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A-498-88
Syndicat des travailleurs en télécommunications (appelant)
c.
Conseil de la radiodiffusion et des télécommunica- tions canadiennes et Télécommunications CNCP (intimés)
RÉPERTORIÉ: S.T.T. C. CANADA (CONSEIL DE LA RADIODIFFU- SION ET DES TÉLÉCOMMUNICATIONS CANADIENNES)
Cour d'appel, juges Marceau, MacGuigan et Des- jardins—Ottawa, 7 septembre et 13 octobre 1988.
Télécommunications Compétence du CRTC Appel est interjeté d'une décision du CRTC qui a exempté CNCP de l'exigence du dépôt des tarifs relatifs à la majorité de ses taxes La Loi prévoit-elle le pouvoir d'accorder l'exemp- tion? L'art. 320(3) n'autorise pas le CRTC à accorder l'exemption L'obligation de déposer les tarifs a un caractère continu La disposition accessoire a simplement pour objet d'habiliter le CRTC à permettre à une compagnie qui a fait défaut de déposer son tarif ou dont le tarif est rejeté de continuer d'exiger des taxes au cours de la période de prépa- ration de son nouveau tarif.
Interprétation des lois L'art. 320(3) de la Loi sur les chemins de fer permet-il au CRTC d'exempter une compagnie de l'obligation de déposer les tarifs relatifs à ses taxes? Les intimés soutiennent que le membre de phrase «lorsque le tarif n'en a pas été ainsi déposé» doit s'interpréter comme appuyant la prétention que le CRTC possède une telle compétence puisque le sens ordinaire de ce membre de phrase est «lorsqu'il y a absence de dépôt» La structure de la disposition en question et l'utilisation du mot «ainsi» après l'énonciation de l'obligation de déposer les tarifs interdisent une telle interpré- tation L'obligation d'effectuer le dépôt a un caractère continu La disposition incidente habilite le CRTC à per- mettre à une compagnie qui a fait défaut de déposer son tarif ou dont le tarif est rejeté de continuer d'exiger des taxes pendant la période nécessaire à la préparation et au dépôt de son nouveau tarif L'intention du Parlement était d'assurer que les taxes chargées sur le marché soient raisonnables La caractéristique fondamentale des dispositions législatives adoptées exige que les taxes soient approuvées avant de deve- nir exigibles.
Appel est interjeté d'une décision du Conseil de la radiodiffu- sion et des télécommunications canadiennes qui a exempté l'intimée CNCP du dépôt des tarifs relatifs à la plupart de ses taxes. Le Conseil considérait que le paragraphe 320(3) de la Loi sur les chemins de fer l'habilitait à exempter une compa- gnie d'un tel dépôt.
Arrêt: l'appel devrait être accueilli.
L'appréciation de sa compétence par le Conseil est erronée. La structure de l'ensemble de l'article concerné, la situation dans cet ensemble de la disposition d'exemption, de même que l'utilisation dans la version anglaise du terme «default» après
l'énonciation de l'obligation de déposer les tarifs interdisent une interprétation de cet article suivant laquelle le Conseil a le pouvoir d'exempter une compagnie du dépôt de ses tarifs. L'obligation de déposer les tarifs a un caractère continu. La disposition accessoire a pour seul objet d'habiliter le Conseil à permettre à une compagnie qui a fait défaut de déposer son tarif ou dont le tarif est rejeté d'exiger ses taxes et de poursui- vre ses activités au cours de la période nécessaire à la prépara- tion du tarif et au dépôt exigé.
Le Parlement est intervenu dans le domaine des télécommu- nications avec l'intention d'assurer que les tarifs établis soient justes et raisonnables. Cette politique est mise en œuvre par l'exigence que tous les tarifs soient approuvés avant de devenir exigibles.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Acte modifiant l'Acte des chemins de fer, 1903, S.C. 1906, chap. 42, art. 30(2), 31, 32, 33, 34, 35.
Loi des chemins de fer, S.R.C. 1906, chap. 37, art. 356. Loi des chemins de fer, 1919, S.C. 1919, chap. 68, art. 375(3).
Loi des chemins de fer, S.R.C. 1927, chap. 170, art. 375(3).
Loi modifiant la Loi des chemins de fer au sujet des télégraphes et des téléphones et de la juridiction de la Commission des chemins de fer, S.C. 1908, chap. 61, art. 4(2).
Loi nationale sur les attributions en matière de télécom- munications, S.R.C. 1970, chap. N-17 (mod. par S.C. 1987, chap. 34, art. 302), art. 64 (mod. par S.R.C. 1970 (2' Supp.), chap. 10, art. 65, item 32).
