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T-90-88
Robert Maxwell Lingley (requérant) c.
Commission consultative d'examen du lieutenant- gouverneur du Nouveau-Brunswick (intimée)
RÉPERTORIÉ: LINGLEY c. NOUVEAU-BRUNSWICK (COMMIS- SION CONSULTATIVE D'EXAMEN DU LIEUTENANT-GOUVER- NEUR)
Division de première instance, juge Reed— Ottawa, 27 janvier et 16 février 1988.
Contrôle judiciaire Brefs de prérogative Certiorari Requérant acquitté de meurtre pour cause d'aliénation men- tale Détention sous garde par ordonnance du lieutenant- gouverneur en conseil en vertu de l'art. 545 du Code criminel
Transfert en Ontario La Commission consultative d'exa- men du lieutenant-gouverneur du Nouveau-Brunswick conti nue à exercer sa compétence Examen annuel requis en vertu de l'art. 547(5)b) du Code Examen tenu au Nouveau- Brunswick en 1985 Le requérant n'a pas eu la possibilité de contester la preuve du psychologue et du psychiatre Absence de preuve devant la Commission quant à la participa tion du requérant à des thérapies conçues pour les délinquants sexuels en Ontario Renouvellement du mandat selon la recommandation de la Commission Refus du requérant d'être transféré à Dorchester pour l'audition de l'examen de 1987 Recommandation de la Commission, fondée sur les renseignements des années précédentes, de n'apporter aucun changement au mandat L'objectif de l'examen annuel est d'examiner l'état mental du détenu à partir des renseignements obtenus au cours de l'année précédant immédiatement l'exa- men L'examen est un trompe-l'oeil La Commission d'enquête a le devoir de faire ressortir les renseignements pertinents La décision rendue en 1985 est arbitraire parce que rendue en l'absence de renseignements sur le passé du requérant en Ontario L'obligation d'agir équitablement n'a pas été respectée en 1985 et 1987 La recommandation de la Commission rendue en 1987 est annulée.
Contrôle judiciaire Brefs de prérogative Mandamus
Requérant acquitté de meurtre au Nouveau-Brunswick pour cause d'aliénation mentale Transfert en Ontario La Commission consultative d'examen du lieutenant-gouverneur du Nouveau-Brunswick prétend continuer à exercer sa compé- tence Le requérant cherche à obtenir un bref de mandamus pour obliger la Commission à reprendre l'examen de 1987 Requête rejetée, la Commission du Nouveau-Brunswick est sans compétence.
Justice criminelle et pénale Acquittement de meurtre au Nouveau-Brunswick Défense d'aliénation mentale Ordonnance de garde rendue par le lieutenant-gouverneur en vertu de l'art. 545(1) du Code Détenu transféré en Ontario
La Commission d'examen du lieutenant-gouverneur du Nouveau-Brunswick prétend continuer à exercer sa compé- tence Le but de la loi est de conférer compétence au lieutenant-gouverneur de la province le détenu est sous garde L'examen annuel du détenu en 1987 (Code, art.
547(5)b)) est un trompe-l'oeil parce que fondé sur la seule preuve dont disposait la Commission à l'époque de l'examen antérieur Recommandation de la Commission annulée par bref de certiorari L'objectif de l'examen annuel est d'éva- luer l'état mental du détenu à partir des renseignements obtenus au cours de l'année précédant immédiatement l'exa- men La Commission a le devoir de faire ressortir les renseignements pertinents et non de s'en remettre à l'initiative du requérant.
Il s'agit d'une requête en vue d'obtenir un bref de certiorari pour annuler la décision de la Commission consultative d'exa- men du lieutenant-gouverneur du Nouveau-Brunswick recom- mandant que le requérant soit maintenu sous garde. Le requé- rant a été acquitté de meurtre parce qu'il était aliéné au moment de la perpétration de l'infraction. Il a été incarcéré au Nouveau-Brunswick jusqu'en 1977; il a alors été transféré en Ontario. L'article 547 du Code criminel porte sur la constitu tion de commissions consultatives d'examen du lieutenant-gou- verneur, lesquelles doivent examiner périodiquement l'état mental des individus sous garde en vertu d'une ordonnance du lieutenant-gouverneur. Bien que le requérant ait été sous garde en Ontario, la Commission du Nouveau-Brunswick prétendait continuer à exercer sa compétence à son sujet. En 1985, le requérant a été transféré temporairement au Nouveau-Bruns- wick, mais il était absent de l'audience lorsque le psychologue et le psychiatre qui l'avaient brièvement interrogé ont témoigné. N'ayant pu prendre connaissance de leurs rapports à l'avance, il n'a pu contester leur preuve. Aucune preuve n'a été présentée à la Commission quant à la participation du requérant en Onta- rio à des programmes de thérapie conçus expressément pour les délinquants sexuels. La Commission a recommandé que le mandat tel qu'il existait soit renouvelé. A l'époque de l'examen de 1986, la Commission disposait des rapports portant sur l'expérience du requérant en Ontario et d'une lettre d'un psy- chiatre ontarien disant que le requérant n'était plus un aliéné mental depuis des années. Les psychologue et psychiatre qui avaient témoigné en 1985 ont affirmé que Lingley n'avait pas changé depuis leur dernier rapport. Cette affirmation n'était fondée que sur une brève rencontre avec le psychologue, Lin- gley ayant refusé de voir le psychiatre. La Commission a recommandé que Lingley ne soit pas libéré. Le requérant a refusé de participer à l'examen de 1987. La Commission a revu la preuve qui lui avait été présentée en 1986 et a recommandé qu'aucun changement ne soit apporté au mandat.
Le requérant a prétendu que la décision rendue en 1987 avait été prise en violation des principes de justice fondamentale garantis par l'article 7 de la Charte. Le requérant a prétendu que (1) la Commission avait utilisé un critère erroné en insis- tant sur la structure de sa personnalité plutôt qu'en examinant si sa condition de psychopathe faisait de lui un danger pour la société ou lui-même. Le requérant a prétendu de plus que (2) aucun fait présenté à la Commission n'est venu appuyer le témoignage d'opinion des médecins. Il a également prétendu que (3) le fardeau d'établir qu'il n'était pas rétabli incombait à la Commission. Le dernier argument du requérant était que (4) la décision de la Commission en 1987 avait été prise en l'absence de preuve ou que la qualité de celle-ci était tellement faible qu'elle équivalait à une absence de preuve.
Jugement: la requête devrait être accueillie.
(1) Bien que la Commission ait formulé le critère dans des termes différents de ceux que la jurisprudence a établis, con- clure qu'elle a appliqué un critère erroné constituerait une critique beaucoup trop formaliste de la décision de la Commis sion, laquelle est composée de membres qui ne proviennent pas de la profession juridique. Selon les faits, la Commission s'est posée la bonne question et il n'appartient pas à la Cour d'intervenir, car la Commission n'a pas commis une erreur manifestement déraisonnable au point de lui faire perdre sa compétence. (2) Une commission d'examen n'est pas soumise aux normes applicables à une poursuite judiciaire (c.-à-d. que le témoignage d'opinion doit toujours être appuyé de faits). De plus, le témoignage d'opinion était appuyé de faits puisque les deux médecins avaient rencontré le requérant et le psychologue avait effectué certains tests dont il avait tenu compte dans sa décision. (3) Il ne serait pas approprié d'imposer à une commis sion d'examen de préciser les règles du fardeau de la preuve qu'elle applique puisque ce serait l'obliger à respecter des règles de preuve applicables à une cour de justice. Ce serait imposer un fardeau trop lourd à la Commission que d'exiger qu'elle établisse «hors de tout doute raisonnable» que la personne sous garde doit être détenue parce qu'elle constituerait un danger pour elle-même ou la société. Quoi qu'il en soit, la norme de preuve requise n'est pas déterminante lorsqu'il s'agit de proté- ger les droits individuels et de les mettre dans la balance avec les responsabilités de l'État envers la société en général dans le domaine de la santé mentale.
