) de Cactus
antérieures à la délivrance du brevet à Mapro. La
raison de cela est qu'actuellement, les demandes de
brevet encore pendantes ne peuvent être consultées
par le public (article 10 de la Loi sur les brevets).
Il est donc raisonnable que si un particulier ou une
société violait sans le savoir un brevet dont la
demande est encore en cours, il (ou elle) ne saurait
être tenu(e) de verser des dommages-intérêts.
Cette situation doit être modifiée par voie de
modifications apportées à la Loi sur les brevets
[S.C. 1987, chap. 41, art. 2, 21].
10. (1) Sous réserve des paragraphes (2) et (3) et de l'arti-
cle 20, les demandes de brevet et documents relatifs à celles-ci
et tous brevets et documents relatifs à ceux-ci, déposés au
Bureau des brevets, peuvent y être consultés aux conditions
fixées par règlement.
(2) Sauf sur autorisation du demandeur, ces demandes de
brevet et les documents relatifs à celles-ci ne peuvent être
consultées, dans le cas d'une demande à laquelle l'article 29
s'applique, qu'à l'expiration des dix-huit mois suivant leur date
de priorité ou, dans les autres cas, qu'à l'expiration des dix-huit
mois suivant la date de leur dépôt au Canada.
(3) La demande de brevet retirée avant l'expiration de la
période de temps applicable au titre du paragraphe (2) ne peut
être consultée.
57. (1) Quiconque contrefait un brevet est responsable
envers le breveté et toute personne se réclamant de celui-ci de
tous dommages-intérêts que cette contrefaçon a fait subir à ces
personnes après l'octroi du brevet. Il est également responsable
envers ceux-ci, à concurrence d'une indemnité raisonnable, des
dommages-intérêts qu'un acte de sa part leur a fait subir entre
la date à laquelle la demande de brevet est devenue accessible
sous le régime de l'article 10 et l'octroi du brevet, dans le cas où
cet acte aurait constitué une contrefaçon si le brevet avait été
accordé à la date où cette demande est ainsi devenue accessible.
[C'est moi qui souligne.]
Mapro affirme que parce qu'elle est actuelle-
ment dans l'impossibilité de réclamer des domma-
ges-intérêts, elle subit et continue de subir un
préjudice irréparable tant et aussi longtemps que
Cactus continue de vendre un produit dont Mapro
estime qu'il viole le brevet dont elle sera, un jour,
titulaire.
Avec égards, je ne suis pas d'accord avec cette
prétention; elle tient pour acquis que la Cour
fédérale décidera que Mapro obtiendra un juge-
ment en sa faveur ordonnant au commissaire des
brevets de lui délivrer le brevet qu'elle réclame.
Comme je l'ai dit, l'appel est un nouveau procès. Il
ne me semble pas ressortir clairement de la preuve
déposée que Cactus n'a aucune chance de convain-
cre un juge de première instance qu'elle devrait
avoir gain de cause. La preuve dont je dispose est
telle, étant donné que les deux parties réclament
des droits de brevet à l'égard d'une invention dont
l'auteur est la même personne, qu'il pourra être
possible à l'une ou l'autre partie de démontrer
qu'elle a certains droits sur l'invention litigieuse.
Le juge de première instance qui a l'avantage
d'entendre des témoins, experts aussi bien que
non-experts, et de nouveaux éléments de preuve le
cas échéant, serait mieux placé pour décider à qui
devrait être accordé le brevet. Cette question,
c'est-à-dire la prise d'une décision en vertu du
paragraphe 45(8), ne devrait pas être déterminée
de façon temporaire.
Ainsi donc, Mapro fait valoir que parce qu'on
permet à Cactus de continuer à vendre le produit
qu'elle vend actuellement, les droits que Mapro
obtiendra plus tard sur l'invention qui fait l'objet
de sa demande de brevet en cours perdent de la
valeur, d'où la présente demande fondée sur la
Règle 470 des Règles de la Cour fédérale [C.R.C.,
chap. 663], qui a trait à la conservation de certains
biens.
Règle 470. (1) Avant ou après l'introduction d'une action, la
Cour pourra, à la demande d'une partie, rendre une ordonnance
pour la détention, la garde ou la conservation de biens qui font
ou doivent faire l'objet de l'action, ou au sujet desquels peut se
poser une question dans l'action; et une telle demande doit être
appuyée par un affidavit établissant les faits qui rendent néces-
saire la détention, la garde ou la conservation de ces biens et
doit être faite par voie de requête dont avis doit être donné à
toutes les autres parties.
(2) Nonobstant l'alinéa (1), en cas d'urgence, une demande
en vertu de cet alinéa peut être faite sans avis et la Cour pourra
provisoirement y faire droit pour une période ne dépassant
pas 10 jours.
(3) Le demandeur à une action ne peut faire une demande
en vertu de l'alinéa (1) avant l'introduction de l'action qu'en
cas d'urgence, et dans ce cas, l'ordonnance peut être accordée à
des conditions prévoyant l'introduction de l'action et, le cas
échéant, aux autres conditions qui semblent justes.
(4) Une ordonnance rendue en vertu de l'alinéa (1) doit
identifier les biens à détenir, garder ou conserver et doit
indiquer en quel lieu, par qui, pendant combien de temps et aux
frais de qui les biens doivent être détenus, gardés ou conservés,
et elle doit prescrire, le cas échéant, les autres conditions qui
semblent justes dans les circonstances.