Loi sur les chemins de fer, S.R.C. 1952, chap. 234, art. 380(3).
Loi sur les chemins de fer, S.R.C. 1970, chap. R-2, art. 2 (mod. par S.R.C. 1970 (1" Supp.), chap. 10, art. 33(1); idem, chap. 35, art. 1; S.C. 1974, chap. 12, art. 22; S.C. 1987, chap. 34, art. 316), 320(2) (mod. par S.R.C. 1970 (1" Supp.), chap. 35, art. 2), (3), 376 (mod. par S.C. 1976-77, chap. 28, art. 49, item 7).
Projet de loi 19, Loi codifiant et modifiant la législation des chemins de fer, 2' session, 13' Parlement, 1919.
DOCTRINE
Canada. Débats de la Chambre des communes, vol. CXXXIV, 1919, 2' Session, 13' Parlement, Geo. V,
pages 357, 936, 2617, 2641, 2929, 3073, 4012.
AVOCATS:
James R. Aldridge, pour l'appelant.
Greg Vankoughnett et Lorne Abugov pour le Conseil de la radiodiffusion et des télécommu- nications canadiennes, intimé.
Michael H. Ryan, pour l'intimée Télécommu- nications CNCP.
Anthony H. A. Keenleyside pour l'interve- nante Télésat Canada.
Christopher Johnston, c.r. pour l'intervenante British Columbia Telephone Company. Laurence J. E. Dunbar pour l'intervenante Cantel Inc.
Glen W. Bell pour les Federated Anti-Poverty Groups of British Columbia, la Old Age Pen sioners' Organization, la Senior Citizen's Association et le Council of Senior Citizen's Organizations, intimés.
Personne n'a comparu pour l'intervenante Bell Canada.
PROCUREURS:
Rosenbloom & Aldridge, Vancouver, pour l'appelant.
Conseil de la radiodiffusion et des télécom- munications canadiennes, Ottawa, pour le Conseil de la radiodiffusion et des télécommu- nications canadiennes, intimé.
Canadien Pacifique Limitée, Toronto, pour l'intimée Télécommunications CNCP.
Clarkson, Tétrault, Ottawa, pour l'interve- nante Télésat Canada.
Bell Canada, Hull, pour l'intervenante Bell Canada.
The B.C. Public Interest Advocacy Centre, Vancouver, pour les Federated Anti-Poverty Groups of British Columbia, la Old Age Pen sioners' Organization, la Senior Citizen's Association et le Council of Senior Citizen's Organizations.
Johnston & Buchan, Ottawa, pour la British Columbia Telephone Company, intervenante. Charles M. Dalfen, Hull, pour l'intervenante Cantel Inc.
Ce qui suit est la version française des motifs du jugement rendus par
LE JUGE MARCEAU: Il s'agit d'un appel inter- jeté en vertu de l'article 64 [mod. par S.R.C. 1970 (2 e Supp.), chap. 10, art. 65, item 32] de la Loi nationale sur les attributions en matière de télé- communications [S.R.C. 1970, chap. N-17 (mod. par S.C. 1987, chap. 34, art. 302)] d'une décision de l'intimé, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC). La question juridique qu'il soulève est une question restreinte dans la mesure elle ne concerne que l'interprétation d'un membre de phrase court et
accessoire figurant dans une des dispositions de la Loi sur les chemins de fer, S.R.C. 1970, chap. R-2; un aspect fondamental de la compétence du Conseil est cependant en jeu, et l'importance de l'affaire est attestée par le fait que non moins de neuf (9) parties différentes ont demandé et obtenu l'autorisation d'intervenir dans l'instance'.
Depuis le début du siècle 2 , toutes les compagnies de téléphone et de télégraphe relevant de l'autorité législative du Parlement ont été assujetties à un régime réglementaire particulier dont la principale caractéristique est l'exigence que toutes les taxes que les compagnies prévoient charger—c'est-à- dire, tous les prix, tarifs et conditions reliés à leurs services (selon la définition de l'article 2 [mod. par S.R.C. 1970 (1e` Supp.), chap. 10, art. 33(1); idem, chap. 35, art. 1; S.C. 1974, chap. 12, art. 22; S.C. 1987, chap. 34, art. 316] de la Loi sur les chemins de fer)—soient préalablement approuvés par une autorité publique spécialisée, aujourd'hui le CRTC. Les paragraphes (2) [mod. par S.R.C. 1970 (lei Supp.), chap. 35, art. 2] et (3) de l'article 320 de la Loi sur les chemins de fer sont ainsi libellés:
' Celles-ci sont: les Télécommunications CNCP, Télésat Canada, Bell Canada, la British Columbia Telephone Com pany, Cantel Inc., les Federated Anti-Poverty Groups of British Columbia, la Old Age Pensioners' Organization, la Senior Citizen's Association, et le Council of Senior Citizen's Organizations.