(4) Le dernier argument du requérant était bien fondé. La procédure d'examen de l'article 545 est soumise à l'article 7 de la Charte. La Déclaration canadienne des droits et le devoir de common law d'agir équitablement offrent des garanties de protection comparables. La procédure d'examen annuel a pour but de réévaluer l'état mental des individus détenus en vertu des mandats du lieutenant-gouverneur en conseil afin que le dossier d'évaluation soit toujours à jour. Ce réexamen doit se faire à partir des renseignements obtenus sur l'état mental du détenu au cours de l'année précédant immédiatement l'examen bien qu'on puisse tenir compte de renseignements obtenus au cours des années antérieures. Un examen qui n'est fondé que sur la preuve dont disposait la Commission à l'époque de l'examen annuel antérieur, en l'absence de renseignements sur l'année précédant immédiatement l'examen, ne rencontre pas le critère requis. La Commission, à titre d'organisme d'enquête, a le devoir de faire ressortir les renseignements pertinents. En 1985, la Commission n'a pas respecté l'obligation d'agir équitable- ment en rendant une décision sans tenir compte du passé du requérant en Ontario et sur la foi d'opinions exprimées par des médecins du Nouveau-Brunswick qui ne s'étaient entretenus avec le requérant que brièvement. Il en a été de même en 1987. La recommandation de la Commission découlant de l'examen de 1987 devrait être annulée.
Le requérant cherchait également à obtenir un mandamus pour obliger la Commission à reprendre l'examen de 1987. Le paragraphe 547(1) du Code précise que la Commission a compétence «pour examiner le cas de chaque personne qui est sous garde dans un lieu de ladite province». C'est donc la Commission ontarienne qui avait compétence à l'égard du requérant et non la Commission du Nouveau-Brunswick. Cette conclusion reconnaît les difficultés qui peuvent surgir lors- qu'une Commission tente d'examiner le cas d'un individu qui se trouve dans une autre province et le danger que les résidents de
la province le détenu est libéré, et non ceux de la province d'origine, encourraient par suite de sa libération. Cette inter- prétation est également conforme au paragraphe 542(2) qui permet au lieutenant-gouverneur de transférer un individu tout endroit au Canada ... sous réserve du consentement du responsable de l'établissement de l'endroit». Un tel consente- ment n'est pas requis lorsque l'individu est transféré à l'inté- rieur d'une même province. Il n'y a rien dans l'article 545 qui exige du lieutenant-gouverneur de la province d'origine qu'il rende des ordonnances de garde une fois effectué le transfert de l'individu hors de cette province ou qui lui permette d'en rendre, et rien qui interdise au lieutenant-gouverneur de la province l'individu est transféré d'exercer sa compétence en conformité avec le paragraphe 545(1) si l'individu n'a pas été libéré sous condition.
LOIS ET RÈGLEMENTS
Charte canadienne des droits et libertés qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.) art. 7.
Code criminel, S.R.C. 1970, chap. C-34, art. 542(1),(2), 545 (mod. par S.C. 1972, chap. 13, art. 45; 1974- 75-76, chap. 93, art. 69), 547 (mod. idem, art. 71).
Déclaration canadienne des droits, S.R.C. 1970, Appen- dice III.
JURISPRUDENCE
DÉCISIONS APPLIQUÉES:
Re Tandy Electronics Ltd. and United Steelworkers of America et al. (1980), 115 D.L.R. (3d) 197 (C. div. Ont.); Azhar v. Anderson, Cour de district de l'Ont., décision en date du 28 juin 1985, de greffe 609/85.
DISTINCTION FAITE AVEC:
Syndicat canadien de la Fonction publique, section locale 963 c. Société des alcools du Nouveau-Brunswick, [ 1979] 2 R.C.S. 227; Re Hughes Boat Works Inc. and International Union, United Automobile, Aerospace, Agricultural & Implement Workers of America (UAW) Local /620 et al. (1979), 102 D.L.R. (3d) 661 (H.C. Ont.); R. c. Abbey, [1982] 2 R.C.S. 24; Rex v. Nat Bell Liquors, [1922] 2 A.C. 128 (P.C.); Rex v. Smith (1800), 8 T.R. 588 (K.B.).
DÉCISIONS EXAMINÉES:
R. v. Saxell (1980), 59 C.C.C. (2d) 176 (C.A. Ont.); Re Abel et al. and Advisory Review Board (1980), 31 O.R. (2d) 520 (C.A.); Re Egglestone and Mousseau and Advisory Review Board (1983), 42 O.R. (2d) 268 (H.C.); Lingley c. Commission d'examen du Nouveau-Bruns- wick, [1973] C.F. 861; 13 C.C.C. (2d) 303 (l'° inst.); Governor General v. Swamy (Cour de district de l'Ont., décision en date du 12 mars 1986, de greffe 1179/86).
DÉCISIONS CITÉES:
R. v. Swain (1986), 24 C.C.C. (3d) 385 (C.A. Ont.); Banque Nationale du Canada c. Union internationale des
employés de commerce et autre, [1984] 1 R.C.S. 269; Baler v. Bater, [1950] 2 All E.R. 458 (C.A.); Addington v. Texas, 441 U.S. 418 (1979); Ake v. Oklahama, 470 U.S. 68; 105 S. Ct. 1087; 84 L.Ed (2d) 53 (Okla. Crim. App. 1985); U.S. v. Crews, 781 F.2d 826 (10th Cir. 1986); U.S. v. Sloan, 776 F.2d 926 (10th Cir. 1985); Blake v. Kemp, 758 F.2d 523 (11th Cir. 1985).
AVOCATS:
Ronald R. Price, c.r. pour le requérant.
Eugene D. Westhaver, c.r. pour l'intimée.
PROCUREURS:
Ronald R. Price, c.r., Faculté de droit, Queen's University, Kingston (Ontario) pour le requérant.
Le sous-procureur général du Canada pour l'intimée.
Ce qui suit est la version française des motifs de l'ordonnance rendus par
LE JUGE REED: Le requérant présente une requête en vue d'obtenir un bref de certiorari annulant la décision de la Commission consultative d'examen du lieutenant-gouverneur du Nouveau- Brunswick. La Commission est constituée en vertu de l'article 547 du Code criminel [S.R.C. 1970, chap. C-34 (mod. par S.C. 1974-75-76, chap. 93, art. 71)]. Son rôle est de donner des avis sur l'état mental des individus acquittés d'une infraction criminelle pour cause d'aliénation mentale. (La Commission se prononce également sur le cas des individus qui ont été incarcérés pour avoir commis une infraction criminelle et qui sont devenus alié- nés, mais cela n'est pas pertinent en l'espèce.)
Les faits de cette affaire remontent à 1963 lorsque le requérant, alors âgé de 15 ans, a été acquitté d'une accusation de meurtre. Une jeune fille avait été tuée après avoir été agressée sexuel- lement. Le requérant a été acquitté parce qu'il était aliéné au moment l'infraction a été com- mise'. Celle-ci a eu lieu au Nouveau-Brunswick.