(5) Une ordonnance rendue en vertu de l'alinéa (1) doit
avoir exclusivement pour objet la protection des biens jusqu'à la
fin du procès.
(6) Une ordonnance rendue en vertu de l'alinéa (1) doit être
exécutée, dans la mesure où cela peut s'appliquer, de la même
façon qu'une saisie après jugement et les règles applicables à la
saisie après jugement doivent s'appliquer à l'exécution d'une
telle ordonnance dans la mesure où ces règles sont applicables.
(7) Lorsque le droit d'une partie à des fonds particuliers est
en litige dans une action, la Cour pourra, à la demande d'une
partie, ordonner que les fonds soient consignés à la Cour ou
autrement mis en sûreté.
(8) Une ordonnance prévue par la présente Règle peut être
rendue aux conditions qui, le cas échéant, semblent justes.
Mapro soutient que c'est le brevet qu'il faut
protéger. Son avocat fait valoir que [TRADUC-
TION] «c'est la valeur de l'invention que l'on tente
de préserver en obtenant un brevet jusqu'à l'audi-
tion» (de l'appel).
Je suis convaincu qu'il n'existe aucun droit de
brevet à protéger tant que le brevet n'a pas été
délivré. Ainsi donc, on ne peut recourir à la Règle
470 pour «préserver» des droits qui n'existent pas
encore.
Je suis persuadé qu'il n'existe, dans la Loi sur
les brevets actuelle, aucun article me permettant
de rendre une ordonnance enjoignant au commis-
saire des brevets d'autoriser la délivrance d'un
«brevet temporaire» ou d'un brevet à titre «interlo-
cutoire». Je ne crois pas que la Règle 470 des
Règles de la Cour fédérale me permet d'apporter
à la Loi sur les brevets la modification fondamen-
tale que Mapro réclame actuellement. Ce qu'il
faut, c'est modifier la Loi sur les brevets; or, seul
le Parlement peut agir en ce sens, et il est actuelle-
ment saisi de ces modifications (la possibilité de
réclamer des dommages-intérêts avant la déli-
vrance d'un brevet).
Si je rendais l'ordonnance recherchée par
Mapro, je déciderais de fait la question que seul un
juge de première instance devrait déterminer. Je
ne crois pas que l'on doive faire cela de façon
sommaire, à la suite d'une requête. Comme l'appel
de Cactus constitue un nouveau procès, seulement
après une audition complète la Cour devrait-elle
décider laquelle des deux parties a le droit de se
voir accorder un brevet.
On m'a cité la décision Sankey c. Ministre des
Transports, [1979] 1 C.F. 134 (1r° inst.). Il s'agis-
sait d'une demande d'injonction interlocutoire pro-
visoire en attendant l'issue finale de l'action. Un
avocat avait demandé à modifier sa demande de
façon à solliciter également des décisions provisoi-
res. Le juge Thurlow, qui était alors juge en chef
adjoint, a dit à la page 135:
A ma connaissance, aucun précédent ou règle de droit ne
permet de rendre une décision provisoire qui, en fait, réaliserait
intégralement le but de l'action principale sans qu'il y ait procès
au fond. Si la demande était justifiée ou justifiable, la Cour
pourrait à la rigueur intervenir dans ce cas pour rendre une
injonction destinée à maintenir le status quo jusqu'à ce que le
principal soit jugé, mais elle ne pourrait certainement pas
statuer par voie de déclaration provisoire d'un droit. Le fait que
la demande originaire serait probablement accueillie pourrait
persuader la Cour à rendre une injonction, sans qu'elle préjuge
le principal, que ce soit provisoirement ou définitivement.
Comme on peut le constater, le juge Thurlow dit
que la Cour ne devrait pas statuer par voie de
déclaration provisoire. Je suis convaincu que la
Cour ne peut ni ne doit rendre une décision provi-
soire en vertu du paragraphe 45(8) de la Loi sur
les brevets. Ce serait permettre de la sorte le
jugement sommaire d'une question très complexe.
Mapro allègue aussi que Cactus fait tout en son
pouvoir pour retarder délibérément les procédures
dont la Cour est actuellement saisie, que l'appel de
Cactus est vexatoire et futile aussi bien que
prescrit.
Rien dans la preuve dont je dispose n'indique
que Cactus ait agi de façon à retarder délibéré-
ment le cours normal de l'appel. Tout ce qui m'a
été démontré est que Cactus utilise le temps que
lui accordent les Règles de la Cour ou les délais
prévus par la Loi sur les brevets pour faire ce
qu'elle doit faire. Cela n'est pas la même chose que
de «retarder délibérément les procédures».
Si Mapro estime l'appel de Cactus vexatoire ou
futile, elle devrait alors déposer la demande prévue
à la Règle 419(1)c). Pour ce qui est de la préten-
tion de Mapro que Cactus ne peut, en raison de la
prescription, réclamer des droits sur l'invention en
litige, je suis persuadé qu'à moins que les parties
en l'espèce ne soient disposées à déposer un exposé
conjoint des faits, le juge qui entend l'affaire au
fond serait le mieux placé pour décider cette
question.
Je suis aussi persuadé que selon la preuve dont
je dispose, je ne rendrais pas l'ordonnance recher-
chée par Mapro, si j'avais la compétence néces-
saire pour la rendre. J'estime qu'étant donné la
preuve, le statu quo devrait être préservé jusqu'au
jugement final de l'affaire à la suite d'une audition
complète.
La demande est rejetée avec dépens en faveur de
Cactus Machinery Inc.
Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.