2 En 1906, le Parlement a décidé de réglementer les tarifs téléphoniques en utilisant l'appareillage administratif existant qui était chargé du dépôt et de l'approbation des tarifs fixes relatifs au fret des chemins de fer (voir les articles 30 35 de l'Acte modifiant l'Acte des chemins de fer, 1903, S.C. 1906, chap. 42). En 1908, les tarifs du télégraphe ont, eux aussi, été assujettis au processus d'approbation des tarifs. Le Parlement a codifié et réédicté sa législation sur les chemins de fer en 1919 [Loi des chemins de fer, 1919, S.C. 1919, chap. 68]. Depuis, la disposition prévoyant le dépôt des tarifs du télégraphe et du téléphone est sortie pratiquement indemne des différentes révi- sions périodiques des Statuts du Canada. En fait, il est facile de suivre sur un parcours de quatre-vingts ans les dispositions allant du paragraphe en litige en l'espèce à son ascendant direct: [Loi des chemins de fer] S.R.C. 1970, chap. R-2, art. 320(3); [Loi des chemins de fer] S.R.C. 1952, chap. 234, art. 380(3); [Loi des chemins de fer] S.R.C. 1927, chap. 170, art. 375(3); [Loi des chemins de fer, 1919] S.C. 1919, chap. 68, art. 375(3); [Loi modifiant la Loi des chemins de fer au sujet des télégraphes et téléphones et de la jurisdiction de la Commis sion des chemins de fer] S.C. 1908, chap. 61, art. 4(2); [Loi des chemins de fer] S.R.C. 1906, chap. 37, art. 356; [l'Acte modi- fiant l'Acte des chemins de fer, 1903] S.C. 1906, chap. 42, art. 30(2).
320....
(2) Nonobstant les dispositions de toute autre loi, toutes les taxes de télégraphe et de téléphone que peut exiger une compa- gnie, à l'exception des taxes exigées, pour la transmission de messages destinés à être captés d'une façon générale par le public, par une compagnie titulaire d'une licence en vertu de la Loi sur la radiodiffusion, sont subordonnées à l'agrément de la Commission, qui peut les reviser à sa discrétion.
(3) La compagnie doit déposer au bureau de la Commission les tarifs des taxes de télégraphe ou de téléphone à exiger, et ces tarifs doivent être, sous le rapport de la forme, du format et du modèle, ainsi que des renseignements et des détails qu'ils doivent contenir, tels qu'à toute époque la Commission prescrit par voie de règlement ou dans un cas particulier; et, à moins d'avoir obtenu le consentement de la Commission, la compagnie ne doit pas exiger, et n'a pas le droit d'exiger, de taxe de télégraphe ou de téléphone lorsque le tarif n'en a pas été ainsi déposé ou que la Commission l'a rejeté. Toutefois, une compa- gnie qui, avant le I" mai 1908, percevait des taxes de télégra- phe ou de téléphone, peut, sans ce dépôt et cet agrément, pendant une période que permet la Commission, exiger les taxes de télégraphe ou de téléphone qu'elle était, immédiate- ment avant ladite date, autorisée par la loi à exiger, à moins que la Commission n'ait rejeté ou ne rejette ces taxes.
La décision contestée, la Décision Télécom CRTC 87-12 [22 septembre 1987], en est une dans laquelle le Conseil a accueilli une demande présen- tée par l'intimée CNCP, un fournisseur national de services de télécommunications, en vue d'être exemptée de l'obligation de déposer les tarifs rela- tifs à la plupart de ses taxes. L'appelant en l'espèce ainsi que d'autres intervenants s'étaient opposés à la demande en soumettant notamment que la Loi ne conférait aucun pouvoir d'accorder l'exemption sollicitée. Le passage de cette décision traitant de tels arguments était ainsi libellé:
Le Conseil a examiné les arguments présentés relativement aux pouvoirs que lui confère le paragraphe 320(3) de la Loi sur les chemins de fer. Dans le cas de plusieurs instances antérieures, le Conseil a jugé qu'il avait le pouvoir d'exempter de l'obliga- tion de déposer des tarifs. Le Conseil s'est prononcé dans ce sens dans le cas de la prestation, par exemple, de services de radio cellulaire, d'équipement terminal multiligne et de données et de stations terriennes par certains transporteurs. Après avoir examiné avec soin les arguments des parties à la présente instance, le Conseil ne voit aucune raison de changer d'avis que les transporteurs réglementés par le gouvernement fédéral peu- vent, conformément au paragraphe 320(3) de la Loi sur les chemins de fer, être autorisés à exiger des taxes sans dépôt de tarifs.