' Les paragraphes du Code se lisent actuellement ainsi:
Défense d'aliénation mentale
542. (1) Si, lors du procès d'un accusé inculpé d'un acte criminel, il est déposé que l'accusé était aliéné au moment l'infraction a été commise et s'il est acquitté,
(Suite à la page suivante)
Le lieutenant-gouverneur du Nouveau-Brunswick a ordonné que le requérant soit tenu sous garde. Les articles pertinents du Code criminel [mod. par S.C. 1972, chap. 13, art. 46; S.C. 1974-75-76, chap. 93, art. 69] se lisent actuellement ainsi:
545. (1) Lorsque, en application de la présente Partie, un accusé est déclaré atteint d'aliénation mentale, le lieutenant- gouverneur de la province l'accusé est détenu peut
a) rendre une ordonnance pour la bonne garde de l'accusé dans le lieu et de la manière qu'il prescrit, ou
b) s'il est d'avis que la mesure est dans l'intérêt véritable de l'accusé sans nuire à l'intérêt public, rendre une ordonnance portant libération de l'accusé, soit inconditionnellement, soit aux conditions qu'il prescrit.
(2) Le prévenu visé à l'alinéa (1)a) peut être transféré aux fins de sa réhabilitation à tout endroit au Canada que précise le mandat signé par l'agent qu'autorise à cette fin le lieutenant- gouverneur de la province il est détenu, sous réserve du consentement du responsable de l'établissement de l'endroit.
(3) Le mandat visé au paragraphe (2) donne à toute per- sonne qui a la garde du prévenu le pouvoir de le remettre à la personne responsable du lieu indiqué dans ce mandat et à cette dernière de le détenir de la manière indiquée dans l'ordonnance mentionnée au paragraphe (1).
(4) L'agent de la paix qui a des motifs raisonnables et probables de croire que le prévenu visé à l'alinéa (1)b) n'a pas rempli l'une des conditions prescrites dans l'ordonnance de libération peut l'arrêter sans mandat.
Le requérant a été tenu sous garde au Nouveau- Brunswick (dans divers établissements) en vertu de l'ordonnance du lieutenant-gouverneur jusqu'en 1977. Il a alors été transféré à l'établissement psychiatrique St-Thomas en Ontario.
Le pouvoir du lieutenant-gouverneur de rendre des ordonnances en application de l'article 545 du Code criminel a fait l'objet de remarques dans la décision R. v. Saxell (1980), 59 C.C.C. (2d) 176 (C.A. Ont.), à la page 183:
[TRADUCTION] . .. en l'absence des articles du Code reproduits plus haut, je présume que le droit de se prononcer sur la garde d'un accusé acquitté pour cause d'aliénation mentale revient au
(Suite de la page précédente)
a) le jury, ou
b) le juge ou magistrat, quand il n'y a pas de jury, doit constater si l'accusé était aliéné lors de la perpétration de l'infraction et déclarer s'il est acquitté pour cause d'alié- nation mentale.
(2) S'il est constaté que l'accusé était aliéné au moment l'infraction a été commise, la cour, le juge ou le magistrat devant qui le procès s'instruit doit ordonner que l'accusé soit tenu sous une garde rigoureuse dans le lieu et de la manière que la cour, le juge ou le magistrat ordonne, jusqu'à ce que le bon plaisir du lieutenant-gouverneur de la province soit connu.
lieutenant-gouverneur. Le Parlement s'est maintenant appro- prié ce pouvoir et l'a délégué au lieutenant-gouverneur de sorte que celui-ci tire son pouvoir du Code et non des vestiges de la prérogative royale.
La plupart des événements qui se sont produits à la suite du transfert du requérant en Ontario ne sont pas mentionnés dans le dossier ni pertinents. Il suffit de dire que les conditions de détention du requérant selon le mandat du lieutenant-gouver- neur ont été modifiées à l'occasion par le lieute- nant-gouverneur du Nouveau-Brunswick en réponse aux avis qui, de toute évidence, lui ont été donnés. En mars 1979, le requérant avait été remis en liberté et vivait en Ontario au sein de la société en vertu d'un mandat «moins strict». Alors qu'il vivait dans la société, il a agressé sexuellement deux femmes (en deux circonstances distinctes). Il a été accusé et condamné à dix ans d'emprisonne- ment. Il aura purgé sa peine vers 1990. Il pourrait certes demander d'être mis en liberté condition- nelle mais il ne l'a pas fait. Le requérant a été avisé qu'un mandat du lieutenant-gouverneur l'at- tendait à la sortie de la prison.
Il est bien connu que les critiques portant sur la durée indéfinie de la détention d'individus en vertu des mandats du lieutenant-gouverneur ont été à l'origine des modifications apportées au Code cri- minel en 1969. Les commissions consultatives d'examen du lieutenant-gouverneur ont été créées par suite de ces modifications. Comme nous l'avons mentionné précédemment, ces commissions doivent examiner périodiquement l'état mental des individus sous garde selon les ordonnances du lieu- tenant-gouverneur. L'objet de l'examen est de déterminer si l'individu peut être remis en liberté:
547. (1) Le lieutenant-gouverneur d'une province peut nommer une commission pour examiner le cas de chaque personne qui est sous garde dans un lieu de ladite province en vertu d'une ordonnance rendue en conformité de l'article 545
(2) La commission mentionnée au paragraphe (1) se com pose de trois à cinq membres qui choisissent parmi eux un président lorsque le lieutenant-gouverneur n'en a pas désigné.
(3) Au moins deux membres de la commission doivent être des psychiatres dûment qualifiés et autorisés à exercer la médecine en conformité des lois de la province pour laquelle la commission est nommée et un membre au moins de la commis sion doit appartenir au barreau de la province.
(4) Trois membres de la commission d'examen, dont au moins un psychiatre visé au paragraphe (3) et un membre du
barreau de la province, constituent un quorum de la commission.
(5) La commission doit examiner le cas de chaque personne mentionnée au paragraphe (1),
a) au plus tard six mois après qu'a été rendue l'ordonnance visée dans ce paragraphe relativement à cette personne, et
b) au moins une fois tous les douze mois après l'examen exigé à l'alinéa a), aussi longtemps que cette personne reste sous garde en vertu de l'ordonnance,
et la commission doit, immédiatement après chaque examen, faire un rapport au lieutenant-gouverneur énonçant en détail les résultats de cet examen et indiquant,
c) lorsque la personne sous garde a été trouvée incapable de subir son procès, pour cause d'aliénation mentale, si, de l'avis de la commission, cette personne est suffisamment rétablie pour subir son procès,
d) lorsque la personne sous garde a été trouvée non coupa- ble, pour cause d'aliénation mentale, si, de l'avis de la commission, cette personne est rétablie et, dans l'affirmative, si à son avis, il est dans l'intérêt du public et dans l'intérêt de cette personne que le lieutenant-gouverneur ordonne qu'elle soit libérée absolument ou sous réserve des conditions que le lieutenant-gouverneur peut prescrire, [ou]
J) les conclusions qu'elle estime souhaitables afin de réhabili- ter la personne dont le cas a été examiné et compatibles avec l'intérêt public.
(6) En plus de tout examen qui doit être effectué en vertu du paragraphe (5), la commission doit examiner tout cas men- tionné au paragraphe (1) lorsque le lieutenant-gouverneur le lui demande et elle doit, immédiatement après un tel examen, faire rapport au lieutenant-gouverneur en conformité du paragraphe (5).