Cette décision, qui a réaffirmé le point de vue
adopté par le Conseil dans des décisions récentes', est celle qui est contestée dans le cadre du présent appel.
Le Conseil n'a présenté aucune analyse juridi- que à l'appui de sa conclusion que le paragraphe 320(3) de la Loi sur les chemins de fer lui confé- rait le pouvoir d'exempter un transporteur du dépôt de ses tarifs, mais il est évident, à la lecture de cette disposition, qu'il n'a pu se fonder que sur la présence, dans le corps de ce paragraphe, des termes «à moins d'avoir obtenu le consentement de la Commission». Je cite à nouveau le paragraphe 320(3), cette fois-ci dans ses deux versions et en soulignant certains passages:
320... .
(3) La compagnie doit déposer au bureau de la Commission les tarifs des taxes de télégraphe ou de téléphone à exiger, et ces tarifs doivent être, sous le rapport de la forme, du format et du modèle, ainsi que des renseignements et des détails qu'ils doivent contenir, tels qu'à toute époque la Commission prescrit par voie de règlement ou dans un cas particulier; et, à moins d'avoir obtenu le consentement de la Commission, la compagnie ne doit pas exiger et n'a pas le droit d'exiger, de taxe de télégraphe ou de téléphone lorsque le tarif n'en a pas été ainsi déposé ou que la Commission l'a rejeté ... [Je souligne.]
Énoncée simplement, l'argumentation mise de l'avant par les intimés à l'appui de la décision comporte deux volets. Il est dit premièrement que les termes utilisés dans cet article, lorsqu'ils se trouvent interprétés suivant leur sens ordinaire, appuient clairement la décision rendue par le Con- seil au sujet de sa compétence. Tel est le cas dès le moment le membre de phrase de la version anglaise «in respect of which there is default in such filing» n'est pas interprété comme signifiant [TRADUCTION] «au cas il y aurait défaut d'ef- fectuer un tel dépôt» ainsi que le prétend l'appelant mais plutôt comme signifiant [TRADUCTION] «lorsqu'il y a absence de dépôt», une interprétation acceptable dont le sens correspond de façon non équivoque à celui de la version française. Il est également soutenu d'une part que l'interprétation de la Commission est en harmonie avec l'objectif global de la Loi, la protection du public contre les abus de pouvoir susceptibles d'être commis en situation de monopole et l'établissement de taxes
3 Voir: Services améliorés, Décision Télécom CRTC 84-18 [12 juillet 1984]; Service radio cellulaire, CRTC Avis public Télécom 1984-85 [25 octobre 1984]; et Télésat-Canada— Changements à la réglementation des services de stations ter- riennes, Décision Télécom CRTC 86-6 [24 mars 1986].
justes et raisonnables, et d'autre part, que cette interprétation s'accorde avec le but fondamentale- ment recherché dans l'octroi de pouvoirs étendus à l'autorité réglementante, qui est de permettre à celle-ci de réagir aux différentes situations avec la flexibilité appropriée.
Cette argumentation ne me convainc pas.