Une difficulté apparaît immédiatement lors- qu'on applique ces dispositions au cas du requé- rant: Le paragraphe 547(1) prévoit:
547. (1) Le lieutenant-gouverneur d'une province peut nommer une commission pour examiner le cas de chaque personne qui est sous garde dans un lieu de ladite province ... [C'est moi qui souligne.]
Le paragraphe (5) prévoit:
547....
(5) La commission doit examiner le cas de chaque personne mentionnée au paragraphe (1) ... [C'est moi qui souligne.]
Le requérant n'est pas sous garde au Nouveau- Brunswick. Il est sous garde en Ontario. La Com mission consultative d'examen du lieutenant-gou- verneur du Nouveau-Brunswick prétend toutefois continuer à exercer sa compétence à l'égard du requérant. Je comprends que cette prétention s'ap- puie sur le fait que la commission ontarienne équivalente n'a pas la compétence pour ce faire et parce que l'esprit de la loi envisage un système les commissions d'examen respectives donnent des
avis au lieutenant-gouverneur de la province qui les a nommées. De plus, on tient pour acquis que les avis ne sont donnés qu'à l'égard des personnes sous garde en vertu de l'ordonnance de ce lieutenant-gouverneur.
Quoi qu'il en soit, pour évaluer la prétention du requérant qu'un bref de certiorari devrait être délivré pour annuler la recommandation de la Commission consultative d'examen du lieutenant- gouverneur du Nouveau-Brunswick en date du ler septembre 1987, il est nécessaire de rappeler les faits entourant l'examen annuel de cette année-là ainsi que ceux des années 1986 et 1985.
L'examen de 1985 a eu lieu au pénitencier de Dorchester au Nouveau-Brunswick. M. Lingley, qui était détenu dans l'établissement à sécurité moyenne de Warkworth en Ontario, y a été con duit (avec sa permission). Il a été gardé à Dorches- ter pendant trois mois bien que le psychologue et le psychiatre du pénitencier de Dorchester n'aient eu que de brèves rencontres avec M. Lingley 2 . Même s'il était à Dorchester, il n'était pas présent à l'audition de l'examen lorsque le psychologue (le D' Lapalme) et le psychiatre (le Dr Michel) ont témoigné. M. Lingley n'était pas assisté d'un avocat (sa demande d'aide juridique ayant été refusée). Il n'a pu prendre connaissance des rap ports des psychologue et psychiatre à l'avance de sorte qu'il ne disposait d'aucun moyen efficace de contester ces éléments de preuve.
Au moment de l'examen de 1985, M. Lingley avait participé à des programmes de thérapie en Ontario. Un de ces programmes avait eu lieu au pénitencier de Kingston et avait été expressément conçu pour les délinquants sexuels. Après avoir suivi ces programmes, M. Lingley s'estimait «réta- bli». Il est clair que les psychiatre et psychologue de Dorchester n'avaient jamais entendu parler de ces programmes ontariens. De plus, la Commission consultative d'examen du lieutenant-gouverneur ne disposait, en 1985, d'aucun rapport portant sur les expériences de M. Lingley en Ontario. Il en était ainsi même s'il y avait alors huit ans que M. Lingley était en Ontario. Je cite une partie de la transcription de l'audience de 1985:
2 Il semble qu'il soit demeuré trois mois à Dorchester parce que l'un des membres de la Commission d'examen du Nouveau- Brunswick est décédé subitement.
[TRADUCTION] M. LAPALME: Bien, il [M. Lingley] estime que cela était suffisant pour régler son problème, qu'il a développé de l'empathie et toute sorte d'autres choses.
... c'est du moins ce que M. Lingley dit—nous ne connaissons rien du programme—[C'est moi qui souligne.]
la page 8)
M. LINGLEY: ... Je ne sais ce que vous connaissez du pro gramme SDS. J'aurais souhaité que vous ayez tous les rapports pour avoir une idée générale. Vous auriez demander qu'on vous les expédie.
J'ai un exemplaire de mon profil, je peux vous le remettre. En ce qui me concerne, les données sont très pertinentes puisqu'elles représentent deux ans de thérapie intensive plutôt que 35 ans de rien du tout ...
(aux pages 42 et 43)
M. ROBERTSON: Est-ce que vous vous attendiez à ce que les rapports de ces deux établissements soient envoyés en même temps que vous? [Kingston et Warkworth]
M. LINGLEY: D'après ce que je sais, ils vous ont été expédiés—
LE PRÉSIDENT: Peut-être bien, M. Lingley, mais je n'en sais rien.
(page 64)
La Commission a recommandé que le mandat tel qu'il existait soit renouvelé. A cette date, le mandat précisait que le directeur de l'hôpital psy- chiatrique de St-Thomas avait l'entière discrétion de détenir M. Lingley dans cet établissement ou de lui permettre de vivre dans la société ontarienne (cette version du mandat est datée du 4 avril 1979).
M. Lingley soutient, à l'égard de l'examen de 1985, qu'il y a eu violation des principes de justice fondamentale contrairement à l'article 7 de la Charte [Charte canadienne des droits et libertés, qui constitue la Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982, annexe B, Loi de 1982 sur le Canada, 1982, chap. 11 (R.-U.)] ou aux règles de justice naturelle applicables en common law pour plu- sieurs motifs: (1) sa demande d'aide juridique a été rejetée, on lui a donc refusé le droit à l'assis- tance d'un avocat; (2) il n'a pas reçu une copie des rapports «indépendants» à l'avance, on lui a donc refusé dans les faits de défendre sa cause; (3) on lui a refusé le droit d'être présent tout au long de l'audience. Ceci ne constitue pas une liste exhaus tive de toutes les critiques formulées à l'égard de cette audience.
Lorsqu'il a été question de l'examen de 1986, M. Lingley a adressé au président de la Commission une lettre en date du 11 avril 1986. En voici un extrait:
[TRADUCTION] Je regrette de ne pas être plus enthousiaste et je suis certain qu'il serait dans mon meilleur intérêt d'être présent sauf qu'il n'en est pas vraiment ainsi lorsqu'on me refuse l'assistance d'un avocat de l'aide juridique et le droit de citer des témoins parce qu'ils se trouvent tous en Ontario. De plus, un autre problème est que je refuse de voir le médecin que j'ai vu la dernière fois [Dr Michel] parce qu'il m'a menti en plein visage et j'ai d'ailleurs déposé une plainte à ce sujet ... Ceci, en plus du fait qu'il a inscrit dans son rapport des renseignements inexacts de très grande importance et j'estime que la situation est suffisamment sérieuse sans que des renseignements inexacts ne viennent en aggraver les conséquences. Je n'ai pas l'intention de faire un autre voyage de trois mois au Nouveau-Brunswick et je ne veux pas perdre mon emploi, ma cellule, et cetera, ni rester pris là-bas comme la dernière fois. Je peux envisager un aller-retour rapide mais il faudrait certes me fournir de sérieu- ses garanties ...
Cette fois-ci, des copies des rapports du D r Lapalme et du D r Michel de 1985 ainsi qu'une copie de la transcription de l'audition de l'examen de 1985 lui avaient été remises. Il a fini par accepter de se présenter à l'audition de l'examen de 1986. Il était représenté par avocat. La Com mission disposait des rapports de l'Ontario men- tionnés par le requérant en 1985. Elle avait égale- ment reçu une lettre, en date du mois de juillet 1986, du D r McCaldron, un psychiatre du péniten- cier de Kingston, dans laquelle celui-ci déclarait:
[TRADUCTION] Il [M. Lingley] a maintenant 40 ans. Il a été déclaré «non coupable pour cause d'aliénation mentale» lorsqu'il avait 15 ans. Sous réserve de son passage compulsif à l'acte sexuel en 1978, il n'existe pas une once de preuve qu'il est «aliéné mental» ou malade mentalement au sens traditionnel depuis des décennies ... [il me semble bizarre que le lieute- nant-gouverneur de la province juge nécessaire de le traiter comme mentalement malade compte tenu des circonstances. Il y a des années qu'il n'a pas été malade mentalement] 3 .
Le D r McCaldron ne s'est pas présenté devant la Commission puisqu'il était en Ontario. Sa dernière rencontre avec le requérant remontait à 1982. Une fois de plus, le D' Lapalme a témoigné devant la Commission. Son témoignage était fondé sur une brève entrevue avec le requérant. Le D' Michel a témoigné également même s'il n'avait pas rencon- tré M. Lingley en 1986, celui-ci ayant refusé de le voir. Il est juste de résumer l'essentiel des témoi- gnages du Dr Lapalme et du D ` Michel comme suit: M. Lingley est un psychopathe et, comme tel, il souffre de troubles de structure de la personna- lité; on ne devrait donc pas le considérer comme «rétabli» (quant à savoir si la Commission s'est
3 Ce qui est entre crochets ne figure pas dans la transcription mais j'ai compris que les avocats ont reconnu que ces mots se retrouvaient dans la lettre.
penchée sur le danger pour l'intérêt public que constituerait la libération du requérant, nous y reviendrons). Je cite une partie de la transcription du témoignage du D r Lapalme (page 39):
[TRADUCTION]
Q. En 1986, oui, je crois comprendre que votre rencontre avec M. Lingley n'a pas donné beaucoup de résultat.
R. Non, sauf que j'ai passé une heure à parler avec lui et j'ai remarqué qu'il est le même Robert Lingley avec la même personnalité de base qu'en 1985.
La Commission était d'avis que M. Lingley n'était pas rétabli et qu'il était dans l'intérêt public ainsi que dans le sien qu'il ne soit pas libéré. La recom- mandation était la suivante:
[TRADUCTION] Que lors de sa libération de Warkworth, un établissement à sécurité moyenne du pénitencier fédéral de Campbellford en Ontario, Robert Maxwell Lingley soit trans porté sous garde au Nouveau-Brunswick et que le directeur du centre hospitalier Restigouche à Campbellton dans le comté de Restigouche au Nouveau-Brunswick le détienne sous bonne garde jusqu'à ce que les arrangements soient pris pour le transférer dans un établissement psychiatrique pour qu'il y reçoive les traitements nécessaires à sa réhabilitation.
C'est en ces termes que le lieutenant-gouverneur a délivré un mandat en date du 23 septembre 1986.
Au moment de l'examen de 1987, la Commis sion d'examen a avisé M. Lingley des date et lieu de l'examen. On l'a invité à s'y présenter. Il a refusé. Les responsables de la prison en Ontario ont refusé de le transférer à Dorchester à moins que le requérant ne demande son transfert. Je dois souligner que si M. Lingley s'était trouvé dans la rue et non dans un pénitencier fédéral, la Commis sion consultative d'examen aurait pu lui signifier une assignation à comparaître. Il aurait pu être obligé de se présenter à l'audience en 1987. Le paragraphe 547(7) du Code criminel prévoit:
547... .
(7) Aux fins de l'examen prévu par le présent article, le président de la commission peut exercer tous les pouvoirs, mentionnés aux articles 4 et 5 de la Loi sur les enquêtes, d'un commissaire nommé en vertu de la Partie I de cette loi.
La Commission consultative d'examen du lieute- nant-gouverneur du Nouveau-Brunswick s'est réunie le 14 août 1987. Elle a examiné de nouveau la preuve qui lui avait été présentée en 1986 et a fait au lieutenant-gouverneur le ler septembre 1987 les recommandations reproduites ici en partie:
[TRADUCTION] N'ayant aucun autre rapport médical et psy- chologique à examiner depuis l'audience du 15 août 1986, la Commission est d'avis que son rapport en date du 9 septembre 1986 est toujours en vigueur et recommande qu'aucun change- ment ne soit apporté au mandat existant.
M. Lingley a contesté cette décision en préten- dant qu'elle avait été prise en violation des princi- pes de justice fondamentale que l'article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés lui garantit:
7. Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en confor- mité avec les principes de justice fondamentale.
Il est clair que la procédure d'examen visée par l'article 545 du Code criminel doit être conforme aux exigences de l'article 7: R. v. Swain (1986), 24 C.C.C. (3d) 385 (C.A. Ont.). Même en l'absence des garanties protégées par la Charte, une protec tion équivalente serait assurée par la Déclaration canadienne des droits [S.R.C. 1970, Appendice III] et l'obligation de common law d'agir équita- blement: R. v. Saxel! (1980), 59 C.C.C. (2d) 176 (C.A. Ont.); Re Abel et al. and Advisory Review Board (1980), 31 O.R. (2d) 520 (C.A.); Re Egglestone and Mousseau and Advisory Review Board (1983), 42 O.R. (2d) 268 (H.C.).
La décision prise en 1987 par la Commission consultative d'examen du Nouveau-Brunswick est contestée pour les motifs suivants: (1) en insistant sur le fait que M. Lingley avait une personnalité psychopathique plutôt qu'en examinant s'il était suffisamment rétabli de sa maladie mentale pour ne plus constituer un danger pour la société et pour lui-même, la Commission a utilisé un critère erroné; (2) aucun fait n'est venu appuyer l'opinion du psychiatre et du psychologue; (3) M. Lingley n'ayant pas été examiné par des experts «indépen- dants», il y a eu violation des règles de justice fondamentale; (4) la Commission n'a pas bien précisé le fardeau de preuve qu'elle appliquait; (5) la décision a été prise en l'absence de preuve à son appui; (6) s'il y avait preuve, sa qualité était tellement faible qu'elle équivalait à une absence de preuve.
Selon l'intimée, le requérant a été avisé de l'au- dience du mois de septembre 1987, il a eu la possibilité d'y assister et d'y faire témoigner ses propres psychologues et psychiatres s'il le voulait. Comme nous l'avons mentionné précédemment, le
requérant avait obtenu, en 1987, les rapports de 1985 du Dr Lapalme et du Dr Michel et la trans cription des audiences antérieures. Par conséquent, l'intimée soutient qu'elle s'est conformée aux prin- cipes de justice fondamentale et que le requérant ne devrait pouvoir invoquer son refus d'assister à l'audience comme motif d'annulation de la déci- son. Lors des plaidoiries, on a reconnu que la possibilité pour le requérant de faire témoigner pour son compte des psychiatres et psychologues de l'Ontario était quelque peu illusoire étant donné son incarcération dans un pénitencier fédéral et l'absence de moyens financiers.