Je suis tout simplement incapable d'interpréter le paragraphe 320(3) comme conférant au Conseil le pouvoir d'exempter une compagnie du dépôt de ses tarifs. La structure de l'ensemble de cet article, la situation dans cet ensemble de la disposition d'exemption, l'utilisation dans la version anglaise du terme «default» immédiatement après l'énon- ciation de l'obligation de déposer les tarifs dans les termes les plus impératifs, nous empêchent tous d'interpréter cette disposition législative dans ce sens. Il en va de même pour la version française, dans laquelle la clause incidente «lorsque le tarif n'en a pas été ainsi déposé» a, en particulier avec son utilisation du mot «ainsi», la même connotation que la version anglaise avec son mot «default». L'obligation de déposer les tarifs a un caractère continu, et le défaut d'une compagnie de s'y con- former doit toujours faire entrer en jeu les sanc tions prévues à l'article 376 [mod. par S.C. 1976-77, chap. 28, art. 49, item 7]. L'objet de cette disposition accessoire (qui, soit dit en pas- sant, a été ajoutée à l'occasion de la codification de 1919, apparemment sans un seul mot d'explica- tion , ) est, à mon avis, l'habilitation du Conseil à permettre à une compagnie qui a fait défaut de déposer son tarif ou dont le tarif est rejeté (deux situations qui, nous devons le noter, sont placées sur le même pied) d'exiger des taxes et ainsi de poursuivre ses activités au cours de la période
4 Le ministre des Chemins de fer et Canaux a déposé le Projet de loi 19—Loi codifiant et modifiant la législation des Chemins de fer—le 11 mars 1919. Après sa seconde lecture, qui a eu lieu le 28 mars, il a été renvoyé pour être étudié dans le détail devant un comité constitué à cette fin. Le 20 mai, le ministre a énuméré les 35 dispositions modifiées par ce comité sans faire aucune mention de celle qui nous intéresse.
La Chambre a discuté des dispositions du projet de loi qui précédaient et suivaient immédiatement ce qui allait devenir l'article 375, mais la modification apportée à cet article de l'ancienne Loi n'a suscité aucun débat. Voir Débats de la Chambre des communes, vol. CXXXIV, 1919, 2' Sess., 13' Parl., Geo. V, aux p. 357, 936, 2617, 2641, 2929, 3073 et 4012 et suivantes.
nécessaire à la préparation et au dépôt d'un tarif original ou renouvelé.
Étant parvenu à la conclusion que le texte de la disposition ne peut se prêter à l'interprétation que lui donne le Conseil, les arguments de politique qui ont été avancés à l'appui de la décision sur le fondement du contexte de l'espèce deviennent inu- tiles. Je ferai néanmoins quelques observations à leur sujet afin d'expliciter entièrement mon point de vue. Bien qu'il soit évident que l'établissement de taxes justes et raisonnables était la considéra- tion prépondérante du Parlement au moment il a décidé d'intervenir dans le secteur des télécom- munications, l'objet ou la raison d'être des disposi tions législatives qu'il a adoptées n'était pas de confier aux transporteurs la tâche d'établir de telles taxes ou de les leur imposer comme une obligation juridique directe. L'objet des disposi tions législatives était plutôt l'adoption d'un régime particulier pouvant assurer que les taxes chargées par les compagnies demeureraient justes et raisonnables indépendamment des conditions, concurrentielles ou autres, du marché. Ce régime, comme je l'ai dit dans mon exposé préliminaire, a pour caractéristique fondamentale l'exigence que toutes les taxes soient examinées minutieusement et approuvées avant de devenir exigibles. Le para- graphe 320(2) n'admet aucune exception à l'égard de cette exigence. La décision du Conseil, qui signifierait qu'il peut maintenant décider s'il régle- mentera les tarifs des télécommunications au moyen du dépôt et de l'approbation préalable du tarif ou par le seul jeu des [TRADUCTION] «lois du marché», est en contradiction complète avec l'objet et l'historique de la Loi. Quelle que puisse être l'importance des pouvoirs dévolus au Conseil, il va sans dire qu'ils sont limités et restreints par l'objet et l'économie de la Loi.
Je ne conteste évidemment pas le point de vue du Conseil selon lequel la justification de l'appro- bation des tarifs applicables à certains services dispensés par les compagnies a cessé d'exister. Il se peut fort bien qu'une certaine déréglementation partielle soit souhaitable—bien que j'aurais cru que si les tarifs devaient rester assujettis à un examen et à la possibilité d'une révision, ainsi que le prétend le Conseil, une nouvelle forme de publi cation devrait être établie à l'intention des clients et de nouveaux moyens d'inspections périodiques
mis sur pied pour les besoins du Conseil. Mais ce qui est certain en l'espèce, c'est que l'économie même de la Loi est en jeu et que si la remise en question d'un tel régime doit avoir lieu, elle doit venir du Parlement et non de cette Cour ou de l'idée que se fait le Conseil de la manière dont la Loi devrait être réécrite à la lumière d'un nouveau contexte.
J'accueillerais l'appel, j'annulerais la décision portée en appel et je renverrais la question devant le Conseil pour qu'il l'examine à nouveau en tenant pour acquis que le paragraphe 320(3) de la Loi ne l'habilite pas à exempter une compagnie de l'obli- gation de déposer ses tarifs.
LE JUGE MACGUIGAN: Je souscris à ces motifs. LE JUGE DESJARDINS: Je souscris à ces motifs.
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