Le premier argument du requérant consiste à affirmer que la Commission a utilisé, en 1985 et en 1986, un critère erroné en insistant sur la structure de la personnalité du requérant plutôt qu'en exa- minant si sa condition de psychopathe (laquelle est peut-être toujours présente) faisait de lui un danger pour la société ou pour lui-même. À cet égard, je ne peux conclure que la Commission a commis une erreur qu'on pourrait qualifier de manifestement déraisonnable au point de lui faire perdre sa compétence. Le requérant a invoqué les décisions suivantes sur ce point, Syndicat canadien de la Fonction publique, section locale 963 c. Société des alcools du Nouveau-Brunswick, [ 1979] 2 R.C.S. 227 et Re Hughes Boat Works Inc. and International Union, United Automobile, Aerospace, Agricultural & Implement Workers of America (UAW) Local 1620 et al. (1979), 102 D.L.R. (3d) 661 (H.C. Ont.). Dans ces deux déci- sions, les tribunaux n'ont pu intervenir en raison de l'existence d'une clause privative. Dans les deux cas, les tribunaux ont décidé que si un tribunal commettait une erreur de droit d'une telle ampleur qu'elle était manifestement déraisonnable, le tribu nal siégeant en révision pouvait corriger cette erreur et annuler la décision. En l'espèce, il n'y a pas de clause privative. Cela n'a cependant pas d'importance étant donné ce que je pense de la décision de la Commission.
Le requérant soutient que la Commission a mal interprété le critère qu'elle devait appliquer. Ce critère, énoncé dans la décision Lingley c. Com mission d'examen du Nouveau-Brunswick, [1973] C.F. 861; 13 C.C.C. (2d) 303, (lre inst.), oblige la Commission à se demander si l'individu est malade mental ou déficient mental ou souffre de désordres
psychopatiques au point de constituer un danger pour lui-même ou pour la société par suite de son état. Cela signifie que l'individu peut être malade mental ou souffrir de déficience mentale ou de troubles psychopathiques, mais s'il ne constitue pas un danger pour lui-même ou la société, ces défi- ciences ou troubles ne peuvent justifier qu'on le maintienne en détention. L'avocat du requérant soutient que la Commission a mal interprété le critère parce qu'elle a déclaré dans ses recomman- dations que la question à laquelle elle devait répon- dre était de déterminer si l'individu était guéri de sa maladie mentale, de sa déficience mentale ou de ses troubles psychopatiques de sorte qu'il «ne cons- tituait plus un danger pour lui-même ou pour la société». Je ne suis pas convaincue que la Commis sion s'est posée une mauvaise question. Je ne suis pas convaincue que la Commission a interprété le droit d'une façon manifestement déraisonnable. La Commission a formulé le critère dans des termes différents de ceux que la jurisprudence a établis, mais je crois que conclure que la Commission a appliqué un critère juridique erroné constituerait une critique beaucoup trop formaliste. Je crois qu'il faut éviter d'accorder trop d'importance au libellé d'une décision d'un tribunal composé essen- tiellement de membres qui ne proviennent pas de la profession juridique.
En l'espèce, la Commission compte des membres qui possèdent une expertise en matière de désor- dres mentaux. Au moins deux de ses membres doivent être des psychiatres qualifiés. La preuve que la Commission doit évaluer doit provenir d'ex- perts, l'un étant psychiatre, l'autre étant un pys- chologue également qualifié dans ce domaine. La Commission doit se prononcer sur l'état mental d'un individu et déterminer si cet état permettrait à celui-ci, s'il n'était plus sous garde, de fonction- ner en société sans constituer un danger pour lui-même ou les autres. Je suis convaincue qu'en l'espèce c'est la question que s'est posée la Com mission. Je souligne qu'à la page 21 de la trans cription de l'audience de 1986, le Dr Lapalme déclare:
[TRADUCTION] À mon avis, si M. Lingley demeure un psycho- pathe, il serait toujours dangereux même si nous le soumettions à une foule de traitements. Ce que nous devons faire, c'est l'aider à changer la structure de base de sa personnalité ... En recouvrant sa liberté, tant que tout se déroule bien, il aurait une conduite vraisemblablement normale mais s'il conserve une structure [personnalité] criminelle et une personnalité psycho- pathique, je le considère dangereux.
À mon avis, la Commission disposait de la preuve que le requérant avait une personnalité psychopa- thique qui lui causait certains fantasmes et cette personnalité le rendait dangereux pour les autres s'il n'était pas sous garde. Qu'elle soit bonne ou mauvaise, cette décision relève de la Commission et non des tribunaux. La Commission a précisé- ment pour mandat de rendre cette décision. C'en est une à l'égard de laquelle la règle du respect des décisions administratives devrait s'appliquer. Dans la décision Banque Nationale du Canada c. Union internationale des employés de commerce et autre, [1984] 1 R.C.S. 269, le juge Chouinard, à la page 277, a fait mention de la décision de la Cour divisionnaire de l'Ontario dans l'affaire Re Tandy Electronics Ltd. and United Steelworkers of Ame- rica et al. (1980), 115 D.L.R. (3d) 197, la page 210:
[TRADUCTION] Quel que soit le mode d'expression employé dans les décisions, le message est clair—les cours doivent faire preuve de circonspection en examinant si un tribunal a perdu compétence par suite d'une erreur qu'il aurait commise au cours de l'audience. Le Board peut bien commettre une erreur. Mais, à moins qu'il ne s'agisse d'une erreur manifestement déraisonnable ou à ce point grave qu'elle réclame l'intervention de la cour chargée de révision, cela ne doit pas servir de prétexte pour enlever au Board la protection de la clause privative. [C'est moi qui souligne.]
Je ne pourrais conclure que la Commission a, en 1985 et en 1986, commis une telle erreur.
Les deuxième et troisième arguments sur les- quels je vais me prononcer portent sur la preuve nécessaire pour appuyer les témoignages d'opinion présentés à la Commission et le fardeau de preuve que celle-ci doit appliquer. Le requérant soutient que la Commission a commis une erreur puisque aucun fait ne lui a été présenté appuyant les témoignages d'opinion du D' Lapalme et du Dr Michel. On soutient que le témoignage d'opinion doit toujours être appuyé des faits sur lesquels il se fonde: Re Abel et al. and Advisory Review Board (1980), 31 O.R. (2d) 520 (C.A.); Re Egglestone and Mousseau and Advisory Review Board (1983), 42 O.R. (2d) 268 (H.C.); R. c. Abbey, [1982] 2 R.C.S. 24. De plus, on prétend que puisque la violation de la liberté du requérant est en cause, c'est la Commission qui a le fardeau de la preuve, c'est elle qui doit établir que le requé- rant n'est «pas rétabli». Les décisions suivantes sont mentionnées à l'appui de cet argument: Rex v. Nat Bell Liquors, [1922] 2 A.C. 128 (P.C.); Rex
v. Smith (1800), 8 T.R. 588 (K.B.), à la page 590; Azhar v. Anderson (Cour de district de l'Ontario, décision en date du 28 juin 1985, numéro du greffe 609/85); Governor General v. Swamy (Cour de district de l'Ontario, décision en date du 12 mars 1986, numéro de greffe 1179/86); Bater v. Bater, [ 1950] 2 All E.R. 458 (C.A.); Addington v. Texas, 441 U.S. 418 (1979). Si je comprends bien l'argu- ment de l'avocat, la Commission se devait à tout le moins de préciser les règles du fardeau de la preuve qu'elle appliquait.
Je trouve qu'aucun de ces arguments n'est per- suasif en l'espèce. Concernant l'argument qu'un témoignage d'opinion doit toujours être appuyé de faits, l'arrêt R. c. Abbey porte sur les règles de preuve applicables à un procès. Il ne porte pas sur la nature de la preuve qu'une commission d'exa- men administrative peut examiner. À mon avis, les deux autres décisions mentionnées, Re Egglestone et Re Abel, utilisent le mot «faits» comme syno- nyme de «documents». C'est-à-dire que ces déci- sions viennent affirmer que les documents dont dispose la Commission doivent être divulgués à l'individu dont les droits sont en cause (sous réserve des cas la divulgation pourrait être préjudiciable). Je ne crois pas qu'une commission d'examen soit soumise aux normes applicables à une poursuite judiciaire devant une cour de justice. Qui plus est, les témoignages d'opinion des Dis Lapalme et Michel étaient appuyés de «faits». Les deux avaient rencontré le requérant, bien que briè- vement, et le Dr Lapalme a indiqué que certains tests avaient été faits et qu'il avait tenu compte des résultats dans sa décision. (Échelle d'intelligence de Wechsler pour adultes (wAls); inventaire mul- tiphasique de personnalité du Minnesota (MMPI); The House, Tree, Person, Projective Personality Drawing Test (HIP); Rorschach Ink Blot Projec- tive Personality Test.)
Concernant l'omission de la Commission de pré- ciser les règles du fardeau de la preuve qu'elle appliquait, je crois, une fois de plus, qu'une telle exigence imposerait à la Commission des règles de preuve applicables à une cour de justice. Deux des décisions citées par l'avocat, Rex v. Nat Bell et Rex v. Smith, ne portent pas sur la question du fardeau de la preuve applicable dans une affaire comme en l'espèce. Ces décisions portent qu'une cour d'instance supérieure annulera la décision
d'un tribunal d'instance inférieure si la décision de celui-ci n'est pas appuyée par la preuve. Dans l'arrêt Rex v. Nat Bell, à la page 149, le tribunal a dit:
[TRADUCTION] Le rapport adopté peut être exposé ainsi: en exerçant sa compétence inhérente de surveillance des décisions d'une cour d'instance inférieure, la cour d'instance supérieure doit vérifier s'il existe une preuve à l'appui de la décision rendue par la cour d'instance inférieure, ce qui comporte l'examen de la preuve présentée pour s'assurer qu'elle justifie la déclaration de culpabilité. [C'est moi qui souligne.]
Les décisions Azhar et Swamy portent sur le fardeau de preuve requis pour justifier l'admission forcée de patients sous le régime de la Mental Health Act [R.S.O. 1980, chap. 262] de l'Ontario. Ces décisions portent que le fardeau de preuve est celui qui est requis en matière civile (la prépondé- rance de la preuve) et non en matière criminelle (hors de tout doute raisonnable). Elles affirment également que le fardeau appartient aux médecins signataires des formulaires d'admission forcée et à l'hôpital qui a la garde des patients. À mon avis, la Commission d'examen n'a pas à établir «hors de tout doute raisonnable», à l'occasion de chaque examen, que la personne sous garde doit être détenue parce qu'elle constituerait autrement un danger pour elle-même ou pour la société. Ceci est un fardeau trop lourd. J'ai trouvé un passage qui me semble particulièrement pertinent dans la déci- sion Azhar, à la page 13:
[TRADUCTION] À mon humble avis, la norme de preuve requise, bien qu'importante, n'est pas essentielle lorsqu'il s'agit de protéger les droits individuels et de les mettre dans la balance avec les responsabilités de l'État envers la société en général dans le domaine de la santé mentale. Si la norme est trop exigeante, il semble évident que la société puisse être mise en danger en raison de l'incapacité de médecins honnêtes de détenir et de traiter convenablement des individus dangereux ou potentiellement dangereux qui souffrent malheureusement de désordres mentaux.
En outre, je ne suis pas certaine que la Commis sion soit obligée de préciser le fardeau de preuve qu'elle applique. La Commission ne joue qu'un rôle consultatif, elle doit transmettre ses recom- mandations au lieutenant-gouverneur. Il est inac- ceptable d'imposer à la Commission des règles de preuve applicables à une poursuite judiciaire devant une cour de justice. Si la décision de la Commission n'est pas fondée sur la preuve ou est rendue en violation de la preuve présentée, elle sera annulée par le tribunal siégeant en révision.
Cependant, j'estime que la décision de la Commis sion ne devrait pas être annulée simplement parce que la Commission n'a pas précisé en termes juri- diques le fardeau de preuve qu'elle appliquait.
Selon son quatrième argument, le requérant avait le droit d'être examiné par des psychologues et des psychiatres «indépendants». Cet argument a été présenté sans grande conviction. À l'époque des examens de 1985, 1986 et de 1987, le requérant n'avait pas demandé à être examiné par des méde- cins «indépendants» bien qu'il ait refusé de voir le D' Michel après son aventure en 1985. Ainsi, on soutient que même si ce droit existe, le requérant y a renoncé. Cet argument du droit à un examen par un expert indépendant est fondé sur la jurispru dence américaine: Ake v. Oklahoma, 470 U.S. 68; 105 S. Ct. 1087; 84 L.Ed (2d) 53 (Okla. Crim. App. 1985); U.S. v. Crews, 781 F.2d 826 (10th Cir. 1986); U.S. v. Sloan, 776 F.2d 926 (10th Cir. 1985); Blake v. Kemp, 758 F.2d 523 (11th Cir. 1985). Puisqu'on n'a pas insisté sur l'argument, je n'ai pas l'intention d'en traiter.
Le requérant doit cependant avoir gain de cause sur les cinquième et sixième arguments. Je suis d'accord qu'il n'y avait pas de preuve sur laquelle la Commission pouvait raisonnablement fonder sa décision rendue en 1987 ou, subsidiairement, que la qualité de la preuve était tellement faible qu'on doit conclure qu'il n'y avait aucune preuve subs- tantielle à l'appui de la décision. Il est clair que la procédure d'examen annuel est conçue pour exa miner, annuellement, l'état mental d'individus détenus en vertu de mandats du lieutenant-gouver- neur. Le réexamen doit se faire à partir des rensei- gnements obtenus sur l'état mental du détenu au cours de l'année précédant immédiatement l'exa- men. Cela ne signifie pas que les renseignements obtenus au cours d'années antérieures ne devraient pas être pris en considération. Cependant, un examen qui n'est fondé que sur la preuve dont disposait la Commission à l'époque de l'examen annuel antérieur, en l'absence de renseigenements sur l'année précédant immédiatement l'examen, ne rencontre pas le critère requis. Un tel examen (comme un examen annuel) n'est qu'un trompe- l'oeil. Dans l'arrêt Re Abel et al. and Advisory Review Board (1980), 31 O.R. (2d) 520, la Cour d'appel de l'Ontario dit à la page 532:
[TRADUCTION] L'objectif visé par la mise sur pied d'un conseil consultatif de révision était de créer un organisme indépendant,
possédant une expertise vaste et diversifiée et susceptible d'ac- quérir rapidement une expertise encore plus grande à l'égard du type de problèmes qui lui serait soumis, dans l'espoir que personne ne serait gardé indéfiniment dans un établissement psychiatrique, à demi oublié et sans que son cas ne soit réexa- miné, si ce n'est par le personnel de l'établissement.
Il est clair que l'objectif de l'examen annuel est de réévaluer l'état mental de l'individu régulièrement de sorte que le dossier d'évaluation soit toujours à jour. La procédure suivie par la Commission du Nouveau-Brunswick en août 1987 ne peut rencon- trer cette exigence.
De plus, j'accepte l'argument de l'avocat que la Commission, puisqu'il s'agit d'une commission d'enquête, a le devoir de faire ressortir les rensei- gnements pertinents. Il ne suffit pas à la Commis sion de siéger au Nouveau-Brunswick et de dire au requérant: [TRADUCTION] «Apportez-nous la preuve que vous voulez. C'est vous qui en avez l'initiative». En l'espèce, en 1987, il y avait presque dix ans que le requérant était en Ontario. Il était connu d'individus dans les institutions de la pro vince il avait été détenu. Il a participé à des thérapies et à des programmes d'aptitudes sociales dans ces institutions. Il n'avait pas vraiment son mot à dire sur la preuve présentée devant la Com mission du Nouveau-Brunswick. Il est clair que la Commission et les experts qui ont comparu devant elle connaissaient peu les programmes ontariens auxquels le requérant a participé, ou même son passé dans cette province en général. La Commis sion a certainement adopté une procédure arbi- traire en 1985 en rendant sa décision sans tenir compte de ce passé et sur la foi d'opinions expri- mées par un psychologue et un psychiatre du Nouveau-Brunswick qui ne s'étaient entretenus avec le requérant que pendant quelques heures. En 1986, la situation a été quelque peu corrigée alors que la Commission disposait au moins de copies de certains rapports ontariens. Cependant, même à ce moment, il est clair que les Dis Lapalme et Michel n'ont absolument pas tenu compte des documents ontariens avant de témoigner devant la Commis sion. L'obligation d'agir équitablement envers le requérant n'a certes pas été respectée au cours des procédures d'examen en 1985 et en 1987 et je doute sérieusement qu'il en ait été autrement en 1986 puisque la Commission s'est essentiellement fondée sur la preuve présentée en 1985 et que le D r Michel a témoigné alors qu'il n'avait pas renconré
le requérant. La recommandation de la Commis sion découlant de l'examen en 1987 sera annulée.
Le requérant cherche également à obtenir un bref de mandamus qui obligerait la Commission à reprendre l'examen de 1987. Quoi qu'il en soit, je ne crois pas que cela soit approprié puisqu'il est bientôt temps de tenir l'examen de 1988. J'estime cependant que le redressement demandé soulève une difficulté plus fondamentale. Je doute sérieu- sement que la Commission consultative du Nou- veau-Brunswick ait compétence à l'égard du requérant. Comme nous l'avons mentionné précé- demment, le paragraphe 547(1) du Code criminel précise que la Commission a compétence «pour examiner le cas de chaque personne qui est sous garde dans un lieu de ladite province». Il est difficile de voir comment cette formulation peut accorder compétence à la Commission du Nou- veau-Brunswick à l'égard du requérant. À mon avis, c'est la Commission consultative du lieute- nant-gouverneur de l'Ontario qui a compétence pour examiner l'état mental du requérant et non celle du Nouveau-Brunswick. Une telle conclusion est non seulement conforme à la formulation de la disposition législative mais elle est également con- forme à la réalité qui entoure ce genre d'examen. Cette affaire illustre les difficultés qui peuvent surgir lorsqu'une Commission, constituée et com- pétente dans une province, tente d'examiner le cas d'un individu qui habite depuis longtemps dans une autre province. De plus, si par suite des recom- mandations de la Commission, le lieutenant-gou- verneur libérait le requérant et que celui-ci consti- tue toujours un danger, ce serait les résidents de l'Ontario qui pourraient être en danger et non ceux du Nouveau-Brunswick.
Le requérant n'a pas plaidé l'absence de compé- tence de la Commission du Nouveau-Brunswick devant moi. Le requérant est inquiet parce que, si la Commission du Nouveau-Brunswick n'a pas compétence en vertu des dispositions du Code, il se trouvera dans une situation aucune commission d'examen ne sera obligée d'examiner son état mental et où, en même temps, un mandat l'attend à la sortie de la prison l'obligeant à retourner au Nouveau-Brunswick. L'avocat du requérant sou- tient que les dispositions pertinentes du Code sont mal rédigées, que, si le paragraphe 545(2) accorde au lieutenant-gouverneur le pouvoir d'ordonner le
transfert d'un individu à l'extérieur de ce que j'appellerai sa province d'origine, aucune disposi tion expresse ne détermine qui a compétence à la suite de ce transfert. Si je comprends l'argument, aucune disposition ne précise qui a le pouvoir explicite de rendre des ordonnances de garde après le transfert ou quelle commission consultative d'examen a compétence pour examiner annuelle- ment l'état mental de l'individu.
La lecture de la disposition ne me pose pas la même difficulté qu'à l'avocat. Il me semble clair que l'objet de la disposition est de conférer au lieutenant-gouverneur de la province dans laquelle l'individu est détenu le pouvoir de le transférer ou de le libérer, de restreindre ou d'élargir les condi tions du mandat en vertu duquel il est détenu. De plus, je crois qu'il est plus que clair qu'il appartient à la Commission consultative d'examen de cette province de faire les examens annuels de l'état mental de l'individu. Ainsi, lorsqu'un individu est transféré dans une autre province, ce sont le lieute- nant-gouverneur et la Commission consultative de cette province qui ont compétence à l'égard de cet individu.
Cette interprétation est conforme à l'esprit de la loi contenu dans les dispositions qui permettent au lieutenant-gouverneur de transférer un individu «à tout endroit au Canada» (paragraphe 545(2) du Code) «sous réserve du consentement du responsa- ble de l'établissement de l'endroit». À l'intérieur de la province, le lieutenant-gouverneur n'a pas à obtenir le consentement de la personne qui a la garde de l'individu (paragraphe 545(1) du Code). A mon avis, une fois le transfert dans une autre province effectué, le paragraphe 545(1) permet au lieutenant-gouverneur de cette province de se pro- noncer sur la garde de l'individu. Le lieutenant- gouverneur de cette province est alors «le lieute- nant-gouverneur de la province l'accusé [la personne déclarée non coupable pour cause d'alié- nation mentale] est détenu» au sens du paragraphe 545(1) du Code.
L'opinion selon laquelle le lieutenant-gouver- neur de la province d'origine conserve sa compé- tence lorsqu'un individu est transféré semble fondée sur l'hypothèse que l'ordonnance de garde que rend le lieutenant-gouverneur, une fois qu'une personne est déclarée non coupable pour cause
d'aliénation mentale, s'attache à la personne jus- qu'à sa libération. Suivant l'hypothèse, même si elle peut être modifiée à l'occasion, l'ordonnance revêt une certaine nature permanente qui régit l'individu dès cet instant et elle ne peut être rem- placée par l'ordonnance d'un autre lieutenant-gou- verneur sans, d'une façon ou d'une autre, entraîner la libération de l'individu détenu sous garde.
Ce n'est pas de cette façon que je lis l'article 545 du Code. Le paragraphe 545(1) précise que le lieutenant-gouverneur peut rendre «une ordon- nance» de garde. Le paragraphe 545(2) précise que le lieutenant-gouverneur peut signer un «mandat» pour autoriser le transfert. Je ne vois rien dans l'esprit de la loi qui interdit au lieutenant-gouver- neur de la province l'individu est transféré d'exercer sa compétence en conformité avec le paragrahe 545 (1) si l'individu n'a pas évidemment été libéré sans condition à un moment donné. Je ne vois rien dans le texte de loi qui exige du lieute- nant-gouverneur de la province d'origine ou même qui lui permette de rendre des ordonnances de garde une fois effectué le transfert de l'individu hors de cette province.
Pour les motifs qui précèdent, une ordonnance de la nature d'un bref de certiorari sera décernée annulant les recommandations de la Commission consultative d'examen du Nouveau-Brunswick ren- dues en 1987. Une ordonnance de la nature d'un bref de mandamus obligeant la Commission à tenir une nouvelle audience d'examen en 1987, à l'origine de ces recommandations, est rejetée.
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